Un monument à la gloire de Parme : la Description de Moreau de Saint-Méry
p. 17-34
Texte intégral
1Moreau de Saint-Méry, né le 15 janvier 1750 à Fort de France, ouvert aux cultures contemporaines et anciennes, homme des colonies et de la France, ce créole de la Martinique vit à cheval sur deux époques : homme du XVIIIe certes, mais aussi de l’Empire napoléonien.
2Chez cet homme curieux de tout ce qui concerne l’homme, chez ce Martiniquais profondément attaché à sa terre natale, mais plus français que quiconque, se reflètent de manière harmonieuse et évidente les aspects principaux de ces deux cultures et de ces deux époques.
3Choisi par Napoléon comme représentant de la République française à Parme, où il arrive au printemps 1801, ce bourgeois de 51 ans est doué d’une solide formation juridique, scientifique et littéraire mûrie au temps de sa jeunesse dans le Paris des philosophes.
4Il n’avait que dix-neuf ans lorsqu’en 1769 il arrive de son île natale dans la capitale française pour y poursuivre ses études de droit et où, poussé par l’enthousiasme qui caractérise la jeunesse, sa curiosité, son besoin de communiquer, de parler et son ardente soif de savoir l’amènent à ne rien négliger de ce que cette métropole européenne lui offre.
5Paris vivait en ce temps-là des moments de pleine effervescence politique et culturelle. Dans ce milieu très favorable à l’épanouissement d’une personnalité aussi curieuse, souple et frémissante que la sienne, nous voyons cet adepte du progrès se passionner pour des théories philosophiques très diverses, voire opposées : tantôt séduit par Montesquieu, tantôt par les encyclopédistes et par Diderot, tout à sa passion pour l’utilité et son culte pour la raison, tantôt rousseauiste convaincu.
6Au couronnement de ses études en 1771 on le voit soutenir en latin sa thèse de bachelier en droit et, l’année suivante, obtenir le diplôme d’avocat au Parlement.
7C’est à ce moment-là que Moreau voit se préciser sa vocation : être avocat et consacrer sa vie à la politique sans abandonner l’étude des lettres, de l’histoire, de la philosophie.
8L’étude des classiques et des lois a contribué à fortifier à la fois son sens moral et son idéologie politique, comme à renforcer son idéalisme et son pragmatisme optimiste, typique de la philosophie des lumières, qui pour lui, se concrétisent en une confiance complète dans l’homme et dans ses facultés de l’esprit et, surtout, dans une sorte de culte encyclopédique de la connaissance et du savoir instruments de conquête sociale et de progrès civil. « C’est en interrogeant le passé, en consultant ceux qui l’ont précédé dans la carrière, écrit-il à ce propos, qu’il [le savant] saura mettre à profit jusqu’à leurs erreurs et mériter d’être pris pour modèle à son tour »1.
9En 1774, riche de l’expérience des cinq années passées dans la capitale française « à étudier avec ardeur »2, fort d’une solide préparation juridique, il s’embarque pour son île natale ; de là il passe à Saint-Domingue où il obtient une place d’avocat. C’est pendant ce séjour au Cap que Saint-Méry entreprend un lent et laborieux recueil des lois de cette île, d’abord par intérêt personnel, ensuite poussé par le gouvernement français qui en 1783 l’appelle à Paris pour continuer et compléter ses recherches : c’est dans la capitale que Moreau se trouve juste au moment où la Révolution éclate. On le voit prendre une part active aux événements en se montrant à la fois ardent partisan du réformisme, et ardent adversaire de l’illégalité. Victime de l’hostilité des éléments les plus radicaux du mouvement révolutionnaire et de Robespierre ; en 1793, pour échapper à la guillotine il doit s’exiler aux États-Unis d’Amérique où il restera pendant cinq ans3.
10Les années passées en terre américaine seront fondamentales pour sa carrière d’écrivain, puisqu’il eut la possibilité de compléter et de publier presque toutes ses œuvres les plus importantes, celles qui lui donnèrent la réputation d’être la plus grande autorité dans les affaires coloniales4.
11Saint-Méry avait donc tous les papiers en règle pour réussir dans la mission qui allait lui être confiée par Napoléon, c’est-à-dire convaincre l’Infant de Parme de céder son Duché à la France. Une série de vicissitudes ne lui permettront pas de conclure cette affaire, mais la mort soudaine (et suspecte) de don Ferdinand viendra résoudre le problème. Son titre de Résident de la République Française se transforme alors pour Moreau de Saint-Méry en un poste d’Administrateur Général des États de Parme, Plaisance et Guastalla.
12Muni de pleins pouvoirs il va commencer, non sans difficultés et dans une optique qui s’inspirait ambitieusement de Du Tillot, premier ministre du duché à son époque la plus florissante, une grande œuvre réformatrice de la petite capitale. Celle-ci, après le départ de Du Tillot et de la mauvaise politique du duc, souverain faible, craintif et trop dévot, se retrouvait considérablement appauvrie dans son patrimoine artistique après le pillage napoléonien.
13L’action politique de Saint-Méry à Parme sera complétée par son œuvre d’écrivain et de chercheur infatigable, de savant, expert de droit, passionné pour l’histoire et les arts, de bibliophile raffiné, de polygraphe presque graphomane – en témoigne la quantité démesurée de ses ouvrages manuscrits ou imprimés. Il nourrissait une immense confiance dans la possibilité de la parole et de la communication : « la plus belle faculté que [l’homme] tienne de la nature, écrit-il à ce propos [est] celle de transmettre ses idées et d’exprimer ses sentiments »5.
14Ces aspects de sa personnalité et son caractère prendront souvent le dessus sur le fonctionnaire, au point de déchaîner la colère de Napoléon qui le destituera de sa charge en 1806, avec l’accusation, parmi d’autres, d’être « trop écrivain »6. Mais c’est justement grâce à ces qualités qu’il va laisser ce témoignage important à la gloire du duché : la Description topographique et statistique des États de Parme, Plaisance et Guastalla7.
15Mais suivons dans les détails ce qui s’est passé à partir du moment où Saint-Méry est nommé par Napoléon Conseiller d’État en service extraordinaire : on était au mois d’août 1800 ; l’année suivante, il fut envoyé à Parme.
