Audiences royales et famille dans les Grandes chroniques de France
p. 81-96
Texte intégral
1Mener des recherches sur les audiences royales1 me conduit à m’interroger sur la place réservée à la famille et sur celle qu’elle occupe au sein de ces audiences. Existe-t-il une possible fusion de la sphère familiale avec celle de la vie politique médiévale telle qu’elle est relatée par les Grandes chroniques de France2 ? Dans ce « roman aux roys »3, la référence au lien de sang est, en effet, essentielle. Dès le prologue, les Grandes chroniques attirent l’attention du lecteur sur l’« importance [du] lignage royal ». Les premières lignes sont l’occasion pour l’auteur de justifier son travail sans ambiguïté : Comme beaucoup s’interrogent sur la généalogie des rois de France, se demandant de quelle origine et de quel lignage ils descendent [Primat] a entrepris ce travail (…)4. Cette œuvre s’inscrit dans une volonté d’affirmation dynastique visant à placer les rois dans une lignée de personnages royaux dignes de leur fonction au moment où se pose la question de la légitimité des Valois. Les Grandes chroniques participent, de fait, à la diffusion du « modèle dynastique » en insistant sur la « structure linéaire et verticale » qu’évoque Lewis dans son ouvrage sur la famille capétienne5. À ce titre, le récit est jalonné de moments clés au cours desquels la famille participe à l’affirmation de la légitimité royale. Ils correspondent le plus souvent aux grands rituels dynastiques : baptême, mariage, enterrement, couronnement6… et sont également liés aux audiences royales, ces instants où écoute et décision sont au cœur du processus politique.
2Mon propos est d’abord de considérer la famille comme un élément fort de légitimation par la désignation d’un héritier. Ensuite, le thème du partage du royaume permettra d’appréhender le rôle du couple royal et qui plus est de la reine. Le sort réservé aux frères et aux oncles sera également abordé. Enfin, une définition moins charnelle de la famille royale donnera toute la mesure de son importance.
3L’étude des audiences montre que la famille est un élément fort de légitimation. La succession est un élément essentiel du discours. Elle peut être évoquée du vivant du roi, ainsi lors du règne de Gontran, roi de Bourgogne, d’Orléans et d’Austrasie, qui se retrouve sans descendance mâle directe et qui finit, en 587, par adopter Childebert, fils de Sigebert i son frère et de Brunehaut. La solennité d’une telle scène apparaît dans la miniature du folio 55 v du manuscrit français 2 610 de la Bibliothèque nationale de France7 (figure 1).La décision de Gontrany est annoncée en public et en présence de l’héritier désigné, déjà pourvu des insignes du pouvoir8. Cette audience royale peut être qualifiée de familiale dans la mesure où les deux principaux protagonistes sont liés par le sang et que le motif de l’audience renvoie aux liens familiaux. Il est intéressant de remarquer que ce type d’audience ne va pas constituer un modèle du genre. Sans doute parce que Gontran est l’un des rares rois à mourir sans héritier et plus certainement parce que, à partir de Hugues Capet (Xe siècle), la tendance est à la réalisation d’« association anticipée », c’est-à-dire du couronnement du fils du vivant de son père9, ce qui annule tout recours à une désignation comme celle réalisée par Gontran. La pratique de « l’association anticipée » atteste bien, au moins jusqu’à la fin du XIIe s, de la possibilité de contestation à la mort du roi. A contrario, » […]le fait que Philippe Auguste ait abandonné cette pratique [en 1223] apparaît comme une preuve qu’à la fin de son règne, il était désormais acquis que les capétiens se succédaient de père en fils »10.
4Quoi qu’il en soit, dans les deux cas – nomination du vivant ou couronnement anticipé –, la procédure a changé : la succession n’est plus assurée par une élection mais par l’hérédité11. Savoir si Le traitement iconographique du couple » père-fils » connaît une évolution notable au fil des siècles au fur et à mesure de l’affirmation de l’importance de la filiation est d’un grand intérêt. Le profond respect de Charles V à l’égard de son père Jean le Bon, tel que le relève Raymond Cazelles12 pourrait ainsi se retrouver dans le programme iconographique ou historique des œuvres qu’il a commanditées.
5La famille est d’une importance capitale. À ce titre, il me semble que la miniature figurant au folio 128 du manuscrit français 73 de la BnF de Paris est particulièrement intéressante (figure 2). Elle mérite le terme d’audience royale, dans la mesure où elle illustre une décision prise par un roi et d’audience familiale puisqu’elle est liée à l’affirmation de la continuité du lignage. Au centre, figure un Louis le Pieux enfant, couronné, le regard tourné vers son père Charlemagne, portant une couronne d’empereur. La main gauche de l’empereur, posée sur l’épaule de son héritier, est placée idéalement au centre de l’image. L’accent est donc mis, ici, sur le lien familial et la décision prise par Charlemagne d’octroyer à son fils le royaume dacquitaine, comme l’indique la rubrique placée au-dessus.
6Les personnages de droite peuvent être associés sans difficulté à l’entourage de Louis le Pieux tel que Charlemagne le désigne lorsqu’il establi hommes pour lenfant gouverner13. Il s’agit là sans doute de la représentation symbolique d’une partie de l’Hôtel du prince, à savoir les personnes nommées pour l’entourer et le conseiller. Le geste de l’individu placé directement derrière Louis le Pieux est significatif de cet engagement, de la prise en charge de l’avenir de l’héritier du royaume ; avenir évoqué selon moi par la main droite tournée, paume ouverte vers la droite de l’image et répété par le suivant immédiat. On assisterait là à un engagement des personnes à prendre soin du dauphin et à assurer dans les années à venir la décision ordonnée par le roi-empereur. Il convient alors de pousser plus loin l’analyse spatio-temporelle de l’image et d’interpréter la partie gauche comme l’expression à la fois de l’entourage impérial et de la référence au passé. En effet, cette partie de la miniature illustre la présence de conseillers dans l’entourage de Charlemagne et notamment de l’un d’entre eux dont l’influence est perceptible par la disposition de ses mains. La main gauche paraît toucher le dos de Charlemagne l’invitant à suivre une direction, un avis, tandis que la main droite elle, évoque le conseil donné. Il est placé devant un groupe d’hommes qui, les uns tournés vers les autres forment un cercle de réflexion et de discussion. Ils sont représentés ainsi dans d’autres manuscrits pour l’évocation de conciliabules, notamment lors de la discussion sur la succession de Charles IV le Bel par Philippe VI de Valois14. Ces personnages pourraient évoquer les débats qui précèdent la décision royale, décision appuyée par le principal conseiller au regard du passé du royaume comme le souligne la tête tournée vers la gauche de l’image15. Ce serait donc en s’inspirant de l’histoire que le roi aurait pris sa décision, s’appuyant sur des exemples précédents et affirmant ainsi l’hérédité de la Couronne selon un processus mis en œuvre plus tard.
