La crise d’une représentation : les jeux de la Fête Dieu
p. 17-36
Texte intégral
1J’ai rencontré les jeux de la Fête Dieu d’Aix-en-Provence dans l’itinéraire de mes recherches sur la fête provençale qui m’avaient conduit à proposer, en 1976, une synthèse sur « Les métamorphoses de la fête entre 1750 et 1820 ». Cet ouvrage m’a valu d’être, un temps, considéré comme expert dans le contexte singulier de ces années où, de toutes parts, collectivités et associations avaient le désir de faire renaître les festivités locales en s’émancipant du modèle post-félibréen vieilli.
2Dans une contribution un peu ironique à un colloque sur ce thème en 1980, je m’étais alors récusé dans ce rôle d’arbitre, mais c’est cependant en cette même année que, piqué au jeu, j’ai présenté une première esquisse sur « les avatars d’une fête dans la longue durée, les jeux de la Fête-Dieu d’Aix », une réflexion que ma participation à d’autres rencontres (sur les géants processionnels, à Ath, en Belgique) m’a amené à élargir dans une perspective comparatiste, cependant que je prenais connaissance des travaux de mes collègues médiévistes (Noël Coulet).
3Dans la série des grandes scénographies urbaines pluriséculaires – du Moyen Âge au XIXe siècle voire à aujourd’hui – où les sites septentrionaux rivalisent avec ceux du Midi, des traits communs se dégagent : ils ont fait découvrir l’importance de ces témoignages collectifs sur l’imaginaire d’une cité, dans son évolution comme dans sa continuité. Une ville se raconte son histoire ou plutôt se l’invente, à travers mythes et légendes. Création collective même lorsqu’elle est référée à un fondateur mythique, elle réfléchit les étapes parcourues par une société.
4Aix présente le cas d’une fête aujourd’hui morte après cinq siècles d’existence – on en rencontre les premières traces vers 1360. Elle ne survit pas à la Révolution Française même si quelques rééditions isolées jusqu’en 1851... voire en 1965, ont tenté de lui redonner vie. Elle a, en un mot, manqué sa reconversion dans la continuité, dans le style flamand des cités du Nord, ou en rupture dans le style niçois des carnavals contemporains. Telle quelle, avec un début et une fin, elle propose un exemple intéressant de rapport à l’histoire, à plusieurs niveaux d’analyse : elle se présente elle-même comme un parcours dont l’histoire fournit la trame, du paganisme au triomphe de la religion. Mais chemin faisant, elle est porteuse d’une autre dimension historique, celle d’une évolution associant enrichissements et évictions : le scénario historique a lui-même une histoire. Cela explique qu’à un troisième niveau elle ait constamment suscité les gloses de la part d’auteurs dont la série nous conduit des commentateurs sacrés ou profanes du XVIIe siècle, aux hommes des Lumières, puis aux folkloristes et amateurs du XIXe.
L’apogée (1700-1750). Une fête, quatre fêtes ?
5Pour nous orienter à la rencontre des trois histoires, celle que la fête elle-même raconte, celle qu’elle dévoile et les récits que l’on a fait d’elle, la démarche la plus pédagogique est sans doute de la présenter, non à partir de ses origines obscures, mais au moment même de son apogée, à la veille sa disparition, soit dans les années 1770, quand le cérémonial se présente dans toute sa richesse et sa complexité, suscitant un véritable débat entre les auteurs qui en présentent alors la description.
6C’est à partir de ces récits que je l’aborderai, dans une première séquence qui se veut uniquement descriptive, mais qui ne peut manquer d’être, déjà, interrogative. Car, parler d’une fête, c’est trop peu dire : c’est d’au moins quatre fêtes qu’il s’agit, mais quatre fêtes enchevêtrées et dont il faut tenter de décrypter les éléments. Les jeux de la Fête-Dieu se préparent, conformément aux rites du « romérage » provençal, plusieurs jours auparavant. Tout débute au dimanche de la Trinité par une messe de bénédiction à laquelle participent les futurs acteurs, tels, pour ne prendre qu’un exemple cocasse, les diables qui, selon la tradition, se présentent ce jour à la Cathédrale Saint Sauveur, revêtus de leur têtière de cuir bouilli de « petits diables » ou de « grands diables » ; ils se comptent à l’entrée, ils se comptent à l’issue de la messe. Il n’est pas sans exemple, dit-on, qu’ils se soient retrouvés un de plus à la sortie, le diable lui-même s’étant mélangé à la troupe. Cet épisode va au-delà du pittoresque car, c’est en ce jour de la Trinité qu’on désigne les officiers que l’on va voir intervenir ultérieurement. Il n’y a plus à la fin du XVIIIe siècle, de « prince d’amour » qui n’est plus représenté que par son lieutenant, mais on voit désigner le « roi de la basoche » et tous ceux qui forment la troupe de ses officiers ; de même que l’« abbé » désormais appelé l’abbé de la ville, après avoir été longtemps l’abbé de la jeunesse ; mais l’âge auquel on le choisit, disent les chroniqueurs, fait qu’il est devenu un peu dérisoire de l’appeler désormais de son premier nom.
7L’essentiel de la fête se déroule sur deux jours : le samedi qui précède le dimanche de la Fête-Dieu et la Fête-Dieu elle-même. Le prélude du samedi soir qui se conforme au rythme classique de la fête provençale (au village c’est ce qu’on intitule « le réveil du saint ») comporte deux éléments, ce que l’on appelle « la passade », et ce que l’on appelle « le guet », deux épisodes vespéraux et même nocturnes. La passade se déroule à partir de huit heures du soir, à la nuit à peine tombante en ce mois de juin. On y voit évoluer suivant un cérémonial complexe d’assauts de bâtons et hallebardes, les bâtonniers de l’abbé de la ville et les bâtonniers du roi de la basoche, souvenir de combats à la lance dans lesquels les chroniqueurs voient le reflet des anciens tournois médiévaux. À l’époque où nous nous plaçons, ces passes s’accompagnent de plus en plus de manifestations ajoutées qui consistent en décharges et en évolutions militaires où se reconnaît le style plus caractéristique de la « bravade » telle qu’elle se pratique en Provence, par des corps de citoyens ou de bourgeois en costumes ou en uniformes militaires.
8Cette passade ne fait que frayer le chemin à ce qui va être le Guet, fête nocturne proprement dite puisqu’il prend place à 10 heures du soir, la nuit tombée. Les auteurs nous l’expliquent : cette fête ne doit se dérouler que de nuit, dans la mesure où elle évoque l’ancien monde révolu des divinités antérieures au christianisme.
