Les liens étroits entre historiographie et récit de soi dans l’œuvre de Flavius Josèphe
p. 37-51
Texte intégral
1L’historien juif Flavius Josèphe vécut au Ier siècle de notre ère. Né en Judée dans une famille sacerdotale influente, il se voit confier le commandement des armées juives de Galilée lors de la guerre contre Rome de 66-70. Défait par les Romains en 67 à Jotapata, après un siège tout juste honorable, il est fait prisonnier. Mais, pour avoir prophétisé l’empire à Vespasien – qui deviendra empereur en juillet 69 –, il reçoit un traitement de faveur. Josèphe accompagne ensuite Titus et son armée à Jérusalem, et c’est aux côtés des Romains qu’il assiste, impuissant, à la destruction de la ville et de son temple. Après la guerre, installé à Rome et protégé par les Flaviens, il écrit successivement l’histoire de cette guerre (la Guerre des Juifs (B.J.), parue entre 75 et 79), une histoire du peuple juif depuis la création du monde jusqu’à la douzième année du règne de Néron (les Antiquités juives (A.J.), explicitement datées de l’an 93/94), un récit de sa vie dans lequel il cherche à justifier son rôle pendant la guerre (la Vita – ou Vie –, parue peu de temps après les Antiquités), et enfin une apologie du judaïsme (le Contre Apion).
2L’œuvre de Flavius Josèphe fut largement ignorée du judaïsme rabbinique, mais elle connut une postérité immense dans le monde chrétien, qui vit dans la chute de Jérusalem et la destruction du temple un châtiment divin destiné à punir le peuple juif, coupable d’avoir rejeté Jésus de Nazareth. Eusèbe de Césarée écrit à propos de Josèphe qu’il « fut de beaucoup le plus célèbre des Juifs de son temps ». Jérôme le considère comme « le Tite-Live grec »1. À cause de ces usages chrétiens de Flavius Josèphe, et de sa décision de se rendre aux Romains, les Juifs d’aujourd’hui entretiennent encore avec son œuvre une relation ambiguë, faite de méfiance (Josèphe fut et demeure considéré comme un traître, comme le rappelle l’essai de Pierre Vidal-Naquet qui préface la traduction de la Guerre des Juifs aux Éditions de Minuit, intitulé Du bon usage de la trahison) et de reconnaissance (sans Josèphe, des pans entiers de l’histoire juive resteraient dans l’ombre, faute de sources)2. C’est donc avant tout du point de vue de l’historiographie et de la constitution d’un savoir historique positif que l’on s’est intéressé et que l’on s’intéresse encore aujourd’hui à Flavius Josèphe3.
3Mais son œuvre illustre également à merveille le principe selon lequel « toute œuvre historienne est en filigrane une egohistoire ». On peut même dire de Josèphe que, chez lui, l’écriture de l’histoire participe fondamentalement, intrinsèquement d’un récit de soi.
Écriture de l’histoire et récit de soi dans la Guerre des Juifs et la Vie4
4De prime abord, on pourrait penser que si Flavius Josèphe est intéressant dans le cadre d’une réflexion sur « Individu, récit et histoire », c’est parce qu’il présente la particularité d’être à la fois un historien et l’auteur d’une des rares autobiographies de l’Antiquité qui nous soient parvenues, la seule, pour ainsi dire, avant les Confessions d’Augustin5. Il donnerait ainsi dans les deux registres d’écriture, écriture de l’histoire et écriture de soi.
5Pourtant, cette présentation de l’œuvre de Josèphe comme comportant, d’une part, des ouvrages historiographiques des plus « classiques »6 – en particulier le récit de la guerre des Juifs contre Rome – et, d’autre part, une autobiographie, n’est guère satisfaisante. Car cette dichotomie, cette distinction entre des genres littéraires ou des registres d’écriture, est largement artificielle. En réalité, c’est tout autant dans la Guerre des Juifs que dans sa Vie que Josèphe se raconte. Inversement, le récit des événements de la guerre n’est pas moins présent dans la Vie que dans la Guerre des Juifs, même si la période couverte est plus limitée.
6Considérons tout d’abord la Vie. Le lecteur désireux de connaître la biographie de Josèphe sera déçu de constater que cet ouvrage ne lui apporte que très peu d’informations nouvelles. Sur les 430 paragraphes de cette œuvre, seuls les 16 premiers et les 9 derniers ne traitent pas des événements de la guerre, et – plus précisément – des quelques mois passés en Galilée avant le siège de Jotapata, soit une période d’environ 6 mois, de décembre 66 à mai 67. Le début de la Vie porte sur la généalogie de Flavius Josèphe (son ascendance à la fois sacerdotale et hasmonéenne), sur l’éducation qu’il reçut, ainsi que sur sa connaissance des différentes « écoles » juives de l’époque, Pharisiens, Sadducéens et Esséniens, et son rattachement au courant pharisien7. Enfin, Josèphe raconte comment, en 64, il mena à bien une première mission à Rome pour plaider la cause de prêtres juifs arrêtés par Félix, le procurateur de Judée. Cette brève entrée en matière comporte quelques topoi, comme la célébration de la précocité intellectuelle de Josèphe, qui prétend qu’à l’âge de 14 ans, « continuellement les grands prêtres et les notables de la cité venaient me voir pour recevoir de moi quelques éclaircissements sur nos lois » (Vie 9). L’Évangile de Luc, de manière similaire, présente Jésus comme un jeune prodige interrogé par les sages à l’âge de 12 ans (Luc 2, 46-47). Quant à la fin de la Vie, elle évoque surtout les égards avec lesquels Josèphe fut traité par Titus et Vespasien, puis par Domitien, et récapitule qui furent ses épouses et ses enfants (ce qu’il appelle, de manière laconique, sa « vie domestique », littéralement « les choses relatives à la maison », l’oikos). L’ouvrage se clôt sur ces mots : « Voilà ce que j’ai accompli au cours de toute ma vie. À d’autres d’en tirer sur mon caractère le jugement qu’ils voudront […] » (§430). Le récit de soi, dans la Vie, réside donc principalement dans l’exposé et la défense d’une action publique, de type politique et militaire, correspondant à une période très courte de la vie de l’auteur8. Mais la narration de ces événements est en même temps un exposé du caractère de Josèphe, et s’inscrit dans une stratégie rhétorique bien connue à l’époque9.
