L’iconographie de la Nativité au XIXe siècle
p. 131-142
Texte intégral
1Avec la fin de l’art baroque, soit dès le troisième quart du XVIIIe siècle, on se trouve rendu à la fin de la trajectoire iconique des figures chrétiennes de Dieu dans l’art occidental. Ce qui suit n’est plus qu’un épilogue »1, constate le critique Schöne en 1957. « Ce qui suit », c’est à dire le XIXe siècle, marquerait donc à quelques exceptions près « un effondrement global et durable de l’art religieux comme tel »2.
2Même si Bruno Foucart dans son considérable travail, Le renouveau de la peinture religieuse en France (1800-1860), a atténué le propos, en montrant à l’inverse la formidable vitalité de l’art sacré, la critique reste sévère et mérite attention. Réfléchir sur l’iconographie de la nativité au XIXe siècle qui est le sujet du présent article, c’est se demander si ce siècle, marqué sur bien des plans par la culture des Lumières et traversé par l’esprit de progrès et de raison, a été sensible au culte de l’enfant Jésus et a su inventer une image pour le célébrer.
3Pour évaluer la richesse d’un thème en histoire de l’art, on peut utiliser plusieurs critères, notamment celui de la notoriété des artistes : connaît-on de grands peintres ayant traîté un tel sujet ? La réponse est négative. D’Ingres (Vœu de Louis XIII, 1824, Jésus parmi les docteurs, 1862) à Delacroix, lequel a réalisé parmi, tant de piétas, à l’église Saint-Sulpice à Paris, avec La lutte de Jacob avec l’ange (1854-1861), ce qu’il faudra bien reconnaître un jour comme un des chefs-d’œuvre de la peinture religieuse au XIXe siècle, en passant par Manet (Jésus insulté par les soldats, 1865) ou encore Moreau (Salomé dansant devant Hérode, 1876), force est de constater que les grands noms du siècle n’ont pas abordé ce thème.
4Autre critère vérifiant la vitalité d’un sujet : existe-t-il une peinture réalisée par des artistes de moindre importance qui, sans posséder l’aura du chef-d’œuvre, serait devenue en quelque sorte le modèle abouti, incontestable d’une telle iconographie ? Aucune image de ce type ne s’est imposée au XIXe siècle et on serait bien en peine aujourd’hui de citer une réalisation forte liée à ce thème. « Le chef d’œuvre inconnu » n’est pas une nativité !
5Est-ce à dire pour autant que les artistes religieux ne se sont pas intéressés au cours du siècle à la nativité ? Si l’on prend celle-ci au sens strict, c’est à dire la naissance de Jésus, on constate qu’ils l’ont peu traîtée. Dans le relevé que Bruno Foucart fait des scènes de la vie du Christ proposées dans les Salons de 1800 à 1860, ce sujet arrive dans les dernières places (dix neuvième sur vingt quatre exactement), bien après La fuite en Égypte ou Le Christ au jardin des Oliviers3. Entre 1800 et 1860, seize peintures seulement exposées aux Salons se rapportent à la nativité, alors que pour la même période soizante seize d’entre elles représentent La fuite en Égypte.
6En compulsant dans le même ouvrage la liste des tableaux religieux commandés par la préfecture de la Seine entre 1816 et 1860 et mis en place dans les églises de Paris, on s’aperçoit qu’aucune nativité ne décore les murs de la capitale4. Quelques édifices cultuels de province ont pu bénéficier cependant entre 1800 et 1860 d’un dépôt. C’est le cas de la cathédrale Saint-Étienne à Sens (L. Boulanger, Nativité, 1848) ou encore de l’église de Morlaas dans les Pyrénées- Atlantiques (N.-A. Galimard, La Nativité, 1850).
