Conclusion
p. 285-291
Texte intégral
1L’originalité de la population maritime arlésienne tient en grande partie à son noyau originel. Les malheurs du temps au XVe siècle, l’ont réduite aux activités fluviales et halieutiques. Le siècle suivant ouvre d’autres perspectives : la croissance démographique amène une demande accrue de subsistances ; s’installe un nouvel état d’esprit qui, contrairement à la pensée traditionnelle, légitime le profit ; en outre, l’évolution des goûts fait aussi apparaître des besoins nouveaux. Arles, au centre d’un vaste territoire qui produit en excès, sur les fertiles terres d’alluvion du Rhône, des céréales dont un blé réputé et permet, sur les « coussous » de Crau, un important élevage d’ovins, et, qui plus encore, est situé au bord d’un grand fleuve, à proximité de son embouchure, ne peut manquer de bénéficier de la conjoncture. L’incitation est alors forte pour les « ribeyriers » de quitter les rives pour participer aux échanges que seules les voies d’eau peuvent, à cette époque, assurer. Les dernières décennies du siècle, malgré les ravages de la guerre civile aux premières loges desquelles Arles, à la frontière du Languedoc, se trouve, ne remettent pas en question la vitalité du commerce portuaire dont le niveau reste soutenu. Les marins d’Arles n’y participent encore que faiblement ; les « lahuts » étrangers sont en effet plus nombreux que ceux des Arlésiens ; ils viennent y échanger du blé contre leurs propres denrées, tels les navires ligures qui amènent en quantité les agrumes, chargés ensuite sur des barques arlésiennes et destinés aux tables lyonnaises, et remportent dans leurs flans, le précieux grain ; toutefois, l’impulsion est donnée. Outre les produits du terroir, Arles joue pleinement son rôle d’entrepôt et de centre de redistribution des marchandises acheminées par le fleuve, de Marseille en direction de Lyon mais aussi, plus modestement, des régions septentrionales vers les ports méditerranéens. Le pic annuel d’activité se situe en juillet lorsque les navires, venant de la mer, remontent en grand nombre le fleuve, en direction de Beaucaire où se tient la célèbre foire. Arles bénéficie de l’attraction que celle-ci suscite, puisque les denrées arrivant de Méditerranée transitent dans la ville provençale, comme en témoigne le gonflement du montant de la taxe du « 2 % ».
2Dans les premières années du XVIIe siècle, la ville s’agrandit de toute part et les installations portuaires sont largement bénéficiaires de ces travaux. ; les barques arlésiennes sillonnent la Méditerranée occidentale, dans des activités de cabotage qui les amènent des côtes d’Espagne à celles d’Italie, en passant par les îles. S’ouvre une ère de prospérité et de dynamisme, relayée par les effets de la politique royale en matière de Marine, initiée dès la première moitié du siècle. La France, entendant devenir une puissance maritime de premier plan, les arsenaux de Marseille et de Toulon bénéficient de toute l’attention du pouvoir central. Les Arlésiens saisissent alors l’opportunité et les vocations maritimes se multiplient. Les quantités de matériaux destinés à la Marine Royale, forment un fret considérable qui constituera dès lors pour eux et jusque dans les premières années du XIXe siècle, une manne.
