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    Plan détaillé Texte intégral Le piège du fantastiqueL’intériorisation de la domination politiqueContre l’idéologie communiste du sacrifice Notes de bas de page Auteur

    Lectures politiques des mythes littéraires au XXe siècle

    Ce livre est recensé par

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    L’Aigle de Kadaré : contre la lecture communiste du mythe de Prométhée

    Ariane Eissen

    p. 355-364

    Texte intégral Le piège du fantastiqueL’intériorisation de la domination politiqueContre l’idéologie communiste du sacrifice Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Bon nombre des œuvres d’Ismaïl Kadaré se concluent par la mort violente d’un personnage (pensons à Avril brisé, à Noces ou aux Tambours de la pluie). Le bref récit intitulé L’Aigle1 (Fayard, 1996) ne fait pas exception, mais offre ceci de particulier que la mort de Max, le protagoniste, prend le lecteur par surprise. Max meurt en effet dans un corps-à-corps sanglant avec l’Aquila montana d’un zoo de province, alors que – Niels Holgerson des Balkans ? – il escomptait s’enfuir à tire-d’aile vers le monde d’en haut. Certes, depuis plusieurs pages, le lecteur avait de quoi s’inquiéter pour la santé mentale du héros ; il doutait du succès de son aventure, dès lors que, dans son vol, Max croisait des aigles avec des squelettes pour passagers. Mais, brutalement, le récit passe ici de la légende à un monde plus proche du nôtre. Le récit s’ouvrait, en effet, comme un conte fantastique : Max, parti acheter des cigarettes, chutait dans les profondeurs de la terre, et, dans un tel univers, son projet de s’enfuir à dos d’aigle n’avait a priori rien d’inconcevable. Sa mort nous fait revenir à la banalité d’une petite ville, où l’on s’interroge sur une double mort inexpliquée, celle d’un homme et d’un aigle. Cette rupture narrative, elle, n’est pas anticipée par le lecteur et transforme le parcours de Max en énigme.

    2Cette rupture dans les codes narratifs n’est-elle pas une manière pour Kadaré de convier le lecteur à la réflexivité, de lui tendre le miroir de ses croyances et de ses schèmes interprétatifs ? À l’aveuglement de Max, qui se voulait un nouveau Prométhée, correspondrait la « naïveté » d’un lecteur qui ignore où on le mène et qui comprend, à la fin du récit, que son trajet interprétatif reste à bâtir. Mon hypothèse sera la suivante : L’Aigle est une méditation, ironique et terrible, sur la notion de sacrifice, où le détournement du fantastique revêt une valeur critique.

    3Pour étayer cette lecture, j’examinerai tout d’abord ce que l’on pourrait appeler le réalisme fantastique du texte, sa manière d’utiliser les codes du fantastique pour tenir un discours sur la réalité politique de l’Albanie. Puis j’essayerai de montrer que ce récit ne peut s’aborder qu’en rétro-lecture, à la lumière d’une allégorie qui transforme l’aigle en symbole de l’État. Enfin, je conclurai sur la manière originale avec laquelle Kadaré revisite le mythe de Prométhée en prenant le lecteur au piège de la fiction et en l’invitant brutalement à s’interroger sur son adhésion à l’idéologie du sacrifice.

    Le piège du fantastique

    4Au début du récit, donc, Max sort, à dix heures du soir, acheter des cigarettes. Selon un horizon d’attente implicite et aussi à la faveur d’un détail (une affiche dans la rue annonce une représentation de La Mouette, clin d’œil à Spiritus), le lecteur peut se croire dans un récit réaliste et situer l’univers de référence dans le monde communiste, en Albanie probablement. Intervient alors la chute de Max, évoquée sur le mode fantastique, puisque s’ouvre un accès improbable (une planche cède, en travers d’un trottoir, et fait tomber le héros dans un trou sans fin) à un monde parallèle, qui ressemble en tout point à celui d’en haut, à ceci près qu’on ne peut le quitter. Dans un effort de cohérence interprétative, le lecteur peut alors voir en Max un « déchu » (11), un « relégué » (19), un « réprouvé » (64), ou, plus précisément, un cadre (de banque), venu connaître « la vie “au coude à coude” avec le peuple » (11), pour reprendre l’expression du cafetier qui est le premier à accueillir Max dans sa nouvelle vie. Cette nouvelle vie est curieusement proche, on l’a dit, de celle qu’il vient de quitter. Max est assigné à résidence, certes ; il ne peut plus voir sa famille. Mais il travaille toujours dans une banque et il noue rapidement une liaison avec annA, double (inverse ?) de son amie d’en haut, Anna.

