La peine de mort en France à la fin du Moyen Âge : esquisse d’un bilan1
p. 71-84
Texte intégral
1L’histoire de la justice médiévale est intimement liée, dans l’imaginaire, à la cruauté des peines et à « l’éclat des supplices » tel que le décrivait Michel Foucault pour l’Ancien Régime. Dans cette perspective, la peine capitale est souvent considérée comme un « opérateur politique » qui révèle le degré de puissance du prince. Remarquons que les réflexions de Michel Foucault se limitaient aux supplices appliqués à des cas spécifiques, les crimes politiques, ceux qui mettaient en cause la lèse-majesté, et que le philosophe écartait volontairement les autres formes de crimes, y compris le vol2. Or les historiens ont repris son analyse sans en respecter les nuances, en l’appliquant à l’ensemble des crimes et de leur résolution. Ils ont montré que les gibets érigés aux limites des seigneuries marquaient, par la terreur, l’exercice de la justice de sang et laissaient supposer une justice seigneuriale implacable, et que, par exemple à l’issue des grands procès du règne de Louis XI, la décapitation, l’écorchement ou l’exposition des corps ou de parties des corps aux portes des villes, sur la place publique, voire aux frontières du royaume, devenaient les marqueurs d’un pouvoir royal renforcé3. Il n’est pas question de nier l’existence de ces décisions judiciaires qui s’appliquent effectivement à des crimes politiques, mais il convient de les replacer dans la série des modes de résolution de l’ensemble des crimes, telle qu’elle apparaît encore à la fin du Moyen Âge. Les crimes ordinaires comme l’homicide ou le vol peuvent être sanctionnés par la peine capitale, mais cette sanction est rare pour ces crimes et, quand elle a lieu, la mort est donnée par pendaison, donc selon un rituel totalement différent de celui qui est décrit par Michel Foucault. Enfin, même le crime de lèse-majesté peut recevoir d’autres formes de résolution que la mort, à commencer par la grâce royale. C’est ainsi qu’en 1458, Jean Juvénal des Ursins exhorte Charles VII à « clémence et miséricorde » en faveur du duc d’Alençon, lequel finit effectivement par obtenir une lettre de rémission à l’issue de ce premier procès4. Il règne donc une certaine confusion dans l’analyse des délits et des modes de résolution. Il est vrai que le recours aux sources narratives entretient facilement cette confusion. En effet, les chroniques de la fin du Moyen Âge retiennent en priorité le récit des crimes les plus spectaculaires, à savoir les crimes de mœurs et les crimes politiques. Il en est ainsi du Journal d’un bourgeois de Paris, écrit anonyme probablement rédigé par un clerc du Chapitre de Notre-Dame, qui recense environ une centaine d’exécutions capitales effectuées à Paris entre 1405 et 1450, surtout pour des crimes politiques, mais passe sous silence le mode de résolution des crimes ordinaires et ne retient le vol et l’homicide que si les protagonistes ou les lieux du crime sont exceptionnels, s’il s’agit par exemple des officiers du roi ou de son palais, ce qui implicitement transforme le délit en crime de lèse-majesté5. Il en est de même, sous le règne de Louis XI, du Journal de Jean de Roye, dit Chronique scandaleuse, qui se plaît à raconter les décisions drastiques du prévôt des maréchaux, Tristan l’Hermite, ou celles des commissaires royaux qui font alterner torture, noyade et décapitation, et dans le cas de Jean Hardy, décident de l’écartèlement des membres6.
2Ces premières réflexions montrent que la peine de mort est effectivement valorisée quand elle peut être associée à la force de l’État, car l’infraction politique, sévèrement punie, frappe les esprits. Faut-il pour autant penser que l’usage de la peine de mort, en quantité et en qualité, doit être lié à l’accroissement du pouvoir étatique du XIIIe au XVe siècle ? La force de l’État se mesure-t-elle déjà au degré de coercition que cet État exerce ? L’étude de la criminalité médiévale en France, en particulier dans le cadre des tribunaux royaux, au premier rang desquels se situe le Parlement de Paris, et dans celui de la justice retenue telle qu’elle est pratiquée à la Chancellerie royale, permet d’éclairer la façon dont l’État se construit en relation avec la coercition.
Rareté de la peine de mort
3La peine de mort, telle qu’elle est exposée dans les Coutumiers, eux-mêmes fortement inspirés du droit romain, est présentée comme la sanction de nombreux crimes. À la fin du XIIIe siècle, Philippe de Beaumanoir, dans les Coutumes de Beauvaisis, rappelle que « ainçois sont aucun mesfet liquel doivent estre vengié de diverses mors » et il énumère les différentes formes de supplices qui doivent être appliqués selon les types de crimes. Le coupable de meurtre, de trahison, d’homicide et de viol sera traîné et pendu ; celui qui aura commis un incendie ou un vol sera seulement pendu ; l’hérétique ou le sodomite sera brûlé et le faux-monnayeur sera bouilli avant d’être pendu. Seuls le suicide et le poison ne se voient pas attribuer un mode de supplice spécifique7. Cette énumération est reprise avec des variantes dans les coutumiers du XIVe siècle, en particulier par Jean Boutillier et par Jacques d’Ableiges8. Or, les historiens du droit et de la criminalité en ont souvent déduit que la pratique suivait la théorie et que tous les crimes énumérés étaient sanctionnés selon ce mode de peine. Il y a en cela une part de vérité puisque les juges peuvent recourir à la loi pour nourrir leurs discours et prendre leurs décisions, même si, en l’absence de motivation des sentences, nous ne pouvons pas suivre aisément le cheminement de leur pensée. Dans les notes qu’il a laissées, Jean Le Coq, avocat du roi au Parlement de Paris à la fin du XIVe siècle, fait de nombreuses références au droit romain pour justifier la décision prise par la Cour et la lourdeur de certaines sentences9. Depuis le XIIIe siècle, le développement de la procédure inquisitoire favorise aussi un certain durcissement de la procédure qui, par le biais de l’enquête, peut conduire à la définition de la fama facti et à l’aveu du coupable. Dans ces conditions, la définition des catégories de crimes se trouve facilitée et l’automatisme de la sentence peut en découler. Mais ce serait compter sans d’autres éléments qui entrent en jeu dans le rendu du jugement, quand rendu il y
4a. La fama personae reste essentielle et, avant de prononcer la sentence, il importe de montrer que cette renommée personnelle, au sens de réputation, est susceptible d’impliquer la peine de mort. Au Châtelet de Paris, on ne condamne pas à mort pour vol mais parce que l’auteur du ou des vols peut être déclaré par les juges unanimes « très fort larron »10. La peine de mort semble alors impliquer l’existence d’une mala fama originelle ou la transmutation de ce qui était une bona fama en mala fama, d’une « conversation honneste » en conduite déshonnête. L’enquête judiciaire est là pour le prouver. La sentence de mort n’est donc pas applicable de la même façon à tous les individus qui se sont rendus coupables d’un même type de crime, nous y reviendrons.
