Les panthéonisations sous la Ve République : redécouverte et métamorphoses d’un rituel
p. 87-106
Texte intégral
1La multiplication des panthéonisations au cours des deux dernières décennies n’est pas sans surprendre. Tombé en déshérence pendant près de vingt-trois ans le transfert au Panthéon reprend soudainement place, à la fin des années 1980, parmi les grands rituels républicains et, depuis lors, le rythme des cérémonies qui s’y déroulent excède celui de toutes les époques précédentes1. Ce mouvement a bien sûr à voir avec la vague patrimoniale et le nouveau regard porté sur l’histoire de la France, l’envahissement mémoriel caractéristique de cette période et fréquemment diagnostiqué2. Mais cette explication, à elle seule, ne suffit pas à rendre compte de l’ampleur du phénomène. En effet, les panthéonisations ne sont pas uniquement une opération de reconstruction de la mémoire, une actualisation du passé (à l’usage du présent), à l’instar des commémorations qui se multiplient dans le même moment. Elles visent aussi à relégitimer le politique, à produire, par une opération de ritualisation, une certaine forme d’onction, de sacralité quand précisément tout convie les politiques à se montrer modestes et à faire de la proximité avec « les gens d’en bas » l’axe de leur communication. Or, peut-on être sympathique et proche en accomplissant un rituel – qui plus est politique ? Qu’attend-on, aujourd’hui, de la répétition de ces cérémonies ? Peut-on déterminer l’investissement réel dont les transferts au Panthéon bénéficient de la part du pouvoir politique ?
Le réinvestissement d’un haut lieu
Le Panthéon en déshérence
2Au cours des années 70 le Panthéon est un lieu répulsif et déserté – aucune panthéonisation n’intervient de 1964 à 1987 et le bâtiment lui-même, peu entretenu, souffre du temps à tel point que des pierres se détachent de certaines parties de l’édifice et rendent son utilisation et sa visite dangereuses3. En tant que lieu symbolique, il semble irrémédiablement tombé en déshérence, trop marqué à la fois par le souvenir de la IIIe République et celui du gaullisme qui l’investit en1964 en y faisant entrer Jean Moulin. À ce double titre il apparaît en décalage avec l’inventaire critique du « mythe national » (Suzanne Citron), qui prend son essor dans les luttes contre la guerre d’Algérie et se développe aux lendemains de mai 68, comme avec la modernité affichée par les gouvernants de l’heure, qu’il s’agisse de Georges Pompidou ou, plus encore, de Valéry Giscard d’Estaing.
3L’époque est alors à l’exaltation de la modernité. Celle-ci affecte tous les domaines. Elle s’exprime par la rénovation urbaine : aménagement des voies sur berges à Paris, construction du Centre Pompidou (Beaubourg), réaménagement de quartiers entiers des vieux centres villes – Lyon Part-Dieu, Toulouse place occitane… Elle concerne aussi le geste politique. « VGE » s’efforce de déconstruire l’image hiératique du président de la République4. Il renonce à poser en habit et à porter le collier de grand maître de la légion d’honneur pour sa photographie officielle. Il multiplie les gestes censés montrer un président plus proche des Français (invitation chez des Français, réception des éboueurs à l’Élysée…) dans la poursuite d’une campagne électorale new style5.
4Cette rupture s’exprime encore dans le rapport à l’histoire, discipline civique par excellence depuis plus d’un siècle et marqueur des identités politiques. Celle-ci perd, à l’école primaire, son statut cardinal et devient « discipline d’éveil ». Dans l’enseignement secondaire les programmes cessent de se focaliser sur le récit national et s’ouvrent largement à d’autres aires culturelles et à une histoire non-événementielle6. Le 8-Mai lui-même n’est plus, un septennat durant, jour férié7…
5Tout se passe comme si, en définitive, c’était en faisant table rase des conflits de mémoire français et du roman national que les libéraux au pouvoir entendaient rénover la France et construire l’Europe. C’est, en tout cas, bien ainsi que ces mesures sont perçues, suscitant en retour une extraordinaire polémique qui unit, autour de la défense de l’enseignement de l’histoire, l’ensemble des composantes de la vie politique française contre les giscardiens et voit le dépôt de la première (et seule) proposition de loi d’orientation concernant, en tant que tel, cet enseignement8.
Retours au Panthéon
6C’est sans doute pour satisfaire une partie de son électorat et de l’opinion publique française qu’à la veille de l’achèvement de son mandat, le 23 avril 1981, Valéry Giscard d’Estaing répond positivement aux demandes répétées des anciens combattants et signe le décret de transfert au Panthéon des cendres de René Cassin. La décision est trop tardive pour être effective avant les élections… Et c’est François Mitterrand qui, lors de son investiture, le 21 mai 1981, réintègre le Panthéon parmi les hauts lieux de la mémoire française. En s’y rendant le jour de son investiture pour déposer une rose sur les cercueils de Jean Jaurès, Victor Schœlcher et Jean Moulin, il prend le contre-pied de son prédécesseur et pose en continuateur des grands combats émancipateurs, en homme de fidélité à l’histoire9. Six ans plus tard, il préside à la seconde panthéonisation de la Ve République, celle de René Cassin, à laquelle succèdent celle de Jean Monnet (5 novembre 1988), puis celles de Monge, Grégoire et Condorcet (12 décembre 1989) et enfin celles de Marie et Pierre Curie (20 avril 1995)10. Jacques Chirac lui emboîte le pas et fait à son tour entrer au Panthéon André Malraux (23 novembre 1996) puis Alexandre Dumas (2 décembre 2002). Jamais le Panthéon n’a connu un telle fréquentation depuis que Napoléon l’avait transformé en nécropole nationale en y faisant entrer de nombreux hauts dignitaires de l’Empire.
7Son image s’est à tel point inversée que les demandes de panthéonisation se multiplient. Des comités, des parlementaires se mobilisent pour y faire entrer Xavier Bichat, Olympe de Gouges, Berthie Albrecht, Pierre Mendès-France ou encore Rouget de l’Isle11… Le Panthéon est redevenu un lieu convoité12.