7On touche ici, il me semble, la question du programme iconographique. En effet, cette référence au passé et donc à la dynastie, s’appuie non pas sur la volonté réelle de Charlemagne, telle qu’il l’aurait formulée au moment de son règne, mais surtout sur la volonté du commanditaire de mettre l’accent sur l’importance du passé. Il est particulièrement intéressant de noter que l’image de Charlemagne est associée à cette évocation dynastique, un peu comme si l’on avait en fait devant nous un témoin de la référence capétienne à « l’ascendance carolingienne ». La période évoquée par le personnage de Charlemagne se télescope avec celle de la création du manuscrit jusqu’à obtenir une zone atemporelle vouée à l’affirmation du sentiment dynastique. Cela n’est pas incompatible avec l’objet premier de l’œuvre dans laquelle s’inscrit cette image puisque « c’est en partie pour rendre publique l’origine royale de la famille qu’on entreprit de compiler et de traduire cette œuvre » des Grandes chroniques de France16.
8La succession, moment phare des Grandes chroniques peut être également évoquée lors du partage du royaume entre les héritiers qui donne rarement lieu à des audiences et à leur représentation iconographique. Il est souvent évoqué par la division de la miniature en autant de parties que d’héritiers. C’est le cas en tête du Livre ii des Grandes chroniques du manuscrit 2610 de la Bibliothèque nationale de France de Paris : la miniature est placée au-dessous de la rubrique stipulant coment le roiaume fut departi aux IIII frères17. Toutefois, le traitement de ces divisions de royaume passe parfois par la représentation d’une audience. De fait, certains manuscrits présentent le partage entre les enfants royaux lors de véritables audiences familiales. C’est le cas du manuscrit français 73 de la Bibliothèque nationale de France de Paris au folio 13 v (figure 3). Dans cette miniature figurent toutes les composantes d’une audience familiale avec figuration des parents – Clovis et Clotilde – et de leurs enfants. Elle aborde un thème souvent repris dans les manuscrits des Grandes chroniques de France. D’après le catalogue des manuscrits des Grandes chroniques de France élaboré par Mme Hedeman18, ce ne sont pas moins de 32 manuscrits sur les 56 répertoriés qui consacrent une miniature à la question de la succession de Clovis. Contrairement à ce qu’il ressort de l’étude menée par Bourgain Pascale19, la division du royaume est un des temps forts sur lesquels insistent les enlumineurs, alors que les textes des chroniqueurs du premier siècle capétien préfèrent s’attarder, eux, sur le mariage avec Clotilde, la conversion et la victoire contre Alaric. Le fait que, par la suite, les programmes iconographiques s’attardent sur le partage du royaume doit faire sens. Les commanditaires trouvent un intérêt particulier à le représenter. Et quel autre intérêt si ce n’est celui de mettre en avant la question dynastique ?
9En comparaison d’autres représentations du même thème, l’image figurant au verso du folio 13 du manuscrit 73, comporte une variante et non des moindres : la présence de Clovis. La plupart du temps, en effet, soit les miniatures présentent les quatre frères, soit elles mettent en scène ces quatre enfants avec leur mère Clotilde. Rares sont les scènes qui donnent à voir la famille royale au complet (parents et enfants). La régulière non-figuration de Clovis peut être liée en partie à la tradition carolingienne qui considérait les Mérovingiens comme des « incapables qu’il avait fallu remplacer »20. Le silence des enluminures des manuscrits capétiens témoignerait alors d’une survivance de cette vision carolingienne. Il peut être lié, plus simplement, à la volonté du commanditaire ou de l’enlumineur de respecter la réalité historique : le partage du royaume après le décès de Clovis, donc en l’absence de celui-ci. En plus de la présence de Clovis, cette miniature tirée du manuscrit français 73, a une autre particularité. À défaut de figurer les quatre fils du couple royal, l’enlumineur en présente physiquement trois. Le ventre arrondi de Clotilde évoque le quatrième enfant à venir. Pourquoi un tel choix de représentation ? La raison, la plus évidente, est donnée par le texte. La rubrique située avant l’image précise que le roy Clovis et sa femme Clotilde sont en leur palays et comment ses trois fils sont devant eulz. La scène est donc celle de la rencontre des trois enfants avec leurs parents dans leur palais. Notons que rien dans l’image n’évoque un lieu précis. Certes le fond apparaît richement décoré, mais il n’y a là aucun symbole suggérant un intérieur ; cette décoration pouvant être une tapisserie réelle ou plutôt un somptueux arrière-plan. Donc aucune structure précise du palais évoqué dans le texte ne figure dans cette image. Le sol lui-même n’évoque pas un dallage.