16« Nommé résident de la République Française, pour remplir une mission près l’Infant don Ferdinand, duc de Parme, annonce-t-il dans son Voyage de Paris à Parme8, en attendant que je passe à Florence auprès du Roi d’Étrurie, en qualité d’ambassadeur, je suis parti de Paris le 23 février 1801, à 10 heures et demie du matin ; […] nous arrivâmes à Parme à 8 heures et demie […] du 15 mars […]. Voilà donc notre voyage terminé ». Le lendemain dans cette sorte de Journal de voyage il note, « me voilà donc à Parme avec les fonctions de Ministre de France », et en attendant les ordres supérieurs du Premier Consul concernant son ministère auprès du Roi d’Étrurie – déplacement qui n’aura pas lieu, sa mission continuant dans le duché9 – il manifeste son projet d’étudier et la Cour et les États de Parme « avec autant de soin que j’en pourrais employer, désirant connaître tout ce que je serai à même de voir dans cette Italie si célèbre, et d’où l’on doit rapporter des idées d’un ordre supérieur, pour être en état et d’en entendre parler avec fruits et d’en parler soi-même avec intérêt »10. Lorsqu’en août 1801 il fut décidé qu’il continuerait de résider à Parme, Moreau prit donc la résolution de profiter de tous ses moments de liberté pour se livrer d’une manière approfondie à ses recherches sur le Duché, « qui durant environ six mois, n’avaient eu pour objet, que les objets considérés en masse »11.
17Lorsque, par la suite, à la mort de l’Infant don Ferdinand, « […] la confiance du Premier consul me choisit pour être l’administrateur général des trois états […], continue-t-il, j’ai été encore plus occupé qu’auparavant de m’instruire de tout ce qui avait trait aux États confiés à mes soins »12.
18À partir de ce moment, on voit Moreau adopter une nouvelle méthode de recherche : de l’observation des objets en général il passe à une investigation capillaire : la Description présente en effet toute l’histoire de ces États, depuis leurs origines jusqu’en 1811. Voilà comment Saint-Méry en explique et justifie le prolongement temporel : « J’avais d’abord pris la résolution d’arrêter ma description à l’époque du 1er vendémiaire (23 septembre 1805)13, parce que l’organisation française avait succédé ce jour-là à l’administration particulière des États de Parme, mais plusieurs motifs également puissants m’ont fait changer d’opinion. D’abord, le temps nécessaire à la rédaction de cet ouvrage devant produire un intervalle depuis le 23 septembre 1805 jusqu’à sa terminaison, j’ai cru ne pas pouvoir m’abstenir de parler des choses survenues depuis lors, quand elles ont rapport immédiat avec des faits antérieurs. […] Enfin tout a semblé me faire une loi de continuer, jusqu’au moment même de la publication de cet ouvrage, les détails relatifs à un pays que je n’ai pas habité et dirigé pendant si longtemps sans m’y attacher et pour lequel je conserverai toujours l’intérêt sans lequel un administrateur ne peut prétendre à la connaissance de ses administrés. Je dois dire aussi, toutefois, que je n’ai pas cru devoir changer ce que j’avais à publier des États de Parme considérés tels qu’ils étaient à l’époque de la mort du dernier Infant, parce que c’eût été altérer un ensemble qu’il fallait faire connaître »14.
19Avant de présenter dans les détails la Description, je voudrais rappeler que tout le long de son ouvrage Moreau ne le mentionne que comme Description des États de Parme et il désigne les habitants comme habitants des États de Parme, bien que le titre complet de l’ouvrage indique les noms des trois villes des états étudiés.
20S’apercevant de cette sorte de préférence, au moment où il commence à décrire le Département du Taro, Moreau donne au lecteur une sorte de justification, en expliquant qu’il ne parle que de Parme parce que Parme a presque toujours été la capitale de ces États, parce qu’elle a donné le nom à ces États, lors même que la résidence des souverains était à Plaisance et que l’on dit toujours le duc de Parme et jamais le duc de Plaisance, puisque « […] le seul nom de duc de Parme désignait tout à la fois le Prince de Parme et celui de Plaisance, mais encore celui de Guastalla »15.
21L’œuvre tout entière, écrite, dit-il, dans le but de faire mieux connaître ces États, « […] résultat de cinq années d’observations faites et avec l’amour de mes devoirs et avec le goût que j’ai manifesté depuis plus de trente-cinq ans pour ce genre de connaissances »16, se composait à l’origine des neuf volumes de la Description des États de Parme, Plaisance et Guastalla, (dont il n’en reste plus que six) et des deux volumes de l’Historique-États de Parme qui en sont la suite.
22Je ne veux pas parler ici de l’Historique qui a déjà fait l’objet d’une présentation et d’une analyse17 et qui n’a pas le même intérêt que la Description dans le but que je me propose d’illustrer aujourd’hui.
23La Description lui a certainement coûté cinq années de recherches ; mais s’il est vrai que tout le long de son séjour parmesan Saint-Méry s’adonne à une étude très ponctuelle et passionnée du duché et amasse le matériau documentaire sur lequel se fonde la charpente de l’œuvre tout entière, il est pareillement vrai que la détermination de l’administrateur et la passion de l’historien seulement ne peuvent pas avoir suffi pour recueillir, tout seul et en un si bref délai de temps, la copieuse matière qui lui a servi comme source de son ouvrage. Pour sa compilation il a aussi utilisé, en effet, beaucoup de mémoires – c’est-à-dire des rapports informatifs très détaillés concernant les sujets les plus disparates relatifs aux États de Parme – que des personnages plus ou moins connus lui avaient envoyés, aussi bien en sa qualité officielle d’Administrateur Général, qu’en celle de curieux de notions historiques18.
24En plus, pour pouvoir recueillir la plus grande quantité possible de données, Saint-Méry s’est servi d’un questionnaire qu’il avait envoyé à tous ceux qui, dans le Duché, pouvaient répondre à ses besoins de documentation. Instrument fondamental de recherche, moyen d’enquête rapide et moderne, témoin de ses qualités d’organisateur, ainsi que de son efficacité et de sa rigueur, ce questionnaire se composait de 53 dimande19, concernant les différents aspects des États de Parme, tels la géographie, le climat, la santé, le caractère des habitants, les usages, les traditions, le commerce, l’agriculture, les industries, la religion, la bienfaisance, l’instruction, les beaux-arts etc., et l’ordre suivi dans les dimande est le même que l’auteur a maintenu ensuite dans la rédaction de son ouvrage. Dans la formulation de ce questionnaire Moreau s’est sans doute inspiré du Plan de topographie proprement dite, embrassant l’économie rurale, les arts et le commerce, du Citoyen Dralet, imprimé à Paris en l’an IX ; ce n’est pas un hasard, je crois, qu’un exemplaire de ce Plan se trouve parmi les documents utilisés pour la compilation de la Description20.