8Ce réinvestissement se traduit aussi par des études sur le Panthéon, reconnu comme « lieu de mémoire », auquel Mona Ozouf consacre, dès 1984, un long article avant que Jean-Claude Bonnet ne s’attache à en retracer les origines intellectuelles. Ces travaux – tout spécialement celui de Mona Ozouf – participent, en retour, au réarmement symbolique du rituel et à l’attraction nouvelle exercée par le lieu13. La multiplication des panthéonisations, la réouverture de l’édifice au public après des travaux de restauration encouragent aussi la direction du Panthéon14 à susciter ses propres recherches. D’abord pour établir la liste exacte de ses hôtes, notamment ceux qui y sont entrés sous le Ier Empire, puis pour nourrir son activité éditoriale et éditer des guides à destination des visiteurs ou encore réunir la documentation nécessaire à des expositions15.
9Le Panthéon devient ainsi le symbole d’un nouveau regard porté sur l’histoire et d’un changement d’attitude de la part du pouvoir politique français à l’égard de rituels que l’on avait pu croire dépassés et obsolètes. Il ne s’agit cependant pas d’une simple réutilisation : entre les cérémonies de la IIIe République et celles de la Ve République, les conditions du geste comme les attentes formulées à son égard ont changé.
La réinvention d’un rituel
La présidentialisation du geste
10La première rupture avec l’ancien dispositif intervient dès le transfert au Panthéon des cendres de Jean Moulin. En effet, si la proposition de panthéoniser Moulin revient à un parlementaire SFIO, Raoul Bayou, la commission des lois de l’Assemblée nationale estime qu’en vertu du changement de constitution c’est désormais au président de la République, et à lui seul, que revient l’initiative et la décision des transferts au Panthéon. Le décret promulgué par Charles de Gaulle, le 11 décembre 1964, ne fait donc aucune référence à la proposition parlementaire16.
11La présidentialisation du geste a immédiatement des effets sur la mise en scène de la cérémonie. Aux théories de parlementaires massés sur les marches du monument succède un nouvel ordonnancement construit autour de la personne du président de la République. Pour renforcer la sacralité de cette incarnation de l’hommage de la nation, de Gaulle cède la parole à André Malraux et demeure muet. Puis il entre dans le Panthéon, uniquement accompagné de quelques Compagnons de la Libération, et accompagne Jean Moulin jusqu’à la crypte où il doit reposer.
12Cette caractéristique ne fléchit pas. Bien que le gouvernement Balladur montre peu d’empressement à exécuter la volonté d’un Mitterrand, affaibli par la maladie et au terme de son mandat, de transférer Marie et Pierre Curie au Panthéon, il est obligé de s’y résoudre. Consultée par le ministre de la Culture, Jacques Toubon, la directrice du Patrimoine lui signifie que : « La décision de transfert de cendres au Panthéon, depuis 1958, est prise par décret du président de la République en conseil des ministres sur proposition du Premier ministre […] Le ministère de la Culture est chargé de l’organisation des cérémonies »17. Les panthéonisations font partie du domaine réservé du chef de l’État et le gouvernement ne peut s’y opposer.
13La prééminence du Président ne se manifeste pas seulement lors des périodes de cohabitation. En 1989, Jacques Lang prononce le discours, mais François Mitterrand pénètre seul dans l’édifice sans y associer son premier ministre, Michel Rocard18. En 1996, Jacques Chirac est seulement entouré de la famille d’André Malraux et ne fait aucune place au ministre de la Culture, Philippe Douste-Blazy, qui considérait pourtant cette cérémonie comme une sorte de commémoration de son ministère et aspirait, les précédents de d’André Malraux en 1964 et de Jack Lang en 1989 aidant, à y figurer. Enfin, en 2002, le président entre seul dans le Panthéon avant d’être rejoint, au terme de la cérémonie, par son épouse, le Premier ministre et le ministre de Culture.
14Tant et si bien que, progressivement, la panthéonisation devient l’un de ces gestes qui, selon l’une des conseillères de Jacques Chirac, « font le président »19 et attestent qu’il est bien l’incarnation de la nation, qu’il est non seulement le garant de son présent et de son futur mais aussi celui de son passé. À ce titre cette cérémonie joue presque pour le président le rôle d’une investiture symbolique comme le laisserait à penser le fait que les deux mandats de Jacques Chirac ont été ouverts par cette cérémonie. Ainsi dès 1995, la directrice du Patrimoine, Maryvonne de Saint-Pulgent est saisie de l’intention du président de procéder à une panthéonisation sans que l’identité du « panthéonisé » soit précisée ni même, semble-t-il, arrêtée20. De même, bien que le projet de faire entrer Dumas au Panthéon ait été conçu de longue date et le décret signé dès le 26 mars 2002, il est remarquable que ce transfert ait été différé pour coïncider avec l’ouverture du second mandat de Jacques Chirac21.
À la recherche des modalités d’un rituel oublié
15« Un genre dont a oublié les mécanismes »22. C’est en ces termes que le rapport, commandé en 1988 par le ministère de la Culture à l’agence de communication Ithaque, qualifie la cérémonie du transfert des cendres au Panthéon. En effet, quand, en 1987, se pose la question des modalités de l’entrée de René Cassin au Panthéon, celles-ci suscitent bien des interrogations. En vingt-trois ans le savoir-faire s’est perdu et on cherche vainement dans les archives un modus operandi. De surcroît, l’héritage de la IIIe République, dont témoignent les coupures de presse rassemblées et photocopiées par les services du ministère, paraît inadapté. La panthéonisation y est, en effet, très proche du modèle funéraire et de ses pompes (corbillard, multiples couronnes, édifice tendu de noir). Or celui-ci ne paraît plus en harmonie avec les sensibilités contemporaines et l’attitude collective devant la mort aujourd’hui23.
16La panthéonisation de Moulin est certes plus propre à nourrir la mémoire administrative. Elle joue d’ailleurs ce rôle puisque c’est ce précédent qui sert de référence pour fixer les prérogatives présidentielles. Mais elle-même est encore très marquée par une conception datée du rituel funéraire. De plus la scénographie de l’entrée de Moulin au Panthéon est toute entière construite autour de l’art oratoire et de la présence physique des participants et non en fonction d’une retransmission télévisée.