5Le rendu du jugement est aussi affaire de rapports de force entre le juge, les parties en présence et la société. C’est un problème qui reste encore pendant à la fin du Moyen Âge, comme le soulignent les théoriciens politiques. Ainsi, pour le surmonter, Nicole Oresme cherche à diviser la tâche des juges car, de cette façon, dit-il, « les haines sunt moins perilleuses » et le jugement risque d’arriver à terme11. Dans la pratique, le problème demeure, d’autant que les juges comme les parties en présence maintiennent les valeurs qui fondent la société, à commencer par l’honneur et son corollaire, la vengeance12. En rendant son verdict, le juge doit certes tenir compte de la partie lésée, mais aussi de la menace que peut faire peser la partie sanctionnée si le jugement ne lui agrée pas. À quelles conditions le jugement sera-t-il acceptable par les deux parties ? À quelles conditions sera-t-il applicable ? Telles sont les questions qui restent sous-jacentes.
6Pour toutes ces raisons, il existe un énorme hiatus entre la théorie et la pratique judiciaire13. La théorie fonde bien une référence qui est la loi et elle lie fondamentalement la justice à Dieu, mais elle ne dit pas exactement ce qu’est la pratique quotidienne du jugement, qui consiste à réparer le tissu social et familial que le crime a déchiré et à faire en sorte que les hommes puissent continuer à vivre ensemble. Les progrès de la procédure inquisitoire n’ont pas encore réussi à réduire ce hiatus qui rend particulièrement complexe toute analyse de la justice à la fin du Moyen Âge. Le Parlement de Paris n’échappe pas à cette constatation, même s’il constitue le fer de lance de la justice du roi. Les affaires jugées le sont en première instance pour les nobles et pour un certain nombre de délits, et en appel d’une juridiction inférieure. La procédure inquisitoire y donne une place prépondérante au procureur du roi, défenseur des droits du roi et de la justice publique, héritier direct de l’adage romain selon lequel interest rei publicae ne maleficia remaneant impunita. Parmi ces crimes qui ne doivent pas rester impunis, figurent justement les crimes majeurs, ceux qui devraient être punis de mort. Or la réalité des sentences tranche avec les définitions théoriques que s’assignent les juges et les avocats. Par exemple, entre 1387 et 1400, sur près de 200 cas traités au Parlement criminel, quatre seulement ont fait l’objet d’une condamnation à mort. Au milieu du XVe siècle, au moment où se répand l’image des pendus chers à Villon, la proportion reste aussi très négligeable. Il faut que le coupable ait commis de fortes violences contre l’ordre public pour qu’il soit exécuté, qu’il s’agisse en 1396 de Baudrain du Hamel impliqué dans de nombreuses guerres privées avec récidive, ou d’Haquinet de Rosières qui, en 1444 à Tournai, a tenté de tuer ou de faire tuer Colart Lefevre tout en refusant de donner un « asseurement » comme le lui demandaient les autorités de la ville. Le cas est grave car la victime a déjà perdu quatre doigts, l’usage d’un bras et d’un pied, et doit se promener en ville protégé d’un « hauberjon » ; la volonté de tuer est manifeste comme le montrent les nombreuses récidives, la présence de « bateurs à loyer », et le refus d’« asseurement ». C’est pourquoi le procureur du roi conclut « qu’il y a perturbacion de la chose publique par bateurs a loyer et a appetit d’autruy, en quoy chiet grant punicion veu l’horreur d’iceulx, et mesmement en ville notable alias ne seroit personne asehur, et y chiet pena talionis et capital et plus grant que contre insidiateurs et agresseurs de chemins »14.