25Pendant ses années passées à Parme, Saint-Méry ne prend que des notes ; c’est seulement à son retour à Paris qu’il rédige l’œuvre tout entière, grâce à la correspondance avec sa fille restée à Parme, où elle avait épousé le comte Dall’Asta, et avec ses amis qui continuèrent à lui fournir des informations et des documents sur la ville21. Cet ouvrage, qu’il était en train de composer, il le fit connaître par des lectures présentées à l’occasion d’assemblées littéraires ou de réunions mondaines. À ce que Moreau nous témoigne dans son Journal22, le succès de l’ouvrage fut vif.
26À côté des recherches faites dans les archives de Parme et de Plaisance et des renseignements recueillis grâce aux questionnaires envoyés dans les diverses villes du duché, Saint-Méry utilise aussi pour sa Description plusieurs récits des voyageurs qui l’avaient précédé en Italie, même si leurs informations sur le duché se révèlent souvent insuffisantes et inexactes23. « À parler rigoureusement, tout ce que nous savons en France de la description de l’Italie moderne, nous a été procuré par les récits des voyageurs » que Moreau divise en deux classes : celle des « curieux de beaux-arts et des monuments antiques » et celle des « […] curieux de notions politiques » mais, parmi ces derniers, « […] l’on compte à peine quelques personnes » puisque les notices relatives à la politique « […] ont toujours été les moins recherchées de nos descripteurs et n’occupent que quelques pages de leurs ouvrages »24. L’enquête de Moreau se poursuit avec la reconstruction de l’histoire des États de Parme qui s’appuie sur des témoignages qu’il vérifie ponctuellement avant de les coucher sur le papier.
27Saint-Méry avait déjà eu une expérience de plusieurs années avec ce genre de recherche : il ne faut pas oublier qu’il s’était déjà dédié au même type d’enquête ; trente-cinq ans auparavant, il avait commencé une longue et patiente recherche concernant les Antilles, recherche qui avait donné des fruits très importants. Je fais allusion aux Lois et Constitutions des Colonies Françaises de l’Amérique sous le Vent (publié à Paris entre 1784 et 1790), un imposant recueil qui constitue le meilleur corpus iuris des colonies sous l’Ancien Régime, à la Danse (publié à Philadelphie en 1796), à la Description de la partie espagnole de l’Île de Saint-Domingue (publié à Philadelphie en 1796) et à la Description de la partie Française de la même île (publié à Philadelphie en 1797), ouvrages, tous, qui restent jusqu’aujourd’hui des textes de référence et qui ont rendu immortel le nom de Moreau de Saint-Méry dans le domaine de l’histoire des Antilles françaises et espagnoles à l’époque coloniale sous l’Ancien Régime25.
28Il est intéressant de remarquer que les deux Descriptions de Saint-Domingue utilisent les mêmes thèmes et présentent le même enchaînement des chapitres que la Description des États de Parme et que leur ordre aussi est le même que celui que Moreau avait donné aux dimande distribuées pour son enquête sur le Duché.
29Il n’est donc pas difficile de s’apercevoir que l’auteur a partout suivi le même schéma qui s’appuyait sur deux points : le premier, qu’on pourrait appeler idéal, consistant dans la volonté de décrire le plus fidèlement possible la vérité, et le second, qu’on pourrait appeler matériel, prévoyant la même organisation des arguments : topographie, climat, végétation, mœurs et usages, législation, justice, agriculture, économie, division administrative etc., et adoptent la même disposition à l’intérieur de chaque ouvrage26.
30La Description est donc le fruit exemplaire d’un travail mûri par l’expérience ; j’ajoute, cependant, que le titre que Moreau a donné à son œuvre est très réducteur : en effet les deux adjectifs « topographique et statistique » sont insuffisants à la définir. Il faudrait en ajouter deux autres : « historique et littéraire » pour donner l’image complète du caractère de cet ouvrage27.
31Le premier des neuf cartons qui constituent la Description s’ouvre avec le Plan et motifs de cet ouvrage ; après onze chapitres réservés à un aperçu topographique très schématique des trois États où sont indiqués morphologie, climat, température et saisons, Moreau dédie un ample espace à la description des mœurs (chapitres 11 bis-14, p. 125-539) ; à cela font suite trois chapitres dédiés respectivement au clergé, à la noblesse et au gouvernement depuis les Farnèse jusqu’à don Ferdinand de Bourbon, (chapitres 15-17, p. 540-827). Le chapitre 18, le dernier, est réservé à tout ce qui concerne la législation (p. 828-1078).
32Le deuxième carton a comme objet l’agriculture, l’instruction publique et les lieux de bienfaisance (chapitres 19-21, p. 1079-2778)28.
33Le troisième carton29 concerne encore les lieux de bienfaisance (suite du chapitre précédent). Le chapitre 22 est dédié à l’industrie, le commerce, les manufactures, les arts et métiers. L’examen du commerce est repris dans le chapitre 23, avec lequel le carton se conclut (p. 2.781-5754).
34Le quatrième carton30 concerne impôts, impositions, finances et droits relatifs aux gouvernements qui ont précédé l’administration française. Le tout intégré par Moreau avec des notices relatives à sa propre administration (chapitre 24, p. 5761-7358) À la suite se trouve une partie comprenant les actes et les décrets de Napoléon entre 1805 et 1811 ayant pour titre « Administration des États de Parme depuis le mois de juin 1805 » (p. 7.359-7431).
35Ici se termine la première partie de la Description et s’ouvre une seconde partie, consacrée au « Département du Taro » (chapitre 25, p. 7433) ; tel est le nom que les États de Parme reçurent après le décret impérial du 21 juillet 1805, qui établissait qu’à partir du 23 septembre le territoire des États de Parme serait organisé dans les quatre Arrondissements de Parme, Borgo San Donnino, Plaisance et Guastalla. À partir de ce point la Description adopte la nouvelle structure établie par l’organisation française qui consistait en la division du territoire en départements, arrondissements, cantons, mairies et communes.
