Pratiquer le droit au quotidien. Les notaires et leurs activités à travers les comptes de la judicature du Chablais (fin XIIIe-milieu XIVe siècle)
p. 229-247
Texte intégral
1« Il rend compte qu’il a reçu à Villeneuve, pour le revenu du grand sceau, des mains d’Anselme Ruffi notaire, pour 3 contrats perpétuels valant 24 livres, pour 19 contrats non perpétuels valant 204 livres et pour 18 contrats dont aucun n’excède 60 sous – 49 sous 1 denier obole lausannois »1. Tel est le type d’information standardisée à la base de cette contribution, qui s’appuie non pas sur des registres de notaires ou sur l’analyse des actes qu’ils auraient mis par écrit, mais sur une source extérieure : la comptabilité du juge savoyard du Chablais. Elle est parvenue jusqu’à nous pour les années 1280-1282 et 1289-1291, puis de façon pratiquement complète dès 12992. Elle offre un témoignage de premier ordre pour saisir l’activité des notaires sur le territoire de cette judicature, qui s’étendait sur le Chablais aujourd’hui français, le Genevois, le Bas-Valais et l’est du canton de Vaud en Suisse actuelle3. L’essentiel des recettes recueillies par le juge était en effet constitué par les taxes payées par les notaires pour l’exercice de leur métier : d’une part, ils devaient s’acquitter d’une ferme annuelle pour être autorisés à pratiquer leur profession ; d’autre part, ils payaient une taxe proportionnelle à la valeur de chaque contrat sur lequel ils apposaient le grand sceau de la judicature du Chablais4. Les autres recettes de la judicature étaient constituées par l’apposition du petit sceau de la judicature, lors des assises tenues par le juge plusieurs fois par an dans chacune des principales localités de sa circonscription, ainsi que de paiements reçus pour des actes particuliers (date), comme des tutelles ou des testaments5.
2Cette présentation sommaire de la source utilisée montre que les notaires dont il sera question ici sont, comme les autres notaires savoyards et ceux de beaucoup de territoires alpins, à cheval entre deux modes d’authentification des actes, qu’ils combinaient d’ailleurs souvent : le signet, caractéristique du notariat arrivé d’Italie dans la région qui nous intéresse au cours du XIIIe siècle, et le sceau, en l’occurrence celui de la cour du juge du Chablais, héritage des anciennes habitudes de validation des actes6. Cette ambivalence se traduit dans la terminologie adoptée dans les comptes de la judicature : les notaires sont d’abord qualifiés de « jurés de la cour » du juge du Chablais ; le terme de notaire n’apparaît pour s’imposer dès lors qu’en 13147.
3La comptabilité du juge du Chablais sera étudiée ici à partir de 1299, où elle commence à être parlante à propos des notaires8, et jusqu’en 1330, cette dernière date n’étant pas significative mais représentant une étape d’une étude encore en cours9. La région prise en considération est le Chablais vaudois et valaisan en Suisse actuelle, soit les localités de Villeneuve, Aigle, Saint-Maurice et Monthey – les exemples étant essentiellement villeneuvois et aiglons10.
Combien de notaires ?
4Un des intérêts des comptes de la judicature est qu’ils enregistrent à partir de 1322 les fermes payées par les notaires pour l’exercice de leur profession. Avant cette date, les données sont accessibles par un autre biais : ces taxes annuelles pour l’exercice du notariat figurent de 1296 à 1322 dans la comptabilité des châtellenies concernées11. En revanche, les comptes de ces châtellenies antérieurs à 1296 ne font pas mention d’une taxe à payer pour l’office de notaire, ce qui amène à l’hypothèse que son introduction simultanée cette année-là dans les châtellenies de Chillon et de Saint-Maurice pourrait résulter d’une décision centrale du pouvoir savoyard, que l’on ne connaît pas textuellement mais qui semble avoir eu des effets également ailleurs dans le territoire savoyard : un changement dans le même sens a lieu en tout cas à Avigliana dans le val de Suse12. À partir de 1322, les fermes pour l’exercice du notariat sont perçues par le juge et non plus par le châtelain, et elles figurent donc régulièrement dans les comptes de la judicature13.
5Combien de notaires par châtellenie paient-ils la ferme pour l’exercice du notariat dans les châtellenies étudiées ? À Saint-Maurice, ce sont deux ou trois notaires qui s’acquittent de cette taxe annuelle dans les années 1296-1314 (trois de 1296 à 1299, puis deux de 1300 à 1314 suite au décès du troisième), généralement sept à huit dans les années 1315-1319 (sauf en 1317-1318, où seuls trois notaires sont dans ce cas), onze dont deux établis à Monthey quand les données reprennent pour les années 1322-1324. De 1324 à 1326, seuls les notaires montheysans paient la ferme, soit de une à trois personnes ; en effet, les revenus des fermes du notariat pour la châtellenie de Saint-Maurice sont perçus dès celle pour 1325 par Marie de Brabant, veuve du comte de Savoie Amédée V, qui avait reçu la châtellenie comme une partie de son douaire14. À partir de 1327, les fermes des notaires montheysans disparaissent aussi des comptes de la judicature, cette châtellenie ayant également passé à Marie de Brabant15.
6Dans la châtellenie de Chillon, c’est entre un et dix-sept notaires qui s’acquittent de la ferme annuelle dans les années considérées (fig. 1, total, colonne « ferme »)16. Si on essaie de distinguer entre ceux actifs dans les environs de Villeneuve et ceux établis dans la région d’Aigle17 – les deux localités importantes qui forment les deux pôles de la châtellenie, et où le juge du Chablais tenait régulièrement ses assises –, on compte de zéro à dix notaires payant la ferme autour de Villeneuve et de zéro à neuf à Aigle et dans les alentours (fig. 1, respectivement Villeneuve et Aigle, « ferme »).
7Ces chiffres ne représentent toutefois pas l’ensemble des notaires actifs dans la châtellenie de Chillon. On le constate si l’on considère non plus les fermes pour l’exercice du notariat, mais les taxes sur le nombre d’actes scellés, dont les notaires devaient également s’acquitter. Ces taxes étaient dues par tous les notaires ayant apposé le sceau de la judicature, qu’ils aient ou non payé la ferme : un notaire pouvait en effet, en particulier avant la césure de 1314 sur laquelle nous reviendrons, sceller des actes du sceau de la judicature même sans avoir payé de ferme pour l’exercice du notariat. Le nombre de notaires ayant ainsi fait usage du grand sceau de la judicature figure dès 1299 dans la comptabilité de la judicature du Chablais. En prenant ces données pour base, on arrive aux chiffres de deux à neuf notaires aux alentours de Villeneuve, de un à neuf dans les environs d’Aigle, pour un total de quatre à dix-sept pour l’ensemble de la châtellenie (fig. 1, colonnes « sceau »). À Saint-Maurice, ce sont entre trois et douze notaires qui s’acquittent durant la même période de la taxe sur leurs activités18.
8Quant au total de notaires attestés dans la châtellenie de Chillon – le chiffre est obtenu par la comparaison des noms des notaires payant la ferme pour l’exercice de leur profession et de ceux s’acquittant de la taxe sur leur activité, ceux qui paient les deux n’étant comptés qu’une fois –, il s’élève dans les années 1296-1330 de un à dix-huit notaires ; on compte de zéro à douze notaires dans la région de Villeneuve, de un à dix à Aigle et alentours (fig. 1, colonnes « total »).
9Plusieurs remarques s’imposent à la lecture de ces chiffres. D’abord, le nombre de notaires pour les deux localités et leurs environs paraît relativement élevé : si Villeneuve était une ville importante sur la route de transit des marchandises par le Simplon et le Grand-Saint-Bernard entre l’Italie et le nord de la France, Aigle était un bourg plus petit19. Ce chiffre se relativise cependant si on le compare avec l’abondance des notaires dans les villes italiennes (1 500 attestés à Milan en 1288, 200 à Gênes en 1303, 600 à Florence en 1336-1338), voire avec les cinquante à cent notaires repérés pour la première moitié du XIVe siècle dans des villes comme Montpellier ou Perpignan20.
