L’individuation et la temporalisation du Moi au cours des Temps modernes
p. 119-134
Texte intégral
1Dans son Journal, Maine de Biran, homme politique d’obédience royaliste et philosophe, s’interroge, en particulier au cours des années 1814-1816, sur ce qu’il en est du moi, au-delà de la description qu’en fait la psychologie expérimentale de son époque de ses modifications perceptibles et descriptibles. De ce fait, il est considéré comme le premier philosophe post-révolutionnaire à avoir sondé les profondeurs de l’âme, en signifiant l’existence d’un monde inatteignable d’idées et de sentiments au « fond de l’homme intérieur », tout en soulignant notre incapacité à « pénétrer dans la constitution intime de ce moi ».
2Il est vrai que Maine de Biran mène une telle réflexion à partir de la théorie leibnizienne de la multitude des petites perceptions sans aperception, donc sans conscience, considérée par les psychanalystes comme l’une des sources philosophiques de la découverte freudienne de l’inconscient. Par exemple, Jacques Chazaud, dans son petit livre sur Leibniz pour les psy, précise, après nous avoir provoqué en disant que Leibniz devait lire Lacan en cachette, la manière dont ce philosophe désigne dans un sujet comme centre actif, mais préconstitué, un véritable « inconscient de constitution »1, en portant notre attention sur les « objets internes » qui peuvent subvenir sous forme de traces dans la mesure où ils ont été, à un moment donné, inscrits dans notre mémoire, même si nous n’en avons pas eu conscience.
3Mais nous n’allons pas ici explorer les prémisses philosophiques de l’invention de l’inconscient chez Freud. Nous tenons simplement à souligner d’emblée que la réflexion post-révolutionnaire sur le monde intérieur est tout autant un point d’arrivée, comme nous allons le montrer, qu’un point de départ. D’ailleurs Maine de Biran n’écrit-il pas :
« Qui sait tout ce que peut la réflexion concentrée et s’il n’y a pas un nouveau monde intérieur qui pourra être découvert un jour par quelque Colomb métaphysicien. »2
4Si nous pouvons voir une préfiguration de Freud dans la quête de ce nouveau Christophe Colomb, il n’en reste pas moins que c’est du moi et de sa réflexion propre, du développement de la conscience du moi pendant les Temps modernes, qu’il est ici d’abord question.
Le paradigme de l’individu et son horizon sociohistorique
Des auteurs majeurs sur le parcours du moi
5Comme le souligne Jan Goldstein3, la période 1750-1850 innove, en matière d’invention du Self, bien au-delà de la vision d’un moi fragmenté verticalement entre un substratum mental inconscient et une conscience flottante, en posant l’existence d’un moi horizontalement fragmenté en de multiples pièces, au détour de telle ou telle narration de la conscience, au point d’aboutir à une vision unitaire, mais paradoxale, d’un « moi bourgeois » chez Victor Cousin. Précisons que le travail de cette historienne américaine a fait l’objet d’un vif débat sur le site Web H-France. Alors que le politiste Lucien Jaume4 conteste le fait que Victor Cousin soit un grand théoricien d’une culture bourgeoise triomphante du moi au XIXe siècle, au titre de son insistance sur l’acte de nécessité, et non de liberté qui renvoie à une « raison impersonnelle », donc à un libéralisme où l’individu s’efface, Jan Goldstein lui accorde que le moi cousinien n’a rien d’un moi totalement libre de ses mouvements, que sa labellisation « bourgeois » est foncièrement ambiguë, prise entre son institutionnalisation à grande échelle dans le système éducatif et l’image risible qu’en donnent les écrivains, en particulier Flaubert, au regard du flot d’idées reçues qu’elle véhicule.
6Nous souhaitons quelque peu modifier les termes de ce débat en le déplaçant vers une des conditions majeures de l’existence du moi entre 1750 et 1850, la nouvelle perception de la temporalité au titre d’une prise de conscience de l’existence d’une humanité souffrante et agissante. Il s’agit ici d’une temporalité nullement réductible à la vision quelque peu statique et positiviste du progrès « bourgeois » énoncée au XIXe siècle, mais plutôt prise dans une dynamique individuée qui, au regard des formes historiques antérieures de l’individuation, s’inscrit résolument dans une réflexion des contemporains sur le temps lui-même, sa spécificité, ne serait-ce qu’avec l’invention par Voltaire de l’expression « philosophie de l’histoire ».
7Notre principal interlocuteur est présentement l’historien allemand Reinhardt Koselleck5 dont l’œuvre est centrée sur la manière dont a été conceptualisé le temps historique dans la période tournant qui nous intéresse, et qu’il qualifie de Sattelzeit. Mais d’autres interlocuteurs s’imposent, Charles Taylor dans son ouvrage sur Les sources du moi. La formation de l’identité moderne et Gilbert Simondon dans son livre sur L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information, avec un inédit, dans la nouvelle réédition de 2005 sur L’histoire de la notion d’individu6. Des auteurs importants qui côtoient donc une large palette d’auteurs classiques, et qui nous font connaître la vision du moi, et sa progression de siècle en siècle. Il convient aussi de prendre en compte l’apport des sociologues en la matière, en particulier George Mead dans son ouvrage réédité, L’esprit, le soi et la société7.
