Le bon roi Dagobert entre Vosges et Rhin : une mémoire militante
p. 51-67
Texte intégral
1ANNO DOMINI DCXXIII DOMINVS DAGOBERTVS REX FRANCORVM I. FVNDAVIT MONASTERIVM WIZENBVRGENSE CVI IDEM REX PLVRES ROMANORVM PONTIFICES IMPERATORES EXEMPTIONIS ET ALIARVM LIBERTATVM PRIVILEGIA CONTVLERVNT. « L’an du Seigneur 623, Dagobert Ier, roi des Francs, fonda le monastère de Wissembourg à qui le roi et plusieurs pontifes et empereurs des Romains accordèrent des privilèges d’exemption et d’autres libertés ». L’inscription qui vient d’être citée se trouve sur une dalle de grès rose enchâssée dans le pignon de la Maison-aux-Dîmes, face à l’église abbatiale Saints-Pierre-et-Paul. Elle se trouvait initialement sur une porte d’entrée et datait de la réfection de l’enclos de l’abbaye, dans le dernier tiers du XIIIe siècle1. Quoiqu’elle ait été retaillée en 1843, cinquante ans après avoir été bûchée par les sans-culottes, elle est probablement contemporaine d’une plaque du même type, conservée in situ à côté d’elle pour rappeler des travaux de reconstruction entrepris en 1288 par Edelin (1262-1290), quarante-cinquième abbé de Wissembourg2. La mémoire sollicitée – et produite – par ces deux inscriptions répond à un véritable programme. Au même moment, en effet, Edelin fait retranscrire le Liber possessionum Wizenburgensis et remplace l’église romane par un édifice gothique, consacré par l’évêque de Spire en 1284. Sa familiarité avec les souverains – Rodolphe Ier ou Adolphe de Nassau – qui viennent lui rendre visite lui permet d’affirmer que l’abbaye de Wissembourg dépend uniquement de l’Église romaine et de l’Empire romain, et qu’elle dispose, par conséquent, d’une double immédiateté spirituelle et temporelle3. Cet argument se trouve explicitement dans l’inscription relative au roi Dagobert. Mieux : c’est ce dernier qui sert de caution laïque à la communauté bénédictine : on le retrouve sous la forme d’une statue de la fin du XIIIe siècle, aux côtés de saint Pierre et de la Vierge, présentant une maquette de l’église abbatiale telle que l’a voulue Edelin4. La tradition ajoute que le roi a offert aux moines un lustre monumental en bronze à l’allure d’une couronne, ce qui vaut à la ville de Wissembourg l’appellation – assez rare cependant – de Kronweissenburg (1524), et, par une sorte d’anoblissement géographique, son annexion au Rhin des empereurs et des rois – Weissenburg am Rhein –, bien que le fleuve ne passe qu’à une vingtaine de kilomètres de là5.
2L’invocation dagobertine sur laquelle nous allons revenir plus longuement, renvoie d’abord à une histoire politique et s’insère dans une généalogie imaginaire du pouvoir légué par les Francs. En 1552, lorsque Henri II franchit les Vosges pour venir en aide aux princes allemands, il pousse une pointe vers Haguenau où, dit-on, « la principale eglise est bastie et de fondation de nos premiers roys de France »6.
3Dans les régions de l’ancienne Lotharingie, plus spécialement dans cet espace d’interfluve que constituent le massif vosgien et ses marges, la mise en scène de ces traditions peut être suivie dans la durée, du Moyen Âge central au début de la Renaissance. Les sources autorisent une enquête « archéologique », en interrogeant les archives aussi bien que les différentes strates de la mémoire des hommes et des institutions.
Dagobertus triplex vel simplex ? Une résurrection entre France et Allemagne (1515) ?
4Au milieu du XVIIIe siècle, l’historien Jean-Daniel Schoepflin ne dissimule pas son étonnement devant une prétendue « couronne de Dagobert » conservée dans le trésor de l’abbaye bénédictine de Munster au Val Saint-Grégoire. En effet, ce monastère, qui se trouve au cœur même des Vosges, n’a aucune raison de se targuer d’une fondation liée à l’un des trois souverains mérovingiens de ce nom. Rien, dans ses archives médiévales, ne peut accréditer la thèse d’une intervention de Dagobert Ier7 (roi d’Austrasie en 623, puis de l’ensemble des royaumes francs, de 629 à sa mort, dix ans plus tard), ni de l’insignifiant Dagobert III (699-715). Plutôt que de remettre en cause l’authenticité de cette relique, l’auteur de l’Alsatia Illustrata propose de l’attribuer à Dagobert II dont le profil lui paraît correspondre à la chose : n’est-il pas le patron d’un grand nombre d’abbayes du quart nord-est de la France actuelle et l’exemple même du saint roi8 ? Enfin, et c’est ce qui est déterminant ici, son règne est compatible avec la création du monastère, dans le dernier quart du VIIe siècle.
5Donnons donc la parole à Schoepflin : « Parmi les anciens monuments de l’Alsace francique, il faut citer en première ligne la couronne de Dagobert II. Il existe parmi les religieux de l’abbaye de Munster une tradition constante, mais qui a été écrite à une époque moins ancienne, que le roi Dagobert donna avant sa mort à ce monastère son sceptre et son glaive, en y ajoutant le privilège que, dans les fêtes solennelles, l’abbé de Munster prendrait alternativement cette couronne et sa mitre, et que deux officiers de l’abbaye porteraient devant lui le sceptre et l’épée. De ces insignes, il ne reste aujourd’hui que la couronne. L’abbé la porte sur la tête à la première entrée solennelle qu’il fait dans Munster. Christophe de Mont-Justin, qui fut élu abbé de Munster en 1485, est représenté avec cette couronne sur sa pierre sépulcrale que l’on voit dans la nef de l’église. Un cercle d’argent doré, de la forme d’un diadème et large d’un pouce, en forme le bandeau. Deux lames semblables partent du bandeau et décrivent deux arcs de cercle croisés qui le divisent en quatre parties égales. Ces lames sont ornées de pierres précieuses brutes d’une valeur médiocre. Le diamètre de la couronne est de six pouces et sa hauteur de neuf. Il semble singulier que Dagobert II (car il ne peut être question ici de Dagobert Ier ou de Dagobert III), il semble singulier, dis-je, que ce prince, à qui l’on doit la création de tant d’abbayes célèbres, comme Surbourg, Haslach, Wissembourg et Clingen dans l’Alsace inférieure, n’ait pas légué ces insignes à l’une de ces abbayes plutôt qu’à celle de Munster, fondée par Childéric II. Du reste, il faut reconnaître que plusieurs rois francs de cette époque ont donné leurs insignes à des monastères. Le seul trésor de Saint-Denis possède plusieurs couronnes royales et d’autres insignes. Anastase le Bibliothécaire nous apprend que Clovis envoya à Pierre l’apôtre un regnum entouré de pierres précieuses. Le moi regnum est souvent employé comme synonyme de corona »9.