10Par ailleurs, on constate que les notaires sont aussi bien représentés à Aigle et dans les alentours qu’à Villeneuve. Bien plus, ils ne sont pas toujours établis dans les villes, mais dans de petites bourgades environnantes : sur les sept notaires attestés à Aigle et dans la région en 1314, un est établi à Ollon et deux à Bex. À la même date, autour de Villeneuve, un notaire est de Noville et un de Vouvry. Le notariat n’est donc pas seulement un phénomène urbain, mais il est déjà au début du XIVe siècle largement répandu dans le territoire – comme cela a aussi été constaté ailleurs21.
Un changement législatif
11La comparaison entre les données provenant des notaires payant la ferme pour le notariat et celles issues du paiement de la taxe sur les actes scellés (fig. 1, lecture horizontale) est également riche d’enseignements. On s’aperçoit en effet que, dans les premières années considérées (1299-1314), les notaires s’acquittant de la taxe sur leurs activités sont considérablement plus nombreux que ceux qui paient la ferme. Ainsi, seul Nicolas Favre – probablement établi à Aigle – paie une ferme pour l’exercice de son métier dans la châtellenie de Chillon pour les années 1296-1300, mais la taxe sur les actes scellés nous apprend que d’autres notaires y exerçaient, puisque Pierre Curbaudi, Jean du Moulin et Maurice de l’Hôpital à Villeneuve et un autre notaire à Aigle en plus de Nicolas Favre, paient proportionnellement au nombre d’actes qu’ils ont scellés du grand sceau de la judicature à partir de 1299, et ceci sans payer de ferme. Il s’agit bien de notaires basés dans la châtellenie, car les noms reviennent régulièrement d’une année à l’autre. L’explication probable de ce phénomène est que le pouvoir savoyard n’avait jusqu’alors pas encore entièrement « récupéré » fiscalement l’institution du notariat22.
12La tendance s’inverse à partir de 1314 : les notaires payant la ferme sont dès lors souvent plus nombreux que ceux qui ont apposé le sceau de la judicature. Ainsi, à Villeneuve en 1314, dix notaires paient la ferme, mais seuls six ont apposé le sceau de la judicature (fig. 1). Dans ce cas, il est probable que certains des notaires ayant payé la ferme n’auront pas eu une année donnée besoin de faire usage du sceau de la judicature23. Notons que, même si un notaire n’a rien scellé, cela n’exclut pas qu’il ait continué à exercer son métier en apposant son signet sur des instruments publics24.
13L’année 1314 apparaît donc comme une césure en ce qui concerne les notaires, tant dans la châtellenie de Chillon que dans celle de Saint-Maurice. Dans les comptabilités de toutes deux apparaît cette année-là, en plus des quelques notaires qui payaient déjà la ferme auparavant, toute une série de notaires « nouveaux » – dont la plupart étaient déjà actifs les années précédentes sans pour autant payer de ferme. Ces notaires « nouveaux » paient chacun la somme uniforme d’un florin de ferme. Ainsi, dans la châtellenie de Chillon, Jean Picolier continue en 1314 de verser les 10 sous genevois dont il avait l’habitude de s’acquitter chaque année pour l’exercice de sa fonction, mais il est flanqué de treize autres notaires qui paient chacun un florin25. À Saint-Maurice, ce sont six notaires, en plus des deux qui versaient chacun 10 sous, qui apparaissent dans les sources26.
14Il doit donc y avoir eu décision politique en 1314 de soumettre à la ferme davantage de notaires – dont on peut s’imaginer qu’elle pourrait avoir pris la forme d’une nouvelle législation savoyarde sur le notariat. Or si l’on connaît les statuts savoyards sur le notariat antérieurs (1263-1268)27 et postérieurs (1379)28, un tel texte juridique ne s’est – à ma connaissance – pas conservé pour 1314, ce qui ferait de la comptabilité un témoin indirect d’innovations législatives29. Cette hypothèse d’une nouvelle législation sur le notariat – ou du moins d’une nouvelle manière de traiter fiscalement l’activité des notaires – en 1314 semble confirmée par le fait que, à partir de 1315, les comptes de la judicature se font eux aussi plus précis dans leur rédaction : ils se mettent à distinguer systématiquement les montants reçus pour les différents types de contrats reçus par les notaires (contrats perpétuels, non perpétuels, de moins de 60 sous) – nous y reviendrons.
Quelques données personnelles
15Qui étaient ces notaires payant la ferme et/ou la taxe sur les actes scellés ? Dans les formulations relativement répétitives de la comptabilité se glissent parfois quelques données personnelles – il s’agit pour les rédacteurs des comptes d’expliquer pourquoi l’un ou l’autre n’a pas payé sa ferme ou n’a pas scellé d’actes une année donnée. Ces renseignements au hasard des comptes nous donnent un aperçu du parcours de certains de ces praticiens du droit.
16Quand une explication est donnée au fait qu’un notaire ne paie plus sa ferme ou n’a pas scellé d’actes, c’est souvent simplement qu’il est décédé, à l’image de Nicolet de Saint-Maurice à Aigle en 1310-131130, de Jean Borgeis notaire à Villeneuve en 1325-132631, ou d’Aymon Curbaudi à Villeneuve en 1326-132832. D’autres fois, les notaires sont absents provisoirement. Ainsi, le juge du Chablais ne perçoit rien de l’activité à Villeneuve de Pierre Curbaudi, Guillaume Monteuz et maître Jean pour l’année 1312-1313 « parce qu’ils ont été absents et n’ont rien écrit »33. Il arrive aussi que des notaires déménagent. On apprend ainsi en 1324-1325 que Perronet Patini ne paie rien à Villeneuve parce qu’il demeure désormais à Allinges34. Il a donc changé de châtellenie, tout comme Jean Favre (Fabri), qui payait la taxe sur les actes qu’il scellait à Aigle (il était établi à Bex) et ne la paie plus dans cette localité dès 1326-1328 « parce qu’il demeure à Monthey »35, ou Nicod Vassal, qui exerçait à Aigle et qui en 1329-1330 « est parti à Châtel(-Saint-Denis) il y a deux ans déjà, est devenu prêtre et n’exerce plus son office »36.
17Ce dernier exemple montre qu’un notaire pouvait aussi tout simplement renoncer à son office. Le cas est assez fréquent, même si les raisons qui amènent ces hommes à faire ce pas ne sont pas toujours précisées. On apprend ainsi en 1322-1324 qu’Hugonet Franqueti de Saint-Maurice « a renoncé à son office et ne l’exerce plus »37. Il en va de même de Jordan de Saint-Maurice en 1324-132538, ou de Jaquerod Vuichardi en 1329-133039. Moins habituel, le juge ne perçoit plus rien de Jean d’Illetes à Saint-Maurice en 1308-1310 « parce qu’il demeure auprès du dit juge »40, sans que l’on sache en quoi consistait la fonction de ce notaire auprès du juge du Chablais.
18Les explications sont parfois hautes en couleur, comme Nicolet Vuichardi de Saint-Maurice qui ne paie pas sa ferme en 1329 car « il a quitté le pays pour cause de fausseté »41. À Saint-Maurice en 1315-1316, le juge ne perçoit qu’un demi florin au lieu d’un florin de ferme d’Hugonet Franqueti « parce qu’il a été suspendu de son office par le juge autour de la Toussaint 1315, et il est encore suspendu »42 ; il retrouvera ses fonctions au Carême suivant43.
19Notons que ces exemples dans lesquels la comptabilité de la judicature donne des explications sur le sort des notaires coexistent avec d’autres cas où les comptes sont muets sur les raisons pour lesquelles un notaire ne rapporte rien au pouvoir savoyard. Ils signalent ainsi en 1326-1328 que rien n’a été perçu du notaire Nicolet de Chevignon parce qu’il n’a rien scellé pendant la période comptable, sans plus de précisions44 ; le même Nicolet de Chevignon ne scelle pas non plus d’actes en 1328, tout en continuant de s’acquitter de sa ferme45 – les comptes ne sont pas plus loquaces sur les raisons de cet état de fait. Ce cas de figure se retrouve à de nombreuses reprises dans la comptabilité étudiée46.