7Considérons à présent la Guerre des Juifs. On connaît plusieurs exemples, dans l’historiographie antique, d’ouvrages consacrés au récit d’une guerre perçue comme un événement historique majeur. Hérodote lui-même est avant tout l’historien de la guerre des Perses contre les Grecs. Thucydide écrit la Guerre du Péloponnèse. Polybe rédige l’histoire de la conquête de la Grèce par Rome. Un siècle environ avant Flavius Josèphe, César écrit la Guerre des Gaules. Mais il existe entre la Guerre des Juifs et les livres des prédécesseurs de Josèphe des différences notables.
8Tout d’abord, l’utilisation de la première personne du singulier est plus marquée chez Josèphe, même si, lorsqu’il narre les événements auxquels il a directement participé, il parle de lui-même à la 3e personne du singulier, comme César dans la Guerre des Gaules10. En outre, Josèphe se livre à de nombreux commentaires personnels sur les événements qu’il rapporte. La comparaison des prologues des historiens anciens est, à cet égard, éclairante. Chez Hérodote, nous lisons :
« Hérodote d’Halicarnasse présente ici les résultats de son enquête, afin que le temps n’abolisse pas les travaux des hommes et que les grands exploits accomplis soit par les Grecs, soit par les Barbares, ne tombent pas dans l’oubli […]. »
9Et, quelques paragraphes plus loin :
« Voilà ce que disent les Perses et les Phéniciens. Pour moi, je ne viens pas ici déclarer vraies ou fausses ces histoires, mais il est un personnage que je sais, moi, coupable d’avoir le premier injustement attaqué les Grecs : je l’indiquerai donc, puis je poursuivrai mon récit et parlerai des cités des hommes, des petites comme des grandes […]. »11
10Peu de temps après Hérodote, Thucydide, lui, commence son œuvre en ces termes :
« Cette histoire de la guerre entre les Péloponnésiens et les Athéniens est l’œuvre de Thucydide d’Athènes. L’auteur a entrepris ce travail dès le début des hostilités. Il avait prévu que ce serait une grande guerre et qu’elle aurait plus de retentissement que tous les conflits antérieurs. […] Quant aux événements qui marquèrent la période précédant cette guerre et, plus anciennement encore, les siècles dont, en raison du temps écoulé, je ne pouvais avoir une connaissance précise, j’estime qu’ils furent, tant au point de vue militaire qu’à tout autre, de médiocre importance. Je fonde cette assurance sur les indices que j’ai recueillis au cours d’une enquête remontant jusqu’aux temps les plus reculés. »12
11Au IIe siècle avant notre ère, Polybe écrit pour sa part :
« 1. Si les historiens qui m’ont précédé avaient omis de faire l’éloge de l’histoire, sans doute serait-il nécessaire d’exhorter un chacun à distinguer les ouvrages tels que celui-ci et à leur réserver un accueil favorable, en songeant que l’homme trouve dans la connaissance du passé la plus instructive des leçons. 2. Mais cet éloge a été fait et refait […]. 4. Le caractère absolument extraordinaire des faits que j’ai entrepris de narrer suffit à lui seul pour retenir l’attention du public et inciter jeunes et vieux à se plonger dans cet ouvrage. »13
12À lire ces quelques extraits, on comprend mal comment Émile Benveniste pouvait écrire, dans les Problèmes de linguistique générale, que le récit historique est « le mode d’énonciation qui exclut toute forme linguistique “autobiographique« », l’historien ne disant jamais « je ni tu, ni ici, ni maintenant »14. En ce qui concerne les historiens grecs de l’Antiquité, on affirmera au contraire avec François Hartog que c’est chez les Grecs que « surgit l’historien comme figure “subjective« », de telle sorte que « si les Grecs ont inventé quelque chose, c’est moins l’histoire que l’historien comme sujet écrivant »15.
13De ce point de vue, Flavius Josèphe est incontestablement grec. Il commence sa Guerre des Juifs en ces termes :
« 1. La guerre menée par les Juifs contre les Romains est la plus considérable non seulement de celles de notre temps mais peut-être aussi de celles dont le récit nous est parvenu et qui ont éclaté soit entre cités, soit entre nations ; [parmi les historiens de cette guerre] les uns n’ont pas pris part aux opérations : ils ont glané au petit bonheur des on-dit contradictoires et rédigé avec les effets de style des sophistes. 2. D’autres ont pris part à la guerre mais, par courtisanerie à l’égard des Romains ou par haine des Juifs, ils déforment les faits : leurs écrits répandent ici le blâme, là des éloges, mais nulle part on n’y trouve l’exactitude de l’histoire. 3. C’est pourquoi moi, Joseph, fils de Matthias, Hébreu de naissance, natif de Jérusalem, prêtre, ayant moi-même fait la guerre contre les Romains dans un premier temps et, par la suite, ayant été obligé de suivre les opérations, j’ai décidé d’exposer la suite des événements aux sujets de l’empire romain en traduisant en grec l’œuvre que j’avais d’abord composée dans ma langue maternelle et envoyée aux peuples étrangers de l’intérieur de l’Asie. »16
14La justification de l’importance du sujet choisi, les attaques contre d’autres historiens et l’affirmation de sa propre objectivité sont des lieux communs du prologue rédigé par l’historien, mais Josèphe décline son identité de façon beaucoup plus détaillée que ses prédécesseurs grecs.