17Les dossiers conservés au ministère de la Culture, à propos de la première panthéonisation du septennat de François Mitterrand, rendent compte de la difficulté de mettre en place de nouvelles modalités de panthéonisation. Trois cérémonies sont successivement organisées : la première aux Invalides, la seconde au Conseil d’État et, enfin, la dernière au Panthéon. Une vidéo amateur, vraisemblablement filmée par un fonctionnaire du ministère de la Culture, témoigne d’une scénarisation très minimale qui accumule de longs temps morts, insoutenables au petit écran24. Aucune d’elles n’est d’ailleurs retransmise en direct à la télévision. Les hésitations sont nombreuses. La fanfare de la cavalerie est écartée parce que « trop militaire » mais, finalement, les timbaliers de la garde républicaine sont présents et le cercueil est transporté par un char EBR détourellé. Un premier projet prévoit que René Cassin pénètre dans le Panthéon au son de La Marseillaise accompagné du président de la République, du Premier ministre, du ministre de la Culture, du secrétaire d’État aux Droits de l’homme, du secrétaire d’État aux Anciens combattants, du général Simon – chancelier de l’ordre de la Libération – et de Mme Cassin. Cet ordonnancement est abandonné25. Seuls, le général Simon et Mme Cassin entrent au Panthéon, après que François Mitterrand se soit recueilli devant le catafalque à l’extérieur de l’édifice. Ces embarras tiennent autant à la sécurité du chef de l’État – en raison de la vétusté du bâtiment – qu’à la cohabitation et à l’absence de normes définies.
18Les variantes du projet déposé par l’agence Ithaque pour la cérémonie Cassin illustrent aussi ce tâtonnement. L’avant-projet mentionne ainsi qu’une « zone déterminée, suffisante, sera réservée aux chaînes de télévision et à la presse sur la place du Panthéon afin qu’elles puissent accomplir leur travail dans de bonnes conditions »26. Cette indication disparaît dans le document daté de juin 1987. Celui-ci contient, en outre, des formulations très directives concernant l’allocution que doit prononcer le président qui attestent de la réflexion en cours : « ce sont des discours “à effet” et non des discours narratifs » qui conviennent, selon l’agence, à ce genre de cérémonie.
19In fine la mise en scène se limite au pavoisement des différentes institutions qui reçoivent tour à tour les cendres de Cassin, à un jeu de lumière – des miroirs placés derrière la colonnade du péristyle du Panthéon permettent que la lumière en jaillisse lorsque le voile qui couvre la façade du monument est levé –, la décision d’entonner l’hymne national à partir de la strophe « nous entrerons dans la carrière quand nos aînés n’y seront plus » et le projet de procéder à un envol de colombes.
20La cérémonie est d’abord réalisée à destination du public présent sur les lieux. Celui-ci bénéficie de la retransmission sur écrans géants de documentaires évoquant la vie et les combats de Cassin. Le mouvement des spectateurs envahissant les marches du Panthéon est jugé de façon très positive dans l’évaluation produite par la suite.
« Dès la fin de la cérémonie elle-même, il se produisit une manifestation spontanée qui n’avait pas été prévue. Les tribunes se vidèrent, leurs occupants n’attendirent même pas le départ des personnalités et se ruèrent littéralement vers les marches pour monter et entrer à leur tour dans le Panthéon ce qui ne pouvait leur être offert pour des raisons de sécurité, l’intérieur du monument étant en travaux.
Cet hommage spontané et inattendu, qu’aucun ordre ni dispositif ne put endiguer, apporta sans aucun doute la dimension humaine qui avait manqué jusque là à la cérémonie, par manque de croyance en la capacité de participation et d’émotion du public. »27
21Après cette cérémonie le ministère de la Culture demande à l’agence Ithaque de réaliser une « analyse du processus des décisions et de l’organisation des cérémonies nationales à travers l’action de chacune des administrations concernées »28. La question est donc de délimiter les compétences respectives des différents services de l’État ce qui laisse supposer d’âpres débats et de nombreux chevauchements de compétences (ou de revendications « territoriales ») pour l’organisation de cette manifestation29.
22Le rapport remis par l’agence Ithaque, lourd de quelques 119 pages et intitulé « Étude sur la conception et l’organisation des cérémonies nationales », ne répond guère à cette commande. Il choisit, après avoir signalé que le ministère de Culture a « la responsabilité de l’organisation matérielle des lieux où celles-ci se déroulent », de réaffirmer le rôle et le besoin de telles cérémonies et de retracer leur histoire en s’appuyant sur les travaux des historiens alors disponibles. À destination des pouvoirs publics, il se propose d’analyser la « désaffection » et le « malaise » qui entourent les cérémonies nationales et se montre, là encore, très prescriptif :
« Osant une métaphore avec le monde religieux, on pourrait résumer ce rapport de cause à effet [entre la désaffection du public et l’attitude des représentants de l’État — Valéry Giscard d’Estaing est nommément visé –] en disant qu’il semble difficile que les fidèles aient la foi si les célébrants ne la manifestent plus. »30
23Il appelle à une re-sacralisation du rituel politique contre toute évolution vers le spectacle :
« La tendance à faire de la cérémonie un spectacle, qui peut apparaître comme un mode salvateur de la cérémonie […] induit une confusion des genres. Pour plagier un célèbre slogan, la cérémonie peut user des moyens scéniques, matériels, techniques du spectacle, elle peut requérir, partiellement, les compétences du monde du spectacle, mais elle ne doit pas être conçue, avant tout, comme un spectacle. »31
24C’est aussi pour résister à cette tendance, qu’il propose de donner, nous l’avons vu, un rôle actif au public et de privilégier la présence physique de celui-ci, dans une conception étonnamment proche des premières élaborations de la fête républicaine32. À ce titre, il est significatif d’une inflexion majeure qui réévalue, au cours des années 1980, la valeur performative du rituel et du symbolique qu’illustre l’entreprise des Lieux de mémoire conduite par Pierre Nora.
