Les derniers jours de Louis XIV narrés par Saint-Simon
p. 101-106
Texte intégral
1Louis XIV est mort le 1er septembre 1715, à l’âge de 77 ans, après une agonie de près de trois semaines. Il était roi de France et de Navarre depuis 1643 et dirigeait personnellement les affaires du royaume depuis 1661. Dans les premiers jours du mois d’août, le roi avait ressenti une douleur dans la jambe gauche, qui s’était révélé bientôt le début d’une gangrène. Les médecins n’avaient pu qu’assister, impuissants, à la rapide dégradation de la santé du roi et à son agonie. Nous sommes bien renseignés sur les derniers jours du Roi Soleil grâce aux récits qu’en ont laissés quelques contemporains, notamment le marquis de Dangeau, la princesse Palatine, le mémorialiste Jean Buvat. Mais c’est Saint-Simon, présent à Versailles, comme il l’est presque continuellement depuis 1690, qui se révèlent le témoin le plus attentif, le plus averti et le plus passionné. C’est son récit que je me propose de suivre, avant de voir si la mort de Louis le Grand apparaît, dans son déroulement, comme une mort exceptionnelle ou comme une mort ordinaire selon les critères du temps.
2C’est le 9 août, au retour de Marly, que le roi apparaît brusquement « très abattu », selon l’expression de Saint-Simon. Le 10, il se plaint d’une douleur à la jambe gauche que le premier médecin, Fagon, attribue à une sciatique et pour laquelle il préconise, à son habitude, une médecine, c’est-à-dire une « purgation qu’on prend par la bouche », selon la définition de Furetière. Le 13, le roi donne audience de congé, en grand apparat à l’ambassadeur de Perse : c’est la dernière fois où il se montre debout à la Cour. Cependant, les jours suivants, il n’interrompt pas ses activités, se faisant porter d’un lieu à un autre dans un fauteuil : il préside les différents conseils, reçoit les ministres, passe les fins de journée chez Madame de Maintenon. Mais les nuits sont agitées, il se nourrit de moins en moins et il apparaît à tous de plus en plus affaibli. Le 21, il accepte la consultation collective de quatre docteurs de la faculté de médecine de Paris qui confirme le diagnostic et les remèdes de Fagon – sciatique et purges-, alors que la fièvre mine le malade et que la pourriture de la jambe devient apparente. Le lendemain, « l’état du roi (je cite Saint-Simon), qui n’était plus ignoré de personne, avait déjà changé le désert de l’appartement de M. le duc d’Orléans en foule », Saint-Simon signifiant pas là que les courtisans qui s’entassent depuis plusieurs jours dans la galerie et les cabinets proches de la chambre royale commencent à se lasser et, anticipant sur l’événement, viennent faire leur cour au duc d’Orléans, neveu du roi et régent en puissance.
3Le samedi 24, la situation s’aggrave : « On visita sa jambe, où il parut des marques noires ». La prétendue sciatique se révèle une gangrène contre laquelle les médecins sont désarmés. Le lendemain, jour de la Saint-Louis, le roi se confesse au père Le Tellier, son confesseur ordinaire, et reçoit l’extrême-onction des mains du curé de la paroisse de Versailles dont relève le château, en présence du cardinal de Rohan, d’une douzaine de courtisans et de Madame de Maintenon, désormais presque toujours présente à son chevet. À Londres, les bookmakers commencent à prendre les enchères sur le pari que le roi de France passera ou ne passera pas la fin du mois. Le 26, après avoir pris son dîner au lit, qu’il ne quitte plus, le roi fait venir tous ceux qui « avaient les entrées », c’est-à-dire le droit de pénétrer dans la chambre royale sans être introduits, en l’occurrence les courtisans du plus haut rang, mais aussi les gens de service, valets de chambre, garçons et huissiers, et leur fait ses adieux en des termes immédiatement recueillis et diffusés, leur déclarant notamment : « Suivez les ordres que mon neveu vous donnera, il va gouverner le royaume ; j’espère qu’il le fera bien ». Il fait entrer ensuite son arrière-petit-fils, le dauphin Louis, âgé de cinq ans et demi, et lui adresse un discours sur lequel je reviendrai.
