Usage politique de l’histoire par le régionalisme breton dans les conflits sociaux des années 68
p. 131-144
Texte intégral
1Les années 68 en Bretagne sont marquées, comme dans d’autres régions, par un renouveau identitaire. Dans le cadre breton, celui-ci voit se succéder tout au long de la période des discours dont la finalité est d’extirper le poids des stéréotypes et le souvenir d’un passé dérangeant puis d’affirmer, au fil d’une reconstruction du passé, une aspiration moderniste régionale. Reste que cette ambition, si elle perdure à la fin des années 1970, connaît nombre de modifications dans le temps des événements qui marquent les profondes transformations des représentations culturelles et sociales des acteurs dans la Bretagne des années 1968. Dans le cadre de cet article je me propose donc de dessiner les contours d’un régionalisme breton aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, puis de marquer les évolutions du discours régionaliste durant les années 1968 avant de souligner les mutations historiographiques qui accompagnent ces mutations. Je m’appuie pour se faire sur l’étude de quatre conflits sociaux qui marquent la période : le conflit des forges d’Hennebont (1966), la grève de la CSF à Brest (1968), le conflit du Joint Français à Saint-Brieuc (1972) et le conflit Doux à Pédernec (1973-1974).
Le régionalisme breton à la veille des événements de 1968
2Le régionalisme breton sort profondément meurtri de la Seconde Guerre mondiale au cours de laquelle certains autonomistes, réunis au sein de la revue Breizh Atao puis du Parti National Breton (PNB), ont sciemment joué la carte nazie. Les lendemains sont donc sombres pour les autonomistes pourchassés dans le cadre de l’épuration obligeant certains cadres du mouvement comme Yann Goulet ou Olier Mordrel à l’exil. Cet épisode historique encore largement discuté1 impose au mouvement breton un retour drastique sur lui-même. C’est dans ce cadre que se formalise une relecture de l’histoire par le régionalisme breton, relecture qui aboutit à un renversement des références idéologiques :
Les manifestations tapageuses de séparatismes ne sauraient faire illusion sur sa véritable force, c’était la doctrine d’une minorité et sa chance ne reposait que sur l’appui de l’étranger. Si les Bretons, dans leur pôle majoritaire condamnent aujourd’hui l’extrémisme des héritiers de Breiz Atao, ils ne renoncent pas de ce fait à toutes revendications2.
3Par ces termes, le fondateur du Comité d’Études et de Liaison des Intérêts Bretons (CELIB), Joseph Martray marque la volonté de la part d’une fraction des notables régionaux d’une remise en cause de la problématique régionaliste après les années sombres de la Seconde Guerre mondiale marquées par les procès en collaborationniste d’une fraction du mouvement breton. Lorsque Joseph Martray fonde le CELIB en 1947, la page du nationalisme semble donc définitivement tournée et l’heure est au modernisme et au réalisme. C’est par le mouvement fédéraliste qui se diffuse en France autour de la revue La Fédération que Joseph Martray initie une nouvelle vision du développement breton tout en n’évitant pas les résurgences d’un passé dérangeant. Ainsi est mis en évidence le « problème breton » qu’un géographe rennais, Michel Phlipponneau, va plus précisément définir dans un grand nombre d’études synthétisées en 1970 dans son ouvrage Debout Bretagne3. Reste qu’au-delà de la référence à une histoire économique, le discours du CELIB reprend un grand nombre d’éléments préexistants de la doctrine du régionalisme breton. L’aspect essentiel de la doctrine du CELIB est la croyance en une société bretonne monolithique au sein de laquelle disparaît la notion de classes sociales4. Ses représentations de la population que le CELIB refuse de déterminer plus avant par le recours à la dénomination générale de « breton » révèle en fait une vision passéiste du « peuple » qui ne réapparaît que par le truchement les leaders syndicaux agricoles ou cédétistes. De fait cette utilisation générique du terme « bretons », si elle s’explique par l’esprit de rassemblement que Michel Phlipponneau entend donner aux initiatives du CELIB, sous-entend une solidarité interclassiste dont la réalité reste sujette à caution. Il reste ainsi très attentif aux accusations de poujadisme5. Cette représentation d’une solidarité régionale interclassiste débouche fatalement, dans le contexte social des années 1968, sur un constat désabusé de l’action des masses6. Dès lors, les conclusions très dures pour lui-même et pour l’action du CELIB que Phlipponneau dresse à partir de 1962 n’ont pas lieu d’être, il souligne simplement l’absence d’alternative politique proposée aux aspirations des acteurs bretons. Le CELIB, en organisant son action sur des critères de conduite étatiques (débats économiques de haut vol, priorité donnée aux acteurs de la production agricole, déficit de communication pédagogique), ne fait finalement que conforter l’électorat breton dans sa démarche gaulliste en lui proposant un vocabulaire technocratique que tous pouvaient assimiler à la vulgate d’État. De là, sans doute, l’incapacité des membres du CELIB à provoquer des mobilisations durables et profondes et l’obligation d’en venir, de façon étonnante et, dans une certaine mesure, anachronique, à la pratique du serment prêté en public pour tenter d’asseoir une légitimité. Ainsi peut-on évoquer le « serment d’Auray » du 3 novembre 1962 censé retenir les nouveaux députés bretons autour des bases défendues par le CELIB contre la politique gaullienne ; mais aussi le « serment d’Hennebont », moins connu, prêté en 1963 par Joseph Martray et les forgerons d’Hennebont présents à la manifestation dans le but de sauver les Forges en restant unis autour des revendications du comité de défense des Forges. Signe des limites atteintes par ce retour à ces pratiques ancestrales, les forges sont finalement fermées en 1966 et les députés bretons abandonnent le CELIB à partir de 1964.