La rupture scénographique
25Même si la multiplication des panthéonisations témoigne du crédit retrouvé par ce rituel, la voie préconisée par l’agence Ithaque n’est pas totalement suivie par les pouvoirs publics. La procédure qui se fixe à l’occasion de ces panthéonisations reste à mi-chemin des propositions formulées et s’engage vers l’élaboration d’un rituel télévisé.
26En effet, plutôt que le public présent sur les lieux de la cérémonie c’est celui qui se trouve derrière le petit écran qui est nettement privilégié par les panthéonisations suivantes. Cette option est définitivement retenue en 1989 par Jacques Attali qui met en balance les quelques milliers d’individus qu’une cérémonie peut rassembler – il s’agit en l’occurrence de la parade confiée à Jean-Paul Goude le 14 juillet 1989 – et les millions de téléspectateurs potentiels et tranche délibérément en faveur de ces derniers33. Il en découle que toutes les panthéonisations qui succèdent à celle de Cassin – à l’exception de celle de Marie et Pierre Curie – sont, d’abord, destinées à être retransmises en direct à la télévision – le moment du (ou des) discours et l’entrée solennelle au Panthéon devant coïncider à la plus forte heure d’écoute et s’achever à l’ouverture du journal télévisé à 20 heures qui résume aussitôt la cérémonie et en retient les moments forts.
27C’est cet impératif télévisuel qui devient le principe structurant des panthéonisations et en fixe les normes.
28La première d’entre elles est la volonté de garantir une « image propre » exempte de tout « bruit »34 et donc la maîtrise totale de tous les mouvements, qu’il s’agisse de ceux des photographes de presse ou du public. Ce dernier, sélectionné par des invitations, est désormais strictement cantonné derrière des barrières d’un bout à l’autre de la rue Soufflot – dont seule une portion accueille encore des spectateurs spontanés – ou encore dans les tribunes installées sur la place du Panthéon. Ces citoyens, drastiquement contingentés et pour la plupart invités, font figure de butte-témoin des grandes mobilisations populaires suscitées par les premières panthéonisations35. De même, après Cassin, les tribunes sont systématiquement couvertes pour éviter le foisonnement des parapluies multicolores si le mauvais temps s’invite à la cérémonie… là encore pour garantir la qualité de l’image.
29En second lieu, la retransmission télévisée impose que la cérémonie se déroule à la nuit tombée afin de permettre des effets lumineux exploitables par la télévision – ce qui pose alors la question d’autres bruits comme ceux occasionnés par les enseignes lumineuses des magasins…
30En troisième et dernier lieu, elle exige une scénarisation totale de la cérémonie, l’image télévisuelle ne supportant pas de temps morts. Il en résulte un rythme nouveau et le découpage de la cérémonie en trois temps.
Tout d’abord, une procession-spectacle de vingt à trente minutes rue Soufflot introduit la cérémonie. Elle sert aussi de support visuel pendant que des invités de l’émission exposent aux téléspectateurs les raisons qui ont conduit à retenir celui qui va recevoir l’hommage de la nation et évoquent son œuvre et son action.
Puis, c’est l’arrivée solennelle du corps (le silence puis la musique succèdent aux commentaires). Le catafalque est alors déposé devant le Panthéon. Un ou plusieurs discours brefs (avec une prise de parole éventuelle du président) explicitent le sens assigné à la cérémonie et les titres du mort à rejoindre le temple de la nation.
Enfin, intervient, après un moment de recueillement et tandis que s’élève une musique solennelle, l’entrée au Panthéon et le dépôt du cercueil dans la nef, au centre de la rosace marquée au sol. La descente dans la crypte est effectuée deux jours plus tard afin de permettre un hommage populaire.
31Le risque de routine (comment faire du neuf dans un espace identique et surexploité ?), au demeurant inhérent à l’idée même de rituel, est le revers de ce scénario. Mais les contraintes dominent et empêchent toute variation d’ampleur. Ainsi, après la cérémonie Cassin, l’idée de transférer en cortège le corps vers le Panthéon est abandonnée. Lorsqu’elle réapparaît pour celle de Dumas, elle est rejetée par le préfet de police en raison des embarras de circulation qu’elle occasionnerait36. De même, le transport par voie fluviale de ce dernier, de Port-Marly au pont Saint-Michel, l’est aussi en raison des risques de crue de la Seine.
32Ce dispositif conduit à confier chaque cérémonie à une seule chaîne de télévision, qui en assure la retransmission et choisit un réalisateur, et la scénographie à un professionnel associé à une agence de communication37. Pour Jean Monnet c’est Patrick Bouchain qui est retenu38 ; pour les panthéonisations du Bicentenaire : Christian Dupavillon39 ; pour Marie et Pierre Curie : Jean-Pascal Lévy-Trumet ; pour André Malraux : Jean-Paul Chambaz et Patrick Legrand de Silence-Productions ; enfin pour Alexandre Dumas : Ivan Morane et la société Shortcut Events.
33Peu à peu une procédure d’appel d’offres sur cahier des charges se met en place afin de sélectionner les scénographes. Les monuments historiques, le service national des travaux, l’administrateur du Panthéon et les architectes des monuments historiques et des bâtiments de France sont les composantes inamovibles de la commission de sélection auxquelles sont adjointes les personnalités qui dirigent le comité créé pour l’occasion. Ce jury a pour tâche de retenir deux projets qui sont soumis au chef de l’État. C’est ce dernier qui, en dernier lieu, tranche. On assiste donc à la mise en place d’un véritable processus de décision même si on peut remarquer qu’aucun spécialiste de la scénographie ne figure parmi le jury ce qui limite singulièrement ses capacités d’évaluation et fait porter quelques doutes sur les critères qui déterminent – effectivement – le choix de l’agence et du projet. Le budget quant à lui oscille entre 3 et 4 millions de francs ce qui est une contrainte supplémentaire et participe à la reconduction, d’une panthéonisation l’autre, d’un dispositif équivalent40.