15Il écrit en outre, quelques paragraphes plus loin :
« 9. Mon but n’est certes pas de magnifier les actes de mes compatriotes en rivalisant avec ceux qui exaltent les prouesses des Romains : je rapporterai avec exactitude (μετ᾿ ἀκριβείας)17 ce qui s’est passé dans les deux camps, mais, dans mes réflexions sur les événements, je laisserai paraître mes sentiments et je laisserai ma douleur personnelle s’exprimer sur les malheurs de ma patrie. […] 11. Et si l’on cherche à me calomnier à cause des accusations que je porte contre les tyrans [juifs] et leurs brigandages, ou bien de mes gémissements sur les malheurs de ma patrie, qu’on veuille bien pardonner à ma douleur cette transgression de la loi de l’histoire : car de toutes les cités soumises par les Romains, il est échu à la nôtre de s’élever au sommet de la prospérité pour être précipitée ensuite au dernier degré du malheur. 12. En tout cas, de toutes les nations depuis l’origine des temps, j’estime que c’est celle des Juifs qui détient le record du malheur, et comme ce n’est la faute d’aucun étranger, je n’ai pu retenir mes lamentations. Si quelqu’un leur refuse toute indulgence, qu’il porte les faits au compte de l’histoire (τῇ ἱστορίᾳ) et les lamentations au compte de celui qui écrit (τῷ γράφοντι) ».
16Flavius Josèphe poursuit son apologie personnelle en s’attaquant aux historiens grecs, qui ont négligé les événements contemporains – à savoir, la guerre des Juifs contre Rome – pour se pencher sur des pans de l’histoire déjà abondamment traités par leurs prédécesseurs. Pour Josèphe, seul mérite des éloges l’historien qui se donne pour tâche de rapporter des faits inédits, comme il le fait lui-même.
« C’est ainsi que moi, un étranger (ἀλλόφυλος) mais n’ayant épargné ni mon argent ni ma peine, j’offre aux Grecs et aux Romains ce mémorial de hauts faits. Il se trouve qu’eux, les Grecs de naissance, dès qu’il s’agit de gagner de l’argent ou de plaider, leur bouche s’ouvre toute grande, sans effort, et leur langue s’agite ; mais pour l’histoire (πρὸς δὲ τὴν ἱστορίαν), où il faut dire le vrai (τἀληθῆλέγειν) et collecter les faits au prix de grands efforts (μετὰ πολλοῦ πόνου τὰ πράγματα συλλέγειν), leur bouche reste muselée et ils abandonnent à des esprits médiocres et mal informés le soin de relater les hauts faits des grands capitaines. Que la vérité historique (τὸ τῆς ἱστορίας ἀληθές) soit donc honorée par nous, puisque les Grecs n’en ont cure ! » (16)18.
17Josèphe revendique donc clairement pour lui-même le titre d’historien. Toutefois, sa revendication est double : vérité des faits rapportés et objectivité du récit historique, d’une part ; subjectivité assumée de l’historien, qui a été à la fois acteur et témoin, d’autre part19. Josèphe a conscience du paradoxe et des critiques que cela pourrait lui valoir, mais ne renonce pas pour autant au pathos et à la plainte. Par-delà le style emphatique du prologue, la position de Josèphe s’explique par son identification profonde avec son peuple, son pays et sa ville (ce n’est pas par hasard qu’il précise au §3 qu’il est « natif de Jérusalem »). Conscient d’être considéré comme un traître tant du côté juif que du côté romain20, conscient aussi du sort favorable qui lui était échu, et qui contrastait fortement avec le destin de la plupart de ses compatriotes, Josèphe proclame d’un bout à l’autre de son œuvre sa solidarité avec son peuple.
18L’importance du « je » et le ton personnel employé par l’historien ne sont toutefois pas les seuls signes de l’étroite corrélation entre écriture de l’histoire et récit de soi dans la Guerre des Juifs. Cette corrélation est également d’ordre structurel et thématique. L’ouvrage ne commence pas avec les événements de 66, mais avec la révolte des Maccabées en 167 avant notre ère, soit plus de deux siècles avant les événements de la Guerre. Les raisons d’un tel choix chronologique sont multiples : tout d’abord, c’est de cette époque que Flavius Josèphe date les débuts d’un mal qui devait conduire à la catastrophe de 70, à savoir les divisions entre Juifs, en particulier au sein de la classe dirigeante21. Par ailleurs, c’est aussi à partir de l’arrivée au pouvoir des Hasmonéens (les descendants de Mattathias, l’instigateur de la révolte dite des Maccabées), et plus précisément du grand pontificat de Simon, qu’apparaît le thème des relations entre Judéens et Romains, un thème évidemment central dans la Guerre. Mais il existe aussi pour Josèphe une autre raison, plus personnelle, de commencer sa Guerre des Juifs par l’histoire de la dynastie hasmonéenne. C’est que Josèphe lui-même descend par sa mère des Hasmonéens, ce dont il n’est pas peu fier22. De même que la Vie s’ouvre sur la généalogie de Josèphe, la Guerre des Juifs commence par l’histoire de la dynastie hasmonéenne, à laquelle Josèphe est apparenté. C’est donc non seulement l’histoire de son peuple, mais aussi celle de ses ancêtres qu’il narre, une histoire qui conforte en retour sa position de notable, de prêtre haut placé et de chef militaire.