4Autre aspect de ce régionalisme breton d’après-guerre, le Mouvement pour l’Organisation de la Bretagne (MOB). Lorsque le MOB est créée en 1957 par Yann Fouéré, Ronan Goarant et Yann Poupinot, cette organisation entend regrouper toutes les sensibilités politiques et se battre pour le fédéralisme et l’unité européenne. Se proclamant apolitique, elle popularise la notion d’exploitation coloniale de la Bretagne par la France alors que le mouvement d’émancipation des peuples colonisés se développe en Afrique et en Asie. C’est donc bien le MOB, et non pas sa scission l’Union démocratique Bretonne (UDB), qui lance le slogan : « Bretagne = colonie »7 que ce dernier popularise. Reste que cette perception coloniale de la situation de la Bretagne dans un ensemble français participe de longue date à l’idéologie du régionalisme breton. En effet, dès 1922, Henri Quilgarz, économiste bretonnant, intègre la dimension économique dans le discours régionaliste de son ouvrage sur la production en Bretagne, que le CELIB n’aurait pas renié8. Cette popularisation de la notion de colonie permet aux mouvements régionalistes des années 68 de s’intégrer dans le sens de l’histoire contemporaine et de participer aux débats nationaux et internationaux surtout quand de jeunes militants quittent cette organisation, trop droitière à leurs yeux, pour fonder l’UDB en raison de la position du MOB sur la guerre d’Algérie et notamment l’usage de la torture. Le MOB connaît d’autres dérives qui prouvent sa cécité historique, ainsi la diffusion d’une affiche dénonçant la « déportation » des Bretons et représentant un homme s’éloignant vers la France et la Ruhr. Comble de maladresse – les éléments ne nous permettant pas d’évaluer l’aspect volontaire d’un tel rapprochement – le personnage représenté est affublé d’un costume rayé immédiatement perçu par le public comme en relation avec les camps de la mort. Maladresse ou provocation, le tollé est bien sûr général en Bretagne et discrédite encore plus, si c’était nécessaire, le mouvement régionaliste9.
5Les événements de mai/juin 1968, faisant office de révélateur de nouvelles représentations, vont profondément modifier l’appréhension du régionalisme breton par les acteurs sociaux et culturels. Cette évolution est perceptible par le biais des sources orales dans le cadre des conflits sociaux qui occupent à partir de 1966 l’actualité sociale de la région.
L’affirmation d’une autonomie individuelle comme réceptacle d’une autre vision du régionalisme : le tournant des événements de mai/juin 1968
6Dans le cadre des entretiens10, les représentations régionalistes des forgerons hennebontais tranchent du fait de leur antériorité et de leur localisme. Spontanément les témoins n’évoquent pas un cadre géographique plus large que la vallée du Blavet où ils vivent et renforcent cette dimension de lien physique entre les hommes et leur environnement si prégnante dans les stéréotypes attachés à la Bretagne depuis 183011. Quand le questionnement porte directement sur leur appréhension d’une identité bretonne, les réponses apparaissent forcées : si le fait d’être « breton » ne pose aucun problème particulier et apparaît comme allant de soi, la notion de combat identitaire paraît vide de sens à l’exemple du combat pour la défense de la langue bretonne, initié par les écoles Diwan, que beaucoup considèrent, quarante ans après, comme au mieux inutile au pire dangereux pour l’avenir de leurs petits enfants12. Dans les entretiens, les représentations d’une Bretagne pré 68 s’articulent autour de quelques données précises : la dureté du travail des anciens et de leurs parents et le refus de ce modèle, l’acceptation fataliste de l’exode pour des raisons financières ou de formations supérieures, la distance grandissante avec le monde paysan, l’absence de représentations identitaires qui se traduit par l’abandon, sans traumatisme, de la langue bretonne qui prolonge une tendance clairement identifiée en Bretagne13 et, plus largement, de toutes formes de reconstruction historique régionale. Cette attitude est soutenue par les militants du PCF et de la CGT particulièrement actifs dans ce bastion métallurgique dont le secrétaire départemental souligne au cours d’un entretien l’absence total d’intérêt, voire la méfiance, pour une culture bretonne marquée durablement du sceau de la collaboration14.
7Pour les générations suivantes, l’évocation de l’enfance est fortement teintée des stéréotypes des années 68 : le poids de la religion catholique, la fracture ville/campagne, l’absence de travail qui rejoint la problématique du sous-développement et pousse à l’exode. Ces générations se sont définies individuellement par rapport à des références extérieures à la Bretagne – soit par le départ vers Paris, soit, dans le cadre de la décentralisation, par la confrontation avec des contremaîtres extérieurs à la région. De ce fait, leur appréciation d’une identité bretonne est directement liée à leur souvenirs de jeunesse d’où ressort une représentation fortement teintée de culpabilisation et de pessimisme, manière de mettre en avant leur parcours postérieur dû à leur volonté et à leur capacité individuelle qui tranche, dès lors, avec les représentations d’une Bretagne retardée et/car cléricale. Ainsi GL, technicien à la CSF Thomson de Brest, marque bien son rejet initial de toute référence bretonne – à commencer par la pratique de la langue – en évoquant le souvenir du soutien apporté par le clergé aux nationalistes bretons du mouvement Breizh Atao, mais aussi l’influence de son environnement familial15. De manière générale, l’autodétermination des acteurs sur un mode identitaire reste très ponctuelle ; il est arrivé qu’au détour d’une question, l’interviewé évoque « le courage » des Bretons16 ou leur « goût du travail »17. Dans ce cadre, le témoin dénonce, trente ans après, la mise en cause de la qualité de son travail par la maîtrise, tout en rejoignant, inconsciemment, une dénomination stéréotypée du caractère « breton ». Cette génération de « l’exode » qui revient au pays va donc intérioriser une réalité bretonne faite d’abstraction du passé, de revendication d’autonomie individuelle et d’une perception offensive d’une identité régionale qui trouve ses sources dans la conscience d’une exploitation des Bretons, pris comme un ensemble, par les « Parisiens ».