8Ici le débat entre sociologues porte sur les limites de l’individualisme méthodologique qui pose le couple individu/société au fondement du social. De fait, la critique met en évidence les impasses, dans ce cadre sociologique, d’une conception abstraite de l’individu au regard des processus d’individuation dans lesquels il est impliqué. Le sociologue Aldo Haesler8 en déduit la nécessité d’une sociologie des relations plus que de l’individu lui-même. L’historien médiéviste Thierry Dutour arrive à la même conclusion, lorsqu’il met en cause le postulat de l’unité de sens en ce qui concerne l’existence sociale individuelle. Il préconise alors une approche plurielle d’un individu pris dans une série d’interactions : l’individu est alors pluralité de soi sociaux9.
9C’est pourquoi l’étude sociologique du processus d’individuation concerne essentiellement le soi, défini comme l’ensemble des attitudes adoptées vis-à-vis des autres et que les autres adoptent à notre égard, un autrui généralisé en quelque sorte. On vient ainsi à considérer le soi comme une structure sociale qui permet à l’individu d’agir de manière différente dans les diverses phases du processus social. C’est bien au sociologue Georges Mead que nous devons une précision essentielle sur l’articulation d’une telle conception du soi avec les notions de « moi » et de « je ». Il précise en effet que le « moi » advient dans le fait d’assumer, d’expliciter les attitudes des autres de manière problématique, ouvrant ainsi la possibilité de répondre au problème posé par la formulation d’un « je » dans une action nullement déterminée au départ. Le « moi » est donc une forme sociale qui s’ouvre au « je » par une contenu d’expression individuelle sans a priori, si l’on peut dire.
10Ainsi lorsque nous nous intéressons, comme nous le faisons, aux formes historiques de l’individuation, nous ne prétendons pas décrire empiriquement la manière dont les auteurs et acteurs des Temps modernes se constituent comme objet pour soi, et contribuent ainsi à l’intelligibilité d’une structure sociale. Nous nous en tenons à des formes d’individuation distinctes d’un moment à l’autre des Temps modernes, dans la mesure où la manière dont le « moi », comme ensemble organisé, assume les attitudes de l’autre qui l’affectent, procède d’horizons en mouvement, en particulier sur la question de la temporalité historique. Nous sommes donc dans un espace médiat, là où l’existence du « moi » pose problème, dans le sens où le « je », comme expérience du « moi » ne répond au problème posé par l’existence du « moi » qu’une fois l’action du « je » mené à terme. Le moi apparaît ainsi comme un vaste champ d’expérience pour le « je », certes adossé sur la configuration du soi, de l’autrui généralisé d’une époque, mais disposant d’une marge créative, émancipatrice à travers son expression dans le « je », ne serait-ce que par son inscription dans un horizon d’attente qui évolue, acquiert une qualité historiquement neuve, si l’on suit les réflexions de l’historien Reinhart Koselleck.
11Il convient donc de poursuivre notre analyse par un rappel rapide de ce qu’il en est, avec cet historien Koselleck et au-delà, de la temporalisation de l’histoire au cours du Sattelzeit. Puis nous essaierons de situer la dynamique du moi, de l’individu au sein de cette nouvelle époque, Neue Zeit, que l’on peut aussi appeler Neuzeit en un seul mot, c’est-à-dire modernité. À ce titre, nous allons remonter dans les formes historiques de l’individuation – dans le temps de l’individu, si l’on peut dire – jusqu’à la révolution nominaliste du Moyen-Âge. En fin de compte, de tout cet ensemble quelque peu hétéroclite de références, nous avancerons l’hypothèse finale que Jules Michelet, en tant qu’introducteur de Vico et de sa philosophie de l’histoire, et aussi par le fait de sa réflexion sur le moi, est peut-être un meilleur terme au moi post-révolutionnaire que Victor Cousin au milieu du XIXe siècle
L’horizon d’une nouvelle temporalité et ses limites interprétatives
12En ouvrant sa principale contribution à une sémantique des temps historiques, dans Le futur passé, par la phrase : « Définir ce que représente le temps historique est, de toutes les questions posées par la science historique, l’une des plus difficiles à résoudre »10, Reinhart Koselleck marque bien ce qui se trouve au centre de son œuvre, la temporalisation de l’expérience humaine du monde avec une spécification historique propre, le fait que le temps acquière sa qualité historique, si l’on peut dire, au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. C’est dire aussi que l’individu se met à réfléchir sur le temps lui-même, qu’il sort d’un réseau métaphorique, à l’exemple de la figure de l’Apocalypse dans le corpus biblique positionnée entre les cycles du temps de la création et du temps éternel, qu’il spécifie pour ce faire une série de termes comme mouvement, révolution, progrès, réaction, etc.