6Pour absurde qu’elle soit, la tradition munstérienne n’en comporte pas moins des éléments chronologiques précis. Au XVe siècle, les moines font valoir la date initiale de 634 et se réclament d’une première mission irlandaise dans une localité appelée Stosswihr, du nom de Scottorum Villa10, une génération avant sa dotation effective par Childéric II vers 660. Les ornements donnés par Dagobert sont évoqués par Dom Calmet, qui les signale notamment au savant Johann Christian Lünig au début du XVIIIe siècle ; ils apparaissent explicitement dès 1659 dans l’« Inventaire général de tous les meubles de l’abbaye ». Ce dernier mentionne « la couronne roiale du bon roy Dagobert composée simplement d’un cercle d’argent doré et de deux lames croisées, le tout chargé de quelques pierreries ou fausses ou de petit prix », donnant son poids et indiquant qu’elle a été nouvellement garnie11. La référence au gisant de l’abbé Christophe de Monjustin, mort en novembre 1514 ou 1515 permet d’imaginer un terminus post quem. En revanche, rien ne peut être retrouvé en amont, et pas plus après la Révolution française – le tombeau, la couronne, le sceptre et l’épée ayant disparu sans laisser de traces.
7L’analyse du Nécrologe de Munster ne conforte pas davantage la tradition dagobertine. Dans sa version en usage au XVIIe siècle, on évoque bien l’anniversaire de Childericus secundus, primus praecipuus et insignis fundator et dotator huius monasterii precibus et consilio matris suae Imnichildis necnon Rotharii episcopi Argentinensis… à la date du 30 mars, mais il n’en est même pas question dans les quatre transcriptions antérieures, à partir du milieu du XIIIe siècle12.
8La messe est dite : nous avons affaire à un faux qui s’inscrit, dans le meilleur des cas, à l’extrême fin du XVe siècle sous le gouvernement de l’abbé Christophe. Dans quel contexte ? À coup sûr, lors d’un rebondissement du conflit qui oppose la communauté monastique aux habitants de la ville et de la vallée de Munster. Depuis 1235, en effet, l’Empire s’est substitué à la domination temporelle de l’abbaye et, par le biais de l’avouerie, s’est imposé à ses anciens dépendants, affranchis en 1287. De là, un nombre incroyable de procès entre les anciens maîtres et leurs voisins (on en compte une bonne cinquantaine jusqu’au milieu du XVIIIe siècle) et un climat d’hostilité latente dont l’une des conséquences est l’adoption de la réforme par ces derniers13. L’intervention posthume de Dagobert s’insère dans ce contexte d’affrontement, à un moment où l’abbé Christophe de Montjustin tente de faire croire que l’abbaye peut prétendre à un titre princier. Vers 1500, en effet, les droits des anciens monastères immunistes, dont les chefs sont tenus pour princes d’Empire (en vertu de la Constitutio in favorem principum ecclesiasticorum) font l’objet de vives contestations de la part des puissances laïques. Ainsi, la prestigieuse abbaye de Luxeuil, annexée de fait à la Franche Comté – dont Montjustin est par ailleurs originaire –, Remiremont et la collégiale de Saint-Dié, dans la mouvance des ducs de Lorraine, ou Lure, dont les mines sont un enjeu de premier plan pour les ducs de Bourgogne ou les archiducs d’Autriche. Munster, qui ne présente qu’un intérêt géopolitique très modeste, loin des axes de circulation, n’en est pas moins une principauté virtuelle si l’on se fonde sur l’accumulation de diplômes impériaux et si l’on prend en compte l’exercice de quelques droits régaliens, plus particulière dans le domaine minier. Le glaive, le sceptre et la couronne exhibés par l’abbé aux alentours de 1500 vont donc dans ce sens.
9La relecture de l’histoire mérovingienne à laquelle procèdent les contemporains de Christophe de Montjustin s’inscrit dans une polémique encore plus large, née de l’affrontement des Habsbourg et des Valois après la chute de Charles le Téméraire. En effet, tout le débat porte sur les modalités de succession de l’Empire romain puis de l’Empire de Charlemagne en passant par les royaumes francs. En Lorraine ducale, la thèse prédominante met l’accent sur l’héritage carolingien et tend à minorer la dynastie précédente, coupable d’avoir favorisé des maisons religieuses étrangères à la tutelle des ducs. Comme on le sait, c’est en se prévalant de telles origines que le duc de Guise, issu d’une branche cadette de la famille qui règne à Nancy, a pu revendiquer la couronne d’Henri III. Trois générations plus tôt, cette idée est déjà présente. L’un de ses promoteurs est le polygraphe lyonnais Symphorien Champier, médecin d’Antoine le Bon, dont l’Histoire d’Austrasie, en français et en latin, sort des presses nancéiennes en 151214. Pour l’humanisme impérial, qui rêve de cristalliser la nation allemande autour de Maximilien de Habsbourg, le point de vue est diamétralement opposé : Dagobert Ier incarne une sorte d’anticipation de l’Empire, et, par conséquent, marque un jalon très important dans la filiation qui conduit à la Maison d’Autriche. Parce qu’il se trouve sur la ligne de faille de l’Europe lotharingienne, sur la frontière entre le français et l’allemand, entre une Reichsromania convoitée par la France et le royaume de Germanie proprement dite, le massif vosgien est au cœur du débat. L’humaniste Jean Trithème (1462-1516) en développe les arguments dans son traité De origine Gentis Francorum Compendium (1514) ; il identifie le tombeau de Pharamond, le grand ancêtre de la dynastie, avec le sommet du Framont, in monte Franckenberg, une montagne qui appartient à l’ensemble du Donon et se trouve, fort opportunément, à la rencontre des vallées de la Sarre, des affluents de la Moselle et de la Bruche15. Pour d’autres commentateurs, Clovis est le fondateur d’un château appelé Frankenburg, au point de convergence de deux vallées qui conduisent en Lorraine – on prétend même que ses armoiries, qui présentent un crapaud y sont toujours visibles sur un vitrail16.
10Si la figure de Dagobert s’impose d’une manière éclatante à Munster, où elle n’a théoriquement rien à faire, cela procède d’une sorte de sélection par l’oubli. Plus que Clovis, ce roi est la figure emblématique de la dynastie et le garant de la continuité du pouvoir. On en veut pour preuve sa présence sur la façade de la cathédrale de Strasbourg où sa statue équestre y rencontre Clovis, Charlemagne, Rodolphe de Habsbourg et Louis XIV (ajouté après 1681)17 et sa mention sur les remparts sur les murailles de Sélestat quelques semaines après le Voyage d’Allemagne de Henri II. Dans ce dernier cas – il s’agissait d’une inscription latine –, la trinité royale est presque la même – Dagobert, Charles et Rodolphe –, mais on y ajoute le roi Arnulphe de Carinthie, maître de la Francie orientale entre 886 et 899 et le rapport à l’histoire locale y est moins légitime. La ville impériale, dont le site avait peut-être accueilli Charlemagne et Arnulphe, n’en avait pas pour autant reçu le moindre diplôme royal ; ses fondateurs avaient été les Hohenstaufen. Mais les quatre noms retenus ont un sens dans l’optique qui leur est donnée : ce sont des souverains « présents », ancrés dans une histoire connue, telle qu’elle a été façonnée par les humanistes.
11Mais faut-il, pour autant, admettre la thèse d’une solution de continuité et, par conséquent, d’une reconstitution artificielle opérée par ces derniers ? L’inscription de Wissembourg semble indiquer que non. Il existe bien une tradition dagobertine fondée sur le droit ou sur la coutume, ou, inversement, fondatrice de ceux-ci.
