10. Réflexions sur un miracle à l’Annonciade d’Aix-en-Provence
Contribution à l’étude des sanctuaires “à répit”
p. 174-190
Texte intégral

Page de titre du célèbre Dictionnaire des cas de conscience de Jean Pontas, qui connut de multiples éditions (ici, celle de 1741).
La longueur du titre traduit les scrupules du canoniste en vue d’étayer des décisions « considérablement difficiles » par une armature de références indiscutables. À ce type de liste classique, les Jansénistes ajoutent généralement, pour se dédouaner du pouvoir civil, « et les ordonnances de nos rois »
1Deux études récentes1 ont ajouté de nouveaux témoignages sur les églises “à répit”. Dans des sanctuaires dédiés à certains saints, mais aussi à la Vierge, on portait des enfants, le plus souvent des nouveau-nés, morts avant d’avoir été baptisés, et là, on attendait, on espérait, à force de prières et par l’intercession du saint ou de la Vierge, le miracle d’une résurrection momentanée, un simple « répit » dans la mort, qui permettrait le baptême de ces enfants et leur enterrement en terre sainte. Ces églises ou chapelles ont été très nombreuses aux XVIe et XVIIe siècles, comme l’ont noté déjà un certain nombre de chercheurs en histoire religieuse et de folkloristes2.
2Le recensement de ces sanctuaires, dressé par Arnold Van Gennep dans son Manuel de folklore français3, fournit une liste abondante de références régionales. Il reste à faire un inventaire plus complet, sinon exhaustif, tenant compte de la fréquence des résurrections en chaque lieu, et aussi à cartographier les phénomènes. À la vue des études publiées pour l’instant, les provinces de la moitié orientale de la France, depuis la Flandre et la Picardie jusqu’à la Provence4, à travers la Lorraine, la Franche-Comté et la Savoie, apparaissent plus fréquemment que celles de l’Ouest le siège de ce type de miracle. Peut-être, cependant, cette vision est-elle faussée par le simple jeu du hasard des recherches effectuées.
3La présente contribution rassemble seulement les premiers résultats d’une enquête plus large sur les mentalités religieuses en Provence après le Concile de Trente. Elle ne vise qu’à proposer quelques remarques de méthode. Certes la croyance à la résurrection des enfants morts, en vue du baptême, ne représente qu’un problème restreint, mais dans le difficile défrichement des données de mentalités religieuses, elle peut offrir un champ de recherche privilégié si l’on considère ses retentissements affectifs profonds. Un certain nombre de questions simples doivent être posées.
4En premier lieu : pourquoi recourt-on avec cette constance aux “sanctuaires à répit” ? Quelle est la signification d’une pratique si profondément ancrée dans les mœurs des chrétiens des XVIe et XVIIe siècles que les mises en garde de la hiérarchie, contre ce qui lui apparaissait comme un risque de superstition, aient dû être prudentes, mesurées, et soient restées en partie inopérantes ?5
5En second lieu : comment des résurrections, qui constituent les miracles les plus extraordinaires, au sens propre de ce tenue, ont pu se multiplier à ce point ?
6Aucune étude, à notre connaissance, ne s’est attachée vraiment à leur explication. Les unes, comme celle de Pierre-Joseph de Haitze commentant le miracle d’Aix de 1558 que nous étudierons, parlent de fourberie ou de niaiserie, les autres (J.-Ch. Didier) d’« illusion collective et d’auto-suggestion », d’autres enfin (P. Saintyves) d’« imposture et de manœuvres frauduleuses »6. En fait, ce sont là des allégations peu éclairantes et plus souvent suggérées ou supposées que démontrées. Il est vrai que le miracle nourrit le miracle, que ces temps baignent encore dans le goût du merveilleux ou dans un mysticisme dégradé ; il est vrai aussi que l’appât du gain a pu induire des témoins, ermites et sages-femmes, à accréditer l’événement attendu dont ils espéraient récompense. Mais en rester là, c’est accepter un niveau d’interprétation trop général et extérieur pour être convaincant. Les Rois thaumaturges de Marc Bloch nous ont appris que l’on pouvait analyser certains miracles de l’intérieur, avec sérénité, tout « naturellement », sans hyper-rationalisme facile, ni crédulité benoîte.
Démographie, croyances et pratiques
7Pour mieux comprendre la multiplication des « répits », il faut d’abord les situer dans leur contexte social. Les recherches sur la démographie de l’Ancien Régime ont considérablement progressé depuis un quart de siècle. On en connaît bien les conditions : très forte natalité, mais non moins forte mortalité. Jusqu’au début du XVIIIe siècle, un enfant sur trois ou quatre n’atteint pas un an. Le décès d’un enfant est alors chose banale. Humainement, la mort d’un nouveau-né fait partie des accidents de nature, des « incidents de calendrier (on meurt plus en été) moins graves qu’un gros orage, qu’une grêle dévastatrice, que la mort d’un cheval »7. Ce qui fait de cet “incident” un drame, c’est qu’il n’appartient pas seulement au domaine de l’humain et du naturel, il entre dans le plan du surnaturel. On considère qu’un enfant mort-né, ou mort dans les premières heures de son existence, sans avoir reçu le baptême, est sinon damné, du moins exclu de la vision de Dieu, puisque mort dans le péché originel8 : « Nisi quis renatus flierit ex aqua et Spiritu Sancto non potest introire in regnum dei »9.
