Des élites dans la nécropole : expression et influence dans l’organisation de l’espace funéraire. L’exemple de Saint-Martin-des-Champs à Avaricum (Bourges, France)
p. 155-165
Résumés
Les opérations d’archéologie récentes remettent en lumière la seule nécropole de l’Antiquité tardive fouillée à Bourges jusqu’à présent. L’exploitation conjointe de l’ensemble des données récoltées et de nouveaux outils archéo-anthropologiques permettent une relecture complète de ce gisement dont les résultats dépassent la seule sphère funéraire.
Plus de 400 sépultures antiques et huit édifices funéraires maçonnés ont été fouillés. Le rôle de ces bâtiments dans l’organisation de l’espace funéraire n’a pour l’instant pas pu être démontré mais leur implantation suggère leur pouvoir d’attraction et l’anticipation du développement de la nécropole. Ils témoignent à la fois de la richesse de leurs commanditaires, et par extension de leurs bénéficiaires.
Associée aux données biologiques, l’étude de ces mausolées tend à caractériser des concessions familiales utilisées sur plusieurs phases.
Recent archaeological operations have updated data about the only Late Antiquity necropolis excavated in Bourges so far. The joint exploitation of all the data collected and new archaeo-anthropological tools allow a complete re-reading of this deposit, the results of which go beyond the funerary sphere alone.
More than 400 ancient burials and eight funerary buildings have been excavated. The role of these buildings in the arrangement of the burial space has not yet been demonstrated, but their location suggests their power of attraction and the anticipation of the development of the necropolis. These buildings bear witness to the wealth of their patrons and, by extension, of their beneficiaries.
Associated with biological data, the study of these mausoleums tends to characterize family concessions used over several phases.
Entrées d’index
Mots-clés : Antiquité tardive, Gaule Aquitaine, Bourges, nécropole, édifices funéraires, hypogée, pratiques funéraires
Keywords : Late Antiquity, Aquitaine Gaul, Bourges, necropolis, funerary buildings, hypogeum, funerary practices
Texte intégral
1Les différents aménagements entrepris à l’est du centre-ville de Bourges depuis les années 1980 sont à l’origine de plusieurs interventions archéologiques qui ont, entre autres, révélé la présence d’un espace funéraire étendu, complexe, accueillant un nombre important de sépultures ainsi que des bâtiments à vocation funéraire. Les fouilles n’ayant pas porté sur l’intégralité de cette nécropole, les limites en sont inconnues, d’autant que le doute subsiste concernant une création ex nihilo et une existence autonome. En effet, cet espace pourrait être une extension tardive de la nécropole du Fin-Renard, datée du Haut-Empire et connue par de nombreuses découvertes d’inhumations et d’incinérations dont le nombre est difficile à estimer, puisqu’il s’agit de fouilles anciennes ou de découvertes fortuites pas toujours publiées (Durand 2005 : 118). Du déplacement ou du prolongement de la nécropole du Fin Renard résulterait un secteur funéraire accompagnant la rétraction du tissu urbain (Marot, Fondrillon, Durand sous presse). La nécropole se serait ainsi installée en progressant vers le castrum après la construction du rempart au milieu du ive siècle (fig. 1).
2En dehors du cadre législatif actuel, les premières opérations relevaient d’une archéologie préventive dite à l’époque « de sauvetage », dont les moyens financiers et humains n’étaient pas adossés à l’importance des gisements. De fait, les différentes occupations dégagées n’ont pas bénéficié de la présence des spécialistes requis. Aucun archéo-anthropologue n’est intervenu lors de la fouille dite de Saint-Martin-des-Champs qu’il s’agisse des interventions de 1984, 1991 ou 1993. Inversement, lors du diagnostic puis de la fouille préventive du site Monin en 2018 et 2019, les secteurs ayant livré des sépultures appartenant à cette nécropole ont été fouillés en respectant les protocoles maintenant en cours dans le cadre préventif. Surtout, ces deux opérations ont permis la mise en œuvre de méthodes de datation permettant de discuter la chronologie de l’espace funéraire telle qu’elle était acceptée jusqu’à présent.