3Si la situation géographique de la ville est enviable par la jonction à la mer que permet le Rhône, elle n’est pas si favorable qu’il n’y paraît, en raison de la nature du delta. Les atterrissements dus aux dépôts du fleuve, les courants marins, le vent, le régime irrégulier du Rhône, tout contribue à rendre périlleuse et incertaine la navigation aux embouchures. La traversée de la Camargue se heurte aux effets de vents contraires et aux grosses eaux ou, à l’inverse, à l’étiage du fleuve ; l’entrée et la sortie en mer sont rendues difficiles par l’existence d’une barre mouvante à cause de hauts fonds changeants. Les brusques tempêtes méditerranéennes et les imprévisibles coups de vent sont autant d’écueil à la navigation. L’origine fluviale de la marine arlésienne marque le type de bâtiments qu’elle utilise : ce sont des bateaux construits plus haut sur le Rhône, pour beaucoup à Condrieu, que les charpentiers locaux mettent ensuite en état de naviguer en mer. Les barques d’Arles sont donc issues des navires traditionnels des « ribeyriers », faits pour circuler sur le fleuve, mais adaptés à la navigation maritime. Bâtiments fluviaux à fond plat, elles sont ensuite pontées et arborées sur place. Peu à peu, les maîtres d’ache locaux s’affranchissent des « fustiers » du Rhône et, au XVIIIe siècle, allèges et tartanes sont construites à Arles. Bâtiment emblématique de la marine arlésienne, l’allège était, au siècle précédent, destinée, comme son nom l’indique à alléger, c’est-à-dire charger et décharger, les navires de fort tonnage qui ne pouvaient remonter jusqu’à la ville et restaient mouillés au port du Tampan, au débouché du fleuve. Les changements de diverses natures, intervenus au XVIIIe siècle, conduisent la marine arlésienne à s’adapter à nouveau et à changer de physionomie. Tout d’abord, le fleuve quittant une fois encore son lit en 1711 et glissant vers l’Est où se trouve aujourd’hui son cours, le port du Tampan n’est desormais plus utilisable. La fonction des allèges se modifie alors : elles vont en mer jusque dans les ports voisins chercher directement le fret. La notion de rentabilité qui marque l’économie de l’époque conduit à utiliser, pour le commerce maritime, des navires de plus fort tonnage. Or, les conditions de navigation aux embouchures du fleuve limitent les barques arlésiennes : seules, les allèges, à fond plat, peuvent augmenter leur portée mais au détriment de leur tenue à la mer ; par contre, les tartanes, plus profondes mais, en contrepartie, plus petites, ne peuvent suivre la tendance qui se développe dans les ports de mer. Enfin, le développement du réseau routier, à l’écart duquel Arles reste, détourne de la ville une partie du fret, le plus précieux, confié à la route, moins chère, plus rapide et surtout plus régulière. Cette nouvelle conjoncture modifie considérablement les activités de la marine arlésienne qui privilégie essentiellement les allèges qui assurent un cabotage de proximité, centré sur les pôles pérennes que sont, pour elle, Marseille et Toulon vers lesquels elles font principalement, outre le transport de l’important fret destiné aux arsenaux, celui de pondéreux. Les petites tartanes, nettement moins nombreuses, continuent de sillonner la Méditerranée occidentale mais après avoir dû cueillir à Marseille ou à Sète le fret qu’elles ne trouvent plus sur place.
4Les modifications profondes qui interviennent dans le commerce maritime, ont des conséquences au niveau socio-économique. Les patrons sont, au XVIIe siècle, au moins autant que des spécialistes du transport de marchandises, des commerçants qui se chargent de négocier leur cargaison – qu’elle leur appartienne en totalité ou partiellement –, et d’acheter le fret de retour. Familiers des opérations commerciales, ils peuvent s’enrichir et, certains, se hisser dans le monde du négoce et parfois même, atteindre le statut envié de bourgeois. Au siècle suivant, le patron est davantage transporteur que commerçant : son bâtiment est nolisé par des marchands ou par la Marine, pour acheminer, contre rétribution, des marchandises dans les ports voisins. Seuls les patrons des tartanes, qui ont une meilleure tenue à la mer, peuvent se lancer dans un cabotage à plus large rayon d’action et faire des opérations commerciales plus rémunératrices. Dans le même temps, la propriété du navire tend à échapper au patron : ils sont moins nombreux à en être propriétaires et, lorsqu’ils le sont, ils ne le sont que de bâtiments de moindre importance. L’étude des fortunes des gens de mer montre une grande diversité ; en haut de l’échelle se trouvent les patrons puis les pêcheurs qui ne distancent que faiblement les matelots du commerce. Mais même parmi les patrons, les différences sont notables : une petite frange d’entre eux s’apparente au monde du négoce, mais la grande masse des autres se reconnaît davantage dans les milieux populaires urbains.