19Si le début de la Guerre est ainsi intimement lié à l’histoire personnelle de Josèphe, la fin ne l’est pas moins. La Guerre se termine par le récit d’une révolte juive à Cyrène suscitée par un certain Jonathan, qui accuse calomnieusement Josèphe d’y être associé, mais sans succès, Vespasien n’accordant aucun crédit à ces rumeurs (un épisode qui est aussi rappelé brièvement à la fin de la Vie, aux § 424-425)23. Surtout, la Guerre se clôt sur le long récit du siège de Massada et du suicide collectif des Sicaires – un groupe rebelle honni par Josèphe – (VII.252-406), un épisode à travers lequel Josèphe défend son propre refus du suicide et son choix de la reddition aux Romains, c’est-à-dire le moment pivot de son existence, rapporté avec moult détails au livre III (340-391) de la Guerre24. En effet, lors du siège de Jotapata, Josèphe se réfugie avec certains de ses hommes dans une grotte bientôt encerclée par les Romains. Deux issues s’offrent alors : la reddition ou la mort, soit aux mains des ennemis, soit de sa propre main ou de la main d’un compatriote juif. Vespasien envoie un tribun ami de Josèphe proposer à ce dernier de se rendre, en lui garantissant la vie sauve. Josèphe, de son côté, estime que Dieu lui a révélé l’issue de la guerre dans des rêves prophétiques et qu’Il l’encourage à se rendre, pour accomplir sa mission et délivrer son message prophétique au futur empereur de Rome (350-354). Mais ses compagnons s’opposent à sa reddition et l’accusent de traîtrise. Josèphe tente de les convaincre de l’absurdité d’un suicide collectif et de son caractère impie, mais en vain25. N’ayant d’autre possibilité que de se ranger à leur avis, Josèphe propose alors de tirer au sort qui sera égorgé le premier, le no 2 tuant le no 1, puis le no 3 le no 2, etc. Josèphe et un autre homme sont les derniers à être désignés par le sort, par un effet « du hasard (τύχη) ou de la Providence (πρόνοια) divine », nous dit-il (391) ! Il réussit à convaincre son compagnon de se rendre aux Romains, et obtient ainsi la vie sauve. À l’inverse, les Sicaires assiégés par les Romains à Massada en 73, à la toute fin de la guerre, préfèrent tuer leurs femmes et leurs enfants et se tuer eux-mêmes plutôt que de tomber aux mains des Romains.
20La condamnation du suicide (individuel ou collectif) se retrouve encore dans d’autres passages de la Guerre, dont elle représente un véritable fil conducteur. Ainsi, au livre I (310-314), Josèphe raconte qu’Hérode délogea des brigands de leurs grottes et qu’ils préférèrent mourir plutôt que d’être capturés, un père allant jusqu’à tuer ses enfants avant de se suicider26. Ces « brigands » préfigurent les groupes radicaux auxquels seront confrontés Josèphe et les notables de Jérusalem, qu’il s’agisse des hommes de Josèphe à Jotapata, des Zélotes ou encore des Sicaires de Massada27. Une même condamnation de ces groupes et de leur choix politico-religieux suicidaire – au sens propre comme au figuré – parcourt et structure l’œuvre de Josèphe. Or, à travers cette condamnation, c’est toujours son choix personnel que Josèphe défend implicitement.
21À partir de cet exemple du suicide, on peut faire valoir qu’écriture de l’histoire et récit de soi sont intimement liés dans la Guerre des Juifs du fait de la présence de thèmes et de digressions dont on ne perçoit tout l’intérêt que si on les replace dans la perspective d’un récit de soi qui est avant tout une justification de soi. Outre la problématique du suicide, dont nous avons vu l’importance, on peut mentionner les thèmes suivants (sans prétendre à l’exhaustivité) : a) la force irrésistible des Romains28 (qui prouve que Josèphe fait preuve de réalisme intelligent, pas de défaitisme ou de lâcheté) ; b) les efforts désespérés que font les notables pour calmer l’agitation populaire et les groupes rebelles (les notables représentent Josèphe lui-même, issu de ce milieu et qui cherche à se présenter comme un modéré)29 ; c) les présages de la défaite, qui illustrent le fait que Dieu s’est rangé aux côtés des Romains, qu’il utilise comme instrument de châtiment (Josèphe ne fait par conséquent qu’obéir à Dieu) ; d) la Providence divine, qui veille à la fois au bon déroulement de l’histoire et au salut personnel de Josèphe30 ; e) l’impiété des Juifs belliqueux, qui justifie leur châtiment et entraîne celui de tout le peuple avec eux (elle s’oppose à la piété de Josèphe lui-même, juste prophète de Dieu)31.
22La Guerre des Juifs est donc tout autant un récit de soi que la Vie. Par-delà les quelques informations biographiques supplémentaires que l’on peut glaner dans cette dernière, la première différence entre les deux ouvrages tient à leur longueur respective et à la délimitation de la période traitée : la Guerre porte sur une période historique d’environ deux siècles, tandis que la Vie se concentre pour l’essentiel sur une période de six mois, sur laquelle elle fournit plus de détails que la Guerre. La seconde différence réside dans le choix de Josèphe de raconter les événements de la Vie à la première personne du singulier, tandis qu’à propos des mêmes événements, dans la Guerre, il parle de lui à la 3e personne du singulier. Mais dans l’un et l’autre livres, il existe une « nécessaire solidarisation » entre récit historique et récit de soi, motivée chez Flavius Josèphe par des buts précis : la justification de ses choix politico-militaires et existentiels (le refus du suicide, entre autres), ainsi que la défense de son œuvre d’historien. Chez Flavius Josèphe, l’écriture de l’histoire est intimement liée à la justification et à la glorification de soi.
23Que le lien entre écriture de l’histoire et récit de soi, dans la Guerre des Juifs comme dans la Vie, aille bien au-delà de la position de Josèphe comme témoin de la plus grande partie des événements qu’il rapporte, et se révèle à un niveau thématique et structurel, le cas des Antiquités juives contribue également à le démontrer.