20Des précisions contradictoires se trouvent dans le cas de Jean Favre, qui quitte Aigle pour Monthey en 1326-1328. Dans la comptabilité pour 1328, il apparaît encore sous la rubrique « Aigle » comme n’ayant rien versé, avec à nouveau la mention qu’il ne paie rien parce qu’il exerce désormais à Monthey47. Cette explication est concurrencée par une autre dans le compte pour 1329-1330, selon laquelle « il est mort bien avant la période pour laquelle il [le juge] rend compte »48.
21Les renseignements donnés appellent parfois d’autres questions sur les activités des notaires hors de leur châtellenie, comme dans le cas de Nicod Vuichardi, notaire à Saint-Maurice, qui ne paie pas de taxe pour l’utilisation du sceau en 1325-1326 parce que « le dit Nicod a été fait prisonnier, et l’est depuis longtemps, sur le territoire du Faucigny »49. Quant au notaire Jaquerod de Peraviso de Saint-Maurice, il a été actif non seulement dans cette ville et les environs, mais dans un rayon plus large que sa châtellenie : il paie séparément dans les comptes de la judicature pour 1324-1325 pour six contrats non perpétuels reçus hors de la châtellenie de Saint-Maurice, dont la valeur totale s’élève à 30 livres – et ceci en plus de la taxe sur les actes scellés à Saint-Maurice qu’il paie aussi la même année (14 contrats non perpétuels et 45 de moins de 60 sous)50.
Des sources quantitatives : combien de contrats ?
22Les comptes de la judicature permettent non seulement de savoir combien de notaires étaient établis dans les châtellenies savoyardes du Bas-Valais et d’avoir parfois des informations sur leur parcours professionnel, mais aussi d’entrer avec des données quantitatives dans la pratique de chacun d’eux. En effet, à partir de 1300-130151, cette comptabilité indique, au moment d’enregistrer la taxe due par chaque notaire sur les actes scellés par ses soins, non seulement le montant total qu’il a versé pour cela au juge, mais également le nombre de contrats qu’il a scellés.
23Le poids respectif des différents notaires qui ressort de l’étude de ces chiffres est variable. À Villeneuve52, pour l’ensemble de la période 1300-1330, un seul notaire signe entre 1 (par exemple Jean Ypothecarii en 1315) et 137 contrats par an (Jean Patini de Noville en 1325) – précisons que les années correspondent ici aux périodes comptables qui sont en réalité de longueur inégale, mais de l’ordre d’une année53. Les résultats obtenus pour les notaires villeneuvois ont été rassemblés dans le tableau ci-après (fig. 2)54.
24Ce tableau fait apparaître les caractéristiques des activités des différents notaires villeneuvois dans les années 1300-1330. Si l’on sépare – arbitrairement – cette période en trois décennies, on se rend compte que la première, soit 1300-1310, est dominée par les activités de Pierre Curbaudi jusqu’en 1304, et de Jean Picolier à partir de 1302 (il sera actif jusqu’en 1316). Sur 1672 contrats scellés durant cette décennie, Pierre Curbaudi en a scellé 308 (soit 18 %) et Jean Picolier 465 (soit 28 %). À eux deux, ils scellent donc presque la moitié (46 %) des contrats de cette première tranche chronologique. La décennie suivante est un peu mieux partagée entre les différents notaires. On y relèvera le poids de Jean de Lausanne (395 contrats sur les 2 968 de la décennie, soit 13 %), de Jean Picolier déjà cité (305 contrats, soit 10 %) et de Jean Patini de Noville (254 contrats, soit 9 %) – à eux trois 32 % du total. Quant à la troisième décennie, elle se place à nouveau nettement sous le signe de deux ou trois notaires, en l’occurrence toujours Jean de Lausanne (447 contrats sur 1621, soit 28 %) et Jean Patini de Noville (400 contrats, soit 25 %), et dans une moindre mesure Anselme Ruffi (254 contrats, soit 16 %). Sur les trente ans étudiés, Jean de Lausanne a scellé le plus d’actes, avec 846 sur les 4 941 au total, soit 17 %, suivi par Jean Picolier avec 770 actes (16 %) et Jean Patini avec 654 (13 %).
25Ces notaires ne sont pas des inconnus : ils étaient pratiquement tous actifs dans la vie municipale villeneuvoise, comme en attestent les comptes de l’administration municipale de cette localité, qui sont parvenus jusqu’à nous pour les années 1287-1293, 1311-1316, 1321-1323. Ainsi, Pierre Curbaudi est greffier communal dès 1283, participe peut-être à la levée des impôts communaux en 1285, est présent pour la reddition des comptes municipaux de 1291-1293, et rédige les comptes de la confrérie du Saint-Esprit de Villeneuve en 1303 et 1304. Quant à Jean Picolier, il écrit le compte de la confrérie du Saint-Esprit en 1306 et effectue divers travaux d’écriture. Si, curieusement, Jean de Lausanne n’apparaît pas dans la comptabilité municipale villeneuvoise conservée pour cette période, Jean Patini reçoit la comptabilité pour 1321-1323 et effectue pour la ville divers travaux d’écriture et de conseil juridique. Enfin, Anselme Ruffi est présent pour recevoir les comptes municipaux de Villeneuve en 1321-1323, est employé pour ce compte comme secrétaire et représente également la ville dans au moins une affaire judiciaire55.
26Malgré le nombre prépondérant d’actes scellés par ces quelques notaires, le « paysage notarial » villeneuvois a aussi été marqué par un certain nombre de notaires moins productifs mais dont la longévité est à signaler (du moins en ce qui concerne leurs activités), comme Aymon Curbaudi, actif de 1302 à 1325 (il meurt à la fin de 1326 ou en 1327), qui était également un pilier de la vie municipale villeneuvoise ; il scelle sur l’ensemble de la période 364 actes, soit une moyenne annuelle de 20 actes, de 4 à 50 selon les années56. C’est modeste si on le compare à Jean Picolier déjà cité, dont la moyenne annuelle se monte à 59 actes, ou à Jean de Lausanne qui sur 17 ans d’activités scelle une moyenne de 50 actes par an. Jaquet Bochet, actif entre 1302 et 1315, scelle de 7 à 74 contrats annuellement, en moyenne 27.
27L’activité d’autres notaires est très épisodique, comme Amédée Josep (6 contrats en 1312, 1 en 1315), Hugues Patini (17 contrats en 1315), Jean Ypothecarii (28 contrats en 1318), Perronet Patini (9 contrats en 1323), Jean Borgeis (2 contrats en 1323, 37 en 1324). Certains d’entre eux paient pourtant la ferme pour l’exercice de leur activité, comme Amédée Josep – qui prête le serment de bourgeoisie à Villeneuve dans l’exercice 1312-131657 – ou Jean Borgeis, ou encore Perronet Patini qui la paie une fois et semble s’être ensuite établi à Allinges. D’autres ne la paient pas, comme Hugues Patini ou Jean Ypothecarii.
28Quant au nombre total des contrats scellés chaque année par les notaires villeneuvois, il fluctue durant la période étudiée entre 82 en 1330 et 394 en 1312 (fig. 3). Sur les vingt-quatre ans documentés de la période 1300-1330, les notaires de Villeneuve ont scellé 4 941 contrats, soit une moyenne annuelle de 206 actes. Les pointes principales se situent en 1304, 1312, et 1324, avec plus de 300 contrats par an. Les valeurs dépassent souvent les 200 contrats par an. Seules deux années montrent des chiffres inférieurs à 100 contrats : 1308 et 1330. Les raisons de ces pointes irrégulières ne sont pas apparentes ; elles semblent plutôt aléatoires.
29Ce qui apparaît clairement en revanche, c’est le succès de cette forme d’acte notarié scellé du grand sceau de la judicature du Chablais. Il concurrence les anciennes chancelleries locales : à Saint-Maurice en 1300-1301, pendant que les notaires scellent 191 actes du sceau du juge du Chablais, la chancellerie de Saint-Maurice – à qui Amédée IV de Savoie avait pourtant confirmé en 1245 son ancien monopole du droit d’instrumenter dans les provinces du Chablais, du Valais et de l’Entremont – n’enregistre que 20 actes58.
