Le Pacifique avant Cook
p. 19-29
Texte intégral
1Lorsque le vingt-cinq janvier 1769, l’Endeavour, parti d’Angleterre six mois plus tôt, double le Cap Horn, James Cook n’est pas le premier Européen à pénétrer dans le Pacifique. Avant lui, deux cent cinquante ans d’histoire maritime ont vu défiler dans cette partie du globe quelques-uns des plus grands noms de la navigation et de l’exploration. De Magellan à Bougainville, nombreux sont les navigateurs qui se sont aventurés dans cette Mar del Sur, aperçue pour la première fois par Balboa en 1513.
2Mais quelle connaissance les contemporains de James Cook ont-ils véritablement de cette vaste région qui couvre près du tiers du globe, et qui s’apprête à livrer ses derniers secrets ?
Un océan de difficultés
3Avant que l’aventure du Pacifique ne puisse débuter, il fallut surmonter un certain nombre de difficultés qui, jusqu’au xvie siècle rendirent la découverte et l’exploration des océans impossibles.
4Les premières de ces difficultés étaient d’ordre technique, car ce n’est qu’en atteignant un niveau suffisant de connaissances scientifiques que l’on put s’aventurer véritablement sur cette immense étendue d’eau. Ces difficultés découlaient en premier lieu de la nature même de cet océan. Sa superficie d’abord, 17 000 km dans sa largeur, pour une couverture de 180 millions de km2, face à la taille modeste de la majeure partie des îles qui s’y trouvent. Mais aussi un système de vents et de courants dont il fallait absolument avoir la maîtrise pour que les tentatives de traversée ne soient pas irrémédiablement vouées à l’échec.
5Autre handicap : les navires. Jusqu’au Moyen Âge, aucun bateau n’est conçu pour effectuer de si longs séjours en pleine mer. Il faut attendre les améliorations apportées par les Portugais au xve siècle, avec notamment la construction de navires à deux mâts en 1420, puis à trois mâts à partir de 1435, qui permettent de naviguer contre le vent, pour envisager de se lancer sereinement dans la traversée d’un océan comme le Pacifique. Comme l’écrit Albert Ronsin :
Grâce à un accroissement sensible de la surface de la voilure et à une meilleure répartition de celle-ci, les marins peuvent s’aventurer sans crainte sur des routes nouvelles, même s’ils ne connaissent pas le régime des vents rencontrés. Outre le progrès technique, cette évolution représente une des clés des grands voyages océaniques car elle donne aux futurs marins l’assurance de pouvoir revenir au port quelle que soit la direction des vents1.
À partir du xvie siècle, la qualité des navires s’améliore considérablement, mais ce n’est véritablement qu’au siècle des Lumières qu’une expédition dans le Pacifique peut se concevoir avec une marge de sécurité acceptable, aidée en cela par une qualité croissante des équipages qui composent les navires. Jusqu’alors, le peu de formation des marins, leur recrutement souvent forcé, avaient contribué à rendre les voyages au long cours difficile à accomplir sur une longue durée. Plus d’une expédition avorta à cause de la mauvaise gestion des hommes à bord et des mutineries que cela entraîna. Autre obstacle majeur à l’idée même d’un long séjour en mer : le scorbut. Jusqu’au xviiie siècle, la maladie fait des ravages dans les rangs des marins. Liliane Hilaire-Pérez estime ainsi qu’à cette époque, « les expéditions lointaines déciment 20 % des hommes en mer2 », un pourcentage qui prit parfois des proportions vertigineuses, comme lors de l’expédition de Lord Anson au début des années 1740. L’absence de nourriture fraîche, les régimes à base de biscuits secs et de viande séchée transformèrent de nombreux voyages dans le Pacifique en autant d’épreuves douloureuses où la quête d’une côte hospitalière et généreuse qui permettrait au navire de se réapprovisionner devint l’objectif premier des marins. Enfin, il faut mentionner les techniques rudimentaires de navigation : cartes peu fiables et aucune précision certaine dans les méthodes d’orientation et de positionnement en mer. Si le calcul de la latitude à l’aide du compas, de l’astrolabe, ou encore du sextant, est parfaitement maîtrisé, il en va autrement de la longitude, réputée impossible à évaluer avec certitude. Il faudra attendre le xviiie siècle et les progrès nés du conflit entre tenants du calcul de la distance lunaire et tenants du chronomètre pour que l’on puisse naviguer en sécurité.
