Remarques sur la traduction et l’annotation
p. 33-36
Texte intégral
La traduction
1Histoire est ici présenté intégralement en français pour la première fois. Des extraits de la Préface, les « Lettres de Genève » et « Mont Blanc » ont fait l’objet d’une traduction par Christophe Jaquet dans Frankenstein sur la Mer de Glace (Chamonix, Éditions Guérin, 2007), accompagnés de quelques passages de Frankenstein se déroulant dans les Alpes, dont la célèbre confrontation de Victor et de la Créature (Vol. II, chap. II). Les traductions de « Mont Blanc » ont été nombreuses, parmi lesquelles celles de Félix Rabbe (1887), Madeleine Cazamian (1960), Yves Abrioux (1998) et Robert Ellrodt (2006)1.
2La présente traduction s’appuie sur la seule version complète à avoir été publiée, celle de 1817, disponible dans la collection « Woodstock Facsimile » (2002). Par la suite, le texte de 1817 fut légèrement modifié par Mary Shelley dans ELA en 1840 et 1845 (deuxième édition) pour les parties en prose, tandis que des corrections minimes furent apportées à « Mont Blanc » par la critique. Le poème publié en 1817 comprend par exemple les vers suivants : « … vast caves / Shine in the rushing torrent’s restless gleam / Which… / Meet in the vale » (v. 120-123, emphase ajoutée), que les éditeurs de CPPBS, entre autres, ont amendé en « … vast caves / Shine in the rushing torrents’ restless gleam/ Which… / Meet in the vale » (« de vastes cavernes / Brillent dans l’éclat incessant des torrents impétueux, / Qui… / Se rejoignent dans la vallée », emphase ajoutée) afin d’obtenir une cohérence grammaticale, « Meet » supposant un sujet pluriel, et sémantique (difficile d’imaginer qu’un torrent « se rejoigne » tout seul). Pour cette raison, la présente traduction tient compte des corrections apportées au poème mais non au texte en prose, qui ne pose pas ce genre de difficultés. Afin d’essayer de faire naître chez le lecteur francophone une impression aussi proche que possible de celles qu’ont pu ressentir les contemporains de la publication, les toponymes ont été reproduits tels qu’ils se trouvent dans le texte, qu’il s’agisse de formes datées avérées (« Chamouni » pour « Chamonix2 », « Montanvert » pour « Montenvers ») ou de transcriptions plus ou moins phonétiques (« St Gingoux » pour « St. Gingolph » ou « Mort » pour « Morre », ce qui donne un jeu de mots inter-linguistique assez savoureux pour qui aime l’humour noir), erreurs pour beaucoup corrigées par Mary Shelley dans ELA ; en outre, l’usage fluctuait encore au début du xixe siècle, où l’on trouve « St Gingo », « St Gengolph » (comme dans le titre de la fig. 3) ou « St Gingouph » à côté de St Gingolph par exemple. Quand le toponyme correspondait à l’usage en anglais, il a bien sûr été traduit : « Arveiron » est ainsi devenu logiquement « Arveyron ». L’utilisation quelque peu aléatoire des accents a été conservée (« Salêve » pour « Salève », etc.), ainsi que les incohérences : Percy Shelley écrit ainsi « Schillon » et « Chillon ». Quant au français fantaisiste qui plut tant au critique de Blackwood’s et qui amena André Koszul à suggérer que la présence de Claire Clairmont comme interprète répondait peut-être à un réel besoin3, il est présenté à l’identique, les termes ou expressions étant en italiques pour indiquer que le passage était en français dans le texte. Dans un esprit de contextualisation historique et littéraire, « Mont » est orthographié avec une majuscule dans « Mont Blanc » et « Mont Salève », contrairement à l’usage en français moderne mais en conformité avec ce qu’écrit entre autres Horace-Bénédict Saussure dans ses Voyages dans les Alpes, cité par Percy Shelley dans la Lettre IV.