12En voici un exemple, extrait du coutumier de la cour seigneuriale d’Herrlisheim, à une lieue au sud de Colmar, mis par écrit en 1343 : « Dudit roi Dagobert, la cour possède la franchise (fryheit) selon laquelle une personne qui s’y réfugie à la suite d’un méfait pourra y demeurer en paix ; le maire (meier) devra assurer sa subsistance jusqu’au troisième jour, avec l’aide de l’avoué (vogt). Le troisième jour, il devra le protéger jusqu’à une distance d’une portée d’arbalète de la cour, quelque soit la direction empruntée18 ». L’expression « dudit roi » von dem vorgenannten künig Dagobert fait référence à un article qui spécifie que la cour avait été offerte par Dagobert à l’abbaye de Schuttern, sur la rive droite du Rhin, le jour de la Toussaint 705, ce qui identifie le troisième porteur du nom19. Bien entendu, cette filiation institutionnelle est loin d’être vraisemblable : ce qu’on appelle « cour seigneuriale » ou « cour domaniale » (Dinghof) dans les régions germaniques est peut être un avatar de la villa du haut Moyen Âge, mais fonctionne suivant des modalités qui ne s’observent qu’à partir du XIIIe siècle. L’étalonnage selon la « portée d’arbalète » suffit à le prouver puisque cette arme est inexistante à l’époque de Dagobert. Il n’empêche, cependant, que ce bref passage rend compte d’un imaginaire historique – c’est, à ma connaissance, le seul exemple de Weistum qui s’y refère – un autre document, relatif à la seigneurie voisine de Woffenheim, faisant allusion à une « digue de Brunehaut » (Brunhilddunc), ce qui est un topos, à tous les sens du terme20.
Le bon roi Dagobert, indigène et troyen
13L’exemple de l’abbaye de Schuttern, qui remonte plus probablement à la vague de fondations contemporaines de l’abbé Pirmin de la Reichenau dans le second quart du VIIIe siècle, invite à réfléchir sur les fondations du siècle précédent et les traditions qui s’y rapportent. Le chroniqueur Richer de Senones (+ v. 1267) en est l’un des meilleurs interprètes, et, peut-être, l’un des promoteurs les plus efficaces. En effet, il appartient à un milieu lorrain tourné vers l’Alsace où il a notamment fait ses études. Sa connaissance des monastères des Vosges est directe et peut être reliée à d’autres sources : on sait qu’il a visité Saint-Denis – qui possède une filiale vosgienne appelée Lièpvre, probablement depuis Fulrad – et qu’il a voyagé ailleurs. La nécropole des rois de France a pu lui apporter des informations précieuses. N’est-ce pas dans l’entourage de l’abbé Hilduin de Saint-Denis qu’avaient été rédigés les Gesta Dagoberti vers 835 ?
14Au seuil de sa chronique21, Richer dresse un tableau saisissant des Vosges avant l’établissement des moines chrétiens : Est autem terra ista excelsis montibus occupata, rupibus immanissimis veluti quedam castra in ipsorum moritium cacuminibus naturaliter positis, ipsos montes aspectu suo faciunt horribiliores. Inter ipsos arduos, ut diximus, montes quedam valles profundissime cernuntur, nemoribus abietinis ita consite sunt, ut sua nigredine etiam aspicientibus eas horrorem plurimum incutere videantur. Son récit met en exergue le rôle joué par les ermites Déodat, fondateur de l’abbaye de Saint-Dié22, et son compagnon saint Hidulphe, fondateur de Moyenmoutier, dans le cadre d’une mission venue de l’ouest. La chronologie proposée renvoie au règne de Childéric, et, partant, au temps de son cousin Dagobert II, ce qui coïncide avec la datation donnée par les historiens23 ou avec les exemples les mieux documentés comme Munster ou Marmoutier.
15La fait que Richer ait fréquenté l’école de Saint-Thomas de Strasbourg, qu’il y ait suivi l’enseignement d’un magister Henri, cité comme écolâtre vers 1182-1185 puis en 1216-1219 (si c’est le même personnage), n’est pas étranger à ces préoccupations. En effet, la collégiale Saint-Thomas renferme les reliques d’un des saints ermites de la « première » mission vosgienne. Il s’agit de saint Florent, compagnon de Déodat, d’Arbogast, de Fidèle et d’Hidulphe, fondateur de l’ermitage puis du monastère de Niederhaslach, dans la vallée de la Bruche.
16Le récit hagiographique qui se rapporte à sa vie et à ses miracles a donné lieu à deux versions médiévales, l’une, du XIIe siècle, l’autre, en moyen haut allemand, légèrement enrichie par rapport à la première, vers le milieu du XIVe siècle24. En voici une traduction :
Florent, le saint évêque de Strasbourg… quitta son pays [= l’Irlande] en qualité de pèlerin, aux côtés de quatre compagnons dont il savait qu’ils accepteraient volontiers de servir Dieu : l’un s’appelait Arbgast, l’autre Fidelis, le troisième Theodatus et le dernier Hildolfus.
Ils finirent par gagner le pays d’Alsace, bien loin de leur point de départ et arrivèrent près d’un cours d’eau qui prenait naissance dans les Vosges et se jetait dans la Bruche, là où se trouve aujourd’hui Haslach. Saint Florent dit alors qu’il voulait demeurer ici. Ses compagnons prirent congé de lui et se dirigèrent vers Strasbourg. Non loin du cours d’eau, saint Florent découvrit un terrain plat qu’il entreprit de débarrasser des broussailles et des ronces et dont il fit un essart, dans lequel il sema des graines. De nos jours encore, ce champ s’appelle le petit pré de saint Florent (Sancti Florenctii mettli).
Bientôt, ce nouveau terrain fut bêché et rendu d’autant plus fertile et les graines commencèrent à germer. Mais alors, les ours, les cerfs et les bêtes sauvages furent attirés par les jeunes pousses, fondirent dessus et les avalèrent goulûment. Le bon saint Florentin médita ce qui est écrit dans le psautier : « mange et vis du travail de tes mains, pas de celui des autres, car c’est ainsi que tu peux être heureux ».
Dès qu’il eut vu que son travail avait été anéanti par les bêtes sauvages, sans se décourager pour autant et mettant toute sa confiance en Dieu, il remit en état son petit champ et, sur les quatre côtés, disposa des baguettes qu’il consacra au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit si bien que la plantation qu’il venait tout juste de faire était désormais hors de danger. Ceci mit un terme aux dégâts causés par les bêtes sauvages qui allèrent chercher leur nourriture ailleurs.