6Mais, il est un autre genre de difficultés qui retarda sans doute encore plus profondément la découverte et l’exploration du Pacifique. Il s’agit de l’idée même de l’existence d’un tel océan. Comme le souligne très justement J. A. Williamson, « l’idée même du Pacifique était à cette époque impossible à concevoir, car elle concerne l’océan qui sépare l’Amérique de l’Asie, et jusqu’à la fin du quinzième siècle, l’Amérique n’existe pas3 ». Jusqu’à Christophe Colomb, l’océan qui baigne les côtes occidentales de l’Europe est celui-là même qui baigne les côtes orientales de l’Asie. L’Amérique et le Pacifique apparaissent donc comme les deux facettes d’une même découverte. Pour que l’Amérique fût découverte, il fallut cependant se convaincre que la vaste étendue d’eau qui s’étirait à l’ouest de l’Europe était franchissable. Dès le sixième siècle avant notre ère, des philosophes grecs pythagoriciens avaient établi avec certitude la sphéricité de la Terre. Trois siècles plus tard, le savant alexandrin Eratosthène en mesura la circonférence avec une précision remarquable pour l’époque. Disparu au début du Moyen Âge, ce savoir revint en Occident par le biais des savants musulmans au douzième siècle et avec lui la possibilité, toute théorique alors, de faire le tour de la planète. Aux xiiie et xive siècles, dans le sillage de Marco Polo, de nombreux voyageurs se rendent en Orient, et y établissent peu à peu de fructueux échanges commerciaux. Mais la montée de l’empire ottoman met un terme à ce commerce et dresse un rideau quasi infranchissable entre ces deux parties du monde. Dès lors, les Européens n’auront de cesse de contourner cet obstacle pour trouver une route plus sure vers les richesses de l’Asie. Deux options sont alors en concurrence : voguer sur l’océan Atlantique vers l’ouest et arriver ainsi aux Indes, ou descendre le long des côtes de l’Afrique, en espérant que ce continent ne s’étende pas à l’est et qu’un passage vers l’Orient existe. Ces deux options présentent de nombreuses difficultés. La taille de l’océan Atlantique d’abord. Si Aristote l’a qualifié d’étroit, les disciples de Ptolémée épousent au contraire l’idée qu’il couvre la moitié du globe et qu’il est donc impossible à traverser avec les moyens techniques de l’époque. D’un autre côté, s’aventurer le long de la côte africaine revient à pénétrer une région torride peuplée par l’imaginaire européen de monstres terrifiants, tant sur la mer que sur terre. Malgré l’attrait que constituent les richesses de l’Orient, c’est le découragement qui l’emporte un temps. Pourtant, comme le mentionne John Cawte Beaglehole :
Arrive alors le moment où la peur de l’inconnu s’efface devant sa fascination, le moment où l’expérience se doit d’être tentée, poussée par le doute, et où c’est moins la légende que le savant calcul des opportunités qui motive les marins4.
On connaît la décision de Christophe Colomb d’emprunter la route de l’Atlantique. En 1492, un nouveau continent vient donc s’ajouter à la carte du monde et quelques années plus tard, un nouvel océan. Mais c’est l’option africaine qui va, dans un premier temps, concentrer la plupart des efforts. Sous l’impulsion du prince Henri d’Aviz, dit Henri le Navigateur, les Portugais descendent la côte ouest de ce continent, depuis l’enclave de Ceuta au Maroc, prise en 1415. Madère et les Açores sont visités dans les années 1420. En 1455, les Portugais atteignent les îles du Cap-Vert. Puis, c’est le Congo en 1484, et enfin, en 1488, Bartholomé Diaz franchit le Cap de Bonne-Espérance ouvrant la route de l’océan Indien. Dix ans plus tard, Vasco de Gama est en Inde. L’Empire portugais en Asie du sud-est se construit peu à peu sous l’égide du vice-roi Alphonse de Albuquerque, gouverneur des Indes de 1509 à 1515. En 1511, les Portugais conquièrent Malacca, et en 1542, ils parviennent jusqu’au Japon. Une grande partie du sud-est asiatique se trouve de ce fait sous leur domination.
7Ainsi, au début du xvie siècle, le monde commence à prendre forme sur les cartes des géographes. Les contours des continents africain et asiatique, ainsi que la côte atlantique du continent américain, sont à peu près connus. Reste cette immense étendue d’eau qui se déploie à l’est de l’Afrique et au sud de l’Asie. L’heure de l’exploration du Pacifique vient de sonner.
Deux siècles et demi d’exploration
8Les navigateurs de la Renaissance s’étaient lancés à l’assaut du grand océan avec à l’esprit l’image d’un monde peuplé d’îles et de créatures merveilleuses, de lieux qui abondaient en gibiers et poissons, et dont les arbres ployaient sous le poids des fruits qu’ils portaient ; un monde qui recelait des quantités inimaginables de pierres précieuses et de minerais et qui n’attendait que la venue des Européens pour livrer toutes ses richesses. Fort d’une certitude toute livresque, ces premiers explorateurs avaient projeté leur imaginaire sur leurs découvertes et leurs rencontres, et en avaient bâti une représentation en grande partie fidèle à celle que leur savoir, tant classique que biblique, leur avait transmise.