9Le cortège est ouvert par un cavalier travesti, comme la plupart des personnages dont nous allons parler, défilant à cheval ou dans les chars. C’est d’abord la Renommée, une Renommée qui souffle dans sa trompette, accompagnée des chevaliers du Guet : présence de cette vieille institution municipale que nous connaissons bien depuis les travaux de Maurice Agulhon et qui se double ici du souvenir ou de la réminiscence des chevaliers du Croissant institués en 1462. Avec les chevaliers du Guet apparaît donc l’ombre projetée du roi René d’Anjou considéré comme le fondateur des jeux, dans la mémoire collective : elle se découvre encore dans le groupe suivant, première touche dérisoire dans le cortège ; le couple du duc et de la duchesse d’Urbin, entourés d’une bande de gamins, qui les abreuve de quolibets... Ils expient le tort d’avoir remporté un succès sur les soldats du Roi René lors des campagnes malheureuses de ce souverain qui ne brilla pas par ses victoires ; le roi René s’en était vengé en les faisant défiler en la forme d’un couple proche de l’asinade traditionnelle. L’un et l’autre se montrent non point sur des chevaux mais sur des ânes, grotesquement accoutrés. La fête carnavalesque fait ainsi son entrée dans les jeux de la Fête-Dieu, mais sous une forme ambiguë puisque la structure traditionnelle du charivari est comme domestiquée dans l’ordre du cortège officiel.
10Le duc et la duchesse d’Urbin sont suivis d’un personnage dont nous verrons l’importance historique, c’est Momus, dieu de la satire et de la raillerie. Momus costumé en bouffon, accompagné de son escorte, se permet des lazzis à l’égard des spectateurs, des notables comme des petits, et l’on évoque le temps où il avait droit, accompagné de son cortège, de pénétrer dans les maisons et dire aux uns et aux autres leurs quatre vérités en vers ou en bouts rimés, en couplets provençaux. Momus, personnage carnavalesque, représente la personnification de l’inversion licite pour un jour des hiérarchies sociales, et devient par là même un des éléments à la fois les plus remarqués et les plus contestés des jeux de la Fête-Dieu.
11Puis successivement, Mercure et la Nuit, le premier avec son caducée, la Nuit portant des pavots, ouvrent le défilé des dieux et des déesses de l’Antiquité. Mais pour que cette symbolique soit mieux perçue encore, ces créatures de la Mythologie vont être comme entremêlées avec des groupes qui surenchérissent sur ce que ce pieux mystère entend signifier. Derrière Mercure et la Nuit défilent ceux que l’on appelle les « rascazzetos », c’est-à-dire les teigneux ou les lépreux. Ce groupe symbolique associe quatre personnages à têtières : trois d’entre eux glabres, totalement tondus, s’efforcent de tondre un quatrième teigneux pourvu d’une énorme crinière et que l’on peigne de façon grotesque. Teigneux ou lépreux offrent la première figuration de la symbolique du bouc émissaire qui se prolonge directement ensuite, lorsque le « jeu du chat » met en scène des Juifs ; des lépreux aux juifs la transition est évidente. Le jeu du chat nous les montre se livrant à l’adoration du veau d’Or, malgré Moïse qui les morigène mais dont ils se moquent, et se prolonge par une sorte de facétie qui consiste à jeter un chat enfermé dans un sac – tel un ballon – ce que les auteurs, dans une lecture que nous trouverions aujourd’hui un peu pauvre, expliquent en disant qu’il s’agit du culte des idoles animales dans l’Égypte ancienne.
12On reprend le défilé des divinités mythologiques avec Pluton et Proserpine, introduisant les groupes sur lesquels s’ouvre le monde infernal. Dans le jeu de l’« Armetto » ou de la petite âme, quatre diables s’acharnent à persécuter un enfant que protège son ange gardien en prenant les coups sur son dos grâce à un coussin bien rembourré : et l’ange gardien triomphe finalement de ces agresseurs. Mais ce jeu était lui-même destiné à introduire le jeu des « grands diables » au cours duquel un autre groupe de démons adultes persécute également mais avec succès, le roi Hérode accompagné de la grande diablesse, en qui certains identifient Hérodiade mais qui, peut-on penser, stigmatise aussi la femme, puisque la grande diablesse est parée à la dernière façon du jour, en une parodie des modes du moment.
13La dernière partie du cortège fait paraître les groupes de Neptune et d’Amphitrite, suivis de toute une foule de faunes et dryades, de nymphes et de satyres qui eux-mêmes précèdent les personnages de Pan et de Syrinx et qui annoncent Bacchus à cheval sur un tonneau. Mars, Minerve, Apollon et Diane suivent, accompagnés du cortège des « chevaux frus », c’est-à-dire des chevaux-jupons : ces personnages dansants dans lesquels les auteurs anciens croient reconnaître la réminiscence lointaine des centaures. Ils précèdent le groupe de la reine de Saba, accompagnée de ses suivantes et d’un danseur à épée, qui représente symboliquement le roi Salomon. Le défilé se poursuit avec le couple de Saturne et de Cybèle suivis des « dansaïres », savoir les « grands » puis les « petits danseurs » auxquels, nous dit-on, le roi René avait fait porter un scapulaire esquissant un début de christianisation. Le cortège se clôt par le grand char de l’Olympe : Jupiter, Vénus, Cupidon, les « jeux, les ris et les plaisirs » et pour fermer la marche, trois cavaliers ou cavalières, qui sont les trois Parques, par la présence desquelles, nous dit-on, le prince a voulu rappeler que tout s’achève par la mort.
14Ce guet qui se déroule le samedi soir va avoir comme pendant au cours de la Fête-Dieu du dimanche un écho festif qui est également dédoublé : comme le samedi soir comporte la passade, d’une part, et le guet de l’autre, le jour même de la Fête-Dieu se décompose en deux épisodes, car la procession ici n’est point une, mais double. Une première qui correspond à la stratification la plus ancienne est celle qui se déroule à l’aube, très tôt d’ailleurs, dans ses prémisses, puisqu’on nous dit que dès 4 heures du matin, se refait dans les rues de la ville le grand jeu des diables sous forme d’une course effrénée entre les diables du « grand jeu » et du « petit jeu », affrontés en un défi de vitesse pour arriver les premiers à la messe à Saint Sauveur, ce qui vaut un prix à ceux qui gagnent et stimule d’autant leurs dévotions matinales.
15Mais ce début précoce anticipe sur la procession qui commence dès 10 heures du matin. Celle-ci s’inscrit à la fois en continuité et en contrepoint de la première puisqu’on la voit précédée par une partie des groupes de la veille : celui des rascazzetos, celui des teigneux, comme aussi le groupe du chat et le groupe de la reine de Saba ; en somme les éléments qui sont tirés directement de l’ancien testament. Mais il semble bien aussi qu’à l’époque où nous le surprenons, ce début du défilé n’est lui-même que résiduel et qu’au temps fort de la fête, c’est-à-dire du XVIe au début du XVIIe siècle, ce premier ensemble était beaucoup plus développé : après le jeu du chat accompagné du Moïse bougon qui morigène les Israélites, venaient tous les prophètes qui avaient prédit la venue du Christ et que l’on a ensuite éliminés. Puis ces prophètes s’intégraient eux-mêmes dans toute une succession de groupes faisant voir la faute de nos premiers parents, le sacrifice d’Abraham, les prestiges des Égyptiens, Saint Jean Baptiste, Saint Michel, assurant ainsi la continuité de l’Ancien Testament au nouveau.