Les Antiquités juives
24Cette vaste somme de vingt livres retrace l’histoire du peuple juif depuis la création du monde jusqu’au règne de Néron, et peut à ce titre être comparée à des ouvrages comme l’Histoire de Rome de Tite-Live ou les Antiquités Romaines de Denys d’Halicarnasse. Elle recoupe une partie de la Guerre des Juifs, mais s’interrompt peu de temps avant le déclenchement des opérations militaires en 66. Le rôle de Josèphe durant la guerre n’est, cette fois, nullement évoqué. Quelle place le récit de soi occupe-t-il alors dans les Antiquités, pour autant qu’il en occupe une ?
25Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord rappeler que la Vie n’est pas vraiment un ouvrage indépendant, mais constitue plutôt un appendice aux Antiquités, comme l’a amplement démontré Steve Mason32. Les Antiquités s’achèvent en effet sur le souhait formulé par Josèphe que le public ne trouve ni blâmable ni déplacé qu’il rapporte brièvement sa généalogie et les événements de sa vie, alors que des contemporains peuvent encore corroborer ou infirmer ses dires ; il déclare ensuite terminer sur ces mots (ou : avec la Vie elle-même33) son « archéologie », c’est-à-dire les Antiquités (XX.266-267). Comme en écho, Josèphe écrit au dernier paragraphe de la Vie (430) : « Et maintenant que je t’ai remis, excellent Epaphrodite, le texte de mes Antiquités au complet, je n’ai plus, pour le moment, qu’à arrêter mon récit ». Ce lien entre les Antiquités et la Vie suggère qu’il existe également un lien entre l’histoire du peuple juif et la vie de Flavius Josèphe. Mais de quelle nature ?
26Les arguments développés à propos de la Guerre des Juifs restent largement valables pour les Antiquités. Tout d’abord, l’emploi de la première personne du singulier est attesté dans cette œuvre-là aussi34, et les commentaires de Josèphe sur son projet historiographique et sur son rôle de « passeur » ou d’intermédiaire entre les cultures juive, grecque et romaine, abondent35. Les Antiquités, comme la Guerre, s’ouvrent par des considérations sur l’écriture de l’histoire, et sur les motivations personnelles de Josèphe. Il rappelle qu’ayant vécu la guerre que les Juifs ont soutenue contre les Romains, et ayant connu son déroulement et son issue, il s’est vu forcé de la raconter en détail, « à cause de ceux qui ruinent la vérité par leurs écrits » (I.4). Josèphe poursuit :
« Quant au présent ouvrage [les Antiquités], je m’y suis attelé en pensant qu’il paraîtrait digne d’attention à tous les Grecs : il se propose de contenir toute notre histoire ancienne, et d’exposer nos constitutions, le tout traduit des livres hébraïques. 6. À vrai dire, j’avais déjà songé, lorsque j’écrivais la Guerre, à montrer quelle était l’origine des Juifs, quelle destinée ils eurent, quel grand législateur leur enseigna la piété et l’exercice d’autres vertus, combien de luttes durables ils durent soutenir avant cette dernière guerre où ils s’engagèrent malgré eux contre les Romains. 7. Cependant, comme l’amplitude d’un tel dessein était vaste, je le segmentai selon des proportions convenables, et fis de [la Guerre] un premier ensemble indépendant, avec son commencement et sa fin. Mais avec le temps, comme il arrive souvent à ceux qui s’attaquent à de grands ouvrages, j’eus des hésitations et des retards pour faire aboutir un tel projet dans les normes, pour nous peu familières, d’une langue étrangère. 8. Pourtant certains, curieux de cette histoire, me pressaient de poursuivre, et plus que tout autre Epaphrodite, homme passionné pour toute forme de savoir […]. 9. Il me persuada, lui qui ne cesse d’encourager ceux qui sont capables de faire quelque chose d’utile ou de beau, et, tout honteux de laisser croire que je préfère ma tranquillité à l’effort d’une des plus belles entreprises, je fus encouragé à plus d’ardeur […]. »36
27Ce prologue appelle plusieurs remarques. Tout d’abord, on retrouve le ton personnel employé au début de la Guerre, qui devient même celui de la confidence, dans l’aveu d’une faiblesse passagère. On devine par ailleurs un double dessein apologétique, dont on peut trouver d’autres indices par la suite : apologie du judaïsme et de son législateur, Moïse, à une époque où certaines élites romaines témoignaient d’un antijudaïsme méprisant ; apologie personnelle de Josèphe, qui figure naturellement parmi ceux qui « sont capables de faire quelque chose d’utile ou de beau » (9). De manière plus implicite, le programme des Antiquités correspond étroitement à celui de la Vie. Josèphe veut montrer :
« quelle était l’origine des Juifs, quelle destinée ils eurent, quel grand législateur leur enseigna la piété et l’exercice d’autres vertus, combien de luttes durables ils durent soutenir avant cette dernière guerre où ils s’engagèrent malgré eux (ἄκοντες) contre les Romains » (A.J. I.6).
28De même, dans la Vie (et même dans la Guerre), Josèphe explique dans quelle famille il naquit (sacerdotale et hasmonéenne), quelle fut sa destinée (chargé très jeune de lourdes responsabilités, il mena à bien sa mission, etc.), quelle sont ses vertus et son caractère (il insiste à plusieurs reprises sur sa modération, sa justice, ainsi que sur sa piété), et quelles furent ses luttes (à la fois contre l’ennemi extérieur, les Romains, et de nombreux ennemis intérieurs37, y compris des historiens concurrents). Le lien intime entre l’histoire du peuple juif et l’histoire personnelle de Josèphe, et donc entre écriture de l’histoire et récit de soi, apparaît surtout dans un détail, le mot ἄκοντες, « malgré eux ». En effet, le récit des événements fait par Josèphe lui-même dans la Guerre ne laisse aucun doute, même s’il cherche à minimiser le nombre des rebelles : ce n’est pas malgré eux que la majorité des Juifs ont fait la guerre contre Rome, puisque ce sont eux qui l’ont déclenchée ! Dans la Vie, davantage encore que dans la Guerre, Josèphe se présente pour sa part comme faisant la guerre à contrecœur. Dès son retour de Rome, vers 64 de notre ère, il déclare s’efforcer de calmer les agitateurs et les esprits exaltés par la perspective d’une insurrection contre Rome (Vita 17-19). De plus, la mission dont les notables de Jérusalem chargent Josèphe n’est plus de défendre la Galilée contre les armées romaines, mais de convaincre ceux des Galiléens qui s’étaient révoltés de déposer les armes (28-29). Josèphe se présente dans la Vie comme constamment soucieux de préserver la paix (78), et donc comme hostile à la guerre, qu’il fera malgré lui… Ainsi, en déclarant dans A.J. I.6 que c’est « malgré eux » que les Juifs s’engagèrent dans la guerre contre les Romains, Josèphe passe l’histoire juive au filtre de sa propre subjectivité et, parlant du peuple juif, il parle encore – peut-être inconsciemment – de lui-même38.