13Le temps devient ainsi une notion réflexive dans le processus même d’individuation, il est même la condition majeure d’effectuation jusqu’à l’encontre des espaces établis, puisqu’il déspatialise le champ de l’expérience en y introduisant un horizon d’attente, ainsi en est-il de la créativité de l’agir révolutionnaire au regard de la réalisation attendu des droits de l’homme et du citoyen. À ce titre, le Sattelzeit se caractérise par une dynamisation du monde de l’expérience, contre tout avatar de l’ordre divin, par le caractère ouvert d’un avenir à planifier, par l’apparition de la pluralité et de la simultanéité d’événements émancipateurs, par la conscience de vivre une époque de transition et surtout - point décisif pour l’historien - par la possibilité d’introduire une connaissance historique dans une diversité de perspective marquant donc la naissance de l’historiographie contemporaine.
14Rappelons cependant que Koselleck a publié sa thèse sur Le règne de la critique en 195911, donc sur les Lumières triomphantes du XVIIIe siècle, dans laquelle il s’intéresse à la façon dont l’esprit bourgeois transforme l’histoire en un procès unitaire, ne se contente donc plus de la narration d’histoires au pluriel. En préalable à l’étude devenue tout aussi classique de Jürgen Habermas sur la formation de l’espace public dans la même période, sous la catégorie d’opinion publique, Koselleck étudie la conscience individuelle éclairée et son art du jugement, et fait donc moins de cas de la conscience collective du bien commun, d’autant qu’il en vient à une critique de l’utopie bourgeoise, et de son lien avec l’absolutisme, et en retient l’apparition d’un imaginaire propre du dualisme de la politique. Tout cela, énoncé dans les années 1950, mérite révision au regard des avancées actuelles de la recherche. Du moins, nous pouvons ainsi mieux comprendre l’apport et les limites de la temporalisation de l’histoire formulée dans de tels termes, devenus courants dans les débats en histoire des concepts.
15Ainsi la conception koselleckienne de la transition de la période moderne à la période contemporaine n’a rien d’intangible. D’une part, il convient de la situer par rapport à la période de l’humanisme civique au XVIe siècle où se met en place, avec le moment machiavelien12, une vision du temps, déjà dégagée du temps apocalyptique, tout en étant limitée au temps circonstanciel, conjoncturel dans le lien étroit à une situation donnée. Il s’agit là d’un temps court de l’action de l’histoire en train de se faire, dont l’expérience du républicanisme florentin13 donne le meilleur exemple. De plus, le positionnement temporel du Sattelzeit a fait l’objet d’une critique de la part des historiens des concepts qui travaillent sur la révolution hollandaise au XVIIe siècle14, et sur le paradigme spinoziste de la démocratie égalitaire15, mis en place par le républicanisme hollandais. Au point qu’il est désormais question d’un proto-Sattelzeit plus avancé dans les Temps modernes où l’accent est mis plutôt sur la dimension émancipatrice d’une nouvelle rationalité commune, au regard des attentes d’égalité au sein d’une civilité florissante.
16Une autre indétermination de l’approche koselleckienne concerne le processus de sécularisation situé au fondement de la nouvelle vision de la temporalité historique. Avec quels arguments peut-on vraiment affirmer que l’observation de la nature concerne désormais un agent intelligent, rien de plus, et donc que la méthode usuelle par laquelle Dieu gouverne le monde est obsolète, au regard de l’invocation toujours aussi fréquente de la Providence divine, comme le montre l’historien anglais Jonathan Clarke16 ? À vrai dire, la question paraît plus facile à élucider si l’on remonte vers le tout début des Temps modernes, et plus avant jusqu’à la rupture nominaliste de la fin de Moyen-Âge. À partir de ce point de départ, il est alors possible de délimiter, certes de façon succincte dans le cas présent, les étapes majeures de la mise en place des formes historiques de l’individuation du moi, et de voir dans quels termes nous portent-elles jusqu’à la rupture avec l’ordre divin au cours des Lumières et de la Révolution française.
Esquisse des formes historiques de l’individuation du moi
17Comme nous l’avons déjà précisé, les analyses de Charles Taylor, et surtout celles de Gilbert Simondon ouvrent avec bonheur à une étude des formes historiques de l’individuation dont nous allons succinctement reprendre les étapes avec l’aide de divers travaux.
La rupture nominaliste
18Il importe d’emblée de considérer le fait de la rupture nominaliste, sous l’égide de Guillaume d’Ockham, au XIVe siècle17. Au sein du champ immense de la scolastique, avec en son centre le commentaire d’Aristote, le nominalisme réfute un propos centré sur la figure du Christ Dieu-homme, qui nous renvoie également à un idéal humain de renoncement au monde sur un modèle de participation à l’extramondain. De ce fait, l’individu ne relève plus d’une connaissance indirecte d’un singulier incarné par Dieu seulement, il est un être fondé dans sa particularité. Ainsi se met en place une ontologie de la connaissance du singulier, avec une nouvelle métaphysique de l’individu, centrée à la fois sur la différence individuelle, le fameux principe des indiscernables, et une ontologie des possibles au regard de la valorisation de la volonté et de la capacité individuelle. Désormais l’absence d’analogie entre cet être particulier et un autre monde permet la sortie du modèle platonicien de la participation à un monde autre, et l’insistance sur un modèle aristotélicien de prédication qui permet de concevoir la formation des catégories d’individu, de personne, de moi, et de sujet selon un double mouvement. Ainsi l’individuum latin se traduit-il par l’invention de la différence individuelle, tant dans sa dimension horizontale qui nous porte vers le lien mutuel, égalitaire entre les hommes, que dans sa dimension verticale avec l’insistance sur une harmonie préétablie. Nous nous trouvons ici à la source du cheminement parallèle du moi horizontal et du moi vertical.
