El Bosque, grotte
Inguanzo, Asturies
p. 522-525
Texte intégral
Le site
1La grotte se trouve dans le bassin du Cares-Deva, marqué par le relief montagneux du massif central des Picos de Europa. Le long de cette vallée s’échelonnent onze autres grottes ornées : La Loja, Subores, Llonín, Coímbre, Traúno, Los Canes, Peña del Alba, Falo, Berodia, Soberaos et Covaciella (Rasilla Vives 2014).
2Dans la grotte d’El Bosque, aucune intervention archéologique n’a eu lieu jusqu’à présent, de sorte que nous ignorons tout d’une éventuelle occupation préhistorique. Les manifestations pariétales étaient connues localement depuis très longtemps, mais ce n’est qu’en 1995, peu après la découverte de Covaciella, que son existence a été annoncée et que son étude a pu commencer (Fortea 1995, 1996, 2007, Fortea & Rodríguez Otero 2007, Ríos et al. 2007). Récemment, une révision de l’ensemble pariétal, mentionnant des traces d’ocre et de charbon sur le sol près des panneaux décorés, a été publiée (Ruiz & Gárate 2014).
3La grotte, creusée dans un calcaire westphalien (carbonifère), est à 358 m au-dessus du niveau de la mer. Elle s’ouvre à l’ouest et se déroule sur plusieurs niveaux suivant un axe ouest-est. Il s’agit d’un réseau karstique considérable, encore incomplètement exploré, ce qui laisse la possibilité de nouvelles découvertes. Le support des figurations est une calcite pulvérulente très altérée, plus ou moins couverte par endroits d’argile de décalcification très carbonatée. L’état de conservation est mauvais, car il s’y ajoute de nombreuses zones frottées et des graffitis. La délimitation de la zone de protection a été publiée dans le BOPA (23.3.2011).
4Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons rien dire du caractère d’habitat ou de sanctuaire de la grotte ni de la saison d’occupation. Quant à la chronologie des œuvres pariétales, nous n’avons que des comparaisons stylistiques à proposer.
L’art préhistorique d’El Bosque
5Les représentations pariétales sont organisées en trois panneaux, tous localisés le long de la paroi nord de la vaste galerie du niveau supérieur. On trouve d’abord le panneau des Signes (panneau 1) puis, quelques mètres plus loin, le panneau de l’Aurochs (panneau 2) immédiatement suivi du panneau des Bouquetins (panneau 3).
6Selon la description de J. Fortea (1995: 271-272 , 2007), les représentations commencent par un trident rouge flanqué de chaque côté par deux représentations vulvaires triangulaires gravées et quelques gravures au trait simple ou multiple. Viennent ensuite trois signes rouges : un bâtonnet vertical, un signe en forme de « S » et un troisième en forme de boucle. Il y a également un signe réticulé gravé et un bouquetin noir presque effacé par des frottements récents.
7Le panneau suivant consiste en un taureau noir en profil droit, partiellement calcité, qui présente de grandes similitudes avec celui de la galerie Cartailhac de Niaux.
8Le panneau des Bouquetins commence à gauche par un ensemble de lignes noires entrecroisées qui rappelle le panneau des signes énigmatiques de Las Monedas et se termine à droite par des bandes de tracés digitaux ondulants et trois bâtonnets rouges. Entre ces limites, les bouquetins présentent une évidente intention scénographique. Une nouvelle étude a réinterprété deux bouquetins comme des cerfs et a également permis d’identifier une possible représentation anthropomorphe (deux yeux ronds de part et d’autre d’une arête), des signes et des taches rouges dans une salle latérale (Ruiz & Gárate 2014: 146).
9Du point de vue technique, on a utilisé la peinture noire et rouge, ainsi que la gravure au trait simple ou multiple et le tracé digital multiple. Les signes sont gravés ou exécutés en peinture rouge (panneau des Signes) ou exceptionnellement en peinture noire (lignes entrecroisées), tandis que la couleur noire a été utilisée essentiellement pour les figures animales (l’aurochs et les bouquetins). Mais quelques restes de couleur rouge se trouvent un peu partout et participent notamment au remplissage de certains bouquetins.
10À défaut d’un décompte définitif, le nombre de signes et de taches de pigment semble équivalent ou légèrement inférieur à celui des figures animales.
Les représentations de bouquetins d’El Bosque
11Dès la première publication, J. Fortea (1995) avait identifié vingt-cinq représentations de bouquetins, pour reconnaître ensuite que deux d’entre eux étaient douteux, n’étant représentés que par des cornes en vue frontale (Fortea & Rodríguez Otero 2007: 160). Pour leur part, A. Ruiz-Redondo et D. Gárate (2014) proposent un total de vingt-six bouquetins, bien qu’ils aient réinterprété deux figures comme cervidés d’après « la morphologie des cornes et les proportions générales des figures » (Ruiz & Gárate 2014: 146). Cependant, aucune identification n’étant fournie, nous préférons nous en tenir pour l’instant au décompte de J. Fortea.
