Les reconversions « ratées » du bassin de Decazeville sous l’œil de la CGT (1960-2000)
p. 205-226
Texte intégral
1Le bassin de l’Aveyron a connu à partir de la Libération une situation économique difficile. Dans les années 1950, la fermeture de plusieurs entreprises s’ajouta aux difficultés des houillères, elles-mêmes confrontées à la concurrence du gaz de Lacq et à la forte progression de la consommation de pétrole. De plus, de sérieux réaménagements productifs ont conduit à des licenciements ou des problèmes nouveaux dans la sidéro-métallurgie locale dominée par les Usines chimiques et métallurgiques de Decazeville (UCMD), par Vallourec et par Vieille Montagne (VM). Quelques points positifs compensaient en partie ces reculs, mais globalement, le classement des cantons d’Aubin et Decazeville en « zone critique », dès janvier 1956, et la « carrure » politique du maire de Decazeville, Paul Ramadier, ne permirent pas de stopper une évolution récessive que le plan Jeanneney, dévoilé en juin 1960, vint encore amplifier. La grève de 66 jours qui s’ensuivit, soutenue par l’ensemble de la population, posa alors très clairement la question du devenir des « mineurs en excédent » et celle de l’avenir économique du bassin et de sa région1.
2Ce premier choc très dur passé, et non surmonté, les entreprises sidéro-métallurgiques locales, qui avaient connu une embellie dans la deuxième partie des années 1960, durent faire face à de graves difficultés dès avant le déclenchement de la crise. Après plusieurs plans de licenciements et de restructuration, les plus importantes d’entre elles fermèrent leurs portes au milieu des années 1980, VM se contentant de licencier ou muter deux tiers de son personnel après avoir délocalisé sa production de zinc brut à Auby (Nord). De nouveau, ce petit bassin industriel (25 030 h en 1975, dans les six communes « ouvrières ») fut confronté à des problèmes de reconversion de salariés et de ré-industrialisation. Les premiers furent, dans l’ensemble, mieux surmontés que vingt ans auparavant, mais les seconds vinrent buter sur la crise économique générale et sur l’impuissance des politiques étatiques.
3Le bilan démographique et humain de toute cette période est fortement négatif. De 1954 à 1999, ce bassin a perdu 44 % de sa population et l’emploi industriel a baissé de façon bien plus importante encore. Durant ces quatre décennies, le marché du travail local a été nettement marqué par l’insécurité de l’emploi, le travail précaire ou sans possibilité de faire carrière, la déqualification des postes, la baisse des salaires, le recours accru aux services publics et aux prestations de l’État social. Et toute la vie locale a découlé des conséquences cumulatives de cette évolution crépusculaire : exode des jeunes, vieillissement de la population, chute des conceptions et des mariages, déclin commercial, forte baisse des effectifs scolaires, dégradation du cadre urbain, difficulté des finances communales… Les différentes équipes municipales ont bien tenté de réagir, notamment à partir du milieu des années 1980 dans le cadre du classement en « pôle de conversion » (1984) et de la mise en œuvre du premier « Programme national d’intérêt communautaire » décrété par l’Europe (1987). Mais les deux tentatives de ré-industrialisation furent des échecs qui pèsent encore sur l’avenir, d’autant que l’exploitation du charbon en « découverte » a cessé en 2001 et que la centrale thermique de Penchot a été arrêtée2.
4Durant toute cette période, le mouvement syndical fut un des acteurs principaux de la vie locale. Comme dans la quasi-totalité des bassins en crise, il a pris part jour après jour, et dans des conditions souvent très difficiles, aux débats incessants portant sur les causes et la nature du déclin ainsi que sur les finalités, le contenu et les moyens des politiques de reconversion et des tentatives de ré-industrialisation. Pourtant, les analyses, propositions et actions syndicales sont le plus souvent peu prises en compte, sous-estimées ou ignorées, tant par les « décideurs » et les milieux de « l’expertise économique » que par les universitaires eux-mêmes3. À partir d’un exemple précis et limité, cet article se propose donc, modestement, de redonner sa véritable place à cet acteur central de la vie économique et sociale locale4.
Des analyses syndicales fortement critiques, à toutes les étapes de cette évolution récessive
5Une étude rapide de la première tentative de reconversion des années 1960 permet de comprendre les critiques formulées par la suite. Parmi les 2 400 mineurs de fond du début des années 1960, 18,6 % sont partis en retraite normale et 12,4 % en retraite anticipée, 12,8 % ont « bénéficié » d’une mutation intergroupe (dont 299 à Carmaux), 14,9 % ont quitté le bassin et le secteur minier pour raison personnelle, découragement…, 13,8 % ont été licenciés et 27,5 % ont suivi un parcours de reconversion. Sur les 660 salariés reconvertis, 183 ont trouvé un emploi à l’extérieur des communes minières et 447 ont été embauchés sur place par les entreprises existantes ou par les trois sociétés créées pour l’occasion (FAMECA, CTA et CEMA). Mais quinze ans après, ces entreprises qui employaient à l’origine 389 ex-mineurs avaient déjà perdu 60 % de leur effectif, et l’entreprise Manuval de Marcillac, qui s’était engagée à embaucher une centaine d’ex-mineurs, n’en avait finalement pris qu’une vingtaine. Si l’on poursuit l’analyse afin de prendre en compte le vécu de ces mineurs reconvertis, mutés, licenciés ou retraités, on s’aperçoit qu’à part ces derniers (touchés cependant par l’ensemble des conséquences signalées du déclin et par le fait que des membres de leur entourage, tels que fils et petits-fils, ont été refoulés du secteur minier), les autres ont dû faire face à des conditions de vie généralement plus malaisées et, de l’avis unanime, bien plus difficiles que s’ils avaient conservé leur emploi précédent (emploi moins sûr, salaires réduits, développement de carrière plus compliqué voire impossible, échec des mutations dans d’autres bassins…)5. La critique syndicale est d’autant plus sévère que les pouvoirs publics avaient refusé de maintenir en faveur des reconvertis le bénéfice de la retraite et de la sécurité sociale minière. Et les reproches sont redoublés par le fait que la déclaration ministérielle du 6 février 1962 avait signalé que les mesures sociales accordées alors dans le bassin aveyronnais représentaient « l’effort le plus important accompli en Europe en faveur des mineurs reconvertis » (prime de reconversion de trois mois de salaire, à laquelle s’ajoutaient 1/10e du salaire mensuel par année passée au fond et 1/10e pour chaque année au fond ou au jour après quinze années de service).
6Les appréciations syndicales concernant les premiers efforts de ré-industrialisation sont tout aussi implacables. Force était déjà de constater cinq ans après que le compte n’y était pas (perte de 2 000 emplois directs) et que les entreprises n’avaient pas été attirées par les importantes aides mises à leur disposition, alors même qu’on se trouvait dans une période de haute conjoncture économique. Ces aides nombreuses et diverses n’étaient pourtant pas négligeables : terrains et bâtiments cédés à faible prix par les HBA qui s’engageaient par ailleurs à former les salariés reconvertis (au besoin avec l’aide de la CECA) ; prime d’équipement non remboursable prévue par le décret du 15 avril 1960 à son taux maximum (elle représentait 20 % des investissements, plafonnée à 7 500 NF par ouvrier s’il s’agissait d’une entreprise nouvelle et à 5 000 NF s’il s’agissait d’une simple extension) ; prêts du Fonds de développement économique et social et de la Société de développement régional (avec possibilité de participation au capital de sociétés nouvelles jusqu’à concurrence de 30 %) ; prêt à 4,5 % des HBA, amortissable à quinze ans à raison de 7 500 NF par mineur engagé ;garantie de l’État et bonification d’intérêt dont pouvaient bénéficier les emprunts ; indemnité de décentralisation (jusqu’à 60 % des frais de transfert de matériel) ; exonération totale ou partielle de la patente pendant cinq ans, sous réserve de l’accord des communes ; réduction de l’impôt sur les dividendes.