    5Le lecteur est donc fondé à se croire toujours dans un récit qui se réfère à l’Albanie communiste. De nombreux détails le confortent en ce sens : le zoo est abrité dans une « forteresse illyrienne » (27) ; un lac de montagne (20, 76, 79), aux marges du périmètre assigné à Max, est une frontière peut-être franchissable, comme dans la géographie réelle de l’Albanie2 : annA mêle le russe et l’albanais (40, 47) lorsqu’elle chante et commente le couplet suivant : « Au fond d’un trou/Plus bas que terre/Je me sens malgré tout/au présidium de l’Univers… » ; le père d’annA, relégué lui aussi, a fait tout le trajet vers l’exil en brandissant le portrait du « Guide suprême » (37) ; la mentalité obsidionale de l’Albanie est évoquée aux pages 41 (« […] ce petit pays héroïque qui, bien qu’encerclé, etc., etc. […] ») et 55 (« Tous les journalistes étrangers, quand il en venait encore […] ») ; enfin, lorsqu’il croit s’envoler vers la liberté, à dos d’aigle, Max se souvient d’un vol Tirana-Zurich3 (83).

    6Mais la stabilité de cette visée référentielle ne supprime pas les effets fantastiques du texte. D’une part, le héros ne comprend pas les raisons de sa réclusion. Il erre dans un univers qui a désormais perdu son sens pour lui, aussi bien concrètement que moralement. Les poteaux indicateurs, aux flèches mal orientées (parfois tournées vers le sol !) ne sont plus d’aucun secours (20, 51-52 et 79). Confronté à l’irrationnel des décisions qui l’ont frappé (15, 25), Max éprouve un sentiment d’absurdité, qui nous rapproche de l’univers de Kafka. D’autre part, ce monde d’en bas est celui des Enfers au sens antique du terme : lorsque, trois fois par an, les reclus peuvent entrer en liaison téléphonique avec leurs proches restés en haut, la ligne semble traverser « abîmes et nécropoles » (50). Monde parallèle, avec sa lumière lunaire (19) et ses lois physiques propres (un tunnel peut y surgir en un instant [37] ou un ascenseur ne plus finir de descendre [29-30]), il rappelle que, pour Ismaïl Kadaré, « le seul mode majeur en art » est « la description de l’enfer du point de vue “d’en haut”, celle de l’époque où vit l’écrivain4 ». Et, de fait, cet univers est à la fois fantastique (anormal, inquiétant) et une représentation de l’Albanie communiste, comme on a commencé à le suggérer.

    7Or, cette dualité du texte, qui parle du réel tout en maniant le code fantastique, met le lecteur en fâcheuse posture, puisqu’il ne sait jusqu’où peuvent aller les possibilités de ce contre-monde : si l’on y accède par des moyens surnaturels, pourquoi ne pourrait-on s’en échapper par des voies mystérieuses, comme le suggèrent les vieilles fables ? C’est bien ce qu’espère Max : il se souvient d’une « antique légende à propos d’un aigle qui, survolant des abîmes avec quelqu’un à califourchon sur son dos, lui demandait de temps à autre, en guise de titre de transport, un morceau de sa chair5… » (59). Et cette réminiscence scolaire se mêle dans son esprit à celle de l’aigle anthropophage de Prométhée6 (58). Pourtant, le récit de la mort de Max, à la fin de l’œuvre, fait quitter ce terrain de la légende et retrouver le réel. Max comptait que le volatile, frappé à mort au-dessus du « pays des aigles », lui servirait de parachute, mais, blessé par son propre coup, il se voit mourir dans une chute vertigineuse. Avec le chapitre final et suivant, le lecteur, surpris, comprend que Max n’a en fait pas quitté le sol, que tout son périple à dos d’aigle n’est qu’imaginaire, et qu’il s’est sauvagement entretué avec l’oiseau, sans jamais s’être envolé d’un lac de montagne, mais en étant resté dans un trivial zoo de province.

