El Linar, grotte
La Busta, Cantabrie
p. 322-327
Texte intégral
Le site
1La grotte d’El Linar se trouve dans la partie centrale de la côte cantabrique dans la localité de La Busta (Alfoz de Lloredo). C’est une grande cavité encore active, parcourue par une rivière souterraine, qui appartient à un réseau karstique développé sur 7,4 km. Les deux entrées principales s’ouvrent sur la face sud d’un petit massif calcaire, proche de la côte, nommé Monte Barbecha. Sur le versant nord de ce massif, à seulement 3 km de la côte, se trouve la grotte de Las Aguas. Les autres sites d’art paléolithique proches sont Altamira (5,6 km), Cualventi (5 km), La Clotilde (5,8 km) et La Redonda (0,7 km).
2Identifié par H. Alcade del Río dès le début du xxe siècle, le site d’El Linar a fait l’objet de diverses études, des années 1950 jusqu’à maintenant. Outre de nombreux vestiges attribuables au Paléolithique inférieur et moyen, au Solutréen et à l’âge du Bronze, découverts dans le lit de la rivière, les fouilles ont permis d’identifier des vestiges moustériens et de reconnaître des niveaux d’occupations attribuables au Solutréen, au Magdalénien inférieur, moyen et supérieur/final et à l’Azilien (Moure Romanillo 1971-1972). Ce dernier ensemble a livré une rondelle* décorée d’un cheval de style pyrénéen (De las Heras et al. 2007-2008).
3Les œuvres pariétales ont été découvertes en 1979-1980 par E. Muñoz et C. San Miguel, accompagnés d’autres membres du CAEAP, dans le vestibule oriental, qui offre les meilleures conditions d’occupation et de conservation. Une couverture photographique numérique durant l’été 2012 a permis de réinterpréter certaines figures et d’apporter quelques éléments nouveaux dans la lecture de cet ensemble.
L’art préhistorique d’El Linar
4Bien que modeste, l’ensemble pariétal de la grotte d’El Linar présente un grand intérêt. Il est réparti entre deux galeries étroites et contiguës, accessibles depuis le vestibule oriental. La première, nommée plafond des Gravures, occupe un plafond plat et calcité, orné de gravures figuratives et abstraites (fig. 1a et 1b). La seconde, dite Galerie des Vulves, consiste en une représentation vulvaire de grande dimension.
5Le plafond des Gravures (fig. 2), une galerie d’environ 1 m de large et 4,50 m de longueur, présente des gravures exécutées sur la face inférieure d’un plancher stalagmitique situé à 0,70 m du sol. Cette disposition a dû contraindre le graveur à travailler couché sur le dos. Ces conditions expliquent sans doute les dimensions réduites des images, qui forment plusieurs petits groupes de l’entrée vers le fond :
Groupe A : il réunit un signe triangulaire complexe, une encornure de bouquetin et une tête de bouquetin, décrite plus loin.
Groupe B : outre des tracés mal conservés où l’on peut éventuellement lire des cervidés et un bovidé, une figuration féminine schématique – exceptionnelle dans la région cantabrique –, assimilable aux vénus magdaléniennes, se dégage de cet ensemble.
Groupe C : plus loin, et dans un autre champ manuel, nous trouvons une tête d’animal profondément gravée mais d’interprétation délicate, qui a parfois été décrite comme un hypothétique léporidé, bien que les oreilles ressemblent davantage à des cornes. Cette image est flanquée de signes linéaires.
Groupe D : il regroupe des signes linéaires gravés et un signe quadrangulaire.
6La galerie des Vulves se situe à gauche de la précédente. C’est un conduit étroit de section ogivale, avec deux rétrécissements en forme de fuseau allongé situés l’un après l’autre et franchissables seulement par reptation. Cette morphologie naturelle a dû évoquer pour les Paléolithiques celle d’une vulve puisqu’ils en ont souligné le pourtour de larges incisions transversales (San Miguel Llamosas & Muñoz Fernández 2000). Pour franchir le premier rétrécissement, il a fallu briser des stalagmites, aujourd’hui reconcrétionnées. Derrière cette étroiture, difficilement franchissable, on accède à une petite chambre limitée par un second rétrécissement, qui reproduit la forme ogivale du premier, bien qu’il soit encore plus étroit. Cette forme vulvaire de grande taille n’est pas unique – une autre, gravée, de 1 mètre de haut, a été découverte à Aitzbitarte-IV (Gárate et al. 2018). Mais la particularité de celle d’El Linar est qu’il est possible, même si cela est difficile, de la traverser.
Les (possibles) représentations de bouquetins d’El Linar
7La première figuration de capriné décrite à El Linar serait celle d’un bouquetin mâle en profil gauche, très schématique et doté de deux grandes cornes (San Miguel Llamosas & Muñoz Fernández 2010 : 104), mais selon notre point de vue, ce que l’on interprète comme le museau est un signe triangulaire associé à une encornure de bouquetin apparemment isolée.