7De fait, « l’industrialisation des régions minières » restera dans les années suivantes un des leitmotive de la CGT, de même que « la révision du plan charbonnier », « l’arrêt de la fermeture de puits et d’exploitations », « la reprise de l’embauchage », « l’obtention de crédits importants pour la modernisation et l’amélioration des conditions de travail » et « la revalorisation de la profession minière ». En outre, la population locale demeurera meurtrie par cette première reconversion manquée et gardera la conviction que le bassin avait particulièrement souffert des « mauvaises décisions » prises alors6.
8Dans les conditions de l’échec de la première tentative de reconversion, le Plan Grand Sud-Ouest mis en œuvre à la fin du mandat de Valéry Giscard d’Estaing fut perçu localement à travers le prisme de cette impuissance que l’on tenta de « combler » par des appels renouvelés et plus exigeants à l’État. Les moyens dégagés étaient certes nécessaires mais nettement insuffisants aux yeux de ceux qui venaient de vivre les deux dernières décennies. D’autant que le volet proprement économique se limitait à la création de six ateliers-relais, à une étude sur les sources thermales de Cransac et à l’aménagement de deux modestes zones d’activités. Selon la CGT, c’était « un rideau de fumée » destiné à endormir les salariés et à les détourner des luttes nécessaires. Lorsque fut créée l’Union locale du Bassin, en janvier 1981, afin de répondre « tout d’abord à la nécessité absolue de regrouper toutes les entreprises dans le cadre de la sauvegarde d’un potentiel industriel et économique du Bassin (et) afin de permettre que soit satisfaite la légitime revendication Vivre et travailler au pays », les syndicalistes CGT n’eurent aucun mal à dresser le bilan négatif des années écoulées : « La situation dans le Bassin découle essentiellement des problèmes liés à l’industrie métallurgique et énergétique. À la mine, c’était 5 260 travailleurs en 1948. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 380. Dans la métallurgie, c’était 3 000 salariés environ pour les trois plus grandes entreprises. Aujourd’hui, il n’en reste que 2 300 et ce chiffre ne cesse de baisser. De plus, on ne compte plus les entreprises qui ont disparu : Causse, Fiorio, Replumaz, Clot, les Économats, la Coop, les Tuileries Bories… Combien d’emplois disparus et, si on laisse faire, combien encore disparaîtront ? »7. Et le syndicat en voudra beaucoup par la suite à tous les élus locaux et, d’une façon générale, aux autres organisations syndicales qui s’inscrivirent alors dans une démarche de discussion et de compromis, étant entendu qu’une fois au pouvoir, la Gauche, tout en multipliant les promesses, s’en est tenue à ce Plan Grand Sud-Ouest jusqu’en 1984.
9Venu à Decazeville en octobre 1981, le Premier ministre P. Mauroy fit une déclaration qui restera longtemps dans les mémoires : les entreprises existantes, en difficulté, continueraient de vivre et le Fonds spécial d’adaptation industrielle permettrait, par le biais de prêts nouveaux et de subventions, d’assurer 50 % du financement des investissements créateurs d’emplois. Un discours accepté tel quel, dans l’immédiat, par la CGT qui s’inscrivait alors dans la perspective du changement piloté par la Gauche au pouvoir. Mais le recentrage de la politique économique du gouvernement allait ouvrir une nouvelle période caractérisée, dans le nord-Aveyron, par la condamnation des activités sidéro-métallurgiques, déjà mentionnée, et par le redoublement des luttes syndicales…
10Les importantes mesures mises en œuvre après la fermeture des mines n’ayant pas permis de faire face au marasme, l’historien ne peut être surpris de constater les doutes et les appréciations négatives et virulentes qui ont accompagné la seconde reconversion des années 1980, elle aussi « ratée ». Les mêmes jugements négatifs furent avancés par la population et par la majorité des syndiqués. L’intervention de l’État demeura au centre des discussions et des attentes car les échecs précédents avaient échaudé les esprits et avaient fait prendre conscience aux salariés les plus impliqués dans les luttes que l’État-patron est avant tout patron et que l’État social pourrait difficilement, dans le grand chambardement industriel en cours, remettre en cause les stratégies des grands groupes et des entreprises confrontés la politique d’ouverture à la concurrence décidée à la fin des années 1950. De façon paradoxale, dans le marasme du milieu des années 1980, l’ensemble des acteurs locaux se tourna en effet, une nouvelle fois, vers le pouvoir central, lui demandant des comptes et des moyens supplémentaires ; attitude presque consensuelle8 qui se développera fortement après les fermetures, au point d’irriter les cégétistes (pourtant eux aussi tournés vers l’État). Pour eux, cela masquait les véritables enjeux et minimisait les responsabilités réelles de ceux qui soutenaient (ou avaient soutenu) les politiques menées par les gouvernements successifs et de ceux qui ne faisaient pas le nécessaire pour moderniser les structures industrielles locales déjà existantes, pour assurer leur pérennité et pour mobiliser les salariés contre le déclin.
11L’année 1984 prolongea la promesse de P. Maurois par le classement du bassin en Pôle de conversion (en Conseil des ministres, le 8 février). Mais cette mesure, présentée alors comme fort importante par la presse et par les acteurs locaux, fut perçue avec beaucoup de méfiance par la CGT et FO. Non seulement la situation ne s’était guère améliorée au cours des trois années précédentes mais encore le gouvernement en profitait pour abandonner les objectifs ambitieux de production charbonnière annoncés en 1981 ; un reniement que les cégétistes et nombre de mineurs interprétèrent comme une trahison.
12La politique volontariste de la municipalité de Decazeville, dirigée alors par de nombreux communistes ou ex-communistes, fut au centre des débats après la fermeture des usines : ateliers relais, zones industrielles, réaménagements urbains..., tout cela paraissait à beaucoup d’habitants trop déconnecté d’une réelle politique de l’emploi et d’une nécessaire politique industrielle seule susceptible d’engager l’avenir. D’ailleurs, les pouvoirs publics avaient fait un constat identique à celui des syndicalistes avant que ne soient prises les décisions fatidiques : il s’agissait d’une crise globale et non plus sectorielle. Mais la conséquence qu’en tiraient les responsables politiques était bien différente : il fallait selon eux s’adapter à la recomposition industrielle en cours (que l’on ne nommait pas encore mondialisation), notamment en faisant émerger de nouvelles activités par le biais de l’installation d’entreprises modernes et dynamiques. Déjà le thème de l’attractivité des communes ouvrières et celui des PME de haute technologie pointait… C’était en quelque sorte le message délivré par P. Mauroy lors de sa deuxième venue à Decazeville, le 8 juin 1984 (premier Pôle de reconversion alors visité par le premier ministre). Rejetant la rénovation des entreprises sidérurgiques locales et le projet d’investissement soutenu par l’intersyndicale de la SESD, il réchauffa les cœurs en annonçant la future implantation d’une unité de Renault ainsi que la venue de deux entreprises : CAROUEP (secteur pharmaceutique) et ELSCINT (équipement médical), soit au total 250 emplois. Il promit aussi (savait-il déjà qu’il n’était premier ministre que pour encore un mois ?) la consolidation d’entreprises existantes (la SAM notamment) ainsi que l’activation du Fonds spécial grands travaux pour des opérations d’aménagement du territoire et de désenclavement. Un important volet social devait parallèlement être mis en œuvre (pré-retraites, congés de conversion...).