10L’enlumineur a respecté le nombre d’enfants présents devant Clovis et Clotilde tel qu’il est mentionné en début de rubrique. Trois personnages couronnés sont présentés au couple royal, chacun dans une attitude différente de l’autre. Cette diversité exprime peut-être les dissensions à venir entre eux, tandis que la position des mains de Clotilde suggère la « situation douloureuse »21 devant laquelle la famille se trouve à l’heure d’un partage que l’on voudrait équitable. Or, les trois frères ne sont pas égaux. La notion de premier plan prend ici toute sa dimension expressive. Le plus jeune des trois, si l’on en croit la taille, est le plus valorisé. Il est le plus proche du centre de l’image, donc de Clotilde. Il est aussi celui dont le vêtement ressemble davantage à celui de Clovis de par ses couleurs. Il est, en effet, le seul des trois enfants à arborer les trois couleurs visibles sur les habits de son père : bleu, rouge et blanc22. Représenter la première partie de la rubrique aurait pu suffire. Mais le commanditaire ou l’enlumineur n’ont pas voulu en rester là. Ce qui importait n’était pas de représenter une scène familiale que l’on pourrait presque qualifier de banale : trois enfants devant leurs parents. Le manuscrit d’une telle œuvre ne saurait se contenter d’inscrire la famille royale dans une banalité commune à toute famille, aristocratique ou non. Il fallait davantage pour servir la cause de la dynastie. Et ce davantage s’inscrit au centre de l’image. En figurant Clotilde enceinte, l’enlumineur parvient à retranscrire le deuxième temps présent dans la rubrique : la division du royaume cette fois en quatre parties (et non plus seulement entre les trois enfants debout devant le roi et la reine). Une possible scène quotidienne devient ainsi une scène d’exception : la succession.
11Clotilde enceinte apparaît traitée de façon plus valorisante que Clovis23. Elle lui est supérieure en taille et son visage est de trois quarts et non de profil. Elle ne fait certes pas de signe d’autorité, à la différence de Clovis, mais elle n’en ressort pas moins grandie d’autant qu’elle occupe le centre de l’image, tout principalement, son ventre bombé. L’essentiel de l’image est donc là. Clotilde est présente aux côtés de Clovis n’ont pas en tant qu’intermédiaire possible au cours d’une audience comme cela est parfois le cas24, mais en tant qu’élément clé de la construction familiale et de la dynastie. La valorisation de Clotilde découle également dans certains textes du rôle essentiel qu’elle a tenu dans la christianisation du peuple franc au point de devenir un personnage important de l’histoire de la monarchie. Il semblerait en effet que « la postérité capétienne (ait) voulu retenir de lui [Clovis] : qu’avec Clotilde à ses côtés, il fut le premier Roi Très-Chrétien »25. Ce manuscrit atteste-t-il de cela ? Autre piste qu’il conviendra d’explorer une autre fois : la mise en valeur de Clotilde relève-t-elle d’une vision féminine du pouvoir et de sa représentation de la part du commanditaire de l’ouvrage ?
12Dans cette enluminure est perceptible l’évolution double de la représentation de la reine, telle que Raynaud Christiane l’a présentée d’après l’étude des miniatures du manuscrit français 2813. Son rôle politique n’est pas essentiel à la différence de son rôle de génitrice26. À tel point qu’il est possible parfois de parler d’un véritable « instrument dynastique »27. C’est sans aucun doute la représentation de cet « instrument dynastique » que l’on retrouve au sein de la miniature du folio 14 v du manuscrit des Grandes chroniques de la Bibliothèque municipale de Valenciennes (manuscrit 637). Le couple royal apparaît dans une posture que l’on pourrait qualifier de très courtoise. La fonction de reproduction apparaît très nettement tant au niveau du ventre de Clotilde que de la position suggestive de l’arme blanche détenue par Clovis (figure 4).
13Ces diverses miniatures tendent à prouver que la reine joue un rôle véritablement important et qu’elle est donc un pilier de la famille royale28. L’absence de référence à une reine exprime-t-elle pour autant le recul de sa place au sein du royaume ou de la famille royale ? Il serait tentant d’interpréter un silence iconographique ou textuel comme symptomatique d’un effacement réel de la reine. Or, son absence peut être liée à de multiples raisons dictées soit par la réalité historique soit par sa transmission et donc parfois son interprétation29. Il est important de ne pas toujours traduire un silence comme le signe d’un retrait de la personne ou de la fonction. Sur ce point je prendrai appui sur la Chronique de Charles V de Pierre d’Orgemont. Dans celle-ci, l’auteur, chancelier de Charles V, poursuit les Grandes chroniques de France de la tradition dionysienne à la demande du roi lui-même. Il précise que la reine Jeanne de Bourbon assiste aux côtés du roi à un parlement en 1369. Il est écrit que le roi de France Charles se tint en la chambre du Parlement, comme il avait l’habitude de s’y tenir : la reine Jehanne à ses côtés, et le cardinal de Beauvés, chancelier de France au-dessous30. Le couple royal apparaît comme une constante politique comme l’expression « l’habitude de » le souligne. Ce couple royal est également acteur essentiel de la réception de la duchesse de Bourgogne puisque celle-ci est, en effet, menée en l’Hôtel du roi à Saint-Pôl, où elle fut reçue très honorablement par le roi et la reine31.
14Plus loin, dans sa chronique, Pierre d’Orgemont mentionne de nombreuses audiences tenues en l’absence de la reine, comme si le roi dérogeait subitement aux habitudes et que le couple royal s’effaçait pour mieux affirmer le pouvoir du roi seul. Cette absence peut intriguer, d’autant qu’elle a lieu lors de moments politiques importants, que ce soit lors de la rencontre royale avec le roi de Navarre32, ou encore lors de l’ordonnance sur la majorité33 et lors de l’arrivée de l’empereur Charles IV34. L’absence de la reine Jeanne lors de ces scènes pourrait être facilement interprétée comme une diminution de son rôle politique. Ce serait toutefois abusif comme le prouvent certains passages du texte de Pierre d’Orgemont. Le fait qu’au paragraphe 210, l’empereur insiste pour rencontrer la reine et se déplace jusqu’à l’hôtel de Saint-Pol pour la voir et ce, alors même qu’il a dû mal à se mouvoir35, prouve assez bien le fait que la reine ne joue pas le seul rôle de figurant.
