Éthique et syphilis : l’affaire de Tuskegee
p. 407-416
Résumés
La syphilis possède une place à part en éthique médicale. Elle fut le vecteur tragique d’une prise de conscience mondiale concernant l’encadrement de la recherche clinique. Aucune autre pathologie n’avait tant révélé la nécessité d’un consentement libre et éclairé, et les caractéristiques même de celle-ci ont joué un rôle capital dans cette expérimentation tristement célèbre. Transmise sexuellement et possédant peu de traitements efficaces avant l’apparition de la pénicilline, elle fut le terreau de nombreux préjugés, y compris racistes. Dans les années 1920 à Tuskegee, Alabama, une expérimentation inédite fut menée sur des populations pauvres afro-américaines et syphilitiques. Elle consistait en une observation de l’évolution naturelle de la maladie, sans perspective de traitement et sans informer les participants de leurs implications dans ledit protocole. Des prélèvements sanguins, des ponctions lombaires furent pratiqués sous prétexte d’un bad blood, mais aucune information claire ne fut divulguée et aucun traitement ne fut proposé, même lorsque la pénicilline s’avéra être un traitement efficace. Ces sujets furent suivis malgré eux pendant quarante ans, pour ceux qui ont survécu du moins, jusqu’à la révélation publique (elle fut bien connue du monde scientifique pendant son déroulement) de cette expérimentation en 1972, ce qui mit fin à celle-ci. Elle demeurera l’expérimentation médicale raciste la plus célèbre de l’histoire des États-Unis et figure parmi les raisons de la fondation d’une éthique de la recherche médicale moderne basée sur le consentement libre et éclairé des participants.
Syphilis certainly holds a special place in medical ethics as it turned out to be the dramatic vector of a global awareness for a better clinical research supervision. No other pathology had that much revealed the need for informed consent, and the very characteristics of it played a vital role in this infamous experiment. Transmitted sexually and with few effective treatments before penicillin appeared, it was the breeding ground for many prejudices, including racist ones. In the 1920s, in Tuskegee, Alabama, an unprecedented experiment was conducted on poor African-American, syphilitic communities. It consisted in observing the natural evolution of the disease, without any prospect of treatment, and without informing the participants of their implications in the protocol. Blood samples and lumbar punctures were performed under the pretext of a “bad blood”, but no clear information was disclosed and no treatment was offered even when penicillin proved to be an effective one. These unaware subjects were followed during forty years, for those who survived at least, until the experiment - well-known of the scientific community all along – was publically revealed to the world in 1972 and, consequently, brought to an end. It remains the most famous racist medical experiment in US history and is one of the reasons for establishing a code of ethics of modern medical research based on the free and informed consent of participants.
Texte intégral
Introduction
1En 1945, Alexander Flemming, Howard Walter Florey et Ernst Boris Chai obtiennent le prix Nobel de médecine pour la mise au point de la pénicilline. Elle fut découverte dès le début du xxe siècle, mais son utilisation spécifiquement pour soigner la syphilis est reconnue efficace à partir des années 19401. Elle est en voie d’être éradiquée. En même temps, aux États-Unis, une étude observationnelle sur la syphilis est menée dès 1923 afin d’observer l’évolution naturelle de la maladie lorsque le patient infecté ne reçoit pas de traitement. Elle va se poursuivre jusqu’en 1972, au détriment des participants, plus de trente ans après la découverte d’un traitement viable, devenant ainsi l’expérimentation médicale la plus tristement célèbre de l’histoire des États-Unis. Il s’agit de « l’affaire de Tuskegee », également surnommée celle des « Sacrifiés de l’Alabama ». La découverte de cette affaire fut un choc pour la population américaine2 et mit clairement en exergue la nécessité d’encadrer la recherche clinique, de protéger juridiquement les participants ainsi que de leur garantir une information éclairée et un consentement libre. Mais au-delà de l’aspect juridique, c’est la dimension éthique de la recherche qui a été mise en cause. Pourquoi la pénicilline ne fut-elle pas proposée aux personnes souffrantes ? Qu’en était-il du primum non nocere ? Nous pouvons par ailleurs nous demander comment une telle expérience a-t-elle pu être menée dans le pays qui a participé à l’élaboration du Code de Nuremberg3 ? Du fait de l’instrumentalisation dont elle a fait l’objet ici, la syphilis peut être considérée comme la maladie qui aura eu les conséquences les plus importantes sur le plan de l’éthique de la recherche médicale.