19Par ailleurs, la répercussion du nominalisme sur la formation d’une conscience linguistique, et plus particulièrement dans le domaine de la langue politique, est de première importance : les légistes qui se trouvent autour du roi inventent une économie du discours politique, avec leurs termes propres18. Ainsi dans la traduction de l’Éthique d’Aristote par Nicole Oresme, on trouve une Table des mots divers et étranges, tout particulièrement en matière de science politique (aristocratie, civilité, monarchie, demos). À l’entrée sujet, il est écrit :
« Aucune fois un homme est dit subject de son seigneur ou de son souverain. Et aucune fois subject est pris pour le premier terme d’une proposition. Et le second terme est dit predicat, si comme il fut dit devant en predicat. » 19
20Ici apparaît un lien entre le sujet du roi et le sujet-prédicat. Nous quittons bien le modèle platonicien de participation pour le modèle aristotélicien de la prédication.
Le temps de l’humanisme et de la maîtrise de soi
21Sur cette base nominaliste, le temps de la Renaissance marque une seconde étape avec l’apparition d’une dynamique de l’humain du fait de l’installation de la figure de l’homme au centre du monde, et surtout par la confrontation avec un agir maîtrisé, à l’écart du hasard de la fortuna. Désormais, il est question de l’action de soi, de la maîtrise du sujet en soi au regard de sa liberté propre, jusque dans le sacrifice de soi dans une attitude surhumaine.
22Un exemple, repris de la littérature psychanalytique, s’avère ici tout à fait éclairant de cette nouvelle maîtrise du soi. Dans son article de 1914, Moïse de Michel-Ange20, Freud dresse le portrait d’un Moïse sculpté par Michel-Ange pour un Mausolée inachevé du pape Jules II qui contraste avec les commentaires usuels, rapportés à l’image biblique d’un Moïse brisant les tables de la loi de fureur face aux idolâtres du veau d’or. Il montre ainsi qu’il ne s’agit pas d’une œuvre remémorant un moment biblique, mais bien d’une création de caractère profondément humain. En effet, elle nous donne, à travers les divers traits sculptés et commentés par Freud, le type même d’une attitude sublime, voire d’un caractère actif poussé jusqu’au surhumain, au regard d’un Moïse maîtrisant sa colère intérieure contre les idolâtres par un calme extérieur perceptible dans son attitude. Le Moïse de Michel-Ange ne signifie pas le début d’une action violente qui aboutit à briser les tables de la loi, mais le temps maîtrisé d’une émotion qui s’éteint, d’un mouvement réprimé au titre d’un objectif prioritaire, sauvegarder les tables de la loi. Ainsi Freud dégage le portrait d’un homme de la Renaissance porté au surhumain pas sa capacité à maîtriser ses forces psychiques internes, et dans une totale indépendance par rapport aux déterminations du moment biblique.
23Plus largement, il est désormais possible d’égrener des « déclinaisons du moi » (Luc Vaillancourt) au sein du vaste courant de l’individuation humaniste, du fait de l’émergence d’une conscience intime d’abord dans le style épistolaire, puis par le fait d’une réflexivité émergente dans le dialogue et l’essai. De ce fait, la causalité divine est mise à distance, sans être totalement repoussée, et l’affirmation de soi, en dissidence avec les espaces dominants, peut se concrétiser dans un jugement, au nom de l’entendement et de l’imagination humains, et jusque dans l’enthousiasme21.
Vers le « moi ponctuel » au XVIIe siècle
24La troisième étape, le XVIIe siècle, nous intéresse d’autant plus qu’elle va nous porter au seuil du Sattelzeit. La dynamique de l’humain héritée de la Renaissance se confronte désormais à un ordre mondain, jusque dans les nouvelles normes rationnelles de la connaissance mises en valeur par la communauté scientifique. Il s’agit alors d’investir le moi dans la construction d’un ordre au risque d’une perte de subjectivité, mais au plus près d’une évidence impersonnelle, objectivée au fondement des connaissances nouvelles. Dans le contexte de l’essor du mécanisme, c’est la position de la maîtrise désengagée, l’affirmation par le moi d’une réflexivité radicale qui l’emporte. Désengagement et objectivation marquent cette nouvelle forme de maîtrise du moi sur l’expérience. Une telle démarche vers l’objectivation du moi, qui suppose le rejet de toute analogie avec l’ordre divin, atteint son point d’orgue chez Locke, plus qu’avec Descartes à vrai dire, dans la mesure où les philosophes considèrent qu’il a donné une configuration nouvelle à la conceptualisation des notions de Self, Consciouness, et Personnal Identity.