36Cette seconde partie de l’ouvrage comprend (outre la partie finale du quatrième carton, qui se conclut p. 8316), les cinq derniers cartons et contient la description des arrondissements de Parme, Borgo San Donnino et Plaisance, depuis leurs origines jusqu’en 1811 ; elle contenait aussi la Description générale du Guastallais, que Moreau affirme avoir conservée à l’intérieur de son ouvrage, « quoique le don fait de ce Duché par l’Empereur à la princesse Borghese, sa sœur, en ait amené la vente au Royaume d’Italie en 1806 »31.
37Cette seconde section, qu’on peut définir historique-artistique « […] sera, précise Saint-Méry, un complément du titre de description topographique et statistique des États de Parme »32.
38Il s’agit, en effet, de pages où, abandonnée l’énumération détaillée et obstinée des données statistiques, l’auteur privilégie l’observation des objets qui s’offrent à sa curiosité et il s’arrête sur tout ce qui concerne les arrondissements de Parme (cinquième carton, suite du chapitre 25, p. 8317-10570/sixième carton, fin du chapitre 25, p. 10677-12230), de Borgo San Donnino (septième carton, chapitre 26, p. 12231-13814), de Plaisance (huitième carton, chapitre 27, p. 13817-14953/neuvième carton, fin du chapitre 27, p. 14957-16201) et de Guastalla33 (fin du neuvième carton, chapitre 28, p. 16201-16430).
39Dans ces pages, nées du contact direct avec l’atmosphère du lieu et avec l’esprit des gens, Moreau réfléchit et compare attentivement ce qu’il voit : il présente les habitants, les rues, les places, les théâtres, les jardins, les églises, les tableaux et les statues, les palais, les bibliothèques, les prisons… ; le tout parsemé de notations concernant à la fois ses rapports avec les habitants des États qui lui avaient été confiés, et son action politique d’Administrateur Général. Il faut remarquer qu’il saisit toutes les occasions possibles pour faire allusion aux effets positifs de la présence de la France dans les États de Parme.
40La recherche analytique qui est à l’origine de cette imposante œuvre encyclopédique peut faire apparaître ses pages comme une espèce d’énumération froide et obstinée de notices géographiques, historiques, topographiques et statistiques. Les pages les plus importantes et les plus originales de cette Description sont, toutefois, celles où Moreau, oubliant un peu sa tâche de récolteur infatigable et minutieux, se laisse aller à raconter les États de Parme en homme sensible à la beauté de la nature et des arts et à la misère de ses habitants, dont il juge les mœurs avec une sévérité parfois excessive. On se trouve en présence de la réflexion de l’historien et du sociologue qui permet une détente, suscitée par la contemplation du beau et par la recherche de la mémoire historique, du détail piquant, de l’anecdote curieuse. Ces lectures très agréables sont dissimulées parmi des lois, des règlements et des décrets, à l’intérieur d’un parcours rigoureusement géométrique et schématique. C’est une sorte de causerie que l’écrivain déguisé lui aussi en promeneur nous propose, suivant les étapes d’un voyage imaginaire où il esquisse des tableaux, rapporte ses impressions, ses émotions parfois, se livre à des réflexions touchant des domaines aussi divers que les mœurs, l’histoire, la politique, la langue, la religion, l’économie, les sciences ; il nous parle de l’éducation, de l’amitié, de l’amour, de la littérature, des beaux-arts, de la musique, il décrit le climat, les paysages, leurs différences et leurs effets sur les mœurs et l’économie.
41Dans « la partie la plus difficile à traiter », celle dédiée aux mœurs des habitants des États de Parme on remarque des reflets très évidents de la pensée de Montesquieu quand Saint-Méry souligne l’influence que joue le milieu sur le comportement des habitants et celle que le climat et la physionomie du territoire ont sur leurs mœurs : « […] en effet, écrit-il, quoiqu’il soit possible que certains traits généraux puissent du premier coup d’œil suffire pour distinguer les habitants d’un pays et caractériser leur physionomie morale, il est toujours rigoureusement vrai que ces traits sont plus ou moins marqués, plus ou moins effacés à raison de mille causes, telles que le site, le sol, la température, la population, les productions, la facilité des communications, les événements politiques, en sorte que les mœurs peuvent offrir des différences très remarquables »34.
42Il n’est pas difficile de s’apercevoir que Rousseau est parmi ses référents les plus importants lorsque, en évoquant Jean-Jacques, il rappelle « la mauvaise influence qu’ont les villes » sur leurs habitants, ou qu’il saisit l’occasion pour faire un éloge de la simplicité des « bons sauvages » de la campagne et de la montagne, encore préservés « des mœurs des villes […], de la corruption des cités »35. Mais il n’est pas rare, observe Moreau, que les vertus pastorales cèdent à la corruption urbaine : cela a lieu quand les propriétaires des fermes « viennent y passer des mois de l’été […] et y faire ce qu’on nomme la villeggiatura et gardent les mœurs des villes où ils séjournent l’hiver »36.
43Dans la Description on trouve aussi des passages inspirés par le sentiment de la nature où émergent le goût de l’auteur pour la vie simple et ses préoccupations pour le futur de l’homme. En ceux-ci Moreau se réserve presque timidement des espaces lyriques, dédiés à des évocations de scènes de la vie des champs, que sa plume transfigure en faisant apparaître comme inexistants les vices qu’il vient de dénoncer.
44C’est le cas du chapitre dédié à la musique et à l’influence heureuse qu’elle joue sur les mœurs où il peint ce tableau délicat : « […] et combien de fois dans des différents lieux des États de Parme, passant le soir devant l’une de ces Madones qui y sont si multipliées, je me suis arrêté pour entendre des chants que je trouvais délicieux. Et qu’était-ce ? Des réunions de jeunes filles qui de leurs voix innocentes célébraient la Vierge par excellence en chantant ses Litanies. Elles disaient sans les comprendre, puisque c’était dans une langue étrangère, toutes les merveilles de la mère de Dieu, mais cette langue est aussi accentuée et elles la chantent avec une variété de sons, tels qu’on aurait cru entendre un concert dans une école de musiciens »37.