9De ce monde plus imaginaire que réel, il ne reste presque plus rien au xviiie siècle. L’autorité livresque, qui avait été le moteur des découvertes, perd peu à peu son influence au profit d’observations de terrain rigoureuses et précises qui concourent à préciser la carte du Pacifique à chaque nouvelle expédition.
10Il est possible de diviser les siècles qui séparent Magellan de Cook en trois grandes périodes qui voient chacune l’influence dominante d’une nation particulière. Le xvie siècle est incontestablement celui des Espagnols qui, bâtissant sur les avancées portugaises en matière d’exploration, font de leur entreprise dans l’hémisphère sud une quête de l’or et des épices. C’est également le siècle de l’évangélisation massive des peuplades rencontrées. Magellan, Mendaña, Quiros et Torres en sont les navigateurs les plus célèbres. Si leurs expéditions respectives ne parvinrent pas à offrir à l’Espagne le grand continent austral tant recherché, elles contribuèrent grandement à réduire la zone possible de sa présence et, ce qui est sans doute leur bilan le plus élogieux, portèrent à la connaissance des Européens un grand nombre d’îles nouvelles (Salomon, Marquises, Mariannes, archipel des Vanuatu, etc.), peuplées d’indigènes aux mœurs curieuses et au mode de vie païen, mais qui portaient en germes la promesse de richesses infinies.
11Le xviie siècle appartient aux Hollandais qui, profitant de la fragilité des possessions espagnoles aux extrémités de l’immense empire de Philippe II, s’installent progressivement autour de l’Indonésie. Le sud-est de l’Asie leur servira de tremplin à partir duquel l’exploration du Pacifique sera possible. L’établissement de bases commerciales fiables est ce qui motivera principalement les excursions hollandaises dans la Mer du Sud, menées notamment par Janszoon, Schouten, Le Maire ou encore Tasman et Roggeveen. Ainsi, sous l’égide des Hollandais, un nouveau détroit est découvert au sud du détroit de Magellan (détroit de Le Maire), et dès les années 1640, les côtes nord, ouest et sud de la Nouvelle-Hollande sont cartographiées et en partie explorées. Deux nouvelles îles viennent également s’ajouter sur la carte : la Tasmanie (que Tasman nommera Terre de Van Diemen du nom du gouverneur général de Batavia et organisateur de l’expédition de Tasman), et la Nouvelle-Zélande que ce même Tasman prend pour l’avancée occidentale d’un immense continent qui s’étale au sud-est jusqu’au Cap Horn, sans toutefois prendre la peine de vérifier cette hypothèse. La mort d’Anthony Van Diemen en avril 1645 mit un terme à l’entreprise d’exploration hollandaise dans le Pacifique. Dès lors, les Hollandais se concentrèrent sur les places commerciales qu’ils avaient déjà commencé à développer comme l’Inde, Formose ou le Japon, jugeant inutile de s’investir plus longtemps dans l’aventure infructueuse de l’exploration. Ainsi, les deux principales découvertes de Tasman tombèrent dans l’oubli jusqu’à ce que les navires de James Cook les découvrent à nouveau dans la seconde moitié du xviiie siècle.
12Avec l’arrêt des expéditions hollandaises, l’exploration du Pacifique marqua le pas pendant près d’un demi-siècle. Le Portugal, tout juste libéré du joug espagnol, se concentra sur ses possessions au Brésil. L’Espagne garda pour elle le reste de l’Amérique du Sud et y développa ses colonies, ne souhaitant plus explorer l’océan et découvrir de nouvelles terres que d’autres seraient plus en mesure d’exploiter. De leur côté, Français et Anglais s’occupèrent à bâtir leurs empires respectifs en Amérique du Nord et dans les Antilles. Le Pacifique semblait délaissé, mais les Hollandais restèrent maîtres de la région jusqu’à la fin du xviie siècle, solidement implantés dans les Indes orientales, en Nouvelle-Guinée et sur les côtes nord et ouest de la Nouvelle-Hollande. Tout comme pour les Espagnols cent ans plus tôt, la fin du siècle vit l’influence hollandaise décliner, puis supplantée par l’entrée de deux nouvelles nations sur la scène des océans : la France et l’Angleterre, dont la rivalité sur terre et sur mer demeure l’une des caractéristiques de ce siècle.