    8Cette chute (au sens littéraire, cette fois !) est une sorte de butée dans la lecture. Elle constitue le texte en « énigme » (92, 94), en « mystère » (103) ou en « secret » (97, 101), comme l’est la fin de Max pour les témoins du drame, le médecin légiste notamment. Elle donne aussi un premier sens, irréductible et indiscutable, à l’histoire racontée : il s’agit du récit d’une autodestruction. Max s’est cru le maître dans un rapport destructeur où se lit finalement l’évocation d’une pulsion suicidaire. Max a maintenu l’espoir, littéralement perinde ac cadaver, et le lecteur découvre par son aventure la face insensée de cet élan. Max a pensé revivre un mythe héroïque, dont le texte manifeste ultimement le caractère illusoire. Le blanc entre le chapitre VI (mort de Max) et le chapitre VII (épilogue) introduit nécessairement un décalage entre le point de vue du lecteur et celui du personnage, dans une narration par ailleurs dominée par la focalisation interne, et ce jusqu’à l’implosion dans le chapitre VI où, dans un récit à la troisième personne, fait irruption un « je », à l’occasion transformé en « tu » par un mouvement délibératif. Enfin détaché du héros, et ayant sur lui l’immense avantage de posséder plus d’une vie, le lecteur est donc convié à opérer une rétro-lecture.

    L’intériorisation de la domination politique

    9Si Max a transformé le réel par son imagination, au point d’entraîner le lecteur dans sa confusion mentale, le premier geste interprétatif, pour recréer la distance entre le réel et l’imaginaire, sera précisément d’envisager tout le récit comme la fiction d’une aventure intérieure. La prophétie du cabaretier à Max, page 21, y invite d’ailleurs : « […] bien des choses se modifieraient dans son esprit. Il verrait des pistes d’envol, des abrupts là où il n’y aurait en vérité rien de tel. » La suite de cette prédiction peut même déboucher sur une relecture des données de l’histoire : « De toutes les dimensions du monde, il en est une qui deviendrait pour lui dominante : de bas en haut, ou de haut en bas, autrement dit la montée ou la descente. » En effet, elle insiste moins sur l’opposition entre deux mondes (monde d’en haut/monde d’en bas) que sur la perception d’une dimension de la réalité, qui aboutit à un clivage de la représentation. Autrement dit, Max n’est pas relégué dans un univers souterrain d’où il cherche à s’enfuir ; c’est un responsable déchu, qui n’a qu’une idée en tête, retrouver sa place « en haut ». Il n’est pas prisonnier dans une bourgade sans issue, mais enfermé dans son désir d’être à nouveau reconnu par le pouvoir. Plus concrètement encore, il n’y a pas deux femmes (Anna en haut, et annA en bas), mais une seule et même femme, dédoublée dans la vision de Max. À plusieurs reprises, du reste, Max est près de s’en rendre compte, comme à la page 72 ou, dans ses ultimes instants, page 90. Et le juge instructeur, dans l’épilogue, en fait également l’hypothèse, rejoint par le médecin légiste, ce qui permet au lecteur de stabiliser ce plan de signification.