8Immédiatement à côté, et semblant former une composition, se trouve la figuration certaine d’un autre capriné (fig. 3). On peut lire la tête et le cou, profondément gravés, en profil gauche, en extension vers l’avant dans un style naturaliste. Les détails anatomiques sont indiqués avec réalisme : le museau pointu avec le naseau, la bouche, l’œil ovale, l’oreille et deux cornes courtes et recourbées à leur extrémité. Cette figure est souvent interprétée comme une représentation d’isard (Rupicapra rupicapra), bien qu’à notre avis, il puisse s’agir d’une femelle ou d’un jeune de l’espèce bouquetin (Capra pyrenaica).
9Les conventions de représentation rappellent celles des gravures de têtes de biche du Magdalénien inférieur, tant pariétales (Castillo, Altamira) que mobilières (des omoplates des deux grottes), mais on pourrait également trouver des parallèles avec des œuvres d’art mobilier du Magdalénien moyen ou supérieur.
Inventaire
El Linar 1
auteurs : M.L.S.G., A.B.C.
art pariétal
Culture : Magdalénien supérieur
Identifiant : Figure 2, plafond des Gravures (Serna Gancedo & Bustamante Camus 2018)
Localisation : Galerie latérale, premier panneau
Support : Support plancher stalagmitique suspendu, face inférieure
Technique : Gravure
Dimensions (figure) : L. 120 mm x h. 83 mm
Bouquetin représenté : Partiel, protomé
Profil ou vue : Profil gauche
Genre : Indéterminé
Description cornes : Deux cornes, courtes, avec anneaux, simple courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Associé à deux longues cornes, à un signe triangulaire qui le précède et à un signe sinueux simple qui le suit.
Description : De cette figure, on peut lire la tête et le cou, en extension vers l’avant, profondément gravés dans un style naturaliste. Les détails anatomiques sont indiqués avec réalisme : le museau pointu avec le naseau, la bouche, l’œil ovale, l’oreille et deux courtes cornes parallèles. Des gravures plus légères, parallèles, recouvrent l’arrière de la tête et l’amorce du cou. Cette figure est souvent interprétée comme une représentation d’isard, bien que, à notre avis, il puisse s’agir d’une femelle ou, plus vraisemblablement, d’un jeune bouquetin.
Serna Gancedo & Bustamante Camus 2018
El Linar 2
auteurs : M.L.S.G., A.B.C.
art pariétal
Culture : Magdalénien supérieur
Identifiant : Figure 1, plafond des Gravures (Serna Gancedo & Bustamante Camus 2018)
Localisation : Galerie latérale, premier panneau
Support : Plancher stalagmitique suspendu, face inférieure
Technique : Gravure
Dimensions (figure) : L. 115 mm x h. 22 mm
Bouquetin représenté : Segment, encornure
Profil ou vue : Profil gauche
Genre : Mâle
Description cornes : Deux cornes, longues, sans anneaux, simple courbure.
Style : Schématique
Compo./association : Associé à une tête de bouquetin (El Linar f.1) ainsi qu’à un signe triangulaire qui le précède et à un signe sinueux simple qui le suit.
Description : Encornure vue de profil, qui semble partir d’un signe triangulaire complexe. San Miguel et Muñoz (2010) voient dans cet ensemble une tête de bouquetin mâle associée à des lignes. Il est également possible qu’il s’agisse des restes d’une représentation très schématique de l’encornure d’un bouquetin, qui aurait été réalisée avant le signe triangulaire ; l’ajout de ce dernier brouillant alors la lecture de la figure initiale.
Serna Gancedo & Bustamante Camus 2018
El Linar 3
auteurs : M.L.S.G., A.B.C.
art pariétal
Culture : Magdalénien supérieur
Identifiant : Figure 9, plafond des Gravures (Serna Gancedo & Bustamante Camus 2018)
Localisation : Galerie latérale, troisième panneau
Support : Plancher stalagmitique suspendu, face inférieure
Technique : Gravure
Dimensions (figure) : L. 85 mm x h. 83 mm
Bouquetin représenté : Partiel, protomé
Profil ou vue : Profil gauche
Genre : Indéterminé
Description cornes : Deux cornes, courtes, annelure et courbure indéterminées.
Style : Naturaliste
Compo./association : Associé à deux signes linéaires.
Description : Par son contour profondément gravé, ce protomé se rapproche de la sculpture en champlevé. San Miguel et Muñoz (2010) y voient un léporidé, mais nous pensons que les « oreilles » sont trop courtes pour être celles d’un lagomorphe. Nous y verrions plutôt une paire de cornes ; et la figure représentée serait alors un bouquetin, peut-être un jeune sujet. Plusieurs détails sont également figurés : un œil ; un naseau et la bouche, avec la lèvre inférieure marquée.
San Miguel & Muñoz 2002, 2010, Serna Gancedo & Bustamante Camus 2018
Bibliographie
San Miguel Llamosas 1991, Heras Martín et al. 2007, San Miguel Llamosas & Muñoz Fernández 2010, Serna Gancedo 2016, Montes Barquín et al. 2016.
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