L’affirmation d’une nouvelle représentation de la Bretagne : la fortune de l’idée autogestionnaire en Bretagne en mai/juin 1968
8La notion d’autogestion fait toujours débat18 et peut-être est-il nécessaire, avant d’aborder l’aspect strictement breton, de revenir sur les origines de ce concept dans la France des années 68. Yvon Bourdet en 1971 rappelle que le mot d’ordre d’autogestion n’a pas été saisi au vol de façon « opportuniste » le 16 mai 1968, il souligne que le terme est abordé dès 1964 par la fédération de la pétrochimie d’Edmond Maire oubliant la participation de Frédo Krumnow au nom de la fédération Hacuitex dès 196319. Avec Alain Guillerm20 il évoque l’origine yougoslave, espagnol et algérienne du concept autogestionnaire au moment de son arrivée dans les pays industrialisés. Selon eux, l’apparition publique du terme intervient en 1963 après l’indépendance de l’Algérie, référence par ailleurs fondamentale dans la reconstruction politique d’un régionalisme breton, mais le vrai débat qui s’instaure se noue autour du contenu même du terme. Si tous les observateurs s’accordent pour constater le primat des revendications traditionnelles par une volonté de gestion de leurs entreprises, ils notent, comme trait fondamental de toutes les actions l’intervention active de la base qui mène et contrôle elle-même la lutte. Plutôt qu’étude de l’autogestion, c’est bel et bien le changement des formes et du contenu des luttes sociales qui fait objet d’étude pour les sociologues des années 70 à travers la volonté affirmée des grévistes d’une prise de contrôle de leur environnement (licenciements, arbitraire patronal, classement et qualification, cadences, rendement et productivité, fiches de travail et cotation par poste, horaires)21. Ainsi l’autogestion, loin d’être perçue comme un projet de société, devient « l’exercice social de la liberté »22 dans les représentations des années 68.
9Les expériences autogestionnaires qui se développent en Bretagne dans les années 68 procèdent de la même représentation d’une volonté d’autonomie, et il s’avère que cette volonté est moins formalisée dans un cadre breton que dans une optique de développement individuel. La conséquence n’en est pas moins qu’une part appréciable des éléments moteurs du processus autogestionnaire vont rejoindre les organisations politiques prônant une régionalisation voir une autonomie à l’exemple des techniciens de la CSF Thomson entrant à l’UDB ou au PSU. Ceux-ci vont dès lors participer à une reconstruction de l’histoire régionale en phase avec les luttes sociales. À Brest, les salariés de la CSF, et notamment les jeunes techniciens, se lancent dès le 20 mai 1968 dans une expérience, qualifiée abusivement par les médias d’« autogestionnaire », qui vise à autonomiser leur centre de production23. En l’occurrence l’action précède l’idée. Avec des mots d’ordre liés à des problématiques internes à l’entreprise : le pouvoir des chefs, la non-reconnaissance des capacités professionnelles, l’absence de communication avec le centre parisien, le processus autogestionnaire à l’œuvre au sein de la CSF Thomson à Brest s’affirme rapidement comme une remise en cause des relations entre Paris et la province et plus généralement du jacobinisme. En effet, la démarche initiée au sein de l’entreprise par les techniciens vise à autonomiser le fonctionnement du centre brestois notamment par l’implantation d’un centre de recherche. Ces visées s’appuient, selon les témoignages recueillis trente ans après, sur le refus d’être considérés comme des « Français de seconde zone » affichant finalement une perception régionaliste de leur situation. Ainsi l’adhésion de GL au mouvement breton se fait quand le mot d’ordre autogestionnaire s’y généralise sous l’action de l’UDB comme du PSU. De manière révélatrice, l’université brestoise en gestation échafaude dans le même temps et sans aucun contact avec l’expérience en cours à la CSF une réforme des universités à visée fédéraliste mise en évidence au niveau national lors des assises de Clermont-Ferrand et de Grenoble24. Partie, elle aussi, sur une volonté d’autonomie vis-à-vis du centre universitaire rennais, l’action initiée par les jeunes enseignants du Collège Littéraire Universitaire de Brest s’appuie sur une commission paritaire réunissant enseignante et étudiante parmi lesquels des organisations régionalistes comme la Jeunesse Étudiante Bretonne (JEB) jouent un rôle essentiel. C’est également au sein de ce collège universitaire que se développe autour de Ronan Le Prohon, professeur au CLU, l’organisation régionaliste la plus influente en Bretagne, l’Union Démocratique Bretonne (UDB) fondée en 1964.
