1. Des sources maltraitées pour l’époque moderne
Manuels de confessions et recueils de cas de conscience
p. 21-38
Texte intégral
1Au début de La volonté de savoir1, Michel Foucault, prétend examiner “l’évolution de la et du sacrement de pastorale catholique pénitence après le concile de Trente”. Pour ce faire, il cite deux manuels de confession séparés par trois générations : le premier du jésuite Paul Segneri (1624-1694), L’instruction du pénitent2 ; l’autre de saint Alphonse de Liguori (1696-1787), Pratique des Confesseurs. C’est un bon exemple d’une mauvaise utilisation de ce type de source. D’abord, parce que faute – apparemment – de connaître les données antérieures de la théologie morale, il attribue à la “Contre-Réforme”, à propos des péchés de la chair, les progrès d’une « discrétion recommandée avec de plus en plus d’insistance », alors que dès le XVe siècle au moins3, cette discrétion était impérativement préconisée, afin de ne pas risquer d’apprendre aux pénitents, et surtout aux pénitentes ou aux enfants, des péchés qu’ils n’auraient pas connus. Ensuite parce qu’il est téméraire de prétendre tracer une évolution de la pastorale en se fondant sur deux ouvrages seulement, alors que la production des manuels de confession s’est chiffrée à plus de 600 dans le siècle qui a suivi le concile de Trente (1563-1660). En outre, les ouvrages retenus ne sont pas les plus significatifs des auteurs choisis : Segneri avait déjà écrit une Instruction des confesseurs plus propre à révéler sa “pastorale” ; quant à la Pratique des confesseurs d’A. de Liguori, elle est un simple “complément” de 287 pages à son œuvre principale et révolutionnaire : l’Instruction pratique pour les confesseurs, qui remplit trois tomes et demi de ses Œuvres morales, soit 1846 pages. Enfin, parce que la “pastorale catholique” de la confession relève d’écoles théologiques différentes, depuis le tutiorisme le plus rigoureux jusqu’au probabilisme le plus laxiste, donnée fondamentale dont Foucault ne tient absolument pas compte. Encore faudrait-il ajouter que c’est moins dans la lettre des textes, qu’ils soient jésuites ou jansénistes, que dans la manière de les lire et de les appliquer que réside la différence majeure entre “rigoristes” et “laxistes”. Des jésuites, à commencer par Bauny4, une des têtes de turcs de Pascal, écrivent un chapitre sur le délai d’absolution qui constitue une des exigences les plus symptomatiques du jansénisme.
2L’exemple de Foucault n’est pas exceptionnel. La théologie morale appliquée : manuels de confession, recueils de cas de conscience, certaines conférences ecclésiastiques, voire tels livres de direction spirituelle, forment un ensemble documentaire à la fois négligé et malmené. Sous prétexte qu’il s’agit de textes “normatifs”, on les considère parfois comme hors des réalités concrètes, donc inutilisables par l’historien. Plus fréquemment, au contraire, on leur emprunte un cas personnalisé, élaboré dans des conditions précises, à partir duquel on extrapole une “position de l’Église” sur une question morale donnée, alors qu’il ne s’agit que d’une délibération jurisprudentielle sur laquelle les avis peuvent rester partagés. Ils n’ont été l’objet que d’approches ponctuelles par les démographes, les historiens de la sexualité, du prêt à intérêt, de la religion populaire,...5
3Il n’y a pas beaucoup d’historiens modernistes français qui se soient intéressés aux manuels de confession pour eux-mêmes, fût-ce parmi ceux qui ont le plus contribué à renouveler l’histoire de la confession6.
4Jean Delumeau consacre huit pages à une rapide histoire des “Sommes de confesseurs et manuels de confession”, dans Le péché et la peur7 (1983), mais ni lui, dans L’aveu et le Pardon8 (1990), qui examine la question fondamentale de la manière dont a été reçue par le peuple l’obligation insistante de se confesser9, ni Guy Bechtel dans un ouvrage consacré à la confession des péchés de la chair10 (1994), ni même Philippe Rouillard dans son Histoire de la pénitence11 (1996) n’ont éprouvé la nécessité de procéder à une analyse formelle de leur source principale. Ce court essai n’a pas la prétention de remplacer une étude systématique. Mais depuis 1983, j’ai déjà tenté à plusieurs reprises, à partir d’une expérience fondée sur la consultation d’une centaine de manuels, de poser quelques jalons de méthode pour bien utiliser ces sources ou, du moins, éviter des contre-sens12. Je reprendrai quelques traits de ces études en les élargissant. Un tableau global reste à faire.
5Comme toutes les sources, les livres touchant à la morale ont des caractéristiques et un mode d’emploi propres. Un manuel de confession paraît à une date donnée, dans un contexte qui peut peser sur sa rédaction, comme la longue querelle janséniste. Il est écrit par un auteur particulier. L’origine de celui-ci, son appartenance au clergé séculier ou régulier, sous clôture ou dans le monde, son adhésion à une “école” morale rigoriste ou non, ne peuvent pas ne pas influencer la formulation de ces écrits. Il arrive qu’un manuel soit commandé par un évêque en vue d’un usage exclusif en son diocèse13. La personnalité de cet évêque ne doit pas être négligée car elle joue un rôle dans la destinée de la publication. Une preuve : La théologie morale, dite “de Grenoble” (1676), composée sur ordre de Mgr Le Camus par François Genet, est approuvée par plusieurs hommes d’Église éminents : les évêques de Beauvais, Agde, Valence, Agen, Genève, Luçon, Aulonne, plus deux inquisiteurs d’Avignon, l’abbé de Tamié, vicaire général de Citeaux, etc.14 La dédicace à Mgr Grimaldi, archevêque jansénisant d’Aix-en-Provence, et la signature de certains approbateurs lui ont donné un parfum de jansénisme qui le rendit suspect à d’autres prélats, tel Mgr de La Berchère archevêque d’Aix, successeur projésuite de Grimaldi, ou à la faculté de théologie de Louvain. Mgr Le Camus lui-même finit par le désavouer de fait en lui substituant l’Instruction des prêtres qui contient sommairement tous les cas de conscience du Cardinal Tolet, jésuite15. L’histoire des manuels peut fournir des indices dans l’histoire des diocèses.
6Des manuels se recommandent de la tradition de confesseurs renommés. Ainsi, la Conduite des confesseurs de Roger Daon, eudiste, qui l’écrit, en 1738, “selon les instructions de S. Charles Borromée et de S. François de Sales”. Précisons que ces parrainages, ici un peu contradictoires entre le rigoriste archevêque de Milan et l’évêque de Genève plus conciliant, ont parfois vertu de simple garantie ou de couverture publicitaire plus que de filiation doctrinale16.