4Le 28, il déclare à Madame de Maintenon que « ce qui le console de la quitter était l’espérance, à l’âge où elle était, qu’ils se rejoindraient bientôt ». Saint-Simon, qui rapporte le propos, ajoute, caustique : « Cette amitié ne lui plut guère et elle n’y répondit pas un mot ». Le 29, le bruit d’un léger mieux entraîne le reflux des courtisans de l’appartement du duc d’Orléans vers les abords de la chambre royale, mais les heures passant, ceux-ci sont peu à peu désertés par tous ceux qui s’impatientent de cette interminable agonie. Madame de Maintenon elle-même regagne discrètement Saint-Cyr. En fait, ce mieux n’en est pas un, et la journée du 30 se passe dans une somnolence quasi constante.
5Je laisse à Saint-Simon le soin d’évoquer les dernières heures :
« Le samedi 31 août, la nuit et la journée furent détestables. Il n’y eut que de rares et courts instants de connaissance. La gangrène avait gagné le genou et toute la cuisse. Vers onze heures du soir, on le trouva si mal qu’on lui dit les prières des agonisants Il répéta plusieurs fois « Nunc et in hora mortis », puis dit : « O mon Dieu, venez à mon aide, hâtez-vous de me secourir ». Ce furent ses dernières paroles. Toute la nuit fut sans connaissance, et une longue agonie, qui finit le dimanche 1er septembre 1715 à huit heures un quart du matin, trois jours avant qu’il eût soixante-dix-sept ans accomplis, dans la soixante-douzième année de son règne ».
6Il serait sans doute outrecuidant de prétendre reconstituer ce qu’ont pu être les pensées du vieux roi au cours de ses dernières semaines, vécues avec un courage et une dignité qui ne se démentent pas, au milieu des courtisans épiant les moindres signes de l’irrésistible déchéance. Pourtant, on peut sans grand risque d’erreur imaginer que trois soucis majeurs le hantent dans ses moments de lucidité : sa succession, l’état dans lequel il laisse le royaume, son propre salut.
7Sa succession, d’abord. Comment, quatre ans plus tôt, aurait-il pu imaginer que son successeur serait un enfant de cinq ans et demi, son arrière-petit-fils ? En juillet 1711, il a autour de lui, pour s’en tenir aux seuls mâles, dans une perspective successorale, son fils Louis, dit le Grand Dauphin ou Monseigneur, âgé de 50 ans, deux de ses trois petits-fils, le duc de Bourgogne, qui a 29 ans, et le duc de Berry, qui en a 15 (le duc d’Anjou devenu roi d’Espagne est contraint de renoncer à ses droits à la couronne de France), enfin ses deux arrière-petits-fils, de 6 et 4 ans ? Pourtant, il aurait dû se souvenir de la formule traditionnelle des testaments, selon laquelle « il n’est rien de si certain que la mort, ni de si incertain que l’heure d’icelle ».