12Toutes ces figures appartiennent au panneau des Bouquetins, à l’exception d’une seule, qui se trouve dans le panneau des Signes. Les bouquetins sont concentrés dans une bande calcaire d’environ 5 m de longueur, située entre 1 m et 2,30 m du sol actuel, probablement le sol paléolithique. Cette surface tourmentée, pleine de cavités, de saillants et de crêtes de dimensions modérées semble avoir conditionné la mise en place des représentations. Il semble que le relief ait été mis à profit pour représenter un groupe de caprinés dont les dimensions comprises entre 15 et 30 cm sont parfaitement adaptées à celles des accidents qui animent la paroi (Fortea 1995: 273-274). Cette impression de planification est encore accentuée par le fait que le panneau débute par un ensemble de lignes noires entrecroisées et se termine à droite par de larges bandes de tracés digitaux ondulants (Fortea 1995: 272).
13Les bouquetins sont le plus souvent figurés entiers et de profil (64 % en profil gauche et 34 % en profil droit), mais il y a aussi des protomés, sans compter les hypothétiques représentations de cornes vues de face. Certains animaux sont statiques, mais il y a de remarquables essais d’animation. Certains semblent cheminer, d’autres ont les pattes postérieures statiques tandis que les antérieures sont tendues vers l’avant, d’autres sont allongés avec les pattes repliées, d’autres encore sont figurés en position oblique en train de sauter pattes arrière fléchies et pattes avant repliées. Deux bouquetins affrontés semblent représenter un couple (Fortea 1995: 273, Fortea & Rodríguez Otero 2007: 162). Les cornes sont dessinées d’une ou deux courbes ondulantes qui montrent leur appartenance à la sous-espèce pyrénéenne (Fortea 1995: 273). Beaucoup utilisent la même convention consistant à figurer une corne unique à la base, bifurquant vers son extrémité distale.
14La similitude formelle entre les peintures d’El Covarón⎘ (Arias & Pérez 1994) et celles d’El Bosque mérite d’être soulignée (Fortea 1995: 274) : majorité de bouquetins, même convention de traitement des encornures, même modelé du ventre et du repli inguinal, même dynamisme des attitudes et mêmes dimensions, auxquels on peut associer l’usage des tracés digitaux. Il est curieux que les deux lieux soient connectés par la « rivière des bouquetins » (río de las Cabras). Le caractère monothématique d’El Bosque est également à rapprocher de la grotte de Penches⎘ (Burgos ; Hernández-Pacheco 1917).
15La technique utilisée est le dessin au contour noir mais, dans trois cas, la gravure (tracé digital) s’associe à la peinture. Les volumes internes sont traités avec des remplissages noirs dans la zone des pattes, de la poitrine et du ventre, parfois de la tête. Dans deux cas au moins, des traces de pigment rouge semblent modeler l’intérieur des corps.
16En ce qui concerne la chronologie, il y a des arguments pour attribuer El Bosque au Magdalénien moyen ou supérieur, mais les évidences les plus nombreuses sont en faveur du Magdalénien supérieur (Fortea 1995: 274).
Les bouquetins emblématiques d’El Bosque
17Deux bouquetins nous ont semblé emblématiques d’El Bosque par leur dynamisme. Ils pourraient figurer deux caprinés en train de sauter ou peut-être un même individu saisi dans deux phases successives d’une même action.
18Le premier est un bouquetin en profil droit représenté en train de sauter avec les pattes avant repliées et arrière fléchies (fig. 3). Il se trouve dans la partie supérieure droite du panneau. Comme nous l’avons déjà dit, ce panneau représente des bouquetins dans leur activité ordinaire, comme on peut les voir dans le propre environnement de la grotte. Ainsi, l’un saute, l’autre marche, un autre se repose, d’autres sont affrontés. C’est une photographie de la réalité quotidienne, sans préjuger d’une signification symbolique ou transcendante.
19Il est intéressant de noter que cette figure combine peinture et gravure, ce qui lui donne du relief, du volume et du mouvement. Elle garde ainsi des parallèles évidents avec un bouquetin gravé d’Altxerri⎘ (Fortea & Rodríguez Otero 2007: 162, Ruiz & Gárate 2014: 150 et fig. 6).
20Le second est un bouquetin en profil gauche qui semble se réceptionner sur le sol à l’issue d’un saut (fig. 4). Il se trouve dans la partie droite du panneau, mais il est situé plus bas que le bouquetin précédent. L’impression de la phase ultime d’un saut vient de l’animation de la figure : tête basse et cou étiré parallèlement aux pattes antérieures tendues vers l’avant et plus basses que les postérieures, fléchies. Un saillant de la roche fournit une ligne de sol virtuelle. Les dimensions sont identiques à celles du bouquetin supérieur et ses cornes utilisent la même convention, de sorte qu’il semble que l’on ait affaire à un même individu figuré à deux moments d’un saut, dans un espace relativement proche.
Bibliographie
Hernández-Pacheco 1917, Arias & Pérez 1994, Fortea 1995, 1996, 2007, Fortea & Rodríguez Otero 2007, Ríos et al. 2007, Ruiz & Gárate 2014, Rasilla Vives 2014.
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