Ports, marins de l’État français et syphilis en Méditerranée au xixe siècle
p. 311-326
Résumés
Nous envisagerons dans cette communication, à partir d’un regard naval et français, les enjeux sanitaires et administratifs de l’atteinte syphilitique, les grandes lignes curatives adoptées, avant de considérer les pratiques prophylactiques, dont l’efficacité bute devant les esquives de l’automédication et d’une prostitution « libre » et de fait quasi incontrôlable. Le cadre chronologique de cette étude sera un « court » xixe siècle (1830-1900 environ) et dont les bornes sont définies par l’état des capacités thérapeutiques et de leurs progrès qui pèsent sur l’administration sanitaire des marins atteints par les MST.
The 19th century French Navy carried on a tedious, monotonous therapeutic fight against venereal diseases, particularly gonorrhea and syphilis, whose far-reaching, damaging consequences and, most importantly, heavy treatments were difficult to deal with and almost turned out to be intolerable burdens beyond a certain threshold. Based on naval medical French sources, this paper will examine the sanitary and administrative issues arising from syphilis and that the French Navy had to face with as well as the healing outline adopted. The prophylactic practices of the time will then be considered, whose efficiency got seriously hampered by frequent concealment, old-age self-medication and a ‘free’ prostitution, almost out of control in the foreign Mediterranean harbours. The chronological framework of this study will span a “short” 19th century (roughly 1830-1900) whose limits are defined by the state of the therapeutic capabilities of and progress in the care of the syphilitic sailors which the French sanitary administration had to tackle. Our study starts in the 1830’s, when potassium iodide was introduced in a specific context in which the pharmacopoeia was almost all-mercurial for treating secondary and tertiary syphilis, a disease which, by 1838, French physician Philippe Ricord clearly distinguished from gonorrhea. The last part of this paper will focus on a period spanning from 1890 to the early 1900’s, as mercurial hypodermic injections got progressively substituted by the introduction, and then the general use, of arsenical treatments, which significantly changed and facilitated the therapy.
Texte intégral
Introduction
1Comme les autres composantes des communautés militaire et maritime aux époques moderne et contemporaine, les marins de l’État sont particulièrement exposés aux maladies vénériennes1. Société masculine où les jeunes gens forment le gros des équipages et des états-majors, cette profession est vouée à de longues périodes de claustration durant lesquelles les femmes sont interdites à bord2. Les marins trouvent donc dans les ports où leur navire relâchent et stationnent l’occasion de satisfaire leurs appétits éthyliques comme leurs goûts vénériens, ordinairement hétérosexuels ; non sans en payer le prix. L’historien de Toulon, Jean Bernardini, rappelle que dans le premier tiers du xixe siècle « les maladies vénériennes étaient très répandues dans la Marine au point que le maire de Toulon demandera au préfet maritime de faire visiter et consigner à bord les marins de l’escadre atteints de syphilis3 ». Le médecin de la Marine Jean-Baptiste Fonssagrives, dans son célèbre Traité d’hygiène navale, se référant aux chiffres vertigineux avancés par son confrère Reynaud sur les maladies vénériennes dans le port de Brest, constate « qu’en 1852 et 1853, sur un effectif moyen de 1 641 hommes appartenant aux équipages de ligne, il y eut annuellement 443 vénériens ou 26,9 %, c’est à-dire que plus du quart de l’effectif est contaminé4 ».
2Alors même que les sources sont à la fois abondantes et variées, les atteintes vénériennes dans la marine de guerre au xixe siècle ont suscité peu de travaux en langue française tant d’histoire médicale que d’histoire navale5. Ce silence historiographique relatif est d’autant plus étonnant que, si les officiers de santé de la Marine sont bien alors en voie d’intégration au corps médical, ils ont à gérer des populations mobiles et particulièrement exposées aux périls vénériens6. Leur réflexion savante n’est en outre pas négligeable. Entre 1815 et 1887, pas moins de quatorze thèses furent soutenues à Montpellier sur les maladies ou infections sexuellement transmissibles – par la suite MST ou IST – soit par des pharmaciens soit par des médecins de la Marine7 démontrant par là même l’intérêt de ces soignants chevronnés pour le sujet et la place que ces maladies occupaient dans leur consultation8. À ces travaux spécifiques s’ajoutent les thèses de topographie médicale9 qui évoquent la sexualité navale et indigène, comme les recherches portant sur les produits employés en vénérologie tels que le nitrate d’argent, l’iodure de potassium et les produits vésicants10.
3Les soins qu’ils apportent aux personnels de la Marine, marins et ouvriers des arsenaux, mais également ceux qu’ils donnent aux bagnards, aux soldats comme aux artilleurs de marine, permettent aux officiers de santé navale d’accumuler une masse de données qui nourrissent une authentique recherche, alimentée par une connaissance intime des sociétés portuaires11. Les principales figures toulonnaises de la vénérologie navale sont Jean-François Hernandez (1769-1835), qui contribua à différencier la blennorragie de la syphilis dès 181912, Auguste Reynaud (1804-1887), dont les conclusions sur le bubon inguinal inspirèrent Philippe Ricord et d’autres médecins civils13, enfin Jules Roux (1807-1877), qui dirigea le service de Santé de Toulon. Entretenant des liens étroits avec Montpellier, une des capitales universitaires de l’hygiénisme, l’école navale de santé de Toulon suivit également ce que produisaient les grands services vénériens parisiens et lyonnais. Reprenant les études et les débats passés sur les usages thérapeutiques de l’iodure de fer et de l’iodure de potassium, le pharmacien Davin réalise entre 1848 et 1850 un travail de recherche poussé sur ces produits, en confrontant ses essais aux avis des médecins du service des vénériens de Saint-Mandrier (Toulon) et de l’Antiquaille à Lyon14. Durant l’année 1888, le service vénérien de Saint-Mandrier pratique ainsi des injections systématiques d’oxyde jaune, puis l’année suivante d’huile grise, un composé mercuriel dont le docteur Félix Balzer, de l’hôpital Saint-Louis (Paris), est un avocat déterminé15. Ce travail s’inscrit alors dans le débat sur l’efficacité et les dangers des injections mercurielles hypodermiques.