25Avec Locke, le travail de l’esprit se trouve ainsi au centre du moi, il prend une allure procédurale dans la mesure où il ne s’agit pas de contempler l’évidence d’un ordre rationnel, mais de construire, à l’aide de notre imagination, une image des choses du point de vue rationnel. Le pouvoir réside désormais dans la conscience, et c’est à ce titre que l’on a crédité Locke d’avoir inventé la conscience (Locke commenté par Balibar22), d’en avoir instauré le primat, dans la mesure où il en fait le critère principal de l’identité personnelle. Ainsi s’ouvre une seconde modernité, après les premiers effets du nominalisme et de l’humanisme, dans l’histoire du moi.
26Charles Taylor parle alors de l’invention d’un « moi ponctuel » qui pousse au plus loin le désengagement, dans la mesure où il concerne l’ensemble de notre activité mentale, et non pas simplement l’expérience des sens. Il le définit dans les termes suivants :
« Le sujet qui peut adopter envers soi ce type de position radicale de désengagement dans le but de changer sa conduite est ce que j’appelle le moi “ponctuel”. Adopter cette position, c’est s’identifier au pouvoir d’objectiver et de refaire et, ainsi, de prendre du recul par rapport à tous les traits particuliers qui sont objets de changement potentiel. Ce que nous sommes essentiellement sont aucun de ceux-là, mais ce qui s’avère apte à les fixer et à les travailler. C’est ce que l’image du point cherche à signifier, suivant le sens qu’il a en géométrie : le vrai moi est sans étendue, il n’est nulle part si ce n’est dans le pouvoir de fixer les choses comme objets »23.
27Ainsi se met en place un moi, sans limites lorsqu’il s’agit de la capacité de l’esprit à saisir de nouvelles connaissances, et pourtant toujours local dans sa manière ponctuelle de fixer les choses comme objets par des noms adéquats.
28C’est aussi là que le moi devient sujet de la langue, d’une langue qui, de détail en détail fixé à partir des usages ordinaires, s’apparente à la langue commune tout en ayant une dimension normative. Une fois encore en matière linguistique, du moins en France, l’initiative vient de l’autorité royale, avec le premier Dictionnaire monolingue, le Dictionnaire de l’Académie qui norme, pour la première fois, la langue française sur la langue commune24.
29Cependant le lien établi entre la langue et le corps politique procède plus largement du langage comme corps autonome, et permet alors, face à un nom de public particulièrement déprécié, d’ancrer aussi un tel corps politique dans l’expérience de soi25. Déjà le cas antérieur de Montaigne, dans ses Essais, et du public de ses destinateurs montrait très tôt dans les Temps modernes une capacité à « parler de soi » au milieu de mois distanciés de la contrainte civile. De fait se multiplient les écrits du for privé26, en particulier les livres de raison - par exemple le « papier journal des affaires domestiques de moy » (1633) de Claude le Doulx, conseiller au Parlement de Paris - avec un « contenant vérité pour moy », « pour servir à moy », et donc en référence à des raisons à moi seul regardant.
30À la jonction de l’intime et du public, « le moi » s’étend et se multiplie par le regard ponctuel sur telle ou telle personne, à l’exemple de Madame de Sévigné qualifiant successivement Monsieur de la Garde vivant, puis Louvois mort dans les termes du moi, dans sa correspondance que je cite à deux reprises :
« Il est vrai que le moi de M De La Garde va se multiplier ; tant mieux, tout en est bon. »
« Voilà donc M. de Louvois mort, ce grand ministre, cet homme si considérable qui tenait une grande place, dont le moi, comme dit M. Nicole, était si étendu, qui était le centre de tant de choses. »27
31Le moi, bien sûr, est haïssable, dit Pascal, si nous ne retenons que le fait injuste « qu’il se fait le centre du monde ». Mais, en variant les points de vue sur « le moi », donc en se situant dans une perspective de combinaisons à l’infini, il est possible de valoriser positivement l’expérience de sa propre pensée. Et Pascal d’ajouter : « Je sens que je ne puis n’avoir point été, car le moi consiste dans ma pensée »28.
Le temps de la transition, le XVIIIe siècle : « moi actuel », « moi futur » et « moi substratum »
32De ce moi détenant le pouvoir d’objectiver par le fait de l’expérience, retenons plus précisément le pouvoir de nommer de nouveaux objets sociaux, sous la catégorie d’ordre social. Ainsi, ce n’est pas tant la transition positive du public à l’opinion publique qui favorise la multiplication des expériences du « parler de soi » que la multiplicité des innovations autour de « la société » et de leur capacité d’auto-articulation conceptuelle. Il importe alors de savoir ce qu’il en est du lien du moi au tout social, par le fait de ce que nous appelons la connexité généralisée du social sous la figure du moi. L’histoire du moi s’associe désormais étroitement à l’auto-construction du tout social, à son champ d’expérimentation et à son horizon d’attente dans les termes koselleckiens. Alors s’opère la rencontre entre le « moi actuel », le « moi futur » et « le substratum moi » autour de trois auteurs majeurs, Diderot, Rousseau et Condillac.