8Le 14 août 1711, le Grand Dauphin meurt en son château de Meudon, enlevé en quelques jours par la variole. Moins d’un an plus tard, la mort frappe à nouveau, plus durement encore : victimes d’une rougeole pourprée, la duchesse de Bourgogne meurt le 12 février 1712, le duc de Bourgogne, dauphin depuis l’année précédente, le 18, et l’aîné de leurs deux fils, le 8 mars. Enfin, le nouveau dauphin, le duc de Berry, meurt à son tour, sans héritier, le 4 mai 1714. L’avenir de la dynastie est entre les mains du dernier fils du duc de Bourgogne, âgé de 5 ans et demi, et le problème le plus urgent à résoudre est donc celui que pose le très jeune âge du nouveau dauphin. Conformément aux lois fondamentales du royaume et à l’usage constamment observé, le roi se doit de confier la régence, totalement et sans partage, à son neveu Philippe, duc d’Orléans, alors âgé de quarante ans. Or, le 2 août 1714, Louis XIV rédige son testament qu’il confie au premier président du parlement de Paris et qui doit n’être ouvert qu’après sa mort. Il y prévoit la composition du futur conseil de régence. Le duc d’Orléans est certes désigné comme régent du royaume et chef du conseil, mais dans celui-ci figurent, aux côtés d’une douzaine de ministres et de maréchaux, le duc du Maine et le comte de Toulouse, fils « légitimés » de Louis XIV, le premier étant de surcroît chargé de « la sûreté, conservation et éducation du jeune roi ». Ces mesures, qui traduisaient à la fois la profonde méfiance du roi à l’égard de son neveu et son affection pour les deux fils bâtards qu’il a eus jadis de Madame de Montespan, ne pouvaient qu’être fort mal accueillies, lorsqu’elles seraient connues, par le duc d’Orléans et son entourage. Le roi ne pouvait l’ignorer, mais qui aurait pu affirmer que de telles prescriptions, gardées secrètes, seraient servilement observées ? Comment, sur son lit de mort, Louis XIV n’aurait-il pas eu à l’esprit ce qui s’était passé au début des deux minorités précédentes, celle de son père Louis XIII en 1610 et la sienne en 1643. En cette dernière occurrence, Anne d’Autriche, dont le testament de Louis XIII limitait les pouvoirs de régente, s’était empressée de faire casser le testament par le parlement de Paris. Il est peu vraisemblable que Louis XIV mourant se soit fait beaucoup d’illusions sur ce qu’il adviendrait de ses dernières dispositions après sa disparition. De fait, le lendemain même de sa mort, le parlement de Paris cassera le testament après que le Régent eut déclaré qu’il ne pouvait l’accepter. Du moins, en ses derniers jours, le vieux roi a-t-il pu penser qu’il avait agi pour l’intérêt de l’État. L’intérêt de l’État, la prospérité du royaume : n’était-ce pas là depuis toujours son unique préoccupation, dans la mesure où ce double objectif se confondait avec le souci de sa propre gloire ? Or, à l’issue d’un règne exceptionnellement long (cinquante-quatre ans, pour s’en tenir à ce qu’il est convenu d’appeler le règne personnel), quel bilan peut-il tenter ? Dans le petit discours qu’il tient au dauphin le 26 août, il avoue « avoir trop aimé la guerre, ruine des peuples » et recommande à son successeur : « Tâchez de soulager vos peuples, ce que je suis assez malheureux pour n’avoir pu faire ». Il est difficile de voir dans ce double aveu « une confession partiellement soufflée par un confesseur abusif », comme l’a suggéré l’historien François Bluche. C’est plutôt la reconnaissance tardive de l’amour immodéré du roi pour une gloire qui ne peut s’acquérir que sur les champs de bataille. Loin d’hésiter devant les risques de la guerre et les malheurs qu’elle entraîne, il a longtemps considéré que le prestige ainsi acquis est la consécration indispensable d’un grand règne et que, selon ses propres termes, « s’agrandir est la plus digne et la plus agréable occupation des souverains ».
9Il faudra les revers des années 1704-1709 pour lui faire adopter des comportements quelque peu différents, s’exprimant par une prise de conscience des maux endurés par ses sujets et par une attitude beaucoup plus conciliante à l’égard de ses adversaires européens, très loin des provocations du « roi de guerre » des années triomphantes du début du règne. Par ailleurs, la lassitude des belligérants et la victoire française de Denain, le 24 juillet 1712, permettent à la France d’obtenir, lors des traités de 1713-1714, des conditions de paix quasi inespérées puisque Philippe V reste roi d’Espagne et que le royaume préserve son intégrité. Mais le passif est singulièrement lourd en ce qui concerne la prospérité du royaume et le bien-être de ses peuples. Dès 1672 et le début de la guerre de Hollande, le fragile équilibre budgétaire réalisé par Colbert les dix années précédentes est rompu et ne sera jamais plus réalisé. Sur le plan économique, la concurrence commerciale des Anglais et des Hollandais sur toutes les mers du globe freine le développement de la production manufacturière et des ventes d’une partie de celle-ci à l’étranger. La situation est aggravée par la conjoncture climatique défavorable des années 1693-1713. Le « dérèglement des saisons » entraîne des crises répétées, d’autant plus graves que souvent les épidémies s’ajoutent à la disette ou à la famine. La mortalité est multipliée par quatre, voire cinq ou six, les routes sont encombrées de malheureux affamés en quête de nourriture, toutes les activités sont ralenties. Sur son lit de mort, le roi se souvient peut-être de ce qu’il écrivait en 1662, dans la fougue et la sincérité de sa jeunesse : « Que si Dieu me fait la grâce d’exécuter tout ce que j’ai dans l’esprit, je tâcherai de porter la félicité de mon règne jusqu’à faire en sorte, non pas à la vérité qu’il n’y ait plus ni pauvre ni riche, mais au moins qu’on ne voie plus dans tout le royaume ni indigence ni mendicité ». Le contraste est grand entre le vœu de la jeunesse et la dure réalité des dernières années. Certes, en 1715, l’économie du royaume commence à se relever lentement, mais en dépit du retour de la paix et de la réduction des dépenses militaires, les finances publiques sont dans une situation catastrophique. L’État est au bord de la banqueroute.