13Mais la population, un moment dans l’expectative, devra finalement se rendre à l’évidence assez rapidement : aucune des entreprises promises ne viendra s’installer et seule la première phase de consolidation de l’existant sera activée. Le changement de majorité et le veto du nouveau ministre de l’Industrie, A. Madelin, empêcha, en effet, le déblocage des fonds de la deuxième tranche d’investissement et condamna définitivement la sidéro-métallurgie locale. Demeureront cependant le traitement social du chômage et les aménagements urbains (rendus possibles grâce aux aides européennes), la fondation d’un Centre régional d’innovation et de transfert des techniques en 1988 (CRITT déplacé à Rodez quelques années après) ainsi que la création d’un Comité local pour l’emploi dans lequel s’investiront beaucoup les responsables CFDT soucieux de « mobiliser les décideurs » et de « placer le bassin dans les meilleures conditions de mutation industrielle inéluctable »9. En peu de temps, la désespérance sociale due au sentiment d’abandon et à la continuation du déclin fera de grands progrès, sapant une nouvelle fois les forces syndicales, déjà affaiblies par ces évolutions et tentées par le repli sur elles-mêmes et/ou par la radicalisation de leurs discours et actions.
14Tout au long de la période considérée dans cet article, seule la CGT s’est risquée de façon continue à critiquer la politique énergétique et sidérurgique des gouvernements successifs. Dans les moments forts de mobilisation, les autres syndicats ont parfois soutenu, au niveau local, cette visée plus globale (notamment lorsque des intersyndicales se créèrent au sein des entreprises) mais sans s’y aventurer véritablement, la démarche leur paraissant trop politique.
15En matière énergétique, la critique de la CECA (très nette dans les rangs cégétistes), du libéralisme et de la rentabilité avait été portée par les syndicats unis dès 1961. Ils s’étaient déclarés favorables à une politique d’indépendance nationale, faisant remarquer que, localement, il restait du charbon à exploiter pour plusieurs décennies (d’après les propres déclarations des responsables des HBA). Seules les importations des qualités de charbon non produites en quantité suffisante sur le sol national leur apparaissaient justifiées. La CGT ne manqua pas, dans les années suivantes, de prolonger ce discours, un temps favorisé par l’augmentation importante du prix du pétrole puis, après 1981, par la brève politique de relance charbonnière. Sa position était alors mieux comprise en raison de la « nécessaire réorientation de la politique énergétique du pays »10.
16Une approche semblable, aussi « globalisante », de la crise industrielle fut développée dans le cas de la sidérurgie. Elle permit encore à la CGT de critiquer la « casse industrielle » mise en œuvre au niveau européen, mais en « politisant » plus encore la question par la revendication, tout au long des années 1970, de la nationalisation du secteur, puis, après la nationalisation de fait (intervenue en 1978) et de droit (1981), par des appels répétés à l’intervention de l’État, en dépit de l’appréciation très négative de son action. La CGT stigmatisait la politique publique d’assistanat permanent, le coût déplorable de l’inactivité de l’État (qui se contentait d’éponger les pertes) et de ses atermoiements. Durant une dizaine d’années, les pouvoirs publics refusèrent en effet de redimensionner et de valoriser les installations locales qui désormais, pourtant, dépendaient d’eux. Pour les cégétistes, cette attitude était scandaleuse. Un tract très largement distribué témoignait de la colère d’une partie des salariés : « Plus de 6 milliards par an sur le Bassin pour financer la casse. Entre 1984 et 1988 plus de 25 milliards de centimes seront injectés sur le Bassin, provenant de Bruxelles, des Ministères, de la Région, des fonds grands travaux, de la DATAR, des sociétés de conversion SOFIREM, etc. Ces aides publiques considérables ont créé une trentaine d’emplois en 2 ans ! ! ! Chaque emploi en regard de 2 ans de financement aura donc coûté 400 millions de centimes, alors qu’on ne consacre dans le même temps que 65 millions de centimes à la formation. Quel gâchis ! Et les fonds de Bruxelles sont là pour financer les baisses européennes de production d’acier, de charbon. On donne des milliards pour fermer nos entreprises. Oui, de ce côté-là, le pôle de conversion ça marche ! »11. La convergence avec les propositions du Parti communiste était alors plus que jamais manifeste. À tel point que les critiques virulentes des militants CGT et PC les plus en vue à l’encontre du maire de Decazeville amenèrent les élus communistes à se désolidariser des deux organisations, ouvrant une brèche au sein du groupe pourtant le plus réceptif aux luttes des salariés.
17Ces nouvelles divisions, mal comprises par la population et par les adhérents de base, ne seront surmontées qu’une dizaine d’années plus tard et ont, semble-t-il, contribué à fragiliser les forces dont pouvait disposer la CGT12. D’autant que, une fois les fermetures décidées, de nombreux militants eurent du mal à comprendre ce qui se passait. Après avoir lutté en faveur de la nationalisation, nombre d’entre eux se sentirent alors floués et désabusés : l’État sur lequel une grande partie de leur analyse reposait les abandonnait. Ils étaient désormais plus isolés que dans la période 1959-1962 et aucune structure syndicale commune ne parvint à faire la synthèse des approches politiques et pragmatiques portées par les différentes organisations. Ceci explique en partie le repli de la CGT au milieu des années 198013 et la lutte frontale menée contre tous les acteurs locaux du consensus (CFDT, FO, Mairie, Préfecture, CCI, Patronat, Conseils général et régional…).
18La division syndicale était alors très profonde, la CFDT étant particulièrement visée puisqu’elle se présentait elle-même comme force de proposition principale auprès de laquelle le gouvernement puisait ou pouvait puiser ses idées. De plus, ses prises de position contre les « jusqu’au-boutistes » de la CGT qui, selon elle, ne faisaient que répéter « Le laminoir ou rien », sa demande d’adhésion à la Convention de la sidérurgie et son acceptation des mutations alors que la mobilisation des salariés était en cours, sa rencontre avec le président du Conseil régional Dominique Baudis, les convergences entre ses responsables et les milieux institutionnels à propos de la création d’une société locale d’industrialisation et d’une « structure commune de protection, de reclassement et de formation »…, tout cela ne fit qu’accroître les rivalités entre les deux organisations. D’autant que les militants cédétistes étaient peu nombreux et peu présents dans les entreprises sidéro-métallurgiques concernées par les restructurations. La venue de Jacques Chirac à Rodez en mars 1987 cristallisa au plus haut point ce clivage. La CGT mit toutes ses forces dans la bataille, au moment même où le leader cégétiste de Vallourec (Claude Lagarrigue) était poursuivi en justice pour séquestration14 et où le responsable de la fédération de la métallurgie, André Sainjon, appelait à Decazeville même les travailleurs « en légitime défense » à lutter ou à disparaître : « Vivre ou périr », il fallait selon lui choisir15…
Refus du fatalisme et propositions concrètes
19Présenter les analyses syndicales (y compris celles de la CGT) sous le seul angle de la critique négative ne correspond pourtant pas à la réalité historique. À maintes reprises et notamment dans les moments où les organisations ont travaillé au coude à coude, elles ont montré leurs capacités concrètes de proposition, sans pour autant se départir des mobilisations destinées à créer un rapport de force favorable16.