3La présentation des titres d’ouvrages reprend celle de l’original, Mary Shelley utilisant les italiques pour Childe Harold et Percy préférant les caractères romains pour « Julie ». La ponctuation idiosyncratique des Shelley, notamment leur enthousiasme commun pour le point-virgule et la virgule, a été conservée autant que possible quand elle ne gênait pas la compréhension ou la fluidité du texte français. Elle crée parfois des effets intéressants : ainsi la syntaxe heurtée à la fin de la traversée liminaire permet-elle d’imiter le déchaînement des vagues au cours de la tempête en mer. Outre cette question de ponctuation, le trait stylistique peut-être le plus insolite du texte tient au caractère hétérogène, voire anarchique, des temps grammaticaux employés, qui contribue peut-être à l’a-temporalité évoquée supra en mêlant passé et présent dans un temps suspendu. L’usage de l’anglais privilégiant au contraire une homogénéité temporelle, il nous a semblé important de restituer cette idiosyncrasie parfois déroutante, comme dans l’exemple suivant :
For from that place there are two roads to Geneva ; one by Nion, in the Swiss territory, where the mountain route is shorter, and comparatively easy at that time of the year, when the road is for several leagues covered with snow of an enormous depth ; the other road lay through Gex, and was too circuitous and dangerous to be attempted at so late an hour in the day.
Car il existe deux chemins pour rejoindre Genève depuis cet endroit. Le premier passe par Nion, en territoire suisse ; la partie montagneuse de cet itinéraire est plus courte et relativement praticable à cette période de l’année, où la route est sur plusieurs lieues couverte d’une neige très épaisse ; l’autre traversait Gex, et il faisait trop de détours et était trop dangereux pour que nous puissions nous y aventurer à une heure aussi tardive.
Le passage du présent au passé pour deux éléments mis exactement sur le même plan, passage difficilement justifiable en français comme en anglais, est relativement fréquent dans le texte (cf. aussi la visite de Chillon dans la Lettre III par exemple).
4Enfin, les unités de mesure ont été conservées. Pour se faire une idée des distances, voici quelques équivalences :
- Lieue de pays : Lieue conforme à celle qui est en usage dans le pays dont il est question (Grand Dictionnaire Universel du xixe siècle de Pierre Larousse).
- Lieue de poste : 3,898 km.
- Mille : Il est possible que Mary Shelley, qui distingue entre les différents types de lieues en usage en France, fasse référence aux unités de mesure françaises, auquel cas 1 mille = 1,9 km, ce qui correspond à la mesure française en vigueur au début du xixe siècle ; mais il peut également s’agir de la mesure anglaise, qui équivaut à 1,609 km depuis la fin du xvie siècle.
L’annotation
5Les notes ont deux buts principaux : préciser certains détails du texte, surtout historiques et géographiques, et replacer l’œuvre dans son contexte en montrant les liens qui unissent ce récit de voyage à d’autres ouvrages. Pour Mary et Percy Shelley, on l’a vu dans l’Introduction, la lecture et l’écriture ne se concevaient pas dans l’isolement mais dans l’échange et le compagnonnage, parfois dans la collaboration. Cela pouvait prendre la forme d’un travail que l’on peut qualifier de commun, dans une plus ou moins grande mesure (comme ici ou dans Frankenstein), ou d’un dialogue avec un auteur et/ou avec ses œuvres, par exemple Byron, Wordsworth ou Coleridge pour les contemporains, et Mary Wollstonecraft (dans la première partie de Histoire) et Rousseau (dans les Lettres de Genève) pour les prédécesseurs.
Notes de bas de page
1 Sur les traductions des poèmes de Shelley, cf. Denis Bonnecase, « Traduire Shelley », Études Anglaises 2008/1 (vol. 61), p. 94-101. Pour les références complètes des traductions citées, cf. la n. 8 à « Mont Blanc » infra.
2 Alexandre Dumas écrit « Chamouny » dans Impressions de voyage en Suisse, t. I : du Mont Blanc à Berne (1833).
3 André Koszul, « Notes and Corrections to Shelley’s ‘History of a Six Weeks’ Tour’ (1817) », Modern Language Review 2 (October 1906), p. 62. Le critique de Blackwood’s évoque « les expressions françaises [qui] tombent parfois délicieusement de la charmante bouche [de l’auteure] » (« now and then a French phrase drops sweetly enough from [the author’s] fair mouth »).
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