3D’est en ouest, d’un site à l’autre (fig. 2), la nécropole peut être suivie sur environ 300 m de long pour une largeur maximale d’environ 100 m soit une surface approximative de 30 000 m² archéologiquement identifiés et très partiellement fouillés (Pic, Durand 2000). Au sein de cet immense espace funéraire, les sépultures les plus simples côtoient les tombes témoignant d’une volonté manifeste de distinguer leurs occupants. Ainsi, la typologie des appareils funéraires est dominée par l’emploi de coffrages contenant uniquement le défunt mais accueille également des sarcophages en pierre, des coffrages en tegulae et des cercueils en plomb. Surtout, dans l’emprise fouillée en 1984 et 1993, sont apparus des bâtiments funéraires dont certains attestent une débauche importante de moyens, tant dans leur architecture que dans leurs décors intérieurs.
4La nécropole de Saint-Martin-des-Champs complète les données recueillies dans d’autres grands ensembles funéraires de Gaule. Elle illustre l’émergence de nouvelles pratiques funéraires durant l’Antiquité tardive servant de support à l’expression de la qualité sociale d’une partie de la population, probablement parmi les plus riches et, potentiellement, parmi les plus influents au moins à l’échelle de la cité.
1. Historique des interventions archéologiques
5Dès le xixe s., différents travaux de voirie et de constructions sont à l’origine de nombreuses découvertes relatées par les membres de sociétés savantes ou les journaux : sépultures, sarcophages, stèles et du mobilier caractéristique des nécropoles de l’Antiquité Tardive ou de la période mérovingienne. Malheureusement, il existe peu de descriptions et le mobilier est rarement conservé. Seule, une sépulture en sarcophage contenant un cercueil en plomb a été publiée (Buhot de Kersers et al. 1891). L’assemblage mobilier qu’il contenait a jusqu’à présent suscité une datation de cet ensemble funéraire au vie s. Très riche, il comprenait : une pointe de lance inscrite, un balsamaire, et surtout une paire de semelles de chaussures à décor de svastikas (fig. 3).
6Un projet de construction d’un immeuble sur parking souterrain provoque en 1984-1985 une fouille de sauvetage aux abords sud du prieuré de Saint-Martin-des-Champs. L’opération, dirigée par Olivier Ruffier et Jacques Troadec, porte sur une superficie d’environ 1 000 m2. Trois bâtiments, 75 sépultures et de nombreux sarcophages appartenant à différentes phases d’occupation sont mis au jour. Ces découvertes seront complétées en 1990 par Jacques Troadec à l’occasion de sondages dans la zone sud. De nouveaux sarcophages et des inhumations sont alors découverts. La reprise du projet d’aménagement et son extension amènent le Service Régional d’Archéologie du Centre et le Service d’Archéologie Municipal de Bourges-Avaricum à entreprendre une opération portant sur ce secteur augmenté d’une nouvelle surface de près de 3 000 m² (fig. 4). Le contexte d’urgence des fouilles de sauvetage rendit impossible l’étude détaillée de toutes les périodes. L’ensemble des fouilles fut orienté sur une bonne compréhension des structures de l’Âge du Fer et des rares vestiges du Haut-Empire, en plus de la gestion des sépultures antiques et médiévales. Surtout, l’équipe n’intégrait pas d’archéo-anthropologue.
7En 2018, un diagnostic est conduit au sein des anciennes entreprises Monin. En son secteur le plus à l’est, le site révèle la présence d’un gisement funéraire antique reconnu dans plusieurs sondages. Il s’agit de la nécropole identifiée place Malus dont l’extension occidentale n’avait été jusqu’ici que supposée. Malgré les modifications de la composition du projet initial, une partie de cet ensemble funéraire pourra être traitée lors de la fouille menée en 2019. À cette occasion, la limite occidentale de la nécropole n’a pu être clairement identifiée. Tout au plus, le tissu funéraire semble s’effiler en progressant à l’ouest, sa densité diminuant sensiblement sans qu’il soit toujours possible de déterminer l’impact des aménagements funéraires médiévaux.