7Si on jette encore un œil sur la liste des œuvres les plus copiées – et on connaît l’importance de la copie au XIXe siècle – le sentiment est le même ; si on reproduit volontiers L’Assomption de Murillo, Le Christ en croix de Prud’hon ou La mise au tombeau de Titien, la nativité laisse, semble-t-il, les artistes indifférents.
8Le secours viendra-t-il de l’école des beaux-arts de Paris ? En dépouillant les sujets des différents concours que celle-ci propose de 1816 à 1863 à la sagacité de ses jeunes élèves, on trouve bien des sujets religieux : pour rester dans les scènes du Nouveau Testament, Jésus chez Marthe et Marie en 1843 et 1853, une Résurrection de Lazare en 1844, Les saintes femmes au tombeau du Christ en 1846 et 1847, Jésus et la Samaritaine en 1856, L’entrée de Jésus à Jérusalem en 1860…5 Nulle trace d’une nativité quelconque.
9Devant ce constat, l’affaire paraît entendue : l’iconographie de la nativité n’intéresse pas l’art des Salons. Et on imagine mal, en effet, un peintre de la vie moderne comme Manet, si cher à Baudelaire, révolutionner la peinture de son temps avec un tel sujet.
10Les raisons d’un tel désintérêt manifeste sont multiples. On peut en convoquer de deux ordres, le premier faisant état de causes générales liées aux grandes évolutions du siècle, le second appartenant en propre à l’histoire de l’art.
11En un siècle marqué par des phénomènes aussi importants que – et nous reprenons les termes d’Henri Desroches dans l’article Déchristianisation de l’Encyclopédia Universalis (1973) – la « déchistianisation », la « décléricalisation », la « déconfessionalisation », la « désacralisation » et la « désaxiologisation », le mystère de l’Incarnation, c’est à dire la manifestation de Dieu en Jésus-Christ, est-il d’actualité ? On devine que les combats de l’Église (pensons au renouveau missionnaire, à l’ultramontanisme…) appartiennent plus au pouvoir temporel qu’au pouvoir siprituel. Il n’est nul besoin, semble-t-il, d’insister sur cet aspect des choses.
12Certes, le XIXe siècle est marqué aussi par les grandes messes non négligeables de tous ces réveils catholiques récurrents, en histoire de l’art par ces fameux revivals qui viennent régulièrment animer la peinture religieuse. C’est le cas des décennies 1830-1840 avec cet effort doctrinal formulé par des penseurs catholiques comme Rio et Montalembert, suivi par la parution de ces innombrables viatiques iconographiques (citons par exemple le Guide de l’art chrétien de Grimouart de Saint-Laurent dont les six volumes paraissent à partir de 1872)6 qui viennent codifier les sujets religieux. Ainsi, le thème de la nativité, souvent traîté par les maîtres italiens et flamands, abordé aux XVIIe et XVIIIe siècles par des peintres français comme Boucher, Lebrun, Le Sueur, Poussin ou encore Vouet, « contrôlé » en quelque sorte au XIXe siècle par ces iconographes soucilleux, ne permet pas l’innovation et est abandonné « aux seconds pinceaux ». Même le goût de l’orientalisme ne suffit pas à renouveler le sujet, d’autant que ce dernier apparaît relever davantage de la culture populaire : la fête de Noël avec la réalisation des crêches d’églises et domestiques dévalue à la fin du XIXe siècle l’iconographie de la nativité7.
13On peut cerner à plusieurs indices la dévaluation du thème en raison de sa popularité même. Le peintre Claudius Lavergne (1814-1887),artiste militant de l’École lyonnaise, réalise vers 1857 des cartons de vitraux pour la basilique Notre-Dame de Genève dont l’un montre la nativité ; « La scène qu’il représente illustre un texte qui, contrairement à la plupart des autres, n’est pas d’origine biblique »8 mais qui est l’Alléluia de la messe du jour de Noël.