7Contrairement aux Summae confessorum des XIVe et XVe siècles qui sont souvent d’énormes in folio destinés aux seuls prêtres, les manuels de confession, de format plus pratique (généralement in-8°, jusqu’au livre de poche in-1617), s’adressent et donc s’adaptent à un public plus varié, éventuellement désigné dans le titre même18, et d’abord pour les ministres du sacrement. C’est pour eux que Daon a réuni les situations « qui se trouvent le plus communément dans les confessions ». Un auteur éprouve parfois le besoin de préciser, pour excuser un texte un peu simple, qu’il est destiné aux “pauvres prêtres de la campagne”, censément moins savants et surtout ayant à faire à un public plus grossier et inculte. Pour ce dernier, « on peut réduire le nécessaire à salut ». Bertaut, dans son “avis au lecteur”19, justifie longuement la brièveté et le caractère pratique de son “casuiste” : « soulager la mémoire d’un bon confesseur des champs (peu) accoutumé à faire de grandes lectures »20. Pour la même raison, il écrit en français afin que ces braves desservants ne passent pas plus de temps « à faire des constructions grammaticales qu’à étudier les cas de conscience ». Bauny avait fait le même choix de la « langue commune et vulgaire, pour le bien du diocèse et le soulagement des gens d’Église »21. À ce propos, sans pouvoir rien en conclure de définitif, j’ai cru constater que les passages des manuels concernant la sexualité restaient en français avant le milieu du XVIIe siècle (Milhard : 161822, Bauny : 1638,...) ; ils seront systématiquement en latin au delà : « On ne met point ces avis en français parce qu’ils regardent les confesseurs, qui, sachant le latin, n’ont pas besoin qu’on leur explique ce qui n’est dit que pour eux »23, dit un anonyme du XVIIIe siècle. Masquage que signalait Michel Foucault.
8Mais beaucoup de manuels veulent aussi toucher les pénitents pour les aider à bien préparer leur confession24. Cas limite : un manuel écrit pour un unique destinataire laïc, c’est le statut du Mémoire pour le duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, véritable examen de conscience sur les devoirs de la royauté, écrit par Fénelon, pour former à son métier de roi l’héritier du trône dont il a été précepteur de 1689 à 169725. Il est fréquent qu’un manuel soit voué à la fois aux confesseurs et aux pénitents, ou qu’un même auteur rédige deux ouvrages différents pour ces deux destinataires : tel Daon qui a donné une Conduite des âmes dans la voie du salut... ouvrage utile aux personnes de tout état, ... pour servir de supplément à la Conduite des confesseurs dans le tribunal de la pénitence26. On ne s’étonnera pas que celui-là ait un caractère plus pratique et surtout moins juridique que celui destiné aux seuls prêtres. L’ouvrage de Daon s’intéresse à des situations particulières : petits enfants “qui n’ont point encore l’usage de raison”, sourds et muets, illettrés, fous, malades, prisonniers, mais aussi futurs religieux ou prêtres, etc. L’histoire de la pastorale peut puiser dans ces manuels des informations intéressantes : comment les clercs considéraient-ils les exclus ?
9Les cas de consciences, en recueil ou par ordre alphabétique de thèmes, peuvent correspondre à des consultations effectives, généralement datées, c’est le cas pour Jacques de Sainte-Beuve, dont les résolutions27 ont été recueillies et mises en lumière par son frère ; ou encore du Dictionnaire de cas de conscience de Lamet et Fromageau28. Le jésuite Georges Gobat précise en tête de plusieurs de ses recueils : “casibus factis non fictis”29. On dispose alors de réponses à des situations réellement vécues. Mais les “cas” peuvent aussi être construits artificiellement, comme de véritables exempla, à partir des données de la théologie et du droit, pour répondre à un problème moral. Ils sont échafaudés parfois avec un luxe de complications inextricables, parce qu’il s’agit d’exercices destinés à préparer les confesseurs à débrouiller « les plus considérables difficultés touchant à la morale et à la discipline ecclésiastique ». Jean Pontas déclare tirer ses décisions “de l’Écriture, des conciles, des pères, des décrétâtes des papes et des plus célèbres théologiens et canonistes”30. Cependant, une lettre du sous-pénitencier de Paris, placée en tête du tome I, précise que « ces cas ne sont point inventés à plaisir ; ils sont supposés avec sagesse ». Moins fiables que les cas réels, ils restent de bons indicateurs des comportements souhaitées par le clergé.
10Dans tous les cas, les auteurs n’ont pas forcément les mêmes centres d’intérêt. À l’article “Fiançailles”, Fromageau ne cite qu’un seul cas, encore est-il purement juridique ; Pontas, qui multiplie les questions pratiques, en étudie 59 ; et Morénas en livre 7031.
11Deux questions se posent après ce premier inventaire sommaire des caractéristiques formelles des manuels : – 1. quel impact ont-ils pu avoir sur les comportements des clercs et des fidèles ? – 2. que peut en tirer un historien d’aujourd’hui pour connaître la vie religieuse ou même la vie quotidienne de l’époque ?
12L’influence possible des manuels de confession est équivoque. Ils peuvent être considérés comme reflétant, volens nolens, les mentalités de leur temps, car le contenu concret des cas étudiés ne saurait être totalement improbable ni les solutions proposées trop différentes de ce que le confesseur était amené à dire. Inversement, ils ont probablement, à la longue, modifié les idées, les sensibilités, les attitudes des personnes et des groupes. Ces changements, conversions individuelles ou évolution collective, se faisaient sans doute peu à travers une lecture directe, qui devait rester rare chez les fidèles. En revanche, ils pouvaient être suscités par la répétition insistante des instructions données par les prêtres formés par ces manuels, agissant soit à travers leurs prédications (celles d’avent et de carême comportent toujours une partie pénitentielle), soit à chaque confession individuelle. À ce sujet, il semble y avoir une certaine contradiction chez ceux qui accusent l’Église d’avoir, par la confession, provoqué ou entretenu la “névrose chrétienne”, tout en considérant que la répulsion des laïcs devant l’aveu était telle que la confession n’avait aucun effet, et qu’il était imprudent de la part de l’Église, pour ne pas dire incompréhensible, qu’elle s’y soit attachée à ce point32.