7En général, le Parlement se contente d’émettre un avis interlocutoire ou de renvoyer l’affaire à la juridiction d’où le criminel a fait appel et on perd sa trace, sans pour autant être sûr que la sentence de mort ait été prononcée. De toute façon, avant l’ordonnance de 1454, il est encore rare que l’appel ait lieu après une sentence définitive comportant une peine de mort prononcée par une juridiction inférieure. Il s’agit plutôt d’appels de sentences locales interlocutoires, même si des cas d’appels de sentences de mort ont pu être repérés avant le milieu du XVe siècle et si une étude attentive oblige encore une fois à nuancer une théorie que les juristes médiévaux répètent à l’envi depuis Philippe de Beaumanoir, selon laquelle on ne peut recevoir d’appel au criminel, à plus forte raison d’une sentence de mort car « il ne puet de tel jugement rapeler… et s’il estoit ainsi mout de vilains fes seroient mauvesement vengié »15. Pourtant le Parlement criminel n’ignore pas la peine de mort et on peut même dire qu’elle plane constamment sur les débats. Mais il s’agit d’un élément du discours judiciaire, d’un pan de rhétorique devenu partie prenante de la résolution du conflit. L’arme est en effet utilisée par le procureur du roi ou par l’avocat de la partie lésée dans un processus de réparation fictive qui opère par ordre décroissant. L’évocation de la peine capitale est le premier maillon d’une chaîne de demandes qui se déroule en cascade et qui, de la mort en vient à des peines infamantes et à des peines pécuniaires sous la forme « d’amendes honorables et profitables ». Par exemple, pour un cas de faux commis par Henri Bruinant, le procureur du roi commence par réclamer la peine de mort accompagnée de la confiscation des biens, puis l’amende honorable et le pilori avant d’exiger que le criminel soit flétri au front, pour terminer par une amende profitable de cinq cents livres et par un bannissement du royaume à perpétuité16. On ne saura jamais quelle peine a été effectivement appliquée et si même l’une de ces peines l’a été ! Le fait que des accords aient pu intervenir entre les parties montre assez la fragilité des décisions prises. Mais l’évocation de cette succession de peines agit comme une restauration d’honneur pour laquelle la Cour sert de champ clos où la parole est reine. Dans ce contexte, l’amende honorable, criée au roi, à la justice et à la partie adverse, au tribunal et sur les lieux mêmes du délit prend un sens particulier de restauration d’honneur blessé. Il s’agit d’une peine fréquente et salutaire qui a l’avantage d’assurer la restitution indispensable à la survie de l’honneur et fait accepter la décision judiciaire prise au nom de l’ordre public17. Pour obtenir la paix entre les parties tout en sauvant le pouvoir judiciaire, la peine de mort est donc rêvée plus qu’elle n’est appliquée.
Force de la vengeance
8D’ailleurs, comment la peine de mort serait-elle acceptée à une époque où la vengeance reste efficace et où la justice royale n’a de toute façon pas les moyens de mener une politique coercitive, faute d’un personnel assez nombreux et compétent ? Dans un processus de vengeance, il n’est pas sûr qu’une sanction aussi radicale que la peine de mort puisse éteindre le conflit. Elle peut, au contraire, contribuer à le perpétuer en transformant la vengeance en vendetta à l’issue de la mort du coupable. Certes, dans l’esprit des juges, la peine de mort ne prolonge pas la vengeance, mais une certaine ambiguïté subsiste. On la saisit dans le vocabulaire tel qu’il est employé dans les Coutumiers où la peine prend le nom de la vengeance, par exemple chez Philippe de Beaumanoir18. On la saisit aussi dans l’importance que les juges du Parlement accordent à la loi du talion quand, comme dans le cas d’Haquinet de Rosières, ils menacent de recourir à la peine de mort comme pena talionis et capital19. L’argument est commun : la pendaison répond à la mort d’homme, comme ce peut être le cas pour d’autres peines réfléchissantes. Tout semble se passer comme si la justice avait récupéré le principe de base de la vengeance et l’avait érigé en principe de justice. Ce qui explique, comme il est indiqué dans un procès, que la peine de talion ne peut pas s’appliquer au civil et qu’elle est réservée au criminel20. De ce fait, la peine de mort devient une arme difficile à manier et rien ne dit qu’elle soit susceptible d’éteindre la de corps considérés comme vengeance. De nombreux cas de rébellion devant le gibet ou de dépendaison de corps considérés comme injustement pendus sont là pour témoigner des résistances face aux ordres royaux. C’est ainsi qu’en 1406, un procès oppose le procureur du roi à trois hommes qui ont tenté d’empêcher une condamnation capitale. Ils ont fait scandale au pied du gibet en arguant d’un commandement de bouche du roi pour arrêter l’exécution et celle-ci n’a eu lieu que grâce à la diligence du bourreau qui ne se laissa pas fléchir21. Les trois hommes sont alors poursuivis par la justice et le procureur du roi commence par affirmer haut et fort quels sont les droits du roi : « presuppose que qui vient contre les ordonnances royaux anciennes pour le bien de justice doist estre puni griefment » et « Item qui empeche l’execucion des condempnez a morir, il commet hault crime maxima ». Il va même jusqu’à ajouter que les condamnés à mort auraient dû refuser ce commandement de bouche qui leur laissait la vie sauve, car « savoient quil a esté ordonné que on ne face requeste au roy pour empescher sa justice et ne le pouvoient ignorer car autres ont veu reprendre de venir contre et devoient advertir le roy du commandement qui estoy contre son honneur et lequel il ne devoient point executer ». C’était beaucoup demander ! Au terme du procès et de ces déclarations fracassantes, le résultat semble maigre : les trois meneurs sont élargis sous caution et l’historien perd leurs traces…
9En fait, les juges du Parlement restent très circonspects en matière de peine capitale, et cela pour plusieurs raisons. De façon générale, la Cour cherche plutôt la paix que la coercition à tout prix et les juges craignent que la peine de mort ne fasse rebondir la violence. La population qu’ils ont à juger les conforte dans cette méfiance. Plus d’un tiers des parties sont nobles et comme telles enclines à une riposte facile quand l’honneur est en jeu. Les juges se méfient aussi de la haine qui a pu prévaloir lors des décisions prises localement. Comme le dit le procureur du roi au milieu du XVe siècle, « quant on traite de la mort d’aucuns, l’en doit proceder bien meurement et s’enquerir de la verité du cas »22. Le rôle des juges du Parlement est de s’élever au-dessus des haines recuites qui opposent les groupes divergents et parfois puissants qui, localement, se servent de la justice pour régler leurs différends. Il consiste donc à contrôler si la peine de mort a été appliquée à bon escient, si l’aveu a été obtenu à l’issue d’une éventuelle torture restée « courtoise » et si l’exécution a suivi un rituel convenable. Mais les juges ont-ils les moyens de connaître cette vérité qui seule justifierait à leurs yeux la sanction suprême ?