2Nous étudierons tout d’abord les conditions de réalisation de cette expérimentation, ce qui nous éclairera sur la population choisie pour la mener à bien. Dans un second temps, nous verrons le déroulé de l’expérience et ses révélations publiques. Pour terminer, nous examinerons les conséquences éthiques et juridiques qu’elle a pu avoir sur le monde de la recherche.
Les conditions de réalisation de cette expérimentation et la population choisie
Le contexte
3Cette expérience hors du commun vit le jour durant la grande dépression américaine qui toucha particulièrement les populations du Sud des États-Unis. En 1932, le « Sud profond » du pays vit dans le souvenir de l’esclavage et de la guerre de Sécession. Le clivage se ressent toujours et les populations afro-américaines sont les plus touchées par cette pauvreté grandissante. Une enquête est menée en 1929 par la fondation philanthropique créée par Julius Rosenwald afin de donner une meilleure éducation aux Afro-Américains4. Elle est à l’origine, selon l’article de Berche et Lefrère5, du choix de la ville de Tuskegee dans le comté de Macon, Alabama, comme ville témoin. Cette enquête initialement menée dans un but philanthropique avait pour objectif d’évaluer la prévalence de la syphilis dans la population afro-américaine de six états du Sud au moyen de prises de sang notamment. L’Alabama obtient un taux très élevé, 35 %. Malheureusement, la grande récession commença en 1929 et cette enquête ne put mener au traitement de masse dont elle était censée être les prémisses, mais elle ne sera pas oubliée pour autant6.
Le racisme
4En vogue à cette époque, les théories raciste et eugéniste répandirent l’idée que les populations afro-américaines étaient largement exposées à la syphilis du fait de leur « nature profonde » et de leur incapacité à suivre un traitement. Berche et Lefrère affirment que « le Sud des États-Unis connait un racisme viscéral, hérité du mépris des anciens maîtres blancs pour les populations serviles et d’un ressentiment contre cette guerre de Sécession qui a abolit l’esclavage7 ». Le caractère particulier de cette maladie infectieuse sexuellement transmissible, alimenté par le racisme très présent de l’époque, en a fait une maladie présentée comme « épurative ». De nombreux médecins s’illustrent par leur ignorance afin d’expliquer la prévalence de la maladie chez ces populations, jugeant même pour certain que c’est dû à l’émancipation des esclaves puisqu’ils contractent des maladies qu’ils n’auraient pas eu sous la protection de leurs maîtres. Aucun de ces médecins ne se préoccupent de chercher des explications socio-économiques à l’état physique des populations afro-américaines. Le racisme est donc la principale raison d’un tel choix de population mais également de la réalisation d’une expérimentation qui n’aurait jamais été effectuée sur des populations traitées avec respect et dignité.
Le mensonge
5Les sujets furent sélectionnés par le docteur Vonderlehr en raison d’un illettrisme lié à leur condition socio-économique qui les rendrait moins enclins à poser des questions et les ferait ainsi coopérer plus facilement. Il leur fit croire qu’ils pourraient jouir de la gratuité du traitement8.
6La gratuité du traitement proposé s’est avéré être un leurre puisque, non seulement les traitements existant à l’époque ne furent jamais délivrés en quantité suffisante, mais l’accès aux soins ou aux établissements extérieurs pour traiter leurs pathologies leur fut interdit ; seuls des placebos leur furent délivrés. Les traitements précédant la découverte de la pénicilline étaient peu efficaces, voire dangereux (notamment les médicaments à base de mercure et d’arsenic), et l’étude avait pour but officiel de savoir si les patients souffrant de cette pathologie ne vivaient pas mieux sans ces traitements nocifs.
7Mais lorsque la pénicilline fut reconnue comme un traitement soignant la syphilis, son efficacité fut cachée aux participants et l’accès aux programmes de traitements disponibles dans la région fut prohibé. Certains patients, appelés à combattre au front, ne purent s’y rendre puisque leur enrôlement aurait nécessité un traitement contre la syphilis et qu’ils n’eurent la possibilité d’en bénéficier à cause de l’étude.