4Toute cette recherche n’est que la partie émergée d’une lassante et banale lutte thérapeutique contre les maladies vénériennes, particulièrement la blennorragie et la syphilis, dont les suites et surtout le traitement sont gros d’embarras, intolérables au-delà d’un certain seuil. Nous limitant au théâtre méditerranéen, où la Marine concentre la majeure partie de ses forces stratégiques et de ses divisions navales, nous envisagerons ces enjeux sanitaires et administratifs, les grandes lignes curatives adoptées, avant de considérer les pratiques prophylactiques, dont l’efficacité bute devant l’automédication et la prostitution « libre » et de fait presqu’incontrôlable. Le cadre chronologique de cette étude sera un bref xixe siècle (1830-1900 environ) défini et borné par l’état des capacités thérapeutiques et leurs progrès qui influencent l’administration sanitaire des marins atteints par les MST. L’amont de notre étude (la décennie 1830) se situe dans les premiers temps de l’introduction de l’iodure de potassium dans une pharmacopée alors très mercurielle pour soigner les atteintes secondaire et tertiaire d’une maladie désormais bien distinguée de la blennorragie16. La fin du xixe siècle a été retenue pour former la partie aval de cette communication, parce qu’elle voit l’apogée des traitements hypodermiques mercuriels avant la mise en service et la généralisation des produits arsenicaux qui, peu avant la Grande Guerre (1907-1912 environ), modifient grandement la donne thérapeutique en ouvrant la voie aux traitements non-mercuriels17.
La syphilis dans la Marine : un enjeu sérieux de santé navale, une pathologie embarrassante
5Du point de vue naval et savant, la syphilis se singularise des crises épidémiques (choléra, peste…) par son action progressive. C’est une maladie chronique qui invalide, détruit et tue lentement. Par sa très forte prévalence au sein des communautés navales, elle impose au service de Santé de la Marine un effort de prise en charge constant, massif et de longue haleine.
Un mode de transmission bien connu
6La syphilis est, au xixe siècle, une « vieille conserve » de la marine de l’État, et des autres marines par ailleurs18. Bien avant l’identification du tréponème pâle en 1905, son étiologie et son mode de transmission sont bien connus19. Nul n’ignore en effet que l’atteinte syphilitique fait suite à un commerce charnel, particulièrement fréquent dans les ports de guerre qui sont autant de grandes villes de garnison20. « Les marins sont soumis aux mêmes causes d’infection que les militaires en France même », constate, en 1845, le vénérologue Auguste Reynaud21.
7Pour les officiers de santé et le commandement, le risque de contamination ne se pose pas à bord, à la différence des autres pathologies, mais il est imaginé exclusivement à terre à l’occasion d’un coït hétérosexuel. À terre, le risque de contamination génésique est donc restreint aux cercles de la prostitution, occasionnelle et régulière, et des amours non tarifaires, matrimoniaux ou non. À bord, où les rapports homosexuels sont contraints par la promiscuité, les dangers supposés ou réels que font peser les vénériens à l’équipage sain sont jugés très limités, alors même que l’obsession de la contamination gagne du terrain à la fin du siècle22. Non sans raison, les hygiénistes demandent alors l’élimination du charnier, ce grand baquet d’eau potable commun à tous, dont les embouts sont des vecteurs de stomatites et d’ulcères vénériens23. La conscience du risque collectif que pose la syphilis est donc fort inférieure à celles que les épidémies, les carences alimentaires, l’humidité enfin font peser à un équipage. Pour autant, les MST sont une source d’embarras.
La syphilis pose de lourds soucis à la Marine
8Le premier tient à la gravité des complications d’une atteinte vénérienne. Celles qui sont plus souvent signalées sont les urétrites, les adénopathies, les « bubons inguinaux », les « complications scrofuleuses », plus rarement les gangrènes que peuvent entraîner les paraphimosis et les chancres mous (Haemophilus ducreyi). Si les suites neurologiques d’une syphilis non soignée ne sont pas reconnues avant les travaux d’André Fournier au début de la IIIe République, nul n’ignore plus, après Philippe Ricord24, la gravité des suites dites tertiaires ou tardives de ce que la littérature du temps nomme ordinairement la « syphilis constitutionnelle25 », auxquels s’ajoutent les effets délabrant des traitements mercuriels de longue durée26. Dans une marine de guerre où le service long est la norme pour les officiers, les maîtres et les marins engagés volontaires, des centaines d’existences professionnelles étaient notoirement ruinées, sept-dix années après les premières atteintes, privant la rue Royale d’un capital humain expérimenté. Les premiers signes des atteintes vénériennes, chancres et roséoles, n’étaient pas anodins et la forfanterie d’un Maupassant n’était ni universelle ni bien sincère. Si Fonssagrives blâme l’indifférence des marins à ce mal, somme toute commun, d’autres médecins ont bien perçu les suites morales et psychologiques du mal sur les officiers, mais également sur de simples matelots, particulièrement les plus jeunes27. Aux complications syphilitiques sur l’organisme (céphalée, état grippal pour le stade primaire) s’ajoutent les suites très embarrassantes des autres IST souvent associées, tels les écoulements blennorragiques chroniques, qui redoublent d’intensité durant les croisières sur des navires mal aérés et humides28. La santé des équipages, dont la force musculaire est indispensable, tant à l’âge de la propulsion à voile que dans les premiers temps de la vapeur, exige donc des soins précoces et constants pour une cure radicale, sinon définitive.