L’exemplarité de la peine
10La peine de mort est un argument constamment associé à l’exemplarité de la peine et, de ce point de vue, théoriciens et praticiens sont unanimes23. Leur pensée emprunte à deux courants, l’un philosophique, héritier de Sénèque qui montrait dans le De ira que plus forte est la punition, plus grand est l’effet produit sur les autres24 ; l’autre juridique, tel qu’il s’exprime dans le Code ou dans le Digeste25. C’est le point de vue qu’adoptent les juristes médiévaux qui fondent la répression sur un double aspect, distributif et dissuasif, c’est-à-dire que la sanction doit être proportionnée au crime, mais elle doit aussi servir d’exemple pour prévenir de nouveaux désordres26. Cette exemplarité est clairement liée à la procédure inquisitoire et à la poursuite d’office qu’elle implique, comme l’écrit Philippe de Beaumanoir : « Bonne chose est que l’en queure au devant des maufeteurs et qu’il soient si radement puni et justicie selonc leur mesfès que, pour la doute de la justice, li autres en prengnent essample si qu’il se gardent de mesfere »27. Elle est aussi liée à l’arbitraire des juges qui peuvent ainsi appliquer une grande peine à un petit méfait, de façon à ce que l’on s’en garde, ut pena unius sit metus multorum28. À la fin du Moyen Âge, ce discours revient couramment dans la bouche du procureur du roi pour qui la peine « constitue un exemple a tous », de façon à éviter que les cas de crime qu’elle sanctionne ne « pullulent plus que jamais »29. La peine en général, et en particulier la peine de mort, est bien conçue comme un enseignement moral et un avertissement qui se veut dissuasif. De ce fait, elle ne peut qu’être rare.
11L’exemplarité de la peine n’est pas seulement, comme on l’a longtemps cru, un pis-aller, le signe d’une inefficacité certaine de la justice royale. Les données sont beaucoup plus complexes, car si les juges du Parlement tiennent à conserver la possibilité de recourir à des peines exemplaires, c’est que le mode de résolution des conflits reste largement fondé sur l’autre face d’un pouvoir justicier qui sait se montrer conciliateur et libérateur. Les transactions ne cessent d’être encouragées, y compris par les membres du Parlement qui, de juges, peuvent devenir arbitres. Quant à la rémission, elle fait l’objet de nombreuses lettres émises par la Chancellerie depuis le début du XIVe siècle, et surtout à partir de 1330-135030. C’est le moment où les tribunaux royaux censés appliquer la coercition se mettent en place. En ce sens, la peine de mort exemplaire est le pendant fondateur de la grâce, les deux éléments donnant au pouvoir justicier son caractère nécessairement biface, partagé entre ira et gratia, et cela de façon éclatante. En même temps se fonde le lien social que la peine de mort n’a pas pour but de détruire mais de conforter en réparant les effets du crime qui l’a perturbé. Les juges sont attentifs, comme ils le disent eux-mêmes, à ne pas faire appliquer la peine de mort à mauvais escient : ce n’est pas seulement une question de vérité. Il leur faut obtenir l’accord de l’opinion et respecter cet accord. Car le rituel de la peine de mort est là pour rappeler que la foule participe à l’exécution capitale. Malgré les progrès de la procédure inquisitoire qui leur donne droit d’agir d’office, les juges ne veulent et sans doute ne peuvent rien décider en matière de mort qui ne soit accepté par le peuple. Lui seul, par sa présence au moment de l’exécution capitale, décide du miracle qui pourrait suspendre la sentence à la dernière minute. La foule est aussi là pour surveiller le suivi du rituel et par conséquent son efficacité, ce qui revient finalement à donner son accord implicite à la décision prise. C’est ainsi qu’à Epernay, quand un malfaiteur doit être exécuté, « l’en le mene de plain jour a la justice et doit confesser son malefice a la pierre etc, et au gibet aussi, oyant le peuple… »31. En cas de contestation d’une exécution capitale, les avocats ne se privent pas de dire que la foule n’a pas été écoutée, comme à Saint-Quentin en 1406, où « trouverent bien mil personnes qui crierent que on amenoit point le prisonnier et coururent sus audit prevost et a la justice »32. À l’inverse, s’il faut justifier de la peine de mort qui a été prononcée, ils arguent de l’accord de la foule qui criait « A mort, a mort ! », montrant par cela le lien étroit que la peine de mort entretient avec le lynchage33. Au début du XVe siècle, l’avocat Pierre de Marigny résume bien la signification que revêt la présence du peuple à l’exécution en déclarant, à propos de ce même procès de Saint-Quentin, que « la coutume est que les gens y vont pour conforter la justice et pour exemple »34. La peine de mort peut donc être perçue comme un instrument de progression du pouvoir justicier et par conséquent de l’État, mais il faut rester prudent. Elle ne sert pas de clef de voûte à la construction d’un pouvoir coercitif où l’ordre public serait déconnecté des réalités sociales.