13Le xviiie siècle est le siècle de l’amiral Anson, de Wallis, Byron, Carteret, Bougainville, Marion du Fresne, La Pérouse et d’Entrecasteaux. C’est aussi le siècle du triomphe de Cook, qui en une dizaine d’années seulement mettra un terme aux spéculations sur l’existence de la Terra Australia Incognita.
14Dans la première moitié du siècle cependant, le Pacifique attire peu d’expéditions. Seul le Hollandais Jacob Roggeveen, qui découvre l’île de Pâques en 1722, et le Danois Vitus Bering qui parvient à établir l’existence d’un détroit séparant les continents asiatique et américain, contribuent à une amélioration substantielle de la carte de l’océan. En Angleterre, l’expédition conduite par Lord Anson en 1740 n’apporte aucune nouvelle découverte. Pour autant le débat autour de cet océan et du mythique continent austral ne disparaît pas : John Campbell en Angleterre et le Président Charles de Brosses en France sont persuadés de son existence et soulignent avec force l’importance de sa localisation exacte. Dans les années 1760, Alexander Dalrymple, correspondant du Président de Brosses et des cartographes français, membre de la Royal Society et premier hydrographe de l’Amirauté, développe l’hypothèse continentale la plus aboutie, fondée sur les relations des voyageurs dans les Mers du Sud et sur les analogies fournies par la nature. L’existence du continent austral est pour lui une évidence scientifique dictée par l’importante surface recouverte par la mer dans l’hémisphère sud, qui appelle la présence d’une surface équivalente de terre pour qu’un équilibre soit atteint avec l’hémisphère nord. Cette terre se situe nécessairement dans le Pacifique, et ses immenses richesses sont source d’un profit commercial qu’il faut exploiter avant que d’autres nations ne s’en emparent. « Les miettes de cette table suffiraient à maintenir le pouvoir et la souveraineté de la Grande-Bretagne en employant l’ensemble de ses navires et de ses manufactures », écrit-il5.
15La Guerre de Sept Ans empêche cependant l’Angleterre et la France de mettre en pratique les recommandations du président de Brosses, de Campbell ou de Dalrymple. En 1763, la fin du conflit ouvre une période de paix relative qui va permettre à ces deux pays d’aller s’affronter sur un autre terrain : celui de la découverte et de la science. L’engouement pour le Pacifique va s’en trouver dynamisé. L’opinion publique s’en saisit. Comme l’écrit, Johann Reinhold Forster dans la préface à sa traduction du Voyage autour du Monde de Bougainville, publiée à Londres en 1772 : « Les voyages autour du globe sont depuis peu un sujet de conversation universel6 ». Ce véritable engouement pour le Pacifique et le continent austral trouve un écho chez Andrew Kippis, le premier biographe de James Cook :
L’auteur de ce récit se rappelle parfaitement combien son imagination fut captivée dans sa prime enfance par l’hypothèse d’un continent sud. Il y a souvent songé avec enchantement et a lu avec délectation les auteurs qui soutenaient son existence et exposaient les immenses conséquences qu’apporterait sa découverte7.
Les expéditions des années 1760
16La première expédition dans le Pacifique qui suit le traité de Paris de février 1763 est celle du commodore John Byron, grand-père du poète, et qui avait été membre de l’expédition de George Anson dans les années 17408.
17La mission consiste à acquérir une base en Atlantique permettant un contrôle de l’accès à la Mer du Sud. À ce titre, les îles Falkland semblent être un choix judicieux. Dans les instructions que Byron reçoit de l’Amirauté, il est également spécifié qu’il doit se mettre en quête de l’île de Pepys, supposée alors proche des Falkland, puis remonter progressivement la côte américaine afin d’y trouver un passage vers la baie de Hudson9. En cas d’échec, il lui est demandé de traverser le Pacifique en direction de la Chine et de rentrer en Angleterre via le Cap de Bonne-Espérance.
18Le 21 juin 1764, le Dolphin et le Tamar quittent l’Angleterre et arrivent quelques mois plus tard sur la côte patagonienne, au niveau du détroit de Magellan. Entre novembre 1764 et janvier 1765, Byron parcourt cette région explore les Falkland, dont il prend possession au nom du roi George III. De retour dans le détroit de Magellan, Byron et son équipage aperçoivent les géants de Patagonie, qu’Antonio Pigafetta avait déjà mentionnés lors de l’expédition de Magellan au début du xvie siècle. Après sept semaines passées à traverser le détroit, les navires pénètrent dans le Pacifique en avril 1765. Byron décide alors d’abandonner ses instructions et de partir à la recherche des îles Salomon selon un itinéraire nord-nord-ouest. En juin 1765, il arrive ainsi dans le nord de l’archipel des Tuamotu et y croise deux îles : Napuko et Temoto. Il n’y débarque pas, ne trouvant aucun ancrage fiable et des indigènes selon toute apparence hostiles10. Quelques jours plus tard, une troisième île, Takaroa, permet aux navires de faire relâche. Poursuivant sa route vers l’ouest, Byron arrive à Tinian dans les Mariannes le 31 juillet, avec un équipage éreinté et ravagé par le scorbut. Après quelques semaines de repos, l’expédition repart vers les Indes Orientales et se rend à Batavia. En décembre 1765, les deux navires reprennent leur route, rejoignent le cap de Bonne-Espérance et atteignent l’Angleterre le 9 mai 1766, moins de deux ans après leur départ, sans avoir pu localiser l’île de Pepys, ni retrouver les îles Salomon de Mendaña.