14La nativité sous le pinceau du peintre Leloir (1809-1892) devient la nuit de Noël. Cet artiste, « un des peintres préférés des éditeurs d’images pieuses »9 (l’œuvre a été diffusée par la lithographie), met en scène dans un intérieur paysan l’enfant Jésus, accompagné d’anges descendus par la cheminée et portant des jouets, qui pose des friandises sur une chaise pendant le sommeil d’un enfant, illustrant de façon exemplaire la transformation du thème de la nativité, via l’offrande des cadeaux, en une fête des enfants (fig. 1).
15Propagée par l’art religieux sous la forme de vitraux et d’imageries plus ou moins sulpiciennes, notamment dans les livres de piété dont on connaît la vogue au XIXe siècle, devenue un sujet de prédilection pour les femmes et les enfants10, cette iconographie se trouve ainsi déclassée, désacralisée.
16J’avais pourtant à l’esprit le souvenir d’une formule de Louis Réau, auteur de l’Iconographie de l’art chrétien, faisant de l’enfance du Christ qui correspond au cycle liturgique de Noël « la période de la vie du Messie qui a le plus inspiré l’art religieux »11, certains de ses épisodes pouvant s’appuyer sur quelques passages des évangiles canoniques. Si avec cet auteur on définit la nativité au sens large, c’est à dire si on y intègre L’annonce aux bergers et L’adoration des mages, on s’aperçoit alors, en se référant au tableau de Bruno Foucart concernant les scènes de la vie du Christ dans les Salons de 1800 à 1860, que la nativité entendue de cette manière devient un des sujets principaux traîtés par les artistes, arrivant en troisième position derrière La fuite en Égypte et Le Chrit au jardin des Oliviers !
17La tentation d’expliquer l’absence du thème de la nativité au sens strict par l’opposition classique de l’iconographie savante et de l’iconographie populaire, même si l’on pense que ce partage reste globalement opératoire pour ce sujet précis, s’en trouve singulièrement amoindrie. Il est vrai cependant que bon nombre de toiles proposées aux Salons sont destinées à devenir des peintures murales décorant les églises, véritables lieux d’élection de ce type de sujet.
18C’est le cas par exemple de Granger (1779-1840) qui expose en 1831 au Salon un grand carton de L’adoration des mages, modèle de la peinture murale commandé pour Notre-Dame-de-Lorette ; c’est le cas aussi de Caminade (1783-1862) qui montre son tableau L’adoration des mages (également en 1831) avant de le transposer comme décor de la chapelle de la Vierge à Saint-Étienne-du-Mont.
19L’iconographie de la nativité, au sens large, a donc intéressé les artistes religieux pour lesquels, il est vrai, la forme par tradition compte moins que le fond, et c’est du côté de la peinture murale qu’il faut aller chercher ses réussites.
20En réalité, la scène de la nativité a été traîtée comme un épisode lié à ces grands cycles christologiques et marials si caractéristiques de la peinture religieuse au XIXe siècle qu’ont permis la rénovation et la construction de nombreux sanctuaires chrétiens12.
21Parmi ces vastes synthèses christologiques portées par tous ces intégralismes catholiques du XIXe siècle qui proclament haut et fort « omnia in Christo instaurare », « restaurer toute chose en Jésus-Christ », le peintre Hippolyte Flandrin (1809-1864), ce fils chéri d’Ingres, offre aux regards des fidèles sur les murs de la nef de Saint-Germain-des-Prés à Paris, vingt scènes consacrées à travers l’Ancien et le Nouveau Testament à une figuration du Salut du monde dont une Nativité suivie de L’adoration des mages (1856-1863)13 ; celle-la devient ainsi un épisode parmi d’autres de la vie du Christ.
