La Lluera-I, grotte
Oviedo, Asturies
p. 554-557
Texte intégral
Le site
1La grotte de La Lluera-I se trouve sur la rive droite du Nalón dans la localité de San Juan de Priorio (Oviedo, Asturies). Le gisement et les gravures ont été découverts par J.M. Quintanal et le groupe spéléologique Polifemo en 1979 (Quintanal 1991). C’est une petite grotte en forme de « U » inversé, dont les branches correspondent à deux petites galeries, orientale et occidentale, qui communiquent par le fond. Le porche s’ouvre au sud, à seulement 5 m au-dessus du niveau de la rivière (fig. 1a et b).
2Des fouilles ont été réalisées dans la galerie orientale en 1980 et en 1986 par J.A. Rodríguez Asensio. Des sondages ont également été faits au début de la galerie occidentale et dans le fond de la grotte. Dans la galerie orientale, on a relevé six niveaux stratifiés séparés par des niveaux d’inondation. Le niveau I contient du matériel du Paléolithique récent/final daté par 14C de 10 280 ± 280 BP (Ly-2938) soit 11 980 ± 412 cal BP. Le niveau II se divise en IIA et IIB : le premier contient du matériel lithique azilien et un harpon plat portant un décor cordé semblable à un autre de Los Azules (Cangas de Onís, Asturies) provenant d’un niveau transitionnel entre le Magdalénien final et l’Azilien ; le IIB appartient au Magdalénien final cantabrique. Le niveau III est pratiquement stérile. Le IV est Solutréen supérieur (pointes à cran, à face plane et pièces foliacées). Le V appartient à la même phase que le IV et le VI, directement sur la roche-mère, et livre encore du matériel solutréen (Rodríguez 1990, Rodríguez et al. 2012).
3La restitution des gravures pariétales a été réalisée par J. Fortea et V. Rodríguez Otero entre 1985 et 1987 (Fortea 1990, Fortea & Rodríguez 2007). Elles s’intègrent dans le second horizon graphique de la vallée du Nalón, dans sa chronologie du Solutréen non supérieur, mais sans exclure ce dernier (Fortea 1994).
L’art préhistorique de La Lluera-I
4Les gravures, de tracé large et profond, se rencontrent dans la galerie occidentale. Elles sont toutes éclairées par le jour et s’interrompent à la limite de la pénombre. La galerie comprend, sur ses deux parois, une série de figures topographiquement et morphologiquement bien définies, qui fonctionnent comme des pages iconographiques avec, chacune, un contenu thématique différencié et une composition différente, mais qui apparaissent contemporaines d’un point de vue stylistique.
5Le porche de la paroi occidentale commence par un cheval massif, traversé par des signes linéaires. Vient ensuite le panneau de l’entrée qui est un véritable palimpseste de gravures enchevêtrées, parmi lesquelles on décompte trois chevaux, un aurochs, un bouquetin (fig. 2) et de très nombreuses biches comme animal dominant, traitées de façon schématique. Ensuite, la paroi s’incurve pour former une vaste cavité nommée la Grande Niche (Gran Hornacina) où l’on trouve une série de figures soigneusement gravées : quatre aurochs en profil gauche suivant une pente descendante et, autour d’eux, dans les espaces disponibles des marges supérieures, de nombreuses biches et un cheval. Au fond sont représentés deux bisons massifs tournés à droite, l’un partiellement acéphale et l’autre avec une tête fortement gravée et des cornes en perspective tordue.
6Au-dessus de cet ensemble se remarque une corniche rocheuse gravée d’une infinité de traits entrecroisés larges et profonds qui remontent jusqu’au plafond. On y déchiffre uniquement des protomés de biches, dessinées suivant la convention trilinéaire (un trait pour la mandibule-cou-poitrail, un autre pour la ligne fronto-nasale, et un pour la partie postérieure, de l’encolure jusqu’au garrot). Vers l’intérieur, bien différenciés, une biche est inscrite dans le corps d’un autre animal et un petit bison est profondément gravé.