2. Organisation de la nécropole : de la simplicité à la monumentalité
8La nécropole de Saint-Martin-des-Champs se situe au carrefour de deux voies importantes, à 500 mètres environ du castrum. Elle prend place dans le dernier tiers du iiie s. sur d’anciens terrains viticoles. Seuls indicateurs chronologiques, les monnaies découvertes dans les sépultures, et non en situation résiduelle, ne nous permettent d’obtenir qu’un terminus post quem. Elles datent du ive s. dans leur grande majorité. Les travaux conduits plus récemment sur le site Monin et les premiers résultats des datations radiocarbones entreprises confirment que les premiers états appartiennent à la fin du iiie s. L’occupation funéraire est ensuite continue jusqu’à la moitié du vie s.
9Lors des deux campagnes de fouille de 1984 et 1993, 311 sépultures antiques ont été fouillées. La nécropole comprend également 5 bâtiments funéraires entiers et 3 incomplets parce que recoupant la limite de fouilles (fig. 5). Sépultures et édifices occupent densément la totalité de l’espace ouvert. Les fosses à inhumation sont organisées en rangées nord-sud approximatives Entre elles, elles ne se recoupent que très rarement auquel cas les éventuelles effractions ne perturbent pas les tombes antérieures. Elles ne sont à aucun moment recoupées par les aménagements des bâtiments. La présence éventuelle de circulations structurées peut être discutée tant la densité des tombes est grande. La localisation des accès de trois des édifices funéraires montre que leurs abords extérieurs sont densément pourvus de tombes. Cette question est indirectement liée à celle de la signalisation des tombes en surface. De ce point de vue, les informations sont rares et difficiles à interpréter ; on trouve quelques empreintes circulaires, généralement peu profondes dans les remblais des fosses, mais dont la chronologie ne peut être assurée.
10Les données biologiques soulignent un important déficit des individus les plus jeunes ; comme dans la majorité des espaces funéraires antiques urbains ou périurbains. Ils échappent aux espaces communautaires ou sont inhumés dans des secteurs spécifiques que le hasard archéologique peut parfois (souvent ?) épargner. Les tombes d’immatures sont ici réparties dans les différents secteurs explorés de l’espace funéraire sans que l’on puisse distinguer une sectorisation.
11À l’inverse, les contenants funéraires les plus coûteux apparaissent dans des zones spécifiques de la nécropole. Les quatre tombes accueillant des cercueils en plomb sont réparties dans trois bâtiments funéraires se trouvant à l’ouest de l’espace funéraire, à proximité du cimetière des Capucins où a été découverte la tombe du patricien, également en cercueil en plomb (Durand 2005 : 300‑332). Les sarcophages en pierre sont principalement observés à l’est de la nécropole à l’exception de quatre d’entre eux découverts dans deux édifices funéraires. L’implantation des tombes à sarcophages en pierre directement avec les autres sépultures ne semble pas répondre à une règle topographique précise. À moins que ces tombes bénéficient ex humo d’aménagements et/ou de signalisations qui n’ont pas survécu archéologiquement ; leur implantation aurait alors pu participer à l’organisation de l’espace funéraire.
12Ces localisations spécifiques des contenants funéraires les plus chers définissent deux pôles principaux qui pourraient également correspondre à des phases distinctes d’utilisation de l’espace funéraire.
13Les informations apportées par les opérations sur le site Monin sont difficiles à exploiter considérant le morcellement des fenêtres de lecture de la nécropole antique lors du diagnostic puis de la fouille. Toutefois, on notera la présence de l’emploi d’un coffrage en tegulae (fig. 6), pratique uniquement observée en contexte rural jusqu’à présent. Les conditions de découverte de cette sépulture lors du diagnostic n’ont pas permis d’explorer ses alentours afin de comprendre son intégration dans le tissu funéraire. Ce dernier a pu être ponctuellement observé et présente une organisation en rangées rappelant celle révélée sur le site de Saint-Martin-des-Champs, quoique sensiblement plus stricte (fig. 7).
3. Pratiques funéraires : uniformisation, simplification et exception
14Comme dans la plupart des nécropoles gallo-romaines durant l’Antiquité tardive, les gestes funéraires sont en majorité réduits à leur expression la plus simple. La plupart des individus sont inhumés dans des coffrages en bois, sans dépôt de mobilier. De fait, la présence de mobilier interroge immédiatement quant à la qualité de l’individu qu’il accompagne. Dans les gisements de Saint-Martin-des-Champs et Monin, une trentaine de sépultures seulement possédaient du mobilier funéraire. Ces dépôts sont de quantité très inégale. Le plus souvent, il s’agit d’une simple monnaie. Dans quelques cas plus rares, on a pu relever la présence d’objets de parure : collier de perles d’ambre, bracelets, bagues, épingles à cheveux.