33Dans un premier temps, Diderot instaure une liaison entre la vie comme suite d’actions et de réactions et le moi, en particulier dans le Rêve de d’Alembert. En considérant la persistance de la matière vitale sur la base d’une sensibilité humaine universelle productrice de mouvement, il en vient ainsi à mettre l’accent sur « mon unité, mon moi », à considérer que « Je suis moi, j’ai toujours été moi, et je serai jamais un autre ». Un moi toujours actuel donc au regard du fait qu’« il n’y a qu’un seul grand individu, c’est le tout »29. Le tout et l’individu donc, ou plus exactement l’individu-tout, qui deviendra l’individu-nation de la Révolution français, et l’individu singulier, social.
34Dans un second temps, Rousseau, sans reprendre le matérialisme de Diderot, considère aussi l’être comme « rigoureusement un », mais au nom de sa conscience de soi, donc de la prise de conscience de son individualité sur la base de l’amour de soi et sous le signe de la liberté. Ce n’est pas son essence matérielle, sa vie propre qui définit l’homme, mais la façon dont il s’attribue la matière de son propre devenir. Ainsi Rousseau écrit : « J’aspire au moment où, délivré des entraves du corps, je serai moi sans contradiction et n’aurai besoin que de moi pour être heureux »30. Ainsi s’ouvre une vaine narrative sur le moi dont un point de basculement sera, dans la période post-révolutionnaire, l’emprise du tout ou rien sur la vision de l’avenir du moi. Ainsi le « moi ponctuel » engendre un « moi actuel », ce moi qui se connecte en permanence avec toutes sortes de formes sociales nouvelles, et permet l’expression d’« un moi futur » massivement investi dans une quête de bonheur. Là s’opère déjà le lien avec la nouvelle conscience du temps historique, mais encore faut-il en dégager le fondement cognitif.
35Dans un troisième temps, le Condillac statuaire métaphysicien du Traité des sensations (1754) nous introduit à « un moi de la statue », fiction cognitive bien réelle par son identification au « moi qui sent », et tout à fait distincte du fait de la conscience de pouvoir dire moi. Le Self lockien est donc disjoint de l’identité personnelle, il renvoie d’abord à un « sentiment fondamental » défini par « l’action des parties de son corps les unes sur les autres »31. Nous sommes ici ni dans l’univers de la substance, ni dans l’espace de la capacité réflexive, mais plus simplement dans un sentiment fondamental, ou moi, circonscrit par aucune limite du fait de s’identifier à la sensation uniforme de son être. Un être sentant qui n’est que force, mouvement et vie, donc principe d’activité. Analyser le développement des facultés humaines revient alors à analyser les changements, les modifications de ce sentiment, point uniforme de départ, substratum moi donc.
36Un tel « moi substratum » n’est autre que la part unitaire et permanente de ce qui constitue le moi de l’individu, donc de l’individu empirique. Moi ponctuel, local, l’individu empirique l’est par son activité propre. Mais il est tout autant individu social par sa présence, au titre d’une logique naturelle d’action, dans la chaîne des êtres organisés. Il est ainsi le fondement même du mécanisme de l’ordre social. Tout se joue alors, en matière de connaissance de la société, dans le passage de l’ordre du moi à l’ordre social par le fait de l’ordre local. Nous entrons ainsi dans l’univers de l’assimilation des hommes entre eux, « première condition de l’état social » dit Sieyès. Le moi, véritable socle sociologique, est donc désormais omniprésent dans le mécanisme et l’organisation sociale, il en conditionne le caractère unitaire. Moi substratum dans son uniformité originelle, il n’est pas pour autant source d’action unique. Au contraire, il est le garant, par la logique naturelle d’action qui le fait être, d’une unité d’action qui nous introduit dans l’expérience du « moi actuel » à l’horizon du « moi futur ».
37La transition spécifique des Lumières trouve alors naturellement son effectivité dans la rupture de la Révolution française au sens large. Il s’agit d’abord de cerner l’expérience révolutionnaire d’un individu impliqué au plus près des événements, avec la mise en avant, par le travail de l’esprit politique, de l’observation multiforme de l’individu social dès les années 1770, puis avec l’invention de l’individu-nation, là encore autour de Sieyès32, en conclusion de la période des années 1780. C’est alors toute une base sociologique de l’individu, peuple inclus, qui se met alors en place dans la période mal nommée de pré-révolutionnaire, et qui permet ensuite, d’événement en événement de la décennie révolutionnaire, une nouvelle expérience du « moi actuel » au regard du « moi futur » de facture exceptionnelle, ne serait-ce qu’au regard des concrétisations inédites de la liberté individuelle à l’horizon des droits de l’homme et du citoyen. Certes, de cette expérience révolutionnaire de l’individu-nation, il ressort aussi un doute profond sur les capacités de la liberté individuelle confrontée au tout du nouvel État. Alors cohabitent, dans un contexte post-révolutionnaire, l’affirmation toujours plus forte d’un moi intime, et « la nécessité » d’effacement de l’individu du politique33. Nous entrons là dans notre moment « conclusif » de la formation du « moi bourgeois ».