45C’est le cas aussi du chapitre dédié à l’agriculture, véritable hymne à la terre et à ses produits38, et de la page dans laquelle on voit voltiger les couleurs et les parfums enivrants des fleurs : « Les fleurs étalent dans les contrées que je décris, leurs notes éclatantes en même temps qu’elles y répandent les parfums les plus doux et les plus suaves, selon que leur propre nature et l’action du soleil développe mieux leurs principes. Dans ce climat elles procurent des jouissances hâtives dont la tendre violette vient en quelque sorte offrir les premières ; la pensée à l’habit velouté ; la rose, ou plutôt les roses, car il en est de différentes couleurs et de couleurs mélangées, mais toutes magnifiques et d’une nuance vive, montrent leurs grâces. Elles sont l’aurore du printemps et bientôt toutes ces fleurs s’empressent à l’envie de naître et de charmer l’odorat. Le jasmin, l’œillet, le muguet, l’aubépine, le réséda, la jonquille, la fleur d’orange, la tulipe, l’anémone, la giroflée simple, la giroflée double, la jacinthe, tout est jaloux de parer de beaux jours et la tubéreuse se fait reconnaître de loin par son odeur pénétrante ; l’œil est charmé, l’odorat est un moyen par lequel la nature porte à l’âme des sensations qui lui plaisent ; les sens sont enivrés, le luxe de la nature excite l’imagination, les passions s’animent, la vie redouble malgré la langueur que la chaleur produit et moitié ravissement, moitié délire, une seule âme suffit à peine à la reconnaissance de tant de bienfaits »39. On y trouve encore un passage où il décrit la scène idyllique des rendez-vous des jeunes paysans les soirs des dimanches et les amours innocents qui naissent de ces rencontres ; le voilà : « L’amour est aux aguets, […] c’est au lieu fixé qu’arrivent […] dans les soirs des dimanches et des fêtes les jeunes filles […] C’est là que se réunissent alors les jeunes garçons, pour choisir leurs maîtresses, qui communément deviennent leurs femmes. Ils les accompagnent au retour jusqu’aux portes de leurs habitations. C’est presque la seule circonstance où ils ont le temps de se parler et de se connaître »40.
46Quand il s’agit, au contraire, de décrire les habitants du Duché « que les mauvaises mœurs affligent »41 tout à coup son ton se révèle moralisateur et ouvertement censorial : aucune tentative de voiler sa condamnation à l’égard d’une société où « tous, sans distinction vont se prosterner à chaque instant au pied de l’Éternel et où, tous, ont sous leurs habits des images de saints et le stylet », une société « dégradée au point de se vanter d’user l’arme qui est celle des assassins : ce stylet mortel qu’on plonge dans le sein des adversaires avec une adresse qu’il faut appeler horrible »42, une société qui allait se perdre dans un « dérèglement des mœurs » qu’un total « dérèglement des sens » avait généré.
47Un peuple en décadence, donc, celui qui sort de la plume de Saint-Méry, un peuple qui, craignant le naufrage cherche à s’accrocher aux spectacles, « fréquentés avec une sorte de fureur »43, aux bals où « l’on va, observe-t-il, au-delà de ce que la décence peut admirer sans rougir, et où la danseuse, l’œil égaré à demi clos et les bras abandonnés, semble tombée dans une extase dont l’idée ne peut être reproduite dans un bal, sans offenser la vertu »44 ; un peuple qui cherche à s’accrocher aux mascarades et aux festins « qui satisfont des besoins qui savent se passer de délicatesse, mais pas de sensualité »45. Un peuple divisé entre riches et pauvres, victime d’un clergé avide et corrompu et ruiné par un duc bigot et incapable.
48« Je suis bouleversé, écrit-il, par l’effroyable misère morale et matérielle qui se présente sous mes yeux », et il pointe son index « avec courage », dit-il, contre un pays « où tout ce qui concerne les anneaux de la chaîne sociale est relâché et attaqué dans son essence »46. Ici chaque valeur est renversée au point que « l’oisiveté semble être changée en vertu et l’horreur du travail que la superstition entretient par l’assiduité aux temples y est […] au dernier terme » ; et de l’oisiveté, comme on sait, naissent les vices et « ceux-ci, observe Saint-Méry, engendrent les crimes à leur tour : l’exercice de la médisance, les noirceurs de la calomnie, les fureurs du jeu, les excès et les suites de l’ivrognerie en sont les déplorables effets »47.
49À toutes ces « mauvaises qualités » morales s’en ajoute une autre matérielle : « la malpropreté » que Moreau pourrait pardonner « à ceux à qui l’indigence ne permet plus de la combattre », mais qu’il n’admet pas pour « les rangs les plus élevés » de la société, où il remarque l’horrible contraste entre « luxe et manque de propreté », où « personne n’attache du prix aux soins de sa personne ». Et « en malpropreté ce sont les femmes qui l’emportent » insiste-t-il48. Ce n’est pas la première fois que les dards de Saint-Méry se dirigent contre les femmes. Dans un carnet d’une quarantaine de pages (numérotées de 161 à 195), sans titre et dédiées au « cavalier servant », mais appartenant incontestablement à la Description49, Moreau réfléchit sur l’éducation qui « […] corrige les mœurs, […] enseigne à réprimer ses passions, […] et rend le commerce de la vie plus doux et plus sûr ». Mais, observe-t-il, « […] l’éducation est fort négligée […] dans les États de Parme […] et absolument nulle quant aux femmes » et les Parmesans sont orgueilleux de leur ignorance qui est devenue leur « marque de supériorité ». (p. 161-166). Après avoir sérié les dégâts dus à l’ignorance, tels la superstition, le manque de l’autorité paternelle, de l’estime réciproque et de l’amour entre les époux, il remarque que « les femmes sont sans pudeur et sans honte »50 (p. 170-173), que les jeunes filles, « […] parvenues à la nubilité (entre 13 et 14 ans), ont un amant et font l’amour » que « […] la première chose qu’a appris la jeune fille […] c’est de ne pas rougir » et, qu’une fois perdue la timidité qui devrait être une vertu, « défiant tous les regards », elle arrive à montrer ses effusions amoureuses « même dans la rue » et il conclut ses observations en ajoutant que « la jeune fille entre dans le lit nuptial sans innocence et que si l’on veut des modèles de vertu il est peu raisonnable de les chercher dans les États de Parme »51.