15Parmi les sépultures, celles des individus inhumés dans des cercueils en plomb pourraient également manifester l’émergence d’une nouvelle classe ou catégorie d’individus (militaires, aristocrates), comme en attestent la tombe dite du « patrice » et son riche mobilier qui comprend notamment un fer de lance. Si une datation tardive, ve-vie s., a pu être évoquée, des travaux récents sur ce type de mobilier démontrent qu’il appartiendrait plus probablement au ive s. ou au tout début du ve s. (Panella 2011 : 29). De plus, les analyses radiocarbones réalisées récemment sur un des occupants d’un cercueil en plomb de Saint-Martin-des-Champs offrent également un résultat plus précoce. En effet, les os du défunt ont été datés du 2e quart du iie siècle à la première moitié du ive s. Une datation au ive s. semble donc être cohérente pour situer cet épisode funéraire. Surtout, le fer de lance du « patrice » comprend une inscription faisant référence à un Patricius Regius, un haut fonctionnaire, évoquant le pouvoir et la richesse de son dernier propriétaire (Panella 2011 : 42). L’état de conservation des autres sépultures contenant un cercueil en plomb est mauvais. Les couvercles se sont affaissés sous le poids des sédiments s’écrasant jusqu’à arriver au contact du squelette pour ensuite le broyer. La dégradation est telle que l’exploitation des données biologiques est limitée si ce n’est impossible dans certains cas. Néanmoins, dans l’un d’eux, l’occupant portait encore un collier de perles autour du cou.
16Dans un autre temps d’occupation de la nécropole, les sarcophages en pierre sont utilisés. Ces derniers étaient jusqu’à présent datés de l’Antiquité tardive, lato sensu, mais la reprise des datations radiocarbones permet de situer l’occupation funéraire de ce secteur entre la deuxième moitié du ive s. et la première moitié du vie s. Aucune de ces sépultures ne contenait de mobilier funéraire. Seul le contenant traduit la qualité sociale de son premier occupant et/ou de ceux qui l’ont inhumé. Si l’on peut facilement voir une graduation sociale à partir du contenant mis en œuvre lors des funérailles, des paramètres chronologiques et éventuellement d’approvisionnement en matériau pourraient tout aussi bien expliquer un glissement de l’un en faveur de l’autre. Néanmoins, la tombe dite du « patrice » comprenait les deux : le cercueil en plomb reposait dans un sarcophage en pierre. Pour les tombes de Saint-Martin-des-Champs, le cercueil en plomb était installé dans un coffrage en bois. La mieux conservée comprenait un mobilier en tout point identique à celui du « patrice » à l’exception du fer de lance absent et « remplacé » par un encrier contenant une quantité importante de matière organique1 (fig. 8). Cet objet associe le défunt à l’activité d’un lettré et probablement à une classe sociale favorisée. La paléopathologie confirme cette information puisque l’individu a survécu à une lésion importante et lourdement handicapante nécessitant des soins et une prise en charge importante (Durand, Charlier 2021)
4. Des concessions funéraires familiales ?
17Le rôle de ces bâtiments dans l’organisation de l’espace funéraire n’a pour l’instant pas pu être démontré mais il est certain qu’ils ont été aménagés dans des espaces vides de sépultures, suggérant leur pouvoir d’attraction et l’anticipation de l’étendue d’occupation de l’espace funéraire. De fait, ils témoignent à la fois de la richesse de leurs commanditaires, et par extension de leurs bénéficiaires, ainsi que d’une volonté de les inscrire et rendre visible dans le paysage funéraire et périurbain d’Avaricum.