8C’est donc une anxiété réelle et profonde pour les parents, bien plus affligés du risque de mort éternelle de leur rejeton que de sa fin terrestre, souvent tôt arrivée et toujours plus ou moins attendue. Les témoignages sur la conviction constante qu’avaient nos aïeux de la précarité de la vie des nouveau-nés sont innombrables. En 1712 encore, les statuts synodaux du diocèse de Marseille10 recommandent aux habitants du terroir, éloignés de la ville, d’emporter, lorsqu’ils viennent faire baptiser leurs enfants en ville, de l’eau pure « pour les baptiser en cas qu’en chemin ils se trouvassent en danger de mort ». Et l’on sait que les sages-femmes étaient en quelque sorte « assermentées » pour pouvoir baptiser les enfants en cas de besoin, c’est pourquoi les statuts synodaux redisent avec insistance l’obligation pour les prêtres de leur apprendre les gestes et formules convenables et de surveiller leur moralité. Le Catéchisme du concile de Trente, rappelant la nécessité de baptiser les enfants, justifie cet empressement : « vu particulièrement que par la faiblesse de leur âge et la délicatesse de leur corps ils sont exposés à presqu’une infinité de dangers de mourir »11.
9Une même angoisse se retrouve d’ailleurs chez les réformés. Dans la 46e Visite ou consolation de Charles Drelincourt12, on assiste à un dialogue entre le pasteur et « une mère qui pleure un enfant qui est mort sans être baptisé », où s’exprime bien l’universelle préoccupation à ce sujet
– le pasteur : Je m’étonne qu’une femme chrétienne et vertueuse comme vous êtes, par la grâce de Dieu, s’afflige d’une façon si étrange pour un enfant qui vient de naître et qui n’a pas si tôt senti les misères de cette vie qu’il en a été délivré... Consolez-vous... car si la mort a ravy ce petit enfant et l’a arraché de votre sein, elle l’a mis dans le sein de Dieu, et il suce les mamelles de ses consolations éternelles ;
– la femme chrétienne : Hélas Monsieur, je me consolerais facilement de la mort de mon enfant, si j’estais assurée que Dieu l’eût reçu en la compagnie des bienheureux [...] Si mon enfant avait été baptisé, je ne douterais point de son salut..., mais (il) est mort sans avoir été baptisé et voilà le vrai sujet de ma douleur13.
10Cette attitude est d’autant plus significative que, pour les théologiens réformés, la grâce de Dieu peut tout et elle n’est point attachée aux signes et aux sacrements. En outre, l’intention des parents fidèles et leurs prières peuvent suppléer à l’administration du sacrement et les enfants sont « infailliblement sauvés par le mérite infini de la mort et passion de Jésus-Christ »14. Mais on devine aisément qu’un tel acte d’espérance suppose une qualité de christianisme et une profondeur de foi que l’on rencontre rarement, malgré le renouveau du XVIIe siècle, chez le commun des croyants, moins peut-être encore dans la vaste masse catholique que dans les petites communautés protestantes où le groupe vivant sur lui-même peut mieux soutenir chacun des siens, surtout en période difficile.
11Que reste-t-il alors au chrétien ordinaire pour éviter le désespoir ? Depuis longtemps, les limbes sont la seule alternative à l’enfer pour les enfants qui ne peuvent « de nécessité » entrer en paradis. Sans doute n’y souffrent-ils pas de la “peine des sens”, et même, selon Robert Bellarmin, : « sans remords de péchés qu’ils n’ont pas commis, ils s’y réjouissent en voyant le sort des damnés auquel ils ont échappé ». Il faut bien constater cependant que c’est une demeure éternelle peu enthousiasmante pour des parents aimants et croyants. Bien pis, elle est peu rassurante si l’on doit admettre, avec le même Bellarmin, qu’à la fin des temps il n’y aura plus que paradis (dans lequel ces âmes ne pourront entrer) et enfer...
12En outre, le rigorisme de la doctrine catholique s’est encore accru avec la Contre-Réforme : la hiérarchie a durci ses positions sur le baptême des enfants afin de balayer toutes sortes d’opinions15 et de pratiques trop indulgentes parmi les docteurs de Rome eux-mêmes. Et complétant les décisions du concile de Florence (1438-1445), le “décret touchant le péché originel”, pris à la 5e session du concile de Trente (17 juin 1546)16, a rendu inacceptables toutes les tentatives pour trouver des équivalences ou des substitutions au baptême, et vaines les raisons d’espérer, pour les enfants morts avant de l’avoir reçu, un sort moins cruel.
13Il ne reste donc aux malheureux parents que l’adoption de pratiques dans lesquelles la part respective de « l’inspiration religieuse authentique » (Platelle) et de l’aspect magique sont difficiles à discerner. La réalité étant insupportable, on ne peut l’assumer qu’en la niant, au moins temporairement, conduite évoquant des mécanismes de défense contre l’angoisse mis en lumière par la psychanalyse. En effet, la résurrection momentanée de l’enfant mort, en rendant possible un baptême interdit sur un cadavre, apparaît comme la seule issue à la “vraie douleur” des parents. Pour des âmes simples, soucieuses de certitudes, on comprend alors qu’un tel recours ait été fréquent sinon systématique, voire quotidien comme à Fournes, par exemple, où « ce semblait une coutume d’entendre chaque jour les cloches une ou deux fois sonner à double carillon pour des enfants retournés de mort en vie »17. Symptomatique est le cas de cette calviniste de Thonon, prête à se convertir au catholicisme, si saint François de Salles réussissait à ranimer son enfant mort pour le baptiser18.