Incorrigibilité et peine de mort
12Reste le petit nombre de cas pour lesquels la condamnation à mort est requise et exécutée. Au Parlement de Paris, il s’agit le plus souvent d’individus qui se sont fait passer pour clercs et que la juridiction ecclésiastique réclame après leur exécution. Le procureur du roi dit que ces clercs sont « incorrigibles » et que la justice laïque a eu raison de s’en emparer et de les exécuter. C’est donc pour les clercs que se met en place la notion d’incorrigibilité qu’utilisent les tribunaux laïcs, mais elle ne tarde pas à être appliquée aussi aux laïcs, comme le montre un procès de 1484 où un juge de Fontenay-le-Comte doit se justifier d’avoir fait condamner à mort un voleur, dont on ne précise pas qu’il est clerc. Cet homme, qui avait été banni de la ville, avait continué à voler. On disait qu’il appartenait à une bande appelée « Les bons enfants de La Rochelle » et le juge affirme qu’il lui eût volontiers sauvé la vie « s’il eust appareu qu’il eust esté corrigible »35. Pour un autre au même moment, il est dit que la condamnation à mort a été juste, car le coupable était « obstiné en sa mauvaise volonté » et ne s’était pas repenti de ses crimes et qu’il était, de ce fait, prêt à les répéter36.
13Robert Genestal, dans son analyse du privilegium fori en France, datait l’utilisation de l’incorrigibilité dans les tribunaux royaux de la fin du XVe siècle37. Il semble que son application soit très antérieure car elle est évoquée au Parlement de Paris dès la fin du XIVe siècle pour justifier la peine de mort, et il est probable que le temps des Marmousets et celui des réformes judiciaires voulues par le prévôt de Paris, Guillaume de Tignonville, sont largement responsables de cette diffusion. C’est ainsi que Baudrain du Hamel, ce fameux chevalier rebelle est finalement condamné à mort en 1396 pour les guerres et pillages qu’il menait, parce qu’il est considéré comme incorrigibilis : il avait eu en effet plusieurs fois affaire à la justice, en particulier au Parlement qui l’avait d’abord condamné à de simples fondations pieuses, à des amendes et à verser des rentes à ses victimes38. Son incorrigibilité et le sort qui lui est réservé deviennent ensuite des éléments de jurisprudence39.
14Quelle est l’origine de cette notion d’incorrigibilité et que signifie-t-elle ? Son origine est incontestablement cléricale et monastique. Dès le haut Moyen Âge, les écrits de Grégoire le Grand (en particulier les Moralia in Job), de Bède le Vénérable et d’Isidore de Séville en témoignent. La règle bénédictine, quoique le terme incorrigibilis n’y figure pas explicitement, comporte la notion et les statuts monastiques rédigés à une époque plus tardive, tels ceux des Cisterciens au XIIe siècle, l’emploient explicitement40. Les clercs séculiers, par exemple les évêques lors de leurs visites pastorales, n’hésitent pas à l’appliquer aux laïcs en l’associant aux péchés mortels et aux conduites contraires aux normes définies dans les statuts synodaux, en particulier en matière de mariage et des interdits afférents. C’est le cas dès 845, dans un canon qui est attribué au concile de Meaux41. Au XIIe siècle, l’incorrigibilité appliquée aux clercs devient l’un des thèmes du droit canonique tel qu’il est recensé par Gratien et elle s’accompagne de l’idée de séparation définitive du membre gangrené, du moins en théorie. Les clercs qui ont été emportés par le péché au point d’apparaître comme incorrigibles doivent être séparés de l’Église (a peccatis aut incorrigibiles apparuerint, ab ecclesia separentur) et ils ne peuvent bénéficier du pardon (incorrigibilis dampnationis sententia relaxari non potest)42. Une cinquantaine d’années plus tard, Innocent III précise les conditions pratiques qui permettent de cerner la notion d’incorrigibilité : sont incorrigibles ceux qui au terme de trois citations ne se soumettent pas aux ordres de l’Église et, de ce fait, ils sont condamnés à l’anathème, ce qui revient à les déposer et à les abandonner au bras séculier43. En même temps, la notion s’étend à l’ensemble des fidèles qui ont commis des crimes relevant des justices ecclésiastiques dont les tribunaux se mettent en place au même moment44. Le terme incorrigibilis devient donc courant dans le monde ecclésiastique quand la procédure inquisitoire se développe, que s’affine la lutte contre l’hérésie et que se définissent aussi les normes de comportement des fidèles en matière de mœurs et de mariage. Il s’accompagne d’une volonté de répression irréversible et du recours à d’éventuelles dénonciations qui sont le fait des clercs ou des fidèles, les uns et les autres participant ainsi à l’exclusion de celui qui s’entête à mener une vie non conforme et refuse de revenir à la norme. À partir de quel moment ces comportements illicites sont-ils considérés comme irréversibles ?