50Dans ces pages le ton de l’auteur devient à tel point dur qu’il paraît peu justifié ; on se trouve en présence d’une sorte de raideur, j’oserais dire excessivement cinglante qui, si d’un côté rend la description plus suggestive et donne l’impression d’une spontanéité qui ignore les contraintes de la composition, de l’autre montre un manque absolu de bienveillance que la sagesse de l’âge et le but éducatif du philosophe – « chagrin » comme Moreau aime souvent à se définir – demanderaient.
51Dans l’analyse de la réalité parmesane, la comparaison entre la situation que Moreau trouve dans le duché à son arrivée et les fastes mythiques de l’Athènes d’Italie – c’est ainsi qu’on appelait Parme à l’époque de Du Tillot – est inévitable. On s’aperçoit facilement que Moreau prend toujours comme point de comparaison l’action politique et culturelle exercée par Du Tillot sur le Duché52 et, confrontant ce passé mythique avec l’état misérable des États de Parme à la mort de don Ferdinand, il aime voir dans la présence de la France actuelle une nouvelle période de splendeur qui s’ouvre pour les États de Parme.
52Avec une sobriété élégante, même si elle est parfois parsemée de quelque subtile pointe de grandiloquence – et ce sont des moments de presque exaltation – il fait l’éloge de la présence positive de la France, porteuse d’un futur radieux et il réfléchit sur son action d’administrateur avec des paroles chargées de promesses : « L’on peut dire avec la plus exacte vérité qu’avec les lois que je viens de rapporter – écrit-il après avoir présenté ses modifications et ses innovations dans le domaine législatif – les États de Parme […] éprouvèrent un changement total et absolu »53, changement rendu possible, comme il fait remarquer tout de suite après, seulement grâce à la politique innovatrice et réformatrice de Napoléon qui avait débarrassé le vieux Duché « des entraves de la féodalité », en avait changé « toute la face » et qui en extirpant « les anciennes idées et les anciens préjugés » avait donné aux États de Parme la possibilité de vivre une vie nouvelle, grâce aux changements « les plus étonnants »54.
53Mais, il poursuit :
« l’acte le plus décisif, celui qui montre le plus les sentiments de Sa Majesté Impériale et Royale pour les habitants des États de Parme et qui en fait de véritables Français eut lieu le 24 mai 1808. C’est la date du Senatus-Consulte qui réunit ces États à l’Empire Français sous le nom du Département du Taro. Ce jour a donc été l’époque d’une nouvelle ère pour ces lieux […]. Il [le Département] est désormais couvert par les ailes de l’Aigle français et fait partie de l’un des plus puissants empires qui ont jamais existé »55
54La « mythisation » de Bonaparte continue dans cet éloge passionné où le bénéficiaire de la France est l’Italie toute entière :
« […] Un jour nouveau a lui sur l’Italie. Le jour de la justice est arrivé. Elle respire tout entière. […] Une grande puissance veut qu’elle revienne au bonheur, un héros plus grand encore que son immense pouvoir l’y appelle et saura l’y conduire d’un bras ferme et invincible : Rome est devenue l’apanage de son fils. La terre des merveilles en verra donc des nouvelles et la patrie des hommes de génie le reviendra pour leurs descendants. Dans des siècles de ténèbres et d’ignorance la France reçut de l’Italie des étincelles du flambeau de Prométhée et la France à son tour lui rend de quoi le rallumer »56.
55Comme on peut observer dans ces notes qui remontent à 1811, Moreau ne laisse transparaître aucune haine ni aucune animosité pour les torts qu’il avait subis : son admiration et son respect pour Bonaparte sont restés les mêmes dix ans après57.
56Les pages où Moreau revient sur son action politique ont presque la saveur d’un mémorial dans lequel on trouve des évaluations, des bilans sur son administration et sur celle qui l’a suivie et d’où sortent la volonté et le désir de justifier son activité d’administrateur. Malheureusement, malgré tous ses efforts, plusieurs obstacles l’ont empêché de mener à bien ce qu’il avait commencé, à savoir : le caractère provisoire de son mandat, la déplorable situation financière et administrative des États de Parme, les frais de guerre et de maintien de l’armée française et en dernier, mais plus important à son avis, la rupture entre son action d’Administrateur Général et les dispositions de Bonaparte qui, à partir du 1er juillet 1805, rendirent exécutoire dans les trois États le code Napoléon, invalidant les lois et les ordonnances qu’il avait préparées.
57Dans ces pages, où l’auteur exhibe les éléments qui avaient joué contre la réussite de son action dans les États de Parme, on voit transparaître aussi bien la désillusion de l’homme politique et du législateur que la crainte de ne pas obtenir l’approbation de ses administrés et « de nouveaux droits à l’estime générale, seul bien que chaque jour je prise davantage »58. C’est la même idée d’estime de soi confiée à la postérité qu’on trouvait dans son Discours sur l’utilité du Musée établi à Paris de 1784, où il soulignait que le siècle actuel est ingrat avec les savants qui doivent, pour cela, redoubler leurs efforts « dans l’espoir qu’une postérité moins prévenue les estimera pour ce qu’ils valent »59.
Notes de bas de page
1 M.L.E. Moreau de Saint-Méry, Discours sur l’utilité du Musée établi à Paris prononcé dans la séance publique du 1er décembre 1784, par M.L.E. Moreau de Saint-Méry, Parme, Bodoni, 1805, p. 9.
2 La citation est tirée d’une biographie manuscrite de Moreau de Saint-Méry (dorénavant Biographie) conservée à l’Archivio di Stato di Parma (dorénavant ASPR), Fondo Carte Moreau de Saint-Méry. Dono Monza, b. 3, p. 5. Ces feuilles, qui ne sont pas de la main de Moreau, n’ont pas de titre et présentent des ratures, des corrections et des adjonctions posées par l’auteur.
3 Ce fut au cours de ce séjour américain que Saint-Méry connut Talleyrand, avec lequel il se lia d’amitié et qui préparera son retour en France et le signalera à Napoléon. Voir à ce sujet S. L. Mims, Voyage aux États-Unis de l’Amérique 1793-1798, by Moreau de Saint-Méry, New Haven, Yale University Press, 1913.
4 Voir ci-après la note 25.
5 Discours sur l’utilité du Musée établi à Paris, op. cit. Voir aussi : Moreau de Saint-Méry, Discorsi sul progresso civile, a cura di Marzio Dall’Acqua e Valentina Bocchi, Parma, Agorà, 1989, p. 44.