8Les participants à l’étude n’étaient pas au courant de tous les détails de l’expérience. Voici les informations qu’ils avaient à leur disposition selon les propos de Charlie Pollard, l’un des participants :
En 1932, j’avais 24 ans. À l’époque, j’étais célibataire. Ils sont venus me trouver, comme de nombreux autres, à Tuskegee, en me disant qu’ils voulaient me faire un test sanguin. […] ils sont revenus me dire que j’avais un mauvais sang. Alors, ils ont fait une série d’injections pendant un sacré bout de temps. […] Après 25 ans, ils m’ont donné 25$ et un certificat de mérite9.
9Voici les informations qu’ils avaient en leur possession : le fait qu’ils avaient un « mauvais sang », un bad blood, des injections et la promesse d’être bien suivis par les médecins alors que ce n’était pas le cas. Comment une expérimentation de la sorte a-t-elle pu durer aussi longtemps ? Comment s’est-elle véritablement déroulée ?
Le déroulé de l’expérience et les différentes révélations de celle-ci dans la presse
Les débuts de l’expérience10
10À la suite de l’enquête menée par la fondation philanthropique citée précédemment, le docteur Clark et le docteur Heller décident, en 1932, que cette zone représente une opportunité rare pour étudier la maladie et proposent une « étude de la nature » afin d’explorer l’évolution spontanée de la syphilis pendant six à huit mois. L’enquête révéla des taux plus faibles que ceux observés auparavant : seulement 20 % des individus sont infectés. Selon le protocole de l’enquête, les patients devaient être traités. Pourtant, l’étude fut prolongée durant tout l’été, à la suite d’une décision du ministère de la Santé et du Surgeon General Cumming, avec des participants ignorant leur recrutement11. Tous les manuels de médecine12 indiquaient déjà à l’époque de traiter précocement la syphilis au vu des troubles neurologiques, de la mort qu’elle peut entraîner et de sa transmissibilité. L’enquête débuta cependant, sans perspective de traitement.
11C’est avec l’aide de la nurse Eunice Rivers que le docteur Vonderlehr va poursuivre l’expérimentation en ciblant de préférence des individus afro-américains illettrés et pauvres, des métayers, journaliers ou ouvriers agricoles par exemple. L’expérimentation commence selon le format suivant :
- environ 400 hommes syphilitiques afro-américains âgés de 25 à 60 ans sont sélectionnés ; l’étude s’annonçant rapidement plus longue que prévu, les sujets jeunes sont privilégiés ;
- un groupe témoin de 200 hommes sains (s’ils se contaminent par la suite ils rejoindront le groupe de patients infectés ; il sert à montrer au premier groupe qu’un « traitement n’est pas nécessaire » pour la syphilis puisqu’eux n’en ont pas besoin.
12Il leur est expliqué que l’étude fera progresser la médecine, et il n’y a pratiquement pas de perdus de vue puisqu’ils savent qu’ils pourront bénéficier :
- d’un examen complet et d’une ponction lombaire, un acte pénible et douloureux, comme « traitement spécial » ;
- d’un traitement pour leur bad blood (mais rien qui ne soigne la syphilis) ;
- de repas chauds et d’allers-retours gratuits à la clinique ;
- de la prise en charge par l’US Public Health Service des frais d’hospitalisation en cas d’aggravation de la maladie ;
- de cinquante dollars pour financer les obsèques s’ils acceptent de laisser pratiquer une autopsie.
13Voici les différentes motivations qui leur sont proposées pour maintenir leur intérêt pour l’enquête.
Le refus d’enrôlement et les publications
14En 1941, 256 patients enrôlés s’engagent dans l’armée. Seulement, les patients syphilitiques doivent obligatoirement être traités, conformément à la loi militaire. Rappelons que la pénicilline a déjà été découverte. Vonderlehr fait parvenir à l’armée américaine une liste de 256 noms en vue de les « exempter » de service militaire au nom du Public Health Service en déclarant : « Je souhaite que la disponibilité des antibiotiques n’interfère pas trop avec notre projet13. »
15Les premiers résultats apparaissent dans un rapport présenté en 1936 lors du congrès annuel de l’American Medical Association. L’affaire n’a donc rien de caché. Les résultats sont publiés régulièrement dans les revues scientifiques. Selon Berche et Lefrère14 toujours, des articles15 ainsi que treize rapports seront publiés en tout avec chacun des titres clairs tels que Untreated syphilis in the male Negro; a prospective study of the effect on life expectancy. Les autopsies révèlent des atteintes neurologiques et cardiovasculaires ayant causé la mort. Un premier groupe de médecins se réunit en 1969 pour décider si l’étude doit continuer : un seul médecin s’y oppose, tous les autres votent pour sa poursuite16. Elle continuera ainsi jusqu’à sa révélation scandaleuse dans les journaux.
