Penches, grotte
Barcina de los Montes, Burgos
p. 376-381
Texte intégral
Le site
1La grotte de Penches se trouve dans la petite vallée du rio Penches, affluent de l’Ebre, à 880 m d’altitude. Elle est située entre les villages de Barcina de los Montes et d’Oña, au nord de la province de Burgos. Elle est également connue sous le nom de « Cueva de los Moros » ou de « Barcina » (Corchón 2002). C’est un site qui appartient au bassin de l’Ebre, comme Ojo Guareña, c’est-à-dire qu’il est séparé des grottes de Cantabrie par la cordillère cantabrique. La grotte est distante de 80 km de Covalanas et de 125 km de La Garma.
2On doit à E. Hernández-Pacheco (1917) la première étude de la grotte et de ses gravures.
3L’entrée de la grotte est très étroite. Elle s’ouvre au fond d’un petit vestibule de 2 m sur 3 m dans lequel une fouille, menée par E. Hernández-Pacheco, n’a livré aucun vestige préhistorique. Ensuite, la galerie, quasiment linéaire, est accessible sur 170 m de longueur. C’est une simple diaclase qui ne dépasse pas 2 m de largeur, creusée par une rivière souterraine dans une roche de calcaire crétacé. La galerie est aujourd’hui sèche et ne comporte pas de stalactites. La grotte a été fréquentée par les ours comme le montrent les nombreuses griffades relevées par E. Hernández-Pacheco, mais elle n’a jamais été un lieu d’habitat pour les hommes préhistoriques.
L’art de la grotte de Penches
4L’art pariétal de la grotte de Penches est monothématique : il ne comporte que cinq représentations de bouquetin, mais ces derniers présentent une distribution singulière (voir § suivant). La grotte a souffert de nombreux graffitis, et les traits des gravures ont été repassés, frottés et brouillés en plusieurs endroits.
Les représentations de bouquetins de Penches
5Dans la publication princeps d’E. Hernández-Pacheco (1917), les bouquetins ne sont pas numérotés, mais nous l’avons fait pour cette présentation.
6Quatre d’entre eux sont groupés à 40 m de l’entrée et constituent une véritable composition : deux groupes de deux bouquetins sont en vis-à-vis sur les parois de l’étroite galerie (fig. 2). Les sujets nos 1 et 2 se trouvent sur la paroi gauche, gravés l’un au-dessus de l’autre, à plus de 3 m de hauteur, sur une paroi accessible par une sorte de corniche qui est le vestige d’un ancien niveau effondré (fig. 1, section C). Ils sont tous les deux orientés vers le fond de la grotte et mesurent approximativement 30 cm. Le corps du capriné inférieur (no 1) est plus complet, avec un membre antérieur terminé en pointe et un ventre bombé. Il possède une corne unique à double courbure. Le bouquetin supérieur (no 2) n’est représenté que par la tête, l’encolure et la ligne dorsale. Deux longues cornes sont figurées en vision frontale, ce qui lui donne une apparence « archaïque » – un aspect encore accentué par la technique de gravure large et profonde. Les bouquetins nos 3 et 4 se trouvent juste en face, sur la paroi droite, à la même hauteur, l’un regardant vers la sortie et l’autre vers le fond. La corne du premier sert de ligne dorsale au second. Le bouquetin inférieur (no 3) est complet, alors que le bouquetin supérieur (no 4) se limite à la tête, à l’encolure et à une longue corne sinueuse (voir description dans la partie suivante). Malgré les différences de traitement, ces deux bouquetins sont fortement apparentés à ceux de la paroi gauche. Il y aurait même eu la volonté de représenter deux couples de bouquetins face à face sur les deux parois de la galerie de Penches : le bouquetin 4 serait de sexe indéterminable mais, selon Hernández-Pacheco (1917), il semble bien que l’auteur ait voulu figurer une femelle tandis que le bouquetin 3 est un mâle avéré. Les bouquetins de la paroi gauche seraient également un mâle (petit trait sous le menton, bouquetin 2) et une femelle (ventre rebondi bouquetin 1).
7Enfin, vers 100 m de l’entrée, dans un léger élargissement de la diaclase, il existe, sur la paroi droite, près du sol, une cinquième représentation de bouquetin. Celle-ci est d’un style différent. Elle est peinte et gravée. Le contour, minutieusement modelé, est exécuté en traits fins et multiples. De la peinture noire, assez diffuse, complète la figure sur la tête, les cornes, l’encolure et le ventre.