19L’Amirauté ne se laissa pas décourager et le Dolphin fut remployé presque aussitôt, confié cette fois à Samuel Wallis, secondé par Philip Carteret à bord du Swallow. Cette nouvelle expédition quitte Plymouth le 22 août 1766 avec pour mission principale de rechercher le continent austral. Après une longue et pénible traversée de l’Atlantique, due notamment au mauvais état du Swallow, les navires arrivent le 17 décembre à l’entrée du détroit de Magellan. Presque quatre mois plus tard, le 17 avril 1767, ils pénètrent dans le Pacifique, après ce qui restera sans doute l’une des traversées les plus longues de l’histoire de ce détroit. Peu de temps après, le mauvais temps sépare les deux navires. Le capitaine Wallis choisit alors de sillonner le Pacifique selon un itinéraire nord-ouest, et le 6 juin, alors que l’équipage du Dolphin commence à souffrir considérablement du scorbut, le navire arrive dans l’archipel des Tuamotu. Deux îles y sont découvertes, Pinaki et Nukutavake, que Wallis nomme respectivement Whitsun Island et Queen Charlotte’s Island. Devant l’impossibilité de trouver un ancrage convenable, le Dolphin poursuit sa route et quelques jours plus tard de nouvelles îles sont croisées : Vairaatea, Paraoa, Manuhangi, Nengomengo et Mehetia. Enfin, le 18 juin, Tahiti est découverte11. Le Dolphin accoste quelques jours plus tard à Matavai Bay dans le nord de l’île. Les premières rencontres entre marins anglais et indigènes sont tendues, mais au bout de quelques jours, les relations prennent un tour agréable, et l’île fournit alors tout ce dont l’équipage a besoin pour se reposer de ces longs mois passés en mer12. Le 26 juillet, le Dolphin appareille et fait voile vers l’ouest, où quelques îles supplémentaires viennent s’ajouter à la liste des découvertes : Tapuaemanu, Mopihea, Niuatoputapu et Tafahi13. Poursuivant sa route vers le nord-ouest, l’expédition arrive dans l’archipel des Mariannes en septembre 1767. Le 13 de ce mois, l’île de Tinian est en vue. Les marins s’y reposent pendant quelques semaines et le 15 octobre le Dolphin reprend sa route pour rejoindre Batavia à la fin du mois de novembre. Enfin le 20 mai 1768, l’expédition prend fin avec l’arrivée du navire en Angleterre, après un voyage plutôt court, six cent trente-sept jours seulement, mais fructueux, puisque Wallis ramène avec lui la nouvelle de la découverte de celle que l’on nommera plus tard la perle du Pacifique : Tahiti.
20On se souviendra que le Dolphin et le Swallow avaient été séparés en avril 1767 au sortir du détroit de Magellan. Pendant que Wallis choisit de faire route vers le nord-ouest, Philip Carteret, capitaine du Swallow, opte pour l’île de Juan Fernandez, située plus au nord, afin de s’y approvisionner en vivres. En mai, l’île est atteinte. Après y avoir pris de l’eau et constatant que l’archipel est en fait occupé par les Espagnols, Carteret décide de poursuivre plus au nord, pour vérifier si les îles de Saint-Ambroise et Saint-Félix pourraient servir de base navale aux Anglais. Mais c’est en vain que le Swallow sillonne la zone, les îles ne sont pas retrouvées.