13Pour mesurer l’impact d’un manuel, il est indispensable de dresser le tableau le plus complet des modalités de son édition : date, extension géographique des impressions, durée des rééditions, et surtout le nombre de celles-ci traduisant leur succès, faute de pouvoir, sauf exception, connaître exactement leur importance chiffrée. Certains auteurs ont connu des centaines d’éditions, tel le jésuite Herman Büsenbaum : 200 entre 1645 et 1834, à travers toute l’Europe : Munster, Liège, Paris, Padoue, Cracovie, Fribourg, Prague, Vilna, Avignon, Rome, Cologne, etc.33 Son succès est d’autant plus notable que sa première édition avait été condamnée. Quelques-uns ont suscité une véritable filière de commentateurs et de continuateurs : le même Büsenbaum a inspiré un autre jésuite, Claude de Lacroix34, et surtout le réformateur de la théologie morale, Alphonse de Liguori35.
14L’influence de telles publications a évidemment dépassé celui d’ouvrages ayant eu une diffusion limitée, souvent à une édition unique, parfois même avortée. On cite souvent, quand il est question de morale conjugale, le Catéchisme des gens mariés du père Féline36. Il n’est pas négligeable, pour connaître l’usage qui en a été fait, de savoir que l’ouvrage a été saisi dès sa parution, en 1782, et que de rarissimes exemplaires ont échappé aux censeurs. Du coup, intéressant pour une histoire des idées, il devient sans conséquences dans l’histoire de la pastorale ou le tableau de l’évolution des mœurs à la fin du XVIIIe siècle. Repérer toutes les éditions n’est d’ailleurs pas très aisé, lorsqu’elles sont nombreuses et dispersées. François Lebrun fait état de sa juste perplexité quand il étudie la Conduite des confesseurs de Daon37 : dix ? cent ? Les catalogues sont contradictoires. Il y en eut beaucoup, car on le trouve dans à peu près toutes les bibliothèques ecclésiastiques ou même laïques. J’en ai repéré une petite vingtaine entre 1738 (la 1re à la B. N.) et 1830, à Paris, Lyon, Rouen, Bruxelles, Bamberg...
15Avant d’utiliser un manuel, on a intérêt à lire de près les préfaces, avant-propos, introductions, où les auteurs justifient leur projet et éclairent le lecteur sur leur conception de la confession, du rôle des confesseurs et les attitudes attendues des pénitents. Les plans suivis comptent un certain nombre de chapitres obligés, comme les qualités requises du confesseur. On constate qu’elles peuvent varier légèrement d’un manuel à un autre, les uns insistant plus sur les qualités morales indispensables : zèle pour les âmes, pureté de vie, prière ; les autres sur la compétence technique : science, expérience, discernement... De même, se retrouvent partout, plus ou moins identiques, les critères de classement des péchés et l’ordre de leur examen selon les commandements de Dieu, les sept sacrements, les sept péchés capitaux, les cinq sens, etc. Mais certains chapitres, tout à fait spécifiques, peuvent donner à des manuels un intérêt supplémentaire. Par exemple, les jésuites ont été parmi les premiers à insister sur “la conscience” qu’avaient mis en relief, fin XVIe-début XVIIe siècle, leurs compagnons Gabriel Vasquez et François Suarez38. Les jansénistes, on l’a dit, ont insisté plus que d’autres sur la nécessité du délai d’absolution et de la contrition39, les deux questions étant mêlées. Gommar Huygens, docteur de Louvain, consacre un ouvrage entier à La méthode que l’on doit garder dans l’usage du sacrement de pénitence, pour donner ou différer l’absolution...40 ; il y examine de près la question de la contrition. En revanche, certains chapitres tendent à disparaître avec le temps, comme celui sur les indulgences. La crédibilité et l’efficacité de la lutte face aux Réformés n’y est sans doute pas pour rien. Là encore, ce sont des jalons dont il faudrait vérifier la synchronie.
16Le bon usage des manuels de confession, exige (c’est une banalité de le rappeler) de s’ouvrir aux mentalités de leur temps et d’essayer de comprendre, au moins à titre d’hypothèse, même les préjugés d’une société à dominante chrétienne, profondément hantée par le souci du salut, gardant un sens aigu des hiérarchies, etc. Il faut, plus encore peut-être, se libérer de nos propres présupposés risquant d’en fausser le sens, à commencer par l’attention portée à leur thématique. Dans l’opinion publique en général, et chez certains historiens41, persiste le mythe d’une obsession cléricale sur la seule sexualité42. Les adversaires de l’Église en ont même fait une arme contre elle. Ainsi, la préface militante d’une édition de l’entre-deux-guerres par la libre pensée des “Livres secrets des confesseurs”43 fait preuve d’une étonnante et agressive pudibonderie envers ces “recueils de luxures inimaginables et des pires perversités sexuelles d’un réalisme répugnant”. Plus récemment, Guy Bechtel confesse à plusieurs reprises son incompréhension de l’importance, exagérée selon lui, accordée par la pastorale pénitentielle de l’Église aux péchés de la chair44. Certes, sur trois sujets qui s’y prêtent : le mariage (seule circonstance acceptable par l’Église pour un exercice légitime de la sexualité), le 6e commandement, ou le péché de luxure, un certain nombre de textes n’hésitent pas à pénétrer dans le secret des alcôves. Ils sont alors une source incomparable de renseignements, à condition de les filtrer avec prudence pour éviter le spectaculaire, et en s’interrogeant sincèrement sur la finalité des conseils donnés. Un exemple typique : le De matrimonio jésuite Thomas Sanchez45. Cet énorme traité in-4° de 1500 pages en doubles colonnes, écrit dans un latin peu facile, paraît plus souvent cité que lu. Il donne effectivement beaucoup de détails “techniques” sur les modalités permises, douteuses ou prohibées des conjonctions entre époux, mais c’est bien dans son sujet ! Il reste d’ailleurs quasiment un apax dans la littérature morale. Comme il a été mis à l’index le 4 février 1627, et rejeté par beaucoup de théologiens moralistes comme suspect de probabilisme, on ne peut guère imputer sa pensée au magistère. On pourrait d’ailleurs regretter qu’il n’en soit pas ainsi, car il fait preuve d’une exceptionnelle ouverture d’esprit sur les rapports entre gens mariés, et ses propositions sont souvent très libératrices pour les scrupuleux.
17En fait, hormis quelques ouvrages réservés à des professionnels de la conscience, la plupart des traités de théologie morale ou de confession ne consacrent qu’une faible partie de leurs pages au sexe. Les livres secrets des confesseurs, déjà cités, reproduisent dix-huit pages de la Somme des péchés du P. Bauny consacrées aux infractions contre la chasteté, or l’édition de 1636 comporte 1121 pages, c’est-à-dire que l’“obsession sexuelle” ne s’extérioriserait que sur 1,6 % de l’ouvrage. Raymond Bonal consacre, dans son Cours de la Théologie morale46 qui totalise 1684 pages : 4 pages au 6e Commandement et près de 400 sur le 7e, abordant des problèmes touchant aux biens : restitution, larcin, contrats, prêts, etc. Parlera-t-on d’obsession “économique” ?