14L’efficacité apparente de cette pratique nous est prouvée par de véritables séries de résurrections : 13 cas en 1591-1592 à Notre-Dame de Loos à Lille, 11 cas entre le 2 mai et le 15 septembre 1657 au Fayl-Billot19. Et l’on pourrait vraisemblablement présenter de longues listes de faits identiques. “Coutumiers” et généralisés à travers le pays, tels se présentent ces miracles ; on verra même qu’ils étaient devenus banals. Ainsi en fut-il pour celui de l’église de l’Annonciade à Aix-en-Provence.
Le miracle de l’Annonciale
15À Aix-en-Provence, en l’église l’Annonciade du couvent des Servîtes,
il y avait autrefois... une dévotion très considérable, l’on y portait les enfants qui expiraient avant que d’être lavés des eaux salutaires du baptême, ils estoient exposés aux pieds de l’image de la mère de Dieu, les religieux invoquaient son Saint nom et ses intercessions, et l’on a bien souvent veu, que des enfants ainsi exposés sur l’autel reprenoient leurs esprits, et recevoient le baptême20.
16Dans un cas au moins nous possédons encore le dossier d’une enquête menée par le Vicaire général de l’archevêché d’Aix à propos d’une résurrection survenue le premier dimanche du Carême 155821. Or, ce qui est étonnant pour nous, c’est que le “Sainct Miracle” de ce jour-là, commémoré par un pèlerinage annuel, n’est pas la résurrection proprement dite de l’« enfant masle de Jean Beuf » mais l’allumage d’un cierge posé « sur un chandelier de bois en l’air », par un rayon de soleil venant de la verrière signe du “vouloyr de Dieu”... tandis que les religieux chantaient Te Deum laudamus pour rendre grâces de cette résurrection.
17Il ne serait pas d’un grand intérêt d’entreprendre l’explication de cet allumage par un probable phénomène d’optique : condensation des rayons solaires à travers une plaquette d’un vitrail situé grossièrement vers le Sud-Sud-Ouest, alors qu’il est entre midi et une heure de l’après-midi. Mais il ne nous paraît pas possible de comprendre l’émerveillement des témoins présents à cet événement, qui les plonge dans le “ravissement”, les fait crier au miracle et les décide à fonder une confrérie pour en perpétuer le souvenir, sans en conclure que la résurrection quant à elle devait être considérée comme un prodige relativement banal. La plupart des témoins cités n’étaient d’ailleurs venus que pour accomplir diverses dévotions habituelles, et Boniface Gauthier – le seul à s’être dérangé spécialement parce qu’il « antendit que sertain enfant masle que l’on avoit porté dans la dicte église depuis le jour précédant à cause qu’il estait né mort, avoit respiré » – habitait une « messon auprès de la dicte église » et vint donc en voisin.
18Les religieux, quand ils sont appelés auprès du petit corps déposé dans leur chapelle, examinent les signes de résurrection avant de procéder au baptême, puis d’en remercier Dieu, mais pour eux tout cela ne semble pas outrepasser leur attente.
19Quant au vicaire général, lorsqu’il enquête sur le miracle, il pose des questions sur l’éclairage ambiant, le cierge “miraculé” et sur les personnes qui y ont assisté..., peu sur l’enfant ! Un tableau peut présenter succinctement les sept témoins entendus par lui : toutes leurs dépositions concordent, avec une précision supplémentaire toutefois dans celle du plus jeune, importante puisqu’il semble être l’un des premiers qui aient vu les signes de résurrection avec des femmes. On doit relever qu’aucune de celles-ci ne fut appelée à « testifier ».
Les témoins du « répit »

20Dans une étude générale des “sanctuaires à répit”, il serait sans doute à remarquer chaque fois si l’âge (ici essentiellement des hommes faits, entre 30 et 58 ans) et le fait de posséder un certain bien constituent des indices probants de crédibilité des témoins pour une enquête de ce genre. Il serait bon aussi – dans la mesure du possible – d’apprécier le degré de culture des témoins. Bien sûr, il conviendrait de signaler si ces témoins étaient présents au moment du miracle ou s’ils n’en sont que des intermédiaires au second degré. À Aix, en effet, si les sept témoins ont bien vu le cierge s’allumer, « sans que nul ne bouge », aucun, hormis le jeune Etienne Roman, n’a vu les premières respirations du ressuscité ; ils ne se sont approchés qu’un long moment après. Il y aurait bien des remarques à faire sur la scène du miracle du cierge allumé, sur l’état d’exaltation et de “ravissement” qui s’empare des témoins dont plusieurs ressentent un choc au cœur tel qu’ils ne savent plus où ils sont et pleurent à chaudes larmes. Certains décident sur le moment même de fonder une confrérie pour l’entretien du luminaire miraculé : Boniface Gauthier devenant l’un des prieurs de cette confrérie22. On retrouve bien là le climat d’illuminisme dont parle le chanoine Platelle à propos de Lille.
Tentatives d’explication et hypothèses médicales
21Nous sommes enfin conduits devant le vrai problème : que représentent exactement ces “résurrections” ? II ne s’agit pas de discuter leur caractère miraculeux, dont la détermination échappe, par essence, à l’analyse rationnelle et dont l’acceptation est, de ce fait, un acte de la seule foi. Il n’est pas davantage possible de nier leur réalité “vécue” : trop de témoignages de “choses vues” concordent pour se contenter de la facile affirmation qu’on se trouve en présence d’une suggestion collective. Il est vrai que l’émotion aidant, on a pu “en rajouter” ; les témoins, même s’ils sont interrogés à part et séparément, se sont rencontrés et ont communiqué entre eux, avant et sur les lieux-mêmes du miracle supposé, forgeant ensemble, inconsciemment, le modèle de leur déposition23. La pauvreté de l’éclairage vacillant des cierges peut également favoriser une illusion. À l’Annonciade, on est certain que l’éclairage était extrêmement faible puisqu’enquêtant précisément sur les “lumes” qui étaient allumés avant le miracle du cierge, le vicaire général obtient toujours la même réponse : il n’y avait que la lampe ordinaire devant l’autel et un petit cierge blanc. Une certaine émulation est plausible enfin, dans le cas de série de miracles, engendrant une sorte de réaction en chaîne, on attend tellement l’événement miraculeux que l’on est prêt à s’en persuader aisément, cela d’autant plus si tel ou tel voisin en a déjà bénéficié.