20Lors de la grève de 1961, par exemple, l’intersyndicale ne se prononçait pas pour le maintien pur et simple de l’exploitation du fond. Ses membres avaient opté pour le plan C élaboré en 1959 par la direction des HBA et appliqué pendant quelques mois. Ce plan ménageait les échéances en laissant survivre le fond encore dix à douze ans, le temps d’attendre que la majorité des mineurs aient 50 ans et qu’un réel effort d’industrialisation soit fait. Cela réduisait au maximum les licenciements et étalait dans le temps les problèmes sociaux.
21De même, il ne faut pas oublier que les syndicats, y compris la CGT, acceptèrent dans les années suivantes de siéger et de travailler au sein de différents comités destinés à régler les problèmes du développement local (commission de développement économique régional, Société d’équipement du département de l’Aveyron, Conseil régional d’expansion économique de Midi-Pyrénées...). Les militants CGT n’hésitaient pas non plus, à cette époque-là, à se mobiliser sérieusement pour que les HBA développent la puissance de la centrale thermique de Penchot, assurance future pour l’exploitation à ciel ouvert17. Et force est de constater, aussi, que tout en continuant à défendre l’exploitation minière, les responsables CGT ne se crispaient pas de façon caricaturale sur la seule activité charbonnière. Contrairement à ce que l’on pense souvent, leurs déclarations prouvent qu’ils intégraient peu à peu à leur réflexion le recul et la fin programmée de l’extraction (comment faire autrement, d’ailleurs ?).
22L’exemple le plus abouti de proposition constructive fut cependant celui du plan pour la sidéro-métallurgie locale que les élus au Comité d’entreprise de SESD peaufinèrent au cours des années 1980, lorsque Creusot-Loire abandonna la partie (juste avant de sombrer), laissant à la Compagnie française des aciers spéciaux (CFAS, filiale d’Usinor) la responsabilité du dépôt de bilan et de la fermeture. Ce plan, porté par l’intersyndicale à forte dominante CGT et initialement élaboré par des ingénieurs et techniciens locaux (après voyage d’étude d’un d’entre eux aux États-Unis) fut dans un deuxième temps, sous la pression de l’ensemble des salariés et d’une partie de la population, étudié par des techniciens de Creusot-Loire et du ministère de l’Industrie en liaison avec l’Institut de recherche de la sidérurgie (IRSID)18 ; puis ses chances de succès furent ensuite confirmées par le Centre international de recherche de technologie appliquée (CIRTA) de Genève qui avait réalisé quelques années auparavant une étude sur le bassin19. Il consistait à investir assez massivement sur le site nord-aveyronnais pour combler les retards accumulés, afin de créer localement une véritable filière acier dans le domaine de la sidérurgie fine permettant de fabriquer des produits à plus haute valeur ajoutée. La modernisation du haut-fourneau et de l’aciérie et la construction d’un laminoir directement branché sur la coulée continue centrifuge (procédé dit « à la chaude », très productif et économe en énergie), devaient permettre d’aboutir à un résultat positif tournant autour de 15 millions de francs, alors que les pertes comblées chaque année par l’État atteignaient des sommets (130 millions de francs en 1981 et 1982). Le chiffrage de cette nouvelle configuration technique, qui aurait constitué une première en Europe, avait été lui-même validé par la direction de SESD et par celle de la CFAS. Mais, après l’épisode Asco-métal et l’hypothèse de reprise émanant de la Compagnie française des ferrailles20, le ministère de l’Industrie s’en remit finalement à l’appréciation du PDG d’Usinor, Raymond Lévy : bien que lui-même convaincu des chances de succès d’un tel projet « du point de vue de Decazeville », il refusa de développer de nouvelles capacités de production, arguant du fait qu’il convenait d’avoir une politique de dimension internationale et condamnant parallèlement tout « corporatisme local étroit ». Les syndicalistes les plus impliqués se trouvèrent bien peu récompensés de leur démarche innovante et constructive qui alliait à la fois protestation et proposition. Et la fermeture qui suivra accroîtra dépit, rancœur et regrets dans toutes les organisations ; un sentiment aussi d’immense gâchis et de temps perdu peu propice à de nouvelles propositions « concrètes, fiables et rentables ». Du reste, pour ces syndicalistes, c’était bien un système (le système capitaliste) qui était en cause et non une simple question de rentabilité. L’exemple de la restructuration d’ensemble de la VM et de l’abandon de la production de zinc brut à Viviez confirmait bien à leurs yeux qu’il ne suffisait pas à une entreprise de faire des bénéfices pour maintenir ses activités ; il lui fallait faire le plus de profit possible, ce qui condamnait des sites et des territoires dès lors que d’autres sites et d’autres territoires étaient « mieux placés »21 …
La lutte contre les discours institutionnels mensongers ou créateurs d’illusions et de renoncements
23Au cours de cette période, les syndicalistes ont beaucoup écrit et parlé pour rectifier, préciser ou critiquer ouvertement les discours et les rapports des nombreux « experts » venus ou non sur place pour, disaient-ils, tenter de régler le problème du déclin. Ils ont d’ailleurs remarqué que ces « experts » puisaient essentiellement voire uniquement aux sources patronales et institutionnelles, les salariés et syndicats (notamment la CGT) étant très rarement consultés et le contenu de leurs propositions rarement pris en compte.
24En ce domaine encore, c’est surtout la CGT qui s’est trouvée à l’origine de ces critiques souvent argumentées. Pour ses responsables et militants, ces « experts » ont eu surtout le souci de valider les décisions déjà prises dans leurs grandes lignes, en faisant peu de cas, la plupart du temps, des atouts locaux.
25En 1957, Jean-François Gravier, travaillant alors pour le compte de la CECA, avait par exemple été peu apprécié en préconisant « d’attaquer le problème de cette zone d’emplois en faisant abstraction de ses activités présentes et en la considérant seulement comme une réserve de main-d’œuvre capable d’attirer les industries légères »22. Vinrent ensuite d’autres rapports plus ou moins confidentiels (de la DATAR, des divers « experts » missionnés, d’universitaires) avec lesquels d’ailleurs les syndicalistes pouvaient trouver des points d’accord ou de convergence, puisque d’un point de vue factuel, ces études renfermaient des appréciations positives sur des compétences locales (en savoir-faire ou en formation, par exemple) ou sur de nécessaires aménagements ou investissements à réaliser. Les syndicats appuyèrent même parfois les préconisations de ces « experts » lorsqu’elles allaient dans le sens du développement local. Mais comment croire à l’installation de futures entreprises quand rien n’était fait pour retenir les anciennes ?
26Il n’en reste pas moins vrai que, globalement, les reproches et désapprobations l’ont emporté puisque, en partant de l’existant (c’est-à-dire du déclin en cours) et en ne faisant que prolonger les tendances à l’œuvre (sans remettre en cause les options déjà prises par les gouvernements successifs, par les acteurs locaux et par les groupes industriels), ces études allaient plus dans le sens de l’abandon des activités et du simple accompagnement social des laissés pour compte de la « modernisation » que du réel développement économique et social souhaité par les salariés et leurs représentants.
