Des tombes romaines tardives à Sanxo Llop (Gandia, Valencia) : exogamie et parenté au sein d’une structure funéraire particulière – version abrégée

Gonzalo Oteo-García; Llorenç Alapont Martín; Josep Pascual Beneyto; Bobby Yau; Maria Pala; Ceiridwen Edwards; Martin Richards

doi:10.4000/books.pup.67556

Des tombes romaines tardives à Sanxo Llop (Gandia, Valencia) : exogamie et parenté au sein d’une structure funéraire particulière – version abrégée

Gonzalo Oteo-García, Llorenç Alapont Martín, Josep Pascual Beneyto, Bobby Yau, Maria Pala, Ceiridwen Edwards et Martin Richards

p. 119-127

Résumés

La présente étude concerne les vestiges humains provenant d’une nécropole de l’époque wisigothique sur la commune de Gandie. Cette nécropole est datée par le radiocarbone des vii^e et viii^e siècles de notre ère.

La fouille a permis de mettre au jour un petit groupe d’inhumations individuelles et multiples présentant une grande diversité sur le plan typologique. Une inhumation double est particulièrement remarquable dans la mesure où un silo a été réutilisé à des fins funéraires. La fosse contenait un homme adulte et une enfant dans des positions non conventionnelles. Les analyses ADN réalisées pour les deux individus ont permis de déterminer leur sexe. Puis, nous avons pu classer profils mitochondriaux complètement reconstruits de l’individu adulte comme HV34 et de l’individu subadulte comme H2a1e1a.

L’analyse de parenté a permis d’identifier une relation de parenté de premier degré indiquant un cas frère-sœur ou un cas parent-enfant. En combinant les informations, il a été possible de confirmer que l’homme était le père de la jeune fille. Les deux individus ne portaient pas de trace visible de blessure qui aurait pu être responsable de leurs décès. Les deux individus sont décédés peu de temps l’un après l’autre pour des raisons inconnues et ont été inhumés ensemble au même moment en raison de leur lien de parenté.

We studied human remains from a Visigothic era Necropolis in Gandia. The necropolis is dated by radiocarbon to the 7th-8th century CE.

The excavation revealed a handful of single and multiple inhumations with high typological diversity. A double inhumation stood out since it was a silo re-used with funerary purpose. The pit contained an adult male individual, and a female subadult in non-canonical positions.

We successfully obtained DNA from the two individuals and identified their genetic sexes. We then classified the full reconstructed mitochondrial lineages of the adult and subadult as HV34 and H2a1e1a.

The kinship analysis indicated first degree kinship relationship, signaling a sibling or parent-offspring case. By combining the information, we confirmed the male as the father of the female individual. They did not suffer from any visible injury that could have led to their deaths. Nevertheless, they died within little time of each other for unknown reasons and were buried together at the same time due to their familial ties.

Entrées d’index

Mots-clés : ADN ancien, analyse génomique, sépulture familiale, inhumation double, nécropole tardo-antique, archéologie funéraire, bioarchéologie, wisigothe

Keywords : Ancient DNA, genomic analysis, family burial, double burial, late antiquity necropolis, funerary archaeology, bioarchaeology, Visigoth

Note de l’éditeur

Cet article n’est pas une traduction mais une version abrégée de l’article anglais « Late Roman tombs at Sanxo Llop (Gandia, Valencia): exogamy and kinship in a particular funerary structure ».

Texte intégral

1L’Alqueria de Sant Andreu-La Vital-Sanxo Llop est un vaste site archéologique qui a été occupé dès le v^e millénaire avant notre ère, bien que son apogée se situe à la fin du Néolithique (iii^e millénaire avant notre ère). Le site se trouve sur les rives du fleuve Serpis ou Alcoi, près de la mer. Les structures creusées dans le sol sont prédominantes tandis que les superstructures (par exemple les murs) n’ont pas été conservées. Plusieurs de ces structures en creux (silos et fosses) ont été réutilisées en tant que lieu d’inhumation comportant d’abondantes offrandes animales : suidés, ovicaprinés, chiens et même cétacés.

2Sur le site, une aire incluant une nécropole romaine tardive a été mise au jour pendant les fouilles. Parmi les sépultures, une inhumation double, datée par radiocarbone entre 660 et 760 de notre ère a attiré notre attention. Il s’agissait d’un silo de forme cylindrique qui contenait un homme adulte âgé entre 20 et 25 ans et un enfant âgé entre 8 et 10 ans. Les deux corps gisaient en position contractée, le squelette tant axial qu’appendiculaire épousant la forme du silo. Il est intéressant de noter que les données taphonomiques permettent de conclure que les deux corps ont été inhumés au même moment et que leur décomposition a eu lieu dans un espace vide. Les deux corps reposaient protégés par la base d’un dolium qui servait de couverture à la tombe. Bien que l’individu adulte présente des fractures guéries des vertèbres et de la clavicule ainsi que des traces de myosite sur le tibia droit, il n’a pas été possible d’identifier des pathologies perimortem traumatiques ou violentes sur les deux individus. L’analyse de leurs génomes indique qu’ils partageaient un premier degré de parenté, ce qui permet de développer deux scénarios : il peut s’agir d’une relation parent-enfant ou frère-sœur. La détermination du sexe génomique des squelettes combinée à la classification de l’ADN mitochondrial a permis de déterminer qu’il s’agissait d’un père et de sa fille, dans la mesure où ils ne partagent pas le même lignage mitochondrial, ce qui aurait été le cas s’il s’était agi d’un frère et d’une sœur. Cela correspond à l’interprétation anthropologique des squelettes dans la mesure où l’individu plus jeune est une fille et l’individu adulte un homme.

3On note encore que les deux individus possèdent une ascendance génomique nord-africaine à une période précédant la conquête musulmane de la péninsule Ibérique. Or, le père possède deux fois plus d’ascendance nord-africaine que la fille. Ceci indique que la mère (qui n’a pas été retrouvée) n’avait très probablement transmis aucune ascendance nord-africaine à sa fille. Cela nous permet de suggérer une hétérogénéité génétique au sein des populations post-romaines de l’Espagne méditerranéenne. De plus, les simulations n’excluent pas la possibilité que la mère avait une origine non ibérique.

4Grâce à l’étude anthropologique et génétique, il est possible de confirmer la nature familiale de cette tombe multiple de l’époque romaine tardive. D’autre part, l’hétérogénéité des individus apparentés est elle aussi importante, de même que leurs possibles origines géographiques différentes et la nature exogame de la famille. Cela laisse supposer une certaine continuité en ce qui concerne la liberté des déplacements et les migrations pendant une période aussi perturbée et changeante que l’Antiquité tardive, pendant laquelle les liens avec l’Empire romain se sont distendus.

Auteurs

Gonzalo Oteo-García

University of Huddersfield, Department of Biological and Geographical Sciences, Huddersfield, United Kingdom
Universita di Parma, Dipartimento di Scienze Chimiche, della Vita e della Sostenibilità Ambientale, Parma, Italia

Llorenç Alapont Martín

Universitat de València, Departament de Prehistòria, Arqueologia i Historia Antiga, València, Espanya

Josep Pascual Beneyto

Museu arqueològic d’Ontinyent i la Vall d’Albaida, Ontinyent, Espanya

M. G. B. Foody