22Mais il y a plus simple et sans doute plus exact. C’est que les témoins ont réellement vu quelque chose qu’ils pouvaient interpréter comme des signes de vie. Nous appuierons nos exemples à la fois sur le miracle d’Aix et sur ceux du Fayl-Billot, excellemment exposés par le chanoine Didier qui annexe à son article les actes notariés rapportant les différents miracles.
23Il est évidemment fort utile pour notre démonstration de connaître les délais exacts entre l’heure de la naissance de l’enfant mort-né ou celle de la “mort” survenue postérieurement et celle de la résurrection momentanée, ainsi que, accessoirement, celle de la déposition sur l’autel de l’église. À l’Annonciade d’Aix, l’enfant avait été porté le jour précédent selon tous les témoignages, et était mort depuis deux jours d’après le seul Étienne Roman. Les cas rapportés au Fayl-Billot peuvent souvent s’inscrire dans ce délai de 48 heures.
24Quels sont les signes interprétés comme signes de vie, presque partout semblables, même à Lille :
saillies du cœur, de grands battements de cervelle, des changements de couleurs vives et bien vermeilles ; même que ces petites créatures ouvraient et fermaient les yeux et la bouche, mouvaient les bras24.
L’enfant avait respiré en présance de plusieurs fames, se feust luy (Etienne Roman) que fit soner une petite cloche pour fere venir les religieux qui dinoient pour batiser ledit enfant... Et en présance de aucunz d’eux, ledit enfant plora et avala du lect..25 À certain moment l’enfant semble changer de couleur, ouvrir un œil, devenir moite ; il donne l’impression d’un peu de chaleur, de quelques pulsations26.
25Première explication possible pour un certain nombre de cas : l’enfant est vraiment mort. Comme pour toute mort, quoiqu’avec un laps de temps différent, la rigidité cadavérique s’empare du petit corps dans un délai généralement assez rapide étant donne un refroidissement accéléré par la surface relativement grande de la peau du bébé eu égard à sa masse totale, et plus vite encore chez un mort-né. Mais la rigidité, due à l’acidification des muscles du cadavre, à la coagulation de la substance musculaire (myosine), cesse après un certain temps, lorsque le début de putréfaction rend, par la formation d’ammoniaque, le muscle de nouveau alcalin27. Cette cessation intervient plusieurs heures ou plusieurs jours après la mort. On peut constater à ce moment que toutes les parties du corps, dont la teinte s’est souvent modifiée, sont redevenues souples, et proclamer, comme les religieuses de Tournai, que c’est un miracle. Un texte publié par le chanoine Platelle illustre bien ce type de confusion possible aggravée par une précipitation enthousiaste. Il s’agit ici d’un adulte, un soldat :
Ce soldat, aussitôt après avoir rendu le dernier soupir, présenta la pâleur ordinaire des morts, mais comme le serviteur avait négligé d’enterrer ce mort et comme après trois jours il songeait à lui donner une sépulture, il lui trouva un teint vif et coloré et constata que toutes les parties du corps étaient souples. Il appela les religieuses qui à cette vue proclamèrent trop vite, selon leur habitude, que c’était un miracle28.
26En outre, « le froid retarde l’apparition de la rigidité comme il retarde sa disparition..., la chaleur agit en sens inverse, c’est-à-dire hâte son apparition et diminue sa durée »29. Guy Bernard, évêque de Langres, avait une intuition juste lorsqu’en 1479 il dénonçait, dans ses statuts synodaux, l’abus de langage qu’il y avait à parler de miracle lorsque des enfants portés à l’église, « d’abord glacés et roides comme un bâton, retrouvaient de la souplesse sous l’action d’un feu de charbon et parfois de cierges et de lampes allumées »30. Il interdit ces pratiques. Or la décontraction des muscles, compte tenu de l’antagonisme des muscles striés et des muscles lisses, peut entraîner des bruits perceptibles comme des cris, et même des mouvements : en particulier de la mâchoire, puisque la rigidité cadavérique apparaît progressivement de la mâchoire vers les pieds et disparaît dans le même ordre. Des vomissements post mortem sont possibles après le relâchement de la cage thoracique et la remontée du diaphragme.