27L’exemple le plus éclairant de cette analyse critique du discours des « experts » est celui de la CGT concernant la Société de ré-industrialisation de Decazeville (SORID). Cet organisme a été créé en 1987 à la suite de la mission (la cinquième concernant le bassin aveyronnais !) confiée par le ministre de l’industrie A. Madelin à J. Gory (un patron de PME par ailleurs « expert » libéral pour qui seules devaient primer les « réalités économiques »)23. Filiale de la SOFIREM depuis 1997, cette structure institutionnelle affirme œuvrer depuis son origine dans les domaines de la prospection de sociétés, du soutien financier aux entreprises locales et du conseil en gestion, dans une logique d’aménagement du territoire et d’accompagnement des activités existantes. Elle dispose et centralise d’importants moyens financiers, et en 2002, elle intervenait dans 36 entreprises du bassin et dans 18 autres situées dans des communes proches. La CGT ne partage pas à son propos l’appréciation consensuelle des « décideurs » ni celle des géographes24. Depuis sa création, l’Union locale lui reproche son manque de travail : le bilan effectif concernant l’installation de nouvelles entreprises est plutôt maigre et le bassin a continué de se vider de sa substance, en dépit des moyens dégagés. Par ailleurs, comme dans de nombreux autres bassins où officient des agences de ré-industrialisation (dont le travail fut très tôt remis en cause)25, la centrale syndicale lui reproche sa mauvaise gestion des fonds, qui a abouti à un nombre impressionnant d’échecs ancrés pour longtemps dans la mémoire locale, alors même que les responsables de la SORID et les élus locaux affirmaient étudier très sérieusement chaque dossier et n’en retenir qu’un sur dix. Parmi les échecs de la première partie des années 1990, citons par exemple les sociétés Labarre et CERMOOS (stationnement automatisé), ERC et C2D (matériaux composites), STS (câblage électronique), Fabre Guichard, MACBOREM ainsi que l’unité de production du groupe britannique CENTROLA LTD… Ces entreprises, et d’autres encore26, ont déposé leur bilan et fermé leur porte après seulement quelques mois ou quelques années d’activité. Et que dire de la société TUTTICOLORI pour qui l’on avait construit et aménagé des bâtiments neufs, mais qui n’est jamais venue... ; un épisode qui s’est répété tout dernièrement avec un centre d’appel dont les responsables, à la recherche de primes et d’un marché de l’emploi déprimé, se sont révélés être plus des « patrons voyous » que de véritables chefs d’entreprises. Enfin, les critiques syndicales ne s’arrêtent pas là : pour la CGT, la SORID œuvre dans le secret, les organisations de salariés en sont exclues et n’ont pas accès aux informations décisives ni aux comptes. De plus, elle contribue à semer les illusions concernant l’avenir autant que le présent.
28La lecture des documents officiels, en regard de la réalité du déclin, confirme cette approche et permet d’appréhender le caractère idéologique des discours institutionnels : dans une interview réalisée lors de la création de cette société de ré-industrialisation, son premier président, M. Abel, appelait à « prendre le virage et à lâcher le rétroviseur » et justifiait l’application d’un « traitement de choc, pour aboutir d’ici deux à trois ans »27. À écouter les responsables de cet organisme et à lire les publications qui expliquent et structurent ses actions, les communes du bassin seraient sur la voie du renouveau. Émergeraient de nouvelles filières (Bois-PVC, Agroalimentaire, Mécanique, Plasturgie et éco-industrie), consolidées par un système de formation en lien direct avec l’univers professionnel, par une politique d’aménagement du territoire ambitieuse et volontariste et par des réseaux sociaux et professionnels qui permettent de garder espoir. Il resterait bien sûr beaucoup à faire, notamment pour « re-qualifier » le territoire, le rendre attractif, changer les mentalités locales..., mais nul doute que, pour ces « ré-industrialisateurs », il faille encore aller de l’avant et continuer le travail engagé dans le sens de la table rase, si préjudiciable, soit dit en passant, à la conservation du patrimoine industriel28. Voilà quinze ans de discours, d’articles, de prospectus officiels, ceux des dernières années s’évertuant même à faire disparaître le bassin en tant que tel (historiquement constitué), en le noyant dans une « mécanic vallée »29 qui irait de Rodez jusqu’à Limoges et Tulle ou en le dissimulant derrière un nouveau vocable (un nouveau concept ?) : « Aveyron sur Lot ». Tout ce qui fait son identité est proprement nié alors même que, à l’époque de la création de la SORID, les travaux des spécialistes du développement local mettaient déjà l’accent sur la logique de proximité, sur la nécessité de ne pas détruire les structures sociales existantes, de créer de nouveaux rapports entre entreprises et main-d’œuvre, de privilégier le lien entre identité historique d’un territoire et émergence d’activités nouvelles30...
29Pour la CGT, tout cela n’était pas de bon augure pour le développement local, d’autant que les bilans d’activité de la SORID étaient biaisés et portaient à caution. Un communiqué CGT d’avril 1996 affirmait : « Présentée comme un outil d’industrialisation, la SORID est aujourd’hui officiellement reconnue comme une structure inadaptée et inefficace […] À l’absence de transparence sur l’utilisation des fonds publics s’ajoute un côté tragiquement fantaisiste dans l’annonce des emplois créés, tombés de 1 200 en 1992 à 800 en 1995 ». Et le syndicat de revendiquer (loin de toute approche strictement négative et oppositionnelle) une nouvelle structure institutionnelle censée impulser une réelle et transparente ré-industrialisation, en déplorant dans la foulée que les résultats de l’audit de la SORID, réalisé à sa demande par le ministère de l’Industrie en juillet 1994, soient restés secrets.
30Cette condamnation argumentée du discours des « experts » et de ses effets bien réels a été aussi formulée à l’encontre des élus locaux et des politiques qu’ils ont déployées avec le soutien des pouvoirs publics et de la presse31. En tentant d’agir sur l’offre économique elle-même, par des actions volontaristes (du type ateliers-relais ou aménagement de zones d’activités), ils ont toujours été accusés de ne pas tenir compte de la globalité de la crise et de dépenser inconsidérément les fonds publics au profit du secteur privé ou, pire, pour démanteler l’existant ; griefs et désapprobation qui se sont radicalisés à Decazeville dans la période où le maire, P. Delpech, n’hésitait pas à proclamer : « Trois ans après la catastrophe, Decazeville accueille des industries de pointe, saute une génération, avance et gagne »32... De plus, en agissant pour « relever » ou « rectifier » l’image physique et identitaire du bassin (dans le sens même du discours des « experts » signalé plus haut), ces élus ont été accusés par la CGT d’abandonner les atouts locaux (les seuls éléments sécurisants sur lesquels pouvaient compter les salariés et les habitants des communes ouvrières), de semer des illusions nouvelles, de détourner les intéressés de la lutte et de stigmatiser la population locale et les forces sociales critiques sous les traits du passéisme et de la « ringardise ». Et tout en lâchant la proie pour l’ombre, ils auraient accepté de se soumettre à des politiques de type clientéliste issues d’une « démocratie de couloir », (contrepartie directe de la volonté d’apaisement social) et destinées à obtenir le maximum de fonds pour la mise en valeur des politiques communales, mais, au bout du compte, sans grande cohérence et sans volonté de développement industriel. Et les militants cégétistes de rappeler les promesses faites en 1961 par Ch. De Gaulle, en 1981 et 1984 par P. Mauroy, en 1987 par J. Chirac (à Rodez) et en 1989 par J. Chérèque (lors de sa venue à Carmaux) ; liste à laquelle elle rajouta quelques années plus tard les noms de J. Puech et E. Balladur pour leurs déclarations de 1993 et 1995.