18La fonction première des manuels de confession est de provoquer l’examen de conscience individuel et à faciliter l’aveu, le plus précis possible, des fautes rendues répertoriables par le pénitent. Il n’est pas sûr qu’ils aient ajouté à la culpabilité latente au cœur de l’homme. L’aveu, pour pénible qu’il soit, constitue (avec la “satisfaction” qui est réparation ou compensation d’une faute) une phase nécessaire de la marche au pardon47. C’est son caractère obligatoire et sa réitération qui l’ont rendu importun aux fidèles. Pourtant, une attitude bienveillante est habituellement recommandée au confesseur. Le même pasteur doit se montrer “lion dans la chaire et agneau dans le confessionnal” ; exigeant, voire terroriste, quand il parle à la cantonade, il doit se montrer sensible à la détresse individuelle en tête à tête, où le dialogue et l’absolution contribuent à “consoler”48 le pénitent. En atténuant une culpabilité préexistante au rite, comme l’a montré la psychanalyse, le rite a, au contraire, une fonction d’apaisement. Cette bienveillance doit particulièrement s’exprimer en faveur des plus faibles, ou les personnes vivant dans des situations difficiles. “On doit traiter les soldats avec beaucoup de douceur, d’honnêteté et d’indulgence, à raison de leur peu d’instruction, de leur ignorance et de leurs fréquents dangers”49. Il en est de même à l’égard des religieuses, car les confesseurs connaissent les difficultés matérielles et psychiques de la vie cloîtrée50. Le scrupule est, non pas encouragé, mais considéré comme une véritable maladie de l’âme. Beaucoup de confesseurs abordent cette questions ; quelques-uns y consacrent un livre entier51.
19On a souvent reproché aux confesseurs leur curiosité “inquisitoriale”52. Mais la réponse à cette apparente indiscrétion est justifiée dans les manuels. Le confesseur y est présenté dans ses diverses fonctions de “père, juge, médecin...” La comparaison avec ce dernier est fréquente et normale53. Or un thérapeute doit, pour guérir son malade, savoir explicitement de quoi il souffre :
Les bons confesseurs commencent par rechercher la source et la gravité du mal ; et demandent compte aux pénitents de ses habitudes vicieuses, des occasions qui l’ont fait tomber dans le péché et de l’époque où il est tombé ; quelles sont les personnes, quelles sont les circonstances qui y ont donné lieu ; car c’est de cette manière qu’ils peuvent appliquer avec le plus de discernement la correction, disposer le pénitent à recevoir l’absolution et lui fournir les remèdes dont il a besoin54.
20Et plus le tableau clinique est riche et précis, plus les soins apportés pourront être topiques et efficaces55. Il a sûrement existé des confesseurs cherchant, comme le suggère Guy Bechtel, à connaître la vie interne des familles, à tenir en bride un personnage plus ou moins influent, à manœuvrer les testaments ; ce n’était pas la finalité première et déclarée de l’aveu. Pourquoi exclure l’hypothèse que des confesseurs aient cherché à travailler sincèrement au salut de leurs pénitents ? Le long titre du Directeur pacifique des consciences, du capucin Jean-François de Reims, énumère ses intentions :
(donner) à toute personne, tant religieuse que séculière, les résolutions sur les difficultés de conscience, en toutes sortes de sujets, avec les instructions nécessaires pour s’en bien servir dans la pratique. La manière de s’accuser clairement de tous ses péchés en confession, et d’y discerner le mortel d’avec le véniel. Ensemble plusieurs bons enseignements, avis importants, et saintes pratiques, tant sur les devoirs principaux du chrétien, que pour se délivrer de tous empêchements, abus, tromperies, tentations, scrupules et inquiétudes, qui peuvent empêcher ou retarder sa perfection56.
21Louis Habert, plus directif, voit dans la confession obligatoire l’occasion de soumettre la vie des fidèles au contrôle d’un prêtre dont
ils recevront les avis et les règles nécessaires pour la réformation de leurs mœurs ; il est évident que si le confesseur sait se servir de son autorité, il corrigera une infinité de désordres ; et que tous les chrétiens, de quelque condition qu’ils soient, ou ne s’approcheront plus du tribunal de la pénitence, ou seront contraints de faire leur devoir57.
22Cette position “jansénissime”, représente un cas limite, elle n’en rapporte pas moins la confession à un projet de vie idéalement chrétienne, si idéale et exigeante qu’elle n’est sûrement pas sans responsabilité dans la déchristianisation à l’époque des Lumières, lorsque l’obsession du salut s’atténua et que la liberté individuelle fut revendiquée.
23L’usage parfois malheureux ou abusif qu’on en fait n’empêche pas les manuels de confession et recueils de cas de conscience de constituer des mines d’informations. Par exemple, dans les péchés contre le décalogue, on trouvera : au premier commandement, une liste de superstitions qui recoupe souvent celles que dénonce Jean-Baptiste Thiers58. Au quatrième, on verra un tableau de toutes les difficultés intrafamiliales, entre mari et femme, parents et enfants, maîtres et domestiques, etc. Mais les condamnations ne sont pas toujours celles qu’on attendrait. Les cas de conscience révèlent parfois des exigences hors des idées reçues. Tel, le cas d’une fiancée enceinte, malade en danger de mort, dont la mère empêche le mariage afin que l’enfant éventuel naisse illégitime et ne puisse hériter. C’est la mère, pour avarice, que condamne le casuiste, non la fille pourtant coupable de fornication, “péché mortel” dont il ne fait pas même mention.
24Il faut, cependant, ne jamais perdre de vue qu’il ne s’agit pas de matériaux bruts, mais de produits à fort cœfficient d’interprétation (théologique, juridique, coutumière) dès l’époque de leur élaboration. On devra donc, pour prendre en charge ces données, tenir compte des présupposés de l’époque, sans y ajouter la distance des nôtres, pour pouvoir en tirer des informations utiles et fiables ; non pas de simples données factuelles, mais, au second degré, une ouverture sur l’état, à un moment donné, des consciences, des mœurs, de la pastorale... ou de l’application du droit canon. Ainsi, on voit intervenir, dans la qualification d’un péché, le rôle du “public”, que l’on constate si souvent aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il pèse parfois de façon déterminante sur un problème moral. Un mari peut-il garder avec lui sa femme adultère ? Oui, si le péché est secret ; mais s’il y a “scandale”, c’est-à-dire que la chose est patente, il doit se séparer d’elle59. Un fiancé est-il tenu d’épouser sa fiancée si celle-ci a été violée par un autre ? Si le viol est connu de lui-seul,
et qu’il n’y ait point d’infamie à craindre pour lui, il ne peut justement se prévaloir de cet accident pour refuser d’épouser [sa fiancée] ; mais si par cette action violente elle était devenue enceinte, quelque secrète qu’elle fût, il ne serait pas obligé de l’épouser60.