Dans ce temps là, le très fameux roi Dagobert du royaume des Francs fit construire un château à Kirchheim et lui donna le nom de « Nouvelle Troie », parce qu’il pensait que cette construction serait aussi bien faite que la ville de Troie – ce qui n’était pas le cas, bien que les murs qui subsistent témoignent encore de l’importance de la chose. Ce roi avait une fille qui était née aveugle et muette. C’est sur elle que Notre Seigneur opéra un grand miracle par l’intercession de son serviteur saint Florent, comme c’est montré plus loin. Un jour, les chasseurs du roi entrèrent dans la forêt avec leurs chiens, comme ils en avaient l’habitude, et conduisirent leur chasse par monts et par vaux à travers les broussailles et même jusqu’au plus profond des bois sans trouver le moindre gibier, ce qui ne s’était jamais produit, alors qu’il y était surabondant en temps normal. Après avoir couru un peu partout, ils arrivèrent à la demeure de saint Florent et constatèrent que toutes les bêtes s’y étaient rassemblées. Quand ils voulurent les capturer, cela leur fut tout à fait impossible, parce qu’elles se tenaient sous la protection du saint. Ils en furent mortifiés et se dirent : « c’est donc un magicien, qui parvient à dompter toutes ces bêtes qui se côtoient sans se faire de mal ? ». Alors, ils s’emparèrent de la personne de saint Florent, le rouèrent de coups de poing et de coups de bâton, lui volèrent ses habits et ses biens. Bientôt ils se remirent en route mais s’égarèrent et la forêt se referma sur eux si bien qu’ils en devinrent prisonniers en étant totalement incapables de s’en dépêtrer. Alors, ils comprirent que c’était la vengeance de Dieu, parce qu’ils avaient battu et dépouillé le bon homme, et implorèrent Dieu de les libérer, promettant de restituer ce qu’ils avaient volé au saint. Sitôt dit, sitôt fait : ils se rendirent chez saint Florent, lui rapportèrent ce qu’ils avaient volé, se jetèrent à ses pieds et lui demandèrent pardon.
Alors, ils retournèrent chez le roi et lui racontèrent tout. Lorsque le roi eut entendu cette chose étonnante, il envoya une ambassade à saint Florent, avec un cheval couvert d’or, pour le faire venir à lui. Saint Florent était humble et ne voulut pas chevaucher [l’animal]. Il enfourcha alors un petit ânon et se rendit auprès du roi.
En effet, la fille du roi était aveugle et muette comme on l’a dit plus haut. Et lorsque saint Florent fut parvenu à proximité du château, la vue et la parole furent rendues à la fille et c’est d’une voix forte qu’elle prononça ses premiers mots : « Voyez tous comme saint Florent arrive, lui dont la sainteté m’a rendu la vue et la parole… ».
17(Le saint arrive au palais, suspend son manteau à un rayon de soleil. Le roi Dagobert lui donne la terre où il a établi son ermitage.)
18La structure de la narration n’a rien d’original. L’épisode de l’asile dont bénéficie le gibier dans l’enclos de l’ermite25 s’inspire visiblement des Gesta Dagoberti ; celui de la fille du roi est un autre poncif. L’intérêt du texte réside dans deux points principaux : l’origine « irlandaise » de l’équipe missionnaire (qui peut être mise en relation avec Colomban, dont on connaît l’implantation première au sud des Vosges26) et la protection du roi Dagobert. Ici, l’hagiographie recourt à une argumentation tirée de l’archéologie : on évoque un palais royal, dont les vestiges sont encore visibles, et, qui mieux est, dont le seul nom renvoie à la fameuse thématique de l’origine troyenne des Francs, connue depuis Frédégaire27.
19L’histoire de saint Florent est indissociable de celle du pèlerinage de Haslach (ou Niederhaslach). La Vita latine est postérieure à 1162, c’est-à-dire à l’avènement de l’évêque Burcard de Strasbourg. Les reliques du saint ont été examinées en 1143 : elles font l’objet d’une rivalité entre l’église issue de l’ermitage de Florent et la collégiale Saint-Thomas de Strasbourg, ce qui suscite de nombreux conflits. À Haslach même, il existe un chapitre mentionné dès 1096, mais c’est apparemment l’évêque qui mène le jeu. La fondation de cette maison date, en réalité, du premier quart du IXe siècle et revient au successeur de l’évêque Rachio (786 + v. 816). Mieux, et c’est en cela qu’elle nous intéresse ici, elle est corroborée, sous sa forme mythique, par un diplôme de Dagobert Ier daté du 16 avril 613 (sic) et donné sur les lieux mêmes28.
20Réalisée à la fin du XIIe siècle, mais indépendamment de la Vita latine, cette forgerie répond à des circonstances précises. En effet, elle établit une origine royale prestigieuse et donc une garantie solide pour ses bénéficiaires, confirme la propriété de biens fiscaux dans la vallée, leur accorde le palais de Kirchheim et reconnaît la plus grande autonomie aux religieux, sous la forme de l’immunité. Les reliques sont ipso facto authentifiées par cet acte solennel, qui fait suite à un vœu, ou, plus exactement, à une vision du roi, confronté au jugement dernier et sauvé, in extremis, par l’intercession de saint Denis.
21Comme l’a montré Christian Wilsdorf, le diplôme de Dagobert n’est pas un faux isolé : il appartient à une série de trois documents du même type. Nousen reparlerons. Ce qui importe ici, c’est sa relation avec l’Église de Strasbourg, et sa légitimité la plus durable.
Bienfaiteur de l’Église entre Vosges et Rhin
22Parmi les associés de Florent, on relève le nom d’un certain Arbgast, ou Arbogast, qui s’établit dans la forêt sainte de Haguenau (à proximité du futur monastère de Surbourg) puis devient évêque de Strasbourg. Cet Arbogast est attesté par les sources : on connaît même des tuiles estampillées Arboastus Ep[iscopu]s – et peut être replacé au milieu ou à la fin du VIe siècle29 – Florent étant lui-même en troisième position après lui dans la lignée épiscopale. Si l’on peut croire à une certaine convergence du point de vue de la chronologie, force est de reconnaître, néanmoins, qu’on se situe en amont du règne de Dagobert Ier – le diplôme de 613 étant d’ailleurs un peu prématuré –, et des grandes fondations d’abbayes, sous Childéric II ou sous Dagobert II. Seule consolation, la présence effective du souverain, dont témoigne Grégoire de Tours à propos de Childebert II et de sa mère Brunehaut, et ces quelques traces brouillées du plus illustre des rois mérovingiens30, Dagobertus Rex Argentinensis Epicopatus fundator selon le titre des indigestes rimes du père jésuite Jodocus Coccius (ou Koch) en 1623.
23D’une manière paradoxale, en effet, Dagobert Ier s’impose comme le fondateur de la puissance temporelle des évêques de Strasbourg et comme l’inventeur d’un Reichskirchensystem par anticipation. Son rôle de fondateur traverse une littérature surabondante, sans pour autant se traduire par les diplômes correspondants.
24Ainsi, la relation avec Haslach peut elle être considérée comme un effet induit, Florent étant une sorte d’associé naturel d’Arbogast, et la vallée de la Bruche, dans la foulée, une possession des évêques31. On peut aller plus loin à partir de l’exemple d’Ebersmunster, autre abbaye fondée sous les Mérovingiens, et, mythiquement, refondée par le roi Dagobert. À en croire la chronique composée, dans le meilleur des cas, sous le règne de Frédéric Barberousse, en 1162, le monastère est issu d’une cella qui se trouvait sur une île d’un affluent du Rhin, in pago Alsaciense, in comitatu… Thronie et in episcopatu argentienensi32.
25À l’instar de ce qui se produit à Haslach, l’ermitage est investi par les chasseurs conduits par le fils du roi, qui réside ordinairement au château de Rouffach. Pendant que les ermites se réfugient dans leur oratoire, leurs assaillants sont attaqués par un énorme sanglier : le garçon (qui se nomme Sigisbert dans une version postérieure de l’histoire) tombe de selle, le pied coincé dans l’étrier et se fait entraîner dans les bois ; il succombe à ses blessures le jour suivant. Survient alors saint Arbogast qui le rend à la vie ut in Vita ipsius scriptum reperimus. Cette résurrection elliptique se traduit tout aussi rapidement par l’offrande à la Vierge, patronne de l’Église de Strasbourg, de trois grands domaines, le premier à Rouffach, dont la familia est qualifiée de ministerialis, que etiam militaris directa dicitur, adeo nobilis et bellicosa, le deuxième, censualis et obediens, permagnifica et sui iuris contenta, le dernier servilis et censualis, suivant une tripartition révélatrice33, qui correspond, en outre, à trois anciens comtés. Le monastère dagobertin qui succède à l’ermitage est désigné du nom d’Ebersheimmünster ou Ebersmunster, du mot Eber, sanglier, associé au suffixe -heim (traduit par domus) et à Münster, formé sur le latin monasterium.