Différents types de contrats : quel poids respectif ?
30Si la comptabilité de la judicature permet d’établir combien de contrats ont été scellés par chaque notaire, elle permet même d’aller plus loin. Elle indique en effet souvent quel type de contrats un notaire a scellés. Avant 1315, ces indications sont encore assez vagues. Elles permettent toutefois de souligner d’emblée le poids des reconnaissances de dettes, puisque les prêteurs, tant Cahorsins que Juifs, figurent souvent dans la formulation. Pour ne citer que quelques exemples, les contrats scellés par les notaires villeneuvois sont qualifiés en 1299-1300 de « lettres de contrats tant des Cahorsins que des autres » ; en 1300-1301, ils sont séparés en contrats perpétuels, contrats non perpétuels et « lettres de Cahorsins et de Juifs », et en 1301-1302 en contrats perpétuels et « autres contrats tant des Cahorsins que des Juifs »59. En 1307-1308, chaque notaire paie pour un certain nombre de contrats « tant contrats perpétuels que prêts »60. Si les scribes ont jugé utile de les identifier ainsi, bon nombre des contrats non perpétuels scellés par les notaires devaient être des reconnaissances de dettes61.
31À partir de 1315 – cette nouveauté peut vraisemblablement être mise en relation avec la « reprise en mains fiscale » du notariat de 1314 –, la comptabilité renferme des données sérielles permettant d’observer concrètement le poids des différents types de contrats scellés par les notaires. Les comptes indiquent en effet dès lors systématiquement, pour chaque notaire, le nombre de contrats perpétuels, de contrats non perpétuels et de contrats de moins de 60 sous qu’il a scellés, ainsi que la valeur totale de chaque type de contrats62. La taxe que les notaires payaient pour la sigillation des actes variait en effet selon le type de contrat et était proportionnelle à sa valeur : s’il s’agissait d’un contrat perpétuel, le notaire devait verser au juge du Chablais une taxe de 3 deniers par livre de valeur du contrat (soit un taux de 1,25 %) ; pour les contrats non perpétuels, qui devaient être considérés comme moins prestigieux, étaient dus 2 deniers par livre de valeur du contrat (soit un taux de 0,83 %) ; les actes d’une valeur inférieure à 60 sous, qu’ils soient perpétuels ou non, versaient une taxe uniforme de 6 deniers chacun63. Des remarques dans la comptabilité indiquent que ce tarif spécial pour les contrats de moins de 60 sous était une innovation de 131564.
32Quel était le poids de ces différents contrats ? Pour reprendre l’exemple villeneuvois, sur les 2 245 contrats scellés à Villeneuve entre 1315 et 1330, on compte 332 contrats perpétuels (soit 15 %), 816 non perpétuels (soit 36 %), et 1 097 de moins de 60 sous (soit 49 %) (fig. 4). Si l’on regarde année par année, l’image ne change pas beaucoup : les contrats de moins de 60 sous dominent toujours l’ensemble, et représentent généralement une bonne moitié du total. Ils sont suivis des contrats non perpétuels, qui pèsent pour environ un tiers. Les contrats perpétuels oscillent généralement entre 10 et 20 % du tout65. Le constat est le même à l’intérieur de la production de chaque notaire. Aucun ne semble spécialisé dans un certain type d’actes. Les notaires très actifs à Villeneuve dans les années 1315-1330 comme Jean de Lausanne, Jean Patini de Noville ou Anselme Ruffi, scellent donc avant tout des contrats de moins de 60 sous, puis des contrats non perpétuels, enfin des contrats perpétuels.
33L’essentiel de l’activité des notaires était donc affecté à des affaires de peu d’importance66. Si, comme le nom de « lettres des Cahorsins » qui leur est parfois donné le laisse entendre, beaucoup de ces affaires étaient des prêts, le montant de ces derniers devait lui aussi être peu élevé. Or on sait, notamment par l’exemple du vidomnat d’Ardon-Chamoson et de la paroisse de Leytron en Valais dans les années 1330-1340, que les emprunts contractés dans le monde rural étaient généralement d’un montant de une à deux livres, et qu’ils devaient en grande partie permettre aux paysans de survivre jusqu’à la prochaine récolte67. Les actes scellés par les notaires du Bas-Valais, et en particulier de Villeneuve et des environs, étaient donc vraisemblablement dans leur grande majorité, comme en bien d’autres endroits, des prêts de sommes relativement modestes – même si bien sûr d’autres actes s’y ajoutaient.
34Signalons encore un cas où les comptes de la judicature mettent en évidence une particularité de l’activité du notaire villeneuvois Aymon Curbaudi, et dans une moindre mesure de son collègue Jaquet Bochet : dans la rubrique « Villeneuve » des comptes de la judicature pour 1307-1308, Jaquet Ponteys paie 20 sous pour la taxe d’utilisation du grand sceau « pour les lettres rédigées par les mains d’Aymon Curbaudi et de Jaquet Bochet »68. Cette mention peu explicite s’éclaire si on la croise avec d’autres sources. En effet, Jaquet Ponteys était alors péager de Villeneuve, tandis qu’Aymon Curbaudi était scribe de ce péage69. La nécessité pour le péager de pouvoir faire rédiger certains actes par des notaires apparaît à nouveau dans la comptabilité de la judicature du Chablais en 1308-1310, où Jaquet Ponteys paie 4 livres lausannoises « pour sept lettres tant perpétuelles que non perpétuelles rédigées et scellées par les mains des dits jurés » – à savoir les notaires villeneuvois dans leur ensemble70.
Conclusion
35Si les comptes de la judicature du Chablais ne permettent de saisir qu’un volet de l’activité des notaires du Chablais actuellement suisse, les actes qu’ils ont muni du sceau de la cour du juge savoyard du Chablais – et non ceux qu’ils ont pu valider de leur seul signet –, ils offrent pour ce volet des données sérielles et quantitatives. Ils nous permettent ainsi d’entrer de façon indirecte dans le quotidien de ces praticiens du droit. Un des aspects de ce quotidien était de sceller du sceau de la judicature les actes qu’ils écrivaient, comme en témoigne a contrario la mésaventure arrivée à certains clients de Nicod Vassal, notaire qui exerçait à Aigle mais qui s’était retiré à Châtel-Saint-Denis, était devenu prêtre et avait renoncé à son office : les comptes de la judicature pour 1329-1330 signalent que le juge du Chablais doit sceller cette année-là 32 lettres de moins de 60 sous qu’avait reçues Nicod Vassal « rendues sans sceau à ceux qu’elles concernaient »71.
36Ce quotidien était d’ailleurs plus riche que ce que laissent transparaître les comptes de la judicature : on sait par la comptabilité municipale que beaucoup des notaires dont il a été question ici (Pierre Curbaudi, Anselme Ruffi, Jean Patini, etc.) étaient actifs dans la vie politique de leur ville. On constate que des noms de famille reviennent (notamment les Curbaudi et les Patini), montrant que s’établissent de véritables dynasties de notaires. Et un notaire villeneuvois, Pierre Curbaudi, ira même plus loin, puisqu’il reçoit en 1305-1306 la comptabilité de l’hôtel du comte de Savoie72.
Notes de bas de page
1 AD Savoie, SA 14574, comptes de la judicature du Chablais pour 1.7.1325-27.9.1326 (Idem reddit computum quod recepit apud Villamnovam de exitu grossi sigilli per manum Ansermi Ruffi notarii pro tribus litteris perpetuis continentibus viginti quatuor libras et pro decem novem litteris non perpetuis continentibus ducent(as) quatuor libras et pro decemocto litteris quarum aliqua non excedit sexaginta solidos – XLIX sol. I den. ob. laus.). Je remercie Georg Modestin d’avoir relu cet article.