27Mais on peut aller probablement plus loin, et penser avec les évêques du synode provincial de Cambrai de 1631 que ces enfants ne sont pas vraiment morts et que « par conséquent les signes de vie qu’ils donnent n’ont rien de miraculeux »31, ni même d’étonnant. Il existe en effet de multiples cas de mort apparente et de coma du nouveau-né32, qui peuvent durer deux à trois jours. L’un d’eux, sans doute fréquent à une époque où l’accouchement n’était pas toujours effectué par un praticien confirmé, ni habile, résulte de différents traumatismes obstétricaux. Le traumatisme peut être mécanique, opératoire, provoqué pendant le travail de l’accouchement. Or, remarquons que dans les cas décrits par le chanoine Didier : trois enfants sur onze au moins ont été explicitement abîmés par les forceps33. Le fait que le dernier de ces enfants ait eu « un bras arraché et les entrailles hors du corps » n’implique pas forcément une mort immédiate, mais peut s’accompagner d’un coma de plusieurs heures. Le traumatisme peut également être physiologique : le passage brusque de l’état de fœtus à celui de nouveau-né déterminant parfois un choc comparable à l’hydrocution, « l’air extérieur fût-il à 24 degrés »34... choc d’autant plus brusque si l’on a affaire à des “prématurés immatures” extrêmement sujets aux hémorragies cérébro-méningées. Or on peut souligner que parmi les cas du Fayl-Billot, l’enfant « né vivant (sic) [et] qui meurt à l’instant », le 3 mai 1657, et qui connaît un répit dans la nuit du lendemain, est un fœtus de cinq mois. Même aujourd’hui, dans une maternité très moderne, il reste aléatoire de décréter pendant une marge de temps assez longue si un fœtus est encore en vie ou non.
28On pourrait multiplier les exemples de signes avec leurs interprétations. Souvenons-nous que nous avons distingué, dans les témoignages que nous avons cités, quatre types de phénomènes reçus comme des indices de vie : les mouvements respiratoires, les contractions musculaires de différentes parties du corps, les changements de coloration de la peau et les modifications thermiques dans le sens du réchauffement ou en sens inverse... Or ces quatre séries se ramènent, dans l’ensemble assez aisément, à des symptômes cliniques connus :
29– les mouvements respiratoires, qui sont parmi les plus fréquemment relevés et apparaissent aux témoins comme les plus probants, s’interrompent précisément de longs moments lors de syncopes respiratoires, entrecoupées de,
contractions brusques plus labio-buccales que thoraciques avec traction des muscles cervicaux... et élévation de la partie supérieure du thorax. Ces contractions sont saccadées, isolées ou répétées d’une manière anarchique à intervalles irréguliers35.
30Les arrêts intermédiaires, plus ou moins longs, risquent alors d’être interprétés par un profane comme un état de mort, la respiration suivante prenant signification éventuelle d’une résurrection.
31En outre, dans le cas d’hémorragie méningée, si la respiration est irrégulière mais se poursuit un certain temps, le cœur, lui, n’est pratiquement perceptible qu’avec un stéthoscope sensible, ce qui était bien entendu exclu aux XVIe et XVIIe siècles et pouvait accroître la conviction que l’enfant était réellement mort ;
32– les divers mouvements de membres ou de muscles de la face sont de simples réactions d’origine neurologique. De même, il est admissible que les « battements de cervelle » représentent des pulsations de la fontanelle, souple chez le nouveau-né ;
33– les changements de couleur de la peau, outre qu’ils peuvent être de simples manifestations neurovégétatives de noyaux cérébraux demeurés actifs, peuvent traduire aussi d’autres réactions : troubles vasomoteurs liés aux perturbations de la thermorégulation, ou à un réchauffement d’origine externe, par exemple les feux de charbon ou les lampes dont nous évoquions déjà les effets sur la cessation accélérée de la rigidité cadavérique ;
34– enfin les variations de température du corps, brutales et notables du chaud au froid36 ou inversement, sont des symptômes courants dans les comas.
35Il ne faut toutefois pas se cacher qu’il reste quelques faits difficiles à traduire à cause de l’insuffisance de notre documentation... Par exemple, le « lect avalé » par l’enfant de Jean Beuf à Aix : s’il était « régurgité », ce pourrait être du liquide amniotique absorbé pendant l’accouchement, mais le texte dit avalé et même si c’est une erreur d’expression du témoin, il ne nous appartient pas d’ajouter à ce qui est dit ou de le modifier.
36Que conclure de cette analyse ? Il n’est pas question de polémiquer sur la possibilité ou l’impossibilité des miracles ni sur leur portée religieuse37 La hiérarchie catholique elle-même (sinon les curés de villages) a toujours été d’une extrême prudence ; les enquêtes pour contrôler les miracles étaient menées avec soin, selon des prescriptions canoniques strictes38. D’ailleurs aucun enfant ayant connu un répit ne survit au delà d’un laps de temps très bref (une demi-heure à une heure). Le but de notre recherche était d’essayer de comprendre comment la croyance en un type de miracle pouvait s’ancrer dans une population lorsqu’elle correspondait à un besoin profond et comment elle pouvait subsister à l’épreuve du temps, un certain succès, au moins apparent, étant nécessaire pour que les fidèles persévèrent dans cette pratique.
37On voudrait aussi redire ce que d’autres ont déjà et beaucoup mieux démontré39 : si l’histoire n’est pas un tribunal, elle n’est pas non plus une pure chronique, elle gagne, dans son effort de compréhension totale de l’homme, à s’appuyer sur les autres sciences, parmi lesquelles la psychologie et la médecine. Car lorsqu’on aborde les aspects les plus délicats des mentalités, non seulement parce qu’ils touchent à des problèmes cruciaux pour les hommes d’une époque, mais encore parce qu’ils apparaissent aux marges du rationnel (de leur rationnel à eux), on ne peut plus se contenter d’être descriptif, tels des ethnographes d’autrefois en se laissant tenter par l’anecdotique (déjà fascinant en lui-même), voire en cédant à un catalogage qui serait confondu avec une connaissance, sous peine de rester extérieur et de prendre pour de la naïveté ou de la crédulité ce qui touche au plus profond de la mentalité étudiée.