29Il existe en outre des corrélations d’ordre structurel et thématique entre l’histoire du peuple juif et l’histoire personnelle de Josèphe. La matière des Antiquités lui permet de se présenter comme le continuateur de certaines traditions bibliques et juives, et d’inscrire son témoignage sur son époque et sur lui-même dans une sorte d’intertextualité avec les textes bibliques et les textes juifs qui l’ont précédé. Flavius Josèphe crée en fait des liens étroits, d’ordre méta-narratif, entre l’histoire d’Israël et son histoire personnelle. Certains thèmes déjà présents dans la Guerre des Juifs sont repris et développés : celui de la Providence divine et de la façon dont elle conduit l’histoire d’Israël, celui de l’impiété qui conduit à la catastrophe (selon une théologie de l’histoire de type deutéronomiste), celui de la prophétie, etc. Ce dernier thème, en particulier, joue un rôle crucial, qui a été abondamment commenté. Josèphe se percevait comme un nouveau Jérémie, l’un des grands prophètes du VIe siècle avant notre ère, à qui Dieu fit annoncer la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, ce qui valut à Jérémie d’être poursuivi par les autorités judéennes39. Josèphe, de même, annonça à ses compatriotes le triomphe de Rome, mais ne fut pas plus écouté que Jérémie40. Josèphe, témoin de la destruction du second Temple, situe par ailleurs la destruction du premier à la fin du livre X des Antiquités, c’est-à-dire exactement au centre de cette œuvre. Certes, l’épisode de la destruction du premier Temple est central dans d’autres chronologies juives, qui sont antérieures à la destruction du second41. Mais, dans les Antiquités de Josèphe, cette centralité de la première catastrophe est intimement liée à l’énormité du drame de 70. Les événements du VIe siècle avant notre ère renvoient à ceux du premier de notre ère, tout comme la figure de Jérémie éclaire celle de Josèphe. Ce dernier semble en outre avoir pensé que Jérémie avait prophétisé la prise de Jérusalem par Titus (cf. A.J. X.79). Cet exemple illustre la façon dont l’écriture de l’histoire biblique, chez Josèphe, participe au récit de soi (même si elle ne saurait s’y réduire). À ses yeux, son histoire personnelle était indissociable de l’histoire de son peuple, à la fois récente et reculée.
30L’enjeu de ces corrélations était de convaincre le lecteur de la fidélité de Josèphe au judaïsme et au peuple juif (rappelons-le, Josèphe jouissait d’un sort bien meilleur que ses compatriotes, et apparaissait comme un renégat et un traître, totalement désolidarisé de l’histoire dramatique de son peuple). En écrivant l’histoire du peuple juif, Josèphe, le Juif marginalisé, s’est érigé envers et contre tous en porte-parole de son peuple, afin de faire connaître le judaïsme et de le défendre contre ses détracteurs – une tâche qu’il poursuivra dans le Contre Apion –42, mais aussi d’affirmer son identité de Juif en exil à Rome et d’inscrire les événements de sa vie dans la continuité de l’histoire juive.
31C’est donc bien à la fois dans la Guerre, dans les Antiquités et dans la Vie qu’écriture de l’histoire et récit de soi se mêlent, tant d’un point de vue formel que d’un point de vue thématique et structurel.
Notes de bas de page
1 Eusèbe, Hist. Eccl. III.9 ; Jérôme, Lettre 22, À la vierge Eustochium (421). Cf. A. Pelletier (éd.), Flavius Josèphe. Autobiographie, Paris, CUF, 1993 (1re édition 1933), p. XX.
2 Cf. déjà Théodore Reinach, dans l’introduction au Contre Apion, Paris, CUF, 1972 (1re édition 1930), p. V. Et, tout récemment, l’introduction du livre de Tamar Landau, Out-Heroding Herod, Leiden – Boston, Brill, 2006, p. 3-4.
3 En témoignent également plusieurs colloques récents consacrés à son œuvre, dans lesquels a été posée de façon récurrente la question de l’exactitude des informations fournies par l’historien juif de l’Antiquité.
4 La traduction exacte du titre latin, Vita, n’est pas « Autobiographie », comme on peut le lire dans la traduction d’André Pelletier publiée aux Belles Lettres, mais « Vie » (Bios en grec).
5 L’autobiographie semble s’être développée à Rome à partir du IIe siècle avant notre ère, mais à l’exception de la Vita, ces œuvres ont été perdues. Cf. M. Hadas-Lebel, « Le double récit autobiographique chez Flavius Josèphe », dans L’invention de l’autobiographie d’Hésiode à Augustin, Paris, Presses de l’École Normale Supérieure, 1993, p. 125-132 (voir p. 127) ; S. Mason, Life of Josephus, Leiden – Boston, Brill, 2003, p. XIII.