La révélation au grand jour
16C’est en 1972 que l’affaire éclate au grand jour, au-delà de la communauté scientifique. Le journaliste Jean Heller publie dans le New-York Times: « syphilis victims in U.S. Study went untreated for 40 years17. » C’est grâce à sa collaboration avec Peter Buxton, un ancien enquêteur de l’US Public Health Service qui avait déjà exprimé ses fortes réticences morales à l’étude, que Heller est mis au courant de cette affaire et peut en révéler les détails.
17L’étude s’interrompt enfin. Au total, 74 patients encore en vie et toujours sans pénicilline, 28 morts de la syphilis, au moins une centaine d’autres sont décédés de complications liées à la maladie, au moins 40 femmes infectées par un conjoint non traité et 19 enfants nés avec une syphilis congénitale18. Cette étude n’aura rien apporté de plus à la connaissance scientifique : tout ce qui a été appris avait déjà été découvert, elle demeure donc parfaitement inutile. Une enquête est menée de 1973 à 1974 et les participants retrouvés sont traités sans recevoir de compensation financière. Les patients et leurs familles poursuivent alors le gouvernement américain et ne reçoivent qu’une compensation financière minime après un procès rapide. Aucun des médecins et chercheurs ayant participé à l’étude n’ont été poursuivi à ce jour.
18Le 16 mai 1997, des excuses solennelles seront présentées par le président Clinton à cinq des six derniers survivants de l’expérience au nom du gouvernement des États-Unis19.
Les conséquences sur notre perception de l’éthique et du monde de la recherche
Conséquences éthiques
19Ce n’est pas le moindre des paradoxes que cette expérimentation se soit déroulée au sein d’un pays qui a participé à l’élaboration du Code de Nuremberg, celui où le « consentement libre et éclairé » a été identifié comme une condition sine qua non à toute recherche médicale20. À ce jour, on estime que 400 Afro-Américains (les chiffres restent incertains) ont participé à cette étude et qu’aucun d’entre eux n’a été informé de son but réel.
20L’impératif catégorique kantien présupposait déjà, dès 1785, le respect de l’être humain en toute circonstance : « Agis de façon telle que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen21. » Ainsi, en philosophie morale, le respect est perçu depuis longtemps comme la pierre angulaire des relations humaines. Mais les guerres, et pas seulement la seconde guerre mondiale, tout comme les expérimentations médicales qui ont suivi et amené jusqu’à celle de Tuskegee, ont démontré qu’une énonciation des grands préceptes éthiques, hippocratiques ou encore issus du Procès de Nuremberg, n’étaient pas suffisantes pour prévenir les dérives de la recherche. Des dérives que l’on peut, à la lumière des événements de Tuskegee, se représenter de la façon suivante :
- malhonnêteté envers le sujet : sur l’existence d’une expérimentation, le diagnostic, l’existence d’un traitement. Nous constatons désormais toute l’importance de respect du principe d’autonomie et de son application à travers le consentement libre et éclairé.
- refus de la part des médecins de traiter les patients : outre le parjure envers le serment d’Hippocrate, il faut dorénavant s’assurer du fait de ne pas faire subir de mal aux patients quand on peut l’éviter, d’où l’importance d’un principe de non malfaisance.
- l’étude n’a rien apporté, ni aux patients ni à la science médicale : une étude devrait peut-être procurer un certain bien. Ici s’exprime le principe de bienfaisance.
- au contraire, l’étude a enlevé aux patients et une réparation semble être la bienvenue. De plus, les participants n’ont pas été sélectionnés de façon équitable, ce qui suppose l’importance du respect d’un principe de justice.
21Voici les différents points éthiques qui ont été soulevés à la suite de la révélation de cette expérimentation, et auquel l’éthique et la déontologie contemporaine se réfèrent encore aujourd’hui22. Mais pour donner plus de force à ces principes, et ainsi éviter autant que faire se peut que de tels événements se reproduisent, le droit s’est alors emparé de ces préceptes afin de devenir l’organe d’application de l’éthique.