L’hospitalisation : une pesante nécessité
9À terre comme à la mer, les traitements impliquent régulièrement l’hospitalisation qui répond à deux objectifs. Elle apporte le repos aux vénériens, dont le mal est censé s’étendre et s’aggraver avec les efforts physiques, l’alcoolisme ou la débauche. Qu’ils soient mercurialistes ou antimercurialistes, les médecins préconisent le repos, mais également une diète plus ou moins sévère, afin de constituer un cadre favorable au rétablissement de l’organisme29. Le traitement est en tout point à l’opposé de celui que l’on inflige au « mousse vicieux » dont les pratiques doivent être matées par un régime de labeur ininterrompu30. L’hospitalisation permet en outre la mise en place de soins divers, internes et externes, parfois chirurgicaux, souvent douloureux et toujours contraignants31. Au milieu du siècle, la réduction des bubons phlegmoneux combine l’usage des sangsues, des bains de sièges, l’emploi de cataplasmes et d’émollients, de glace pilée, mais également de briques chaudes32. La lutte contre les accidents primitifs de la syphilis suppose également la prise quotidienne de mercure et d’extraits d’opium, que suit la friction régulière des patients par des onguents mercuriels dont l’usage délabre l’organisme33. Les médecins emploient enfin soit les vésicatoires caustiques soit les injections iodées contre les ulcérations chroniques, avant de cautériser dans les cas rebelles. Toute cette panoplie thérapeutique est trop coûteuse et complexe, grosse d’accidents enfin, pour pouvoir être menée à domicile. L’hospitalisation est donc une évidence34.
10L’impact de ces traitements sur l’économie générale des services de Santé s’avère donc assez pesant. Le dépouillement des rapports du conseil de Santé toulonnais au premier xixe siècle montre que l’accueil des vénériens représente ordinairement entre le cinquième et le tiers du total des journées d’hospitalisation35. Ces chiffres correspondent aux données que le directeur de la Santé à Toulon, Auguste Reynaud, avait rassemblé au début du Second Empire36. Les départs et les retours de l’escadre d’évolutions, qui ne totalisent jamais moins de 6 000 hommes d’équipage et souvent plus, amènent d’importantes variations dans les mouvements des hospitalisations. Un rapport du premier semestre 1850 se félicite de totaliser 6 129 journées d’hospitalisation pour les vénériens, soit le tiers des journées décomptées depuis un semestre. Excellents résultats, juge le médecin de service qui les explique, sans rire, par l’éloignement de l’escadre, en croisière estivale, et par l’engagement d’une partie des troupes de marine dans l’opération de La Plata37. L’année suivante, la même période montre une grande stabilité des journées d’hospitalisations pour les vénériens : 3 646 journées sur 18 439 durant le second trimestre 1851. Les troisième et quatrième semestres, durant lesquels l’escadre revient puis hiverne, sont marqués en revanche par des pics vénériens, probablement provoqués par des atteintes blennorragiques, la syphilis ne s’attrapant qu’une fois. On compte ainsi 8 600 journées sur 30 000 journées d’hospitalisation au troisième trimestre 1852 et pas moins du double (16 591), soit 40 % des journées comptées à l’hôpital principal comme à Saint-Mandrier, au quatrième trimestre de cette année38. Le second problème tient à la durée des traitements, que la Marine entend mener jusqu’à la guérison supposée des marins. « Les prescriptions régulièrement suivies procurent des guérisons franches après des traitements de moyenne durée », peut-on ainsi lire dans le rapport numérique, météorologique et médico-chrirugical du service de Santé de Toulon, en juillet 185039. Il faut compter de quatre à six semaines d’hospitalisation pour une atteinte récente. Pour traiter une « syphilis constitutionnelle », la durée minimale d’un traitement à l’iodure de potassium, associé aux soins mercuriels, est estimée, au milieu du siècle, à quatre mois40. Tout cela enfin a un coût. Si l’on s’inspire ici des calculs du docteur Auguste Vidal sur le service des vénériens de l’hôpital militaire de Strasbourg, ce ne sont pas moins de 15 000 francs par an que l’hôpital de Toulon aurait dépensé sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire41. Par la suite, les injections hypodermiques de produits mercuriels simplifient certes beaucoup le traitement de la syphilis, mais la surveillance étroite des injections, qui provoquent des abcès, voire de gravissimes accidents avant la mise au point de protocoles protecteurs42, exige toujours de conserver le patient à l’infirmerie, parfois plusieurs mois. Perfectionné par Félix Balzer (1849-1929) dans les années 1880, le traitement par injection d’un composé de mercure métallique, l’huile grise, met fin à ces longues immobilisations et permet de délivrer l’exeat de deux à six semaines après le commencement des traitements. Pour autant, l’échec patent des soins, en dépit de plusieurs dizaines d’injections, et de longues hospitalisations ou convalescences sont l’ordinaire des services vénériens où l’introduction de l’arseno-benzol réduit enfin à quelques jours l’hospitalisation43.
11En résumé donc, jusqu’à la fin du siècle, une cure anti-syphilitique, même engagée dès les premiers signes des accidents primitifs et jugée réussie, nécessite une longue inaction forcée des marins, ordinairement de plusieurs semaines, contraire à « l’intérêt du service qui souffre de la privation de tant de bras utiles44 ». La syphilis certes n’est ni la fièvre jaune ni le choléra et fait, à bord, moins de dégâts que les phlegmons et les atteintes pulmonaires. Pourtant elle est « à surveiller » en permanence puisqu’elle impose l’hospitalisation ou le débarquement des vénériens. Au-delà d’un certain seuil d’infection, que les médecins et l’institution estiment à 5-7 % de l’équipage, c’est toute la valeur opérationnelle du navire qui est compromise, particulièrement sur les unités de second rang (croiseurs, torpilleurs, stationnaires) où l’absence d’un maître d’équipage, d’un timonier ou d’un gabier expérimenté se fait sentir. À la fin du siècle, le taux de contamination sur les stationnaires européens à Constantinople – à l’étonnante exception du navire français – s’avère si élevé que les ambassadeurs des Puissances s’entretiennent de la question avec les commandants des unités afin de trouver une solution commune45. Sur les grandes unités, le mal vénérien est toléré et supportable par le jeu des rotations entre les navires, mais, au-delà d’un certain seuil, tous admettent que « quelque chose doit être fait ». Mais quoi ?