5Nous avons signalé l’importance, dans l’émergence de la marine arlésienne à l’époque moderne, du noyau originel de la population maritime : pêcheurs et « ribeyriers » se lancent peu à peu, au cours du XVIe siècle, sur la mer. Ceci est apparent dans les patronymes portés par les gens de mer au siècle suivant, mais, plus encore, dans leur implantation urbaine. Le Vieux Bourg, devenu à l’époque moderne la Roquette, est, depuis le Moyen Âge, le quartier des pêcheurs. L’originalité de ce milieu a été soulignée par L. Stouff et les caractéristiques qu’il a mises en évidence, pour cette période, se retrouvent à l’époque moderne. Leur habitat dans ce quartier, principalement centré autour de la paroisse Sainte-Croix, et leur appartenance à la confrérie Saint-Pierre ainsi que leur attachement au couvent des Augustins sont des constantes, tout comme le mode d’exploitation des pêcheries fondé sur l’association. Ce monde, très fortement structuré et soudé, attaché au métier dont les méthodes et rythmes restent inchangés, marque de son empreinte l’ensemble de la population maritime qui s’épanouit ultérieurement. L’habitat urbain est le facteur identitaire le plus frappant : marins et pêcheurs se regroupent au bord du fleuve, dans le quartier de la Roquette, puis dans le faubourg de Trinquetaille où les activités maritimes se développent au XVIIe siècle, autour des radeaux de bois descendus sur le fleuve qui y sont démantelés. Ce quartier maritime bipolaire, est organisé autour de trois paroisses : à la Roquette, Sainte-Croix et Saint-Laurent, à Trinquetaille, Saint-Pierre. Si Sainte-Croix est la paroisse par excellence des pêcheurs, à proximité du siège de leur confrérie dans le couvent des Augustins et de la grande poissonnerie où leurs femmes vendent le poisson, certains sont installés dans la paroisse toute proche, Saint-Laurent, dans laquelle se trouvent plus de la moitié des patrons et des matelots. Le reste de ces derniers habite à Saint-Pierre où les pêcheurs sont absents. Plus récemment implantés dans la ville que les pêcheurs, les marins du commerce ont leurs lieux de dévotion sur le port, à l’extérieur de la Roquette, au débouché du pont de bateaux qui relie les deux rives du fleuve ; on peut voir dans le choix du lieu, un souci de renforcer la cohésion entre leurs deux pôles d’habitat.
6Marins et pêcheurs ne constituent qu’un cinquième des habitants du quartier maritime et pourtant, leur empreinte est telle que la Roquette particulièrement, est reconnue comme le fief des pêcheurs puis des marins et se range sous cette dénomination lorsque ce quartier populaire se soulève, comme ce fut le cas pendant les troubles de la Ligue puis ceux de la Révolution. Pourtant, toutes les composantes de la société urbaine s’y côtoient : des artisans surtout – ceux liés aux métiers de la mer, maîtres d’ache, calfats, cordiers, teinturiers et ceux du quotidien, des métiers de l’alimentation, de la confection ou de l’habitat –, mais aussi des bourgeois et même des aristocrates. Les alliances des gens de mer avec les autres groupes professionnels expliquent la cohésion du quartier et l’étude démographique dévoile, en effet, leur très forte endogamie géographique. Les trois quarts des unions dans ce milieu sont conclues avec un conjoint vivant dans l’une des paroisses maritimes ; si un mariage sur trois se fait à l’intérieur du milieu lui-même, les deux autres se font avec des voisins, dans le quartier : artisans en premier lieu, mais aussi, plus souvent au cours du XVIIIe siècle, avec des travailleurs agricoles, bergers ou ménagers. Les gens de mer tissent ainsi un réseau de parentèle qui les lie à l’ensemble de la population du quartier. Ils y réalisent alors une parfaite intégration, à moins que la proposition ne soit à retourner : malgré leur minorité numérique dans le quartier maritime, ne serait-ce pas aux gens de mer que le reste de la population se serait intégré ?