18Faiblement fondés, les bâtiments respectent un plan simple, constitué d’une salle principale quadrangulaire. Leurs dimensions varient d’une quarantaine à une soixantaine de mètres carrés. Construits en appareil avec arases de brique, ils ont pour certains livré des sols de mortier ou de béton de tuileau coulé sur un hérisson. Des restes d’enduit peint ont été retrouvés principalement dans les niveaux de destruction des bâtiments. Néanmoins, dans l’un des édifices, un fragment a été trouvé en place. Il s’agissait d’un enduit peint blanc avec pour seul décor une ligne rouge.
19Certains des bâtiments ont été retrouvés vides de sépultures ou contenant uniquement des fosses vides mais l’un d’entre eux retient particulièrement l’attention par sa forme, ses dimensions et l’aménagement d’une salle souterraine à l’intérieur de laquelle des sépultures ont été fouillées (fig. 9). Cet édifice comprend une salle rectangulaire avec une abside à l’est, élevée au-dessus d’un hypogée. Ultérieurement, une construction a été accolée au mur méridional. Trois tombes y ont été installées ; leur format, leur aménagement et, dans un cas les os prélevés, évoquent les sépultures réservées aux enfants morts précocement.
20À l’intérieur de la salle principale, l’espace atteint environ 45 m² et 10 m² dans l’abside. Les murs étaient construits en opus spicatum joint au mortier blanc et recouvert d’un enduit rose. L’absence d’indices matériels ne permet pas de renseigner la structure porteuse du sol au-dessus de l’hypogée ; seul le négatif d’un escalier permettant d’y accéder a été mis en évidence dans la paroi sud de l’édifice. Cette salle souterraine avait une forme légèrement trapézoïdale. Sa surface de 24 m² environ était lors de la fouille encore partiellement recouverte d’éléments appartenant à un sol constitué de dalles calcaires de forme irrégulière jointes avec du mortier de tuileau.
21L’hypogée accueillait douze sépultures auxquelles il faut ajouter des phénomènes de réduction funéraire (fig. 10). Les inhumations ont été réalisées dans des sarcophages ou des sépultures maçonnées. Toutes témoignent du soin et des moyens déployés lors de leur élaboration. Pour certaines, elles expriment la multiplication des gestes de re-déposition associant, volontairement ou non, leurs occupants primaires et secondaires. Une partie de ces tombes étaient installées dans un caveau maçonné à partir de matériaux similaires à ceux mis en œuvre pour le bâtiment. L’espace y est réparti en caissons constitués de petits murets appareillés d’une composition de moellons calcaires et tuiles plates jointoyés au mortier puis recouverts d’un enduit de tuileau. Chaque caisson définit un emplacement pour une sépulture.
22Dans l’un des sarcophages ont été trouvés les restes de quatre individus morts avant un an (fig. 11). Construit dans un calcaire local, le sarcophage comprenait un couvercle bombé et une cuve quadrangulaire longue de seulement 86 cm pour une largeur de 49 cm. Le format de ce contenant ne résulte pas d’un remploi ; il a été élaboré avec la réception de dépouille d’enfant(s) comme unique objectif. Malgré de fortes perturbations et une mauvaise conservation des squelettes, l’analyse taphonomique a déterminé que les dépôts se sont succédé à des intervalles suffisamment longs pour que chaque nouvel arrivant perturbe les restes du précédent occupant d’ores et déjà à l’état de squelette (fig. 12). Au sein de ce mausolée, ce sarcophage présente les caractéristiques d’une sépulture collective assurant un espace réservé aux très jeunes enfants dans cette concession funéraire très probablement familiale.
23Si l’exploitation des caractères discrets a permis la mise en évidence de quelques regroupements d’individus partageant une forte cohérence biologique dans la nécropole (Durand 2005 : 425‑433), elle s’est révélée infructueuse à l’intérieur de cet édifice. Deux raisons principales peuvent évoquer : l’état de conservation des sujets et leur âge. Presque tous les squelettes sont lacunaires induisant une grande variabilité des caractères pouvant être observés surtout quand l’unilatéralité ou la bilatéralité sont mises à contribution. De plus, le contingent d’immatures étant important, une partie de la population ne peut intégrer l’étude des caractères discrets puisque les os n’ont pas atteint leur maturité. Cette démarche sera donc dans les années à venir compléter par le recours à des analyses paléogénétique ce qui pour l’instant tient plus d’un faisceau d’indices que de preuves à proprement parler.