22Avec l’intérêt croissant que le siècle porte à la mère de Jésus, avec cette « vague mariologique » (pensons aux apparitions mariales, à la Salette, à Lourdes…) qui constitue, selon Dominique Julia, un véritable transfert de médiation s’opérant du Christ à Marie14, la nativité devient une scène appartenant en propre à la vie de Marie. Sans doute faut-il voir ici le signe d’une évolution sociale et culturelle qui marque une féminisation du catholicisme. Cette montée en puissance des femmes dont Marie est en quelque sorte le parangon dans la religion et au delà dans la société, est perceptible, par exemple, dans la proclamation par Pie IX, en 1854, du dogme de l’Immaculée Conception qui est une autre manière d’évoquer la naissance du Christ et qui « donne à la Vierge une place nouvelle dans la croyance des fidèles en introduisant un peu plus avant dans l’économie du Salut la médiation d’une femme sans tache »15.
23Ce triomphe de Marie qui traduit une certaine mais relative émancipation pour les femmes – celle-ci se déroulant à l’intérieur d’un système rigoureux – se lit sur les murs des églises dans ces vastes programmes décoratifs qui lui sont consacrés. Ainsi, un des chefs d’œuvre dans le Midi de la peinture religieuse du XIXe siècle, la décoration par le peintre Bernard Benezet (1835-1897), un disciple de Flandrin, de l’église Notre-Dame-de-la-Drèche près d’Albi, constitue à cet égard un exemple significatif : l’ensemble du programme iconographique (quatre-vingt une peintures murales réalisées de 1877 à 1894), Marie annoncée, Marie préfigurée, Marie figurée, Marie vivante, Marie glorieuse constitue une véritable bible mariale. Le cycle déroulant la vie de la Vierge en quatorze scènes, à la manière d’un chemin de croix, propose entre une Nativité de Marie et son Assomption la nativité de Jésus traîtée là aussi comme un épisode parmi d’autres16.
24Une analyse iconographique comparant les deux versions possibles de la nativité permettra de sentir l’évolution du siècle. Dans son article concernant Les nazaréens français, Michel Caffort, repérant à son tour « l’interpénétration du cycle de la Vierge et de celui de l’Enfance du Christ »17, voit dans ces nativités à genoux, « recueillies et concentrées sur l’adoration de l’Enfant par Marie et Joseph »18, une volonté de ressourcer l’art religieux en référence à la peinture d’Overbeck19. Le peintre Bézard (1799-1861), premier Grand Prix de Rome en 1829, réalise, par exemple, à la cathédrale Saint-Caprais à Agen, une nativité dans laquelle l’enfant Jésus couché dans un berceau, les bras écartés (comme pour suggérer la crucifixion à venir ?), est entouré à gauche par Joseph debout et à droite par Marie agenouillée, les mains jointes. L’accent est mis alors sur la divinité de l’enfant Jésus, le nimbe renforçant le caractère sacré de la scène. Naît ici la figure annoncée de Dieu.
25Dans cette version, Marie a le privilège d’accoucher sans souffrance. Le thème devient alors une adoration de l’enfant qui, selon Réau, à partir du XIVe siècle, « se substitue dans l’art d’Occident au thème byzantin de l’Accouchement »20.
26C’est cette version là que choisit d’illustrer Flandrin à Saint-Germain-des-Prés. Alors que l’artiste s’inspire pour les autres scènes « du XVIe siècle romain avec Raphaël et les loges du Vatican »21, la Nativité, sur les conseils du R.-P. Cahier, regarde du côté du XIIIe siècle byzantin. On voit Marie, allongée sur un matelas, à côté du nouveau-né emmailloté dans un berceau. Certes, elle a les mains jointes, mais on devine à travers les cassures des formes sous le drapé, la fatigue de la gésine. La nativité suggère ici un véritable accouchement. C’est tout le paradoxe de Flandrin que d’aller chercher le réalisme d’une scène aux sources du Moyen Âge (fig. 2).