    10La dimension fantastique du texte, ainsi définie comme fantastique intérieur (proche de l’esthétique d’E.T.A. Hoffmann, par exemple), explore les tourments d’un sujet, qui se renie peu à peu, afin de revenir en grâce. Ce thème du sacrifice consenti est explicite dans l’œuvre. Il revient à annA (Anna) de le poser la première, en toute clarté, page 38 : « Pour remonter, il faut consentir un sacrifice. » Max a bien admis qu’il s’agit du sacrifice d’une conscience, puisque, devant la maison de l’ingénieur Dedë Kola (Dédale), qui travaille peut-être aux plans d’un avion qui pourrait le ramener vers les hautes sphères, il s’interroge en ces termes : « […] que vas-tu être obligé de concéder pour prix de cette ascension ? Au début, le monstre te réclamera un tribut qui te paraîtra négligeable… oui, le monstre-État avec l’oiseau de proie pour emblème… Tu penseras le contenter avec un simple morceau de viande. Mais après […] il exigera davantage… Tu lui donneras ton corps, Dédale, puis tu finiras par lui céder ton âme… » (68-69). Et annA reprend en écho, page 75 : « Si la conscience est en jeu, […] tu imagines, je pense, combien doit être lourd le tribut demandé. »

    11Le motif du sacrifice de soi à l’État amène donc à faire une lecture allégorique de l’envol à dos d’aigle et/ou du combat à mort avec le volatile. Par une superposition d’images, l’aigle est non seulement celui de l’antique légende balkanique déjà mentionnée7, mais aussi un symbole fréquent de l’État (l’aigle bicéphale figure sur le drapeau albanais)8, et l’instrument du martyre prométhéen, auquel il est explicitement fait référence, page 58. Or, selon une inversion que lui cache son aveuglement mental, Max a sacrifié sa conscience à l’aigle-État, bien avant de lui donner sa chair en pâture. En effet, si sa « faute » initiale (pour autant qu’il soit possible de l’identifier, tant les décisions politiques relèvent de l’irrationnel dans l’univers de Kadaré) se confondait avec sa réserve et avec son quant à soi (il s’était tu lors d’une réunion qui réglait le sort d’un homme mis en accusation, bien que son chef le sollicitât pour prendre la parole, puis n’avait pas écrit la lettre qu’on lui avait suggéré d’envoyer pour se rattraper [14-16]), à l’inverse, une fois « déchu », il entend se laisser guider sa conduite de l’extérieur. Il vit désormais dans un monde de signes, croyant entendre des « rumeurs », « des phrases à double sens » (43), qui lui transmettent les exigences d’en haut. Des feuillets jetés négligemment dans son escalier et frappés de l’emblème de l’aigle (43) deviennent à ses yeux les éléments d’un jeu de piste interprétatif et se raccordent aux « propos quasi délirants » d’un passant. Pire, dans un surcroît de confusion entre soi et l’autre, il n’écoute pas réellement ce qu’on lui dit, mais présume constamment que son interlocuteur vise à le remettre sur le chemin d’« en haut ». AnnA a beau lui déclarer fermement : « Même si tout le monde remonte, moi, je ne retournerai jamais là-haut » (40), il préfère retenir toutes les démarches tentées par le père de la jeune fille pour revenir en cour.

    12L’altération des facultés mentales de Max est donc à interpréter comme une aliénation au sens politique et non psychiatrique du terme. La « honte » (42, 70) de la déchéance lui est insupportable : il en oublie qu’il a le choix de s’accommoder de la situation, comme annA. Il oublie même que le choix, tout court, est devant lui, et se croit appelé à un sacrifice pour son retour en grâce, un sacrifice qui – en réalité – a déjà commencé par celui de sa conscience. L’indétermination du sens, dans ce récit fantastique, est alors le moyen, pour le lecteur, d’appréhender l’intériorisation de la domination. Max ne distingue plus l’extérieur de l’intérieur, le vrai du faux, le sens même de ses actes (se sauve-t-il ? se perd-il ? qui est le maître dans le couple infernal de l’aigle et de l’homme ?) car il a renoncé à sa forteresse intérieure, celle-là même qui lui a valu de devenir un relégué. En se reniant, il ne pouvait qu’enclencher un processus autodestructeur, dont le sens ultime nous est révélé à la fin, on l’a dit. Max n’est évidemment qu’un exemple d’aliénation parmi d’autres, dans une société en proie à l’irrationnel. La forme brève du récit maintient cet aspect aux marges du texte, centré sur le héros. Kadaré suggère toutefois que la notion même de réalité se dissout dans une société marquée, par exemple, par la rumeur (28, 101), c’est-à-dire par une parole confuse, mêlant vrai et faux et masquant ses énonciateurs et ses modalités énonciatives. Dans cette perspective, le recours au code fantastique s’impose de lui-même et devient un moyen de dénonciation.