15La reine est un réel acteur politique, mais un acteur parfois un peu empêché dans ses mouvements, notamment lorsqu’il est pris par « son rôle dynastique » ce qui est le cas de la reine Jeanne lors de la venue de Charles IV. Jeanne est alors enceinte et donne naissance quelques jours plus tard au début de février 1377 à une fille avant de décéder deux jours après. L’effacement politique de la reine pourrait être, à certaines périodes, davantage lié à sa « fonction de reproduction » plus qu’à une réelle volonté d’affirmation du seul pouvoir du roi. Il est important d’en prendre conscience pour ne pas mal interpréter des silences iconographiques ou textuels.
16Profitons de cette référence à la visite de Charles IV pour souligner le rôle important joué par d’autres éléments de la famille. Jusqu’à présent nous avons insisté sur les enfants, le couple royal et la reine. Mais la famille ne saurait se limiter à cette cellule étroite. D’autres personnages seraient à étudier tel les frères du roi, ses oncles, tous les princes de sang36 du roi. Les exemples ne manquent pas pour prouver leur influence, tant au sein du conseil du roi que lors de période de régence. Citons la mention dans la Chronique de Charles V de la présence des frères du roi à son conseil : le roi s’entretenait avec son conseil. Ses frères étaient présents ainsi que de nombreux chevaliers37. Des enluminures illustrent cette présence par la figuration des ducs de Berry, de Bourgogne et d’Orléans aux côtés du roi38. L’identification des personnages représentés aux côtés du roi n’est pas toujours évidente. Toutefois, les textes soulignent l’importance de ces princes de sang, frères ou oncles. Précisions que les Grandes chroniques de France ne sont pas une exception dans ce domaine. D’autres écrits mentionnent le rôle tenu par de tels éléments de la famille royale. C’est le cas, entre autres, de la rubrique présente au folio 242 du manuscrit français 2648 de la Bibliothèque nationale de France de Paris, exemplaire des Chroniques de Froissart. Le texte fait référence à la grant assamblee qui se tint à Amiens du roy de France et de son conseil et des oncles et conseil du roy richard d’Angleterre sus fourme de paix39.
17Conseillers des rois, ces individus qui appartiennent à la famille royale, ne se contentent pas de donner des avis. Ils sont partie prenante des actions politiques menées. Ils sont les représentants du roi en certaines circonstances, comme le prouve la présence à Saint-Omer en 1375 et à Bruges, en 1374 et en 1377, des frères du roi pour tenter de trouver un accord de paix entre la France et l’Angleterre40. Ils sont, en quelque sorte, à définir comme l’avant-garde royale, celle qui précède son déplacement. Ce rôle semble particulièrement illustré par l’envoi des frères du roi de France au devant de l’empereur Charles IV pour l’accueillir avant son entrée à Senlis. Le texte de Pierre d’Orgemont est, à ce niveau assez explicite puisqu’il précise que le duc de Berry présenta ses vœux de bienvenue au nom du roi de France41.
18Les liens familiaux sont un instrument politique qui peut se révéler efficace42. C’est à ce titre que les frères du roi participent aux étapes précédant la réalisation des traités de paix. Leur rang donne aux démarches un côté solennel et sérieux. Il est une sorte d’engagement tacite de preuve de bonne intention. C’est particulièrement vrai lorsque du fait des liens familiaux existants, un frère du roi est donné en otage pour rendre possible une rencontre entre deux rois. Ainsi en 1369 pour la rencontre au cours de laquelle le roi de Navarre doit venir prêter hommage en France on décida que le duc de Berry, frère du roi de France, irait à Evreux en qualité d’otage43. La présence dans cette citation des deux statuts – à la fois duc et frère – atteste bien de l’importance que revêt l’appartenance familiale. Elle est au moins aussi considérable, si ce n’est plus, que la titulature ducale comme semble le souligner l’habitude de la mentionner en apposition dans la phrase. Pour préparer la rencontre, le roi de Navarre est lui aussi représenté par sa famille. À défaut de frères ou d’oncles, ce sont les reines Jehanne et Blanche, tantes et sœurs du roi de Navarre, [qui] montèrent à plusieurs reprises à Paris44. Les députations royales, sources d’audience, peuvent être familiales sans être pour autant seulement une affaire d’hommes. Comme le souligne Nicolas Offenstadt dans son ouvrage sur la paix, « la dame apparaît comme une figure récurrente des rites de paix »45.
19Les audiences royales accordent une place non négligeable à la famille, que ce soit par la présence d’épouse, de fils, de frères, d’oncles ou de neveux. Toute étude du processus politique devrait donc accorder une place, même infime, à cette famille, plutôt que de la passer sous silence46.
20En dernier lieu, il convient d’attirer l’attention sur une définition de la famille autre que « charnelle »47. L’expression « familier du roi » paraît rencontrer un certain succès au sein du royaume, sans qu’elle soit synonyme de liens de sang. Des exemples sont donnés par Raymond Cazelles dans son ouvrage sur La société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois48. Citons, entre autres références, « Jean Billouart […] appelé familier du roy nostre sire49 et « serviteur de Charles de Valois »50. Ces familiers51 seraient cette familia regis, également appelée « mesnie » ou maisonnée et correspondraient, au moins pour le XIIe siècle, « à cette somme de différents groupes d’officiers, d’officiers inférieurs, de simples clercs et autres chevaliers, qui constituent l’entourage capétien apparemment dominé alors par le sénéchal. Comme telle, elle forme un ensemble relativement homogène et pleinement associé à la conduite des affaires publiques »52. Acteurs de la vie politique ces « familiers » ne sauraient être absents des audiences, à moins que leur absence face réellement sens dans certains cas particuliers. Leur identité n’est pas toujours facile à déterminer, ni leur fonction. Les enluminures attestent de leur présence, de même que les textes. Souvenons-nous de la mention du parlement tenu en 1369 par Charles V en présence de la reine Jeanne et du cardinal de Beauvés, chancelier de France au-dessous53 d’eux.