8Les similitudes formelles et techniques entre les quatre représentations du premier groupe sont telles que l’on peut supposer qu’elles sont de la même main, et cela malgré les différences dans le traitement des encornures et des membres. Le cinquième bouquetin, isolé à 60 m des autres, semble d’un style plus évolué. Pour E. Hernández-Pacheco (1917), les premières figures sont associées au Magdalénien inférieur, tandis que celle du fond relève d’un Magdalénien de type cantabrique plus évolué. Pour H. Breuil (1952), l’ensemble appartient à un « Magdalénien probablement moyen », tandis que pour S. Corchón (2002), il serait Magdalénien supérieur.
Les bouquetins emblématiques de Penches
9Nous considérons que les bouquetins nos 3 et 4 sur la paroi droite, à 40 m de l’entrée, sont les plus représentatifs de la grotte (fig. 3). Leur construction les rend inséparables. Le bouquetin inférieur qu’E. Hernández-Pacheco (1917 : 14) décrivait comme étant « très fruste et n’ayant rien de comparable aux autres figures des cavernes cantabriques » est au contraire d’un art très abouti, puisqu’il a deux pattes antérieures pourvues de sabots et deux pattes postérieures sans extrémités, mais avec une indication de perspective, celle du second plan n’étant représentée que par un trait. Une grande attention a été accordée aux détails anatomiques : oreille, barbiche, petite queue et même indication du fourreau.
10L’esthétique de cet assemblage est très achevée, puisque l’animal a deux cornes à double courbure partiellement superposées et que l’une sert de ligne dorsale à un deuxième bouquetin tourné en sens inverse. Ce dernier est incomplet et moins soigné. Il est réduit à un avant-train avec une tête également pourvue d’un œil, d’une oreille et d’une corne à double courbure plantée au sommet du crâne.
11Il est possible qu’il s’agisse d’un couple, bien que le sexe de la figure supérieure ne soit pas déterminable. Un long trait rectiligne qui traverse le poitrail de la figure supérieure représente sans doute une arme fichée dans le flanc de la figure inférieure.
Inventaire
Penches 1
auteur : G.S.
art pariétal
Culture : Magdalénien
Identifiant : Bouquetin no 1
Localisation : Galerie, 40 m de l’entrée, à gauche
Support : Calcaire, tendre décalcifié, paroi
Technique : Gravure, profonde
Dimensions (figure) : L. 300 mm environ
Bouquetin représenté : Partiel, acéphale
Profil ou vue : Profil droit
Genre : Indéterminé
Description cornes : Une corne, longue, sans anneaux, double courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Associé sur la paroi gauche au bouquetin no 2 (au-dessus de lui ; Penches f.2) et à deux autres bouquetins de la paroi opposée (Penches f.3 et f.4).
Description : Bouquetin orienté vers le fond de la grotte, en profil absolu. La tête est absente (ne figure pas sur le relevé de Hernández-Pacheco 1917), mais le corps est relativement complet et massif. Il a un membre antérieur unique terminé en pointe et possède une corne unique profondément incisée dont la forme renvoie au bouquetin pyrénéen. Il pourrait s’agir d’un mâle bien que son corps replet au ventre prononcé évoque plutôt une femelle. Le tracé profond et appuyé peut sembler grossier, mais cela est dû à la roche en partie décalcifiée qui est très tendre. Il est techniquement et spatialement très proche du bouquetin no 2 avec lequel il semble constituer une paire réalisée de la même main.
Hernández-Pacheco 1917, Ripoll Perelló & Grupo Edelweiss 1957
Penches 2
auteur : G.S.
art pariétal
Culture : Magdalénien
Identifiant : Bouquetin no 2
Localisation : Galerie, 40 m de l’entrée, à gauche
Support : Calcaire, tendre décalcifié, paroi
Technique : Gravure, profonde
Dimensions (figure) : L. 300 mm environ
Bouquetin représenté : Partiel, sans pattes, sans ventre
Profil ou vue : Profil droit
Genre : Indéterminé
Description cornes : Deux cornes, longues, sans anneaux, double courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Associé au bouquetin no 1 (au-dessous de lui ; Penches f.1) et à deux autres bouquetins de la paroi opposée (Penches f.3 et f.4).
Description : Moins complet que le précédent (Penches f.1), ce bouquetin n’est représenté que par la tête, l’encolure, la ligne dorsale et l’amorce du ventre. Sur le relevé de Hernández-Pacheco (1917), une cupule marque l’œil. Aujourd’hui, ce détail a disparu. Le tracé large et profond semble plus raide que celui du no 1. Et surtout, ce bouquetin a, fait unique dans la grotte, deux cornes à double courbure, qui sont figurées en vision frontale. Le petit trait sous le menton pourrait indiquer la barbiche d’un mâle.