Conséquences juridiques
22La révélation de cette étude a poussé le gouvernement américain à créer en 1974 la National Commission for the Protection of Human Subject of Biomedical and Behavioral Research23. Cette commission avait pour but de conseiller le gouvernement sur les problèmes rencontrés dans la recherche médicale, en particulier l’utilisation de personnes vulnérables, ainsi que les questions relatives au consentement des sujets. Elle rendit un rapport de synthèse intitulé le rapport Belmont (1979) qui renseignait essentiellement les principes éthiques fondamentaux selon leurs investigations : bienfaisance, justice et respect de la personne, sans oublier un paragraphe consacré au consentement fondé sur l’information.
Conclusion
23L’affaire de Tuskegee fait donc partie des événements ayant participé à la fondation de ce que l’on appelle aujourd’hui les piliers de l’éthique médicale, les quatre grands principes énoncés par Beauchamp et Childress24 : autonomie, bienfaisance, non malfaisance et justice. Une affaire similaire fut révélée en 2010 par l’historienne Susan Reverby, spécialiste de l’étude de Tuskegee, qui a annoncé avoir découvert des documents attestant qu’au cours des années 1946‑1948, une étude fut menée au Guatemala afin de savoir si la pénicilline pourrait empêcher, et pas seulement guérir, l’infection par la syphilis25. Les chercheurs ont exposé sciemment et à leur insu 696 prisonniers, soldats et malades mentaux guatémaltèques au germe de la maladie. Il est toujours tragique de constater qu’il faut franchir une barrière pour se rendre compte de sa nécessité, mais l’éthique médicale progresse encore de nos jours et, même si de nombreuses questions demeurent sans réponse, l’affaire de Tuskegee aura eu cet unique intérêt de nous apprendre ce qu’il ne faut pas faire lorsque l’on pratique la recherche médicale, et c’est un bien petit apprentissage pour autant de victimes sacrifiées sur l’autel de la recherche médicale.
Notes de bas de page
1 Un article célèbre paru en 1943 fut un des premiers à faire état de cette utilisation possible de la pénicilline, J.-F. Mahoney et al., « Penicillin Treatment of Early Syphilis. A Preliminary Report », American Journal of Public Health and the Nations Health, no 33, (12), décembre 1943, p. 1387‑1391.
2 « At Least 28 Died in Syphilis Study », The New York Times, 12 septembre 1972, p. 23 ; J. Heller, « Syphilis Victims in U.S. Study Went Untreated for 40 Year », The New York Times, 26 juillet 1972, p. 1, (https://www.nytimes.com/1972/09/12/archives/at-least-28-died-in-syphilis-study-reports-on-tuskegee-tests.html, consulté le 10 février 2019). Elle continue de choquer encore à lheure actuelle, les médias publient toujours à son sujet : L.-B. Deneen, « “You’ve got bad blood”: The horror of the Tuskegee syphilis experiment », The Washington Post, 16 mai 2017.
3 En effet, le Code de Nuremberg fut écrit à la suite du Procès des médecins de Nuremberg, organisé par un tribunal militaire américain. Le docteur Leo Alexander et le professeur Andrew Ivy (deux Américains) firent partie des experts désignés lors de ce procès, et de celui-ci résultat de nombreuses règles éthiques reconnues comme nécessaires à toute expérimentation médicale (sur des sujets sains a priori, les réglementations concernant les sujets malades furent surtout abordées dans la Déclaration d’Helsinki en 1964 par l’Association médicale mondiale), notamment l’obligation d’un consentement libre et éclairé préalable à tout acte de ce genre. Pour plus de renseignements, voir B. Haoulia, Le procès des médecins de Nuremberg. L’irruption de l’éthique médicale moderne, Paris, Vuibert, 2007.
4 F. Bonnet, B. Robert, « La régulation éthique de la recherche aux États-Unis. Histoire, état des lieux et enjeux », Geneses, no 2, août 2009, p. 87‑108.
5 P. Berche, J.-J. Lefrère, « L’enquête Tuskegee sur la syphilis », La Presse médicale, no 39, (12), décembre 2010, p. 1324‑1329. Cet article est notre principale source concernant les motivations racistes ainsi que le déroulement de cette expérimentation médicale.