26À Ebersmunster comme à Haslach, le véritable bénéficiaire des libéralités royales n’est pas la communauté religieuse qui s’y trouve, mais l’évêque de Strasbourg, qui s’impose comme le successeur du souverain dans ses propres résidences. Arbogast et Florent se voient confier une mission temporelle, qui n’apparaît vraiment qu’à l’époque ottonienne34. La Vita Arbogasti, contemporaine de l’évêque Uto (950-963) est indubitablement la source du Chronicon Ebersheimiense35. Les domaines fonciers reçus à l’époque mérovingienne (ou réputés tels) constituent l’assise d’une puissance future. Au XVIe siècle, l’évêché de Strasbourg est considéré comme « le plus noble » de ceux qui s’égrènent le long du Rhin ; l’évêque est prince d’Empire36.
Longue mémoire et haute conscience
27L’empreinte de Dagobert entre Vosges et Rhin ne s’arrête pas à des établissements qui peuvent avoir été dotés ou fondés par les Mérovingiens. Elle contamine des maisons religieuses qui se situent dans d’autres mouvances, Munster, comme on l’a vu, mais d’une manière très tardive et en quelque sorte par défaut, ou Wissembourg « l’un des plus anciens et des plus puissants monastères d’Allemagne ».
28Ici, on se situe dans une optique différente : au XVe siècle, lorsque des juristes établissent la théorie des Quaternions, qui distingue les plus éminents des membres de l’Empire groupés par séries de quatre, Wissembourg se trouve naturellement aux côtés des abbayes princières de Murbach, Kempten et Fulda. La fiction se maintient jusqu’au début du XVIe siècle ; en 1524, une collégiale succède à la communauté bénédictine dont le temporel s’est progressivement effondré, suite au développement de la ville impériale de Wissembourg ou aux appétits de différents voisins, notamment ceux du comte palatin.
29Contrairement à Haslach ou à Ebersmunster, le monastère dédié aux saints Pierre et Paul ne relevait pas du diocèse de Strasbourg, mais de celui de Spire. Son temporel s’était formé à partir des donations de la haute aristocratie franque, les Widonides et les Etichonides notamment, et de centaines de bienfaiteurs de moindre stature – 275 chartes sont connues entre 661 et 864 – au point de regrouper quelque 22000 hectares. Une pluie de privilèges ou de confirmations était venue grossir une puissance abbatiale parée de tous les attributs de l’immédiateté – un territoire, l’immunité, des vassaux – et quelques grandes vedettes comme l’archevêque Adalbert, apôtre des Slaves sous Otton II, abbé en 968 ou, au siècle précédent, le moine Otfried, salué comme le créateur de la littérature allemande. Enfin, vingt-cinq séjours royaux entre 950 et 1296.
30Alors, quid de Dagobert ? Et pourquoi Edelin ? La seule certitude concerne, en 712, la possession des sources chaudes de Baden-Baden confirmée par Dagobert III. Cela ne justifie pas l’annexion de Dagobert Ier. L’abbaye elle-même est contemporaine de Childéric II ou même de Dagobert II mais rien ne permet d’y retrouver leur main, ce qui intrigue tout le monde depuis la Renaissance37. La tradition dagobertine repose sur une confusion entretenue à dessein : le véritable fondateur de Wissembourg est un évêque de Spire nommé Dragobod, qui en a été le premier abbé ; l’homonymie a fait le reste.
31À Wissembourg, plus qu’à Haslach et à Klingenmünster – qui se trouve plus au nord –, le faux diplôme de Dagobert Ier a acquis une valeur politique forte. En effet, il se situe dans une généalogie institutionnelle assez claire : 1102, un diplôme d’Henri IV, 1187, un diplôme de Frédéric Ier.
32Le premier de ces actes38 s’inscrit dans une situation de conflit entre l’abbé et son avoué, un vassal du duc Frédéric de Souabe qui est alors l’homme fort de la région, du côté du pouvoir impérial. Ce personnage, qui s’appelle Eckbert, est accusé d’avoir foulé aux pieds les statuta et decreta, quae eadem ecclesia accepit a fundatore suo Dagoberto rege. Le souverain arbitre l’affaire en procédant à une enquête – car il n’existe vraisemblablement pas de preuves écrites. Les témoins interrogés, qui appartiennent à la familia de l’abbaye, réfutent les usurpations de l’avoué et font savoir sous serment que tout dépendant de l’abbé doit obéir à ce dernier nec aliquam potestatem super eum advocatus exerceret, si ce n’est à sa requête. L’empereur leur donne raison et confirme donc solennellement la coutume imputée à son lointain prédécesseur ; son fils en fait de même en 1111.
33Le diplôme donné par Frédéric Barberousse le 12 juillet 1187 est connu par la copie qui se trouve dans sa confirmation par Albert Ier le 19 janvier 130439. Ici, la cause est entendue : le souverain rappelle que venerabilis ecclesia beati Petri in Wissenburg divorum imperatorum et regum studio dicata et dotata fuerit, et precipue a felicissime recordationis Dagoberto rege eiusdem ecclesie fundatore et domino Ottone imperatore primo et filio eius Ottone secundo ad laudem et profectum divini cultus dignis adaucta privilegiis ad nostre serenitatis tempora feliciter excreverit, ea que ex ipsius domini Dagoberti regis et predictorum imperatorum ceterorumque antecessessorum nostrorum scriptis eidem ecclesie collata dinoscuntur… en mettant l’accent sur deux points essentiels, la liberté d’élection de l’abbé et l’immunité de l’abbaye. La mention d’écrits qui fondent ces privilèges se réfère à l’existence d’actes officiels, contrairement au diplôme d’Henri IV. On peut donc en inférer un terminus post quem, 1102, et un terminus ante quem, pour la rédaction du diplôme de Dabogert Ier, daté par Edelin de l’année 623 par Edelin, mais officiellement postérieur de dix ans (11 mai 633)40. Pour ne pas alourdir la démonstration, contentons nous de dire que ce faux et ses jumeaux en faveur de Haslach et de Kligenmünster sont contemporains de la chronique de l’abbaye d’Ebersmunster, rédigée vers 1162, ou, plus exactement, suivant Christian Wilsdorf, légèrement antérieurs. La narratio reprend la fable déjà évoquée à propos de Haslach – la vision de l’enfer qui menace le souverain, mais saint Michel est remplacé par les saints Pierre et Paul dans le rôle de l’accusation. La disposition relative à l’immunité est la même dans les trois cas, avec un bonus pour Wissembourg et Klingenmünster qui se voient reconnaître (par Dagobert !) le droit de battre monnaie et quelques précisions sur l’espace concerné, en s’inspirant d’un diplôme d’Otton II adapté à la toponymie du XIIe siècle.