25Les observations les plus significatives pour l’histoire des mœurs se font grâce à la comparaison des manuels entre eux dans la durée et, plus encore, à travers les variations d’un texte entre ses rééditions. Quand Collet donne un Abrégé du Dictionnaire de Pontas61, non seulement il y ajoute “un grand nombre de remarques et de nouvelles décisions”, mais il y joint, à la fin du tome II, 310 colonnes en latin des cas de conscience résolus entre 1732 et 1751 par Prosper Lambertini, archevêque de Bologne et, depuis 1740, pape Benoît XIV, avec bien sûr mention de ses dignités pour appuyer ses décisions. Lorsque Migne réédite Pontas dans son Encyclopédie théologique62, il reproduit également des décisions qui nuancent à l’occasion les décisions de Pontas. Ces comparaisons dans la durée, surtout entre auteurs différents, permettent de constater des évolutions notables sur ce qui leur apparaît plus ou moins important à un moment donné, sans oublier l’empreinte des écoles théologiques impliquées ni la pression de la société. Ainsi, allaiter son enfant est un devoir pour la mère au début du XVIIe siècle encore, chez Bénédicti par exemple, quoiqu’il soit considéré comme plutôt laxiste63. Se soustraire à cette obligation est un péché mortel, mais également une des rares causes légitimes pour la femme de refuser le debitum conjugale au mari. Un siècle plus tard, au moment même où J.-J. Rousseau condamne les mères qui, “méprisant leur premier devoir, n’ont plus voulu nourrir leurs enfants”64, le lazariste Collet, pourtant assez rigoriste, avoue ne plus rien dire contre “la coutume de ne nourrir ses enfants que d’un lait étranger, et dont le fils et la mère sont souvent la victime...La témérité même n’oserait s’opposer au torrent [de la mode]”65. Pourtant, on restait persuadé que le lait “mercenaire” est dangereux pour le nouveau-né. Quant au péril d’incontinence, où se trouve le mari en cas d’abstinence prolongée pour cause d’allaitement, il peut inciter la femme à prendre le risque d’une nouvelle grossesse, quoiqu’elle soit toujours jugée préjudiciable au nourrisson. En revanche, l’épouse peut – contrairement à ce qu’on en dit parfois refuser “le devoir” si sa propre santé est enjeu. On voit comment, en un siècle et demi, une double révolution s’est opérée dans les urgences morales imposées à l’épouse-nourrice.
26Très utiles, pour connaître la vie quotidienne, les manuels qui font un examen général de tous les états et conditions66. On y apprend ce que l’Église attend d’un noble, d’un curé, d’un soldat, d’un juge, d’un médecin, des corps d’artisans, d’un laboureur, etc. Quelles déviances elle combat en eux, quel idéal de vie, y compris professionnelle, elle leur propose. On y trouve des hardiesses : une critique très violente de la vanité et de l’égoïsme de la noblesse67, le rejet scandalisé de l’ambition ecclésiastique et du simonisme68, une condamnation vigoureuse de l’exploitation des ouvriers par leurs patrons, ou de manœuvres spéculatives : « n’avez-vous pas fait de monopole, et ne vous êtes-vous point convenu avec ceux de votre profession que vous ne vendriez qu’à un certain prix qui est trop haut, ou que vous n’achéteriez, qu’à un prix trop bas »69. Centrer la pastorale sur les états de vie n’était pas une idée nouvelle. Au XIIIe siècle, le “Confessionale” de Jean de Fribourg expose les péchés selon les catégories professionnelles70 ; et Berthold de Ratisbonne analysait, dans ses prédications, les devoirs de chaque charge71. Cette technique a fait fortune, à l’époque moderne, entre autres dans la direction spirituelle des jésuites.
27Il n’est pas jusqu’aux silences des manuels qui ne puissent être éloquents. On a dénoncé la misogynie du clergé à partir de quelques prédications où les femmes étaient malmenées. Or la théologie morale, quasiment muette en ce qui les concerne, n’évoque pratiquement aucun péché spécifique, même dans les manuels traitants des “états de vie”72. Si l’on prend le cas de l’avortement, où la femme est intéressée au premier chef, les condamnés sont essentiellement le mari et le médecin qui intervient. La femme est bien accusée de péché mortel si, par imprudence (travaux trop lourds ou mouvements trop violents), elle a fait une fausse couche, mais apparemment on ne lui suppose pas l’intention délibérée de faire tomber le fœtus. Dans les cas de conscience, on trouve condamnation des “femmes du monde” qui dépensent trop en habits ou négligent l’éducation de leurs enfants ; mais on en dit tout autant contre les hommes de cour trop élégants ou les pères négligents. Depuis saint Paul (I Cor 7,1-5), maris et femmes sont en principe égaux sur le plan sexuel : le debitum conjugale est réciproque, les manuels le rappellent avec discrétion mais fermeté. Ils sont égaux aussi dans le péché. Dans un flagrant délit d’adultère, le droit canon, contrairement à la loi civile, ne tolère pas le meurtre de l’épouse infidèle. La plupart des moralistes considèrent que l’adultère a même gravité qu’il soit le fait de l’homme ou de la femme73. Certains rendent même le mari davantage responsable parce que “plus fort pour résister... (il) doit par sa vertu surmonter sa femme et la régir par l’exemple”74. Et si quelques-uns considèrent que l’adultère de la femme est plus grave, c’est uniquement pour des raisons juridiques, parce que, susceptible d’entraîner une naissance illégitime, il fausserait la succession du mari, portant un tort objectif aux vrais héritiers. C’est l’occasion de rendre hommage au bon sens de la plupart des confesseurs de quelqu’école qu’ils soient. En effet, si la femme a un bâtard doit-elle l’avouer à son mari ? Non, car cela mettrait en péril la pérennité du ménage. En revanche, elle doit, lors de sa succession, essayer de dédommager les enfants légitimes sur ses biens propres75. L’amant aussi est tenu à “réparation”76.
28La littérature pénitentielle et casuistique est un monde immense et complexe qui mériterait un traitement, non pas exhaustif, ce serait sans doute impossible, mais plus large. Abordée avec un esprit sympathique et attentif, elle nous livre des pans secrets des consciences et des cœurs, bien plus que si on se contente d’en extraire des données ponctuelles à prétention exemplaire.