La prophylaxie des IST et de la syphilis : prévention illusoire et dépistage imposé ?
12Comme la cure syphilitique est, même précoce, une affaire assez longue et coûteuse, la lutte contre la diffusion, et surtout l’aggravation de ce mal, s’avère d’une particulière importance, mais très incertaine. Claire Fredj parle d’ailleurs pour cette époque « d’impuissance thérapeutique » et de « va-tout prophylactique46 ». À défaut de disposer d’une cure préventive miracle, la prophylaxie navale repose sur des mesures classiques de prévention et de dépistage. Comme les militaires et les prostituées, les marins font donc l’objet d’une surveillance théoriquement étroite.
Prévenir l’infection avant les rapports : un combat perdu d’avance ?
13La nature même de la contamination syphilitique fait de la protection des parties génitales et des muqueuses engagées dans l’acte sexuel une priorité bien comprise des médecins de marine et de leurs confrères. Le rôle médical fut certainement consultatif et incitatif. Des « causeries » sont envisagées avant la fin du siècle : « Pour obvier aux dangers de la syphilis », écrit en 1897 un médecin stationnant à Constantinople, « il serait bon d’instituer des conférences pour les hommes où il leur serait montré combien il est sot de jouer ses forces et son avenir pour une sottise47 ». Ces exposés semblent avoir débuté deux ans après avec la création, en 1904, du premier « foyer du Marin et du Soldat48 ». Tout donne à penser que les médecins ont, bien auparavant, glissé aux officiers les plus jeunes comme aux hommes qu’ils jugeaient exposés ou influents quelques conseils éprouvés tels qu’une abondante miction après l’acte. Avec un aplomb fantastique, fruit d’une grande expérience des choses de la vie et des pathologies coloniales et navales, le médecin principal Robert suggère, en 1907, aux aspirants de l’école d’application le Duguay-Trouin de s’en tenir à une prostituée d’âge mûr, vérolée de longue date mais qui, ayant franchi les zones dangereux de la contamination, est désormais « un préservatif contre la syphilis » à elle seule, conclut goguenard le médecin, en rappelant le danger persistant de la chaude-pisse et du chancre mou49. Il est probable que ces conseils circulaient bien avant à bord des navires de l’État. L’initiative médicale va-t-elle jusqu’à réduire le risque vénérien par une action plus directe ? À notre connaissance non. Les raisons d’ordre déontologique ont peu pesé, puisque la vieille crainte d’encourager le vice en le détaillant recule sans cesse50. Que pouvait-on conseiller à dire vrai ? L’emploi de condoms, coûteux et alors complexes à mettre en place, n’est cité que pour mémoire tant il est évident que seuls des clients habitués et assez fortunés pour aller dans des maisons closes de bon standing ont les moyens et les exigences de ces matériels. Comment imaginer « mathurin » ivre et débraguetté, s’activant entre deux portes à la recherche de l’incertain capuchon porcin51 ? L’essentiel des recommandations porte donc sur les lotions diverses à employer avant, ce que l’on déconseille à juste titre, et surtout après l’acte52. Avant le débarquement pour les Cythère vénériennes, que faire d’autre ? Restent les moyens du bord et la sagesse navale. Sur l’ordre du commandant d’un stationnaire au Levant, le lieutenant de vaisseau Chasseriaud, le médecin du Corse (1877-1879) fait badigeonner la verge des permissionnaires de graisse de porc, du suif donc, un procédé ancien et par ailleurs nullement propre à la Marine. Si le médecin, – in petto hilare ? –, se déclare ravi de cette mesure en ne signalant aucune infection53, le traité général de Reynaud se montrait en revanche fort dubitatif sur l’efficacité de cette protection54, suivant en cela l’avis des vénérologues de son temps comme Auguste Vidal55.
14L’inefficacité globale et fort bien admise de la prévention déplace donc le théâtre prophylactique sur le terrain du dépistage, censé contrer la propagation et surtout l’aggravation du mal.
Le dépistage des vénériens : une surveillance assez efficace
15Ce dépistage systématique n’existe pas au commencement du siècle et fait du marin, comme du soldat, un coupable en puissance, toute maladie vénérienne étant punie de prison dès la sortie de l’hôpital. Suivant l’expérience parisienne du contrôle systématique des prostituées, soumises ou « clandestines », arrêtées pour racolage, le dépistage systématique des vénériens fut introduit sur les navires de l’escadre en 1843, suivant en cela une mesure adoptée, l’année précédente, par le ministère de la Guerre56. Aucun marin ne put dès lors débarquer en France sans avoir subi une visite spécifique, tandis que les « vérolés » ne signalant pas leur état, avant l’embarquement, encouraient des peines disciplinaires. En contrepartie de cette surveillance inédite et de cette soumission, l’hospitalisation à bord n’entraînait plus de sanction pour les hommes déclarant leur mal, mais des jours de consignes avant leur hospitalisation à terre57. Dans ses grandes lignes, cette surveillance est maintenue tout au long des décennies suivantes, bien que la rigueur du contrôle se révèle aléatoire et inégale. À la fin du siècle, les instructions ministérielles, signalant de nombreuses négligences, ordonnent, de nouveau, de conduire une visite systématique tous les quinze jours dans les ports de guerre. En mer, les consultations quotidiennes que mènent les officiers de santé embarqués sont un autre moyen de repérer les vénériens en dépit des pratiques de dissimulation. Les sources médicales n’ont guère douté des bons résultats généraux de ce dépistage imposé aux équipages58 qui permet une « plus prompte » guérison, les « empêche de propager le mal » et réduit les infections tardives (sans doute inaperçues dans le stade précoce) et les plus gravissimes59. L’association « dépistage-traitement précoce » réduit enfin les complications diverses provoquées par les remèdes anti-vénériens qui courent alors les rues des ports et des grandes villes dont la pittoresque poudre à canon dans de l’eau-de-vie, les macérations de coloquinte ou, plus douloureux, les coups de poing sur le pénis souffrant de blennorragie cordée60. Ces mesures sont régulièrement améliorées tout au long de la période et se confondent en 1924 avec les mesures de l’Arrangement international de Bruxelles « relatif aux facilités à donner aux marins du commerce pour le traitement des maladies vénériennes61 ».