16Le nouveau Testament, tel qu’il reste évoqué à la fin du XVIIIe siècle encore, c’est d’abord le groupe de la « belle étoile » : les trois mages précédés d’un enfant portant une étoile sur un bâton. Mais ce symbole est suivi d’un autre épisode beaucoup plus haut en couleur équivalent dans la procession du jour du spectacle « dégoûtant » des rascazetos de la nuit ; c’est la scène dite des « tirassouns ». Les « tirassouns » sont des vauriens qui se traînent dans la poussière, figuration incongrue du massacre des Innocents, victimes de décharges de mousqueterie, sans crainte de l’anachronisme. Aux coups de feu de la bravade qui les accompagne, ces gamins, vêtus d’une mise fort sale, se jettent dans la poussière en s’efforçant de se rendre plus sales encore. Ces « tirassouns » innocents, spectacle devenu incongru, précèdent eux-mêmes le groupe des apôtres en costumes orientaux suivant Judas sur lequel ils cognent avec des battes de bois, suivis eux-mêmes du Christ dont on nous dit qu’il était vêtu « autrefois » (c’est-à-dire au XVIe et jusqu’au début du XVIIe siècle) en capucin et qu’il porte ensuite une aube. Ce Christ de la Passion, qui porte sa croix sur son dos, on va le voir disparaître à la fin du XVIIIe et au XIXe siècle sous la pression d’une Église qui se refuse désormais au mélange des genres. Le défilé s’achève par une sorte de version provençale des « gayants » septentrionaux : un gigantesque Saint-Christophe qui porte l’enfant Jésus sur son dos, énorme squelette de bois de 10 pieds accompagné lui-même des chevaux frus qui font ici leur réapparition. Puis en écho aux parques de la nuit, voici un personnage vêtu d’un collant noir peint d’un squelette : c’est la Mort qui a une têtière de squelette et porte une grande faux en criant « hou... hou », pour effrayer les spectateurs et les petits enfants.
17Telle est la première procession du jour et nos auteurs de la fin du XVIIIe siècle insistent bien sur son caractère fort distinct de l’autre procession, dont on précise qu’elle prend place plus tard ; les uns nous disent après les vêpres, vers 4 heures, d’autres, il est vrai, affirment qu’une première procession a lieu à 11 heures 30 du matin. On peut les départager car la première procession qu’on vient d’évoquer s’arrête à la porte de la Cathédrale Saint-Sauveur, où la messe est célébrée en présence des autorités et des corps constitués, que le Chapitre traite ensuite à dîner (nous dirions à déjeuner) et que l’on va retrouver après cet entracte dans le second cortège officiel de l’après-midi.
18Au sortir des Vêpres dans la Cathédrale, le cortège s’ouvre sur la « passade » du Prince d’Amour, de l’Abbé de la ville, du roi de la Basoche, suivis les uns et les autres de leurs enseignes de leurs lieutenants, de leurs bâtonniers, et aussi de leurs prédécesseurs pour les abbés de la ville. Leur groupe précède l’ensemble des corps de métiers, 24 corps « à bannières », nous dit-on, représentant les professions corporées, puis les groupes sans bannières, puis ensuite la Confrérie du Corpus domini et les autres confréries pieuses ; les œuvres pies, les hôpitaux, les ermites, les dix couvents de la ville... Viennent enfin les autorités de la province, de la ville, de la Sénéchaussée, et du Parlement, le tout s’achevant, en défilé organisé de la société d’ordres, pour illustrer dans cette ville aixoise du quant à soi, le spectacle que l’élite se donne d’elle-même à elle-même. Pour nos auteurs, c’est cela le « beau » cortège, grand spectacle suivi des balcons par les personnes de distinction, quitte d’ailleurs à ce que le soir recommencent les « jeux » profanes. Car, nous dit-on, les animateurs des jeux sont intéressés, ils se font quelque argent à chaque démonstration et la nuit tombante on assiste à un nouveau passage de ceux du matin, ce qui explique peut-être, pour une part, les incertitudes de chronologie horaire de ceux qui nous ont décrit ce scénario.
Interprétation : la querelle des doctes
19Nous sommes en mesure, à partir de la description qui vient d’être faite, de tenter de décrypter le rapport à l’histoire de cette scénographie complexe et peut-être le meilleur moyen en est-il d’analyser le discours des doctes, des érudits et des curieux qui se développe précisément dans cette seconde partie du XVIIIe siècle, témoignage significatif d’un regard nouveau partagé entre la prise de conscience d’un héritage précieux, au nom d’une conscience que l’on dirait aujourd’hui identitaire, et la condamnation sévère de ce que l’on qualifie de momeries, d’indécences et de superstitions populaires. Cet autre discours a eu des antécédents, au XVIIe siècle, et singulièrement entre 1640 et 1680, au fort de l’offensive de la Réforme catholique qui coïncide avec la mise au pas d’une société provinciale urbaine à peine sortie des « fureurs » provençales du début du siècle. C’est en 1664 qu’Honoré Bouche a proposé un des premiers commentaires de la fête. Dans les premières années du XVIIIe siècle, De Haitze, l’un des grands chroniqueurs de la cité, insiste à son tour sur son caractère tout religieux. Mais c’est aussi dès 1645 qu’une lettre de Naudé à Gassendi, que tous citeront par la suite, a dénoncé vivement les « indécences du cortège », reflet d’une lecture où se rencontrent érudits modernistes, et acteurs d’une pastorale répressive sévère, dans l’esprit d’un des archevêques qui ont le plus marqué la vie aixoise, Mgr Grimaldi (1655-1685). On en trouve l’écho dans une lettre de Madame de Sévigné à sa fille en 1671, et la marquise pour sa part trouve le prélat bien tolérant voire laxiste.
20Un siècle plus tard, l’âge des Lumières, dans sa version provençale, introduit un renouveau sensible dans la multiplication des textes descriptifs qui proposent des interprétations divergentes d’un spectacle devenu objet d’observations critiques d’un genre nouveau. Presque simultanément, De Haitze réédité significativement pour la 4e fois, en 1775, est l’objet d’une critique acerbe par Gaspard Grégoire qui présente en 1777 une « Explication des Jeux de la Fête-Dieu ». Une dédicace à Lacurne de St Palaye, l’illustre érudit qui lui a livré la clef du mystère, inscrit le débat dans un cadre national. C’est aussi que la festivité méridionale attire la curiosité des curieux et voyageurs qui sillonnent alors la Provence et ne sont point tendres : français comme Marmontel ou l’abbé Coyer, étrangers comme Fisch ou Smolett livrent des descriptions ironiques ou simplement incompréhensives et condescendantes sur ce qui apparaît comme une curiosité méridionale, déjà folklorique. Ce qui ne peut manquer de piquer au vif l’érudition locale, soucieuse de justifier ce patrimoine. Au lendemain de la Révolution, Millin archéologue, académicien voyageur accentuera cette tendance qui le classe au rang des primitifs du regard ethnographique.
21Si l’on tente d’arbitrer entre ces discours historiquement datés, que signifient les jeux de la Fête Dieu ?
22Tous conviennent qu’ils retracent une histoire, mais ce n’est pas la même. Pour De Haitze représentant d’un courant longuement incontesté et qui prévaudra jusqu’au XIXe siècle, c’est un saint mystère, dont la trame évoque le triomphe de la religion sur le paganisme et la superstition, ce qui ne doit point dispenser de l’épurer des scories d’anciennes réminiscences. Mais il ne récuse pas pour autant l’autre lecture admise de tous, la référence à un fondateur, le roi René d’Anjou, qui en 1461 a inventé cette scénographie, instituant les Chevaliers du Croissant, le Prince d’Amour, mais aussi les scènes profanes qui en ponctuent la trame. Les jeux de la Fête-Dieu illustrent ainsi également une histoire civique, celle du moment le plus brillant de la société provençale au milieu du XVe siècle, avant son annexion par le royaume de France.
