Entre littéralité et littérarité : la dimension rhétorique des journaux de Cook
p. 161
Texte intégral
Le lecteur ne se contente pas d’être diverti par un récit de voyage, il veut également apprendre quelque chose1.
1 La valeur documentaire et informative des journaux de Cook signale la force référentielle d’un texte dont l’horizon de lecture est celui d’un récit authentique et objectif, à même de transmettre au lecteur l’expérience vécue par le voyageur-narrateur et de lui offrir une reprographie en mots du monde, ou encore, comme l’écrit Tzvetan Todorov, de « transcrire scrupuleusement le réel, de nous mettre en contact immédiat avec le monde tel qu’il est 2 ». Mais cela est-il seulement possible ? Dans un ouvrage paru en 1997, Christine Montalbetti a justement souligné l’impossibilité du geste référentiel3. L’hétérogénéité du langage et de son objet, l’insuffisance, à la fois qualitative et quantitative, des moyens de la description, ainsi que l’incapacité de la langue à ordonner un monde foisonnant, rendent l’écriture impropre à capturer le réel. Face au danger de l’aphasie, ou tout au moins face aux difficultés que représente la mise en mots de ce monde, le texte a recours à des stratégies de compensation qui visent in fine à combler le fossé qui sépare les mots des choses et se présentent, selon les termes de Montalbetti, comme un « réajustement patient du dire au monde4 ». Qu’en est-il des journaux de James Cook ? Leur fort ancrage dans le réel (il s’agit, rappelons-le, de véritables voyages) et la place hégémonique qu’y occupe le référent, nous autorisent dans une certaine mesure à nous interroger sur le fonctionnement de l’écriture référentielle, à en mesurer la capacité à enregistrer l’expérience du voyageur et à transmettre au lecteur l’image fidèle de ce monde nouveau que le narrateur découvre dans le Pacifique.
Notes de bas de page
1 J. Boswell, The Life of Samuel Johnson, op. cit., p. 839.
2 R. Barthes, Léo Bersani, Philippe Hamon, Michael Riffaterre, et Ian Watt, Littérature et réalité. Paris, Seuil, 1982. Présentation de T. Todorov, p. 7.
3 C. Montalbetti, Le Voyage, le monde et la bibliothèque. Paris, PUF, 1997, p. 1.
4 Ibid., p. 10.
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