Notes de bas de page
1 Histoire de la sexualité, t. 1, Paris, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 1976, p. 27-30.
2 L’instruction du pénitent, ou la méthode pratique pour se bien confesser, permission du provincial de Venise, 7 mars 1679 ; trad, franç.. Lyon. L. Plaignard, 1695.
3 Dans la Summa confessionalis d’Antonin de Florence, écrite vers le milieu du XVe siècle, par ex., qui non seulement a eu un long succès, mais a été pillée par bien des auteurs. Au cours des débats du Colloque de Rennes, le professeur Richet a confirmé que c’était bien antérieur encore.
4 É. Bauny, Somme des péchés qui se commettent en tous états..., 4e éd., Paris, M. Soly, 1636.
5 H. Bergues et al., La prévention des naissances dans la familles. Ses origines dans les temps modernes, Paris, PUF, INED, 1960 ; J.-L. Flandrin, Familles, parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société, Paris, Hachette, 1976. R. de Roover, L’évolution de la lettre de change (XIVe-XVIIIe siècles), Paris, 1953. J. T. Noonan, Contraception et mariage, évolution ou contradiction dans la pensée chrétienne ?, Paris, éd. du Cerf, 1969, est sans doute celui qui est le plus attentif aux caractéristiques des différents traités ou manuels qu’il utilise.
6 Rien de comparable aux travaux de P. Michaud-Quantin ou de C. Vogel pour le Moyen Âge.
7 Le péché et la peur. La culpabilisation en Occident XIIIe-XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 1983. p. 222-229.
8 L’Aveu et le pardon. Les difficultés de la confession XIIIe-XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 1990. Dans La mort des pays de Cocagne, Paris, Publication de la Sorbonne, 1976, p. 123-124, il donne cinq brèves notices sur des manuels publiés dans la première moitié du XIIe siècle.
9 L’obligation annuelle remonte au concile Latran IV (1215) ; mais le renouvellement des pratiques sacramentaires au concile de Trente (1563), la promotion de l’Eucharistie et le désir de réforme du “peuple de Dieu” ont fait de la confession un des moyens privilégiés de la pastorale. Les missions, par ex., ont pour but déclaré de “convertir” les gens, donc de faire d’abord avouer leur état de pécheurs.
10 La Chair, le diable et le confesseur, Paris. Plon, “Le doigt de Dieu”, 1994.
11 Histoire de la pénitence des origines à nos jours, Paris, éd. du Cerf, “Histoire”. 1996.
12 Cf. Entre autres : “Saint Charles Borromée et ses ’Instructions aux confesseurs’, une lecture rigoriste par le clergé français (XVIe-XIXe siècle)”, dans Groupe de La Bussière, Pratiques de la Confession. Des pères du désert à Vatican II. Quinze études d’histoire. Paris, éd. du Cerf, 1983, p. 185-200 ; “Les manuels de confession peuvents-ils servir à l’histoire des mentalités ?”, dans Histoire sociale, sensibilités collectives et mentalités. Mélanges Robert Mandrou, Paris, PUF, 1985, p. 87-97 ; et “La sexualité et les confesseurs à l’époque moderne”, dans Revue d’histoire des religions, CCIX-4, 1992, p. 413-426.
13 Cf. les manuels de L. Habert pour le diocèse de Verdun, F. Genet pour Grenoble, R. Daon pour Bayeux, etc. Certains évêques mettaient leur point d’honneur à disposer des instruments propres à leur conception de la réforme : catéchismes, rituels, etc. Leur choix moral oriente, bien sûr, la tendance des ouvrages.
14 Éd. consultée. Rouen, Vve Ch. Ferrand, 8 tomes, 1739.
15 Cf. L. Patouillet sj, Dictionnaire des livres jansénistes..., Anvers, J.-B. Verdussen, 1752,4 vols, t. 4, p. 99. Une traduction française de F. Tolet parut à Lyon, A. Pillehotte, 1628. Sur l’évolution de Mgr La Camus, cf. B. Neveu, “Le Camus et les jansénistes français”, dans Le cardinal des montagnes Etienne Le Camus, évêque de Grenoble (1671-1707), Actes du colloque Le Camus (Grenoble, 1971), Grenoble, PUG, 1974, p. 91-121.
16 Approbation de 1739, nombr. rééd. pendant à peu près un siècle. Voir F. Lebrun, “Confesser au XVIIIe siècle d’après le manuel du père Daon (1737)”, dans Mélanges Michel Vovelle. Volume aixois, Aix, PUP, 1997, p. 327-334. Sur les “principes de saint Charles” : J.-P. Pinamonti sj, Le directeur dans les voies du salut..., Amiens, Vve Godart, 1753, nombr. rééd.. en 1886 encore à Barcelone ; A. Bonnefons sj, augmente sa Pratique de la confession..., Paris, E. Loyson, 1684, rééd. jusqu’en 1840, des maxime de saint François de Sales : J.-J. Gaume, maintes fois rééd. au XIXe s. se réfère aux deux parrains : B. Saladin, leur dédie son ouvrage Le médecin spirituel..., Lille, Fievet, 1690, etc.
17 Par ex. E. SA sj, Les aphorismes des confesseurs, Anvers, 1599. nombr. rééd. ; éd. consultée. Pont à Mousson, 1616. L’ordre alphabétique rend sa consultation particulièrement pratique.
18 Les titres des manuels ne sont sûrement pas innocents et mériteraient qu’on s’y arrête selon qu’il s’agit de : “Tribunal de la pénitence”, “Directeur des confesseurs”, “Médecin des âmes”, “Guide des curés”, “Devoirs des curés”... ou des pénitents.
19 Cf. B. Bertaut, Le directeur des confesseurs en forme de catéchisme, contenant une méthode nouvelle, brieve et facile pour entendre les confessions. Approb. 1634, 20e éd. dès 1648 ; éd. consultée : 26e, Paris, Imprimeurs et marchands libraires associés, 1670 ; rééd. jusqu’en 1692 au moins.
20 Ce qui indiquerait que la volonté, exprimée dans les visites pastorales ou les statuts synodaux, d’un clergé possédant une petite bibliothèque et s’y appliquant quotidiennement restait un rêve.
21 É. Bauny, Somme des péchés qui se commettent en tous états..., op. cit.
22 Le grande guide des curés, vicaires et confesseurs..., dern. éd, Lyon, P. Rigaud. 1618. À noter que le 1er tome compte 242 p. pour les dix commandements et six sacrements ; le 2nd, 691 p. pour le seul sacrement de pénitence, d’où son assimilation à un manuel de confession.