6 Ibid.
7 Ibid., p. 1325.
8 F. Bonnet, B. Robert, art. cit.
9 Propos prononcés en 1973 par Charlie Pollard, un des sujets de l’expérience, au sénateur Edward Kennedy chargé de mener une enquête au sujet de cette affaire. P. Berche, J.-J. Lefrère, art. cit., p. 1325.
10 Pour plus de renseignements, une chronologie détaillée de cette investigation est disponible sur le site : « Tuskegee Study – Timeline » CDC – NCHHSTP, 3 octobre 2018 (https://www.cdc.gov/tuskegee/timeline.htm, consulté le 12 février 2019).
11 P. Berche, J.-J. Lefrère, art. cit.
12 J. Castaigne, F. Trémolières, La syphilis, méthodes générales de diagnostic et de thérapeutique, Paris, O. Poinat, 1913 ; J.-F. Larrieu, Cure prompte et radicale de la syphilis. Syphilis et mercure, Paris, Hachette, 1902 ; C. Levaditi, J. Roche, La syphilis. Expérimentation, microbiologie, diagnostic, Paris, Masson, 1909.
13 P. Berche, J.-J. Lefrère, art. cit., p. 1327.
14 Ibid.
15 Comme, par exemple, cet article de Rockwell et al. en 1964 faisant le bilan de trente ans d’observations.
16 P. Berche, J.-J. Lefrère, art. cit.
17 J. Heller, art. cit.
18 P. Berche, J.-J. Lefrère, art. cit.
19 C. Chelala, « Clinton apologises to the survivors of Tuskegee », The Lancet, vol. 349, no 9064, mai 1997, p. 1529 ; « Tuskegee Study – Presidential Apology » CDC – NCHHSTP, 3 octobre 2018, (https://www.cdc.gov/tuskegee/clintonp.htm, consulté le 12 février 2019).
20 Pour rappel, voici l’article premier du Code de Nuremberg (dont nous avons expliqué précédemment l’origine) : « Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne concernée doit avoir la capacité légale de consentir ; qu’elle doit être placée en situation d’exercer un libre pouvoir de choix, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes sournoises de contrainte ou de coercition ; et qu’elle doit avoir une connaissance et une compréhension suffisantes de ce que cela implique, de façon à lui permettre de prendre une décision éclairée. Ce dernier point demande que, avant d’accepter une décision positive par le sujet d’expérience, il lui soit fait connaître : la nature, la durée, et le but de l’expérience ; les méthodes et moyens par lesquels elle sera conduite ; tous les désagréments et risques qui peuvent être raisonnablement envisagés ; et les conséquences pour sa santé ou sa personne, qui pourraient possiblement advenir du fait de sa participation à l’expérience. L’obligation et la responsabilité d’apprécier la qualité du consentement incombent à chaque personne qui prend l’initiative de, dirige ou travaille à l’expérience. Il s’agit d’une obligation et d’une responsabilité personnelles qui ne peuvent pas être déléguées impunément. »
21 E. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Paris, Vrin, (1785) 1992.
22 En effet, ce sont les quatre grands principes définis par Beauchamp et Childress dans un ouvrage de référence en éthique médicale : T. Beauchamp et al., Principles of Biomedical Ethics, New York/Oxford, Oxford University Press, 2013.
23 Créée à la suite du National Research Act en 1974, cette commission formée de onze membres est désignée comme la rédactrice du Rapport Belmont. Pour plus d’information, voir « The Belmont Report », HHS.gov, 18 avril 1979, (https://www.hhs.gov/ohrp/regulations-and-policy/belmont-report/index.html, consulté le 12 février 2019) et G. Durand, Introduction générale à la bioéthique. Histoire, concepts et outils, Paris, Fides, 2005, p. 48.
24 T. Beauchamp et al., op. cit.
25 S.-M. Reverby, « Ethical Failures and History Lessons: The U.S. Public Health Service Research Studies in Tuskegee and Guatemala », Public Health Reviews, no 34, (1), juin 2012, p. 13.
Auteur
UMR 7268 ADES Anthropologie bio-culturelle, droit, éthique et santé - Aix Marseille Université / CNRS / EFS - Marseille, France
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