Annexe
Annexe : Documents concernant le Miracle d’Aix : Procès Verbal de l’enquête menée par le Vicaire général de l’Archevêché d’Aix, (AM. GG 318)
Il ne nous a pas semblé indispensable de publier l’ensemble des textes que nous avons analysés ; toutefois, nous avons choisi deux des sept témoignages, le premier parce qu’il est le plus long et le plus complet, le second, parce qu’il présente quelque originalité par rapport à celui-ci. Quant aux cinq autres, ils répètent peu ou prou ce que dit Boniface Gauthier. Nous avons respecté l’orthographe, mais essayé de ponctuer.
(1 r°) Du 1er mars mil cinq cent cinquante huit à Aix, dans la sacrestie de l’église Notre Dame la nosiade, par devant nous vicaire de l’archevêque d’Aix établi en personne : Boniffaz Gauthier marchand de sete ville d’Aix, de l’aage de cinquante cinq ans, riche de cinq sans (sic) florins, lequel moienant le serement qu’il a presté entre nous mains sur les sainctz évangiles de Dieu, oy et examiné d’office par nous sur le faict de sertain sierge par le voloyr de Dieu alumé, comme luy dist en ladite église ; a dit savoyr et estre veran que dimanche dernier passé, premier dimanche du présent caresme, 27e février, entre onze et douze heure du matin, luy estant en sa messon qui est auprès de ladite église, antendit que sertain enfant masle de Jehan Beuf de ladite ville que l’on avoyt porté dans ladite église despuis le jour précedant à cause qu’il estoit né mort, avoyt respiré, luy que parle, vint dans ladite église en laquelle il trouva les religieux de ladite église qui avoint comansé le deum laudamus, rendant grases à Dieu de se que ledit anfant avoyt respiré et ressu le saint batesme, là où y avoyt boucoup de puple et luy qui parle se ajunollant au devint de l’autel de sainct Anthoyne faisant son auresson, et, peu après, il vit que fraire Jehan (un blanc dans le texte) religieux dudit couvant se soit signé aulz aultres religieux que estoint agenus, chantant comme aussi ledit fraire Jehan luy mostrant ung sierge qui s’étoit alumé qui estoit le premier des sept sierges de la luminaire de Notre Dame qui sont sur ung chandelier de boys en 1er de ladite église environ deux cannes despuis le soul de ladite église en aut, et lors, luy que parle, ansi la teste, et vit ledit sierge alumé et tout inquontinant luy print ung tramblemant et luy baiha au cueur de sorte que plora chaudement, comme firent aussi plusieurs aultres de la compagnie que pour lors y estoint, criant tré ( ?) tous miracle de se que ledit sierge se estoit ensy alumé au respirement dudit anfant. Et à ses mesmes instants...
(1 v°)... luy qui parle, feust meu de devossion de dreser une confrérie pour l’antretenemant dudit lume comme firent plusieurs aultres de la compagnie.
Interrogé, si lors quant il vint an ladite église, il se print garde des lumes que y estoint et quelz lumes y avoyt, a respondu que, au seremant, qu’il a faict, quant il antra pour lors en ladite église, il n’y avoyt aultre lame que la lampe que bruloit et ung petit sierge qui estoit au devant de l’autel alumé, et pourtant veran le susdit sierge ny aultre n’estoit point alumé pour lors, car en toute l’église ny avoit aultre lume que en la lampe et audit petit sierge que estoit au devant de l’autel.
Interrogé que fut le premier de se prandre garde dudit sierge alumé, a dit se feust à son avis ung enfant nomé George fils de Aulharon (?) la gibe (= le bossu).
Interrogé des présentz avec que luy quant il vist ledit sierge alumé, a dit que y estoint Pierre Garsin fustier, maistre Honorat largentier, maistre Hugon boutier et le dit George et plusieurs aultres dont il ne s’en sovient. Et plus na dit, et faict lecture, se sousigué
Bonifasz Gautiez
(3 r°) Dudict jourt, Stève Roman, filz de Jaume de sete ville, agé de quinze ans ou environ, a dit que, dimanche dernier passé, luy se truvant dans ladite église, environ midi, là où il luy avoyt ung anfant que l’on avest aporté mor despuis deux jourz ; lequel enfant avoist respiré en présance de plusieurs fames, se feust luy que fit soner une petite cloche pour fere venir les religieux qui dinoint pour batiser ledit anfant. Lesquelz, tout inquontinant, ils vindrent, et en la présance de aucunz d’eux, ledit enfant plora et avala du lect, dont se voiant, ung desdits religieux le batisa, et inquontinant après, lesdits religieux comansarent à dire grasses, et estant, luy que parlle, à jenulz auprès du grant autel, vist venir comme une raye de sollel de la verrine du millieu du grant autel, qui aluma ledit sierge, lequel au per avant n’estoit point alumé. Et n’y avoyt en toute l’église que la lampe et ung petit sierge à l’autel.
Et plus na dict et faict lecture s’est soubsigné, ne sachant escripre.
Notes de bas de page
1 L’important article de J.-Ch. Didier, « Un sanctuaire “à répit” du diocèse de Langres (l’église du Fayl-Billot, Haute-Marne) », dans Mélanges de Science religieuse, mars 1968, p. 3-22 ; et l’un des chapitres de H. Platelle, Les Chrétiens face au miracle, Lille au XVIIe siècle, Paris, 1968, p. 48 à 52, et 69 et 70. NB : rappelons que cet article est de 1970 ; depuis, Jacques Gélis a élargi et approfondi ce chantier : voir son excellent Les enfants des limbes. Mort-nés et parents dans l’Europe chrétienne, Paris, Audibert, 2006.
