Histoire d’un voyage de six semaines
p. 55
Texte intégral
1Voilà bientôt trois ans que ce voyage eut lieu, et le journal que je tins alors n’était guère épais ; mais j’ai eu tant de conversations à propos des incidents qui nous sont arrivés, j’ai si souvent essayé de décrire les paysages que nous avons traversés, que je pense que rien ou presque qui puisse présenter un quelconque intérêt n’a été omis.
2Nous quittâmes Londres le 28 juillet 1814, sous une chaleur que nous n’avions pas connue depuis de nombreuses années1. Je suis toujours incommodée en voyage et ce temps eut sur moi un effet désastreux2, jusqu’à ce que je puisse me rafraîchir en prenant un bain de mer une fois que nous fûmes arrivés à Douvres. Comme nous souhaitions vivement franchir la Manche aussi rapidement que possible, nous choisîmes de ne pas attendre le paquebot du lendemain (il n’était alors que quatre heures de l’après-midi), mais en louant un petit bateau, nous résolûmes d’effectuer la traversée l’après-midi même, puisque les marins nous promettaient un voyage de deux heures.
3La soirée était magnifique : il y avait peu de vent, et les voiles claquaient dans la brise languissante ; la lune se leva et la nuit se fit. Avec elle arriva une houle lente et puissante, ainsi qu’un vent frais, qui rendirent bientôt la mer si agitée que le bateau tanguait violemment. J’avais un mal de mer terrible, et, comme à mon habitude quand je souffre de la sorte, je dormis pendant la plus grande partie de la nuit, m’éveillant seulement de temps en temps pour demander où nous étions et pour toujours recevoir cette triste réponse : « Pas encore à mi-chemin ».
4Le vent était violent et contraire ; si nous ne pouvions pas atteindre Calais, les marins proposaient de faire voile vers Boulogne. Ils nous avaient promis une traversée d’à peine deux heures, mais les heures s’écoulaient et nous étions toujours bien loin de notre destination quand la lune descendit à l’horizon rouge et tempétueux et que les éclairs qui se succédaient rapidement pâlirent avec l’aube.
5Nous avancions lentement contre le vent, quand soudain un gros grain heurta la voile, et les vagues s’engouffrèrent dans le bateau. Même les marins reconnurent que notre situation était périlleuse ; mais ils parvinrent à ariser la voile ; le vent avait maintenant tourné, et les bourrasques nous amenèrent jusqu’à Calais. Alors que nous entrions dans le port, je m’éveillai d’un sommeil agité et vis le soleil se lever, large, rouge et sans nuages sur la jetée.
Notes de bas de page
1 À partir de cette phrase, et jusqu’à la fin, ce passage reprend presque verbatim l’entrée du journal pour le 28 juillet, écrite par Percy. Ont été modifiés notamment les pronoms, « she » devenant « I ».
2 Mary était si malade, explique Percy dans le journal, qu’il fut nécessaire de prolonger les arrêts pour lui permettre de se reposer. Il est probable que ces malaises récurrents aient été dus à un début de grossesse.
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