15L’incorrigibilité est intimement associée à la récidive, mais elle ne lui est pas automatiquement liée car tous les récidivistes ne sont pas obligatoirement incorrigibles. Les registres du Parlement montrent qu’environ un quart des criminels qui y sont traités sont des récidivistes, alors que les criminels considérés comme incorrigibles y sont rares. Le jeu entre les deux notions est subtil et il relève de l’arbitraire des juges, c’est-à-dire d’un pouvoir de justice qui leur donne la liberté d’aggraver la répression selon le cas et surtout selon le profil du criminel45. Ainsi intervient, encore une fois, la fama personae que les juges laïcs lient au mal de trois façons : la pratique du mal dès la jeunesse, la répétition du mal et la forme du mal. La forme du mal relève de la nature des crimes qui créent l’infamie, en particulier les crimes sexuels, mais aussi les crimes de sang ou les vols. Ces types de crimes appartiennent aux stéréotypes qui signent la mauvaise renommée aux yeux de l’opinion, stéréotypes qui évoluent au cours du Moyen Âge et qu’accroît encore la législation contre le vagabondage, le port d’armes, le blasphème, la sorcellerie et les déviances sexuelles46. La persistance dans le mal rejoint les considérations sur la récidive, mais avec une connotation morale. Celui qui pratique ce type de rechute finit par tomber dans le mal, in profondum malorum comme le dit un avocat au milieu du XVe siècle. C’est dire que la pratique du crime est devenue un habitus, au sens que saint Thomas donne à ce mot, qui devient chez Nicole Oresme « malvese acoutumance »47. Le fondement de l’idée est théologique et elle est reprise en droit. À cet habitus s’ajoutent des dispositions qui peuvent s’apercevoir dès la jeunesse. La question est alors de savoir s’il existe une prédisposition au mal. À la suite d’Aristote, saint Thomas démontre que le lien social est nécessaire, mais il en exclut deux catégories d’individus, à savoir les brutes et les saints, êtres d’exception, asociaux dès leur naissance. Au cours du XIVe siècle, Nicole Oresme ne dit pas autre chose quand il glose l’Éthique et la Politique d’Aristote : « Et tout ainsi comme le premier (le saint) est meilleur que homme, comme dit est, aussi est cestui (la brute ou le bannause) pire que homme. Et le premier est sus nature humaine commune par sa bonté, et cestui est dessous par sa malice et est bestial… »48. Encore une fois, la théologie rencontre le droit quand il est recommandé aux juges d’enquêter au pays, en particulier sur l’enfance des coupables et sur la vie de leurs parents pour définir la qualité de la fama d’un suspect49. De fait, les juges de la fin du Moyen Âge sont attentifs à décrire ce qui constitue « les enfances mauvaises » de celui qui « onques ne fit bien mais tousjours depuis et des son enfance s’est appliqué a mal faire, a jouer aux dez, a la paume, suir les tavernes et les fillettes diffamees, pieça se redi carme dont laissa l’abit et devint chevaucheur et homme d’armes et vagabond »50. La situation est telle que cet homme ne peut plus être admis à pénitence et que la société n’a plus aucun scrupule à l’exclure de son sein. On comprend mieux pourquoi les coupables jugés au Châtelet de Paris se battent pour rappeler la qualité de leur enfance, comme un temps béni de leur innocence. Peut-on aller cependant jusqu’à parler de prédestination du mal ? Rien n’est moins sûr. L’homme reste libre de faire le mal et son intention est soigneusement analysée par les juges. L’homme peut aussi échapper au mal par l’encadrement qu’il reçoit. De nombreux exempla, au même moment, mettent l’accent sur la force de l’éducation et montrent combien le père est fautif quand il n’a pas su contrecarrer les mauvais penchants de son fils51. Et justement parce que ces hommes croient aux vertus de l’éducation, ils pensent que l’homme coupable peut apparaître comme un membre susceptible de gangrener la société en donnant un mauvais exemple aux petits enfants qu’il peut pervertir. C’est ainsi que Sevestre de Bailleul, à La Rochelle, doit être condamné à mort parce qu’il a induit les enfants « a jouer aux dex et autres jeux et a ce dient plus de XXX, fait epier quant les peres et meres sont dehors pour entrer aux hostelz pour illec jouer, fait aller lesdits enfans sur les murs de la ville et au port afin de jouer plus secretement, induit lesdits enfans quant ont joué et perdu leur argent a desrober peres et meres »52. La peine de mort suppose la responsabilité de celui qui a commis le mal, et elle est alors aux yeux des juges et de l’opinion, pleinement justifiée. Or il n’y a pas de mal plus grand que celui qui pervertit l’avenir de la société.
16Il s’agit d’un tout petit nombre. Car les condamnés à mort sont ceux que la société et le pouvoir ont choisi de rejeter sans risque réel de représailles, larrons, vagabonds, hommes d’armes inconnus, étrangers. Ceux-là sont exclus et ils ont de moins en moins la possibilité de se réfugier dans le giron de l’Église dont les tribunaux laïcs ont rogné le pouvoir, sous prétexte de jugements laxistes. Ces condamnés sont effectivement devenus les cibles d’une justice criminelle qui fait d’eux une affaire d’État. La peine de mort se définit de plus en plus clairement comme le privilège du roi. Mais cela ne veut pas dire que son application est plus rigoureuse ou qu’elle est en progrès à la fin du Moyen Âge. D’autres possibilités de résolution subsistent, nombreuses, qu’il s’agisse des transactions ou des rémissions, et la justice du roi reste foisonnante de contradictions plus ou moins paralysantes. L’exercice de la peine de mort n’est encore, à la fin du Moyen Âge, qu’un élément du pouvoir justicier du souverain qui cherche la paix plus que la coercition à tout prix, mais qui affirme de façon exemplaire son droit de vie et de mort sur les sujets de son royaume.
Notes de bas de page
1 Cette étude suit et complète celle qui a été publiée en anglais dans les Mélanges en l’honneur de Peter Lewis, « Justification and Theory of the Death Penalty at the Parlement of Paris in Late Middle Ages », dans War, Government and Power in Late Medieval France, éd. C. Allmand, Liverpool, 2000, p. 190-208.
2 M. Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, 1975, en particulier chapitre 2, p. 62.
3 Bibliographie rassemblée par N. Gonthier, Le châtiment du crime au Moyen Âge, Rennes, 1998.
4 Jean Juvénal des Ursins, « Exortation faicte au roy », dans Écrits politiques de Jean Juvénal des Ursins, éd. P. S. Lewis, t. 3, Paris, 1985, p. 407-423. Lettre de rémission conservée aux Archives Nationales de France (abrégées par la suite ANF), JJ 198, pièce 36. Plusieurs fois arrêté et libéré, Jean d’Alençon est encore une fois condamné à mort en 1472, mais Louis XI gracie à nouveau celui qui était son parrain, et le duc meurt finalement de mort naturelle en 1476.