7Une telle implantation groupée s’explique par les rythmes et les contraintes professionnelles. La proximité du fleuve est essentielle aux marins qui s’embarquent au port mais aussi aux pêcheurs qui gagnent leurs lieux de pêche par la même voie. Les filets qui sèchent sur des fourches sur les toits, ceux qu’on ravaude dans les ruelles, l’arrivée du poisson à la grande poissonnerie, les barques tirées sur la grève, les ateliers des maîtres d’ache qui les réparent ou les construisent, marquent fortement, par cet environnement spécifique, la physionomie du quartier. Mais le métier détermine d’autres impératifs : ceux des campagnes de pêche pour les uns, des voyages pour les autres, que le calendrier des mariages et celui des conceptions reflètent. L’absence et les séparations répétées induisent un mode de vie qui est propre à cette population et qui laisse une place à l’autonomie des femmes, soit par l’exercice d’un métier, connexe à celui de leur époux comme la vente du poisson ou la revente de marchandises, soit par leur intervention dans le règlement des affaires familiales, en remplacement du mari. Tempêtes, naufrages, pirates, conditions sanitaires médiocres sont autant de dangers encourus sur mer : le risque de périr loin de chez soi incite à s’entourer de rites protecteurs que révèlent le nom du bateau et les invocations rituelles dans les polices de chargement ou d’assurances. L’absence les met aussi à l’écart de l’encadrement par le clergé paroissial, mis en place par la Contre Réforme ; les contraintes du métier les invitent à ne pas respecter le repos dominical et, malgré les efforts faits par la confrérie Saint-Nicolas pour permettre aux patrons et matelots d’entendre la Sainte Messe avant leur départ, il ne fait pas de doute que cette population en mouvement échappe à une pratique religieuse régulière. Ses aspirations spirituelles semblent mieux s’épanouir dans d’autres formes de piété que leur offrent les confréries de dévotion, les Pénitents en particulier.
8Enfin, non des moindres, le Service des Classes qui ne pèse dans le Royaume, que sur les navigants renforce l’originalité de ce groupe face au reste de la population urbaine. Le double aspect que présente le service royal à Arles y amène une réaction particulière qui dévoile, dans les attitudes, un clivage à l’intérieur du groupe. Perçu au milieu du XVIIe siècle de façon négative par les patrons, le transport des vivres pour les arsenaux royaux s’inscrit dans l’opposition à la mainmise du pouvoir central sur la communauté et rencontre une hostilité faite d’évitement. Si l’instauration des Classes qui intervient une vingtaine d’années plus tard, ne suscite pas de rébellion ouverte, elle n’est probablement pas mieux accueillie que les levées occasionnelles sous la forme qui précédait, et se solde, à n’en pas douter, par des désertions. Au XVIIIe siècle, la résistance s’atténue et n’est plus le fait que des plus démunis, matelots ou pêcheurs, qui sont soumis aux Classes sans que, pour autant, le transport pour la Marine ne les enrichissent grandement. La raison en est à chercher dans les effets combinés de la dispense du service sur les vaisseaux du roi, dont bénéficient les patrons, et de l’intérêt que représente pour eux le fret destiné aux arsenaux et dont ils sont les premiers à profiter.
9Ceci nous invite à revenir sur la typologie des gens de mer : patrons, matelots et pêcheurs. Si un certain nombre de comportements communs ont pu être dégagés, montrant la forte identité du milieu maritime, il existe cependant des différences entre ces sous-groupes.
10Les patrons sont à la tête d’une entreprise commerciale dont ils possèdent près de la moitié du capital ; l’augmentation et la transmission de leur patrimoine constituent pour eux une préoccupation essentielle. On peut noter la sélection faite par le cursus qui permet l’accès au statut de patron, tout au moins à la fin du XVIIe siècle et au début du suivant ; en effet, il impose le passage par les cours d’hydrographie et ne s’adresse donc pas aux analphabètes qui sont alors majoritaires parmi les marins et, plus encore, parmi les pêcheurs. La reproduction professionnelle, très forte dans ce groupe, reflète le souci de conservation du patrimoine : le patronat est un capital, à la fois culturel et économique qui se transmet de père en fils – le droit de patronage est d’ailleurs un bien négociable. Elle est favorisée par la possibilité qu’ont les jeunes fils de patrons, dès 11 ou 12 ans, d’embarquer comme mousses sur le bateau du père ou celui d’un oncle. L’homogamie est un autre aspect de la stratégie utilisée pour conforter et, si possible, améliorer « la maison »1. Leurs alliances sont orientées vers les milieux sociaux égaux ou supérieurs : ils épousent des filles de patrons ou de maîtres artisans et arrivent, parfois, à s’allier au négoce. Quelques trajectoires familiales réussies nous incitent à penser que l’ouverture au milieu du commerce et l’investissement dans l’armement sont des choix susceptibles de favoriser l’ascension sociale.