10De l’autogestion dans l’entreprise à l’autogestion dans la région, le passage se fait « naturellement » y compris dans la récupération des slogans dénonçant le colonialisme25. Ceux-ci se formalisent dans les luttes par le rejet des « usines pirates » et plus généralement de la mainmise d’un capitalisme extérieur à la région qui impose ses décisions. Cette dimension est au cœur de la mobilisation du Joint Français, mais aussi de la grève du lait qui oppose les milieux paysans en 1972 et du conflit de Pédernec en 1973-197426. La réappropriation de la langue – ou du moins une certaine reconnaissance de son retour à une modernité vécue – dans un cadre de luttes sociales se fait notamment en contact avec les paysans au cours des visites qu’ils rendent aux piquets de grève à l’occasion desquels la pratique du breton jette un pont entre des acteurs aux vécus par ailleurs éloignés27 et par l’action des comités de soutien aux luttes qui se multiplient en Bretagne28. Reste que pour certains des acteurs du conflit de la CSF, si l’autogestion au sein des entreprises procède bien d’une demande d’autonomie à connotation moderniste, l’autonomie régionale reste perçue comme un repli sur soi et donc condamnable marquant ainsi pour beaucoup la prégnance des représentations d’après-guerre29.
11Cette concomitance des objectifs de lutte met en évidence, par le biais des médias, une perception de la Bretagne en phase avec le présent et réclamant une reconnaissance de la part des autorités politiques et économiques. En ce sens cette représentation du développement de la Bretagne, de la part des acteurs sociaux, rompt avec une longue tradition régionaliste assise sur une lecture sélective de l’histoire bretonne marquée par une opposition frontale avec un ensemble français et une lecture strictement politique de son action. Trente ans après, les acteurs des mobilisations sociales des années 1968 apparaissent largement dubitatifs vis-à-vis d’une quelconque expression régionaliste de leurs conflits. Pour les grévistes du Joint Français en 1972, le conflit a certes été l’occasion d’une découverte d’une culture bretonne, mais largement perçue au travers de son expression musicale. L’impact considérable d’une nouvelle génération de chanteurs militants rencontre une pratique du chant mobilisateur qui est l’une des caractéristiques marquantes de la mobilisation du Joint Français30 et qui marque les observateurs31. Les chants révolutionnaires, entonnés au début du conflit et notamment devant la caméra de Jean-Louis Le Tacon32 durant la nuit de séquestration du 5 au 6 avril qui lance médiatiquement le conflit, sont rapidement dépassés dans la pratique par des chants de lutte écrit pendant le conflit – c’est le cas du célèbre « Au Joint Français, les ouvriers bretons disent merde aux patrons » écrit par le chanteur Kirjuel –, mais aussi par des chants issus de la nouvelle vague des chanteurs régionalistes engagés. C’est ainsi par le vecteur de cette musique bretonne revendicative, véhiculée par les artistes soutenant la lutte dans les Fetz Noz (fête de nuit), que va s’intérioriser pour les ouvriers et ouvrières du Joint ce sentiment d’appartenance identitaire. Symbole parmi d’autres, la chanson « La blanche hermine », évocation historicisée de la situation de la Bretagne par le chanteur Gilles Servat (l’hermine est le symbole du duché de Bretagne), est reprise par les grévistes du Joint Français qui se l’approprient comme un symbole de leur lutte durant le conflit et notamment lors de la manifestation du 1er mai 1972 à Paris33. Pour les jeunes ouvriers du Joint Français, plus habitués aux mélodies de Johnny Hallyday, et au bal du samedi soir, la découverte de cette musique dans les Fetz Noz de soutien sonne encore de nos jours comme une révélation durable34. Autre symbole réapproprié, le Gwen A Du, le drapeau breton conçu par Morvan Marchal en 1922, est encore interdit, tant par la CGT que par la CFDT, lors des grèves de mai/juin 196835. On mesure le chemin parcouru quand les grévistes du Joint Français font la quête auprès de la population dans ce même drapeau. Reste que l’enjeu régionaliste est clairement absent des préoccupations immédiates des acteurs du conflit du Joint Français. Comme pour les forges d’Hennebont et la CSF Thomson, les revendications salariales prennent toujours le pas sur les revendications plus généralistes, a fortiori axées sur un développement régionale autonome que les contacts avec d’autres usines à travers France à l’occasion du soutien ont fortement relativisé dans l’esprit des plus jeunes ouvriers.
12Cet écart entre l’expression politique des organisations régionales et la perception culturelle et sociale du régionalisme de la part des acteurs des conflits sociaux se trouve comblé par le recours à un passé reconstruit popularisé par l’évocation d’épisodes historiques oubliés.