    Contre l’idéologie communiste du sacrifice

    13Pour terminer, je voudrais rapidement définir la portée critique de L’Aigle en réfléchissant à la réélaboration à laquelle la figure de Prométhée y est soumise. On sait que ce mythe antique a accompagné Kadaré tout au long de son œuvre9. Mais on s’est parfois hâté de restreindre la portée de la référence antique en y retrouvant le schème de la révolte contre l’injustice du pouvoir, et en faisant de Kadaré un Titan en résistance contre Zeus/Enver Hoxha10. C’est évidemment oublier qu’Ismaïl Kadaré ne pouvait être que sensible à la complexité de la figure prométhéenne, et, sur un autre plan, à son utilisation par le discours de l’idéologie communiste. Dès lors, Prométhée a dans son œuvre plus d’un visage. En tant que champion d’une humanité à qui il a donné la science, le Prométhée kadaréen est nécessairement ambigu : dès les Récits d’outre-temps (Fayard, 1994), Prométhée finit par douter de son geste, et se prend à regretter d’avoir instruit les hommes, ingrats et violents. Kadaré en arrive même à conclure sa reconstitution de la trilogie eschyléenne, Mauvaise Saison sur l’Olympe (Fayard, 1998), comme une tragédie, malgré la réconciliation intervenue entre Prométhée et Zeus : le conflit n’est pas résolu, car il est désormais intériorisé, et Prométhée est à jamais dévoré par l’aigle du doute, partagé entre amour et réprobation pour l’humanité, entre espoir et déception.

    14Par ailleurs, Prométhée est une des images souvent sollicitées par la propagande communiste. Kadaré montre qu’il en a pleinement conscience, aussi bien dans ses essais que dans sa fiction. Dans Printemps albanais (Fayard, 1991), il écrit par exemple : « Dans son ultime délire, la dictature essaie de tromper son monde en se servant de toute la tradition héroïque de l’humanité. À ce moment, elle jette son dévolu sur Prométhée dont le mythe, défiguré par un romantisme vulgaire, par les ignorants et les terroristes, les littérateurs médiocres et les exhibitionnistes de tout temps, constitue une proie facile11. » Et de protester : « Prométhée n’a jamais été un héros du sacrifice inutile12. » Dans Le Concert (Fayard, 1989), la dénonciation est plus frappante encore. On y voit Mao ironiser sur la lecture héroïque du mythe : « Zeus avait commis une erreur en enchaînant Prométhée à un roc. De lui-même, il en avait fait un martyr. Marx en personne l’avait qualifié ainsi, semant du coup la confusion au sein du prolétariat mondial. » Mao ironise, car, pour lui, le véritable héros de l’histoire est évidemment Zeus, qui voulait « créer un homme nouveau », comme l’ère communiste13. Au second degré, Kadaré ironise sur l’ironie de Mao, et révèle le mensonge d’une idéologie, qui, derrière l’apparence contraire, établit le sacrifice prométhéen en moyen de l’oppression et non en protestation efficace contre elle.