11La seconde moitié du XVIIIe siècle montre une situation légèrement modifiée : le resserrement des cotes fiscales suggère une paupérisation qui touche même les patrons. À la veille de l’Ancien Régime, leur niveau de fortune présente d’énormes écarts : certains, très riches, s’apparentent au milieu du négoce ou même de la bourgeoisie, d’autres, en bas de l’échelle, ne se distinguent pas des matelots et pêcheurs les plus pauvres, au milieu desquels ils vivent. La frontière est alors très perméable : le patron qui, à la suite de mauvaises affaires, perd le patronage de sa barque, redevient simple matelot. Les propos récurrents des patrons et capitaines arlésiens dans les lettres, placets et même cahiers de doléances qui montent vers le gouvernement central, dénonçant la précarisation de leur condition économique, ne semblent pas dénués de fondement.
12Matelots et mariniers sont plus insaisissables lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes fils de patrons, ce qui est le cas des deux tiers d’entre eux. Nouveaux venus dans le milieu du commerce maritime, leur lien avec le monde rural est apparent puisqu’un sur cinq en est issu. Ils privilégient, certes, les unions avec les filles de patrons mais, au cours du siècle, le nombre de leurs alliances avec des filles de la terre se renforce.
13Les pêcheurs, ancrés dans la paroisse Sainte-Croix, gardent au cours de la période une forte originalité. La permanence des lieux de pêche et des modes d’exploitation à caractère associatif, un calendrier démographique nettement marqué à la fois par les rythmes de la pêche et ceux des activités agricoles que pratiquent facilement les pêcheurs/paysans, une micro-endogamie dans la paroisse elle-même, un fort attachement au couvent des Augustins à proximité duquel ils vivent, une résistance certaine à la fois à l’encadrement du clergé, révélée par la méfiance de ce dernier à leur égard et une lente réduction du délai au baptême, et au service des Classes, tous ces éléments manifestent l’existence, au sein même du quartier maritime, d’un sous-groupe fortement typé, peu perméable aux changements, sorte de conservatoire des mentalités. Une évolution est cependant perceptible dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les chiffres montrent d’une part, que l’analphabétisme, particulièrement fort chez les pêcheurs, recule sensiblement et que d’autre part, la pastorale tridentine semble, dans les faits, mieux intégrée. Toutefois, la faiblesse numérique de cette population, dans les sources de l’époque, incite à s’interroger sur la validité de la tendance fournie par ces marqueurs. Les difficultés rencontrées dans son recrutement par la confrérie Saint-Pierre expliquent cet effacement numérique des pêcheurs puisque, ceux d’entre eux qui refusent de s’y agréger, ne sont plus repérables à l’aide de la profession. La cause invoquée est la recherche de l’éviction de la conscription maritime, fondée, pour eux, sur le registre des entrées dans la confrérie. Mais, le malaise est plus profond car le zèle des confrères est mis en cause ; traduisant un certain refroidissement, il rend compte du progressif détachement de l’aspect corporatif du métier, garant du maintien de la permanence de la forte identité du groupe.
14Le milieu maritime arlésien constitue ainsi un groupe fortement individualisé, au sein duquel marins du commerce et pêcheurs, voisins dans le quartier, possèdent une identité propre. Dans le quartier maritime de la cité, les paroisses délimitent des aires d’influence : les pêcheurs, le noyau originel de la communauté, restent immuablement à Sainte-Croix ; les marins du commerce, s’installent à côté, à Saint-Laurent et, un peu plus tard, à Saint-Pierre, sur l’autre rive, à Trinquetaille.
15Pour clore la présentation de cette étude, il reste à insister d’une part, sur le plaisir éprouvé à vivre pendant de nombreuses années avec ces familles de marins et de pêcheurs qui en ont fourni la matière et d’autre part, sur l’insatisfaction ressentie devant les immanquables lacunes qu’une documentation plus vaste encore aurait pu limiter.
Notes de bas de page
1 Au sens que lui donnent A. Collomp dans son ouvrage La maison du père…, op. cit. et S. Beauvalet-Boutouyrie, « ensemble des biens matériels et immatériels transmis à un héritier », La démographie de l’époque moderne…, op. cit., p. 129.
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