16Ce dépistage a-t-il d’ailleurs sans doute mieux profité aux marins qu’à leurs officiers ? La surveillance n’est pas en effet impérative sur le corps des officiers-mariniers, dont l’institution met en avant l’honorabilité et l’exemplarité. Les officiers, qui sont les familiers du médecin, membre de droit de l’État-Major, les consultent de leur plein gré ou sur l’injonction d’un supérieur62. Cette franchise sanitaire s’étend bien sûr aux étudiants en médecine qui font leurs études dans les bases navales avant la création de l’école de santé navale de Bordeaux. La tentation de garder pour soi la mauvaise nouvelle est donc assez grande dans ces groupes privilégiés. Des consultations retardées des mois, voire des années durant par des officiers atteints d’une chaude-pisse ordinaire, sont assez fréquemment évoquées dans les thèses de médecine. C’est également dans ces groupes d’officiers et de médicastres que l’automédication « savante » est la plus commune63. Dans la thèse qu’il soutient en 1880 sur les abcès blennorragiques péri-uréthraux (sic), le médecin de la Marine Borel donne quelques exemples de ces manœuvres thérapeutiques solitaires servies par une certaine instruction médicale, l’expérience des traitements passés et quelques confidences arrachées aux uns et aux autres. Les médecins jugent naturellement avec sévérité ces pratiques qui retardent et compliquent les soins systématiques, dont les protocoles sont fort rigides au second xixe siècle et présentent les plus grands risques de complications, particulièrement nerveuses et psychiatriques64.
Comment tarir le mal à sa source ? Le contrôle des filles publiques dans les ports méditerranéens
17Suivant les mesures de police sanitaire introduites à Paris et dans les grandes villes au début du xixe siècle, les prostituées des maisons closes enregistrées dans les ports de guerre sont l’objet de visites régulières, généralement hebdomadaires, et sont théoriquement contraintes de suivre des soins soit hospitaliers soit « à domicile » sans pouvoir être livrées à leurs clients durant ces traitements65.
18Cette police médicale reçoit l’adhésion inconditionnelle des médecins de marine qui ne sont pourtant pas sans ignorer les failles d’une surveillance trop complaisante aux demandes des sous-maîtresses et trop espacée pour traquer les premières contagions. La faille la plus importante tient à l’existence d’une prostitution « libre » (c’est-à-dire non encartée et non enfermée), occasionnelle ou régulière. Inégalement active dans les grands ports de commerce surtout et de guerre, où les maisons closes sont nombreuses et le maquerellage organisé, elle entretient des liens étroits avec les débits de boissons et les cabarets66. Cette situation se retrouve en Algérie comme en Tunisie où les conditions socio-économiques de la prostitution indigène, juive et musulmane sont assez proches de ce que l’on voit en métropole67. Dans la régence de Tunis comme au Levant, particulièrement en Grèce et dans l’empire ottoman, l’absence de dispensaires et de toute claustration imposée aux « filles publiques » multiplie les risques de contamination68. S’ils sont appelés fort régulièrement à consulter dans les infirmeries et les hôpitaux que tiennent les religieuses catholiques dans les ports ottomans – Salonique, Smyrne, Alexandrie –, les médecins de la Marine n’ont bien naturellement aucun pouvoir de régulation ni de contrôle en Méditerranée orientale, à une exception notable que seule permit la guerre de Crimée (1854-1856).
19Durant ce conflit opposant à la Russie les puissances occidentales alliées à la Turquie, la nécessité de surveiller étroitement la Grèce du roi Othon, suspectée de soutenir les insurrections balkaniques, amena Paris et Londres à exercer une forme de tutelle dont la mesure la plus spectaculaire fut l’occupation du Pirée par un corps expéditionnaire allié69. Sous la direction de l’amiral Barbier Le Tinan, les officiers de santé des armées imposèrent un contrôle sanitaire étroit sur le modèle français, avec des visites hebdomadaires strictement imposées et menées au spéculum suivant les règles de Tardieu. Les avis sur l’efficacité de cette surveillance qui prit fin en 1857 furent nuancés. Dressant en 1855 le bilan de l’action menée depuis une année, le médecin-chef des services de Santé de la division navale du Levant se réjouit de n’avoir compté qu’une poignée de malades, ayant contracté le mal ailleurs70. Pour autant, la proximité d’Athènes, libre de toute surveillance, permettait aux plus hardis d’aller y pêcher le tréponème pâle. Les escales dans les autres ports levantins, tels Smyrne, Constantinople et Varna, où les marines alliées n’avaient pas établi de dispensaires, annulaient également, en un coït, cette expérience de contrôle occidental des prostituées qui s’avéra en outre sans lendemain. Restait la solution la plus sûre, mais la plus onéreuse, à savoir le transfert d’une maison close en Orient, ce que l’amiral Pottier, chef des forces navales françaises en Crète, organisa en 1897-1898 sur ses deniers propres. Il envoya ainsi à Toulon son aide-de-camp négocier le transfert au Levant d’un aréopage féminin « sûr d’emploi », initiative bien dans le genre du temps et dont le souvenir fut perpétué par le romancier Kazantzki à travers la figure de la vieille prostituée française, Madame Hortense qui, après avoir tenu les « Amiraux » sur ses genoux, avait jeté l’ancre en Crète pour être le dernier amour de Zorba le Grec71. Cette solution du « claque-naval », qui n’est pas sans évoquer les BMC (bordels militaires de campagnes) du xxe siècle, est également avérée durant la Grande Guerre à Samos où un commandant loua les services de deux prostituées de Salonique et que le médecin-major visita au quotidien72.