23 G. Vauge, Le directeur des âmes pénitentes, ouvrage janséniste, éd. de 1726, p. 299.
24 Une curiosité : M. Wigandt, Tribunal confessariorum..., Augsbourg, 1703, énorme pavé de près de 1 000 p. en un latin difficile, il connut de multiples éd. ; destiné aux prêtres, mais, ajoute le très long titre : “ipsis etiam pœnentibus, cujuscunque sint conditionis, per utile, ac necessarium”.
25 Cf. Fénelon, Lettre à Louis XIV, préface d’H. Guillemin, Neuchatel, Ides et calendes, 1961, p. 75-124. L’examen de conscience serait postérieur à l’exil de Fénelon hors de la cour, cf. E. Carcassonne, Fénelon, l’homme et l’œuvre, Paris, Boivin, 1946, p. 95-96.
26 Le premier approuvé en 1749, éd. consultée, Paris, G.-Ch. Berton, 1760 ; le second, écrit dix ans plus tôt, éd. consultée, la 3e, Paris, Delusseux, 1748.
27 Résolutions de plusieurs cas de conscience touchant la morale et la discipline de l’Église..., Paris, G. Desprez, t. 1, 1695, t. 2 et 3, 1715. L’auteur a donné lieu à un curieux essai : P. Carriou, Les idéalités casuistiques. Un directeur de conscience au XVIIe siècle en France, Jacques de Sainte-Beuve (1613-1677), Lille, Atelier de reproduction des thèses..., 1979.
28 Dictionnaire des cas de conscience décidé suivant les principes de la morale, les usages de la discipline ecclésiastique, l’autorité des conciles et des canonistes et la jurisprudence du royaume, Paris, J.-B. Coignard, 2 grands in 4°, 1733.
29 Par ex., l’Alphabetum quadruplex quo plus CLX casibus factis non fictis [...] explicatur universa materia voti, blasphemiae, juramenti et superstitionis, ... Constance, J.J. Straub, 1672.
30 Dictionnaire de cas de conscience... 1re éd.. 1715, éd. consultée, revue, corrigée et augmentée par l’auteur, Paris. Quillau, 3 grands in-4°, 1756. Les titres jansénistes semblent se référer plus souvent que d’autres “aux ordonnances de nos rois”, cf. Tressan de La Vergne, Examen général de tous les états et conditions, et des péchés que l’on y peut commettre, tiré de l’Écriture, des conciles, des pères, et des ordonnances de nos rois, Paris, G. Desprez, 1670. Le tome 8 de la Théologie morale de F. Genet, dite “de Grenoble”, dans l’éd. de Rouen, Vve Ch. Ferrand, 1739, reproduit, outre les Institutes de Justinien et un abrégé, en latin, du droit civil et canonique, l’édit de Versailles, d’avril 1695, concernant la juridiction ecclésiastique. Ce loyalisme juridique, affirmé mais au demeurant inévitable, marquait-il un désir de se dédouaner vis-à-vis du pouvoir royal ?
31 Dictionnaire portatif des cas de consciences..., qui emprunte à plusieurs autres recueils, parmi lesquels Pontas et Lamet et Fromageau, plusieurs éd., tantôt en 2, tantôt en 3 vols petit in-8° ; éd. consultée, Lyon, J.-M. Bruyset, 2 t., 1759. “Fiançailles” au t. 1.
32 Cf. plusieurs passages de G. Bechtel, La chair, le diable et le confesseur op. cit., en particulier sa conclusion qui hésite entre des interprétations contradictoires.
33 Medula theologiae moralis facili ac perspicua methodo resolvens casus conscientiae, ... paenentibus atque confessariis utilis. 1re éd., 1645, qui connut 200 éd., aussi bien en Allemagne, en Italie qu’en France, où l’éd. de Tournai date de 1848 ; sans compter une traduction arabe en 1831... !
34 Theologia moralis ex Biisenbaum, Cologne 1707, nombr. éd., rééd. à Paris en 1890 encore.
35 Parmi ses premiers ouvrages : Théologie morale rédigée par appendice à celle de Büsenbaum, Naples, 2 vols, 1755. On sait qu’il a provoqué une vraie révolution en théologie morale en réhabilitant un probabilisme modéré, permettant d’abandonner le rigorisme adopté par l’A. G. du clergé de 1700. Cf. J. Guerber, Le ralliement du clergé français à la morale liguorienne, Rome, Univ. Grég., 1973.
36 L’éd. originale à Rouen en 1782 ne se trouve ni à la Bibliothèque nationale, ni à la Bibliothèque des Jésuites à Chantilly. J.-L. Flandrin emprunte les citations qu’il en fait dans Familles, parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société, Paris, Hachette, 1976. p. 227-229, à H. Bergues et al., La prévention des naissances dans les familles. Ses origines dans les temps modernes, Paris, PUF, INED, 1960. Ce dernier ouvrage se réfère, quant à lui, à une reproduction faite à Rouen, Lemonyer, 1880.
37 “Confesser au XVIIIe siècle d’après le manuel du père Daon...”, art. cit., notamment la note 3.
38 Cf. R. Araud, “Le traité de la conscience chez Vasquez et Suarez”, 1re partie, Lille, Pontificia Universitas Gregoriana, 1967, 98 p. ; 2nde partie, dans Science et Esprit, Montréal, vol. XX, fasc. 1, p. 59-75 et fasc. 2, p. 269-289.
39 L’oratorien G. Juenin y consacre 66 p. dans sa Théorie et pratique des sacrements, des censures, des monitoires et des irrégularités.... Paris. Roulland, 1713, t. 2, p. 30-95.
40 Paris, A. Pralard, 1681, 328 p. + 64 de règles données par des conciles ou des évêques.
41 Par ex. P. Darmon, Mythologie de ta femme dans l’Ancienne France, Paris, Seuil, 1983, erroné et contestable à plus d’un titre, ou G. Bechtel, La chair, le diable et le confesseur, Paris, Plon, 1994, très riche en informations, mais dont certaines interprétations mériteraient débat.
42 Cf. “La sexualité et les confesseurs à l’époque moderne”, dans Revue d’histoire des religions, CCIX-4, 1992, p. 413-426.
43 Paris, aux éditions “Critique et Raison”, s. d. Cette édition de sept ouvrages écrits par des clercs, certains connus comme le P. Debreyne ou Mgr Bouvier, prétend être “strictement conforme aux textes originaux des traités de luxure en usage dans les séminaires”, mais outre qu’il s’agit d’extraits, sortis de leur contexte, on peut se demander, là encore, si tous ont réellement été en usage. La Sommes des péchés du père Bauny (1638). par ex., était à l’index depuis le 26 octobre 1640.