2 Cf. Abbé J. Corblet, Histoire dogmatique, liturgique et archéologique du sacrement de baptême, Amiens, 1881, 2 vols, t. 1, p. 422-423. Et surtout, P. Saintyves, “Les résurrections d’enfants mort-nés et les sanctuaires à répit”, dans Revue d’Ethnographie et de Sociologie, n° 34, mars-avril 1911, p. 65-74. Article très critique, polémique même, dans lequel l’auteur attaque la persistance au XIXe siècle de cette “superstition” et ce qui lui parait la “duplicité” de l’Église, mais qui apporte une riche documentation.
3 A. Van Gennep, Manuel de folklore français contemporain, t. 1, vol. 1, Paris, 1943, p. 123-124.
4 Il existe de nombreux sanctuaires provençaux où l’on invoquait les saints ou la Vierge en faveur de ces enfants “sans âmes” : à Avignon Saint-Pierre de Luxembourg, à Mougins, à Vénasque Notre-Dame de Vie, à Moustiers Notre-Dame de Beauvezer (cf. F. Benoit, La Provence et le Comtat venaissin, Paris, 1949, p. 136). Il s’en trouve d’autres : à Aix, N.-D. de l’Annonciade, mais aussi : à SaintOurs de Meyronnes, où le miracle avait lieu en présence de neuf jeunes filles et d’une veuve, à Méolans, où le rite d’immersion du petit corps dans l’eau bénite se prolongea jusqu’en 1908 ! Enfin, dans le Sisteronnais, à “Nostro Damo de Faisso” (= des langes) de Ribiers (voir. p. 273 de l’“Enquête sur la vie de l’homme en Haute Provence”, conduite par Marcel Provence et exécutée avec les instituteurs des Basses-Alpes, dans Bulletin de la société scientifique et littéraire des Basses-Alpes, t. XXX, n° 183, p. 222-273 : Naissance).
5 Le chanoine Didier montre bien ces réticences dans son article, p. 5. En ce qui concerne Aix-en-Provence, les recherches effectuées dans la collection du fonds Pecoul, à la Bibliothèque-Méjanes, et dans un recueil de statuts synodaux allant de 1582 à 1656 : dossier 1G. 1328 aux A. D. des Bouches-du-Rhône (dépôt d’Aix), ne nous ont révélé aucune interdiction ni allusion touchant les “répits”.
6 P.-J. De Haitze, Histoire de la ville d’Aix, livre VII, 51, publiée par la Revue Sextienne, t. 2, p. 310-311 ; J.-Ch. Didier, art. cit., p. 5 et 9 ; P. Saintyves, art. cit., p. 71 et 72.
7 P. Goubert, Louis XIV et vingt millions de Français, 1966, p. 15.
8 Cf. Dictionnaire de théologie catholique, t. II, col. 364-378.
9 Jn, III, 5.« Nul ne peut entrer dans le royaume de Dieu, s’il n’est rené de l’eau et de l’Esprit Saint ».
10 Statuts synodaux du diocèse de Marseille du 18 avril 1712, p.65.
11 Catéchisme du concile de Trente, part. II. “Des Sacrements” dans S. Pallavicini, Histoire du Concile de Trente, édit. Migne, 1844, t. 1, col. 254.
12 Ch. Drelincourt, Les visites charitables ou les consolations chrétiennes pour toutes sortes de personnes affligées, Genève, 1669, 4e partie, p. 260 et sq.
13 Les réformés français ont admis jusqu’à une époque récente le baptême des enfants.
Cf. R. Herdt, Les sacrements, coll. “Protestantisme”s, Ed. “Je sers”, Paris, 1942, p. 34-45 ; ce n’est qu’un ouvrage de vulgarisation et non un traité théologique, mais qui nous indique la mentalité du pratiquant moyen. Calvin d’ailleurs recommandait ce baptême dans son Institution de la religion chrestienne (voir Œuvres complètes publiées par la Société Les Belles Lettres, Paris, 1938, t. III, chap. XI, “du baptesme”, p. 240-241, et notes f p. 323 et g p. 324). C’était l’un des points de controverse avec les anabaptistes et les mennonites. L’hostilité au pédobaptisme, bien qu’ayant des antécédents, date pratiquement de la dernière guerre et de la période qui suivit. Ainsi Karl Barth, l’un des théologiens réformés contemporains les plus importants, restait, vers 1930 encore, favorable au baptême des enfants. Il évolua à l’occasion de la lutte de l’église confessante allemande contre le régime nazi, et liant davantage le baptême à la confession de la foi, il rejeta le pédobaptisme, position qu’il garda dans le dernier volume de sa Dogmatique, écrit peu avant sa mort.
14 Ch. Drelincourt, op. cit., p. 287. Le catholique Gerson. chancelier de l’université de Paris au début du XVe siècle, « parle comme nous ou peu s’en faut », précise, page 292. Drelincourt, qui n’hésite jamais à s’appuyer sur des théologiens catholiques lorsqu’ils abondent dans son sens.
15 Entre autres, celle de Gerson déjà cité, dans le Sermo in Nativitate Beatæ Mariæ, Parte 3, Consid., 2, Opera, Anvers, 1706, t. III, p. 1350, admettant, à défaut du baptême d’eau, un baptême de l’Esprit et le libre jeu de la miséricorde divine ; et celle aussi de T. Cajetan, dominicain, Commentaires sur la Somme..., 3e part., quest. 68, art. 1 et 2, accordant un rôle important à l’intercession des parents et faisant confiance à Dieu. Cette opinion est rejetée par Pie V, voir S. Pallavicini, op. cit., 1. IX, c. 8, t. II. col. 358.
