Chapitre 5 : La construction du poème
p. 185-189
Texte intégral
1Ce chapitre proposera de mettre en relief la construction des poèmes du corpus par rapport à l'âge de l'enfant.
2Poèmes non-narratifs :
3Poèmes narratifs avec une construction par enchaînement linéaire :
4Poèmes narratifs avec une construction par enchaînement non-linéaire :
5Poèmes "inclassables" :
6Poèmes en strophes :
7On examinera les points les plus importants qui se dégagent des tableaux précédents :
8On se trouve, une fois de plus, en présence de deux pôles opposés : d'un côté, il y a le pôle du jeu, de l'incohérence ; de l'autre, il y a le pôle de la linéarité, du sérieux et de l'ordre.
9La moitié des poèmes analysés sont narratifs et possèdent une construction par enchaînement linéaire. C'est le type de construction le plus fréquent chez tous les groupes d'enfants. Il convient pourtant de noter que sa place est nettement plus importante chez le grand que chez le petit (64 % contre 34 %). Un cinquième des poèmes sont des poèmes narratifs avec une construction par enchaînement non-linéaire. Ce type de construction a presque autant de succès chez le petit que chez le grand.
10On rencontre des poèmes non-narratifs, qui se caractérisent par le fait que la fonction ludique prime sur la fonction informative, uniquement dans les productions de l'enfant de la maternelle. Ils sont appréciés surtout par l'enfant de moins de 5 ans : un quart de ses poèmes en font partie. Les mots et les idées se relient les uns aux autres sans principe logique dans une construction souple qui s'appuie sur des fils plus ou moins flous. Les transitions se font au niveau des associations qui assurent le développement du texte.
11En ce qui concerne les poèmes narratifs linéaires et non-linéaires, on peut remarquer une différence assez nette entre le petit et le grand. Chez le petit, les histoires, actions et descriptions mises en scène dans les poèmes linéaires sont très simples, même rudimentaires. Le même poème contient soit un récit, soit une description, mais il ne contient que rarement les deux. Les phrases sont simples et affirmatives et elles se déroulent, la plupart du temps, au présent et à la 3ème personne. L'enfant constate, mais ne commente pas.
12Les poèmes narratifs linéaires chez l'enfant plus âgé deviennent de plus en plus complexes. Les histoires et les descriptions sont de plus en plus précises et le même poème comporte souvent aussi bien une histoire qu'une description. Les descriptions deviennent plus explicatives et les phrases de plus en plus complexes se déroulent à la 1ère et à la 2ème personnes au lieu de la 3ème personne. Les phrases exclamatives, interrogatives et impératives gagnent du terrain sur les phrases affirmatives. L'enfant se met à expliquer et commenter les événements et actions en exposant son propre point de vue.
13En ce qui concerne les poèmes narratifs non-linéaires, on peut noter que chez l'enfant de l'école maternelle on rencontre surtout des poèmes qui comportent une énumération de plusieurs événements, tandis que chez l'enfant plus âgé, on rencontre avant tout des poèmes comportant une description non-linéaire d'une personne, d'un objet ou d'une action.
14Quant aux poèmes en strophes, qui associent rythme, rime, typographie, sens et syntaxe et qui demandent la capacité de concevoir le poème dans son ensemble, leur nombre est, bien entendu, beaucoup plus élevé chez le grand que chez le petit.
15Il est intéressant de remarquer que les observations faites concernant les macro-structures des poèmes semblent confirmer les observations sur les micro-structures. Les mêmes tendances se trouvent à tous les niveaux. Le petit se penche donc vers le pôle de l'incohérence, du jeu. Il jette des éléments en scène un peu par hasard sans se soucier de l'ensemble et la cohérence du poème. Au lieu d'établir une progression, un développement ou un cheminement, ses textes réunissent simplement des termes proches par le son ou par le sens, des éléments de dialogue ou de monologue, des ébauches de récit ou d'explication. Le petit a le pouvoir de s'émerveiller de la gratuité absurde des mots ou des rythmes du langage, il n'éprouve pas le besoin de partager son point de vue ainsi qu'il possède la faculté d'osciller entre deux thèses contradictoires et d'oublier chaque fois celle à laquelle il vient de croire.
16Les poèmes non-narratifs et les poèmes narratifs non-linéaires, qui caractérisent la poésie orale de l'enfant de moins de 7 ans, ont des points en commun avec le monologue collectif. On a vu que le caractère général du monologue est l'absence de fonction sociale des mots. La parole ne sert pas uniquement à communiquer la pensée, elle sert plutôt à accompagner ou renforcer l'action (Piaget 1964 : 29). L'enfant crée des poèmes à partir des mots et des idées saisis au vol comme des balles.
17L'enfant grand se penche vers le pôle de la linéarité, du sérieux et de l'ordre. L'abondance des poèmes narratifs linéaires dans ses productions semblerait le confirmer. L'enfant devient raisonneur. Il se met à imiter des attitudes adultes et, au lieu d'être attiré par la gratuité des mots, il devient sensible aux récits et aux histoires.
18Avec l'âge on assiste donc à un passage de l'incohérence vers la cohérence, de la désorganisation vers l'organisation, du jeu et des "délires" vers les règles et ainsi de suite. Nos résultats parallèles à tous les niveaux du langage nous incitent à formuler cette hypothèse.
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