2 Ces comptes sont dispersés dans différents dépôts d’archives : l’essentiel se trouve aux Archives départementales de la Savoie (Chambéry) [AD Savoie], les comptes pour 1280-1282 sont aux Archives départementales de la Haute-Savoie (Annecy) [AD Haute-Savoie], et certains figurent – du fait que le juge du Chablais était souvent en même temps châtelain de Saint-Maurice – à la suite de la comptabilité de la châtellenie de Saint-Maurice, conservée à l’Archivio di Stato di Torino (Turin) dans la section Sezioni Riunite [AST, SR]. Pour une liste approximative des comptes de la judicature savoyarde du Chablais conservés (les comptes déposés dans les Archives départementales de Savoie et de Haute-Savoie n’ont pas encore leur cote actuelle), voir R.-H. Bautier et J. Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale du Moyen Âge. I : Provence – Comtat Venaissin. Dauphiné. États de la Maison de Savoie, t. 1, Archives des principautés territoriales et archives seigneuriales, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, 1968, p. 483-484. Le premier compte de la judicature du Chablais, pour 1280-1281, a été édité par M. Chiaudano, Le Curie sabaude nel secolo XIII. Saggio di storia del diritto processuale con documenti inediti, Turin, Stamperia artistica nazionale, 1927, p. 105-113 n° XVI, et repris dans M. Chiaudano, La Finanza sabauda nel secolo XIII, 3 vol., Turin, Gabetta (Voghera), 1933-1938, Corpus Chartharum (!) Italiae, Fonti e studi di storia Sabauda 1-3, Biblioteca della Società storica subalpina 131-133, t. 1, I rendiconti del dominio dal 1257 al 1285, p. 332-340 n° XXXII. Les suivants sont inédits.
3 Sur l’étendue de la judicature du Chablais, qui correspond à celle du bailliage du Chablais, voir entre autres B. Demotz, « La géographie administrative médiévale : l’exemple du Comté de Savoie (début XIIIe-début XVe siècles) », Le Moyen Âge, 80, 1974, p. 261-299, en particulier p. 279, 289 ; J.-F. Poudret, avec la collaboration de M.-A. Valazza Tricarico, Coutumes et coutumiers. Histoire comparative des droits des pays romands du XIIIe à la fin du XVe siècle, 6 vol., Berne, Staempfli, 1998-2006, t. 1, Les sources et les artisans du droit, p. 413-418.
4 Quoique les sources ne le disent pas directement, les notaires semblent avoir apposé (ou fait apposer) eux-mêmes le grand sceau de la judicature, sans avoir besoin pour cela de la présence du juge. En effet, il arrive parfois que le juge ne tienne pas d’assises dans une localité donnée pendant une période comptable, et les revenus du grand sceau sont alors tout de même levés auprès des notaires pour des actes qu’ils ont scellés. En outre, dans les comptes de la judicature pour 1329-1330, le juge du Chablais doit sceller 32 lettres de moins de 60 sous qu’avait reçues Nicod Vassal et qui avaient été « rendues sans sceau à ceux qu’elles concernaient » (AD Savoie, SA 14575, pec. 8, redditarum sine sigillo illis quibus pertinebant). Dans ce cas, le juge doit se substituer au notaire, qui s’il n’avait pas renoncé à son office (nous reviendrons plus bas sur Nicod Vassal), aurait scellé ou fait sceller ces actes sans l’intervention du juge.
5 Sur les actes particuliers scellés par les juges savoyards, et pour une définition des différents types de sceau – qui ne mentionne toutefois pas le rôle des notaires dans son apposition –, voir M. Chiaudano, Le Curie, op. cit., p. 16-17 et 39-44.
6 À ce sujet, voir notamment F. Wigger, Die Anfänge des öffentlichen Notariats in der Westschweiz bis zur Mitte des XIV. Jahrhunderts, Schüpfheim, Buchdruckerei Schüpfheim, 1951 ; J.-F. Poudret, « L’heureuse destinée des notaires vaudois au Moyen Âge », Revue historique vaudoise, 64, 1956, p. 1-25 ; G. Partsch et J.-M. Theurillat, « Du registre de chancellerie à l’acte notarié. À propos du Minutarium Majus de la chancellerie de Saint-Maurice », Vallesia, 27, 1972, p. 1-10 ; les travaux de Patrizia Cancian, en particulier P. Cancian, « Notai e cancellerie : circolazione di esperienze sui due versanti alpini dal secolo XII ad Amedeo VIII », La Frontière. Nécessité ou artifice ? Actes du XIIIe colloque franco-italien d’études alpines. Grenoble, 8, 9, 10 octobre 1987, Grenoble, Université des Sciences sociales de Grenoble, 1989, Centre de recherche d’histoire de l’Italie et des pays alpins, p. 43-51 ; P. Rück, « Die Anfänge des öffentlichen Notariats in der Schweiz (12.-14. Jahrhundert) », Archiv für Diplomatik, Schriftgeschichte, Siegel- und Wappenkunde, 36, 1990, p. 93-123, repris et corrigé de la version publiée dans Notariado público y documento privado : de los orígenes al siglo XIV. Actas del VII Congreso Internacional de Diplomática, Valencia, 1986, Valence, Generalitat Valènciana, 1989, Papers i documents 7, t. 2, p. 843-877 ; et pour le Valais les nombreux travaux de Chantal Ammann-Doubliez, dont beaucoup ont paru dans Vallesia, parmi lesquels on peut citer en particulier pour cette problématique C. Ammann-Doubliez, « Les débuts du notariat en Valais au XIIIe siècle », Vallesia, 44, 1989, p. 223-237, repris de la version publiée dans Notariado público, op. cit., t. 2, p. 817-842. Le mélange des formes de validation des actes se retrouve dans d’autres territoires alpins, voir en dernier lieu les contributions de G. G. Fissore, « Notariato alpino. Un’introduzione alla discussione », et R. Härtel, « Il notariato fra Alpi e Adriatico », G. M. Varanini (dir.), Le Alpi medievali nello sviluppo delle regioni contermini, Naples, Liguori, 2004, Europa mediterranea, Quaderni 17, respectivement p. 239-247 et p. 263-279.
7 1314 correspond, nous le verrons ci-dessous, à un probable changement législatif.
8 Les comptes précédents, pour 1280-1282 (AD Haute-Savoie, SA 18473-SA 18474), ainsi que pour 1289-1291 (AST, SR, inv. 69, fol. 89, mazzo 1, rot. 7), ne sont pas utilisables pour faire l’histoire des notaires de la région. En effet, les comptes pour 1280-1282 répertorient, pour chaque type de recettes (grand sceau, petit sceau, date), les actes scellés dans les différentes localités de la judicature, mais en faisant apparaître le nom du bénéficiaire et non celui du notaire. Dans les comptes des années 1289-1291, les données sont encore plus succinctes, puisque seul est enregistré dans la comptabilité le revenu global du grand sceau, du petit sceau et des date.
9 Nous nous intéressons aux notaires de cette région jusque vers 1360 dans le cadre de notre thèse de doctorat en cours de rédaction à l’Université de Lausanne sous la direction du prof. Agostino Paravicini Bagliani, intitulée « Des châtellenies à gérer. L’administration savoyarde du Bas-Valais d’après les comptes des châtellenies de Chillon, Saint-Maurice et Monthey, fin XIIIe-XIVe siècles », avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
10 Les notaires valaisans, et parmi eux en particulier ceux de Saint-Maurice, ont été étudiés par Chantal Ammann-Doubliez dans son ouvrage sur le notariat valaisan à paraître prochainement dans les Cahiers lausannois d’histoire médiévale. Je la remercie d’avoir mis à ma disposition avant parution les pages correspondantes de son livre. Se basant également – entre autres sources – sur les comptes de la judicature, elle a établi pour les notaires jurés de la cour savoyarde de Saint-Maurice des tableaux figurant le nombre de contrats qu’ils ont scellés, qui correspondent à ceux que nous avons pu faire ici pour Villeneuve. Elle a en outre dressé la liste des jurés savoyards du diocèse de Sion jusqu’en 1320.