10À la veille de paraître devant Dieu, le roi songe aussi évidemment à son propre salut, inséparable, il est vrai, du bilan de son règne. Saint-Simon, toujours tiraillé entre son admiration et son exécration pour le souverain, apporte sur ce que sont alors les sentiments religieux de celui-ci un témoignage difficile à récuser :
« On lui voyait à tous moments joindre les mains, et on l’entendait dire les prières qu’il avait accoutumé en santé et se frapper la poitrine au Confiteor. Dans les derniers temps qu’il avait banni toute affaire et tous autres soins, il était uniquement occupé de Dieu, de son salut, de son néant. Il forma le spectacle le plus touchant, et ce qui le rendit admirable, c’est qu’il se soutint toujours entier et toujours le même : sentiment de ses péchés, sans la moindre terreur, confiance en Dieu, le dira-t-on ? Tout entière, sans doute, sans inquiétude, mais fondée sur sa miséricorde et sur le sang de Jésus-Christ. »
11Témoignage d’un chrétien du Grand Siècle sur un autre chrétien. Certes, celui-ci est le roi de France, mais il savait depuis toujours que, comme le plus humble de ses sujets, il serait jugé sur sa vie entière se confondant avec l’exercice de son « métier de roi ». Responsabilité terrible dans la mesure où il est le « lieutenant de Dieu sur la terre », doté d’un pouvoir absolu qu’il tient de Dieu seul, devant qui il aura à rendre compte au jour du jugement. N’est-ce pas cette dernière perspective qui constitue le seul frein à une dérive possible vers la tyrannie ? Louis XIV en est tellement conscient que Saint-Simon va jusqu’à écrire : « Sans la crainte du diable, que Dieu lui laissa jusque dans ses plus grands désordres, il se serait fait adorer et aurait trouvé des adorateurs ». Fondée ou non sur la crainte du diable, la foi du Roi Très Chrétien n’en est pas moins sincère et profonde. Certes, il a souvent transgressé les commandements de Dieu et de l’Église. Certes, il a goûté toute sa vie, nous dit Saint-Simon, « le poison abominable de la flatterie la plus insigne qui le déifia dans le sein même du christianisme » ; mais ne concevait-il pas cette quasi-déification comme inséparable de sa fonction ?
12Au-delà de cette tentative pour appréhender ce qu’ont pu être les pensées du roi mourant, il peut être intéressant pour terminer de souligner à quel point cette mort apparaît, à sa date, comme une mort ordinaire. Certes, tout se trouve majoré du fait de la condition exceptionnelle du mourant ; mais on ne relève aucun acte exceptionnel qui serait lié à cette condition. Cela est vrai d’abord de l’attitude du roi et de son entourage face à la maladie. Comme il l’a fait toute sa vie, Louis XIV s’en remet à ses médecins, et d’abord au premier d’entre eux, Guy Fagon, premier médecin du roi depuis 1693. On a vu que face à la gangrène du roi qu’il ne diagnostique d’ailleurs que tardivement, il préconise le « purgare et clysterium donare », avec le succès qu’on peut imaginer. La réaction de l’entourage, sinon du roi lui-même déjà trop affaibli, est celle courante à l’époque : devant l’impuissance de la médecine officielle, le recours aux guérisseurs et aux « remèdes de bonne femme ». C’est ainsi que, le 24 août, est admis à son chevet, malgré Fagon, un guérisseur provençal venu offrir ses services et que, le 31, la duchesse du Maine lui fait administrer du baume Tranquille, du nom de son inventeur, un franciscain du Louvre surnommé le père Tranquille. (Je signale, par parenthèse, que le baume Tranquille poursuit toujours sa carrière et est disponible dans toutes les bonnes pharmacies). Dans tout cela, rien d’exceptionnel, sinon le nombre de médecins qui entourent le lit du roi.