23Cette histoire profane, c’est celle que privilégie Grégoire en interprétant à sa manière les différents épisodes. Les jeux de la Fête-Dieu sont pour lui essentiellement l’illustration de l’idéal chevaleresque du Roi René, et somme toute un tournoi dont les exercices des bâtonniers et hallebardiers du prince d’amour, du roi de la basoche et de l’abbé de la jeunesse ne sont que la transcription affaiblie et modernisée. Son intérêt se porte sur ce qu’il dénomme les « entremets » soit les séquences festives qui scandent le cortège, preuves de l’intention du roi de donner un caractère populaire à la fête, sans toutefois en altérer le caractère sacré. Le souci identitaire l’emporte désormais sur la lecture orthodoxe du Saint Mystère.
24Éclairer ce débat ancien à la lumière de nos connaissances et d’une lecture contemporaine, implique, à partir de la description déjà donnée, un retour en arrière dans l’histoire de la fête, flash back malaisé si l’on considère la rareté croissante des sources lorsqu’on part à la recherche des origines, malgré les recherches récentes telles que celles de Noël Coulet sur ses racines médiévales. Un autre rapport à l’histoire se dévoile ici, au fil des stratifications d’une fête qui n’a cessé d’évoluer.
Le roi René : avant, pendant, après
25Ce que nous révèlent les sondages menés dans les sources médiévales – ainsi les comptes trésoraires de la cité – c’est après un siècle de silence, de 1260 quand Urbain IV officialise la dévotion au Saint Sacrement, au milieu du XIVe siècle, l’existence alors de rubriques qui font allusion à un cortège inattendu où l’on rencontre l’homme sauvage, et le cortège des Maures : autant d’éléments qui renvoient à un fond ancien partiellement refoulé.
26Le roi René trouve sa place, même si la tendance des médiévistes d’aujourd’hui vise à reconsidérer à la baisse un personnage dont toute la tradition provençale a exagéré l’influence directe, en faisant le fondateur mythique non seulement des Jeux d’Aix, mais de tout le réseau festif de la Basse Provence Occidentale. Convenons qu’autour de ses initiatives s’est cristallisé le visage changé de la fête médiévale dont on peut retrouver l’esprit dans toute l’aire de la chrétienté occidentale. Ces traits nouveaux dont il n’y a pas de raison de lui contester la paternité, fut-elle lointaine sans réduire pour autant les jeux à un tournoi de cour, se retrouvent dans la passade de l’institution des officiers – prince d’amour, roi de la basoche, abbé de la jeunesse – qui reflètent une structure de la société, dominée par l’aristocratie, mais partageant le pouvoir avec les autres groupes urbains. Dans le contexte de la fête de cour princière du quattrocento, à l’italienne dirait-on, on peut lui être redevable du placage antique de la référence aux dieux de l’Olympe et de l’organisation du cortège en scénographie profane. Et le clin d’œil à l’histoire immédiate sera alors le groupe dérisoire du duc d’Urbin et de son épouse.
27Mais il reste qu’en association intime avec cette « modernité » les jeux demeurent également alors un « saint mystère », une contradiction qui n’apparaîtra telle qu’au regard critique de la Contre Réforme puis des Lumières. Saint mystère comparable à bien d’autres exemples de l’Europe du Nord ou du Midi, dans l’enchaînement des groupes de l’histoire sacrée depuis la création du monde et le péché originel jusqu’à la passion du Christ.
28Dans le scénario qui se met en place à la fin du XVe siècle, si l’homme sauvage a disparu, il ne manque point cependant d’épisodes où s’inscrit la continuité, malgré l’ordre qui s’instaure, de réminiscences qui attestent la vitalité d’une autre fête, sous jacente et présente, témoignage d’une fête populaire des origines, incomplètement domestiquée.
29L’ordre est contesté, perturbé par la présence du monde infernal, celle des diables et des anciens dieux, le désordre y garde sa place illustré par les groupes des tirassouns ou des rascazettos. Les exclus y sont désignés : le bouc émissaire prend figure des juifs et du jeu du chat. La licence y est tolérée dans les gesticulations des dansaïres dont on dénoncera bientôt les mimiques et les postures indécentes. Puis la fête conserve son caractère de défoulement carnavalesque, d’inversion des rôles sociaux dans la dérision du duc d’Urbin et de sa femme, montés sur les ânes comme dans l’asinade traditionnelle du charivari, les descriptions officielles ne parlent plus du groupe des Maures, mais les documents du bureau de police évoquent encore en 1719 le jeu du roi des Maures et de la Reine de Saba : un certain Reynaud en est le traitant ou gestionnaire depuis quelques années ; il a reçu 60 livres de subvention et n’en a dépensé que 34... dénonce le premier consul. Enfin Momus, qui a le droit d’invectiver les puissants, voire de pénétrer dans les maisons pour leur dire leur quatre vérités reste le représentant emblématique de la présence d’un « popolo minuto » qui n’a pas perdu le droit à la parole.
Contre Réforme et mise au pas
30C’est à partir du XVIIe siècle et jusqu’au milieu du XVIIIe que nous pouvons enregistrer avec quelque sûreté les inflexions de ce schéma initial, sous un double aspect : d’un côté élargissement, structuration et institutionnalisation, de l’autre retranchements, censures et suppressions.
31Dès 1574, nous dit-on, recevant la visite de Catherine de Médicis, de sang Sforza, les édiles aixois avaient jugé de bon goût de suspendre pour l’occasion l’épisode du duc d’Urbin et de sa femme. De plus de portée est l’aventure du savetier Roman, intronisé en 1603 dans le rôle de Momus et célèbre par ses insolences vis-à-vis des Grands, qui lui valurent de les expier dans un cul de basse fosse : la dimension contestataire de la fête tend à disparaître et la parole populaire aussi même si les archives du bureau de police au XVIIIe siècle révèlent au passage qu’il survit clandestinement : on chansonne encore et on brocarde les puissants. Certains auteurs (Grégoire) ont vu dans le mime grotesque des rascazettos, une évocation métaphorique des fureurs urbaines animées par les factions (les « carcistes ») des années 1620. Mais l’histoire vécue n’affleure plus que par allusions progressivement indéchiffrables.
32C’est que la fête urbaine prend alors son tournant officiel, en même temps que cette capitale provinciale se dote de ses institutions nouvelles, Parlement, Chambre des comptes. Initiée sans doute par le roi René, la tripartition des responsabilités festives évolue : le prince d’Amour, représentant de l’aristocratie, renvoie à un unanimisme devenu désuet. En 1668, des remontrances de la noblesse, qui se plaint du caractère dispendieux de cet honneur non désiré amènent à sa suppression, et c’est désormais son lieutenant qui le remplace, l’abbadie de la jeunesse assumée par des adultes chevronnés devient abbadie de la ville, avant que ne se rencontre au XVIIIe le titre d’abbadie des artisans. Simultanément, il est vrai, se ritualise le cérémonial de la passade, assaut d’escrime au bâton, qui par étapes conduit à une forme particulière de la bravade provençale, à mesure que se développent les mousqueteries des corps paramilitaires du guet.