    15La perversion de la référence antique par les régimes communistes est donc totale pour Kadaré, qui revient dans L’Aigle au motif du sacrifice de Prométhée, afin de lui ôter toute son aura héroïque : Max croit rejouer les vieilles légendes, quand il ne fait qu’accélérer le processus de destruction enclenché par le pouvoir, auquel il se soumet avec un espoir aveugle. Sa mort dérisoire est tragique, en ce sens qu’il a œuvré à sa propre perte et qu’il est lui-même victime et bourreau. Et la folie à laquelle il succombe est celle de toute une communauté, puisqu’il meurt dans un zoo qui fait figure de cimetière des illusions collectives : prévues pour accueillir les animaux exotiques des pays frères éloignés, les cages sont presque toutes vides à présent.

    16Lire L’Aigle, c’est donc se confronter à l’opacité du récit. D’une part, la figure prométhéenne est dissimulée, par sa réduction à un mythème, sa combinaison avec d’autres références (l’aigle balkanique légendaire, l’emblème de l’État et même la figure de Dédale), et parce que la réécriture réélabore moins la version antique du mythe que ses réceptions modernes. D’autre part, et surtout, l’indétermination du sens propre à l’écriture fantastique ôte toute stabilité à la représentation (nous sommes aussi bien dans l’Albanie communiste qu’aux Enfers). Et la conscience aliénée de Max nous fait hésiter sur l’identité des êtres et des choses (y a-t-il un monde ou bien deux ?), sur la frontière entre l’extérieur et l’intérieur (qui parle à Max ? lui ? les autres ? les autres en lui ?), sur le vrai et sur le faux (se sauve-t-il ? se perd-il ?).

    17La fiction tire évidemment toute sa force de ce piège interprétatif où elle place le lecteur14. Les hallucinations de Max trouvent un relais dans notre imaginaire qui se projette dans le texte. Jusqu’où sommes-nous prêts à croire à l’héroïsme ? à l’idéal sacrificiel ? aux pouvoirs de l’espérance ? Percevons-nous qu’il peut s’agir là des masques séduisants de la tentation du néant ?

    18Parce que Kadaré sait que tout pouvoir s’ancre dans l’irrationnel, il tend à son lecteur le miroir d’un récit où celui-ci fait l’expérience de sa propre déraison.

    Notes de bas de page

    1 Je me référerai à la réédition publiée en 1998 dans la collection « Mille et Une Nuits ». On trouvera également ce récit dans l’édition générale des Œuvres d’Ismaïl Kadaré, au neuvième tome (Paris, Fayard, 2000), précédé d’une brève mais stimulante préface d’Éric Faye.

    2 Voir, dans Elisabeth et Jean-Paul Champseix, 57 boulevard Staline. Chroniques albanaises, Paris, La Découverte, 1990, chapitre XII (p. 103-113), l’évocation des essais pour s’enfuir par les lacs frontaliers du nord et de l’est du pays.

    3 Qui fait écho aux séries de voyages racontés dans L’Ombre, Paris, Fayard, 1994.

    4 Ismaïl Kadaré, Dialogue avec Alain Bosquet, Paris, Fayard, 1995, p. 183.

    5 Il est également question de cette légende dans L’Ombre, op. cit., p. 245.

    6 Significativement, Max oublie que cet aigle a été finalement tué par Héraclès, comme si, dans son esprit, la libération ne pouvait provenir que de l’oblation sacrificielle…

    7 Je n’ai trouvé trace de cette légende (ou « ballade » selon l’indication de L’Ombre) ni dans le Chansonnier des Preux albanais (Paris, Maisonneuve et Larose, 1967), ni dans l’Anthologie de la poésie albanaise (Tirana, Éditons ‘8 Nëntori’, 1983), ni dans le Chansonnier épique albanais (Académie des sciences de la RPS d’Albanie, Institut de culture populaire, 1983), ni dans l’Anthologie de la poésie albanaise (Paris, Éditions Comp’Act, 1998).