5 Je me permets de renvoyer aux remarques que je fais à ce sujet, C. Gauvard, « De grace especial ». Crime, État et Société en France à la fin du Moyen Âge, 2 vol., Paris, 1991, t. 1, chapitre 1.
6 La Chronique scandaleuse ou Journal de Jean de Roye, éd. B. de Mandrot, 2 vol., Paris, 1884-1895, en particulier t. 1, p. 175-176, 186, 206-207, 225-226, 288-289, 303-309.
7 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, 2 vol., Paris nlle éd. 1970, t. 1, p. 428-433.
8 Jean Boutillier, Le Grand Coutumier et Practique du droit civil et canon observé en France … cy devant imprimé soubz le nom de la Somme rural, éd. L. Charondas Le Caron, Paris, 1621 ; Jacques d’Ableiges, Le Grand Coutumier de France, éd. F. Laboulaye et R. Dareste, Paris, 1868.
9 M. Boulet, Questiones Johannis Galli, Paris, 1944.
10 Nombreux exemples dans Registre criminel du Châtelet de Paris du 6 septembre 1389 au 18 mai 1392, éd. H. Duplès-Agier, 2 vol., Paris, 1861 et 1864.
11 Nicole Oresme, Le Livre des politiques d’Aristote, éd. A. Douglas Menut, Transactions of the American Philosophical Society, vol. 60, part. 6, Philadelphie, 1970, Livre VI, 11, 230a-c.
12 Voir l’exemple de la justice rendue à Marseille, D. Lord SMAIL, The Consumption of Justice. Emotions, Publicity, and Legal Culture in Marseille 1264-1423, Ithaca et Londres, 2003, et quelques cas traités pour la fin du Moyen Âge dans Le règlement des conflits au Moyen Âge, XXXIe Congrès de la SHMES (Angers, juin 2000), Paris, 2001.
13 C. Gauvard, « Le jugement entre norme et pratique : le cas de la France du Nord à la fin du Moyen Âge », dans Norm und Praxis im Alltag des Mittelalters und der Frühen Neuzeit, dir. G. Jaritz, Vienne, 1997, p. 27-38 ; ead., « De la difficulté d’appliquer les principes théoriques du droit pénal en France à la fin du Moyen Âge », dans Die Entstehung des öffentlichen Strafrechts, dir. D. Willoweit, Cologne-Weimar-Vienne, 1999, p. 90-120.
14 ANF, X2a 12, fol. 180v et X2a 13, fol. 22-23v, 1393 et fol. 143, 1396 ; X2a 24, fol. 16v, 1444.
15 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, op. cit., n. 7, t. 2, p. 396-397. Sur l’importance de l’ordonnance de 1454, voir A. Soman, « La justice criminelle, vitrine de la monarchie française », Bibliothèque de l’École des Chartes, 153 (1995), p. 291-304. La thèse de Louis de Carbonnières vient de renouveler l’étude de la procédure criminelle et de la place de l’appel pour sentence de mort avant cette date, La procédure devant la chambre criminelle du Parlement de Paris au XIVe siècle, Paris, 2004, en particulier p. 59-67. Les lettres de rémission donnent aussi quelques cas d’appels de sentences définitives avant le milieu du XVe siècle, par exemple ANF, JJ 169, pièce 147 : Lettre adressée au gouverneur de La Rochelle, mai 1416.
16 ANF, X2a 24, fol. 220, 1448. « Barbin pour le procureur du roi apres ce qu’il a eu recité le contenu es informacions faictes en ceste partie et aussi les confessions dudit de Bruinant, a requis et conclut que ledit Henry Bruinant, pour les faulsetez, induccions, seduccions, decepcions et perviremens par lui faiz en ceste partie, soit puny corporellement, c’est assavoir soit pendu et estranglé et tous ses biens confisquez, ou au moins qu’il soit condemné a faire amende honorable au procureur du roy et a Amiens, en chemise tenans une torche de cire ardant en sa main, en disant que faulsement et mauvaisement il a commis lesdites faulsetez, excez et delits et en crie mercy au roy et a justice, et soit pilorisé par trois samediz es hales de Paris, et batu au cul de la charrette et aussi es villes d’Amiens, de Bethune et de la Bruniere, et fletry au front d’une fleur de litz, et aussi requiert que la sentence donnee par le bailli d’Amiens sortisse son effect et que les resolucions et accords qui depuis s’en sont ensuiz soient declarez nulz et de nulle valeur, et aussi soit condemné pour amende proufitable en la somme de Vc livres parisis a prendre sur ses biens avant toute confiscacion et soit banni de ce royaume a tousiours ».
17 Autres cas dans C. Gauvard, « L’honneur du roi. Peines et rituels judiciaires au Parlement deParis à la fin du Moyen Âge », dans dir. C. Gauvard et R. Jacob, Les rites de la justice au Moyen Âge, Paris, 2000, p. 99-123.
18 Voir supra n. 7.
19 Cas cité supra n. 14.
20 ANF, X2a 12, fol. 401-401v, 1399.
21 ANF, X2a 14, fol. 310, 1406.
22 ANF, X2a 25, fol. 11, 1449.
23 C. Gauvard, « Les humanistes et la justice sous le règne de Charles VI », dans Pratiques de la culture écrite en France au XVe siècle, éd. M. Ornato et N. Pons, Louvain-la-Neuve, 1995, p. 217-244.
24 Sénèque, De ira, Livre III, chapitre 19.
25 Ut unius poena metus possit esse multorum, Code, 9, 27, 1 ; Ut exemplo aliis ad deterrenda maleficia sit, Digeste, 16, 3, 31.