Conclusion
24Les opérations d’archéologie récentes remettent en lumière la seule nécropole de l’Antiquité tardive de Bourges fouillée jusqu’à présent. La mise en perspective de l’ensemble des données et l’exploitation de nouveaux outils archéo-anthropologiques annoncent probablement une relecture importante de ce gisement afin d’en proposer une analyse dont les résultats dépassent la seule sphère funéraire. En effet, les sépultures des sites de Saint-Martin-des-Champs et de Monin, produits d’une société en pleine évolution, par ses croyances, mœurs, rites, coutumes mais également par ses transgressions, s’inscrivent dans la topographie d’une ville elle aussi en plein bouleversement.
Bibliographie
Buhot de Kersers et al. 1891 Buhot de Kersers A., Marguerye R., La Guère R. de, Sépultures mérovingiennes : tombes du cimetière des Capucins, MSAC, 18, p. 51‑63.
Durand 2005 Durand R., La mort chez les Bituriges Cubes : approches archéologiques et données anthropologiques d’une cité de Gaule romaine, thèse de doctorat. Université de Paris I - Panthéon Sorbonne, Paris, 484 p.
Durand, Charlier 2021 Durand R., Charlier P., État pathologique et statut social. Concordances des données archéologiques et ostéologiques d’une inhumation en cercueil de plomb de la nécropole antique de Saint-Martin-des-Champs à Bourges (Cher, Centre), in : Rencontre autour du corps malade. Prise en charge et traitement des individus souffrants à travers les siècles., Rencontre autour du corps malade. Prise en charge et traitement des individus souffrants à travers les siècles. Actes de la 10e Rencontre du GAAF, Groupe d’Anthropologie et d’Archéologie Funéraire, Bordeaux, p. 141-144.
Marot et al. sous presse Marot E., Fondrillon M., Durand R., Bourges et sa proche campagne durant l’Antiquité tardive (iiie–viie s.) à la lumière des fouilles récentes, in : L’Antiquité tardive dans le centre et le centre-ouest de la Gaule (iiie-viie siècles), L’Antiquité tardive dans le centre et le centre-ouest de la Gaule (iiie-viie siècles). Tours, 6-8 décembre 2018, [s.n.], Tours, sous presse.
Panella 2011 Panella C., I Segni Potere, in : I segni del potere. Realtà e immaginario della sovranità nella Roma imperiale, Bibliotheca Archaeologica, [s.n.], Rome : 25-76.
Pic, Durand 2000 Pic V., Durand R., Topographie urbaine et dynamique des nécropoles, Cahiers d’Archéologie et d’Histoire du Berry, 144/145, p. 89‑93.
Notes de bas de page
1 L’étude de l’encrier et de son contenu est en cours sous la direction d’I. Bertrand.
Auteur
Service d’archéologie préventive Bourges Plus, Bourges, France
PACEA, UMR 5199, Pessac, France
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Peupler et habiter l’Italie et le monde romain
Stéphane Bourdin, Julien Dubouloz et Emmanuelle Rosso (dir.)
2014
Archéologie au présent
Les découvertes de l’archéologie préventive dans les médias
Catherine Dureuil-Bourachau
2015
Sarta Tecta
De l’entretien à la conservation des édifices. Antiquité, Moyen Âge, début de la période moderne
Charles Davoine, Maxime L’Héritier et Ambre Péron d’Harcourt (dir.)
2019
Gérer l’eau en Méditerranée au premier millénaire avant J.-C.
Sophie Bouffier, Oscar Belvedere et Stefano Vassalo (dir.)
2019
Le village de la Capelière en Camargue
Du début du ve siècle avant notre ère à l’Antiquité tardive
Corinne Landuré, Patrice Arcelin et Gilles Arnaud-Fasseta (dir.)
2019
Les métaux précieux en Méditerranée médiévale
Exploitations, transformations, circulations
Nicolas Minvielle Larousse, Marie-Christine Bailly-Maitre et Giovanna Bianchi (dir.)
2019
L’Homme et l’Animal au Maghreb, de la Préhistoire au Moyen Âge
Explorations d’une relation complexe
Véronique Blanc-Bijon, Jean-Pierre Bracco, Marie-Brigitte Carre et al. (dir.)
2021