34L’intérêt du faux diplôme de 633 est facile à comprendre : à terme, il aboutit à une reconstruction de l’histoire de l’abbaye autour de la personne d’un roi prestigieux, dans lequel viennent se fondre ses deux descendants du même nom. Un obituaire de Wissembourg, qui rassemble des notices rédigées entre le IXe et le XIIIe siècle vient encore corroborer la chose : XIIII. Kal. Febr. Obiit Dagobertus rex fide plenus, virtute summus, in construendis sanctorum domibus studiosissimus. Hunc affirmant scripta gestarum eius primum esse qui locum istum in honorem S. Petri fundaverit, monachos in eo ad serviendum Deo locaverit et in tantum dilexerit, ut precipuo dono libertatis eum sublimasset rebus omnibus necessarii ditasset41. Dès lors, le mouvement est lancé. À la fin du XIIe siècle, la paternité dagobertine est acquise.
35Les empereurs en rendent compte : Charles IV évoque Wissembourg en tant que fundatio[nis] Dagobertis imperatoris en 1354 lorsqu’il fait transférer à Prague certaines reliques prélevées dans l’église de la petite ville alsacienne. Lors d’une de ses visites dans la région, Maximilien Ier se fait apporter le faux diplôme dagobertin et l’exhibe devant ses courtisans42. Enfin, pour ancrer davantage la tradition dynastique, Wissembourg se targue, au XVe siècle, de conserver la relique de sainte Irmina, fille de Dagobert II, – … corpus integrum sce Yrmene virginis, filie Dagoberti regis – inhumée à l’abbaye et récemment retrouvée. Comme on le sait, un autre exemplaire de sa dépouille se trouvait à l’abbaye luxembourgeoise d’Echternach.
36L’appropriation de Dagobert par l’évêque de Strasbourg ou par des monastères d’entre Vosges et Rhin s’insère dans un environnement politique particulier, celui du royaume d’Allemagne, enjeu de la Querelle des Investitures d’abord, puis des rivalités de pouvoir qui aboutissent à l’émiettement territorial du XIIIe siècle. L’autorité d’une fondation mérovingienne peut apparaître, pour ceux qui en bénéficient, comme une garantie irréfutable face aux convoitises des puissances voisines. De là, une mémoire militante composée d’éléments empruntés à une histoire vérifiable aussi bien qu’à des affabulations qui tiennent lieu, en fin de compte, de vérité historique. À Munster, par exemple, le souvenir du duc d’Alsace qui a vraisemblablement fondé l’abbaye n’a plus aucune valeur aux yeux des moines de la fin du Moyen Âge. Dagobert s’est substitué à Childéric II, et à ses successeurs, malgré la sollicitude manifestée plus tard par Louis le Pieux. Au prieuré de Lièpvre, qui dépend de Saint-Denis, la vedette est Charlemagne, qui apparaît sur un vitrail où, dit-on, il est flanqué de ses preux Olivier et Roland : là encore, la moindre notoriété de Fulrad et de Pépin explique leur effacement dans l’imaginaire des hommes du XVe siècle43. À Marmoutier enfin, dont les moines ont été dépouillés de leur patrimoine par leurs avoués, on se souvient un peu trop tard du règne de Childebert III, mentionné dans un obituaire du XIVe siècle en relation avec une rente de médiocre importance44.
37Les seuls monastères qui aient, dans la durée, réussi à tirer leur épingle du jeu sont ceux qui ont été fondés par les ducs de la famille des Etichonides, dans le dernier tiers du VIIe siècle ou au début du VIIIe. Pour quelles raisons ? La stature aristocratique, presque royale45, de la lignée de ces fondateurs est associée à une mise en scène du pouvoir royal et à une conservation sourcilleuse des archives comme en témoigne le cas, exceptionnel et exemplaire, de Murbach. Aux lendemains du Concordat de Worms (1122), l’abbé fait réaliser une tenture brodée sur laquelle figurent ses prédécesseurs en compagnie des souverains qui leur ont remis leurs diplômes. La chronologie commence à Thierry IV, dont on possède toujours l’original, reconnu comme tel par les jurisconsultes de l’empereur au début du XVIe siècle, et s’achève à Henri V, en passant par Charlemagne et les trois Otton : à chaque fois, un phylactère précise la nature du privilège accordé – protection et dotation pour le premier cité, immunité pour Louis le Pieux, libre élection de l’abbé pour Otton III, etc. La formule prononcée par Charlemagne – Beneficium auctoritate antecessorum nostrorum confirmatum huic ecclesie deinceps per nostram auctoritatem maneat inconcussum – tient lieu de leitmotiv à l’ensemble de cette tapisserie, qui était suspendue dans la nef de l’église abbatiale lors des fêtes solennelles46. Enfin, c’est de cette même mémoire monumentale que procède la réalisation, par ces mêmes moines, du mausolée de leur fondateur laïc, le comte Eberhard, fils du duc d’Alsace Adalbert, dans le dernier quart du XIIIe siècle, au moment même où l’abbaye devient le cœur d’une seigneurie territoriale de rang princier : d’après les historiens d’art, le gisant de ce grand personnage s’inspire des tombeaux royaux exécutés sur l’ordre de saint Louis pour l’abbaye de Saint-Denis.
38Dagobert, qui repose dans la nécropole royale y joue, en quelque sorte, le même rôle qu’à Strasbourg, Haslach, Wissembourg, Schuttern, Ebersmunster ou Munster et dans des dizaines d’autres lieux. C’est une incarnation de l’autorité suprême, et même, si l’on peut dire, une sorte d’appellation générique du pouvoir impérial. Au début du XVIe siècle, l’empereur Maximilien ne s’y trompe pas : il en est l’héritier et le continuateur. S’il envisage de racheter le Mundat de Rouffach, dans les années 1510, n’est-ce pas pour recouvrer l’antique résidence royale de l’Isenburg où Dagobert tenait sa cour ? Et n’a-t-il pas, à ses côtés, des conseillers qui considèrent que le souverain peut défaire, à son profit, ce que ses prédécesseurs Constantin, Frédéric, Charles ou Dagobert avaient fait autrefois à l’encontre de l’Empire47 ?
Notes de bas de page
1 Service régional de l’Inventaire, Direction régionale des Affaires culturelles d’Alsace, Palais du Rhin, Strasbourg, dossier IA 67008047. L’inscription est signalée par L. Laguille, Histoire de la Province d’Alsace, Strasbourg, 1727, t. 1, p. 336-338.
2 ANNO DOMINI MCCLXVIII EDELINUS QUADRAGESIMUS QUINTUS ABBAS WIZENBURGENS[IS] HANC DOMU[M] CONSTRUXIT ET ALIA PLURES EDIFICIA. Sur Edelin, cf. notice de B. WEIGEL dans le Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne, Strasbourg, 1986, p. 746-747.
3 Le Codex Edelini a fait l’objet de deux éditions, celle de C. Zeuss, Traditiones possessionesque Wizenburgenses, Speyer 1842 qui a le mérite de l’ancienneté, et celle de C. Dette, Liber possessionum Wizenburgensis, Mainz, 1987, pas toujours très fiable (Cf. Compte rendu par B. Metz in Revue d’Alsace, 1992, p. 219-222). L’expression ad romanam ecclesiam romanumque imperium [pertinentem] figure en tête du manuscrit.