21Le 17 juin, le navire fait route vers l’ouest, et quelques jours plus tard, le 2 juillet, tombe sur une minuscule île, qui acquerra une notoriété considérable quelques années plus tard lorsque Fletcher Christian et les mutins du Bounty y trouveront refuge : Pitcairn Island. Toujours plus à l’ouest, trois nouvelles îles sont aperçues dans la frange sud de l’archipel des Tuamotu. Carteret, à l’instar de Wallis, leur attribue des noms de la famille royale : Bishop of Osnaburgh’s Island (Tenatagi), en hommage à Frederick Augustus, second fils de George III et évêque d’Onasburgh, ainsi que les deux Duke of Gloucester’s Islands, qui portent ce nom aujourd’hui encore. Des conditions météorologiques peu clémentes, alliées à une présence accrue du scorbut à bord et un mauvais état général du navire, mettent à ce moment là plus d’une fois le Swallow en péril. Au grand soulagement de l’équipage, un groupe d’îles est aperçu le 12 août. Carteret nomme l’archipel Queen Charlotte’s Islands. Il s’agit en fait de l’archipel de Santa Cruz, découvert par Quiros au début du xvie siècle. Malheureusement pour les marins, les relations très tendues avec les indigènes forcent Carteret à poursuivre sa route pour trouver un port d’ancrage plus sûr afin de pouvoir se ravitailler, effectuer les réparations nécessaires sur le navire, et faire se reposer un équipage ravagé par le scorbut. Ainsi, le 26 août le Swallow arrive au large de la Nouvelle-Bretagne et y découvre notamment que la baie que William Dampier avait identifiée en janvier 1700 (Saint George Bay) est en fait un détroit qui coupe l’île en deux, révélant la présence d’une seconde île que Carteret nomme alors Nova Hibernia, la Nouvelle-Irlande. À l’automne, le navire repart pour la baie de la Table en Afrique du Sud, où l’équipage séjourne du 28 novembre 1768 au 6 janvier 1769. Enfin, après une dernière escale à l’île d’Ascension, où il rencontre la Boudeuse de Bougainville de retour elle aussi de son tour du monde, le Swallow arrive en Angleterre le 20 mai 1769, au moment même où James Cook, parti d’Angleterre quelques mois plus tôt, a pris ses quartiers à Tahiti.
22Il reste un grand nom de l’histoire de l’exploration du Pacifique à évoquer avant d’en arriver à James Cook : celui de Louis-Antoine de Bougainville. À la différence de ses contemporains anglais, Bougainville n’est pas un marin professionnel. C’est un soldat, issu de la noblesse, qui connaît bien les Anglais pour les avoir combattus au Canada avec le marquis de Montcalm, pendant la guerre de Sept Ans. Il y a chez Bougainville comme une revanche à prendre sur le vieil ennemi, qu’il va chercher à affronter sur le terrain plus pacifique des océans.
23À la fin de la guerre, Bougainville s’engage dans la marine et offre de financer une expédition vers les Malouines, nom français des îles Falkland, afin d’y établir une base navale. Le lieu est alors la porte d’entrée du Pacifique et il convient donc d’en avoir le contrôle. L’expédition doit être de surcroît montée rapidement afin d’éviter que les Anglais ne s’y installent en premier. Mais dans le contexte apaisé des années d’après-guerre et devant les nombreuses difficultés que représente l’implantation d’une colonie permanente dans ces terres lointaines, Bougainville reçoit comme ordre de remettre officiellement les Malouines aux Espagnols, alliés de la France, qui réclament cet archipel comme faisant naturellement partie du continent sud-américain. Ce sera là le but premier du voyage que Bougainville entreprend en 1766. Mais l’expédition a également un autre objectif : parcourir le Pacifique, y découvrir de nouvelles terres et pourquoi pas, le mythique continent austral. Le 15 novembre 1766, la frégate La Boudeuse et la flûte L’Étoile quittent donc le port de Nantes, avec à leur bord plus de deux cents hommes, dont le naturaliste Philibert Commerson et l’astronome Pierre-Antoine Véron, et le 22 mars 1767, l’expédition arrive aux Malouines. Le 1er avril 1767, les îles sont officiellement remises à L’Espagne. Divers problèmes liés à L’Étoile empêchent la mission d’exploration de commencer avant le 26 janvier 1768, date à laquelle les deux navires franchissent le détroit de Magellan et pénètrent dans le Pacifique. La première idée de Bougainville est de se rendre dans l’archipel de Juan Fernandez afin d’y effectuer un certain nombre d’observations astronomiques. Mais les vents contraires ne permettent pas de mener ce projet à bien et les Français en profitent pour tenter d’éclaircir le mystère de Davis Land, terre qui aurait été aperçue par le capitaine Edward Davis au large des côtes chiliennes et qui a longtemps été considérée comme la probable pointe nord du continent austral. Jusqu’au 14 février, les navires sillonnent la région et devant l’absence de terres, les marins concluent que Davis Land n’est autre que l’île de Saint-Ambroise ou l’île de Saint-Félix14. Dès lors, la décision est prise de faire route vers l’ouest. En mars 1768, alors que l’expédition est entrée dans l’archipel des Tuamotu, plusieurs îles sont croisées, et en raison des dangers que les marins rencontrent à naviguer dans cette région, l’ensemble est nommé Archipel Dangereux15.