33Sur ces instances, l’autorité des pouvoirs s’est affirmée : en 1638 encore la désignation de l’abbé et du roi de la basoche se faisait par transmission directe du titulaire à son successeur, un siècle plus tard en 1738 ce sont les consuls de la ville qui procèdent à cette nomination.
34Au début du XVIIIe, le contrôle renforcé du corps de ville sur les jeux se détecte dans les archives du bureau de police, au fil de contestations sur le paiement des repas servis, tantôt au roi de la basoche (1719) ou à son enseigne (1723) comme à l’abbé de la jeunesse (1731). Et le trésorier la ville récrimine en 1725 contre le montant des frais occasionnés par la fête.
35On a le sentiment qu’en ces années, c’est le Parlement qui prend la tête d’une offensive, réduisant en 1738 le budget comme trop dispendieux mais sans souci de la contradiction, se proposant dans un arrêt du 29 avril 1741, de lui faire retrouver son éclat : il s’agit de rétablir par l’autorité de la Cour, l’ancienne discipline et l’ordre « non seulement de la fête Dieu mais de la fête de la mi-août ». Sont visés essentiellement les prieurs des corps et métiers qui ont « l’honneur de marcher et d’y assister suivant leur rang et bien dévotement avec leurs bannières et leurs écussons et flambeaux allumés ». Il ne s’agit de rien moins que de faire défiler deux par deux tous les particuliers qui composent la confrérie, et mettre à l’amende les absents. À partir de cette date, un ordre très rigoureux s’instaure faisant succéder confréries avec bannières, puis sans bannière, désignant chaque année par tirage au sort (par « ballottes ») les responsables sur qui pèsent les frais. On murmure dans les corps d’artisans de ces honneurs onéreux alors même que les corporations sont dans la gène, et pour certaines en voie d’extinction : en 1777, Trabuc, trésorier de la ville, procède à la révision de la liste des 29 corps pour mettre à jour ce financement. Non sans tensions visibles, le cortège officiel tel qu’il apparaîtra sur les représentations iconographiques comme dans les descriptions de la fin du siècle se met en ordre : et encore passons-nous sur les querelles traditionnelles de préséance qui opposent traditionnellement, en tête de la procession Parlement, Chambre des Comptes, Consuls et Sénéchaussée.
36C’est dans le domaine des jeux sacrés toutefois que la reprise en main est la plus apparente, avec un succès inégal : nous avons évoqué le rôle de Monseigneur Grimaldi à la fin du XVIIIe siècle en écho à la dénonciation des dévots. Il semble que ce ne soit pas sans efficacité. le mystère médiéval, d’une orthodoxie douteuse dans son évocation des temps bibliques est en procès, et plus encore peut-être ce Christ en robe de capucin (certains disent avec une têtière ensanglantée) choque désormais. Les indécences aussi des danseurs qui tortillent de la croupe ! Cette partie des jeux sacrés, on l’a vu, est désormais proscrite de la procession du dimanche matin, qui retranche du cortège la séquence vétéro testamentaire des jeux ne conservant désormais que l’annonce de la rédemption, symbolisée par la belle étoile. En contrepoint de ces censures et de cette reprise en main, le cortège processionnel, toujours ouvert par les confréries professionnelles, et par les 24 bannières, se structure au gré des nouveautés que la réforme catholique introduit dans le paysage urbain : confrérie du rosaire et circonstance oblige, confrérie et bannière du Saint Sacrement, anciens et nouveaux ordres religieux – une dizaine – mais aussi œuvres de miséricorde déploient la démonstration ordonnée du nouvel ordre religieux.
37Nous retrouvons ainsi, au milieu du XVIIIe siècle l’assemblage complexe dont nous sommes partis, celui qu’analysent les commentateurs et que des documents iconographiques, ainsi un précieux paravent peint qui en déploie le cortège nous restituent comme l’arrêt sur image d’un temps aboli, d’une histoire figée sous la double caution du triomphe de la religion et du bon gouvernement dont le roi René est le héros éponyme.
Tensions, démocratisation, dérision
38Il s’en faut cependant que ce tableau soit sans nuages. S’il y a débat entre les doctes, comme on l’a vu, c’est parce que la fête telle que provençaux et étrangers la décrivent, trahit son âge, et pis encore suscite contestations et critiques. l’aristocratie aixoise l’a désertée, elle se replie sur ses hôtels où le carnaval aristocratique déploie ses fastes portes fermées. Le cours à carrosses est devenu un univers régulé, interdit au petit peuple des artisans, cadre d’un cérémonial quotidien dont le chroniqueur Roux Alphéran évoque le rituel compassé.
39Le débat académique que nous avons évoqué entre les doctes, Gaspard Grégoire polémiquant, à quelques décennies de distance avec De Haitze, ne reflète qu’un aspect d’un nouveau climat, où la dérision l’emporte, que ce soit chez les provençaux ou plus encore chez les voyageurs venus de Paris, ou d’ailleurs.
40Vergogne des provençaux : l’abbé Papon, historiographe chargé officiellement par les Communautés de Provence de retracer leur histoire en convient à regret, tout en penchant pour la lecture traditionnelle, dans son Voyage littéraire de Provence : évoquant les mœurs chevaleresques tant vantées dans le XIIIe et XIVe siècles et auxquelles on est redevable de quelques institutions qui en portent l’empreinte, quoique défigurées par le mélange d’une religion mal entendue. Telle est par exemple la fameuse procession de la Fête-Dieu à Aix :
« Le Roi René, Comte de Provence, l’institua vers l’an 1462 ; c’est le temps où les frères de la passion représentaient les mystères sur le théâtre de Paris. Ce Prince ne voulut pas que sa pieuse farce fût bornée dans l’enceinte d’une place ou d’une salle ; il lui donna toute la ville pour lieu de la scène, et cinq jours de suite pour amuser le public ; car ces jeux commencent le dimanche de la Trinité ; d’où vient qu’on dit : lou jour de la trinita lei diables s’assajoun, c’est-à-dire le jour de la Trinité les diables s’essaient, afin que tout soit en état de paraître le jour de la Fête-Dieu. »
41Ironie souriante qui n’esquive pas la critique directe : ainsi, sur l’épisode des teigneux ou Rascazettos « Ce ballet doit être figuratif mais il est difficile de deviner ce que le Roi René a voulu représenter par des acteurs et par un jeu si sales et si dégoûtants ».