Expression historique d’une nouvelle aspiration identitaire et reconstruction du passé
L’histoire comme fondement du nationalisme breton
13Quand disparaît dans l’épuration le mouvement nationaliste breton, s’efface avec lui une référence nette à une histoire nationale bretonne. En effet, pour les tenants du nationalisme breton la nation trouve sa raison d’être dans une histoire spécifique. Expression de cette position doctrinale, l’action de Breiz Atao pour l’enseignement d’une histoire de Bretagne36 dans l’entre-deux guerre ; paraît ainsi une histoire de Bretagne signée C. Danio pseudonyme de Jeanne Corroler en 1921. Dans ces ouvrages scolaires, se dessinent les fondements d’une histoire nationale : la lutte séculaire entre la France et la Bretagne, l’alliance entre paysans et aristocrates contre la bourgeoisie qui profitent de la révolution pour s’enrichir, le rejet de la figure de du Guesclin comme traître à son peuple et le souvenir mythifié des ducs de Bretagne symbolisé, entre autre, par le pèlerinage sur les lieux de la dernière bataille « bretonne » à Saint-Aubin-du-Cormier. À partir de 1931, la dérive du mouvement breton vers le nazisme accentue la dimension raciale de l’opposition entre Bretagne et France. Cette vision est relayée par le Bleung-Brug, mouvement régionaliste catholique, qui appuie son discours sur la défense des libertés bretonnes, le sacrifice des Bretons lors de la guerre de 1870 et la célébration des Chouans. Par ce biais se dessine une histoire retravaillée qui marque durablement les représentations historiographiques et dont le but est de fournir un fondement juridique à la souveraineté de la Bretagne. Au cœur de ces représentations se situe le traité d’union de 1532 qui réunit la Bretagne à la France en accordant des garanties à la population bretonne, mais surtout par la reconnaissance de facto qu’il donne à la notion de « nation bretonne ». Dès lors, tout procède de la nation et le programme de Pontivy du Conseil National Breton de 1931 prévoit la mise en place d’une assemblée provinciale, le caractère national de la langue bretonne et, au niveau économique, une protection douanière qui protège une économie bretonne axée définitivement sur la paysannerie et l’artisanat.
14Les lendemains de guerre sonnent le glas de la vision d’une l’histoire « nationale » dont les représentations sont cependant durables – le traité de 1532 est ainsi évoqué par les autonomistes du Front de Libération de la Bretagne lors de leur jugement à Paris en 1972 au prétexte que, selon les termes du traité, un breton ne peut être jugé hors de Bretagne –, celle-ci laisse place à une nouvelle construction historiographique du régionalisme breton sous l’impulsion du CELIB. Dans son ouvrage, Michel Phlipponneau dessine les contours d’une Bretagne avide de progrès économique et notamment industriel, il rejette ainsi toutes références à une historiographie passée37. Cette focalisation sur la dimension économique l’amène à évoquer une histoire de la Bretagne sensiblement différente, en apparence, de l’historiographie antérieure. Ainsi évoque-t-il, pour asseoir les revendications du CELIB, l’effondrement de l’industrie toilière bretonne au XVIIIe siècle consécutive à la fermeture de l’espace atlantique aux ambitions françaises avec pour conséquence le rejet de la Bretagne hors de la révolution industrielle38. Cette référence à la révolution industrielle tranche profondément avec les représentations historiographiques précédentes axées sur une Bretagne désindustrialisée et fière de l’être. Cette nouvelle approche historiographique du régionalisme breton est à mettre en relation avec la suprématie de l’histoire moderne dans la foulée de l’histoire sérielle axée sur l’économie que connaît alors l’histoire en France. Cet attachement à des références historiques différentes des références antérieures se retrouve dans la dénomination d’« États Généraux de la Bretagne » donnée aux réunions du CELIB, référence claire à la période révolutionnaire en rupture avec un discours nationaliste axé sur l’âge d’or des ducs de Bretagne.
Histoire et prolongement du slogan « Bretagne = colonie »
15Perçu initialement par un public cultivé d’étudiants et d’enseignants, qui composent les gros bataillons de l’UDB, le slogan Bretagne = colonie se diffuse plus largement dans le cadre des luttes sociales et au premier chef de la plus populaire : celle du Joint Français. Dans le cadre de cette lutte, les impératifs tactiques liés à la mobilisation d’un soutien régional voulue par la CFDT rencontrent la dialectique régionaliste. Ainsi une étude des tracts diffusés pendant le conflit39 met en évidence une CFDT qui instrumentalise la notion de « colonie » pour dénoncer la situation des salariés de cette industrie chimique. Le message est abondamment repris par le PSU fortement ancré à Saint Brieuc40 qui s’appuie de son côté sur les prises de position de son leader Michel Rocard41, puis par les organisations d’extrême-gauche qui trouvent dans cette dénonciation de la colonisation une expression géographique à leur critique de la société capitaliste42. Avec cette lutte, largement popularisée par les quotidiens locaux et nationaux, se généralise l’image d’une Bretagne colonisée en lien avec les représentations liées à la guerre d’Algérie43. Cette représentation d’une région colonisée prend appui sur les avantages accordés par l’État et les municipalités à des « usines pirates » dans le cadre de la décentralisation. Nous avons vu, au travers de l’exemple de l’autogestion à la CSF, de quelle manière le contrôle par Paris des centres de production bretons pouvait être perçu de façon très négative par les salariés locaux.