Conclusion
20Marquée par des accidents dramatiques, telles les frappes épidémiques et les grandes catastrophes industrielles et navales qui fauchent des centaines de vies, l’histoire sanitaire de la marine de l’État est aussi une histoire du quotidien et de ses misères. Misères de la promiscuité, des maladies professionnelles et de l’industrialisation. Misères sociales auxquelles s’ajoutent les maux de la grande solitude dont l’alcoolisme et les infections sexuellement transmissibles sont les compagnons de route. Loin d’être indifférente aux IST, la Marine des dernières décennies de « l’ère mercurielle » s’occupa sérieusement de guérir ses personnels de leurs atteintes vénériennes, particulièrement de la syphilis dont l’évolution à moyen et long terme compromettait leurs forces et leurs aptitudes. Faute d’avoir disposé de vrais moyens de police dans ses bases et ses ports, faute d’avoir pu imaginer, pour les marins, un réseau de foyers bien dotés et chaleureux ou d’avoir constitué des BMC portuaires ou flottants, la Marine s’en tient à une ligne thérapeutique, semi-répressive, semi-débonnaire, totalement inadaptée et contreproductive, en attendant des progrès médicaux une solution à un mal essentiellement social.
Notes de bas de page
1 N. Cauchard, Les marins du Havre. Gens de mer et société urbaine au xixe siècle, Rennes, PUR, 2016, p. 275-282.
2 L’interdiction réglementaire des femmes à bord admet quelques tolérances pour les épouses et les filles d’officiers supérieurs et généraux commandant une division ou une escadre, mais leur présence a toujours suscité de vives critiques. En dehors de ces cas, la présence féminine occasionnelle dans les ports se limite aux marchandes, généralement des femmes de marins, que l’administration n’admet que sur le pont supérieur et sous le regard des officiers, comme aux invitées des états-majors, généralement les épouses et les filles des consuls et des notables. R. Daveluy, Réminiscences, t. 1, Paris, Économica, 1991, p. 22. Réédition des souvenirs publiés dans la Revue maritime dans les années 1960.
3 J. Bernardini, Le port de Toulon et sa marine de 1815 à 1830, Toulon, R. Blanchard, 1970, p. 211.
4 J.-B. Fonssagrives, Traité d’hygiène navale, Paris, J.-B. Baillière,1856, p. 11.
5 J.-P. Martineaud, L’amour au temps de la vérole, Paris, Glyphe, 2010, p. 223.
6 Pour comprendre ce silence historiographique relatif, on peut invoquer comme hypothèses la discrétion ayant longtemps entouré les sources médicales navales – rapports, revues et thèses –, comme la priorité donnée à d’autres champs de recherche tels que la prostitution féminine métropolitaine et coloniale, les dimensions littéraires de la maladie, l’histoire thérapeutique et clinique enfin. Autre piste, développée ici, la faible létalité immédiate de cette maladie, alors que les frappes épidémiques fauchent plusieurs centaines d’hommes en quelques semaines.
7 Une certaine confusion règne quant à l’usage de la majuscule pour parler des affaires navales. On emploie ordinairement la majuscule pour désigner la marine de l’État, c’est-à-dire la Marine (qu’elle soit impériale, royale et nationale) et tout ce qui relève de l’institution (officiers de Marine, médecins de la Marine). On emploie la minuscule en revanche pour les troupes coloniales dites « de marine », pour les flottes non-militaires et quand le mot est suivi d’un déterminant (par ex. la marine de guerre). On a suivi ici ces usages. https://fr.wikipedia.org/wiki/Marine_nationale_(France).
8 A. Borgomano, Les chirurgiens et les médecins de la Marine, s.l., s.e., tapuscrit déposé à la Bibliothèque de Médecine, Montpellier, juin 2008.
9 F. Martineau, Considérations sur la topographie médicale et les maladies de la Côte Occidentale d’Amérique, thèse de médecine, Montpellier, 1849, p. 76-77.
10 B.-J. Coignet (chirurgien de la Marine de 2e classe), Du nitrate d’argent. Matière médicale et thérapeutique, thèse de médecine, Montpellier, 1857, p. 26-27 et 62.
11 C. Pellarin (docteur), Souvenirs anecdotiques. Médecine navale. Saint-Simonisme. Chouannerie, Paris, Librairie des sciences sociales, 1868, p. 35.
12 Ceci ne fut pas oublié par les grands vénérologues du premier xixe siècle et leurs élèves. P. Ricord, Mémoire sur quelques cas observés à l’hôpital des vénériens, Paris, à compte d’auteur-chez l’auteur, 1834, p. 12 ; R. Melchior (docteur, « ancien interne de M. Ricord »), Nouveau traité des maladies vénériennes, Paris, J. Baillière, 1861, p. 53-54 et 66-68.
13 L. Beau, Du bubon vénérien et de son traitement local en particulier, thèse de médecine, Montpellier, 1850.
14 A.-F. Davin, De l’iodure de potassium au triple point de vue chimique, médical et pharmaceutique, thèse de médecine, Montpellier, 1850.
15 L. Huot, Des injections mercurielles massives dans le traitement de la syphilis, thèse de médecine, Montpellier, 1890.
16 B. Bonnemain, « Les usages thérapeutiques du lipiodol, seule “huile iodée vraie”, entre 1901 et 1930 », Revue d’histoire de la pharmacie, no 88, (325), 2000, p. 101-116.
17 Baril, « L’arséno-benzol », Archives de médecine et de pharmacie navales, no 97, 1912, p. 92‑139.
18 Le terme désigne ici un navire qui navigue de concert ou de « conserve » avec un autre et non le récipient que l’on sait.