    8 Voir Sonia Combe et Ivaylo Ditchev (dir.), Albanie utopie. Huis clos dans les Balkans, Paris, Autrement, 1996, p. 151 : « Le drapeau albanais est un blason d’un chevalier du xve siècle, Skanderbeg, qui, pendant vingt-cinq ans, parvint à arrêter les Ottomans dans les Balkans. Le pouvoir communiste s’était contenté d’ajouter une étoile rouge au contour jaune au-dessus de l’aigle bicéphale noir sur fond rouge » – Dans La Légende des légendes d’Ismaïl Kadaré (Paris, Flammarion, 1995), à la page 178, figure une intéressante reproduction d’une « pancarte albanaise de l’ère communiste », « entièrement conçue dans l’esprit mystico-légendaire » : le drapeau communiste albanais, dans lequel se drape une jeune femme, semble lui donner des ailes, et la transformer en être céleste. On n’est pas très loin d’un double féminin de Max.

    9 Voir Ismaïl Kadaré, Invitation à l’atelier de l’écrivain, Paris, Fayard, 1991, p. 180-181.

    10 Voir, par exemple, la préface générale d’Éric Faye dans le premier tome des Œuvres d’Ismaïl Kadaré (Paris, Fayard, 1993), p. 39-42.

    11 Ismaïl Kadaré, Printemps albanais, Paris, Fayard, p. 211-212.

    12 Ibid., p. 212. – Tout un chapitre de La Légende des légendes est consacré aux « sacrifices » de l’ère communiste et à leur pouvoir mystificateur (p. 230-253). La dévoration du foie de Prométhée est aussi au cœur d’un texte intitulé « Prométhée. À tous les vrais révolutionnaires du monde », dont Alexandre Zotos a donné deux traductions : la première dans Invitation à un concert officiel et autres récits (Fayard, 1985, p. 7-8) ; la seconde, qui « annule et remplace » la précédente, dans De Scanderbeg à Ismaïl Kadaré, CIEREC Travaux XCII, Publications de l’université de Saint-Étienne, p. 172-174 (et note 5, p. 166).

    13 Ismaïl Kadaré, Le Concert, Paris, Fayard, 1989, p. 92, puis p. 90. On trouvera le texte de Karl marx sur Prométhée dans Sur la littérature et l’art, Paris, Éditions sociales, 1954, p. 135-136.

    14 Pour s’en convaincre, on peut comparer (a contrario) avec le traitement de la légende de l’aigle dans La Fille d’Agamemnon (Paris, Fayard, 2003, p. 50-55), sous la forme d’un apologue narratif.

    Auteur

    Ariane Eissen

    Université de Poitiers

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    Ariane Eissen

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    L’ombre, la lisière, la reprise

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    Ariane Eissen

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    1 Je me référerai à la réédition publiée en 1998 dans la collection « Mille et Une Nuits ». On trouvera également ce récit dans l’édition générale des Œuvres d’Ismaïl Kadaré, au neuvième tome (Paris, Fayard, 2000), précédé d’une brève mais stimulante préface d’Éric Faye.

    2 Voir, dans Elisabeth et Jean-Paul Champseix, 57 boulevard Staline. Chroniques albanaises, Paris, La Découverte, 1990, chapitre XII (p. 103-113), l’évocation des essais pour s’enfuir par les lacs frontaliers du nord et de l’est du pays.

    3 Qui fait écho aux séries de voyages racontés dans L’Ombre, Paris, Fayard, 1994.

    4 Ismaïl Kadaré, Dialogue avec Alain Bosquet, Paris, Fayard, 1995, p. 183.

    5 Il est également question de cette légende dans L’Ombre, op. cit., p. 245.

    6 Significativement, Max oublie que cet aigle a été finalement tué par Héraclès, comme si, dans son esprit, la libération ne pouvait provenir que de l’oblation sacrificielle…

    7 Je n’ai trouvé trace de cette légende (ou « ballade » selon l’indication de L’Ombre) ni dans le Chansonnier des Preux albanais (Paris, Maisonneuve et Larose, 1967), ni dans l’Anthologie de la poésie albanaise (Tirana, Éditons ‘8 Nëntori’, 1983), ni dans le Chansonnier épique albanais (Académie des sciences de la RPS d’Albanie, Institut de culture populaire, 1983), ni dans l’Anthologie de la poésie albanaise (Paris, Éditions Comp’Act, 1998).