11 C’est-à-dire les châtellenies de Chillon pour les notaires de Villeneuve et d’Aigle, et de Saint-Maurice pour ceux de cette localité. Ces comptabilités sont conservées respectivement sous les cotes AST, SR, inv. 69, fol. 5 (Chillon), fol. 89, mazzo 1, rot. 9, pec. 6-9 (Saint-Maurice pour la période 21.5.1296-25.4.1298) et fol. 141 (Saint-Maurice, ici pour la période 1.6.1298-6.5.1320). La comptabilité de la châtellenie de Monthey est perdue entre 1296 et 1340.
12 Dans le val de Suse, la ferme du notariat en soi n’était pas une nouveauté, puisqu’elle est perçue par le pouvoir savoyard à partir de 1266-1267 dans les châtellenies d’Avigliana, Suse et Rivoli. En revanche, sa perception connaît là aussi un changement en 1295-1296 : dès cette date, la comptabilité des châtellenies indique non seulement le paiement de la ferme, mais le nom du ou des notaires qui l’ont payée, voir U. Gherner, « Un professionista-funzionario del Duecento : Broco, notaio di Avigliana », Bollettino storico-bibliografico subalpino, 85, 1987, p. 387-443, À Chillon, le premier notaire à payer pro firma escrivanie est le clerc Nicolas Favre, dans les comptes de la châtellenie de Chillon pour la période du 28.8.1296 au 23.4.1297 (AST, SR, inv. 69, fol. 5, m. 2, r. 12, pec. 2). À Saint-Maurice, ces paiements apparaissent dans la comptabilité pour la période du 21.5.1296 au 21.5.1297 (AST, SR, inv. 69, fol. 89, m. 1, r. 9, pec. 6). L’apparition de cette ferme pourrait être postérieure au 21.10.1296 – pour autant qu’il y ait eu alors à Monthey des notaires soumis à cette taxe –, car les derniers comptes de la châtellenie de Monthey conservés avant 1340, pour la période comptable du 21.5.1296 au 21.10.1296, n’en font pas mention (AST, SR, inv. 69, fol. 89, m. 1, r. 9, pec. 5).
13 Le changement est exprimé clairement dans la comptabilité de la châtellenie de Chillon, où la dernière ferme de notariat perçue par le châtelain se termine à l’Assomption 1322. Dans le compte du 1.3.1323 au 16.6.1324, on lit au contraire : De tresdecim florenis auri quos debebant tresdecim notarii quolibet anno in festo Assumptionis beate Marie non computat, quia dominus J[ohannes] de Merie judex Chablasii ipsos recuperavit et de ipsis in suo computo judicature Chablasii computavit (AST, SR, inv. 69, fol. 5, mazzo 4, rot. 25, pec. 14, compte du 1.3.1323 au 16.6.1324).
14 Les fermes des notaires de Saint-Maurice disparaissent des comptes de la judicature à partir de celle due à l’Assomption 1325, et ceci jusqu’à l’Assomption 1340. La châtellenie de Saint-Maurice fut en effet aux mains de Marie de Brabant à partir du 1er novembre 1324. Les taxes pour l’utilisation du sceau en revanche continuèrent pendant cette période à être perçues par le juge du Chablais. Voir les comptes de la judicature de 1325 à 1340, en particulier AD Savoie, SA 14574, SA 14575, passim (sous les sous-titres « Saint-Maurice »), et pour la date du 1er novembre 1324 SA 14574, pec. 11. Sur la destinée des châtellenies de Monthey et de Saint-Maurice à cette période, voir C. Thévenaz Modestin, « “Et le seigneur a voulu les diviser”. Les châtellenies savoyardes de Monthey et de Saint-Maurice comme entités administratives (milieu XIIIe-milieu XIVe siècle) », Vallesia, 59, 2004, p. 269-279.
15 Les fermes payées par les notaires de Saint-Maurice et de Monthey figurent dans les comptes de châtellenie puis de judicature, sous les cotes AST, SR, inv. 69, fol. 89, mazzo 1, rot. 9, pec. 6-9 (châtellenie de Saint-Maurice pour la période du 21.5.1296 au 25.4.1298), AST, SR, inv. 69, fol. 141 (châtellenie de Saint-Maurice pour la période du 1.6.1298 au 6.5.1320), et AD Savoie, SA 14574-14575 (judicature de 1322 à 1331, où les fermes pour le notariat apparaissent dès le compte de 4.11.1322 au 31.3.1324).
16 Le tableau est basé sur la comptabilité de la châtellenie de Chillon, puis de la judicature, AST, SR, inv. 69, fol. 5, mazzo 2, rot. 12 – mazzo 4, rot. 25, et AD Savoie, SA 14574-SA 14575.
17 À partir de 1322, quand les fermes des notaires sont perçues par le juge du Chablais, cette distinction se fait facilement, car la comptabilité est subdivisée en rubriques géographiques correspondant au lieu d’exercice des notaires (Villeneuve, Aigle, etc.). Pour les années précédentes, l’attribution des notaires payant la ferme à Villeneuve ou à Aigle est plus difficile et n’a pu se faire que par recoupements, avec les incertitudes inhérentes à cette méthode.
18 Ces chiffres sont issus de nos comptages. Les détails pour les années 1299-1319 sont donnés dans les tableaux de l’ouvrage à paraître de Chantal Ammann-Doubliez mentionné ci-dessus.
19 Pour une présentation rapide des localités de la région, voir notamment P. Dubuis, « Les petites villes du diocèse de Sion au Moyen Âge (IXe-XVe siècles). Structures et conjonctures. Une esquisse », Revue suisse d’histoire, 38, 1988, p. 107-126, repris comme chap. VIII : « Les villes du diocèse de Sion (IXe-XVe siècle). Une esquisse », P. Dubuis, Dans les Alpes au Moyen Âge. Douze coups d’œil sur le Valais, Lausanne, Société d’Histoire de la Suisse romande et Éditions d’en bas, 1997, p. 123-143. Sur Villeneuve – dont la comptabilité communale est conservée pour la fin du XIIIe siècle déjà –, voir C. Thévenaz, Écrire pour gérer. Les comptes de la commune de Villeneuve autour de 1300, Lausanne, Cahiers lausannois d’histoire médiévale, 1999, Cahiers lausannois d’histoire médiévale 24.
20 Voir K. Reyerson, « Notaires et crédit à Montpellier au Moyen Âge », F. Menant et O. Redon (dir.), Notaires et crédit dans l’Occident méditerranéen médiéval, Rome, École française de Rome, 2004, Collection de l’École française de Rome 343, p. 241-261, ici p. 242-243.
21 Voir notamment J. Drendel, « Le crédit dans les archives notariales de Basse-Provence (haute vallée de l’Arc) au début du XIVe siècle », F. Menant et O. Redon (dir.), op. cit., p. 279-305, ou C. Denjean, « Crédit et notariat en Cerdagne et Roussillon du XIIIe au XVe siècle », ibid., p. 185-206.
22 À Avigliana, c’est également un puis deux notaires qui paient la ferme dans les années 1295-1300 – le « notaire de cour » (notarius curie) –, et non tous les notaires, voir U. Gherner, op. cit., p. 400-401, et sur les tâches du notaire de cour ibid., p. 399-410.
23 Cette hypothèse est confirmée par les quelques données personnelles au sujet des notaires qui apparaissent au détour de la comptabilité, sur lesquelles nous reviendrons ci-dessous.
24 Pour des hypothèses sur la relation entre le nombre d’instruments scellés et ceux munis du signet, d’après le cas exceptionnel du notaire Jacques Varisin de Sion, qui a laissé un registre pour les années 1331-1343 et dont l’activité est également enregistrée dans les comptes de la judicature, voir l’ouvrage à paraître de Chantal Ammann-Doubliez mentionné ci-dessus.