24Le 4 avril les Français arrivent à Tahiti, quelques mois seulement après Samuel Wallis et un an avant que James Cook n’y débarque. La dizaine de jours enchanteurs que les membres de l’expédition y passent sont à l’origine de l’image paradisiaque de cette île, décrite par Commerson comme un véritable paradis sur terre, et que Bougainville nomme alors la Nouvelle-Cythère16.
25En quittant Tahiti le 14 avril, les Français prennent à leur bord un jeune indigène, Aotourou, frère du chef Ereti, qui deviendra ainsi le premier Polynésien à se rendre en Europe, quelques années avant Omai, ramené à Londres par le capitaine Tobias Furneaux lors de la seconde expédition de Cook. Les deux navires font route vers l’ouest et arrivent au mois de mai 1768 dans un archipel que Bougainville nomme Archipel des Navigateurs, et où il croit à tort reconnaître les îles Amsterdam et Rotterdam de Tasman17. Toujours plus à l’ouest, l’expédition arrive le 22 mai dans l’archipel des Vanuatu que Bougainville baptise alors Grandes Cyclades et qu’il identifie avec l’Austrialia del Espirito Santo de Quiros, croyant y voir la baie de Saint-Jacques et Saint-Philippe décrite par le navigateur espagnol18. Mais ici, point de continent. Quiros se serait-il trompé ? Le dit continent se trouverait-il ailleurs ? Et qu’y a-t-il plus à l’ouest19 ? Pour éclaircir ce point, Bougainville décide de continuer dans cette direction en suivant la même latitude, jusqu’à ce que les navires tombent sur la côte orientale de la Nouvelle-Hollande. Le 4 juin, les premiers récifs de la Grande Barrière de Corail sont en vue, et devant leur nombre croissant, Bougainville décide de virer au nord, perdant ainsi l’occasion d’être le premier Européen à atteindre la Nouvelle-Hollande par sa côte orientale. Le 10 juin, la pointe sud de la Nouvelle-Guinée est en vue et à la fin du même mois, La Boudeuse et L’Étoile se trouvent dans l’archipel des Salomon. Trois îles y sont alors découvertes : Bougainville, Choiseul et Buka. À la fin du mois de juillet, les navires croisent la Nouvelle-Bretagne, puis les Moluques et arrivent à Batavia en septembre où les marins se reposent quelques semaines. Le 18 octobre, l’expédition amorce son voyage retour vers la France et traverse l’océan Indien. Après une escale à l’île Maurice en novembre 1768, puis au Cap en janvier 1769, La Boudeuse rattrape le Swallow de Carteret en Atlantique le 25 février, et les deux capitaines entrent en communication le lendemain, chacun essayant de cacher à l’autre sa provenance et le but de son voyage. Enfin, le 16 mars 1769, La Boudeuse arrive à Saint-Malo. En vingt-huit mois de voyage, Bougainville n’aura perdu que sept hommes20.
26Ainsi, au moment où James Cook s’apprête à pénétrer dans le Pacifique, cet océan n’est plus tout à fait inconnu. Les principaux archipels qui s’y trouvent ont été découverts et visités, et trouvent alors leur place sur les cartes de l’époque, bien que le degré de précision soit encore à améliorer. Pourtant un grand nombre d’îles est encore à découvrir, à explorer, à cartographier, à placer correctement sur les cartes de navigations, pour que la Mer du Sud soit parfaitement maîtrisée. Certaines de ces îles, comme la Nouvelle-Zélande par exemple, posent alors problème aux géographes et restent entourées de mystère. C’est le cas également de la côte orientale de la Nouvelle-Hollande, et de son lien avec la Nouvelle-Guinée.
27Mais au-delà de ces questions, deux problèmes majeurs continuent à hanter les géographes et les navigateurs depuis des siècles. Le continent austral existe-t-il ? Et s’il existe, où se situe-t-il ? Et qu’en est-il du mythique passage du nord-ouest permettant de relier océans Atlantique et Pacifique à travers le continent nord-américain ? L’arrivée de James Cook sur la scène du Pacifique va permettre de répondre de manière définitive à toutes les questions qui animent les débats de géographes et le travail des navigateurs de l’époque. En dix ans de navigation, au cours de trois expéditions qui lui feront sillonner le Pacifique de l’Arctique à l’Antarctique, le capitaine Cook va apporter réponse à la majeure partie des problèmes que pose alors cet océan, faisant écrire quelques années plus tard à Charles Darwin que le bilan des expéditions menées entre 1768 et 1779 avait été tout simplement de rajouter un hémisphère à notre planète21.