4 Cette sculpture a été retrouvée sous le Second Empire lors de travaux de terrassement et placée contre une des colonnes du buffet d’orgue à l’ouest de l’église, de même que les autres statues. Selon toute vraisemblance, elle appartenait à la décoration du jubé séparant le chœur de la nef. Endommagée lors de la destruction de ce dernier (1811), elle avait été restaurée par un sculpteur local qui en avait notamment refait la tête et les mains et l’avait pourvue d’un sceptre et d’un blason fleurdelisé après avoir fait disparaître sa polychromie. Le roi est représenté en tunique et sans armes. Cf. Service régional de l’Inventaire, dossier IM 67011559.
5 Ce lustre a été détruit lors de la Révolution. Il datait en réalité de l’abbatiat de Samuel, à la fin du XIe siècle. En 1544, le géographe Sébastien Münster écrit, dans sa Cosmographia Universalis, parue à Bâle : « Ce roi Dagobert a fait suspendre dans l’abbaye de Wissembourg une énorme couronne, faite d’argent et dorée, enjolivée par de petites tours, d’un travail raffiné, qui est large de 24 pieds ». Wissembourg se trouve sur la Lauter, affluent de rive gauche du Rhin.
6 Mémoires de la vie de François de Scepeux, sire de Vieilleville et comte de Duretal, éd. Pettitot, Paris, 1822, p. 422. Il faut vraisemblablement comprendre Wissembourg au lieu de Haguenau. En effet, cette ville lui était connue parce qu’elle était la résidence du principal entrepreneur de mercenaires au service de la France, le colonel Sébastien Vogelsberger, exécuté cinq ans plus tôt sur ordre de Charles-Quint.
7 Ch. Wehrli, Mittelalterliche Überlieferungen von Dagobert I., Berne-Francfort/Main, 1991. Cf. aussi L. Theis, « Dagobert, Saint-Denis et la royauté française au Moyen Âge », dans R. Guenee, Le métier d’historien au Moyen Âge, Paris, 1977.
8 R. Folz, Les saints rois du Moyen Âge en Occident (VIe-XIIIe s.), Bruxelles, 1984 ; C. Carozzi, « La vie de saint Dagobert de Stenay : histoire et hagiographie », Revue belge de Philologie et d’Histoire, 1984, p. 225-258.
9 J.-D. Schoepflin, Alsatia Illustrata, t. 1, Strasbourg, 1750, p. 997 trad. fr. de L.-W. Ravenez, L’Alsace Illustrée, t. 1, Mulhouse, 1850.
10 Archives départementales du Haut-Rhin, 1 H 108. D. A. Calmet, Histoire de l’abbaye de Munster, éd. par F. Dinago, Colmar, 1882 ; C. Wilsdorf, « L’abbaye de Munster à travers les siècles », Annuaire de la Société d’Histoire de la Ville et du Val de Munster, 1958, p. 47-67. Dom Calmet avait commencé sa carrière en tant que sous-prieur de l’abbaye alsacienne.
11 AD Haut-Rhin 1 H 51, n° 35.
12 Cf. E. Herzog, « L’obituaire de l’Abbaye de Munster », Annuaire de la Société d’Histoire du Val et de la ville de Munster, 1933, p. 9-106, ici, p. 47.
13 Nous préparons l’édition et le commentaire d’une partie des actes qui s’y rapportent de 1235 à 1525 (à paraître en 2006).
14 C’est probablement cet ouvrage qui suscite l’animosité de l’humaniste Beatus Rhenanus dans sa fameuse lettre du 12 mars 1512 à Lefèvre d’Etaples, par laquelle il réfute l’image de barbares appliquée aux Allemands et donne une liste impressionnante de savants et d’écrivains issus de son pays (cf. R. Walter, Beatus Rhenanus, citoyen de Sélestat, Ami d’Erasme. Anthologie de sa correspondance, Strasbourg, 1986, p. 116-120).
15 Cf. Johannes Trithemius, Opera historica, Francfort/Main, 1601, p. 63-99, ici, p. 79 ; une édition critique du Compendium a été publiée par M. Kuelbs et R. P. Sonkowsky, Sarrebruck 1987. L’œuvre, inachevée, s’arrête à l’avènement de Pépin le Bref. Dom Ruinart a connaissance de cette tradition et en fait état lors de son passage en 1696. Sur ces questions historiographiques, cf. notamment J. D. Müller, Gedechtnis, Literatur und Hofgesellschaft um Maximilian I., Munich, 1982.
16 Cette interprétation a été popularisée par le géographe Franciscus Irenicus en 1518, mais elle a vraisemblablement été forgée par Conrad Peutinger (1465-1547). L’architecte strasbourgeois Daniel Specklin la reprend et y ajoute sa « preuve » archéologique dans la seconde moitié du XVIe siècle, en proposant une même corrélation entre le château et la conversion de Clovis au catholicisme. Il rejoint une autre légende selon laquelle la première cathédrale de Strasbourg a été construite par le roi franc.
17 Cette statue de Dagobert date de la fin du XIIIe siècle, comme celle de Wissembourg. À Morienval, dans la vallée de l’Oise, il existait également une statue équestre du roi des Francs à qui l’on attribuait la fondation de l’abbaye du lieu.
18 Édition (vieillie) dans J. Grimm, Weisthümer, t. IV, p. 164.
19 J. Bader, « Eine falsche merowingische Urkunde von Schuttern », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 1852, p. 94-97, publie un faux de Dagobert III Romanorum Imperator Augustus daté de 705, attribuant, sur le conseil de l’évêque Arbogast, la cour d’Herrlisheim à l’abbaye de Schuttern. Les annales de cette abbaye (fondée vers 740) en placent la fondation un siècle plus tôt, en datant cette donation de 630 ou 642 ; les moines entretiennent la memoria de Dagobert Ier à la date habituelle de sa mort, le 19 janvier. La cour d’Herrlisheim a été vendue à l’abbaye de Murbach en 1286. L’abbaye de Schuttern se trouvait dans le diocèse de Strasbourg, ce qui explique cette tradition (bien que Dagobert ait aussi été considéré comme le tuteur du diocèse voisin de Constance).
20 C. Wilsdorf, « Un domaine dans la première moitié du XIIIe siècle : la « cour du comte » à Woffenheim d’après son coutumier », Histoire de l’Alsace rurale, sous la dir. de J.-M. Boehler, D. Lerch et J. Vogt, Strasbourg, 1983, p. 101-111.
21 Richeri Gesta Senonensis Ecclesiae, éd. G. Waitz, M.H.G., SS 25, Hanovre, 1880, p. 249-348, ici, chapitre 2.
22 Cf. D. Parmentier, Le chapitre et la collégiale de Saint-Dié, Paris, 1997.
23 Les cinq abbayes qui forment une croix dont Moyenmoutier est le centre sont Etival, Senones, Saint-Dié/Val de Galilée et Bonmoutier. Cf. M. Parisse, Austrasie, Lotharingie, Lorraine, Metz-Nancy, 1990 (Encyclopédie illustrée de la Lorraine, t. 3).
24 Éditions dans M. Barth, Der heilige Florentius, Bischof von Strassburg, Strasbourg, Paris, 1952, Archives de l’Église d’Alsace, p. 65 et p. 302-305. Trad. du moyen haut allemand. L’original se trouve à la Bibliothèque de Saint-Gall.