34Au-delà de ce premier aspect la retransmission télévisuelle impose des normes esthétiques que redouble l’évolution de la sensibilité à l’égard du politique. En effet, la cérémonie doit éviter lourdeur et didactisme tout en étant investie de sens. Ce refus de tout pédagogisme n’est pas propre aux panthéonisations. Il fait partie explicitement du cahier des charges que présente Christian Dupavillon à Jean-Paul Goude lorsqu’il lui demande de concevoir la parade du 14 juillet 198941. Mais l’espace balisé de la rue Soufflot et de la place du Panthéon pose un défi renouvelé au scénographe : Comment allier, en même temps, une amorce de symbolisation sans sombrer dans une illustration forcément sommaire en raison de la nature de l’espace scénique et des contraintes budgétaires ? Comment donner l’image d’un politique modeste et transparent tout en le mettant en valeur ? De ce point de vue nous disposons de deux cérémonies exemplaires : les translations de Malraux et de Dumas. Dans la première, le parti pris de la mise en scène a été celui du dépouillement. La rue Soufflot est transformée en piste d’atterrissage de fortune, qui évoque tant l’Espagne que la Résistance, par la simple pose de lampes-tempête. Des enfants porteurs de cirés transparents – qui montrent leur diversité vestimentaire tout en créant une unité (et en les préservant de la pluie) – remontent la rue Soufflot puis déposent devant le monument des photographies, qui illustrent les combats de Malraux et composent une sorte de musée imaginaire, sur le parvis du Panthéon. La scénographie sert ainsi le discours du président et, insistant sur les engagements de Malraux, évite que la cérémonie ne soit trop ressentie comme une exaltation du gaullisme42.
35Pour Dumas, le choix a été fait d’une certaine déconnexion entre le sens de la cérémonie délivré par Jacques Chirac et la mise en scène de la cérémonie. Tirés par deux mules, et entourés d’un groupe de comédiens porteurs de flambeaux – figurant le public et ses réactions –, des tréteaux ambulants effectuent des stations rue Soufflot. Ils sont précédés de sept tambours et d’un cymbalier, têtes nues, revêtus d’uniformes à la façon de l’époque révolutionnaire et impériale43. À chacun des sept arrêts un extrait d’une pièce de théâtre de Dumas est joué. Chacune de ces saynètes représente un moment dramatique, ponctué par un ou plusieurs décès et quelques fois un combat à l’épée. Ce cortège est suivi par le cercueil d’Alexandre Dumas, recouvert d’un linceul bleu à liseré blanc frappé de la devise « Un pour tous, tous pour un »44, porté par quatre mousquetaires à pied encadrés de quatre autres à cheval.
36Selon Didier Decoin45, et aux yeux des conseillers de l’Élysée, la tonalité d’ensemble devait être festive : « On voulait, écrit Le Monde citant l’un d’entre eux, quelque chose de festif, de populaire, d’informel, dans la mesure du possible. » Et la journaliste conclut, relayant le message élyséen : « L’anti-Malraux en quelque sorte »46. C’est le même triptyque « festif, populaire et informel » qui est mis en avant par le commentaire du reportage que diffuse France 2 au Journal de 20 heures. Toujours est-il que ce découplage entre la scénographie et le message présidentiel exaltant l’idée de métissage fût assez largement incompris du public présent sur les lieux, comme des téléspectateurs, puisqu’il mettait en scène des personnages peu connus de l’œuvre de Dumas – hormis les quatre mousquetaires – en se focalisant sur sa production théâtrale alors que c’est son œuvre romanesque qui a assuré sa postérité. En outre, trop sanguinolent, il n’a pas toujours été apprécié. Ainsi, Bernard Pivot, commentant sur France 2, les scènes données à voir n’a pu s’empêcher de parler de « grand guignol »47 ou de signaler avec amusement que l’une des scènes de meurtre – celle extraite de La Tour de Nesle – se déroulait devant la librairie juridique Dalloz. Libération, qui avait pourtant accueilli très favorablement l’événement, ne peut non plus s’abstenir de ce commentaire ironique : « Six morts en vingt-trois minutes, rue Soufflot à Paris. Ni les nombreux policiers, ni les témoins présents ne sont intervenus »48. Au terme de ce spectacle, le cercueil de Dumas, est accueilli par une jeune métisse, vêtue de blanc, montant en amazone un cheval de même couleur49 et portant le bonnet phrygien. Le choix de cette tenue laisse un peu songeur : s’agit-il d’une tunique virginale ou bien d’une robe nuptiale ? Ou bien encore ce blanc doit-il se marier avec la tonalité bleue, dominante dans les jeux de lumière de la cérémonie, pour évoquer les couleurs de l’ancienne France50 mise en scène par Dumas, non pour l’exalter, mais pour la domestiquer et recomposer un roman national unitaire. La volonté de limiter la symbolisation et de rejeter une cérémonie trop intellectuelle, ce qui, dans l’esprit des concepteurs, n’aurait pu que nuire à son caractère « populaire et festif », trouve ici sa principale limite… Elle conduit à réduire le sens et la portée du travail de Dumas sur l’histoire de la France alors que le discours de Jacques Chirac les met en valeur en insistant sur le fait que cet écrivain ne produit pas seulement des histoires mais qu’il contribue à forger, au-delà des crises, une « histoire commune ». « Dumas ne cherche pas à rendre l’exactitude, mais le mouvement de l’Histoire de France. Il donne un sens à cette longue suite de drames et de convulsions violentes qui, à ses yeux, trouve son aboutissement naturel dans l’avènement d’une République pacifiée et fraternelle »51.