42Son contemporain Bérenger, par certains aspects son rival, grâce au succès de ses Soirées Provençales, n’essaie pas pour sa part de tenter quelque justification, et se dédouane vis-à-vis du public parisien en écrivant dans sa seizième lettre « J’aime trop ma patrie pour vous décrire ici l’étrange procession qui attire à Aix tant de badauds à l’approche de la Fête-Dieu ». La place est libre pour les voyageurs méprisants et avertis par toute une tradition progressivement élaborée du préjugé défavorable qui pèse sur ces folies provençales. On pourrait faire une véritable anthologie de ces écrits du siècle : je me limiterai à deux des plus significatifs. L’abbé Coyer, grand connaisseur de l’Europe des Lumières, en est si persuadé qu’il se réjouit d’avoir été dispensé d’y assister, suscitant en retour l’indignation de l ‘honnête Grégoire que cite son texte :
« On m’a beaucoup vanté la Procession de la Fête-Dieu. On m’a plaint de n’être pas arrivé pour ce moment intéressant. Mais enfin, qu’aurois-je vu ? Un porteur-de-chaise fagoté en Reine de Saba ; des apôtres armés de fusils, qui se battent contre des diables, pour défendre le Messie chargé de la Croix ; un Lieutenant d’Amour, rôle toujours destiné à un jeune homme de distinction qui jette des Oranges aux belles Dames ; & autres gentillesses pareilles, au milieu d’une solemnité si auguste. La distribution des rôles est une affaire fort grave ; c’est le Parlement qui en décide. On m’a conté à ce sujet qu’un manant qui aspiroit, sur titre, à être Diable, ce qui étoit en litige, gagna les suffrages par ce trait d’éloquence : Mon père a été Diable, mon grand-père a été Diable, pourquoi ne le serai-je pas ? »
43Il est fâcheux pour la ville d’Aix que cette lettre soit sans réponse, commente Grégoire.
44Marmontel, dans un passage bien connu de ses Mémoires, illustre de façon plus explicite encore, non seulement le dédain d’un visiteur éclairé vis-à-vis des momeries populaires, auxquelles la canaille reste attachée, mais la césure qui se creuse entre une sociabilité des élites aristocratiques, avec ses espaces et son public de bon ton, et les manifestations d’un unanimisme désormais rompu, que l’on visite comme un spectacle exotique et bouffon :
« Le duc de Villars semblait avoir voulu nous rendre témoins du gala qu’il donnait chez lui la veille de la Fête-Dieu. En y arrivant le soir, nous y trouvâmes toute la bonne compagnie de la ville, le bal, grand jeu et grand souper.
Le lendemain, le mauvais temps nous priva du spectacle de la procession qu’on nous avait si fort vantée. Nous en vîmes pourtant quelques échantillons : par exemple un crocheteur ivre représentant la Reine de Saba, un autre le roi Salomon, trois autres les rois Mages, et tout cela crotté jusqu’aux oreilles. La reine de Saba n’en sautait pas moins en cadence, et le roi Salomon n’en bondissait pas moins derrière la reine de Saba. J’admirais le sérieux des Provençaux à ce spectacle et nous eûmes grand soin d’imiter ce respect. J’eus pourtant quelquefois bien de la peine à ne pas rire. Je remarquai entre autres l’un de ces personnages qui, au bout d’une gaule, portait un chiffon blanc et derrière lui trois autres polissons qui faisaient dans la rue des mouvements d’ivrognes toutes les fois que l’homme au chiffon blanc renversait son bâton. Je demandai quel était le mystère que cela nous représentait « ne voyez-vous pas, me répondit le notable à qui je parlais que ce sont les trois mages que l’étoile conduit et qui s’égarent de leur route dès que l’étoile disparaît ? ». Je me contins. Rien n’ôte l’envie de rire comme la peur d’être lapidé. »
45Le contrepoint de cette désertion des élites, c’est qu’inversement les Jeux de la Fête-Dieu se sont démocratisés dans le petit peuple des artisans, attachés à la continuité familiale et aux solidarités comme aux traditions civiques, dans lesquelles ils retrouvent un patrimoine identitaire comme on dirait aujourd’hui. Grégoire les évoque ironiquement en citant la protestation d’un homme du peuple « mon grand père a été diable, mon père l’a été, pourquoi ne le serais-je pas », et tout le monde de le citer ; plus tard Millin à son tour esquissera la scène de genre – à la Hogarth précise-t-il – du garçon boucher comprimant ses formes rebondies dans le corset d’une plantureuse Junon.
46Démocratisés, les jeux se « commercialisent » à la fin de l’ancien Régime : les deux phénomènes ne sont pas sans rapport on s’en doute. Entendons que les à côtés se développent, qui leur donnent l’aspect d’une foire, ce qui ne scandalise pas une partie des autorités. En 1746, deux joailliers, un parisien et un avignonnais, ont ainsi demandé l’autorisation de faire tirer, à l’occasion des jeux, « une loterie à la romaine » dont ils décrivent le mécanisme. En 1784 (le 9 mai) Bertet procureur du roi, commente, dans les écritures du bureau de police la prolifération nouvelle des baraques qui s’édifient sur le cours et dans les rues pour abriter les commerces et divertissements : il déplore que certains citoyens refusent d’en accueillir devant leur maison, alors que d’autres s’y prêtent momentanément. L’année précédente (83 ?) l’idée de les établir au bas du cours n’a été concluante dit-on ni pour le commerce ni pour les citoyens, ni pour les étrangers. On s’interroge sur ce que cache ce pieux silence, que n’éclairent pas des allusions voilées aux motifs des uns d’accueillir les baraques, d’autres de les refuser : stratégies défensives des aristocrates en leurs hôtels ? Mais on comprend aussi les prescriptions de bon sens pour dégager le parcours de la procession sur un itinéraire rationalisé. Ce discours édilitaire d’accent moderne témoigne à l’évidence d’un esprit nouveau dans une partie des cadres de la cité.
47Chéris de la canaille, les jeux de la Fête-Dieu sont cependant devenus pour les élites locales comme pour les voyageurs l’expression d’un folklore exotique même si certains y recherchent l’image d’une Provence brillante sous la houlette du roi René, ce monde que nous avons perdu.
Après la Révolution : le « regard froid » de Millin
48Par un paradoxe cocasse, mais révélateur à sa manière, ce n’est pas la Révolution, du moins initialement, qui interrompt la continuité pluriséculaire de la fête, mais bien ce que l’on désigne traditionnellement comme la prérévolution aristocratique, illustrée à Aix par la Cour du Parlement. C’est lui en effet qui a pris la responsabilité en 1788, quand son opposition à la réforme judiciaire de Lamoignon l’a fait mettre en vacances, de supprimer les jeux, sur le motif hautement philanthropique d’en employer le budget au soutien des dépendants du palais réduits à l’inactivité. Manœuvre démagogique médiocre mais qui témoigne, selon que l’on voudra, de l’importance conservée ou du déclin de la fête dans l’opinion publique.
49Une contre épreuve peut-être apportée par la prudence manifestée par les autorités municipales révolutionnaires à bouleverser l’ordre établi. La fête a été maintenue jusqu’en 1792 inclusivement au prix d’une démocratisation de la procédure de désignation des officiers traditionnels, désormais élus par le corps municipal ; ainsi le titre de prince d’amour a-t-il été dévolu en 89 et 90 à un étudiant en droit, en 92 à un serrurier, cependant qu’un perruquier en 90, un cordonnier en 92 ont assumé la charge d’abbé de la ville, avant que 1793 n’abolisse un cérémonial dont l’esprit n’avait désormais rien à voir avec les temps nouveaux.