21Leur rôle est particulièrement important. Avec eux, tout au long de la période allant du XIIe au XVe siècle, se redéfinit et s’affirme le pouvoir royal. Lentement, il devient évident que le roi ne gouverne pas seul. Conseil et Hôtel sont deux rouages essentiels, deux rouages très liés l’un à l’autre notamment par la présence du chancelier qui « est chargé d’assurer la transmission des arrêts du Conseil en faisant rédiger les actes aux notaires et secrétaires du roi »54.
22Il ne fait aucun doute que les programmes iconographiques prennent en compte la présence d’un tiers auprès du roi lors d’actes inhérents à l’exercice du pouvoir et à la pratique politique, et donc lors d’audiences royales. À titre d’exemple, observons l’enluminure présente au folio 339 v du manuscrit 512 conservé à la bibliothèque municipale de Toulouse55. Elle correspond au passage des Grandes chroniques consacré à Louis x et à la délivrance d’une charte aux Juifs du royaume. L’audience représentée ne met pas uniquement l’accent sur la magnificence du roi et l’humilité des Juifs présents (figure 5). Deux autres personnages56 jouent un rôle important. Le premier occupe le centre de l’image et tient de la main droite l’acte scellé tandis qu’il reçoit dans la main gauche le paiement accompli par les Juifs « pour le rachat de leur droit au retour dans le royaume de France »57. La place occupée dans l’image souligne assez son rôle central dans cet épisode. Le second personnage sur lequel il convient de s’attarder est placé derrière le roi. Il pose sa main sur un des montants du trône, preuve s’il en est de son influence sur le roi. La position de ces deux individus revient à placer le roi entre eux. Il se retrouve donc encadré par deux hommes influents, sans doute le chancelier ou le chambellan et un secrétaire58. Sans être tirée d’un texte royal, la lettre de Charles le Téméraire au procureur de la ville de Lille, Jean Ruffault, atteste bien de l’importance de tels personnages dans l’entourage princier. Le duc de Bourgogne précise en effet que son traictié de mariage a esté nouvellement conclu, fait et passé entre nostre amé et feal premier secretaire, audiencier de notre seel et contreroleur de noz domaines et finances, maistre Jehan Gros59. Il conviendrait de quantifier cette présence d’officiers dans les textes et les images afin de vérifier si, au fil des siècles, enluminures et textes témoignent de ce que Baldwin nomme « le retrait des grands »60.
23Quelle soit charnelle ou politique, la famille n’en demeure pas moins un élément incontournable de la vie politique au moyen âge. Sa présence dans l’entourage du roi ne doit pas surprendre61 dans une société où droit public et droit privé ne sont pas encore distincts. Les luttes d’influence entre la famille charnelle du roi et Enguerrand de Marigny62 sont sans doute à identifier comme l’expression la plus aboutie d’une querelle inévitable entre ces deux familles.
Notes de bas de page
1 Doctorat mené sous la direction de Mme Raynaud Christiane. La définition du terme audience a fait l’objet d’une première approche en introduction d’une intervention lors d’une journée d’études consacrée à la « cour » : Les audiences royales dans les Grandes Chroniques de France : le cas du manuscrit français 2610 conservé à la Bibliothèque nationale de France. Je précisais que « Après réflexion, il semble que la meilleure façon de percevoir ces audiences est de les définir comme autant de moments consacrés à l’écoute d’un autre dans le but de prendre une décision, voire d’agir. Dès lors, en l’état actuel de mes recherches, les textes et les images à étudier paraissent devoir comporter un échange entre au minimum deux personnes ; échange suivi ou concomitant d’une décision. » Michel Sot préfère substituer au terme de personnes, celui « d’acteurs » (introduction au colloque L’audience. Rituels et cadres spatiaux dans l’Antiquité et le haut Moyen Âge, Picard, septembre 2007, p. 8). À l’heure actuelle, il me paraît préférable de donner une définition plus riche. L’audience recouvrerait plusieurs réalités. Elle serait liée aux moments consacrés par un personnage à la prise de connaissance d’une information donnée ainsi que directement liée à la prise d’une décision ou à la diffusion de celle-ci, en présence au moins d’une autre personne (« audience minimale » selon Michel Sot, op. cit., p. 10), qu’elle soit ou non directement intéressée par cette décision.
2 Les Grandes Chroniques de France, publiées pour la Société de l’histoire de France, série antérieure à 1789, par Jules Viard, t. 1 à 10 avec tome 10 : Appendice, table, Paris, C. Klincksieck, 1954.
3 Bernard Guenée, « Les Grandes Chroniques de France. Le roman aux roys (1274-1518) », in La Nation, vol. 1, partie 2, Les lieux de mémoire, éd. Pierre Nora, Paris, 1986, p. 189-194.
4 Les Grandes Chroniques de France, édition Jules Viard, Tome I, 1, cité d’après Andrew W. Lewis, Le sang royal. La famille capétienne et l’État, France, Xe-XIVe siècle, Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 1986 (Harvard 1981), p. 155.
5 Andrew W. Lewis, op. cit., p. 27.
6 Avec une mention toute spéciale au couronnement du fils dans la famille royale appelée « l’association anticipée » par Andrew W. Lewis, op. cit., p. 72.
7 Ce manuscrit est particulièrement riche. J’ai pu dénombrer 304 miniatures (dont 1 à trois colonnes, 194 à deux colonnes, 111 à une colonne) et 87 lettres historiées, soit au total, 391 représentations figurées sur les 274 feuillets existants. Dernière foliotation : fo 274 avec la mention Ci fault listoire du bon roy phelippe le hardi. Et fut finis Gracia Dei. À noter la présence de deux folios 270, un avant le fo 271, l’autre après et de deux folios 168, les deux directement après le folio 166. Cette miniature reproduite p. 95 du présent article, a fait l’objet d’une étude lors d’une précédente intervention (cf. n. 1).
8 Il est vrai que Childebert est alors déjà roi d’Austrasie.
9 Hugues Capet innove dans ce domaine, au moment où il s’apprête à aider le comte de Barcelone dans sa lutte contre les Sarrasins. Andrew W. Lewis, op. cit., p. 46.