6 Voir, infra, les rapprochements possibles avec les œuvres des historiens grecs qui précèdent Josèphe.
7 L’interprétation de Vita 12 est toutefois discutée. Cf. S. Mason, « Was Josephus a Pharisee? A Re-Examination of Life 10-12 », Journal of Jewish Studies 40/1, 1989, p. 31-45; Life of Josephus, p. 20-21.
8 Cf. M. Hadas-Lebel, « Le double récit autobiographique chez Flavius Josèphe », p. 128-133, qui préfère toutefois voir dans la Vie une attaque en règle contre Juste de Tibériade, et donc une œuvre de polémique historique. Les deux ne sont nullement incompatibles, et seraient même dans ce cas plutôt indissociables.
9 Cf. S. Mason, Life of Josephus, p. 172-173.
10 A. Mosès écrit à ce propos : « […] qu’un témoin engagé dans certains événements couche ensuite par écrit ses “mémoires”, rien de plus banal. Que ce témoin, devenu historien professionnel, se projette lui-même dans son ouvrage comme une figure majeure, voilà qui est plus rare. Et, à cet égard, les Commentaires de César n’offrent pas un point de comparaison pertinent, puisque l’auteur et l’homme d’action y occupent des fonctions bien distinctes ; chez Josèphe, au contraire, les réflexions primaires de l’agent politique et les méditations secondaires de l’écrivain prennent le relais les unes des autres, se croisent et se recoupent » (Bulletin de l’Association G. Budé 2, 1986, p. 186-201, citation p. 187). Sur les Commentaires de César, voir en particulier Fr. Bérard, « Les Commentaires de César : autobiographie, mémoires ou histoire ? », dans L’invention de l’autobiographie d’Hésiode à Augustin, Paris, Presses de l’École Normale Supérieure, 1993, p. 85-95.
11 L’enquête (Prologue et I.5), traduction d’A. Barguet, Paris, Gallimard, 1964 (Folio, p. 38 et 40).
12 La guerre du Péloponnèse, I.1, traduction de D. Roussel, La Pléiade, 1964 (Folio, p. 35-36).
13 Histoire I.1.1-4 ; traduction de D. Roussel, La Pléiade, 1970 (Quarto, 2003, p. 65).
14 Chap. XIX, « Les relations de temps dans le verbe français », Paris, Gallimard (collection Tel), 1966, t. 1, p. 239.
15 Cf. L’histoire, d’Homère à Augustin. Préfaces des historiens et textes sur l’histoire, Paris, Seuil, 1999, p. 17. En ce qui concerne la Guerre des Gaules de César, écrite à la 3e personne du singulier, et qui relève du genre des « commentaires », ou notes de campagne (destinées à des historiens ultérieurs), cette subjectivité est bien moindre. Les détails de la guerre sont notés de façon concise et presque impersonnelle. De ce point de vue, cet ouvrage diffère considérablement de la Guerre des Juifs.
16 Traduction d’après celle de P. Savinel (Paris, Éditions de Minuit, 1977, p. 119), légèrement modifiée. Il en va de même pour les citations suivantes.
17 Un terme cher à Thucydide, que l’on retrouve à plusieurs reprises dans ce prologue (cf. également B.J. I.6, 17, 22, 26). Josèphe y imite avec soin Thucydide, tout en s’en distinguant par certains aspects, comme la lamentation. Cf. J. J. Price, « Josephus’ First Sentence and the Preface to Bellum Judaicum », dans For Uriel. Studies in the History of Israel in Antiquity Presented to Professor Uriel Rappaport, éd. par M. Moret al., Jerusalem, The Zalman Shazar Center for Jewish History, 2005, p. 131*-144* (voir en particulier p. 139*-140*).
18 Cf. également I.30.
19 J. J. Price écrit à ce propos: « Not only is this extraordinary, for historians routinely denied all bias, but Josephus’ lack of personal restraint, so openly acknowledged, seems to work at cross-purposes with his Thucydidean pretensions […] » (« Josephus’ First Sentence », p. 142*). Le caractère atypique que revêt l’expression de ses sentiments personnels a également été relevé par M. Hadas-Lebel dans son article « Le double récit autobiographique chez Flavius Josèphe », p. 126.
20 Cf., entre autres, B.J. III.354, 359 ; Vita 416.
21 Cf. B.J. I.31s.
22 Cf. Vita 2.
23 Cf. B.J. VII.437-450.
24 Sur le suicide collectif des Sicaires à Massada, que Josèphe est le seul à rapporter (alors qu’il n’a pas pu en être le témoin), et qui n’a été que très partiellement corroboré par les fouilles archéologiques menées sur le site de Massada, voir V. Nikiprowetsky, « La mort d’Eléazar fils de Jaïre et les courants apologétiques dans le De Bello Judaico de Flavius Josèphe », dans Hommage à A. Dupont-Sommer, Paris, Librairie A. Maisonneuve, 1971, p. 461-490 ; S. J. D. Cohen, « Masada : Literary Tradition, Archaeological Remains, and the Credibility of Josephus », Journal of Jewish Studies 33/2, 1982, p. 385-405.
25 On notera en particulier cette phrase : « Reconnaissons que le suicide est un acte contre nature pour tous les êtres vivants et impie à l’égard de Dieu qui nous a créés » (III.369).
26 Sur ce passage, cf. F. Loftus, « The Martyrdom of the Galilean Troglodytes (B.J. i 312-3; A. XIV 429-30) », Jewish Quarterly Review 66, 1976, p. 212-223.
27 Sur la distinction entre Zélotes et Sicaires, voir M. Smith, « Zealots and Sicarii, their Origins and Relation », dans Studies in the Cult of Yahweh, éd. par S. J. D. Cohen, Leiden, Brill, 1996, vol. I, p. 211-226 (originellement publié dans Harvard Theological Review 64, 1971, p. 1-19).
28 Cf. déjà B.J. I.135.
29 Cette tendance est encore plus nette dans la Vie, où Josèphe se dépeint comme cherchant à apaiser les tensions et à calmer les esprits, plutôt que comme un général se préparant à affronter les Romains. Cf. par exemple § 17-19 et 28-30.