16Reste que cette dialectique trouve une expression historiographique sous l’influence des historiens régionalistes de l’UDB – l’un des principaux fondateurs, Ronan Le Prohon, est lui-même professeur d’histoire moderne à l’université de Brest. Partis du combat contre la guerre d’Algérie, les fondateurs de l’UDB, dans leur charte de 1964, reprennent l’essentiel des positions régionalistes du MOB en y ajoutant une composante socialiste. Celle-ci s’exprime notamment par l’intérêt porté à l’économie, déjà constaté à propos du CELIB, et par le recours aux bases du socialisme. Cette idéologie en construction formalise la problématique coloniale en ayant recours à de nouveaux épisodes historiques qu’elle s’emploie à populariser. C’est notamment le cas de la révolte paysanne des bonnets rouges de 1675 qui remplace dans l’historiographie régionaliste des années 1968 la figure historiquement douteuse de Conan Mériadec, « fondateur » de la monarchie bretonne, ainsi que les évocations d’une race celtique idéalisée durablement évincées par la mémoire de la guerre. C’est en 1967 que semble apparaître pour la première fois publiquement une référence à l’épisode des bonnets rouges dans les cercles cultivés, notamment étudiants, par le biais d’un jeune poète régionaliste, co-fondateur de l’UDB, Paol Keineg qui dans une pièce de théâtre popularise cet épisode social44. Ce thème historique est ensuite développé dans un ouvrage de Boris Porchnev45 qui souligne la modernité de cette contestation paysanne à partir du « code paysan »46 rédigé par les révoltés. Ronan Le Prohon peut, dès lors, développer cette modernité du prolétariat agricole breton dans ses cours à l’université de Bretagne Occidentale47 expliquant, par la violente répression qui suit et les traces profondes qu’elle laisse dans les mémoires, les limites atteintes par la révolution française en Bretagne un siècle plus tard. Ainsi sont minorées les représentations exclusivement chouannes et contre-révolutionnaires de la Bretagne des stéréotypes antérieurs. Cette représentation historique d’un prolétariat agricole breton précocement en lutte contre le pouvoir central, rompant avec les stéréotypes du breton fataliste devant la modernité, est alors reprise par le très dynamique cinéma breton d’intervention sociale des années 68 avec la fondation du collectif « Torr e benn » par Jean Louis Le Tacon en 1972 qui reprend le cri de ralliement des bonnets rouges (« Cassez leur la tête ») pour surnommer son entreprise cinématographique vouée à la popularisation des luttes sociales en Bretagne. Dès lors, la référence s’étend chez les militants des luttes sociales48. On retrouve cette dénomination jusque dans le club parisien des « Bonnets Rouges » au sein duquel militent Louis Le Pensec et Charles Josselin, élus députés PS de Quimperlé et de Dinan en 197349. Le « bonnet rouge » devient l’expression plus générale d’un prolétariat breton en lutte contre un pouvoir central. Cette action d’historisation est complétée, à partir de 1975, de façon plus générale par les éditions Skol Vreizh sous la direction de Jean-Jacques Monnier qui, en proposant une histoire contemporaine de la Bretagne, diffuse cette vision moderniste d’une histoire bretonne dominée par la dimension économique rejetant druide et korrigan dans un passé archaïque et dangereux. Le dernier tome paraît en 1990. Il en sera vendu 200 000 exemplaires en 25 ans.
17Pour les acteurs des conflits sociaux, l’influence de ce nouveau militantisme régionaliste a des effets certains, non sur le plan politique – l’UDB ne parvient jamais à obtenir des résultats électoraux d’une quelconque importance au niveau régional –, mais bien sur le plan culturel. Reste que si la notion d’exploitation de la Bretagne en tant que région est généralement acceptée50 – notamment par la mise en évidence du niveau des salaires ou des abattements de zone – la représentation de l’exploiteur par les salariés en grève ne se focalise pas sur un ensemble national français, mais bien sur le mode de fonctionnement d’entreprises centralisées. C’est donc moins la France – et l’exemple de l’étendue national du soutien apporté aux grévistes du Joint Français est là pour relativiser toutes démarches en ce sens51 – que le rôle d’un capitalisme transnational dans le développement économique de la Bretagne qui est remis en cause au travers d’une affirmation identitaire en Bretagne dans les années 1968.
Conclusion
Le combat de libération nationale n’est donc révolutionnaire que s’il vise à la destruction complète des superstructures coloniales, à l’abolition des rapports de domination. Il n’est révolutionnaire que s’il est compris au même titre que les luttes économiques et sexuelles comme une composante indissociable de la lutte globale de la libération de l’homme52.
18Quand un jeune militant régionaliste écrit ces lignes, il marque la profonde évolution du mouvement breton dans les années 68 accompagnant sa transformation d’une relecture de l’histoire qui abandonne toute référence directe à une nation bretonne élitaire en rejoignant les luttes sociales qui se développent en Bretagne. En s’intégrant à ces luttes, c’est bien par la dimension culturelle que le mouvement breton va s’imposer dans les consciences, une culture non plus dirigée contre la France, mais qui se fonde sur une contestation sociale et culturelle plus large en lien avec l’ensemble des peuples dominés53. En refondant une histoire régionale dans un contexte de lutte face à un adversaire transnational, le capitalisme dont la domination « française » n’est plus qu’un aspect, le régionalisme breton a in fine réaffirmé son identité dans la modernité, concluant ainsi un parcours entamé depuis la fin de la guerre.
Notes de bas de page
1 C. Bougeard (dir.), Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre mondiale, Brest, CRBC, 2002, 409 p. et l’article de Marc Bergère dans le présent volume.
2 J. Martray, Le problème breton et la réforme de la France, 1947, La Baule, Édition de Bretagne, p. 11.
3 M. Phlipponneau, Debout Bretagne, Saint-Brieuc, Presse Universitaire de Bretagne, 1970, 530 p.
4 M. Phlipponneau souligne ainsi : « sa foi que le développement rapide et global de la région réussisse ainsi à faire disparaître les oppositions classiques entre les catégories professionnelles et sociales », p. 57. À noter qu’il se remet en cause à la suite de la grève du Joint français en 1972. M. Phlipponneau, Au joint français, les ouvriers bretons…, Presse universitaire de Bretagne, 1972, 135 p., p. 3.