10 Andrew W. Lewis, op. cit., p. 65-66. Nota, p. 129 de cet ouvrage, l’auteur mentionne la contestation de cette date de 1223 au profit de celle de 1190.
11 Jan Dhondt, « Élection et hérédité sous les Carolingiens et les premiers Capétiens », Revue belge de philologie et d’histoire, 18, 1939, p. 913-953. Élection présente au sein des Grandes Chroniques, notamment Livre I Après ce que le roy Childeris se fut ainsi parti du roiaume les barons qui pas ne vouloient estre sans seigneur ellurent ungt roy, cité d’après Paris, BnF, ms. fr. 2610, fo 15.
12 Raymond Cazelles, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève-Paris, Droz, 1982, p. 55-56.
13 Rubrique placée au-dessus de l’image : Le premier chapitre parle qui sa mère fu et comment il fut nez et comment le roy lui ottroya le royaume dacquitaine pour ce quil y avoit esté né et establi hommes pour lenfant gouverner. Après comment le père ala à Romme et fist porter lenffant avecques lui […]. (Paris, Bnf, ms. fr. 73, fo 128).
14 C’est le cas notamment au sein du manuscrit de Lyon, Bibliothèque municipale, ms. PA 30, fo 349.
15 François Garnier, Le langage de l’image au moyen âge, signification et symbolique, 2 vols, Paris, 1982, t. i, p. 147-158 et t. ii, p. 46-47.
16 Andrew W. Lewis, op. cit., p. 156. L’auteur précise que « les Grandes Chroniques contiennent d’autres témoignages sur le développement vigoureux du sentiment dynastique capétien ».
17 Paris, BnF, ms. fr. 2610, fo 14 v.
18 Soit 57%, d’après Ann D. Hedeman, The royal image. Illustrations of the Grandes Chroniques de France, 1274-1422, Berkeley-Los Angeles-Oxford, University of California Press, 1991, p. 193-269.
19 Pascale Bourgain, « Clovis et Clotilde chez les historiens médiévaux, des temps mérovingiens au premier siècle capétien », Bibliothèque de l’école des Chartes, Année 1996, vol. 154, no 1, p. 53-85. En particulier p. 72 l’auteur observe : « La plupart des chroniqueurs qui, n’écrivant pas une ‘histoire des Francs’, avaient peu de raisons de s’intéresser à Clovis plus qu’à d’autres, retiennent essentiellement deux épisodes de l’histoire du roi : son mariage et sa conversion d’une part, la bataille contre Alaric de l’autre ; le Liber historiae Francorum reste leur source favorite ».
Il est vrai qu’au fil des siècles, les chroniqueurs (et les enlumineurs) ont trouvé des raisons de s’intéresser davantage à Clovis et donc de s’attarder sur d’autres épisodes de sa vie.
20 Pascale Bourgain, op. cit., p. 70 : « Clovis était de relativement peu d’importance pour les Carolingiens, qui se référaient au modèle impérial et pour qui les Mérovingiens étaient les incapables qu’il avait fallu remplacer.[…] Les Capétiens, qui n’ont plus d’intérêts impériaux, mais tout avantage à renouer avec la longue durée, retrouvent le sens de la continuité et remontent plus volontiers aux origines ».
21 François Garnier, op. cit., t. I, p. 198-199.
22 Sa position au premier plan des autres joue un rôle essentiel à ce niveau puisqu’il cache ses frères et donc leurs vêtements ou leurs gestes. Sont représentés ici Thierry (en arrière-plan), Clodomir et Childebert. Notons que Thierry, l’aîné, n’est pas issu de l’union de Clovis et Clotilde, ce qui peut expliquer le fait qu’il se détourne d’elle et regarde en arrière vers un passé qui lui appartient. Cette miniature attire donc également l’attention sur la notion de légitimité des enfants.
23 Cette valorisation iconographique ne correspond pas aux termes de la rubrique : le roy Clovis et sa femme Clotilde sont en leur palays et comment ses trois fils sont devant eulz. Clotilde n’est pas nommée « reine » mais « femme » de Clovis ce qui met l’accent de façon littérale sur la titulature de son époux et non sur la sienne. On peut également s’interroger sur la valeur à donner au possessif « ses » qui précède la mention des « trois fils » et non « leurs » comme on pourrait s’y attendre par l’évocation du couple royal. Est-ce une simple erreur grammaticale ? Ou cela fait-il sens dans la mesure où les trois fils ne sont pas nés d’un même lit et ne sont donc véritablement que les trois fils de Clovis et non de Clotilde ?
24 Selon Christiane Raynaud, « Au XIVe siècle il est normal pour l’enlumineur que la reine soit associée aux audiences diplomatiques et aux décisions », in « La reine dans les Grandes Chroniques de France », The Medieval Chronicle, tome I, Proceedings of the first international conference on the medieval chronicle, Driebergen/Utrecht, 13-16 juillet 1996, éd. Kooper Erik, Amsterdam Atlanta, 1999, p. 226-239, en particulier p. 232. Un exemple précis est donné par Bernard Chevalier dans son article : « Marie d’Anjou, une reine sans gloire, 1404-1463 », in Autour de Margueritte d’Écosse. Reines, princesses et dames du XVe siècle, Actes du colloque de Thouars (23-24 mai 1997) édités sous la direction de Geneviève et Philippe Contamine, Paris, Champion, 1999, p. 81-98. Il précise, p. 85, que Marie d’Anjou préside le conseil et un acte du 15 avril 1434 porte la mention par la Royne de France, lieutenant du roy en ceste partie. [voir Gaston du Fresne de Beaucourt, Histoire de Charles VII, 6 vols, 1881-1891, t. II, p. 302, n. 3].
25 Pascale Bourgain, « Clovis et Clotilde chez les historiens médiévaux », op. cit., p. 84. On pourrait évoquer d’autres raisons à cette valorisation de Clotilde et, à travers elle, de la femme en général ou de la reine en particulier. Il faudrait alors prendre en compte le commanditaire et par suite le programme iconographique du manuscrit en question. Cela reste une piste à creuser.