38Il est donc temps de préciser notre hypothèse finale : l’aboutissement au XIXe siècle du trajet des formes historiques d’individuation du moi, avant donc la révolution psychanalytique, se précise plus chez Michelet, là où un moi-individu désigné comme tel se confronte à la philosophie de l’histoire, que chez Victor Cousin, principal théoricien du « moi bourgeois ».
39Si le Moi, entre « moi actuel » et « moi futur », caractérise une nouvelle époque, avec son centre, la parole du Moi, la solution cousinienne ne nous semble pas la plus aboutie. En effet, en privilégiant le lien entre l’identité de la conscience et l’identité de la personne à distance de l’ontologie du Self, Victor Cousin introduit une conception subjective de la volonté individuelle prise dans l’objectivité de la raison impersonnelle. Il assimile ainsi, dans sa critique de Locke et de l’école sensualiste, le mouvement propre du Self à une relation artificielle entre « l’abstraction existence » et « l’abstraction moi ». Il oppose à ce « moi général », « l’unité intégrante et réelle du moi » au titre d’un « moi identique et par conséquent une sous-variété de ses actes, de ses pensées, de ses sensations »34. Mais ce moi comme « rapport réel » n’est véritablement un que pour le genre masculin, et bien sûr échappe au peuple pris dans son incapacité réflexive. Il en ressort un moi dont l’ambiguïté est pour le moins perceptible dans le fait d’affirmer la maîtrise de soi-même tout en l’inféodant à une ontologie du réel qui en pose des limites sociales, réservant ainsi l’accès gradué de l’individualité à l’efficacité sociale au moi bourgeois, comme souligne très justement Jan Goldstein35.
40Tout autre est la position de Michelet lorsqu’il précise, dans son Journal, le trajet de son moi vers « un non-moi qui apparaîtra après ma mort ». Il note alors : « dans la vie individuelle, je vais du moi-individu au moi littéraire, qui concentre le moi comme beauté, puis au moi moral, qui absorbe le monde comme bonté ». Né, avec « un moi sauvage et solitaire », avec une forte tendance à le réduire à un « moi sensuel », il s’efforce alors d’ « atteindre son moi meilleur », « en allant de moi à moi », à condition de ne plus être soi36.
41Pour ce faire, il part d’une vision ontologique, et non fonctionnelle du moi unitaire : « Pour moi, l’unité de la personne ne m’apparaissant dans aucune de nos fonctions, je suis porté à croire que cette unité réside en une force, une cause que j’appelle âme et qui se continue de vie en vie… ». Il en conclut que si « l’harmonie est en moi seul », ce n’est pas tant du fait que « Chacun a dit : à moi seul une cathédrale », cultivant ainsi « mon petit monde à moi », mais par la centralité d’une question : « De quoi l’histoire s’est-elle faite, sinon de mon moi ? »37
42La profondeur, le présent et l’avenir du moi se situent donc à l’horizon d’une philosophie de l’histoire, au plus près de l’enseignement de Vico, dont il contribuera à faire connaître l’œuvre. Michelet écrit à propos de ce philosophe, de manière quelque peu elliptique, mais très significative : « Vico : je cause, donc je suis (comme humanité), c’est dire que non seulement mon individualité, mais ma généralité est causée par moi »38. C’est au moment de sa rencontre avec le peuple-nation, avec son ouvrage de 1846 sur Le Peuple que le principe du moi atteint alors son apogée. Et Paule Petitier, dans sa récente biographie intellectuelle de Michelet39, de préciser à propos du contenu de cet ouvrage :
« Chaque nation représente une individualité collective et défend ainsi le principe du “moi” sans le réduire à l’individualisme bourgeois. Nous sommes bien à distance du moi cousinien d’essence bourgeoise ».
Notes de bas de page
1 Leibniz pour les psy, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 1997, p. 51.
2 Journal (1814-1824), trois volumes, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1954, I, p. 178.
3 The Post-Revolutionary Self. Politics and Psyche in France, 1750-1850, Harvard University Press, 2005.
4 Voir son ouvrage sur L’individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français, Paris, Fayard, 1997.
5 Zeitsgeschichten, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2000; The Pratice of Conceptual History. Timing History, Spacing Concepts, Stanford University Press, 2002.
6 Charles Taylor, Les sources du moi. La formation de l’identité moderne, Paris, Seuil, 1998 [édition originale, 1989] ; Gilbert Simondon, L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information, Paris, Million, 2005.
7 George H. Mead, L’esprit, le soi et la société, nouvelle traduction et introduction de Daniel Cefaï et Louis Quéré, Paris, PUF, 2006.
8 Aldo Haesler, « Penser l’individu ? Sur un nécessaire changement de paradigme », 1, 2, 2004, www.espacestemps.net
9 « La réhabilitation de l’acteur social en histoire médiévale », Genèses, 47, juin 2002, p. 21-41.