Une opération de recomposition de l’identité nationale
37Au-delà des choix esthétiques opérés pour la mise en scène des cérémonies, la sélection des panthéonisés relève, depuis la Révolution, d’une volonté de construire une certaine image de la France52. Elle s’apparente à la fois à un acte de reconnaissance – en cela conforme avec la devise qui orne le fronton de l’édifice – et à un acte réparation – dimension très présente dans les commentaires – dont celui du président de la République – suscités par le transfert de Dumas53. À l’opposé de Wesminster, le Panthéon obéit, en effet, à un principe de sélection, forcément signifiant, et force est de constater, comme le faisait dès 1984 Mona Ozouf, que, passée la décennie révolutionnaire le Panthéon, devient une sorte d’« École normale des morts », sans être pour autant le lieu d’un rapport pacifié de la France avec elle-même. Les « grands hommes » retenus sont plutôt marqués à gauche et le Panthéon bien plus ouvert aux intellectuels (hommes de culture et scientifiques) qu’aux dirigeants politiques54. Cette caractéristique sort renforcée des panthéonisations survenues depuis l’instauration de la Ve République. Ce qui conduit René Cassin a être admis au Panthéon est le fait d’être le père de la Déclaration universelle des droits de l’homme ; Jean Monnet celui de l’idée européenne et l’artisan des premiers pas de sa construction ; Condorcet, Grégoire et Monge, d’avoir été des « intellectuels en révolution »55 ; Marie Curie d’être une femme de science de grande renommée ; André Malraux d’avoir été un intellectuel engagé et Alexandre Dumas – outre son origine familiale – d’avoir fait de « l’Histoire de France le levain de nos imaginaires [… d’avoir] façonné notre mémoire collective et participé à l’édification de notre identité nationale. »56
38En outre, en tant que geste présidentiel, le choix des panthéonisés sert aussi à forger l’image du président. Comme le notait avec humour le Sunday Times à propos de la première panthéonisation chiraquienne : « Il y a plus dans la résurrection de Malraux opérée par Chirac que son désir d’honorer un grand gaulliste. Dans un pays qui révère les intellectuels, le président, généralement présenté comme un homme qui aime plus la bière que les livres, se sent vulnérable. »57 C’est encore plus vrai de la récente panthéonisation de Dumas, puisque celle-ci permet au président de mentionner dans son discours pas moins de huit grands écrivains français58 sans pour autant rien perdre de la simplicité et de la bonhomie qu’il affecte depuis longtemps. Comment, en effet, être plus sympathique qu’en faisant entrer au Panthéon le père des trois mousquetaires ? – un écrivain certes, mais un écrivain populaire, dont l’aura contemporaine doit plus au cinéma qu’à l’école qui ne l’a jamais reconnu comme l’un des grands auteurs de la langue française59.
39Le choix du panthéonisé, celui de la mise en scène comme celui de l’angle privilégié dans l’évocation du défunt relèvent donc de choix mûrement réfléchis. Ils tendent à accréditer l’idée selon laquelle, ce rituel est pris très au sérieux par ses officiants. Pourtant, force est de constater que s’il n’y a pas de relais dans le monde scolaire, du type de ceux mis en œuvre à l’occasion de l’« Automne Malraux », l’hommage rendu par la nation s’achève avec la retransmission télévisée. Certes, quelques articles de presse évoquent, au lendemain de la panthéonisation, la cérémonie et les discours prononcés, mais ils sont généralement peu nombreux au regard de ceux qui l’ont annoncée et très strictement limités dans le temps. L’écho de la cérémonie est relativement réduit, comme si on craignait « de trop en faire » et d’indisposer les Français. Considérés sous cet angle, les transferts au Panthéon deviennent un acte politique parmi beaucoup d’autres et révèlent une défiance partagée envers un rituel dont on pense qu’il faut s’acquitter mais sur lequel pèse néanmoins une certaine suspicion, d’où la volonté constante de limiter les fastes déployés lors de la cérémonie et de s’en tenir à une certaine sobriété60. Soit, la formule paradoxale d’un rite, dont on ne sait trop qu’attendre et que l’on accomplit tenu par la crainte de s’inscrire en porte à faux avec la sensibilité contemporaine mais auquel il semble toutefois nécessaire de procéder. Ce paradoxe renvoie, à la fois, au dénuement cérémoniel contemporain et à la volonté de promouvoir une politique symbolique créditée de vertus intégratrices61. Ce que traduit l’oxymore qui pourrait résumer la panthéonisation de Dumas celui d’une cérémonie informelle.
Notes de bas de page
1 Cf. graphique en annexe. Cette étude se fonde sur le dépouillement et l’analyse des archives du ministère de la Culture. Celles-ci n’étant pas cotées, la date d’émission tient lieu de référence. Je tiens à remercier Sarah Hurni, qui a en charge les Célébrations nationales, pour l’aide qu’elle m’a apportée.
2 À commencer par les analyses développées par Pierre Nora dans Les lieux de mémoire. Pour analyse critique de cette entreprise cf. Patrick Garcia, « Les lieux de mémoire : une poétique de la mémoire ? », Espaces Temps, n° 74/75, « Transmettre aujourd’hui. Retours vers le futur », p. 122-142.
3 Il est d’ailleurs fermé pendant une longue période.
4 Sur cette évolution lire Denis Fleurdorge, Les rituels du président de la République, PUF, 2001 et, plus généralement, Yves Deloye, Claudine Haroche et Olivier Ilh, Le protocole ou la mise en forme de l’ordre politique, L’Harmattan, 1996.
5 Voir Raymond Depardon, Partie de campagne, 1974, diffusé sur Arte en 2002.
6 Voir les chapitres 10 et 11 de Patrick Garcia et Jean Leduc, L’enseignement de l’histoire en France de l’Ancien régime à nos jours, Armand Colin, 2003.
7 De 1975 à 1981, seul le 8 mai 1975 est férié.
8 Projet de « loi d’orientation sur l’enseignement de l’histoire » déposé à l’Assemblée nationale le 25 juin 1980 par le groupe RPR. Ce texte n’a jamais été débattu.
9 Cf. les deux articles que Christian-Marc Bosséno a consacré à ce sujet : « L’œil était dans la tombe : François Mitterrand au Panthéon, 21 mai 1981 », Vertigo, n° 6/7, 1991, p. 173-186 et « Retour au Panthéon », Vertigo, n° 13, 1995, p. 45-47.
10 François Mitterrand entendait ne pas achever son mandat sans avoir fait entrer une femme au Panthéon. Marie Curie est la première (et pour l’heure la seule), à y être entrée ès qualité.
11 Pour se limiter aux demandes faisant l’objet d’un dossier ou d’une note aux archives du ministère de la Culture.
12 Autre indice de renouvellement du regard porté sur ce monument : c’est au Panthéon que choisissent de se rendre-la les étudiants et les professeurs de Science-Po qui manifestent dans l’entre-deux tours des élections présidentielles de 2002 et expriment leur indignation de voir Jean-Marie Le Pen présent au second tour.