26 « définition nouvelle de la reine : magnifiée car elle seule donne au roi un héritier légitime et abaissée au plan juridique et politique. » in Christiane Raynaud, op. cit., p. 226-239. Chevalier Bernard évoque, lui, la notion de « rôle » incombant à Marie d’Anjou : « Le 3 juillet 1423, elle remplit son rôle de reine en donnant au royaume un dauphin. » Bernard Chevalier, « Marie d’Anjou, une reine sans gloire, 1404-1463 », Autour de Margueritte d’Écosse, op. cit., p. 83.
27 Expression in André Poulet, « Capetian women and the regency; the genecy of vocation », Medieval Quenship, New York, 1993, dir. John C. Parsons, cité d’après Christiane Raynaud, op. cit.
28 Il n’est pas certain pour autant que l’on puisse, au regard des passages et images étudiées la considérer comme « cet ‘autre’ roi », telle qu’elle est qualifiée par Nicole Hochner dans son ouvrage Louis XII. Les dérèglements de l’image royale (1498-1515), Seyssel, Champ Vallon, 2006, chap. 7, p. 247-278.
29 Les auteurs de textes médiévaux s’autorisent quelques libertés en insistant ou au contraire en passant sous silence certaines reines. Il en est ainsi de Jeanne de Bourgogne, perçue comme une « mauvaise reine » : « Certains chroniqueurs l’omettent totalement. [Chronique normande du XIV et Jean le Bel] D’autres mentionnent uniquement son mariage, les naissances de ses enfants et son décès, comme les Grandes chroniques de France ou Jean de Venette. » in Anne-Hélène Allirot, « La Male royne boiteuse : Jeanne de Bourgogne », Royautés imaginaires, Actes du colloque organisé par le Centre de recherche d’histoire sociale et culturelle (CHSCO) de l’université de Paris X-Nanterre sous la direction de Colette Beaune et Henri Bresc (26 et 27 septembre 2003), Anne-Hélène Allirot, Gilles Lecuppre, Lydwine Scordia (éds.), Brépols 2005, p. 119-133, p. 120. Cette tendance des sources à l’impartialité n’est bien évidemment pas l’apanage des chroniques françaises des XIVe et XVe siècles. Pour un exemple étranger antérieur, voir Charles Garcia, « Le pouvoir d’une reine. L’image d’Urraque Ire (1109-1126) » dans les Crónicas anónimas de Sahagún, e-Spania, 1er juin 2006, [En ligne], mis en ligne le 29 janvier 2008. URL : http://e-spania.revues.org/index319.html.
30 Pierre d’Orgemont, Chronique de Charles V, 1364-1380, Paris, Éditions Paléo, Sources de l’histoire de France, 2003, § 160, p. 43.
31 Id., § 166, p. 72.
32 Id., § 174, p. 80-81, le roi de Navarre… alla trouver le roi de France dans un jardin…
33 Id., § 185, p. 93, Cette loi fut publiée en sa présence et en celles de monseigneur Charles, son fils aîné, (…), de monseigneur Loys, du d’Anjou et frère du roi ainsi que d’autres seigneurs de son sang, des prélats et autres gens d’Église, de l’Université de Paris et d’autres sages clercs.
34 Id., § 203, p. 116, le roi vint à lui en lui souhaitant la bienvenue et en l’embrassant.
35 Id., § 210, p. 132-133, on porta la chaise de l’Empereur jusqu’en haut de l’escalier et ce dernier déclara qu’il souhaitait saluer la reine. (…) L’Empereur demanda qu’on l’aide à se lever puis il ôta son chapeau avant que la reine ne le salue et l’embrasse. Cette rencontre fait l’objet d’un traitement iconographique au sein du manuscrit français 2813 de la BnF de Paris au folio 477.
36 La fin du moyen âge consacre l’affirmation de l’expression « princes du sang », comme le souligne Jacques Le Goff dans son étude sur Saint Louis (Jacques Le Goff, Saint Louis, Paris, Gallimard, 1996, p. 720-721).
37 Id., § 208, p. 127.
38 Cela semble être le cas au sein du manuscrit français 2813 de la BnF au folio 478 v illustrant la rubrique des riches dons que le roy de France donna à l’empereur et à son filz et fist presenter… ou encore du manuscrit français 2609 au folio 375 correspondant à un conseil présidé par Charles VI. Dans son ouvrage sur l’art de l’enluminure, Colette Beaune précise que « Si Bourgogne, Berry, Anjou ou Orléans figurent tous autour du roi, c’est que la concorde règne » in Colette Beaune, L’art de l’enluminure au Moyen Âge. Le miroir du pouvoir, Paris, Éditions Hervas, 1989, p. 115.
39 Citée d’après le site Mandragore, cette rubrique appartient à un manuscrit belge, originaire de Bruges et datant du milieu du XVe siècle. Les descripteurs mentionnés dans la notice de l’image renvoient aux noms d’Edmond de Langley, Jean de Berry, Jean de Gand, Louis d’Orléans, Louis II de Bourbon, Philippe II le Hardi.
40 Pierre d’Orgemont, op. cit., § 184, p. 93 : Pour le roi de France étaient venus le duc de Bourgoigne, son frère, l’évêque d’Amiens, et plusieurs autres clercs et chevaliers et§ 185p. 94 : retournèrent parlementer à Saint-Omer, pour le roi de France, messire Loys, duc d’Anjou et messire Phelippe, duc de Bourgoigne, frère du roi de France ainsi que plusieurs conseillers. […] les traiteurs parvinrent à se mettre d’accord sur une rassemblement devant se dérouler à Bruges. S’y rendirent les frères du roi de France et les gens qui se tenaient à Saint Omer.