44 G. Bechtel, op. cit., en particulier dans la longue, intéressante et contradictoire conclusion.
45 Disputationum de sancto matrimonii sacramento tomi tres..., la meilleure éd., Anvers, M. Nutium, 1607, 573 + 888 p. + index.
46 Le cours de théologie morale dans lequel les cas de consciences sont amplement enseignés et la pratique nécessaire aux pasteurs des âmes..., approb. 1651, 6e éd., Lyon, D. Gayet, 2 vols.
47 J. Delumeau, L’aveu et le pardon..., op. cit., depuis l’introduction. La contrition l’est tout autant.
48 Le terme est employé par plusieurs. Bauny écrit pour permettre aux fidèles de “vivre en paix”.
49 Avis importants sur la pratique et l’administration de sacrement de pénitence, Bruxelles, Foppens, 1738, p. 92.
50 Cf. M. Bernos, “Les religieuses vues par leurs confesseurs (XIIIe-XVIIIe siècles)”, dans Les religieuses dans le cloître et dans le monde, IIe Colloque international du CERCOR, à Poitiers, en 1988, Saint-Étienne, PU S.-E., 1994, p. 413-433.
51 Par ex. : J.-J. Duguet, Traité des scrupules, de leurs causes, de leurs espèces, de leurs suites dangereuses, de leurs remèdes généraux et particuliers, Paris, J. Estienne, 1717, d’autant plus intéressant que Duguet est un janséniste modéré ; C. Gillotte, Le directeur des consciences scrupuleuses..., éd. consultée, 3e, Paris, Vve G.-Ch. Berton, 1753 ; etc.
52 Cf. G. Bechtel, op. cit.
53 Ex. Saint Jean Eudes, Le bon confesseur..., Lyon, ß Vignieu, 1689 (approb. de 1642), p. 222.
54 Saint Alphonse de Liguori, Pratique du confesseur, dans Œuvres complètes, Paris, Mellier, 1842, t. 26, p. 243-244.
55 Voir l’article 4, « Le confesseur, “médecin des âmes” ». Plusieurs manuels comportent le mot “médecin” dans leur titre même : Aquaviva, Le médecin spirituel, Paris, Moreau, 1625 ; B. Saladin, Le médecin spirituel des âmes craintives et scrupuleuses..., Lille. F. Fievet, 1690 ; G. Zelt, Confessarius tam saecularis quam regularis juxta triplex officium judicis, doctores et medici practice instructus, Ingolstadt, J. A. de La Haye, 1729 (1re 1709 ?) ; etc. La tradition se maintient au XIXe siècle, cf. J. Valentin, Le prêtre juge et médecin..., Lyon et Paris, Guyot, 2 vols, 1845.
56 Le directeur pacifique des consciences..., approb. 1633, éd. consultée, Paris, N. Buon. 1666.
57 Pratique du sacrement de pénitence, ... dite “Pratique de Verdun”, mandement de 1690, nombr. rééd. jusque dans la seconde moitié du XVIIIe siècle ; éd. consultée, Paris, B. Alix, 1729, préface.
58 Traité des superstitions selon l’Écriture sainte, les décrets des conciles et les sentiments des saints pères et des théologiens, Paris, A. Dezallier, 1676 ; nombr. rééd. durant au moins un siècle. J. M. Goulemot en a donné des extraits intéressants, d’après l’éd. de 1741 en 4 vols, dans Traité des superstitions. Croyances populaires et rationalité à l’âge classique, Paris, Le Sycomore, 1984.
59 Benedicti, La somme des péchés et le remède d’iceux, Lyon, 1594 ; éd. consultée, Paris, 1601, p. 139. F. Morenas, Dictionnaire portatif des cas de conscience..., op. cit., t. 1, “Adultère”, cas XVIII, p. 40, reproduisant Pontas.
60 Ibid., “Fiançailles”, cas XXXVII, p. 462-463, reproduisant Pontas.
61 Abrégé du Dictionnaire des cas de conscience de M. Pontas, Paris, Libraires associés. 2 t., 1764.
62 Dictionnaire des cas de conscience..., par J. Pontas, revu par Amort, revu par Collet, revu par Vermot, Petit-Montrouge, 2 vols, 1847.
63 Benedicti, La somme des péchés et le remède d’iceux, op. cit., p. 104.
64 Émile ou de l’Éducation, livre I, 1768.
65 Traité des devoirs des gens du monde et surtout des chefs de famille, Paris, J. Debure, etc., 1764, p. 178.
66 C’est le titre d’un ouvrage du “sieur de Saint-Germain”, pseudonyme de Pierre Tressan de la Vergne, disciple de Nicolas Pavillon, Paris, G. Desprez, 1670 ; réédité jusqu’en 1724 au moins. Il en existe beaucoup d’autres, ainsi, à la fin de sa vie, J. Pontas, fort de son expérience de canoniste (Cf. son Dictionnaire plusieurs fois cité), donna un Examen général de conscience sur tous les péchés qu’on peut commettre dans les différents états de la vie, Paris, J. Vincent, 1728. Les états de vie peuvent aussi ne remplir qu’une partie d’un manuel de plan plus classique, ou quelques chapitres seulement, comme chez L. Habert, op. cit., p. 273-305.
67 Cf. article 7, “Les nobles d’Ancien Régime face à leur conscience”.
68 C’est même le premier point abordé par J. Pontas, “Examen des ecclésiastiques”, dans son Examen général de consciences dans les différents états de vie, op. cit., p. 1. Un volume entier est consacré aux Résolutions de plusieurs cas importants pour la morale et pour la discipline ecclésiastique. Par un grand nombre de docteurs en théologie de la Faculté de Paris, Lyon, Libr. de la Compagnie, 1667.
69 L. Habert, op. cit., p. 301.
70 Compendium, extrait de sa Summa, pour les confesseurs moins instruits. Cf. J. Legoff, Pour un autre Moyen Âge, Paris, 1977, p. 177.
71 Berthold de Ratisbonne, Péchés et vertus. Scènes de la vie du XIIIe siècle, textes présentés, traduits et commentés par C. Lecoureux et Ph. Marq, Paris, éd. Desjonquères, 1991.
72 M. Bernos, “La femme au confessionnal à l’époque moderne”, Colloque Les femmes et l’accès au savoir. Au temps d’Anne de Xainctonge (1596-1621), Dôle, Cahiers dolois, 1997, p. 155-180.
73 C’est le cas de F. Morenas, op. cit., article “Adultère” cité.
74 Ibid., p. 369.
75 Cf. É. Bauny, op. cit., p. 408 ; mais aussi J. Pontas, op. cit., t. III, art. “Restitution”, cas CLV.
76 J. Pontas, ibid., cas CLVI-CLVII.
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