50Était-il concevable, au sortir de la Révolution, de ressusciter la fête, si malmenée par les Lumières et à laquelle il semblait que le dernier coup d’estoc avait été porté ? Maurice Agulhon, dans sa fresque de la société provençale à la fin de la période, évoque les « restaurations bien reçues » du retour à l’ordre consulaire et impérial : mais il en a dit aussi les limites, dans le domaine religieux notamment. On apprécie dans cette optique à la fois l’initiative d’une tentative de relais bourgeois, tant dans son projet que dans les termes même qui le justifient. Sallier, maire d’Aix en 1801, annonce la tenue d’une foire de huit jours, en prairial an II, dont l’objectif est de stimuler le commerce et de rétablir l’image de la cité : et c’est en complément que les jeux de la Fête-Dieu pourraient devenir le symbole d’un retour à l’ordre souhaité, avec référence au Concordat récemment signé :
« La foire commencera, en la présente année, le 10 du présent mois de prairial, jour de mercredi : elle durera huit jours consécutifs et finira le 18. – la mairie d’Aix, empressée de donner à cette foire la célébrité dont elle a joui, accueillera les marchands : elle promet à tous protection, faveur et sûreté. – Le dimanche 14, jour fixé par le concordat pour la fête religieuse, la procession solennelle sera relevée par les mystères qu’un roi pieux, ami des lettres et des arts, qu’il cultiva avec honneur, et dont la mémoire sera toujours chère aux Provençaux, établit dans un moment d’enthousiasme que lui inspira la vivacité provençale et la gaieté des habitants d’Aix. – Le 7 prairial, jour de la Trinité, la fête sera annoncée par la sortie des jeux, si bien connus sous le nom de Jeux de la Fête-Dieu. – Le même jour, à quatre heures du soir, la mairie procédera, dans le lieu de ses séances, à la proclamation des officiers qui marcheront à la procession. – les tambours du lieutenant du Prince d’Amour, du Roi de la Basoche et de l’Abbé de la Jeunesse, sortiront pendant les trois jours qui précèdent la fête. – Le samedi 13, veille de la fête, les jeux parcourront la ville. – Le soir, à 9 heures, La Passado, ou le pas d’arme des bâtonniers de la Basoche et de l’Abbé de la Jeunese. Elle suivra les rues dans lesquelles la procession doit passer, en faisant les exercices et évolutions accoutumés. – À dix heures et demie, le guet partira de la maison de ville. Il sera composé des divinités du paganisme, caractérisées chacune par les attributs et les symboles sous lesquels les pinceaux de la fable nous les ont retracées. – Cette marche nocturne sera éclairée par un grand nombre de flambeaux, et animée par les fanfares, trompettes, timbales, tympanons, tambours et tambourins, ces organes si expressifs de la gaieté provençale. – La mairie d’Aix, en reproduisant, en consacrant ces institutions territoriales et toujours chères aux bons Provençaux, se félicite de leur donner un témoignage du vif intérêt qu’elle prend à leurs amusemens et à leur félicité. – Fait à Aix, en la maison commune, le Ier prairial an XII, Signé SALLIER, maire, &c ».
51Protection, faveur et sûreté pour les marchands, gaieté provençale réveillée par l’intérêt porté aux amusements et à la félicité : un nouveau discours tente de se rendre crédible, au nom des valeurs nouvelles réconciliées avec les anciennes traditions. Le test est cruel : l’initiative ne sera pas rééditée... ou presque, si l’on excepte sous l’Empire une singularité qui mérite d’être relevée. Le jeune comte de Forbin, d’ancienne famille aixoise, amateur d’art et peintre lui-même est alors le sigisbée de Pauline Bonaparte qui s’en vient soigner ses vapeurs aux thermes de Gréoux les Bains. Pour elle il fait donner sur le cours une reconstitution de la passade et des jeux. Mais les temps ont changé : et c’est de sa poche qu’il paye les figurants.
52En fait, la cause est entendue, du moins dans les élites qui perpétuent l’esprit des Lumières, mais en y introduisant l’optique nouvelle des idéologues, de ces « Observateurs de l’homme », en qui l’on peut voir les primitifs, ou les imitateurs d’un regard ethnographique, dans leurs récits de voyage, comme dans les commentaires sur place.
53Millin, qui publie en 1807 son célèbre Voyage dans les Départements du Midi, est particulièrement représentatif, point seulement par l’ampleur du commentaire qu’il réserve aux Jeux de la Fête-Dieu, mais par le souci qu’il manifeste de les mettre en perspective historique et même historiographique, car il a lu les textes de ses prédécesseurs, et en donne l’analyse critique. Toutefois son souci d’objectivité ne va pas jusqu’à faire échapper cet « antiquaire » sérieux, personnage semi officiel, prospectant les vestiges du passé sans se désintéresser du présent, à l’esprit persifleur qui avait marqué les tableaux-charges des adeptes du grand tour. Il relate son expérience avec un humour parfois féroce :
« Après avoir vu la course de ces bâtonniers, qui s’arrêtent pour faire leur exercice devant les dames, nous nous rendîmes à la municipalité pour être témoins des apprêts de la bizarre cérémonie qu’on appelle lou gué [le guet].
On tiroit des magasins les vêtemens et les attributs des divinités : chacun savoit d’avance le rôle qui lui était assigné. On appela successivement tout l’Olympe : un garçon boucher se montra pour remplir le rôle de la chaste Diane ; un gros joufflu faisait celui de l’Amour ; l’auguste Junon juroit, et le redoutable Mars étoit terrassé par Vénus, fachée d’être dérangée de sa toilette, au moment où elle relevoit ses cheveux avec un bout de chandelle. L’Olympe paraissoit dans une ausi grande confusion que le jour de l’entreprise audacieuse des Titans, ou lorsqu’il osa se révolter contre Jupiter ; il auroit fallu que le dieu qui rassemble les nuages fronçât son noir sourcil, pour remettre chacun à sa place : mais l’horrible grimace de celui qui étoit chargé du rôle du maître des dieux et des hommes, étoit plus propre à exciter le rire qu’à faire trembler ; c’étoit précisément la célèbre caricature d’Hogarth, des comédiens qui s’habillent dans une grange, mise en action. »
54L’état des lieux qu’il nous livre d’un cérémonial à l’abandon est à la fois précis... et dégoûté : les masques qui servent pour les différents rôles, sont de grosses masses de carton peint, qui emboîtent toute la tête ; c’est pourquoi on les nomme testieros [tétières]. Comme ces masques sont lourds et gênants, ceux qui les portent, les quittent après chaque jeu et s’en servent pour faire la quête. Pendant la révolution, quelques costumes ont été détruits, principalement ceux du lieutenant du prince d’Amour et de ses suivants ; mais les tétières ont été conservées. Avec quel dégoût on doit engloutir sa tête dans cette enveloppe hideuse et profonde, où, depuis trois siècles et demi, trois cent cinquante couches de crasse et de sueur se sont accumulées et superposées !