Les luttes pour la prise en compte du point de vue des salariés et des populations
31La chronique locale est émaillée jusqu’au milieu des années 1980 de très nombreuses luttes, plus ou moins longues et plus ou moins dures, d’une entreprise à l’autre ou globalisées sur l’ensemble du bassin, avec un renouveau ces derniers temps, centré sur les services publics.
32Des raisons économiques majeures ont mis au premier plan des préoccupations la situation de l’emploi, mais la plupart des luttes, grèves, manifestations, pétitions… de ces quatre décennies déprimées ont soulevé aussi avec vigueur les questions de salaire, de précarité, de statut, de reclassement et de formation, de mutation, de conditions de travail, de répression des militants et des salariés, de démocratie sociale.
33C’est sans nul doute la complexité et la grande diversité des paramètres sociaux (dont chacun avait une conscience plus ou moins nette) qui ont présidé à ce foisonnement d’idées ainsi qu’aux revendications formulées par les organisations syndicales et aux journées d’action et manifestations dont rendaient assez bien compte les trois quotidiens régionaux (La Dépêche, Midi Libre et Centre Presse). La grande grève de 1960-1961 et les vives préoccupations des années suivantes étaient motivées, par exemple, par des tendances sociologiques de fond que la simple énumération, non exhaustive, aide à mieux cerner : impossible retour à la campagne (sur des terroirs pauvres eux-mêmes en profonde restructuration) de salariés prolétarisés depuis plus d’une génération, profondément intégrés et fixés sur ce territoire (96 % des mineurs habitaient alors dans un rayon de 5 km et jamais dans le passé le bassin n’avait compté autant de mineurs fils de mineurs, ni de mineurs nés dans une des communes locales) ; âge élevé des mineurs, avec une majorité dans la tranche des 35/45 ans ; échec – connu de tous – des mutations de mineurs dans d’autres bassins miniers réalisées dans les années 1950 ; nombre important de mineurs « chargés de famille » ou mariés (plus de 82 %) ; effectifs déjà réduits de moitié de 1947 à 1960, à la source de craintes sérieuses concernant l’avenir des enfants, la pérennité du petit commerce et toute la vie locale dans son ensemble ; importants efforts de formation et d’adaptation réalisés individuellement et collectivement lors de la période de mécanisation et de modernisation (sans pour autant que la « qualification » des mineurs puisse être reconnue dans d’autres secteurs) ; forte identité spécifique du groupe minier, valorisée par des conquêtes sociales auxquelles aspiraient plus ou moins secrètement tous les salariés, en cette période de forte croissance (la sécurité sociale minière, la retraite et le niveau de salaire ayant été signalés en 1956 par une enquête de l’INED comme les atouts les plus importants de la profession)33.
34Toutes ces variables de fond doivent être prises en compte pour comprendre les raisons et le contexte des mouvements sociaux de cette période, même si, bien sûr, tous les salariés ne réagirent pas de la même façon ni avec le même entrain. Tous, d’ailleurs, y compris lors de la grave crise du milieu des années 1980, ne furent pas touchés pareillement. Les salariés mis en pré-retraite, par exemple, ou les plus jeunes, non encore « chargés de famille » et bénéficiaires des mesures alléchantes de quelques plans sociaux, ont même pu apprécier de façon positive la situation qui leur était faite (à la VM, notamment). Il en fut de même d’ailleurs pour ceux qui purent acquérir des maisons ou appartements à des prix sous-évalués en raison du déclin économique réel, perçu et envisagé. Les syndicats durent « faire avec » ces comportements et même les accompagner et en tenir compte. Ils ont été aussi confrontés à la génération montante, plus attirée par les emplois tertiaires que par les emplois industriels et miniers (dans la tourmente) qu’ils continuaient de défendre.
35C’est ce constat, allié aux nouvelles menaces qui pesaient sur les services publics locaux (la gare de Cransac, le commissariat et la maternité de l’hôpital de Decazeville ayant été menacés de fermeture) qui a donné l’occasion aux forces sociales locales de renouer ces derniers temps avec d’amples mobilisations (7 000 manifestants en octobre 1998). Après quarante ans de difficultés, force est de constater que la désespérance ne s’est pas encore totalement installée, en dépit de ses progrès : la capacité de mobilisation reste élevée, le Front National a été contenu, le mouvement syndical est désormais perçu comme une réelle force de proposition, plus écoutée que par le passé… Dans un esprit à la fois constructif et combatif, ce renouveau des luttes collectives nord-aveyronnaises, largement impulsé par l’Union locale CGT, a ainsi abouti à la création d’un mouvement unitaire (le « Tous ensemble pour l’emploi dans le Bassin ») porteur d’un projet global pour « l’après-mine » et dont l’actif est d’ores et déjà non négligeable (maternité et commissariat sauvegardés, classement en ZEP du lycée, importante enveloppe financière décidée par le CIADT de mai 2000). Il a aussi conforté, dans la CGT même, les tenants d’une approche plus constructive (celle de la dernière chance ?). Le débat interne a été animé, en 1995, pour que cette nouvelle stratégie soit acceptée et mise en œuvre. Les acteurs institutionnels disparaissant (notamment Charbonnages de France), l’État se désengageant, il convenait de ne plus s’accrocher au seul passé, mais il fallait toujours lutter pour que le « devoir de solidarité » de la Nation envers ce territoire malmené puisse jouer effectivement (en « reconnaissance des richesses créées ici depuis plus d’un siècle et demi », selon les termes d’un militant). On s’intéresse donc aujourd’hui plus qu’autrefois à tous les secteurs d’activités et on accepte de discuter sans préalable de tous les sujets, comme en témoigne la critique serrée faite en janvier 1999 par l’Union locale de l’étude universitaire commanditée quelques mois avant par la SORID, les services de l’État et l’ADIMAC34.
36Au bout du compte, nous avons affaire à des analyses syndicales (surtout cégétistes) à forte teneur locale et régionale mais en lien avec les questions et les enjeux nationaux et dont les vues pessimistes et critiques sont rétrospectivement validées par l’analyse historique du déclin multiforme et continu du bassin d’Aubin-Decazeville. Ces analyses, souvent précédées et suivies par des luttes et actions diverses mais complémentaires, ont en permanence mis en exergue le rôle primordial de l’État et elles ont parfois obligé les pouvoirs publics et les « décideurs » à « rectifier le tir » : les restructurations ont été étalées dans le temps, de même que la fermeture de la mine à ciel ouvert ; les plans sociaux ont été plus généreux que prévu ; les collectivités locales ont reçu des aides considérables pour s’adapter aux évolutions en cours. Mais ces analyses et ces propositions et actions syndicales n’ont jamais été acceptées en tant que telles, notamment dans leurs objectifs les plus constructifs et originaux, tant du point de vue particulier (au niveau des entreprises) que général (au niveau d’un secteur d’activité ou du bassin en son entier). De ce fait, elles n’ont pu remettre en cause les choix stratégiques des entreprises privées et publiques ni les politiques mises en œuvre ces quarante dernières années dans le cadre de l’ouverture européenne et internationale et de la compétitivité. Ne voulant pas faire d’exemple propice à la généralisation des revendications sectorielles et régionalistes en cette période de profond remodelage territorial des activités industrielles, les groupes privés et les gouvernements n’ont rien cédé sur le fond, en dépit de la modestie du bassin nord-aveyronnais et même si la crise y fut précoce et d’une extrême gravité.