25 AST, SR, inv. 69, fol. 5, m. 3, rot. 20, pec. 9 et suiv. (il s’agit de la période comptable 11.4.1314-4.6.1315).
26 AST, SR, inv. 69, fol. 141, m. 1, rot. 6 (période comptable 5.[5].1314-2.[6].1315).
27 Les statuts de Pierre II sur le notariat, datant des années 1263-1268, ont été édités avec des différences seulement minimes dans F. de Gingins, « Statuts de Pierre, comte de Savoie, sur la procédure et les notaires dans le comté de Savoie », Mémoires et documents publiés par la Société d’histoire de la Suisse romande, 1re série, t. 1, Lausanne, Marc Ducloux, 1838, p. 213-227 ; L. Wurstemberger, Peter der Zweite, Graf von Savoyen, Markgraf in Italien, sein Haus und seine Lande. Ein Charakterbild des dreizehnten Jahrhunderts, 4 vol., Berne et Zurich, Staempfli et Schulthess, 1856-1858, t. 4, Urkunden, no 743 p. 419-426 ; C. Nani, « Gli statuti di Pietro II conte di Savoia », Memorie della Reale Accademia delle Scienze di Torino, 2e série, 32, 1880, p. 5-56. Pour une discussion approfondie de ces statuts et de la part de Pierre II de Savoie dans leur élaboration, voir M. Chiaudano, « Note agli statuti du Pietro II conte di Savoia », Bollettino storico-bibliografico subalpino, 32, 1930, p. 233-240, ainsi que P. Cancian, « Gli statuti di Pietro II alla luce delle norme sul notariato », B. Andenmatten, A. Paravicini Bagliani, E. Pibiri (éd.), Pierre II de Savoie. « Le Petit Charlemagne » († 1268), Lausanne, Cahiers lausannois d’histoire médiévale, 2000, Cahiers lausannois d’histoire médiévale 27, p. 5-18.
28 Pour une édition des statuts de 1379, voir C. Nani, « Gli statuti dell’anno 1379 di Amedeo VI conte di Savoia », Memorie dell’Accademia delle Scienze di Torino, 2e série, 34, 1881, p. 101-160 ; C. Nani, « Nuova edizione degli statuti del 1379 di Amedeo VI di Savoia », Miscellanea di storia italiana, 22, 1884, p. 277 sqq.
29 Patrizia Cancian suppose dans ses études que les successeurs immédiats de Pierre auront fait des ajouts aux dispositions existantes, voir P. Cancian, « Gli statuti », op. cit., p. 14, citant P. Cancian, « Notai e cancellerie », op. cit., p. 46-47. On aurait en l’occurrence un exemple d’intervention un bon demi-siècle plus tard, sous le règne d’Amédée V. Il faudrait naturellement vérifier si la constatation faite pour les châtellenies étudiées ici est également valable dans les autres châtellenies savoyardes. 1314 est malheureusement hors de la période étudiée par U. Gherner, op. cit., qui mentionne lui aussi comme cadre les statuts de Pierre II puis ceux d’Amédée VI en 1379, ibid., p. 437-438.
30 AD Savoie, SA 14570, pec. 7.
31 AD Savoie, SA 14574, pec. 16.
32 AD Savoie, SA 14574, pec. 19.
33 AD Savoie, SA 14571, pec. 1 (quia fuerunt absentes et nichil scripserunt).
34 AD Savoie, SA 14574, pec. 10 (quia ipse Perronetus moratur et diu est moratus est apud Alingium).
35 AD Savoie, SA 14574, pec. 20v (quia moratur apud Monteolum). Notons que Jean Favre était peut-être déjà à Monthey depuis l’année précédente, car la comptabilité de la judicature pour 1325-1326 déjà précise que Jean Favre de Monthey n’a rien scellé dans cette ville en 1325-1326 (AD Savoie, SA 14574, pec. 17).
36 AD Savoie, SA 14575, pec. 8 (recessit apud Chatez jam sunt duo anni elapsi et factus est sacerdos et non utitur officio).
37 AD Savoie, SA 14574, pec. 7 (renunciavit officio nec amplius ipso utitur).
38 AD Savoie, SA 14574, pec. 11.
39 AD Savoie, SA 14575, pec. 9 (renunciavit officio).
40 AD Savoie, SA 14570, pec. 5 (quia moratur cum ipso judice).
41 AD Savoie, SA 14575, pec. 9 (quia dictus Nicholetus Vuychardi exivit patriam propter falsitatem).
42 AST, SR, inv. 69, fol. 141, mazzo 1, rot. 8, pec. 1 (pro medietate firme notarie ipsius finiende in festo Assumptionis beate Marie Virginis anno CCC° XVI°, et de alia medietate non computat quia per judicem suspensus fuit ab officio suo circa festum Omnium Sanctorum anno CCC° XV°, et adhuc manet suspensus).
43 AST, SR, inv. 69, fol. 141, mazzo 1, rot. 9, pec. 1 : le juge perçoit à nouveau un demi florin d’Hugonet Franqueti pro medietate firme notarie sue finie[n]de in festo Assumptionis beate Marie anno CCC XVII, et de alia medietate non computat quia circa festum Omnium Sanctorum anno CCC XV fuit suspensus per judicem ab officio notarie sue, et circa festum Carniprivii fuit per eumdem judicem restitutus, et de ejus firma integra computare debebit in computo suo subsequenti.
44 AD Savoie, SA 14574, pec. 19.
45 AD Savoie, SA 14575, pec. 2.
46 C’est le cas par exemple de Guillaume Favre à Saint-Maurice en 1322-1324 (AD Savoie, SA 14574, pec. 7), de Jean de Gryon à Saint-Maurice en 1324-1325 (AD Savoie, SA 14574, pec. 11), de Jean Favre de Monthey à Monthey en 1325-1326 (AD Savoie, SA 14574, pec. 17), de Jean Pariam à Aigle (Ollon) en 1326-1328 (AD Savoie, SA 14574, pec. 20v), de Guillaume Favre et Murisod Quartéry à Saint-Maurice en 1326-1328 (AD Savoie, SA 14574, pec. 20), d’Anselme Ruffi de Villeneuve en 1328 (AD Savoie, SA 14575, pec. 2), de Nicod Vassal et de Jean Favre à Aigle (en fait Bex) en 1328 (AD Savoie, SA 14575, pec. 3), d’un grand nombre de notaires à Saint-Maurice et Monthey en 1328, à savoir Jaquerod Vuichardi, Aymon de Lully, Jean Favre, Guillaume Favre et Murisod Quartéry (AD Savoie, SA 14575, pec. 3), ou de Guillaume Favre et Murisod Quartéry à Saint-Maurice en 1329-1330 (AD Savoie, SA 14575, pec. 9).
47 AD Savoie, SA 14575, pec. 3.
48 AD Savoie, SA 14575, pec. 8 (diu est ante tempus de quo computat mortuus est).
49 AD Savoie, SA 14574, pec. 17 (dictus Nichodus captus est et diu fuit in terra Focigniaci).
50 AD Savoie, SA 14574, respectivement pec. 14 et pec. 11.
51 En 1299-1300, seul le montant perçu de chaque notaire est indiqué dans la comptabilité et pas encore le nombre de contrats.
52 Pour les notaires de Saint-Maurice, Chantal Ammann-Doubliez a établi des tableaux basés sur les comptes de la judicature, correspondant à ce que nous faisons ici pour Villeneuve. Voir son ouvrage à paraître mentionné ci-dessus.
53 L’entrée « 1300 » du tableau correspond ainsi à la période comptable du 10.5.1300 au 9.4.1301, etc.
54 Le tableau est basé sur les comptes de la judicature, conservés sous les cotes AD Savoie 14568-14575 et, pour 1315-1317, AST, SR, inv. 69, fol. 141, mazzo 1, rot. 8.
55 C. Thévenaz, op. cit., voir en particulier les courtes biographies p. 287 (Pierre Curbaudi), p. 278 (Jean Picolier), p. 278 (Jean Patini) et p. 264 (Anselme Ruffi), ainsi que les entrées d’index Pierre Curbaudi ; Jean Picoler ; Jean Patini ; Anselme Ruffi. Pour la carrière comparable de Broco d’Avigliana, entre exercice du notariat, fonctions au service des Savoie, représentation de la ville d’Avigliana et charge de péager, voir U. Gherner, op. cit., p. 399-400, et pour les fonctions communales p. 435-436.