25 Peut être faut-il en voir un écho dans le droit d’asile de la cour de Herrlisheim, évoqué plus haut ?
26 Cf. G. Moyse, « Les origines du monachisme dans le diocèse de Besançon, Ve-Xe siècle », Bibliothèque de l’École des Chartes, 131, 1973, p. 21-104. D’après C. Wilsdorf, « La première vie de saint Florent, évêque de Strasbourg, et sa valeur », Revue d’Alsace, 1955, p. 55-70, ces éléments ont été empruntés à la vie de saint Dié (Deodatus) rédigée vers 1048.
27 Une autre réminiscence de cette tradition se trouve dans le Chant des Nibelungen : Hagen, qui réside à la cour de Worms, est surnommé Hagen von Tronje ; plusieurs lieux-dits des Vosges, où se situe la mort de Siegfried, sous les coups de ce dernier, sont empruntés à cette légende.
28 C. Wilsdorf, « Un faux diplôme de Dagobert Ier en faveur de l’abbaye de Haslach », Revue d’Alsace, 1956, p. 76-81 ; le document est publié dans les M.G.H, Diplomata Meroving, t. I, p. 147, n° 30.
29 M. Barth, Der Heilige Arbogast, seine Persönlichkeit und sein Kult, Colmar, 1940.
30 Cf. M. Borgolte, « Die Geschichte der Grafengewalt im Elsaß von Dagobert I bis Otto dem Grossen », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 131, 1983, p. 3-54 ; I. Eberl, « Dagobert I. und Alemannien. Studien zu den Dagobertüberlieferungen im alemannischen Raum », Zeitschrift für Württembergische Landesgeschichte, 1983, p. 7-51.
31 Plus vraisemblablement, une usurpation de biens fiscaux par les évêques, à la suite des comtes du Nordgau (ou d’Eguisheim), au XIIe siècle.
32 Chronicon Ebersheimense, éd. L. Weiland, M.G.H, SS, t. XXIII, Hanovre, 1874, p. 423 et suiv.
33 En fait, il s’agit de la cession par le roi de sa résidence de Rouffach, le « château » d’Isenburg, centre d’un territoire ultérieurement appelé Mundat en raison de son immunité. On peut rapprocher la chose de celle du palais de Tronia/Kirchheim. Le deuxième ensemble de terre, Bischoffsheim, tire naturellement son nom de son appartenance à l’évêque ; quant au troisième, in comitate Barga, de l’autre côté de l’Aar, il est désigné sous le nom de Species et correspond à Spiez, au bord du lac de Thoune, dans le canton de Berne.
34 Cf. O. Meyer, La Régence épiscopale de Saverne, Strasbourg, 1937.
35 Cf. A. Bruckner, Regesta Alsatiae, Strasbourg-Zurich, 1949, p. 14, n° 42 et Th. Walter, Urkundenbuch der Pfarrei Rufach, Rouffach 1898, p. 2 : occurit animo Rubiacham, oppidum cunctis usibus, id est agris amoenis, campis, silvis, aquis, aedifciis, populis oppulentissimum summae Regiae in dotem convenire. La donation de Rouffach fait l’objet d’un faux de Dagobert II, daté du 2 avril 662.
36 Singulièrement, les obituaires strasbourgeois n’évoquent pas ou n’évoquent guère le roi Dagobert.
37 S. Münster, Cosmographia universalis, op. cit. n. 5, « Vers 664, Dagobert, le 9e roi allemand de Francie a construit à Wissembourg un monastère princier ».
38 Éd. par C. Zeuss, Traditiones possessionesque Wizenburgenses, op. cit. n. 3 et dans Heinrici IV. Diplomata. t. II, Weimar 1952 (M.G.H, DD VI) (1077-1105), n° 473, p. 642-644. Analyse dans Th. TYC, L’immunité de l’abbaye de Wissembourg, Strasbourg, 1927, p. 26 et suiv. Sur Wissembourg, cf. Palatia Sacra. Kirchen-und Pfründebeschreibung der Pfalz in vorreformatorischer Zeit, éd. par L. A. Doll. Teil I, Bistum Speyer, Bd. 2, Der Landdekanat Weissenburg, Mayence, 1999, p. 98-308.
39 Die Urkunden der deutschen Königen und Kaiser, 10/4, Die Urkunden Friedrichs I. (1181-1190), éd. Heinrich Appelt, Hanovre, 1990, p. 235-236. Commentaire dans R. M. Herkenrath, Die Reichskanzlei in den Jahren 1181 bis 1190, Vienne, 1985, p. 243-245, qui confirme son authenticité et le rapproche d’un acte du 19 avril précédent.
40 J.-D. Schoepflin, Alsatia… diplomatica, Mannheim, 1771, p. 23 et suiv. Cité, pour mémoire, par A. Bruckner, Regesta Alsatiae, op. cit., p. 11, n° 32.
41 Th. Tyc, op. cit. n. 38, p. 39. Cf. A. Hofmeister, « Weissenburger Aufzeichnungen vom Ende des 8. und Anfang des 9. Jahrhunderts », Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, NF 34, 1919, p. 401-421, ici, en note, p. 401 ; Dagobert II est, pour sa part, honoré le 10 septembre.
42 Ch. Wehrli, op. cit. n. 7, p. 303-305.
43 Ce vitrail est cité comme preuve d’une fondation carolingienne lors d’un procès du début du XVIe siècle (AD Meurthe et Moselle, B 9648, fol. 216 v°). Cette tradition, infondée, n’apparaît pas dans A.-J. Stoclet, Autour de Fulrad de Saint-Denis, Paris-Genève, 1994.
44 A. Rauner, L’obituaire de l’abbaye de Marmoutier, Mémoire de Maîtrise, Strasbourg, juin 2001 (édition commentée du registre H 552 des ADBR, ici, p. 7 b (Obiit Hiltebertus, Rex Franckorum).
45 G. Bischoff, « Sive comes, sive rex, le “roi d’Alsace” entre mythe et histoire », Revue d’Alsace, t. 2, 2002, p. 19-34. Les grandes fondations des Etichonides sont Hohenbourg, Murbach, Masevaux, Saint-Etienne de Strasbourg et Honau.
46 « Lettre de frère Sigismond (Meisterlin) sur les tapisseries de l’église abbatiale de Murbach (1464) », éd. par X. Mossmann, Bull. de la Soc. pour la conservation des Monuments historiques d’Alsace, 1863.
47 Vers 1510, Maximilien négocie avec l’évêque de Strasbourg le rachat de l’ancienne seigneurie de Sainte-Croix-en-Plaine, propriété inaliénable de l’Église en vertu de la donation faite à saint Arbogast par le roi Dagobert. Cette transaction est ratifiée par les princes électeurs en raison de son caractère inédit et se traduit par un échange de terres. Elle forme le préalable à la reprise de Rouffach et de ses dépendances (AD Bas-Rhin, G 1017). On peut y voir l’influence des idées exprimées par un conseiller impérial demeuré anonyme appelé, faute de mieux, le « Révolutionnaire du Rhin supérieur », selon lequel le souverain peut revenir sur les « aumônes » (et par extension, les concessions de droits) faites par « l’empereur Constantin, et l’empereur Henri, Otton III et Otton IV, de même que les empereurs Frédéric, Charles, Dagobert (Tagabertus). Cf. Das Buch der Hundert Kapitel und der Vierzig Statuten des sogenannten oberrheinischen Revolutionnärs, éd. par Annelore Franke, Berlin, 1967, p. 323.
Auteur
Université de Strasbourg III
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