19 J. Arrizabalaga, J. Henderson, R. French, The Great Pox: the French Disease in Renaissance Europe, New Haven-London, Yale University Press, 1997.
20 Ce rôle de « hub épidémique » des ports pour ce qui concerne la syphilis a été particulièrement étudié en Méditerranée pour le xxe siècle par Liat Kozma : L. Kozma, Global women, colonial Ports : prostitution in the interwar Middle East, Albany, State University of New York Press, 2017.
21 A. Reynaud, Traité des maladies vénériennes, Toulon/Paris, Monge/Labé, 1845, p. 466.
22 Si l’homosexualité des mousses est évoquée, celle des adultes à bord comme à terre n’est pas appréhendée dans les thèses médicales ni dans les ouvrages de référence. La virilité exacerbée (supposée) des marins comme leur hétérosexualité fruste semblent ici interdire une bisexualité voire horresco referens, une homosexualité passive. Les premiers travaux spécifiques parlent essentiellement des milieux parisiens du demi-monde qu’arpentent les « Jésus la Caille » et leurs clients. L. Martineau, Leçon sur les déformations vulvaires et anales, Paris, A. Delahaye, 1884 ; A. Gilbert, « Buggery and the British Navy, 1700-1861 », Journal of Social History, no 10, (1), 1976, p. 72-98 ; B.-R. Burg, Boys at sea. Sodomy. Indecency and Court Martial in Nelson’s Navy, London, Palgrave-Macmillan, 2007 ; T. Pastorello, « La stigmatisation particulière du pédéraste passif dans les enquêtes de médecine légale dans la première partie du xixe siècle », L’Atelier du Centre de recherches historiques, no 31, 2009, (http://acrh.revues.org/1850, mis en ligne le 13 janvier 2010, consulté le 24 octobre 2017) ; DOI : 10.4000/acrh.1850.
23 Le problème d’une contamination de bouche à bouche (on parle alors d’avarie professionnelle) par un embout est avéré dans l’industrie du verre. Cf. note 74 de la notice Wikipédia « syphilis » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Syphilis#Stade_secondaire).
24 J.-P. Martineaud, L’amour au temps de la vérole, op. cit., p. 168 ; D. Groove, Tapeworms. Lice and Prions: A compendium of unpleasant infections, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 274.
25 La variété lexicale reste grande avant le milieu du siècle (« syphilis vérole », « syphilis confirmée » et « syphilis constitutionnelle » sont alors synonymes). M.-N. Devergie, Clinique de la maladie syphilitique, Bruxelles, Établissement encyclographique, 1837, p. 43 ; R. Virchow, La syphilis constitutionnelle, Paris, Adrien Delahaye, 1860.
26 A.-F. Davin, op. cit., p. 99-100.
27 J.-B. Fonssagrives, Traité d’hygiène navale ou De l’influence des conditions physiques et morales dans lesquelles l’homme de mer est appelé à vivre et des moyens de conserver sa santé, Paris, J.-B. Baillière, 1856, p. 113 ; C. Pellarin, op. cit., p. 35.
28 M.-B. Feris, Quelques aperçus sur le traitement de la blennorragie chronique, thèse de médecine, Montpellier, 1871, p. 24.
29 J. Tartenson (docteur), Médecine pratique. La syphilis, son histoire et son traitement (méthode anglaise), Paris, J.-B. Baillière et fils, 1880.
30 J.-B. Fonssagrives, op. cit., p. 113.
31 Ni les rapports médicaux que les officiers de santé rédigent à la fin de leurs campagnes, ni les rapports de santé que les hôpitaux adressent régulièrement à l’Inspection Générale ne sont prolixes sur les soins donnés aux syphilitiques. La brièveté des commentaires peut étonner de prime abord, la question vénérienne concernant entre le quart et le tiers des journées d’hospitalisation. La raison tient sans doute au consensus médical relatif aux soins à donner comme aux médicaments fondamentaux où le mercure, sous diverses formes, et l’iodure de potassium dominent avant 1900. Le protocole des soins à Toulon est fort bien décrit par ailleurs dans le Traité des maladies vénériennes d’Auguste Reynaud. A. Reynaud, op. cit., p. 416-418.
32 L.-H. Beau, op. cit., p. 20-23.
33 G. Tilles, D. Wallach, « Histoire du traitement de la syphilis par le mercure : cinq siècles d’incertitudes et de toxicité », Revue d’histoire de la pharmacie, 84e année, no 312, Actes du XXXIe congrès international d’histoire de la pharmacie, Paris, 25-29 septembre 1995, 1996, p. 347-351.
34 Sur les accidents provoqués par les injections d’iodure de potassium cf. A.-F. Davin, op. cit., p. 81.
35 Les patients souffrant d’affections dermatologiques (telles que le psoriasis ou l’eczéma), hormis les galeux, sont parfois dénombrés avec les vénériens dans le décompte des journées d’hospitalisation qui sont classées en quatre rubriques (blessés, fiévreux, vénériens et galeux). Ordinairement, les médecins parlent des vénériens pour désigner tous les hommes atteints d’une IST. Service historique de la Défense, Toulon, Marine (par la suite SHD-T-M) 2 A6 -101, « Rapport de santé du port de Toulon », février 1834.
36 J.B. Fonssagrives, op. cit., p. 111.
37 SHD-T-M, 3, Service de Santé de Toulon, « Rapport numérique, météorologique et médico-chirurgical », deuxième trimestre 1850.
38 Service historique de la défense, Vincennes, Marine (par la suite SHD-V-M), Rapport médical, CC 2 951.
39 Ibid.
40 A.-F. Davin, op. cit., p. 107.
41 Vidal estimait « approximativement à un franc le prix de la journée d’hospitalisation » dans le service en 1850, ce qui correspond aux 2/3 du salaire moyen d’un ouvrier non qualifié. A. Vidal, Traité des maladies vénériennes, Paris, Masson, 1853, p. 548.