6 Il est évident que les accusations de Napoléon qui provoquèrent sa brusque destitution étaient de toute autre nature : il fut accusé d’incapacité et de manœuvres administratives, mais la cause principale fut sans doute la révolte éclatée en 1806 dans les montagnes du Plaisantin contre la loi napoléonienne sur la conscription militaire obligatoire, que Moreau ne sut pas réprimer efficacement. Il garda son titre d’Administrateur Général des États de Parme jusqu’au 12 février 1806, date de son renvoi à Paris. À Parme il sera remplacé par le général Junot. Il mourut à Paris en 1819.
7 M.L.E. Moreau de Saint-Méry, Description Topographique et Statistique des États de Parme, Plaisance et Guastalla à l’époque de 1811, dorénavant Description, ASPR, Fondo Carte Moreau de Saint-Méry, Dono Monza, carton1/1-1/8, dont le n° 3 et le n° 6 manquent ; il s’agit d’un manuscrit inédit, en bonne partie autographe, (deux autres mains concourent à la compilation de l’ouvrage : une appartenant au fils de Moreau, secrétaire de l’Administration Générale de Parme, l’autre à une personne dont on n’a pas pu établir l’identité). L’existence d’un neuvième carton dédié à l’État de Guastalla est confirmée par les renvois fréquents de l’auteur aux pages du même carton et par la présence de son index détaillé ainsi que de la dernière page de ce même carton et d’une Table Indicative des Chapitres Généraux de la Description Topographique et Statistique des États de Parme (dorénavant Table indicative). Ce manuscrit, de main non identifiée, mais avec des notations et des corrections autographes, est daté du 29 mars 1811. Tous ces documents se trouvent à l’ASPR, Fondo Moreau de Saint-Méry, Dono Monza, b. 3.
8 M.L.E. Moreau de Saint-Méry, Voyage de Paris à Parme (dorénavant Voyage), ASPR, Fondo Carte Moreau de Saint-Méry, Dono Monza, b. 5, manuscrit inédit (92 feuilles numérotées de 2759 à 2848), de main non autographe, mais avec des adjonctions et des ratures de Moreau, où l’auteur offre un compte rendu, en forme de journal très détaillé, de son voyage vers Parme et des premiers jours de sa présence dans la ville.
9 Sa mission consistait à convaincre le duc Ferdinand à se retirer et à céder ses états à la France, selon ce qui avait été établi dans les traités de Lunéville (1800) et d’Aranjuez (1801).
10 Voyage, op. cit., 16 mars 1801.
11 Description, I, p. 2.
12 Ibidem, p. 9.
13 Date à partir de laquelle le territoire des États de Parme, Plaisance et Guastalla fut organisé dans les quatre Arrondissements de Parme, Plaisance, Borgo San Donnino et Guastalla, faisant partie du Département du Taro. Cela à la suite du Décret Impérial du 21 juillet 1805, qui imposait aussi que les fonctions de l’Administrateur Général devaient être les mêmes que celles des Préfets de France.
14 Description, I, p. 15-16.
15 Description, IV, p. 7741-7742.
16 Ibidem, I, p. 9.
17 Voir : Moreau de Saint-Méry, Historique-États de Parme 1749-1808, a cura di C. Corradi Martini, Reggio Emilia, Diabasis, 2003.
18 Tout le matériel que Moreau recueillit à Parme est conservé en partie à la Biblioteca Palatina de Parme (dorénavant BPPR) en 33 boîtes, Fondo Moreau et en partie à l’ASPR, Fondo Carte Moreau de Saint-Méry, dono Monza.
19 Un exemplaire des Dimande est conservé à la BPPR, Fondo Moreau, Cassetta XXXI, cartella 2.
20 BPPR, Fondo Moreau, Cassetta XXXI, cartella 5. Dans ce Plan on lit la note suivante : « Ce tableau fait partie d’un ouvrage du C. Dralet, qui a remporté le prix au jugement de la Société d’Agriculture du Département de la Seine, en l’an VIII, et est inséré dans le t. II de ses Mémoires, an IX, p. 230, Paris, Huzard ». Voir à ce sujet : L. Brunazzi Celaschi, La storia dell’Università di Parma negli scritti e nell’azione politica di Moreau de Saint-Méry, dans « Studi Parmensi », 1979, XXVI, p. 74.
21 Les lettres que Moreau envoie de Paris à sa fille nous renseignent sur les informations et les documents provenant de Parme après le mois de février 1806, date de son départ forcé pour Paris. Voir : Lettere familiari di Moreau de Saint-Méry, 1806-1817, autographes et inédites, ASPR, Carte Moreau de Saint-Méry, Dono Monza, 2/1-2/6. Tout au long de la Description, toutefois, on a des témoignages des nombreux rapports informatifs que Saint-Méry reçut de Parme après 1806. Parmi les correspondants de Moreau nous signalons Giovanni Battista Duplan, secrétaire de Moreau à Parme, Carlo Giuseppe de Platesteiner, ministre des finances à Parme jusqu’à 1815 et Gian Battista Bodoni, le célèbre imprimeur à qui l’on doit la publication de plusieurs écrits de Saint-Méry.
22 L.M.E. Moreau de Saint-Méry, Journal 1801-1806, manuscrit en bonne partie autographe et inédit, ASPR, Carte Moreau de Saint-Méry, Dono Monza, 2/1- 2/6. Voilà quelques notations de Moreau à ce propos : 17 avril 1806 « Lu à la Société libre le morceau des cavaliers servants. Il a eu le plus grands succès » ; 8 juin 1806 « Je leur lis – la note concerne une réception chez des amis – mon morceau sur les cavaliers servants » ; 11 juin 1806 « Lu – la note se rapporte à une autre réception – De l’influence de la musique sur les mœurs de l’Italie » ; 16 juin 1806 « Présidé l’Athénée des Arts. J’y lis mes cavaliers servants : extrêmement applaudis » ; 23 juin 1806 « Présidé l’Athénée des Arts. Lus mes fragments sur les usages de Parme » ; 25 juillet 1807 « Été à la Société Libre : j’y lis la Pêche, la Chasse et la Danse ». Une note relative au 23 juillet 1806 se retrouve aussi dans la Description (I, p. 275) : « La Pignate. Lu à la séance publique de l’Athénée de Paris ».