37Une des originalités principales de ces analyses tient au fait qu’elles furent nécessairement « à la fois syndicales et politiques ». Cela me conduit à relever les difficultés, voire l’impossibilité qu’a parfois eue l’Union locale CGT, en tant qu’organisation la plus puissante, la plus active et la plus efficace, à dépasser les prises de position trop générales qui pouvaient être assimilées à des incantations et des préconisations déclamatoires « principalement politiques ». Il lui aurait sûrement fallu analyser de façon plus serrée, dans les secteurs considérés, les liens entre l’État et les grands groupes industriels dominants, ainsi que les particularités de chaque entreprise et les possibilités de diversification du tissu industriel. Il aurait peut-être fallu aussi examiner de façon plus aboutie le développement industriel du bassin (et même le simple maintien des activités existantes) dans un cadre géographique plus large, régional, national et européen. Ces « limites » bien compréhensibles expliquent la difficulté récurrente qu’ont eue les militants syndicaux à relier les évolutions nationales et internationales aux aléas locaux ; difficulté il est vrai bien partagée par tous les acteurs de ce passé récent, y compris par l’historien que je suis qui s’interroge plusieurs années après, mais sans encore bénéficier d’assez de recul pour l’analyser correctement.
38Enfin, cette histoire nous permet aussi d’enregistrer les efforts constants du syndicalisme CGT pour « faire des propositions concrètes ». De ce point de vue, il n’est pas vraiment pertinent d’opposer « syndicalisme de contestation et de lutte » et « syndicalisme de proposition et de négociation ». Dans le cas de la CGT, ces démarches ont été constamment présentes et mêlées, comme l’indiquent les exemples donnés ci-dessus dans le cas de la reconversion minière et de la fermeture des entreprises sidéro-métallurgiques. Tout au plus peut-on noter que la configuration des situations concrètes (locales et nationales), que les conditions globales de la lutte des salariés aussi, poussent à mettre plus l’accent tantôt sur une de ces formes de lutte, tantôt sur l’autre.
39C’est donc bien une approche pragmatique, cohérente et originale que nous révèlent ces analyses. Une approche qui infirme la vision d’un syndicalisme arc-bouté sur des acquis et inapte à comprendre les évolutions en cours. Bien au contraire puisque ces analyses, en dépit de leur pessimisme et de leurs limites, apparaissent avec le temps moins simplistes et plus constructives et prospectives que ce que veut bien le reconnaître le « discours ambiant », et aussi plus sérieuses et solides que celles émanant des déclarations et rapports « enchantés » et mensongers des « décideurs », des « experts » et des « institutions ».
Notes de bas de page
1 Sur le déclin en longue période de ce bassin, je renvoie à mon ouvrage Économie et société dans le bassin industriel nord-aveyronnais (1900-1950), Institut CGT d’histoire sociale/Centre confédéral d’études économiques et sociales de la CGT, 1997. De nombreuses références bibliographiques y sont signalées, à compléter par R. Guillaume, Acteurs et enjeux de la reconversion d’un foyer d’industrialisation ancienne - Le Bassin d’Aubin-Decazeville (Aveyron), thèse de Doctorat en Géographie et Aménagement, UTM, 1994.
2 J’ai développé cette histoire récente du déclin local, le 25/11/2005, lors d’un séminaire de l’Université Toulouse-le Mirail consacré au syndicalisme et au développement économique et social du territoire. Je remercie le lecteur de se reporter au texte (à paraître) de cette communication pour les références documentaires précises.
3 Les historiens du syndicalisme n’abordent pas ces questions, y compris lorsqu’ils sont attentifs à l’originalité des programmes de chaque organisation (cf. par exemple, les récentes synthèses de M Dreyfus, de Cl. Willard, et de P. Karila-Cohen et B. Wilfert), et les économistes et géographes spécialistes du développement du territoire ont jusqu’ici peu pris au sérieux le « discours syndical ».
4 Cette étude porte principalement, mais non exclusivement, sur le discours et les actions des syndicats et syndicalistes CGT du bassin nord-aveyronnais puisque l’Union locale de cette centrale a accepté de m’ouvrir ses archives. La CGT a toujours été l’organisation syndicale la plus puissante dans ce bassin bi-industriel. Aux élections prud’homales de décembre 1982, dans le collège des salariés du secteur de Decazeville, elle avait recueilli 44,9 % des voix, loin devant la CFDT (25,7 %), FO (16,5 %), la CFTC (11,2 %) et la CGC (1,8 %). À celles de décembre 2002, elle a encore recueilli 52 % des suffrages, toutes sections confondues (Industrie, commerce, activités diverses, maîtrise-encadrement). Pour une première approche des préoccupations cégétistes, on se reportera au film Decazeville, l’énergie de vivre !, produit par la Fédération nationale des mineurs CGT et la Fédération nationale de l’énergie CGT, Les Films IFOREP, 30 mn, 2000. Ayant conscience des lacunes d’une telle étude, qui mériterait de tenir compte « à égalité » des analyses de toutes les centrales syndicales, je recevrai avec intérêt toute remarque utile, notamment du côté de la CFDT et de FO, pouvant compléter cette première approche.
5 Cette énumération ne tient compte, volontairement, que des problèmes directement liés au marché du travail. Ceux concernant l’évolution des modes de vie, les sociabilités, la santé (physique et mentale) des habitants des « zones en reconversion difficile » mériteraient des études spécifiques et précises.
6 Dans les années 1970, le rappel de cet épisode et de ses conséquences désastreuses sera un passage obligé de toutes les réunions et mobilisations.
7 Discours de Jean-Paul Boyer, Premier Congrès de l’UL du Bassin, 24/01/1981, salle de la Coop, Decazeville (Arch. CGT). L’orateur aurait encore pu rajouter, dans la liste des entreprises disparues, la Société des bitumes spéciaux créée dans les années 1950 par UCMD et Vallourec, et la Société des produits chimiques de Viviez qui employait encore 60 salariés en 1978.
8 De ce point de vue, force est de constater que les déclarations tonitruantes du député MRG Rigal convergeaient avec celles des responsables départementaux du PS et du PC, de même que les prises de position du Président UDF du Conseil général, Jean Puech (fin 1986-début 1987, la presse locale regorge de ces appels à l’État jugés plus ou moins hypocrites et illusoires par les cégétistes).
9 Cf. l’article « Face à face - CGT-CFDT », La Dépêche, 18/02/1984.
10 La question de l’indépendance nationale demeurera centrale dans l’argumentaire cégétiste, jusqu’à ces dernières années, de même que celle de la cohérence et du dynamisme des politiques industrielles nationales et régionales, cf. Fédération nationale CGT de l’Énergie, du Sous-sol et des industries chimiques, L’énergie en toute clarté. Arguments pour un débat national, VO Éditions, juin 1998.