13 Mona Ozouf, « Le Panthéon. L’École normale des morts », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, t. 1, « La République », Paris, Gallimard, 1984, p. 139-166 et Jean-Claude Bonnet, Naissance du panthéon. Essai sur le culte des grands hommes, Paris, Fayard, 1998.
14 L’administrateur du Panthéon a aussi en charge l’Arc de triomphe.
15 Les grands hommes au Panthéon, introduction de Jean-François Chanet, Éditions du patrimoine, 1996 ; François Macé de Lépinay, Peintures et sculptures du Panthéon, Éditions du patrimoine, 1997 et Le Panthéon de Voltaire à Malraux, CD rom, Éditions du patrimoine, 1996. Un autre signe de la volonté de promouvoir le site est la réinstallation temporaire, puis permanente, du pendule de Foucault in situ.
16 Cf. Henry Rousso, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Points-Seuil, 2e éd., 1990, p. 102.
17 Note au ministre de la Culture de Maryvonne de Saint-Pulgent, directrice du Patrimoine nommée sous la seconde cohabitation. La phrase citée figure en gras dans le document original. Archives du ministère de la Culture.
18 Il s’agit, selon Maryvonne de Saint-Pulgent, de ne pas provoquer davantage l’église catholique qui a très mal accepté l’entrée de Grégoire au Panthéon et dont les représentants ne sont d’ailleurs pas présents lors de cette cérémonie. (Entretien du 15 février 1999)
19 Christine Albanel. Propos recueillis lors de l’enquête conduite sur la panthéonisation de Malraux. Cf. Patrick Garcia, « Jacques Chirac au Panthéon. Le transfert des cendres d’André Malraux », Sociétés & Représentations, n° 12, 2001, p. 205-223.
20 Selon le témoignage de Maryvonne de Saint-Pulgent, entretien téléphonique, février 2001. Résumant la panthéonisation de Dumas au Journal de 20 heures de France 2, Béatrice Schonberg souligne que Jacques Chirac « théâtralise [ainsi] son deuxième mandat ».
21 La proposition est officiellement émise par Didier Decoin au nom de la Société des amis d’Alexandre Dumas le 19 avril 2001. Selon la conseillère pour la presse de l’Élysée la panthéonisation a été retardée en raison de la cohabitation : « Dumas, c’est l’homme du lien national, il n’était pas question de faire cela dans une période troublée (sic) ». Propos cités par Béatrice Gurrey, « Jacques Chirac célèbre un bâtisseur de “notre identité nationale” ». Le Monde, 1er décembre 2002.
22 Agence Ithaque, Étude sur la conception et l’organisation des cérémonies nationales, rapport dactylographié, 119 pages, 1988.
23 Lire, notamment, Michel Vovelle, La mort et l’occident de 1300 à nos jours, Gallimard, 1983.
24 Déposée aux archives du ministère de la Culture. Le cortège qui mène Cassin des Invalides au Conseil d’État provoque, en outre, un grand embouteillage à tel point que la musique des timbaliers de la garde républicaine est parfois couverte par le bruit des klaxons des automobilistes bloqués !
25 En marge du projet est inscrit au crayon la formule : « finalement non ».
26 Souligné par moi. Ce pluriel montre que le choix d’un opérateur unique n’a pas encore est effectué.
27 Rapport Ithaque, op. cit., p. 33, en italiques dans le texte. Dans un autre contexte on retrouvera une appréciation similaire à l’égard des spectateurs qui s’emparent des Champs-Élysées à la suite de la parade Goude le 14 juillet 1989.
28 Lettre de commande datée du 6 juin 1988 citée en introduction du rapport.
29 Cette question semble récurrente comme nous l’a appris l’enquête sur la panthéonisation d’André Malraux. Voir Patrick Garcia, « Jacques Chirac au Panthéon… » op. cit.
30 Rapport Ithaque, op. cit., p. 11.
31 Ibid. p. 44 (en gras et italiques dans le texte original)
32 « Donnez les spectateurs en spectacle, rendez-les eux-mêmes acteurs ; faites ainsi que chacun se voie et s’aime dans les autres, afin que tous soient mieux unis. » Jean-Jacques Rousseau, Lettre à d’Alembert sur les spectacles, Garnier-Flammarion, 1967, p. 234.
33 Cité par Christian-Marc Bosséno, op. cit.
34 Ce qui n’avait pas pu être obtenu le 21 mai 1981.
35 Paradoxalement, ce dispositif n’exclut pas d’en appeler à la ferveur des participants. Lors de la panthéonisation de Dumas, le comité d’organisation avait suggéré au public de se munir d’un livre de cet auteur (ce qui a été fort peu suivi) et le commentaire sur France 2 a, plusieurs fois, insisté sur le grand nombre de personnes qui s’étaient déplacées pour accompagner Dumas à sa dernière demeure quand bien même les images montraient-elles, derrière les barrières, des rangs assez dégarnis.
36 Au demeurant même ainsi circonscrite chaque cérémonie suscite les récriminations des commerçants du secteur du Panthéon comme en témoignent les plaintes qui accompagne chaque dossier entreposé aux archives.
37 C’est parce que le ministère de la Culture ne disposait pas des ressources humaines et matérielles nécessaires qu’il est fait appel au privé en 1987 (Rapport Ithaque, op. cit., p. 4). Par la suite, le recours au privé pour les cérémonies d’État se généralise. Ainsi, en 1999, le ministère des Affaires étrangères se dote d’un service de la logistique diplomatique qui choisit, pour un temps déterminé, un assistant de maîtrise d’ouvrage, issu du secteur privé. Celui-ci, entouré d’experts, coordonne les différentes entreprises retenues sur la base d’appels d’offres. Selon le fondateur de ce service, l’ambassadeur Thierry de Borja de Mozota, l’un des intérêts de ce dispositif est sa souplesse qui permet le recours à des technologies en constant renouvellement et rend ainsi possible l’innovation. Voir Patrick Garcia, « Une scénographie d’État en mutation », éditorial de La lettre de l’événement, Lettre d’information professionnelle, septembre 2001.