55Mais s’il ne nous fait grâce d’aucune des anecdotes dont ses prédécesseurs avaient été friands (le treizième diable caché sous une têtière...) il retrouve son sérieux pour confronter les différents schémas interprétatifs qui ont été proposés : écartant avec quelque condescendance la lecture sacrée de De Haitze et des bien pensants, il n’est guère moins sévère pour la lecture « troubadour » dont Grégoire s’était fait le champion, et l’hypothèse des Jeux comme tournoi le laisse sceptique, même s’il adhère au modèle d’une fête de cour mise en forme par le Roi René. Il réserve une attention particulière au commentaire que le suisse Fisch avait consacré à ce cérémonial dans son ouvrage sous le titre « Briefe über die Südlichen Provinzen von Frankreich », sans doute parce qu’il y apprécie une volonté que nous dirons « modélisatrice » dans l’enchaînement des épisodes religieux « M. Fisch a voulu trouver dans ces pantomimes religieuses un plan régulier et suivi », savoir la transition du paganisme au christianisme. À cela il oppose, en antiquaire, une lecture qui se veut érudite en insistant sur l’héritage antique :
« Nous avons déjà dit que les représentations dramatiques composaient, chez les anciens, une partie des pompes et des processions, principalement de celles qui avaient lieu en l’honneur de Cérès et de Bacchus. Les Bachanales que l’on voit sur les vases grecs, nous retracent sans doute des groupes qui ont figuré dans ces solennités : sur un de ces vases, on voit des jeunes gens qui, pour paraître dans ces cérémonies, mettent des masques de Satyres, et s’attachent à la ceinture un simulacre monstrueux de l’organe qui caractérise spécialement ces demi-dieux. Il est également démontré qu’on joignit à ces fêtes des scènes pantomimes qui retraçaient les événements consacrés par une tradition révérée. On y voyait l’arrivée de Cérès chez Celeus, la naissance de Triptolème, les rires immodérés de Baubo. On y représentait l’histoire entière d’un dieu ou d’un héros, et ses principales aventures : c’est pourquoi l’on voit sur des vases peints les plus anciens, les divers travaux d’Hercule, les exploits de Thésée, Bacchus et Ariadne, Oreste matricide. l’usage de ces pantomimes religieuses s’est conservé dans la Grèce, longtemps même après la formation régulière de leur théâtre ».
56Et de remonter à Ptolémée Philadelphe et à la célèbre pompe qu’il organisa à Alexandrie...
57Point n’est besoin alors de se bercer de l’image des tournois d’antan, mais cela ne veut pas dire que la marche de l’histoire n’intervienne pas dans la reconstruction qu’il propose pour sa part laissant au roi René la place qui lui revient :
« Un prince qui aurait eu l’esprit plus guerrier aurait joint à cette fête des représentations de combats ou de tournois : il n’y est question ni de combats, ni de tournois, ni de guerre, ni de chevalerie ; on y fait seulement l’exercice de la pique, le jeu du bâton ; ces exercices sont exécutés, non par des guerriers, mais par des hommes de la riante cour du prince d’Amour et de l’abbé de la Jeunesse.
René n’a rien voulu y admettre non plus qui retraçât le joug de la féodalité : il a représenté les trois ordres de l’État, mais d’une manière qui ne pouvait choquer l’un en l’abaissant au-dessous de l’autre. Le roi de la Basoche est le représentant du tiers-état ; l’abbé de la jeunesse, celui du clergé ; le prince d’Amour, celui de la noblesse, à la tête de laquelle René aurait pu mettre un prince puissant, suivi de ses chevaliers, de ses écuyers, de ses vassaux : au lieu de cela, c’est le prince d’Amour avec ses aimables sujets. »
La Restauration manquée - derniers avatars
58Millin a fait autorité : c’est à lui de préférence que se réfère Monsieur de Villeneuve, préfet Restauration qui publie en 1820 les cinq volumes de sa statistique de Provence, dans l’esprit encore des grandes enquêtes de l’époque impériale. Et le climat politique et idéologique qui prévaut jusqu’en 1830 au moins n’a pas réussi à inverser la tendance. On a réédité la tentative en 1814 pour le Comte d’Artois, puis en 1820 pour la duchesse d’Angoulême mais ensuite le silence se fait... jusqu’en 1851 lorsque Aix reçoit la visite du prince président Louis Napoléon Bonaparte.
59C’est en 1851 que paraît une « Explication des jeux de la Fête-Dieu » sous la plume d’un des chroniqueurs qui ont assuré la transmission de la mémoire aixoise de l’ancien Régime au nouveau, Roux Alphéran, livrant la vulgate ne varietur dirait-on qui a prévalu jusqu’à hier. Ce n’est pas à lui que nous nous adresserons cependant pour évoquer cet épisode, mais à un témoin plus naïf de la nouveauté, un ecclésiastique l’abbé Gueit, professeur de mathématiques au petit séminaire, car il illustre une étape significative de ce qui reste alors des jeux et de la façon dont un clerc bien pensant en justifie l’existence avec l’objectif de pourfendre l’idée que « le bon roi » ait pu « être guidé par aucune pensée rationnelle en mêlant le sacré et le profane ». Cette idée, dit-il, a pu trouver créance chez les adeptes de cette « école soi-disant philosophique dont les efforts sous prétexte de positivisme et de fuite des préjugés ne tendent à rien moins qu’à éteindre dans les intelligences tout sentiment élevé ». Au vrai, l’idée mère du fondateur est « une pensée religieuse mêlée à une galanterie de bon ton ». Sans adhérer complètement à la lecture de De Haitze qui rapportait tout à une pensée religieuse, l’abbé réfute Gaspard Grégoire qui ne perçoit « que des allusions militaires », comme Millin qui n’en a vu « que le grotesque ». Le scénario qu’il présente pour sa part réduit le cérémonial aux jeux profanes du guet, épurés sous le signe de cette « galanterie », et à la passade baptisée du terme de « jeux sociaux ». Des jeux sacrés il ne subsiste que quelques épisodes – la Belle Étoile – et c’est bien un paradoxe significatif que de voir, par respect de la religion, s’opérer la sécularisation du cérémonial sous la plume de notre abbé.
60On peut, ne serait-ce que pour la cocasserie de l’épisode, évoquer in fine, la dernière tentative qui remonte à 1965 sur initiative municipale sous l’égide du Comité des fêtes, des arts et des sports, appuyé par les associations félibréennes et les groupes folkloriques. Avec un présentateur de radio, des figurants recrutés parmi les étudiants en droit, l’objectif en fut une « Reconstitution historique de l’entrée du roi René dans la ville et des jeux de la Fête-Dieu ». La justification du projet est résolument classique : sur l’introduction du programme, il s’agit bien d’un mystère médiéval, dont les épisodes ont été recueillis par le roi René qui les a liés par un plan régulier. Mais sur ces prémisses, le spectacle qui se déroule sur deux jours entre le Palais de Justice, l’Hôtel de Ville et le cours Mirabeau ne retient en fait qu’une démonstration allégée de la passade, et qu’une version des jeux profanes soigneusement épurée de ses éléments incongrus. Des jeux sacrés il ne subsiste rien, mais un spectacle de « chants et farces médiévaux » clôt le dimanche soir le cycle des cortèges prolongés par un bal public et gratuit.
61L’exploit n’a pas été réédité : il y a bien des chances qu’il ne le soit pas sous cette forme du moins. Les jeux de la Fête-Dieu sont entrés dans l’histoire. Ils nous livrent un moins une riche matière à réflexion, à plusieurs niveaux, sur la dialectique de la fête et de l’Histoire.
Auteur
Université de Paris I
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