Notes de bas de page
1 A. Ronsin, Découverte et baptême de l’Amérique, Montréal, Éditions Georges Le Pape, 1979, p. 25.
2 L. Hilaire-Pérez, L’Expérience de la mer. Les Européens et les espaces maritimes au xviiie siècle, Paris, Éditions Seli Arslan, 1997, p. 295.
3 J. A. Williamson, op. cit., p. 3.
4 J. C. Beaglehole, The Exploration of the Pacific, Stanford, Stanford University Press, 1966, p. 8.
5 A. Dalrymple, An Account of the Discoveries made in the South Pacific Ocean, previous to 1764. Cité dans J. C. Beaglehole, Ibid., p. 193.
6 Ibid., p. 194.
7 A. Kippis, The Life of Captain James Cook, vol. I. Basil, printed by J. J. Tourneisen, 1788, p. 220.
8 John Byron embarqua à l’âge de dix-sept ans à bord du Wagner, qui faisait partie de l’escadre du commodore Anson. Ce navire fit naufrage en 1741 sur la côte chilienne, au nord du détroit de Magellan. Suite à une mutinerie, le capitaine du Wagner fut abandonné sur une île déserte avec quelques-uns de ses officiers, au nombre desquels était Byron, et une vingtaine de matelots. Une tribu indienne les aida à rejoindre le Chili. Byron resta dans ce pays jusqu’en 1744. La plupart de ses compagnons d’infortune étaient morts. Le capitaine Cheap, Byron, et un autre officier, revinrent seuls en Angleterre en 1745, sur un bâtiment de Saint-Malo.
9 L’île de Pepys fut aperçue et décrite en 1684 par le capitaine Ambrose Cowley. Elle tient son nom de Samuel Pepys, lord de l’Amirauté. Au xviiie siècle, plusieurs expéditions tentèrent en vain de la retrouver, mais ni Lord Anson, ni Bougainville, ni même Cook n’y parvinrent. Dans les années 1780, le journal de Cowley fut retrouvé et sa lecture montra que l’île de Pepys n’était probablement qu’une des îles Falkland, conclusion à laquelle était également parvenu Byron lors de son expédition de 1765.
10 Byron nommera ces îles : îles de la Déception.
11 Les noms octroyés aux îles découvertes sont autant d’occasions de rendre hommage aux grands personnages du royaume. Ainsi Vairaatea est appelée Earl of Egmont’s Island, en l’honneur de Lord Egmont, premier Lord de l’Amirauté de 1763 à 1766, et instigateur de l’expédition. Les autres îles croisées à cette période reçoivent des noms de la famille royale : Duke of Gloucester’s Island (Paraoa), Duke of Cumberland’s Island (Manuhangi), Prince William Henry’s Island (Nengomengo) et Osnaburgh Island (Mehetia). Le point culminant de la loyauté de Wallis envers son souverain est atteint avec Tahiti, nommée King George’s Island.
12 Parmi les indigènes rencontrés par les marins du Dolphin se trouvent notamment Purea, que les Anglais considèreront être la reine de Tahiti, et un vieillard du nom de Owhaa. Ces deux personnages réapparaîtront tous deux lors de l’arrivée de Cook sur cette île en avril 1769.
13 Ici aussi, Wallis rend hommage aux grands personnages de l’Amirauté. Les îles découvertes au départ de Tahiti seront nommées respectivement : Sir Charles Saunders’s Island, Lord Howe’s Island, Boscawen’s island et Keppel’s Island.
14 Philip Carteret était lui aussi arrivé à cette conclusion.
15 Ces îles sont : Vahitahi, Akiaki (que Bougainville nomme Île des Lanciers), Hao (Isle de la Harpe), Marokau, Hikueru, Reitoru, Haraiki et Anaa.
16 La description de Tahiti par Philibert Commerson est contenue dans une lettre publiée par le Mercure de France en octobre 1769. Cette lettre fut à l’origine du mythe tahitien.
17 Il s’agit en fait de Manua et Tutuila, deux îles de l’archipel des Samoa. Bougainville émet également l’hypothèse qu’il pourrait s’agir des îles Salomon. Voir L.-A. de Bougainville (1771), Voyage autour du monde par la frégate du Roi La Boudeuse et la flûte l’Étoile, Paris, Gallimard, Coll. « Folio Classiques », 1982, p. 280.
18 Voir L.-A. de Bougainville, op. cit. p. 292.
19 Les cartographes de l’époque rattachaient volontiers la Nouvelle-Hollande et la Nouvelle-Guinée, et plaçaient dans la zone encore inconnue se situant à l’est, un certain nombre de grandes îles.
20 L’Étoile, qui était moins rapide que La Boudeuse, arriva à Rochefort le 24 avril de la même année.
21 C. Darwin (1839), Voyage of the Beagle, London, Penguin Books, 1989, p. 372.
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