Hernández-Pacheco 1917, Ripoll Perelló & Grupo Edelweiss 1957
Penches 3
auteur : G.S.
art pariétal
Culture : Magdalénien
Identifiant : Bouquetin no 3
Localisation : Galerie, 40 m de l’entrée, à gauche
Support : Calcaire, tendre décalcifié, paroi
Technique : Gravure, profonde
Dimensions (figure) : L. 800 mm environ
Bouquetin représenté : Complet
Profil ou vue : Profil droit
Genre : Mâle
Description cornes : Deux cornes, longues, sans anneaux, double courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Associé au bouquetin no 4 (en position supérieure ; Penches f.4) et aux bouquetins nos 1 et 2 situés en face (Penches f.1et f.2), sur la paroi gauche.
Description : De type magdalénien achevé, ce bouquetin est à la fois le plus complet, le plus détaillé et la plus grande figure de la grotte. Il s’agit à l’évidence de l’œuvre maîtresse de l’ensemble. Il possède quatre membres figurés en perspective, les antérieurs étant terminés par des sabots. La patte postérieure du second plan n’est figurée que par un trait, selon une convention classique du Magdalénien (à Niaux⎘ par exemple). Le jarret et les pâturons sont bien marqués, et de nombreux détails anatomiques ont été ajoutés, comme l’œil, l’oreille, la bouche, le naseau, la barbe, la queue et même le fourreau. Les deux longues cornes à double courbure se superposent partiellement, accentuant l’effet de perspective. Il s’agit sans équivoque d’un mâle, le seul à être aussi clairement identifiable dans la grotte. Un long trait oblique, qui coupe les cornes et aboutit dans son flanc, indique sans doute une arme de jet. Ce grand mâle serait donc blessé.
Hernández-Pacheco 1917, Ripoll Perelló & Grupo Edelweiss 1957
Penches 4
auteur : G.S.
art pariétal
Culture : Magdalénien
Identifiant : Bouquetin no 4
Localisation : Galerie, 40 m de l’entrée, à gauche
Support : Calcaire, tendre décalcifié, paroi
Technique : Gravure, profonde
Dimensions (figure) : L. 300 mm environ
Bouquetin représenté : Partiel, protomé
Profil ou vue : Profil gauche
Genre : Indéterminé
Description cornes : Une corne, longue, sans anneaux, double courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Associé au bouquetin no 3 (au-dessous de lui ; Penches f.3) et à deux autres bouquetins de la paroi opposée (Penches f.1 et f.2).
Description : Ce bouquetin n’est représenté que par la tête, l’encolure et une longue corne unique à double courbure. La ligne cervico-dorsale correspond à la corne sinueuse du bouquetin no 3 ce qui crée un lien fort entre les deux animaux. L’œil, le naseau et l’oreille sont représentés. Bien que cette figure soit de sexe indéterminable, il semble bien que l’auteur ait voulu figurer une femelle (Hernández-Pacheco 1917), formant ainsi un couple avec le bouquetin n° 3.
Hernández-Pacheco 1917, Ripoll Perelló & Grupo Edelweiss 1957
Penches 5
auteur : G.S.
art pariétal
Culture : Magdalénien
Identifiant : Bouquetin no 5
Localisation : Galerie, 100 m de l’entrée, à droite
Support : Calcaire, paroi
Technique : Gravure, fine, peinture, colorant noir
Dimensions (figure) : L. 300 mm environ
Bouquetin représenté : Complet
Profil ou vue : Profil gauche
Genre : Indéterminé
Description cornes : Deux cornes, longues, sans anneaux, simple courbure
Style : Naturaliste
Compo./association : Figure isolée à plus de 60 m de la composition aux bouquetins se faisant face deux à deux (Penches f.1 à f.4).
Description : Dans un léger élargissement de la diaclase, près du sol, se trouve ce bouquetin à la fois peint et gravé. Le contour, minutieusement modelé, est exécuté en traits fins, parfois multiples au niveau du ventre. Il y a aussi une esquisse de remplissage interne. De la peinture noire, assez diffuse, rehausse la figure au niveau de la tête, du poitrail, du ventre et le long du dos. Les cornes parallèles, à simple courbure, sont également doublées par un trait de peinture. Malheureusement, depuis 1917, la couleur noire a disparu au point que certains disent que la figure n’a jamais existé.
Hernández-Pacheco 1917, Ripoll Perelló & Grupo Edelweiss 1957
Bibliographie
Hernández-Pacheco 1917, Breuil 1952, Ripoll Perelló & Grupo Edelweiss 1957, Corchón Rodríguez 2002.
Auteur
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