5 Ainsi à la page 54 aux lendemains de la « bataille du rail » qui voit le CELIB mener la lutte contre l’augmentation des prix ferroviaires : « mais cette politique de force n’était pas l’expression d’un poujadisme régional, n’appuyait pas des revendications démagogiques. Elle visait simplement à obtenir l’application d’une politique régionale rationnelle, cohérente, s’appuyant sur des données précises, conçue par une association de l’esprit scientifique et de l’esprit démocratique ».
6 « On ne peut attendre davantage de l’action de forces locales, professionnelles et sociales, trop dispersées, trop peu cohérentes pour dépasser des actions souvent spectaculaires, mais toujours sans lendemain », p. 3.
7 Cent et unes questions sur le MOB, 1960.
8 « Colbert fut un grand destructeur : pour lui les Bretons étaient des menteurs et il les traite comme peuple colonial », H. Quilgarz, La production en Bretagne, Brest, revue Buhez Breizh, 1922.
9 D’ailleurs une correspondance RG souligne les limites de l’influence du MOB précisant qu’il n’a que l’importance que les gens veulent bien lui donner.
10 Ces entretiens ont été collectés et intégralement retranscrits dans le cadre d’une thèse soutenue le 15 juin 2005 sur l’évolution des représentations sociales et culturelles en Bretagne dans les années 1968 au filtre de cinq conflits sociaux sous la direction de Jacqueline Sainclivier, Université de Rennes 2.
11 C. Bertho, « L’invention de la Bretagne, genèse sociale d’un stéréotype », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 35, novembre 1980.
12 Entretien LGL du 10 juillet 2000, agent de planning aux forges d’Hennebont.
13 F. Broudig, spécialiste de la langue bretonne souligne ainsi : « Peut-on disculper l’État d’avoir voulu procéder à l’élimination de la langue bretonne ? L’accusation est née au XXe siècle, et se développe depuis au rythme du mouvement breton. [...] [Cependant], c’est le choix qui a été fait massivement en Basse-Bretagne à partir de la dernière guerre. Peu importait généralement l’avenir de la langue bretonne elle-même. André Burguière en a été frappé : “La disparition du breton ne prend à Plozévet aucun tour dramatique. Pas de regret chez les ‘blancs’, pas de mépris chez les ‘rouges’. Pas de culture humiliée” […] L’essentiel était de pouvoir accéder à d’autres connaissances, à d’autres échanges, à d’autres potentialités ». F. Broudig, La pratique du breton de l’ancien régime à nos jours, Rennes, PUR, 1995, p. 442-443.
14 Entretien MP du 14/02/2000, secrétaire départementale CGT.
15 Ainsi lors de l’entretien avoue-t-il sa honte d’accompagner sa mère portant la coiffe bretonne à Brest et objet des moqueries ou de l’exploitation des commerçants, Entretien GL, du 22 juillet 1997, technicien à la CSF.
16 Entretien MB du 12/07/2000, OS2 à la CSF Thomson à Brest.
17 Ce dernier aspect est couramment évoqué dans les entretiens durant toute la période étudiée.
18 F. Giorgi (dir.), « Autogestion, la dernière utopie ? », Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, 612 p.
19 Y. Bourdet, syndicat, conseils ouvriers et autogestion, Autogestion et socialisme, juillet-octobre 1971.
20 A. Guillerm et Y. Bourdet, Clef pour l’autogestion, Paris, Seghers, 1975, 286 p.
21 S. Mallet, op. cit.
22 A. Guillerm et Y. Bourdet, op. cit.
23 V. Porhel, « L’autogestion à la CSF de Brest » in G. Dreyfus-Armand, R. Franck, M.-F. Lévy, M. Zancarini-Fournel (sous la dir.), Les années 68, le temps de la contestation, Bruxelles, Édition Complexe, 2000, 525 p., cette publication est elle-même tirée du DEA soutenu à l’université de Paris VIII en 1998 sous la direction de Michelle Zancarini-Fournel.
24 V. Porhel, Mai 68 au Collège Littéraire Universitaire de Brest, mémoire de maîtrise sous la direction d’Edmond Monange, Brest, 1988.
25 Entretien GL, du 22 juillet 1997, technicien à la CSF.
26 Celui-ci est également le théâtre d’un épisode autogestionnaire par la production et la vente de poulets par les grévistes.
27 Entretien PS du 5 août 1997, agriculteur.
28 « Nous terminerons par une phrase en breton parlé tous les jours par nos camarades de Pédernec », Comité de soutien de Guingamp le 26 janvier 1974. Le fait qu’une minorité de grévistes s’expriment en breton n’entre pas en ligne de compte.
29 Entretien RL et PR du 28 décembre 1997, ouvrier professionnel et administratif à la CSF Thomson.
30 Sur la littérature militante durant la période, N. Caradec, La Notion de territoire dans la poésie bretonne de langue française contemporaine, Thèse de littérature moderne, 2002, Université de Rennes 2, 429 p., p. 270-314.
31 Entretien JC, sociologue du 3 juin 2002.
32 J-L. LeTacon, Voici la colère bretonne…, Torr e benn, 1972, 1 heure 02, Cinémathèque de Bretagne.
33 Entretien PB, p. 282.
34 Une grande partie des acteurs interviewés datent de la grève la découverte et l’appropriation de la musique « celtique ».