30 Cf. le passage cité supra, B.J. III.391. Sur la notion de providence chez Josèphe, cf. F. Schmidt, « Destin et providence chez Flavius Josèphe », dans Pierre Vidal-Naquet, un historien dans la cité, sous la direction de F. Hartog, P. Schmitt et A. Schnapp, Paris, La Découverte, 1998, p. 169-190.
31 Cf. par exemple B.J. IV.386-388 ; Vita 83 et 208-210.
32 C’était aussi l’opinion d’A. Pelletier ; cf. son introduction à la Vie, p. XVII.
33 Cf. D. A. Barish, « The Autobiography of Josephus and the Hypothesis of a Second Edition of his Antiquities », Harvard Theological Review 71, 1978, p. 61-75 (voir p. 67-68).
34 Voir, entre autres, le prologue ; I.29 ; II.347.
35 Dans le prologue, Josèphe déclare prendre pour modèle la traduction des Septante. Tout comme le grand prêtre Éléazar accorda alors au roi Ptolémée II la permission de faire traduire en grec les livres de la Loi, de même Josèphe est autorisé à rédiger en grec l’histoire de son peuple pour l’édification de toutes les personnes qui, tel le roi Ptolémée, aiment s’instruire (I.12). Bien qu’il se propose de réécrire (ou de résumer) et non de traduire les livres bibliques sur lesquels repose l’histoire d’Israël, Josèphe déclare qu’il exposera les données de l’Écriture « sans rien ajouter ni omettre » (I.17). En bref, il apparaît comme l’artisan d’une traduction culturelle, les enseignements de l’histoire juive devenant accessibles à un public gréco-romain (que ce public ait en réalité été très restreint ne change rien au projet de Josèphe tel qu’il s’affiche dans le prologue). Sur le(s) public(s) visé(s) par Flavius Josèphe, cf. S. Mason, « An Essay in Character: The Aim and Audience of Josephus’ Vita », dans Internationales Josephus-Kolloquium Münster 1997, éd. par F. Siegert et J. U. Kalms, Münster, Lit, 1998, p. 31-77; id., « “Should Any Wish to Enquire Further” (Ant. 1.25): the Aim and Audience of Josephus’ Judean Antiquities/Life », dans Understanding Josephus. Seven Perspectives, éd. par S. Mason, Sheffield, Sheffield Academic Press, 1998, p. 64-103. Voir également H. M. Cotton et W. Eck, « Josephus’ Roman Audience : Josephus and the Roman Elites », dans Flavius Josephus and Flavian Rome, éd. Par J. Edmondson, S. Mason et J. Rives, Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 37-52 (qui conclut à la relative solitude de Josèphe à Rome).
36 Cf. E. Nodet, Flavius Josèphe. Antiquités Juives I à III, Paris, Cerf, 1992, p. 3-4.
37 À ce propos, voir par exemple Vita 416.
38 La présentation que donne Josèphe des faits est sans doute aussi inspirée par le souci de disculper le peuple juif de l’accusation de sédition et de rébellion, en rejetant la responsabilité de la guerre sur quelques groupes juifs marginaux présentés comme criminels et impies.
39 Voir, en particulier, Jérémie 26 et 37-38. Sur le lien entre Josèphe et Jérémie, cf. J. Blenkinsopp, « Prophecy and Priesthood in Josephus », Journal of Jewish Studies 25, 1974, p. 239-262 ; S. J. D. Cohen, « Josephus, Jeremiah, and Polybius », History and Theory 21, 1982, p. 366-381 ; M. Hadas-Lebel, « Flavius Josèphe entre Polybe et Jérémie », Ktèma 24, 1999, p. 159-165.
40 Cf. B.J. V.362-419, et en particulier 391-393 (Josèphe s’adresse aux rebelles assiégés dans Jérusalem) : « Ainsi, lorsque le roi de Babylone assiégeait notre cité, notre roi Sédécias ayant, contrairement aux prophéties de Jérémie, engagé le combat avec lui, fut fait prisonnier et vit la cité et le Temple détruits de fond en comble. Et pourtant, combien ce roi était-il plus modéré que vos chefs, et le peuple qu’il commandait, plus modéré que vous ! Car Jérémie leur criait que Dieu les haïssait à cause de leurs fautes envers Lui, qu’ils seraient faits prisonniers s’ils ne livraient pas la ville, et ni le roi ni le peuple ne le mirent à mort. Tandis que vous – pour ne pas parler de ce qui se passe dans les murs, car je ne trouverais pas de termes pour décrire vos crimes –, vous m’avez insulté et vous m’avez tiré dessus alors que je vous exhortais pour votre bien, car vous étiez exaspérés par le rappel de vos fautes et ne pouviez supporter qu’il fût fait mention des actes que vous accomplissez chaque jour » (traduction P. Savinel, p. 453-454). Sur Jérémie, voir également A.J. X.78-79, 88-95, 103-107, 112-130 ; la conclusion de Josèphe en X.142 semble viser également ses contemporains.
41 C’est le cas dans le système chronologique qui se dégage implicitement du Livre des Jubilés, dont des fragments hébreux ont été retrouvés à Qumrân. Cf. J. M. Scott, On Earth as in Heaven. The Restoration of Sacred Time and Sacred Space in the Book of Jubilees, Leiden – Boston, Brill, 2005.
42 Sur le véritable courage qu’impliquait cette démarche sous Domitien, cf. M. Goodman, « Josephus as Roman Citizen », dans Josephus and the History of the Greco-Roman Period. Essays in Memory of Morton Smith, éd. par F. Parente et J. Sievers, Leiden – New York – Köln, Brill, 1994, p. 329-338.
Auteur
Centre Paul-Albert Février, MMSH Aix-en-Provence
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