7La paroi orientale de la galerie s’organise le long d’une frise supérieure dans laquelle on peut distinguer trois aires topographiques : les frises antérieure, médiane et postérieure, qui contiennent un nombre écrasant de biches, notamment des couples de biches se croisant en sens inverse. La taille des représentations, ainsi que la largeur et la profondeur des traits, vont en diminuant en allant vers le fond de la galerie. Sur les trois panneaux, c’est un véritable palimpseste – identique à ceux des panneaux de l’entrée et de la corniche – qui a été créé, en gravant dans un même champ sans se soucier de composition.
8Sous la frise médiane où se trouve une tête de biche gravée s’ouvre la Petite Niche, une zone bien individualisée sur le plan topographique, face à la Grande Niche, dans laquelle on a voulu voir, avec de grandes réserves, la figure d’un possible mammouth.
Les représentations de bouquetins de La Lluera-I
9Les motifs animaliers propres au second horizon graphique du Nalón sont la biche, de loin la plus représentée, les bovinés (aurochs et bison), le cheval et, dans une moindre mesure, le bouquetin. Tous sont gravés en trait profond sur les parois de petites grottes et abris à la lumière du jour de la vallée. Le bouquetin est très peu représenté et souvent difficile à reconnaître. Ainsi, à La Lluera, on n’en connaît actuellement que deux ou trois. Stylistiquement, ils ressemblent beaucoup aux biches. Comme elles, ils sont traités très schématiquement, avec la classique convention trilinéaire et des profils synthétiques et expressifs. La convention formelle qui permet de différencier les deux espèces est fondamentalement l’allongement de la ligne fronto-nasale qui se prolonge pour figurer une corne plus ou moins longue.
10Il est intéressant de noter que les rares représentations de La Lluera-I correspondent à deux schémas graphiques : sur la paroi occidentale, ce sont des corps complets et, sur la paroi orientale, exclusivement des protomés.
Les bouquetins emblématiques de La Lluera-I
11Deux figures peuvent être considérées comme emblématiques ; l’une est située sur la paroi occidentale, l’autre sur la paroi orientale.
12Le bouquetin de la paroi occidentale (fig. 2) est représenté en profil droit, de façon très synthétique, grâce à une convention très fréquente dans le cas des biches : ligne cervico-dorsale continue depuis la nuque jusqu’à la queue, patte postérieure, ventre bombé, patte antérieure et poitrail continu de la bouche jusqu’au bas de la patte. L’expressivité de la figure est fondée sur l’encolure et la tête, dressée, regardant vers le haut et les cornes sinueuses et très longues (la gauche étant le prolongement de la ligne fronto-nasale) qui courent parallèlement au dos de l’animal.
13Suivant l’habitude quasi obsessionnelle de multiplier les représentations animales dans le même champ graphique – de la même façon que pour les biches –, ce bouquetin pourrait se comprendre non comme une figure unique (ainsi que J. Fortea l’a dessinée sur la figure 2), mais dédoublée, en deux versions disposées parallèlement, évoquant la perspective.
14Le bouquetin de la paroi orientale (fig. 3) est gravé dans la zone inférieure de la frise médiane, dans l’inflexion que fait la paroi en direction de la Petite Niche. Seul un protomé en profil droit a été représenté. Il se résume en trois lignes, montrant une certaine modulation. La ligne de la nuque est droite, celle qui va de la bouche au poitrail est incurvée, différenciant ainsi la mandibule, légèrement convexe ; de même, la ligne fronto-nasale est courbe et le trait se prolonge pour définir une courte corne, également courbe à son extrémité. Ce trait se distingue nettement des autres par la largeur et la profondeur du sillon de section en « U », particulièrement fort et vigoureux.
Bibliographie
Fortea 1989, 1990, Rodríguez 1990, Quintanal 1991, Fortea 1994, Fortea & Rodríguez 2007, Rodríguez et al. 2012.
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