16 S. Pallavicini, op. cit., t. 1, col. 22.
17 Martin Lhermite (1638), cité par H. Platelle, op. cit.. p. 52.
18 P. Saintyves, art. cit., p. 66.
19 Cf. H. Platelle, op. cit., p. 69 et 70, malgré l’extrême prudence des enquêtes épiscopales pour la reconnaissance des miracles, comme le montre très clairement l’auteur ; et J.-Ch. Didier, art. cit., p. 6 et 7.
20 Dr. J. S. Pitton, Annales de la Sainte Église d’Aix, Lyon, 1668, p. 217. Parmi les sanctuaires provençaux “assurant” également ces résurrections : N.-D. de Beauvezer à Moustiers ; remarquons qu’il y avait, là aussi, un couvent Servite.
21 A. M. d’Aix, GG 318. Je profite de cette occasion pour remercier de nouveau le personnel des archives municipales d’Aix et celui des archives départementales (dépôt d’Aix) de leur amabilité patiente et efficace.
22 Il semble que la confrérie du luminaire du Saint Miracle, instituée alors, ait tenté d’établir la « bonne et louable coustume » d’une procession générale annuelle, avec tous les ordres mendiants de la ville, pour commémorer le “sainct miracle”, car le même dossier des archives municipales nous fournit plusieurs suppliques à “nos seigneurs du Parlement”, datées de 1561, 1563, 1566, 1567 et 1568, afin que ceux-ci permettent « les proclamations et criées publiques » annonçant la procession. Mais y eut-il enthousiasme ? La supplique du 1er mars 1566 précise « pour l’augmentation ou à tout le moins la continuation du divin service »... En tout cas, la confrérie continua ses activités au moins à l’intérieur de l’église de l’Annonciade, en obtenant de l’archevêché d’Aix un privilège de 40 jours de pardon pour ceux qui feraient l’aumône « à son bassin », ainsi que l’atteste encore dans le dossier, au 25 avril 1605, une copie du procès-verbal d’enquête dressé par le vicaire général en 1558, collationnée sur l’original par Maître Mathieu Brun, notaire royal, greffier de l’archevêché. Mais lorsqu’en 1668, le docteur J. S. Pitton écrit ses Annales de la Sainte Église d’Aix, il parle de tout cela comme de choses passées : « Il y avait autrefois..., et l’on a bien souvent veu... ».
23 Dans le cas du Fayl-Billot décrit par Didier, il semble qu’il y ait un noyau d’équipe permanente à chaque miracle, en particulier un cloutier François Chavance, qui est présent 10 fois sur les 11 miracles, puisqu’il ondoie lui-même 7 fois et assiste 3 fois le jeune Nicolas Antoine qui baptise les 4 autres fois.
24 Martin Lhermite (1638), cité par H. Platelle, op. cit., p. 49.
25 A. M. d’Aix, GG 318, témoignage d’Étienne Roman.
26 J.-Ch. Didier, art. cit., p. 7.
27 Cf. Dictionnaire usuel des Sciences médicales, par A. Dechambre, M. Duval et L. Lerebrouillet, p. 1439.
28 H. Platelle, Journal d’un curé de campagne au XVIIIe siècle, Paris, éd. du Cerf, 1965, p. 98.
29 Dictionnaire usuel des sciences médicales, op. cit.. p. 1440.
30 J.-Ch. Didier, art. cit., documents annexés p. 10.
31 Cité par H. Platelle, Les chrétiens face au miracle..., p. 51-52, qui trouve ce point de vue “curieux”, alors qu’il est sans le vouloir et, paradoxalement, le plus scientifique.
32 Cf. M. Lelong, F. Lepage, A. Rossier et collab.. Le Nouveau né, Thérapeutique médicale, Prévention et soin, éd. Doin, 2e éd., 1963, p. 17 à 108. Je dois à l’amitié du Dr Chantal Chaudoreille-Reibel, pédiatre, ancienne assistante dans un service de prématurés et de réanimation, de précieuses indications à ce sujet. II est probable que la prématurité, qui devait être importante, les mauvaises conditions d’hygiène et de techniques obstétricales, furent responsables d’une pathologie néonatale particulièrement riche et variée.
33 Documents des 7 mai, 17 juin et 17 août 1657.
34 Le Nouveau né, chap. I, par F. Lepage, p. 20.
35 Le Nouveau né. chap. III, par A. Rossier, p. 93-94.
36 De plus, les prématurés de très petit poids (1500 grammes) subissent dans les minutes qui suivent leur naissance une chute de température jusqu’à 26 ou 27 degrés, accréditant l’impression de mort apparente.
37 Pour le XVIe siècle, on peut relire les pages pénétrantes de L. Febvre, Le problème de l’incroyance au XVIe siècle, La religion de Rabelais, 1942, livre II, chap. 3, parag. 2.
38 Voir toute l’introduction de H. Platelle dans Les chrétiens face au miracle... Dans ces sortes de problèmes, il est bon toutefois de ne pas s’en tenir au droit canon strict, car, moins légaliste dans les faits qu’en apparence, la hiérarchie elle-même temporise, quand elle le peut, pour ne pas choquer les fidèles. Ainsi, « si l’ondoiement (séparé de la cérémonie du baptême à l’église) est contraire au droit et constitue une pratique irrégulière, il ne semble pas moins certain que (cette pratique) puisse être légitimée par la coutume »... D. T. C., op. cit., t. XI, col. 998-1000.
39 Nous pensons, bien sûr, et ce n’est pas une simple référence d’usage, à la lignée d’historiens depuis les éveilleurs que furent L. Febvre et M. Bloch...
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