Pruneda, grotte
Benia de Onís, Asturies
p. 562-565
Texte intégral
Le site
1La grotte de Pruneda (fig. 1a) est située dans la vallée de la Güeña, à proximité du village de Benia de Onís, à 444 m d’altitude. Elle s’ouvre à l’extrême sud d’un poljé, au pied d’une grande falaise calcaire. Un grand porche tourné au sud donne accès à un ample abri sans continuité sur la gauche et à une vaste galerie descendante à droite, dénommée galerie de l’Entrée, jonchée de grands blocs d’effondrement du porche. La galerie bifurque après une vingtaine de mètres et aboutit à une grande salle si l’on suit à main gauche, et à un étroit couloir ascendant, sur la droite. Ce couloir, dit galerie supérieure, revient au-dessus de la salle principale et de la galerie d’Entrée pour mener à une petite salle comme une plateforme, percée de puits verticaux (entre 7 et 11 m de hauteur). La salle principale quant à elle se termine par un gouffre qui s’ouvre sur le niveau inférieur (fig. 1b).
2La grotte était connue des habitants de la région qui l’ont continuellement et traditionnellement utilisée pour abriter les troupeaux. À partir des années 1970, différents groupes spéléologiques l’ont investie et ont parcouru son système karstique. Les vestiges archéologiques ont été identifiés la première fois lors de la réalisation de la carte archéologique en 1986. Il faudra attendre 2012 pour qu’un groupe de spéléologues identifient quelques traits rouges sur les parois. Une évaluation a alors été mise en place par le conseil de la Culture de la Principauté des Asturies et par la mairie de Onís (Martínez-Villa 2014, Martínez-Villa et al. 2016). À l’heure actuelle, les recherches se poursuivent pour déterminer les différentes zones décorées ainsi que les épisodes d’occupation. Ce travail est réalisé par A. Martínez-Villa, J.C. Guisado, M.J. Bernárdez, P. Solares et A. Alvarez.
3Les témoins archéologiques, tant matériels que graphiques, se situent dans la galerie supérieure avec deux panneaux peints et un gisement archéologique et dans la salle principale, avec les autres panneaux décorés sur son côté gauche (nord), et des vestiges archéologiques sur toute sa superficie.
4Bien que des restes issus des périodes s’étendant du Paléolithique au Moyen Âge abondent un peu partout dans la grotte, il n’est pas possible d’être plus précis, faute de dates. La grotte de Pruneda répond néanmoins à une occupation paléolithique de montagne typique qui, par sa situation, pourrait correspondre à une halte saisonnière de printemps.
L’art préhistorique de Pruneda
5Les premiers travaux ont consisté à reconnaître l’ensemble de la cavité et à identifier tous les panneaux renfermant des vestiges d’art. Nous avons pu décrire deux zones avec des figurations rouges dans divers points de la grotte : ensemble A (galerie supérieure) et ensemble B (salle principale). Au total, la figure majoritaire est le bouquetin (n = 3), suivie du cerf (n = 1) et de signes variés (n = 3).
6L’ensemble A de la galerie supérieure se subdivise en deux ensembles : A1 (panneau des bouquetins situé dans une zone à environ 15 m de l’entrée et où la lumière du jour arrive) qui comprend deux têtes de bouquetins tournées vers le fond, et A2 constitué par un bouquetin femelle regardant en arrière.
7Dans l’ensemble B de la salle principale se trouvent un cerf rouge et divers signes, malheureusement très dégradés. Le cerf, dont la tête a disparu, est représenté en tirant parti d’un petit ressaut de la roche pour souligner sa silhouette, particulièrement la croupe et le haut de la patte arrière, avec une zone ombrée pouvant correspondre au pelage. La ligne cervico-dorsale part des cornes, très effacées. De nouveau, un tracé part de la base du cou pour représenter le pelage sombre d’un adulte.
Les représentations de bouquetins de Pruneda
8Le bouquetin, avec trois exemplaires, est l’animal le plus représenté dans la grotte. Tous dans la galerie supérieure, deux d’entre eux – des protomés disposés l’un au-dessous de l’autre – figurent dans l’ensemble A1 (justement nommé panneau des Bouquetins), tandis que le troisième, complet, se trouve dans le panneau A2.
9On observe des différences techniques et stylistiques entre les deux groupes. L’animal du groupe A2 présente une exécution plus dynamique que ceux du groupe A1. Il est réalisé en rouge baveux alors que ceux de l’ensemble A1 sont d’un trait fin, plus continu. Techniquement, le bouquetin du groupe A2 semble plus proche des signes et du cerf de la salle principale (ensemble B). Malgré ces différences, toutes ces figures ont un point commun : leur simplicité d’exécution.
10Formellement, elles rappellent les séries de figures rouges du type de La Garma⎘ dans ses différentes versions de techniques linéaires, ponctuées/tamponnées ou mixtes, que l’on situe traditionnellement dans le Gravettien ou le Solutréen (La Garma, Covalanas, La Haza, Pondra, La Pasiega, El Pendo ; Moure et al. 1991, González Sainz 1999, González Sainz & San Miguel 2001, Fortea 2001, 2007, García-Diez & Eguizabal 2003, 2007, Gárate 2008, 2011). C’est avec La Garma que les figures de l’ensemble A1 présentent la plus grande similitude (González Sainz 2003) ou avec les têtes de bouquetin des grottes de Tito Bustillo⎘ et de La Lloseta⎘ (Balbín & Alcolea 2003).
Les bouquetins emblématiques de Pruneda
11En raison de leur diversité formelle et de leur lisibilité, nous avons retenu l’un des bouquetins de l’ensemble A1 et celui de l’ensemble A2 comme les plus représentatifs de la grotte de Pruneda.
12Bouquetin A de l’ensemble A1 (fig. 2). Cette figure regardant à gauche (vers l’intérieur de la grotte) est la mieux conservée. Il s’agit d’un protomé (tête, début de l’encolure et possiblement une ou deux pattes antérieures). Elle a un grand œil fusiforme et une corne arquée dessinée par deux traits.
13Sous ce bouquetin, il y en a un autre de forme très semblable. Ce sont deux figures de 40 à 50 cm, d’exécution simple et statique. Les pattes sont dessinées par une simple ligne légèrement dirigée vers l’avant pour figurer un mouvement très conventionnel. Les dos sont rectilignes et les têtes peu détaillées.
14Bouquetin de l’ensemble A2 (fig. 3). Il s’agit d’un bouquetin complet en profil droit qui semble tourner la tête vers l’arrière. La tête possède un œil punctiforme. Le dos rectiligne se termine par une petite queue levée. Le cou et le poitrail s’achèvent par deux lignes parallèles qui sont les pattes antérieures légèrement avancées comme dans le cas de la figure A de l’ensemble A1. La ligne de ventre est double et les deux membres postérieurs sont dessinés avec le détail du pli inguinal.
15Cette figure présente une exécution plus rythmée et plus animée que celle du premier groupe (tête tournée, mouvement des pattes), mais ces mouvements restent conventionnels et le tracé demeure très simple. La figure est réalisée en rouge baveux qui diffère du trait continu des figures de l’ensemble A1, mais l’apparente davantage au cerf de l’ensemble B (salle principale).
Bibliographie
Moure et al. 1991, González Sainz 1999, González Sainz & San Miguel 2001, Fortea 2001, García-Diez & Eguizabal 2003, González Sainz 2003, Balbín & Alcolea 2003, Garcia-Diez & Eguizabal 2007, Fortea 2007, Gárate 2008, 2011, Martínez-Villa 2014, Martínez-Villa et al. 2016.
Auteur
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