56 Sur son rôle dans la vie municipale de Villeneuve, voir C. Thévenaz, op. cit., en particulier la courte biographie p. 265-266, ainsi que l’entrée d’index Curbaudi, Aymon. Notons qu’Aymon Curbaudi, nous le verrons ci-dessous, était également scribe du péage de Villeneuve.
57 C. Thévenaz, op. cit., p. 231, 264, 309.
58 G. Partsch et J.-M. Theurillat, op. cit., spécialement p. 8, 10.
59 AD Savoie, SA 14568, pec. 1 (1299-1300) et pec. 2 (1300-1301), pec. 4-5 (1301-1302).
60 AD Savoie, SA 14570, pec. 1.
61 La part importante du crédit dans l’activité des notaires médiévaux a déjà été soulignée, en l’occurrence pour l’Italie et le Midi de la France, par les différents auteurs du volume F. Menant et O. Redon (dir.), op. cit., passim. Pour un exemple d’une compagnie de Cahorsins conservant des lettres de dettes scellées au XIIIe siècle, voir M. Chiaudano, Le Curie, op. cit., p. 44 n. 38.
62 La formulation typique est dès lors celle citée en introduction de cet article.
63 Rappelons qu’il y a douze deniers dans un sou et vingt sous dans une livre. Les mêmes calculs ont été faits par Chantal Ammann-Doubliez dans son ouvrage à paraître ; elle relève en outre que les tarifs savoyards étaient plus avantageux que ceux de la chancellerie de Sion, qui percevait 12 deniers par livre pour les ventes inférieures à 60 sous. Avant 1314, les tarifs perçus par le juge du Chablais sur les actes scellés par les notaires des châtellenies du Bas-Valais étaient les mêmes, sauf pour les contrats d’une valeur de moins de 60 sous, qui ne constituaient pas une catégorie à part mais payaient aussi au prorata de leur valeur, et donc moins cher que par la suite. Voir par exemple le compte de la judicature pour 1301-1302, sous la rubrique concernant Aigle (AD Savoie, SA 14568, pec. 5, cappiuntur [!] ut supra pro qualibet libra perpetui contractus tres denarii maur. et pro qualibet libra alterius contractus d[uo] denarii tam Cavorcinorum quam Judeorum), ou celui de 1302-1303 sous la rubrique « Saint-Maurice » (AD Savoie, SA 14568, pec. 8, capiuntur pro libra litterarum perpetuarum tres denarii maur. et pro littera non perpetua duo denarii). Ainsi, pour 10 « lettres de Cahorsins » scellées par Jean Favre de Saint-Maurice en 1300-1301, ce dernier ne paie que 24 deniers, soit une moyenne de 2,4 deniers par contrat au lieu des 6 deniers au minimum qu’elles coûteront par la suite. Son collègue Pierre d’Orbe paie la même année 213 deniers pour 50 de ces lettres, pour une valeur moyenne de 4,3 deniers par lettre. Chez leur collègue Maurice Quartéry en revanche, la moyenne pour les lettres de Cahorsins est supérieure au tarif qui sera ensuite appliqué : elle atteint 7,8 deniers par lettre – peut-être la valeur de ces lettres était-elle supérieure à 60 sous. Sur Jean Favre de Saint-Maurice (qui n’est pas identique avec le Jean Favre cité plus haut établi à Aigle puis à Monthey), attesté à Bologne en 1279, voir S. Stelling-Michaud, Les juristes suisses à Bologne (1255-1330). Notices biographiques et regestes des actes bolonais, Genève, Droz, 1960, p. 145-146.
64 Le tarif de 6 deniers pour les contrats de moins de 60 sous est précisé sous la rubrique « Aigle » de la comptabilité de la judicature en 1315-1316, ce qui n’est pas habituel. Surtout, un changement de pratique (que visiblement on veut faire passer pour une règle ancienne) apparaît explicitement dans la rubrique « Thonon » de la comptabilité de la judicature pour cette année-là. Le tarif perçu sur les différents contrats est en effet à nouveau précisé, et le scribe ajoute : « Et parce qu’il [le juge] n’a levé, auprès des Cahorsins et des Juifs, pour les contrats non perpétuels de valeur inférieure à 60 sous, que deux deniers par livre, on lui a enjoint de lever sur ces contrats non perpétuels de moins de 60 sous six deniers pour chaque sigillation, puisque c’est la coutume universelle de la patrie depuis des temps reculés, à moins que les dits Cahorsins et Juifs ne présentent à ce sujet une exemption obtenue du comte » (Et quia de Corsinis et Judeis non levavit de contractibus non perpetuis a sexaginta solidis inferius nisi duos denarios pro libra, injunctum est sibi quod levet de ipsis contractibus non perpetuis a sexaginta solidis inferius pro quolibet sigillo sex denarios, cum hoc sit universalis consuetudo patrie ab antiquo, nisi dicti Corsini vel Judei de hoc immunitatem ostenderent a domino), AST, SR, inv. 69, fol. 141, mazzo 1, rot. 8, pec. 2 (compte de la judicature du 2.6.1315 au 16.4.1316, dans le compte de la châtellenie de Saint-Maurice).
65 Des tableaux basés sur les mêmes données ont été faits par Chantal Ammann-Doubliez pour la châtellenie de Saint-Maurice, voir son ouvrage à paraître mentionné ci-dessus.
66 Le seul notaire villeneuvois qui semble ne pas avoir scellé beaucoup d’actes de moins de 60 sous est Aymon Curbaudi : il scelle entre 1315 et 1325 15 actes perpétuels, 39 non perpétuels et « seulement » 19 de moins de 60 sous, soit 26 % du total. Là aussi, il est difficile d’expliquer cette exception sinon éventuellement par l’âge du notaire, qui doit être décédé autour de 1326, voir AD Savoie, SA 14574, pec. 15 (comptes de la judicature du 1.7.1325 au 27.9.1326).
67 P. Dubuis, « Lombards et paysans dans le vidomnat d’Ardon-Chamoson et dans la paroisse de Leytron de 1331 à 1340 », Vallesia, 32, 1977, p. 275-305, repris dans P. Dubuis, Dans les Alpes, op. cit., chap. XI : « Banquiers et paysans dans le Valais central (1330-1340) », p. 183-210 – un article basé sur les minutes de Jean Sauthier, notaire à Chamoson. Le montant moyen prêté par les Lombards de Leytron et de Saillon était pour les années 1331-1340 de 1 livre 17 sous 4 deniers, ibid. (« Banquiers et paysans »), en particulier p. 192. Voir aussi des exemples italiens et du Midi de la France dans F. Menant et O. Redon (dir.), op. cit., passim. Sur les prêts des Lombards dans les registres de notaires fribourgeois, voir encore G. Scarcia, « La typologie des actes de crédit : les mutua des « Lombards » dans les registres notariés du XIVe siècle », ibid., p. 149-165.
68 AD Savoie, SA 14570, pec. 1 (De XX sol. rec. de exitu grossi sigilli a Jaqueto Ponteys pro litteris confectis per manus Aymonis Curbaudi et Jaqueti Bocheti).
69 Voir la comptabilité du péage de Villeneuve dans laquelle il reçoit son salaire pour cette fonction, AST, SR, inv. 69, fol. 31, mazzo 1, rot. 8.
70 AD Savoie, SA 14570, pec. 5 (De IIII libr. laus. rec. a Jaqueto Ponteis de exitu magni sigilli videlicet pro septem litteris tam perpetuis quam non perpetuis confectis et sigillatis manibus dictorum juratorum).
71 AD Savoie, SA 14575, pec. 8 (redditarum sine sigillo illis quibus pertinebant).
72 AST, SR, inv. 38, fol. 21, mazzo 2, no 17. Cela explique sans doute qu’il disparaisse pratiquement de la comptabilité du juge savoyard du Chablais à partir de cette date – alors même qu’il ne semble pas être décédé, voir ci-dessus fig. 2.
Auteur
Histoire médiévale, Fonds national suisse de la Recherche scientifique, Berne, Suisse
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