42 On remplace le calomel, du protochlorure de mercure, par de l’huile grise, où le mercure trituré est mêlé à de la teinture de benjouin et à de l’huile de vaseline, tout en veillant à une rigoureuse asepsie lors de l’injection. L. Huot, op. cit., p. 13.
43 Baril, art. cit., 1912, p. 107-109.
44 A. Reynaud, op. cit., p. 460.
45 SHD-T-M, Rapports médicaux, vol. XXIII (1893-1895), « Rapport médical sur la campagne du Pétrel du mois de mars 1894 au mois de novembre 1895 ».
46 C. Fredj, « Cerner une épidémie : le travail des médecins militaires sur la fièvre jaune au Mexique en 1862 et 1867 », Genèses, no 38, 2000, p. 79-104.
47 SHD-T-M, Rapports médicaux, vol. XXIV (1894-1903), « Rapport médical de fin de campagne », Médecin de première classe Castellan, médecin-major du contre-torpilleur le Condor (1er août 1896-1er mai 1897).
48 Regnault, « Le foyer du Marin et du Soldat de Toulon », Archives de médecine navale, no 85, 1906, p. 43.
49 Robert (médecin-principal), « Le péril vénérien. Conférence faite aux aspirants à bord du Duguay-Trouin », Archives de médecine navale, no 88, 23 octobre 1906, 1907, p. 37.
50 Ibid., p. 25-41.
51 A. Vidal, op. cit., p. 535.
52 Robert (médecin-principal), art. cit., p. 39.
53 SHD-T-M, Rapports médicaux, vol. XV, Docteur Alexandre Guelt, le Corse, 11 novembre 1879.
54 A. Reynaud, op. cit., p. 436-437.
55 A. Vidal, op. cit., p. 535.
56 Avec des résultats fort médiocres comparés à ceux obtenus en Belgique où la police sanitaire militaire et municipale emprisonne les femmes coupables d’avoir contaminé les militaires incités à les dénoncer. A. Vidal, op. cit., p. 544-549.
57 C. Fauxbras, (pseudonyme de Jean Le Gouin), Journal d’un simple matelot de la grande guerre, Louviers, Ancre de Marine, (1932), 2004, p. 42.
58 A. Reynaud, op. cit., p. 467.
59 A. Vidal, op. cit., p. 547.
60 Pour combattre le recourbement de la verge, d’où le nom de « chaude-pisse cordée ». Les coups, en provoquant une hémorragie locale, procurent, dit Reynaud, un certain soulagement, mais cela au détriment de la muqueuse urétrale. M.B. Feris, op. cit., p. 15 ; A. Reynaud, op. cit., p. 160.
61 M. Ndao, « Les prises en charge des pathologies vénériennes par le pouvoir colonial au Sénégal, 1850-1960. Éclairages et enseignements pour le sida », Annales de la faculté des lettres et sciences humaines, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal, 2009, p. 40-68.
62 Fauxbras, César, op. cit. p. 41
63 Dans sa thèse, le médecin de la Marine Feris signale le cas d’un officier qui, atteint d’une sévère chaude-pisse, s’injecta ou se fit injecter de l’alun et du nitrate d’argent dans l’urètre, où le produit provoque une « douleur tellement violente qu’il se roula dans son lit en poussant des cris affreux ». M.B. Feris, op. cit., p. 24.
64 A. Borel, Des accès blennorrhagiques péri-uréthraux chez l’Homme, thèse de médecine, Montpellier, 1880, p. 22 ; T. Lefebvre, « Syphilis et automédication au tournant du siècle », Revue d’histoire de la pharmacie, supplément au no 306, « Médicaments et Pharmaciens. Actes de la Journée du 27 janvier 1995 », 1995, p. 43-51 [Colloque organisé par la Société d’histoire de la pharmacie, la Société française d’histoire de la médecine et la Société française d’histoire des hôpitaux].
65 https://www.ladepeche.fr/article/2010/12/05/963432-charles-rose-docteur-des-prostituees.html.
66 SHD-V-M, BB 4 -2459, Vice-amiral Alquier au ministre de la Marine, Escadre du Nord, « Rapport d’ensemble », 30 septembre 1895.
67 A. Corbin, Les filles de noce. Misère sexuelle et prostitution aux xixe et xxe siècles, Paris, Aubier, 1972, p. 79 ; A. Larguèche, Les ombres de la ville. Pauvres, marginaux et minoritaires à Tunis (xviiie et xixe siècles), Tunis, Centre de publication universitaire, 2002 ; C. Taraud, « Amour interdit ». Marginalité, prostitution, colonialisme (Maghreb, 1830-1962), Paris, Payot, 2012, p. 40-60 ; A. Guellouz, A. Masmoudi, M. Smida, Histoire générale de la Tunisie, t. III, Les Temps modernes, Tunis, Sud Éditions, 2015, p. 344-345.
68 SHD-T-M, Rapports médicaux, vol. XV, Alexandre Guelt, le Corse, 11 novembre 1879.
69 M. Battesti, La Marine de Napoléon III. Une politique navale, t. 1, SHM, 1997, p. 79-159.
70 SHD-V-M, CC 2 957, « Rapport médical sur le service de l’hôpital du Pirée pendant le 3e trimestre de l’année 1855 ».
71 N. Kazantzaki, Alexis Zorba, Paris, Plon, 1963. Le thème a été revisité et largement renversé par Nikos Kampanis dans son roman (Madame Hortense) publié par Actes Sud en 1993.
72 Fauxbras, op. cit., p. 129-133.
Auteurs
Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences Humaines et Sociales Université (CRISES), Université Paul-Valéry Montpellier 3, France
UMR 7064 Mesopolhis – Sciences Po Aix – Aix Marseille Université, Aix-en-Provence, France
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