35 Entretien JLF du 3 octobre 2000, secrétaire départemental CFDT.
36 Cette démarche se fait dans le cadre de la cassure en 1924 entre BA et le Bleung-Brug d’inspiration catholique et jusqu’alors unique dispensateur d’une histoire régionale. J.-F. Lorant, Un siècle de régionalisme dans l’enseignement en Bretagne : histoire régionale et contre-histoire locale 1820-1945, Rennes, Université de Rennes, Centre de recherches administratives et politiques, 1980, 214 p.
37 « Aux jeunes qui se battront pour rendre à la Bretagne sa dignité, il fallait montrer quelles étaient les voies sans issues, afin qu’ils en recherchent des nouvelles […] je sais que l’imagination ne leur fera pas défaut. Je crains plutôt qu’elle ne les conduise à s’égarer dans les paradis théoriques à concevoir une Bretagne irréelle, modelées par des doctrines répondant aux caractères d’autres temps et d’autres lieux, mal adaptées à des réalités concrètes. Je voudrais qu’ils partent de données précises, de la connaissance objective de l’évolution et des caractères des faits humains, économiques, géographiques », Debout Bretagne, p. 4.
38 Cette position prend notamment appui sur les travaux de J. Tanguy, Production et le commerce des toiles « Bretagnes » du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, Bibliothèque nationale, 1969, p. 105-141.
39 Notamment les archives de l’Union Départementale CFDT des Côtes d’Armor.
40 Notamment au travers de Combat socialiste, organe de la fédération PSU des Côtes du Nord.
41 M. Rocard, Décolonisons la province, 1967, synthèse des assises PSU de Saint-Brieuc (26-27 novembre 1966).
42 « Mettons la population dans le coup ; les camarades du Joint ont remporté une victoire fantastique, en contestant leur salaire de colonisé, en tenant ferme, ils ont éveillé la conscience nationale de toute la Bretagne. Tous les Bretons étaient concernés par cette lutte contre la colonisation de la Bretagne qui était annoncée par la revendication “des salaires comme les autres gars du Joint” (ceux de Paris). Au fond, ils ont retourné complètement la situation, ils étaient surexploités parce que bretons ; ils ont gagné parce que bretons, parce que toute la Bretagne s’est reconnue dans leur combat et donc les a soutenus financièrement et politiquement (tous les politiciens voyaient le sol trembler sous leur pas). Partout ailleurs, les conditions au départ peuvent être différente : la Bretagne n’est pas une région comme les autres puisqu’elle a une conscience nationale qui n’est pas morte ». La petite bibliothèque prolétarienne. Supplément à La cause du peuple – j’accuse, n° 24, BDIC F° delta Réseau 576/4/3/2.
43 Certains syndicalistes en arrivent même à évoquer une « arabisation du mode de vie » dans certaines régions bretonnes au cours de la période. P. Boussard, « Guingamp, cité industrielle ? », Norois, 1973, n° 78, p. 237-263.
44 Elle est alors jouée par le Centre Dramatique Universitaire au Collège Littéraire Universitaire de Brest, puis en 1972, à la Cartoucherie de Vincennes. P. Keineg, Le printemps des bonnets rouges, P. J. Oswald, 1972, 89 p.
45 B. Porchnev, Les bonnets rouges, 1975, Paris, Union Générale d’Édition, 351 p. (l’ouvrage est précédé d’un texte d’E. StadelBreiz sur Les bonnets rouges, les historiens et l’histoire) et Y. Garlan, C. Nière, Les révoltes bretonnes de 1675 : papier timbré et bonnets rouges, 1975, Paris, Éditions Sociales, 214 p. Il est cependant à souligner que la révolte des bonnets rouges est aussi évoquée quoique brièvement par les partisans du PNB à preuve la souscription lancée par Breiz Atao pour commémorer le souvenir du leader de la révolte Sébastien Le Balp en 1932. Olier Mordrel p. 180 ; op. cit. L’origine ultime de l’épisode est à trouver chez l’historien breton A. Le Moyne de la Borderie (1827-1901), Histoire de Bretagne, Rennes, J. Plihon et L. Hommay ; Paris : A.Picard, 1898-1914 ; Mayenne : J. Floch, 1972.
46 Ce code paysan pour la liberté Armorique prévoit entre autre les mariages entre nobles et paysans et l’anoblissement des maris. Il est présenté comme préfigurant les cahiers de doléance un siècle plus tard.
47 Témoignage de l’auteur de cet article.
48 « C’est un épisode qui allait loin quand même, ici, dans le pays bigouden, il y avait un code paysan qui demandait l’égalité, pas de chef, çà n’allait pas dans le sens de la révolution, mais çà allait dans le sens de mai 1968. » Entretien NLG, réalisatrice, du 2 septembre 2003.
49 Sur la fortune de cet épisode historique, Y. Pelletier (dir.), Histoire générale de la Bretagne et des bretons, Nouvelles librairies de France, 1990, 761 p., p. 101.
50 Entretien GB du 31 novembre 2001, régleur au joint Français.
51 J. Capdevielle, Le Joint Français, incidence politique d’un conflit social, Paris, Presses de la FNSP, 1975, 159 p.
52 E. Vallerie, Théorie de la nation, Sav Breizh, n° 1,2,3, 1971. Le journal Sav Breizh réunit de jeunes militants du MOB qui refusent dans un premier temps de suivre la scission de l’UDB. La revue publie 35 numéros de 1969 à 1975 et a une influence certaine sur le mouvement breton des années 68.
53 C’est le sens de la création du festival des minorités à Douarnenez aux lendemains du conflit de Plogoff en 1980.
Auteur
Docteur en histoire contemporaine
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