10 Le futur passé. Contribution à la sémantique des Temps Historiques, Paris, EHESS, 1990, p. 9.
11 Le règne de la critique, Paris, Éditions de Minuit, 1970 [édition originale en allemand, 1959].
12 Voir John G. A Pocock, Le moment machiavélien. La pensée politique florentine et la tradition républicaine atlantique, Paris, PUF, 1997 [édition originale en anglais, 1975].
13 Voir Jean-Louis Fournel, Jean-Claude Zancarini, La politique de l’expérience. Savonarole, Guicciardini et le républicanisme florentin, Edizione dell’Orso, Turin, 2002.
14 Voir Martin VanGelderen, The Dutch Revolt, Cambridge, CUP, 1993. (Voir aussi le débat sur www.h-france.net, Review essays by Victoria Thompson, James Smith Allen, Lucien et Peter Mcphee, Response Essay by Jan Goldstein.)
15 Jonathan Israel, Les Lumières radicales. La Philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité (1650-1750), Paris, Éditions Amsterdam, 2005 [édition originale, 2001].
16 Jonathan Clarke, « Providence, Predestination and Progress: Or, Did the Enlightenment Fait? », Ordering the World in the Eighteenth Century, D. Donald and F. O’gorman (éd.), London, Palgrave Macmillan, 2006, p. 27-62.
17 Claude Panaccio, Les mots, les concepts et les choses. La sémantique de Guillaume d’Occam et le nominalisme aujourd’hui, Benjamin-Vrin, 1991.
18 Olivier Bertrand, « Le vocabulaire politique aux XIVe et XVe siècles : constitution d’un lexique ou émergence d’une science ? », Le politique en usages (XIVe-XIXe siècles), Langage & Société, no 113, septembre 2005, p. 11-32.
19 Nicole Oresme, Le livre de Éthiques d’Aristote (XIVe), New York, Stechert, 1940, p. 546-547.
20 Sigmund Freud, Le Moïse de Michel-Ange (1914), Paris, Gallimard, 1927.
21 Marie-Luce Demonet (dir.), Inspiration/Enthousiasme (XVIe-XIXe siècles), Colloque du CERHAC, 1997, en partie disponible sur www.cesr.univ-tours.fr/Epistemon/archives/COLENTH.asp
22 John Locke, Identité et différence. L’invention de la conscience, présenté, traduit et commenté par Étienne Balibar, Paris, Seuil, 1998.
23 Les sources du moi. La formation de l’identité moderne, op. cit., 1998, p. 226-227.
24 André Collinot, Francine Mazière, Un prêt à parler : le Dictionnaire, Paris, PUF, 1997.
25 Hélène Merlin-Kajman, « Langue et souveraineté en France au XVIIe siècle. La production autonome d’un corps de langage », Annales HESS, mars-avril, no 2, 1994 ; « Le moi dans l’espace social. Métamorphoses du XVIIe siècle », L’invention de la société. Nominalisme politique et science sociale au XVIIIe siècle, Paris, EHESS, 2003, p. 23-44.
26 Voir Jean-Pierre Bardet, François-Joseph Ruggiu (éd.), Au plus près du secret des cœurs ? Nouvelles lectures des écrits du for privé, Paris, PUP, 2005.
27 Madame de Sévigné, Correspondance, t. 1, 2, 3, Paris, Gallimard, 1972-1978. Références des citations : t. 2, 1680, p. 317 et t. 3, 1696, p. 972.
28 Blaise Pascal, Pensées (1662), Paris, Gallimard, 1998, t. 1, p. 118.
29 Denis Diderot, Rêve de D’Alembert (1784), Paris, Garnier, 1961, p. 306 et 312
30 Jean-Jacques Rousseau, L’Émile (1762), Paris, Gallimard, 1969, p. 605.
31 Condillac, Traité des sensations (1754), Paris, Fayard, 1984, p. 89.
32 Voir notre ouvrage, Sieyès et l’ordre de la langue. L’invention de la politique moderne, Paris, Kimé, 2002.
33 Voir Lucien Jaume, L’individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français, Paris, Fayard, 1997.
34 Victor Cousin, Cours de l’histoire de la philosophie. Histoire de la philosophie morale au XVIIIe siècle, t. 1 et 2, Paris, 1829, t. 2, p. 432.
35 Dans The Post-Revolutionary Self. Politics and Psyche in France, 1750-1850, op. cit., en particulier p. 180.
36 Jules Michelet, Journal, t. 1 et 2, Paris, Gallimard, 1959. Les références de ce paragraphe : t. 1, p. 219, 291, 307, 385, 220.
37 Ibid, t. 2, p. 67, 50 ; t. 1, p. 454 ; t. 2, p. 50 ; t. 1, p. 382.
38 Ibid., t. 1, p. 384.
39 Jules Michelet. L’homme histoire, Paris, Grasset, 2006.
Auteur
UMR Triangle, ENS - LSH, Lyon
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