13Il en est de même du protocole des derniers moments et de la mort elle-même. En dehors de la mort accidentelle ou, pour un gentilhomme, de la mort glorieuse sur le champ de bataille, il est normal de mourir chez soi, dans son lit, entouré de ses proches, parents et amis. Nombreux sont les peintres des XVIIe et XVIIIe siècles qui ont représenté le vieillard sur son lit de mort bénissant ses enfants et petits-enfants qui l’entourent. C’est ainsi que Madame de Maintenon est presque toujours au chevet du roi. De même, on a vu comment celui-ci fait venir à son chevet son arrière-petit-fils, le dauphin Louis, pour lui adresser quelques mots, le bénir et l’embrasser. En recevant les derniers sacrements, Louis XIV se conduit simplement en chrétien. Dès le 24, il se confesse et reçoit l’extrême-onction, seule la présence du cardinal de Rohan, grand aumônier de France, atteste de la qualité du mourant. En marge de ces derniers sacrements, indispensables à une mort chrétienne, Louis XIV, on l’a vu, multiplie les actes et les prières qui témoignent de son repentir pour les fautes commises et de sa confiance dans la miséricorde de Dieu. Bref, il se conforme en tous points aux prescriptions de l’Église et à l’abondante littérature, savante et populaire, sur la préparation à la mort et l’art de mourir.
14Quant au corps du roi défunt, il est l’objet d’un sort un peu particulier, mais qui n’a rien d’exceptionnel. On est très loin des funérailles théâtrales d’un Érançois 1er ou d’un Henri IV qui s’échelonnaient sur plusieurs semaines et entendaient manifester la sacralité de la fonction royale, en mettant en scène la fiction des deux corps du roi. Le 2 septembre, la dépouille de Louis XIV est autopsiée, pratique courante en pareille circonstance et ayant pour but de déceler un éventuel empoisonnement. Les entrailles sont placées dans une urne qui sera déposée à Notre-Dame de Paris et le corps, embaumé et mis dans un double cercueil. Le 9 septembre, le cortège funèbre quitte Versailles à 9 heures du soir pour la basilique de Saint-Denis, nécropole royale, où il n’arrivera qu’à 7 heures le lendemain matin. Cet horaire a été choisi pour tenter d’éviter l’expression de la colère populaire, car nul n’ignore à la Cour l’impopularité du roi à Paris et dans tout le royaume. En fait, cela n’évitera rien et, tout au long de la nuit, le cortège sera l’objet de manifestations de toutes sortes, huées, chansons, insultes. Quelques semaines plus tard, Massillon ouvrira en ces termes l’oraison funèbre de Louis le Grand, prononcée devant toute la Cour : « Dieu seul est grand, mes frères ».
15Au total, le récit des derniers jours de Louis XIV offre un contraste saisissant entre ce que l’on sait de la vie très longue du souverain, quasiment déifié de son vivant, et sa fin. Durant sa longue agonie, il s’est trouvé démuni, en proie à la souffrance et à la dégradation de sa chair, comme n’importe lequel de ses sujets, et il est mort en chrétien, « muni des sacrements de l’Église », selon un protocole identique à celui qui accompagne les derniers moments d’un chrétien quelconque. Comment ne pas y voir l’illustration de l’un des enseignements majeurs de l’Église romaine au lendemain du concile de Trente, à savoir l’égalité de tous devant l’échéance commune et inévitable qu’est la mort ?
Auteur
Université de Rennes II
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