23 Voir les fréquents renvois à ces ouvrages tout le long de la Description, et en particulier les Indici di più opere compilati da Moreau de Saint-Méry, ms. 533, BPPR, Fondo Parmense : Indici di viaggi in Italia di Lalande, Guyot, Labat, Duclos. Indici delle Lettres Historiques sur l’Italie par Brosses. Indici delle Lettres sur l’Italie par Rolland de la Platière. Indici delle lettere di Paciaudi au Comte de Caylus.
24 Description, I, p. 9-10.
25 M.L.E. Moreau de Saint-Méry, Lois et Constitutions des colonies Françaises de l’Amérique sous le Vent (de 1550 à 1785), suivies : 1° d’un tableau raisonné des différentes parties de l’Administration, 2° d’observations sur le climat, la population de la partie française de Saint-Domingue, 3° d’une description physique, politique et topographique de cette même partie, le tout terminé par l’histoire de cette isle, par M. Moreau de Saint-Méry, Paris, Quillau-Méquignon jeune, 1784-1790, (6 vol. in 4°).
M.L.E Moreau de Saint-Méry, Description topographique et politique de la partie espagnole de l’isle de Saint-Domingue, avec des observations générales sur le climat, la population, les productions, le caractère et les mœurs des habitants de cette colonie et un tableau raisonné des différentes parties de son administration, Philadelphie, imprimé par l’auteur, 1796.
M.L.E Moreau de Saint-Méry, Danse. Article extrait d’un ouvrage de M.-L.-E Moreau de Saint-Méry, ayant pour titre : Répertoire des notions coloniales, par ordre alphabétique, Philadelphie, imprimé par l’auteur, 1796. L’œuvre sera publiée de nouveau à Parme par Bodoni en 1801 et en 1803.
M.L.E Moreau de Saint-Méry, Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’isle de Saint-Domingue, avec des observations générales sur sa population, sur le caractère et les mœurs de ses divers habitants, sur son climat, sa culture, ses productions, son administration, Philadelphie, imprimé par l’auteur, 1797.
26 Voir : L. Brunazzi Celaschi, op. cit., p. 71-72.
27 Voir : E. Carra, Gli inediti di Moreau de Saint-Méry a Parma, Parma, Fresching, 1954, p. 40 et suivantes.
28 À la page 2778, la dernière de ce deuxième carton on lit : « allez à la page 2781 ». Les renvois de ce type, tous autographes, sont très fréquents au cours de toute l’œuvre ; parfois ils indiquent un saut d’une ou de quelques pages, parfois d’une quantité beaucoup plus consistante. C’est grâce à ces renvois que j’ai eu la possibilité de considérer l’appartenance à la Description d’un fascicule dédié aux mœurs, mais non compris parmi les pages de l’œuvre, ASPR, Carte Moreau de Saint-Méry, Dono Monza, b. 3. Voir à ce sujet C. Corradi Martini, Misoginia di Moreau de Saint-Méry nella ricostruzione dei costumi parmigiani di fine Settecento, in Francia e Italia nel XVIII secolo : immagini e pregiudizi reciproci, a cura di V. Ramacciotti, Atti del convegno italo-francese della Società di Studi sul secolo XVIII, Torino, 1994. p. 267268, note 7.
29 Cette reconstruction n’a pas été faite d’après le troisième carton de la Description (qui manque), mais d’après la Table indicative. Voir supra, note 7.
30 À partir du quatrième carton, la numération de la Table indicative n’est pas exacte ; en plus elle présente des problèmes de déchiffrement à cause de ses nombreuses ratures et des substitutions que l’auteur propose ; souvent les numéros des pages auxquels Moreau renvoie ne correspondent pas à ceux des sujets traités. Comme il n’existe pas de Table des matières, la reconstruction du carton a été faite directement sur le manuscrit de la Description.
31 Description I, p. 16.
32 Description, IV, p. 7431.
33 En clôture de la Table des Matières relative à ce neuvième carton, deux pages autographes non numérotées consistant, la première en une sorte de résumé-schéma du Département du Taro comprenant 36 cantons, 106 mairies, 842 communes ; cela après avoir calculé que Parme comptait 12 cantons, 32 mairies et 331 communes, que Plaisance comptait 11 cantons, 35 mairies, 237 communes et que Borgo San Donnino comptait 13 cantons, 39 mairies, 274 communes. Dans la seconde de ces pages, datée du 29 mars 1811, et signée par Moreau de Saint-Méry, on lit : « Une rame de ce papier ainsi battue et rognée, mais meilleure que la dernière qui était très inégale, tantôt à feuilles épaisses, tantôt à feuilles minces et quelquefois très buvant ». C’est la justification du peu de clarté de certaines pages de la Table Indicative et des Tables des Matières qui présentent en plusieurs endroits des taches qui en empêchent la lecture.
34 Description, I, p. 125-125a.
35 Ibidem, I, p. 214.
36 Ibidem, I, p. 213-214.
37 Ibidem, I, p.395-396.
38 Ibidem, II, p. 1345-1346.
39 Ibidem, II, p. 1425-1426.
40 Ibidem, II, p. 1509e-1509f.
41 Ibidem, I, p. 156.
42 Ibidem, I, p. 412-413 ; 236.
43 Ibidem, I, p. 366.
44 Ibidem, I, p. 361.
45 Ibidem, I, p. 284.
46 Ibidem, I, p. 153.
47 Ibidem, I, p. 129-130.
48 Ibidem.
49 Voir : C. Corradi Martini, Misoginia di Moreau de Saint-Méry, cit, p. 267 et ss.
50 Description, I, p. 153.
51 Ibidem, I, p. 214-216.
52 Voir : C. Corradi Martini, « L’epoca di Du Tillot nel giudizio di Moreau de Saint-Méry », Aurea Parma, III, settembre-dicembre 1999, p. 418.
53 Description, IV, p. 7379.
54 Ibidem, IV, p. 7364.
55 Ibidem, IV, p. 7391.
56 Description, I, p. 403-404.
57 Malgré sa fidélité déclarée et durable à Napoléon, toutefois, dans la Description apparaissent par ci par là des divergences profondes sur la politique expansionniste de Napoléon et sa contrariété à la guerre. « La guerre quelle qu’elle soit est un fléau si désastreux que presque tous les autres en dérivent » (IV, p. 7569).
58 Ibidem, I, p. 14.
59 Voir. M.L.E. Moreau de Saint-Méry, Discours sur l’utilité du Musée…, op. cit., p. 5.
Auteur
Alliance française de Parme
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