38 Il participe l’année suivante à la mise en scène de la commémoration de la bataille de Valmy. Cf. Patrick Garcia, Le Bicentenaire de la Révolution française. Pratiques sociales d’une commémoration, CNRS-éditions, 2000, p. 136-140.
39 Organisateur de la cérémonie du 21 mai 1981, il est, par la suite, devenu conseiller de Jack Lang, notamment lors du Bicentenaire puis directeur du Patrimoine (1990-1993). Il est, en outre l’auteur, d’un projet pour la panthéonisation de Dumas alors que celle-ci risquait d’échoir à Lionel Jospin. Ce projet a été retiré après la réélection de Jacques Chirac.
40 Pour la panthéonisation de Dumas, il a été de 629 500 Euros.
41 Lire Philippe Dujardin, « La Marseillaise ou l’invention chimérique de Jean-Paul Goude », Mots, n° 31, juin 1992, p. 27-41.
42 Interviewé par Arte, Jean-Paul Chambaz, le scénographe retenu, précise qu’il a voulu donner le pas au Malraux internationaliste sur le ministre gaulliste. Il y a dans la vie d’André Malraux, confie-t-il, « des épisodes que je ne veux pas voir, qui ne m’intéressent pas » même si on ne peut, poursuit-il, les « passer sous silence ». « Malraux : la culture dans tous ses états », émission diffusée le 9 août 1996. Pour une analyse détaillée de cette scénographie voir : Patrick Garcia, « Jacques Chirac au Panthéon… » op. cit.
43 Ils sont appuyés par un timbalier, portant le même costume, qui joue depuis le péristyle du Panthéon. En dépit, de leur tenue la musique n’est nullement martiale et évoque plutôt le roulement des tambours appelant le public à venir assister à un spectacle.
44 Au rythme des commentaires télévisés cette devise devient équivalente à celle de la République…
45 Président de la Société des amis d’Alexandre Dumas. Il participe en qualité de vice-président au comité scientifique, constitué le 23 janvier 2002 et dont la présidence est revenue à Alain Decaux, qui a sélectionné les projets de scénographie et défini le programme des cérémonies.
46 Béatrice Gurrey, Le Monde, art. cit.
47 Nous sommes, dit-il, « à la limite du théâtre et du grand guignol ».
48 Sorj Chalandon, « Faits divers », Libération, 2 décembre 2002.
49 Celui chevauché par Christian Clavier dans le Napoléon, diffusé quelques semaines plus tôt à la télévision, selon le commentaire de Patrick Lecoq (Retransmission télévisée sur France 2).
50 Que le présentateur Patrick Lecoq assimile lors de la retransmission télévisée sur France 2 à la « couleur de France ».
51 Discours de Jacques Chirac devant le Panthéon le 30 novembre 2002.
52 La lisibilité de ces choix est cependant brouillée par les panthéonisés de l’Empire qui forment le plus gros contingent des hôtes du Panthéon. À plusieurs reprises, depuis André Malraux qui soutint cette option, il a été envisagé d’effectuer un tri et d’extraire les notables impériaux du site. Mais cette procédure rappelle trop les dépanthéonisations révolutionnaires, notamment celles de Mirabeau et de Marat, pour avoir été suivie d’effets.
53 On pourrait mettre en relation la reconnaissance par l’Assemblé nationale de l’esclavage comme génocide et l’entrée au Panthéon d’un petit-fils d’esclave, fils d’un général rayé des cadres de l’armée à la suite du rétablissement de l’esclavage par l’Empire. C’est le sens que confère à ce geste, lors de son allocution au Sénat, Claude Ribbe, biographe du général Dumas, faisant, en même temps, de ce dernier et de ses ancêtres esclaves la figure éponyme du « sans papier » et concluant : « Mais si nous disons cela, chaque fois qu’un étranger frappera à notre porte, ne faudra-t-il pas se demander quand même, avant de la lui claquer au nez, si ce n’est pas le héros que la République appellera peut-être bientôt à son secours, s’il ne sera pas un jour le père d’un génie de l’Humanité ? » (Cérémonie au Sénat, 30 novembre 2002) La dissonance n’est jamais loin…
54 Jean Jaurès et André Malraux peuvent se prévaloir des deux titres qui se conjuguent dans la formule très française de l’intellectuel engagé. Jusqu’à présent aucun intellectuel de droite, authentifié comme tel, n’a été admis dans le temple de la République.
55 « Par la pensée, le verbe, les actes – jamais par le sang – » précise Jack Lang lors de son discours.
56 Discours de Jacques Chirac (30 novembre 2002).
57 Cité par Arte, « Malraux : la culture dans tous ses états », Revue de la presse européenne, émission diffusée le 9 août 1996.
58 Par ordre de citation : Victor Hugo, Alphonse de Lamartine, Honoré Balzac, Gustave Flaubert (indirectement à travers la mention de Bouvard et Pécuchet), Jules Michelet, Rabelais, Guy de Maupassant et Émile Zola. Et pour poser la stature de Dumas dans la communauté internationale des lettres : Cervantes et Shakespeare. Liste à laquelle il faudrait encore ajouter le peintre Philippe de Champaigne.
59 Cette dimension a du largement comptée dans la décision de Jacques Chirac de faire procéder à ce transfert.
60 C’est, au demeurant, le qualificatif employé par Robert Badinter pour caractériser la cérémonie de 1989, lors d’un échange téléphonique avec l’auteur de cet article.
61 Cf. Pascal Ory, « L’histoire des politiques symboliques modernes : un questionnement », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 47-3, juillet-septembre 2000, p. 525-536.
Auteur
IUFM, Versailles
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les sans-culottes marseillais
Le mouvement sectionnaire du jacobinisme au fédéralisme 1791-1793
Michel Vovelle
2009
Le don et le contre-don
Usages et ambiguités d'un paradigme anthropologique aux époques médiévale et moderne
Lucien Faggion et Laure Verdon (dir.)
2010
Identités juives et chrétiennes
France méridionale XIVe-XIXe siècle
Gabriel Audisio, Régis Bertrand, Madeleine Ferrières et al. (dir.)
2003
Des hommes à l'origine de l’Europe
Biographies des membres de la Haute Autorité de la CECA
Mauve Carbonell
2008