11 CGT info, Pôle de conversion. Seuls la casse, le chômage et les gâchis avancent, Tract de 4 pages, 1986 (Arch. CGT). Un article du Monde, Les pôles de conversion trente mois après. Un bilan de la France malade (6/10/1986), faisait alors la différence entre les pôles où les résultats étaient décevants (Decazeville et Albi-Carmaux en faisaient partie), ceux où l’on notait des améliorations incontestables (Caen, Le Creusot…), ceux liés aux chantiers navals où l’avenir allait encore s’assombrir (Dunkerque, La Ciotat, La Seyne) et enfin les régions de l’arc nord-est où la situation était plus contrastée et la conversion « une tâche de longue haleine ».
12 Le communiqué de soutien des élus communistes au maire Pierre Delpech est paru dans La Dépêche du 24/03/1987.
13 Le nouveau cours de la vie politique nationale et la nouvelle orientation stratégique de la confédération ont compté dans ce repli-là qui ne relève pas seulement, bien sûr, de la confrontation sociale locale.
14 La plainte déposée par la direction de l’entreprise sera finalement retirée après une campagne de mobilisation particulièrement active.
15 Cf. La Dépêche, 11 et 13 mars 1987.
16 Un document établi en février 1997 par l’UL FO de Decazeville montre que l’analyse du déclin et la nécessité de faire des propositions concrètes sont largement partagées (cf. Constats et propositions de FO, UL FO de Decazeville, Audition par le CESR du 20 février 1997, 4 p, document communiqué par J. Gaubert). Ce qui a différencié, au fond, la CGT des autres centrales syndicales, jusqu’à ces dernières années, c’est la conviction que la France pouvait et devait avoir une solide politique industrielle (y compris dans les secteurs « anciens », minier et sidérurgique) et la certitude qu’il faut créer un véritable rapport de forces pour faire progresser d’un même pas revendications salariales (largement entendues) et projets territoriaux structurants.
17 Les archives de la CGT, à Decazeville, renferment divers dossiers relatifs à cette activité militante foisonnante.
18 Cf. SESD-Comité d’entreprise, La sidérurgie de l’an 2000 à Decazeville, Exposition, 15-17/12/1983, plaquette de 12 pages.
19 CIRTA (1982).
20 Il s’agit là de deux « moments » qu’il faudrait conter par le menu pour comprendre à quel point les salariés et les syndicats ont pu se sentir bernés par la suite.
21 Il faudrait en dire plus sur la lutte menée alors par les salariés de la VM et sur les propositions alternatives qu’ils formulèrent après que la direction eut annoncé l’arrêt de la production de zinc brut, même si elles étaient moins originales et d’une autre nature que celle évoquées ci-dessus pour les entreprises decazevilloises. Cette histoire reste aussi à faire, comme celle, d’une façon générale, de la présence de VM en Aveyron depuis 1871.
22 Cf. Études régionales d’emploi, Auvergne-Aquitaine, Publication de la CECA, Luxembourg, 1957, p 68.
23 Cf. l’article de R. Lajoie-Mazenc, « Bassin. Une mission Kamikaze et psychologique », La Dépêche, 3/12/1986.
24 R Guillaume, dans son étude Systèmes productifs localisés, action publique et innovation dans la « Mécanic vallée », Programme SPL, 2000-2001, estime que cette société illustre bien l’opération de re-dynamisation du tissu économique, « à la fois originale et volontariste », impulsée par l’État. Quant aux enquêteurs de Legrand Fiduciaire, Rapport de l’expert-comptable du Comité central d’entreprise HBCM -Reconversion des bassins miniers, avril 2002, ils écrivent que la SORID est un « élément positif », un « outil dynamique à forte réactivité », sans toutefois omettre de signaler des insuffisances (décisions trop rapides, dossiers analysés sans assez d’esprit critique…).
25 En témoigne l’article d’Alain Lelaube « Heurs et malheurs des sociétés de conversion », Le Monde, 7/07/1988.
26 Par exemple AFFIMIDI et AVERPLAST, hors de la zone d’intervention de la Sorid.
27 Interview réalisée par le Midi Libre, 17/05/1987. Près de vingt ans après, le constat est cruel…
28 Cf. A. Boscus, 2005, p. 48-53.
29 La réalité de cette « mécanic vallée », qui bénéficie du label SPL DATAR depuis 1999, mériterait d’être étudiée de plus près. Les dimensions relationnelles entre entreprises ont bien été mises en évidence, mais le caractère éclaté de son territoire et la faiblesse de son identité socioculturelle en font une entité « hybride ». Elle est surtout signalée dans des plans marketing qui ne permettent pas véritablement de cerner les perspectives, les dynamiques internes, les atouts, les implications humaines et historiques qu’une telle définition implique. La présentation qu’en a fait le CESR est de ce point de vue bien trop schématique pour permettre d’y réfléchir sereinement. Cf. Les systèmes productifs locaux en Midi-Pyrenées : vers une nouvelle dynamique territoriale, CESR, rapport de Robert Penard (2001) et de la DATAR, Les Systèmes productifs localisés, La Documentation française, Coll. Territoires en mouvement, 92 p. Pour une approche historique des SPL, on consultera avec profit R Cazals et J.-M. Olivier, Les historiens et les Systèmes productifs locaux, 2001 (consultable sur le site internet du CIEU/UTM).
30 Cf. entre autres, B. Pecqueur, 1992 et G. Benko et A. Lipietz, 1992.
31 C’est une campagne de presse de grande ampleur qui fit croire au début des années 1990 que le bassin de l’Aveyron sortait du marasme et était en train de réussir sa reconversion. Outre les journaux locaux, citons quatre articles « grand public » vertement critiqués alors par les militants CGT : « Decazeville a meilleure mine », Le Magazine de Midi-Pyrénées, n° 28, Décembre/janvier 1992 ; « Decazeville avance », Supplément Spécial Aveyron, Le Point, n° 945, 1990 ; « Decazeville sur ses rails », Courrier Cadres, 6/12/1991, n° 947 ; « Decazeville mise plus que jamais sur l’industrie », Le Monde, 9-10/09/1990. Dès le printemps 1987, c’est-à-dire en plein marasme, les « institutionnels » avaient déjà tenté d’imposer l’idée d’un renouveau proche (grâce à la création de la SORID et du CRITT et grâce aux nouvelles formations qui allaient être dispensées au lycée de Decazeville). Pour un exemple de ce discours destiné, selon la CGT, à « endormir les salariés », cf. l’article de R. Lajoie-Mazenc pédagogiquement et significativement intitulé : « …Et ça repart. Le Decazeville nouveau arrive. Autour d’un site industriel abandonné apparaissent des perspectives de développement », La Dépêche, 15/05/1987.
32 Bulletin municipal de Decazeville, numéro spécial, « Decazeville avance… », juin 1990, 32 p.
33 Cf. P. Cornuau, J. Milhau et A. Girard, 1957.
34 Note de quatre pages du 8/01/1999 communiquée par J.-P. Boyer. L’ADIMAC est l’Association de développement du Massif Central qui, dans le cadre de la « Mécanic vallée », s’est imposée, à côté de la SORID, comme un des plus importants acteurs institutionnels chargés du développement du bassin. L’étude universitaire est celle de J.-M. Zuliani et R Guillaume, 1998.
Auteur
Université de Toulouse-le-Mirail, FRAMESPA
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