    8 Voir Sonia Combe et Ivaylo Ditchev (dir.), Albanie utopie. Huis clos dans les Balkans, Paris, Autrement, 1996, p. 151 : « Le drapeau albanais est un blason d’un chevalier du xve siècle, Skanderbeg, qui, pendant vingt-cinq ans, parvint à arrêter les Ottomans dans les Balkans. Le pouvoir communiste s’était contenté d’ajouter une étoile rouge au contour jaune au-dessus de l’aigle bicéphale noir sur fond rouge » – Dans La Légende des légendes d’Ismaïl Kadaré (Paris, Flammarion, 1995), à la page 178, figure une intéressante reproduction d’une « pancarte albanaise de l’ère communiste », « entièrement conçue dans l’esprit mystico-légendaire » : le drapeau communiste albanais, dans lequel se drape une jeune femme, semble lui donner des ailes, et la transformer en être céleste. On n’est pas très loin d’un double féminin de Max.

    9 Voir Ismaïl Kadaré, Invitation à l’atelier de l’écrivain, Paris, Fayard, 1991, p. 180-181.

    10 Voir, par exemple, la préface générale d’Éric Faye dans le premier tome des Œuvres d’Ismaïl Kadaré (Paris, Fayard, 1993), p. 39-42.

    11 Ismaïl Kadaré, Printemps albanais, Paris, Fayard, p. 211-212.

    12 Ibid., p. 212. – Tout un chapitre de La Légende des légendes est consacré aux « sacrifices » de l’ère communiste et à leur pouvoir mystificateur (p. 230-253). La dévoration du foie de Prométhée est aussi au cœur d’un texte intitulé « Prométhée. À tous les vrais révolutionnaires du monde », dont Alexandre Zotos a donné deux traductions : la première dans Invitation à un concert officiel et autres récits (Fayard, 1985, p. 7-8) ; la seconde, qui « annule et remplace » la précédente, dans De Scanderbeg à Ismaïl Kadaré, CIEREC Travaux XCII, Publications de l’université de Saint-Étienne, p. 172-174 (et note 5, p. 166).

    13 Ismaïl Kadaré, Le Concert, Paris, Fayard, 1989, p. 92, puis p. 90. On trouvera le texte de Karl marx sur Prométhée dans Sur la littérature et l’art, Paris, Éditions sociales, 1954, p. 135-136.

    14 Pour s’en convaincre, on peut comparer (a contrario) avec le traitement de la légende de l’aigle dans La Fille d’Agamemnon (Paris, Fayard, 2003, p. 50-55), sous la forme d’un apologue narratif.

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    Eissen, A. (2009). L’Aigle de Kadaré : contre la lecture communiste du mythe de Prométhée. In S. Parizet (éd.), Lectures politiques des mythes littéraires au XXe siècle (1‑). Presses universitaires de Paris Nanterre. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pupo.1458
    Eissen, Ariane. « L’Aigle de Kadaré : contre la lecture communiste du mythe de Prométhée ». In Lectures politiques des mythes littéraires au XXe siècle, édité par Sylvie Parizet. Nanterre: Presses universitaires de Paris Nanterre, 2009. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pupo.1458.
    Eissen, Ariane. « L’Aigle de Kadaré : contre la lecture communiste du mythe de Prométhée ». Lectures politiques des mythes littéraires au XXe siècle, édité par Sylvie Parizet, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2009, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pupo.1458.

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    Parizet, S. (éd.). (2009). Lectures politiques des mythes littéraires au XXe siècle (1‑). Presses universitaires de Paris Nanterre. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pupo.1414
    Parizet, Sylvie, éd. Lectures politiques des mythes littéraires au XXe siècle. Nanterre: Presses universitaires de Paris Nanterre, 2009. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pupo.1414.
    Parizet, Sylvie, éditeur. Lectures politiques des mythes littéraires au XXe siècle. Presses universitaires de Paris Nanterre, 2009, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pupo.1414.
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