26 J.-M. Carbasse, « La peine en droit français », dans La peine, 2e partie, Europe avant le XVIIIe siècle, Recueils de la Société Jean Bodin, Bruxelles, 1991, p. 157-172 ; Idem, « Ne homines interficiantur. Quelques remarques sur la sanction médiévale de l’homicide », dans Auctoritates Xenia R.C. Van Caenegem oblata, éd. S. Dauchy, J. Monballyu et A. Wijffels, Bruxelles 1997, p. 165-185.
27 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, op. cit., n. 7, t. 1, p. 446.
28 C’est ce qu’explique Nicole Oresme, op. cit., n. 11, Livre II, chap. XXII, 70d-71, en citant le Digeste, op. cit., n. 25.
29 ANF, X2a 49, fol. 30v, 1483.
30 Pour un dernier état de la question, je me permets de renvoyer à C. Gauvard, « Le roi de France et le gouvernement par la grâce à la fin du Moyen Âge. Genèse et développement d’une politique judiciaire », dans dir. H. Millet, Suppliques et requêtes. Le gouvernement par la grâce en Occident (XIIe-XVe siècle), Rome, 2003, p. 371-404.
31 ANF, X2a 10, fol. 158, 1383.
32 ANF, X2a 14, fol. 317, 1406.
33 Ibid., fol. 302v, 1406 : « et aussi le peuple crioit qu’il n’eschappast qu’il ne morust et pour ce fu a ce condempnez et executez ».
34 Ibid., fol. 317v.
35 ANF, X2a 49, fol. 143-143v, 1484.
36 Ibid., fol. 16, 1483.
37 R. Genestal, Le privilegium fori en France du Décret de Gratien à la fin du Moyen Âge, 2 vol., Paris, 1921.
38 ANF, X2a 13, fol. 143, 1396, voir supra n. 14.
39 Voir la pièce justificative datée de 1406, que j’ai publiée dans « Les humanistes et la justice… », op. cit. n. 23.
40 Benedicta Regula, éd. R. Hanslik, dans Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, t. 75, Vindobonae, 1960, p. 85-86.
41 Scelerosi et in capitalibus vitiis, que anime inferunt mortem, obstinati et incorrigibiles et sanctorum canonum statutis rebelles in synodicis sunt accusandi conciliis. (M.G.H Concilia, t. 3, p. 130), cité par W. Hartmann, « L’évêque comme juge : la pratique du tribunal épiscopal en France du Xe au XIIe siècle », dans Hiérarchies et Services au Moyen Âge, dir. C. Carozzi et H. Taviani-Carozzi, Aix-en-Provence, 2001, p. 71-92, ici p. 74, n. 12.
42 Gratien, Decretum, C. 24.3.14 (T), 994, 49 ; C. 24.2.5 (R), 986, 8.
43 Si qui vero in purgatione defecerint vel ad sinodum venire contempserint, ad proximam ecclesiam secunde sinodi vocantur pro contumacia corrigendi. Qui si forte non venerint vel incorrigibiles ibi apparuerint, ad terciam ecclesiam tercie sinodi legitime citabuntur et, si incorrigibiles adhuc extiterint, pro contumacia sua anathematis sententia ferientur, Die Register Innocenz’III, éd. O. Hageneder et A. Haidacher, t. 1, Graz-Cologne, 1964, p. 630, n° 420, 13 novembre 1198.
44 Par exemple dans le Synodal de Rouen, O. Pontal, Statuts synodaux français du XIIIe siècle, t. 1, Statuts de Paris et synodal de l’Ouest, Paris, 1971, p. 132, année 1235 : frequenter contra adulteros (…) clament et predicent sacerdotes ; et si incorrigibiles videantur seu inveniantur, denuncient eos nobis.
45 Sur les effets de l’arbitraire des juges, B. Schnapper, « Les peines arbitraires du XIIe au XVIIIe siècle (Doctrines savantes et usages français) », Revue d’Histoire du Droit, 41 (1973), p. 237-277 et 42 (1974), p. 81-112.
46 Le lien entre les types de crimes et la mauvaise renommée est développé par A. Porteau-Bitker et A. Talazac-Laurent, « La renommée dans le droit pénal laïque du XIIIe au XVe siècle », dans La renommée, dir. C. Gauvard, Médiévales, 24 (1993), p. 67-80.
47 Saint Thomas, Somme théologique, Ia IIae qu. 77, 81 et 93. Nicole Oresme, voir infra, n. 48.
48 Nicole Oresme, op. cit., n. 11, Livre I, chap. 2, 7c. L’auteur ajoute que cette corruption peut venir de la nature, par « malice de complexion », ou être « acquise par malves nourreture et par acoustumance » et que, « en paine de leur pechey » ces hommes peuvent être excommuniés, à l’exemple de Caïn qui le fut pour toujours, ou de Nabuchodonosor, pour sept ans, ibid., 8a. Oresme renvoie aussi au Livre VII de l’Éthique, chap. XI.
49 H. Kantorowicz, Albertus Gandinus und das Strafrecht der Scolastik, II, Die Lehre, Leipzig, 1926, tit. Quid sit fama.
50 ANF, X2a 14, fol. 10, 1401 ; autre exemple X2a 17, fol. 236, 1416.
51 Voir l’exemplum du fils qui, sur le gibet, mord le nez de son père venu l’embrasser en pleurant, parce que ce dernier n’a pas su l’éduquer et l’empêcher de devenir criminel. Cet exemplum est encore repris à la fin du XVe siècle par Eloi d’Armeval, dans Le livre de la Deablerie, éd. R. Deschaux et B. Charrier, Genève, 1991, p. 567-568, vers 15008-15056. Oresme insiste aussi longuement sur la force de l’éducation que garantit la loi du prince, op. cit., Livre VIII, 38.
52 ANF, X2a 32, fol. 50v-51, 1461.
Auteur
Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Institut Universitaire de France
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