41 Id., § 195, p. 106-107. Scène suffisamment importante pour faire l’objet d’au moins une miniature et ce au sein du manuscrit français 2813 de la BnF de Paris au folio 468 v. Rubrique correspondante : Comment messeigneurs de Berry et de Bourgoigne dux et freres du roy de France accompagniez de pluseurs nobles chevaliers barons et prelas alèrent au devant de l’empereur pour lui accompaignier à entrer en la cité de Senlis…
42 Et cela prend un accent supplémentaire lorsque, comme dans le cadre de la visite de Charles IV, politique et famille se rejoignent, au point que Colette Beaune a pu parler de visites « à la lisière des deux genres », in L’art de l’enluminure au Moyen Âge. Le miroir du pouvoir, op. cit., p. 121 : « Charles V était le neveu de Charles IV ».
43 Pierre d’Orgemont, op. cit., § 168, p. 74.
44 Id., § 168, p. 74. Blanche de Navarre, fille de Philippe d’Evreux, sœur de Charles le Mauvais est veuve de Philippe VI. Jeanne d’Evreux, fille de Louis d’Evreux est épouse de Charles IV.
45 Nicolas Offenstadt, Faire la paix au Moyen âge, Paris, Odile Jacob, 2007, p. 113.
46 L’ouvrage de Jacques Le Goff sur Saint Louis en est un bon exemple dans la mesure où tout un chapitre est consacré à « Saint Louis en famille ». Jacques Le Goff, op. cit., troisième partie, chap. VI, p. 706-744.
47 Id., p. 743.
48 Raymond Cazelles, La société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, Paris, 1958, p. 326.
49 Jules Viard, Document parisiens du règne de Philippe VI de Valois : extraits des registres de la chancellerie, vol. I, p. 107. Cité d’après Raymond Cazelles, op. cit., n. 7, p. 326.
50 Id., p. 59 : « Il est, en effet, jusqu’en 1319 trésorier et maître des forêts de ce prince [Archives nationales, JJ 59, no 65] (…). Il est qualifié de familier mons. de Valois [Louis Douët d’Arcq, Nouveau recueil des comptes de l’argenterie des rois de France, Paris, Société de l’Histoire de France, 1884, p. xvii] ».
51 On aborde là un réel problème de définition du terme tel qu’il peut être donné par les sources et tel qu’il apparaît dans les ouvrages actuels. Ainsi, dans sa présentation de l’Hôtel du roi, Albert Rigaudière cantonne l’expression « familiers du roi » à l’ensemble suivant : « reine, futur roi, princes de sang et autres membres de la famille royale. » (Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, éd. Olivier Guillot, Albert Rigaudière et Yves Sassier, tome ii, Des temps féodaux aux temps de l’État, Paris, Armand Colin, 2003 (1re édition 1994), p. 161.) Il ajoute à ces familiers, les « domestici » et les légistes, instaurant donc une distinction qui ne paraît pas toujours de façon aussi flagrante dans les sources. Avant Albert Rigaudière, Jean-François Lemarignier énoncé « l’hôtel-le-roi » seulement en terme de « domestici », au sens large puisque les légistes en faisaient partie, cf. Jean-François Lemarignier, La France médiévale. Institutions et société, Paris, Armand Colin, 2004 (1re édition 1970), p. 322. Ce problème de définition dépasse évidemment le cadre de cet article.
52 Histoire des institutions de l’époque franque à la Révolution, Jean-Louis Harouel et alii, Paris, PUF, 11re édition, 2006 (1987), p. 215.
53 Pierre d’Orgemont, op. cit., § 160, p. 43.
54 Franck Collard, Pouvoirs et culture politique dans la France médiévale Ve-XVe siècle, Paris, Hachette supérieur, 1999, p. 190.
55 Ce manuscrit est constitué de 468 feuillets. Il comporte 54 miniatures dont le style est associable au successeur du Maître de Troyes, actif vers 1390-1415. Cf. Ann D. Hedeman, The royal image, op. cit., p. 262-264.
56 Hommes de robe, ils pourraient être associés à des légistes, ceux-là même dont le rôle monte en puissance à la fin du moyen âge.
57 Le moyen âge en Lumières, sous la direction de Jacques Dalarun, Paris, Fayard 2002, p. 190.
58 Le règne de Philippe Auguste voit le retrait de la fonction de chancelier et l’affirmation de celle de chambellan autour de Gautier et de sa famille. Cf. John W. Baldwin, Philippe Auguste et son gouvernement : les fondations du pouvoir royal en France au Moyen Âge, Paris, 1991 (édition anglaise 1986), p. 147-151.
59 Cité in Werner Paravicini, Invitation au mariage. Pratique sociale, abus de pouvoir, intérêt de l’État à la cour de Bourgogne, 1389-1489, 2001, p. 14.
60 John W. Baldwin, op. cit., p. 145-147.
61 Cette idée n’est pas nouvelle. Cette étude ne fait que la confirmer. Citons, en ce qui concerne son expression iconographique, Colette Beaune : « La royauté est un spectacle. En premier lieu, la vie privée du prince ne se distingue pas de sa vie publique », L’art de l’enluminure au Moyen Âge. Le miroir du pouvoir, op. cit., p. 110.
62 Charles Dufayard, « La réaction féodale sous les fils de Philippe le Bel », Revue historique, 1894, tome 54 p. 241-270 et tome 55, p. 241-290. « Dans toute réaction, il y a des victimes qui paient pour le règne qu’elles personnifient : après Philippe V, Gérard Guette ; après Charles IV, le trésorier Rémy. Cette fois, c’est Enguerrand de Marigny qui va figurer dans le martyrologe des légistes ». L’auteur renvoie alors, en note de bas de page, à l’étude de Bardoux, Les légistes et la société française, Les légistes : leur influence sur la société française, Paris, 1877, p. 3). Voir également Joseph Agénor Bardoux, « De l’influence des légistes au Moyen Âge », Revue Historique de Droit Français et Étranger, Paris, 1859, p. 301-335 : « Par un secret avertissement qui ne trompe jamais, les privilégiés sentirent que là étaient leurs vrais ennemis […]. » p. 305.
Auteur
Université de Provence
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