27Cette humanisation de la Vierge qui accompagne dans le dernier tiers du siècle le mouvement de fond du fait religieux vers des formes de piété plus sentimentales, perceptible par exemple dans le développement de l’art de Saint-Sulpice ou encore, de façon plus précise, dans l’extension du culte du Sacré-Cœur, appuyé par une extraordinaire iconophagie22, le peintre lyonnais Chenavard (1807-1895) l’avait en quelque sorte annoncée dans les cartons préparatoires du décor du Panthéon qui ne fut jamais réalisé. Cet artiste qui s’imaginait « comme un philosophe ou plutôt comme un prêtre fondant une nouvelle religion »23 conçoit une immense décoration « où les saints païens et modernes, dieux et demi-dieux, héros, poètes, inventeurs, se seraient succédés dans ce qui aurait été les panathénées de l’histoire palingénésique de l’humanité »24. Le carton La Nativité (1848-1851) occupant une position de charnière dans cette liste de sujets propose une vision très humaine de cette scène ; dans une étable, réalisée « dans le style des crêches flamandes, avec des recherches de luminisme »25, en présence de Joseph songeur, comme le veut la tradition, Chenarvard innove en présentant Marie, assise à même le sol, enlaçant dans ses bras son enfant, penchée vers lui avec amour, dans un geste très naturel plein de tendresse. Ce contact direct qui donne à l’œuvre sa dimension affective n’est plus celui de la Vierge montrant l’enfant Jésus au monde, c’est celui d’une mère qui fait corps avec son petit ; du reste, aucun signe comme le nimbe n’indique la divinité des protagonistes (fig. 3).
28Cet amour familial, somme toute assez proche de notre sensibilité moderne, traduit sans aucun doute une sociabilité nouvelle entre parents et enfant dont bénéficiera le XXe siècle. Si on voulait faire une formule, on dirait volontiers que la nativité devient désormais une naissance, avec la fatigue et la douleur que celle-ci entraîne mais aussi avec le bonheur qu’elle procure.
29On comprend mieux dès lors au terme de notre étude pourquoi les grands artistes du XIXe siècle se sont peu intéressés à l’iconographie de la nativité, malgré la charge symbolique du thème. C’est que, en ce siècle scientiste, d’un côté le sujet apparaît trop lié par les pratiques cultuelles à la culture populaire, s’en trouvant dévalué, d’un autre côté par son humanisation il touche au tabou d’une représentation plus réaliste. Aussi ces artistes là, marqués par l’historicisme, ont-ils préféré représenter, en lieu et place de la nativité, la naissance des grands hommes (Deveria, La naissance d’Henri IV, 1827) ou bien encore, bien plus attrayante, celle des Vénus (Cabanel, La naissance de Vénus, 1863).
30Relevant de l’article de foi, le thème est mis alors en scène par des artistes religieux qui répondent ainsi à l’attente légitime des fidèles, dans des canons formels trop figés, non exempts parfois de mièvrerie ; ce sujet, tiré du côté des traditions profanes, ne semble pas permettre des innovations significatives. La constitution par trois peintres allemands – P. Lenz, J. Wüger et Mme A. Bensinger – pendant la nuit de Noël 1864 d’un monastère d’artistes, noyau de la future école de Beuron, ou les tentatives du peintre Maurice Denis (1870-1943) au tournant du XXe siècle, voulant régénérer l’art chrétien par l’emploi des formes contemporaines, ne modifient pas sensiblement ces données. Je ne parlerai pas cependant ni d’usure ni de délitement du thème mais bien plutôt d’un déplacement iconographique, lié à un glissement du sacré, qui suggère que « l’épilogue » concernant les images de Dieu au XIXe siècle dont on parlait au début de cet article relève fondamentalement de l’histoire : si on admet avec bon nombre d’auteurs que l’Église n’est plus dans le dernier tiers du XIXe siècle « le seul lieu du sacré collectif »26, qu’au culte religieux ont succédé des cultes républicains (cultes patriotiques, civiques, culte du souvenir avec, par exemple, la statuomanie qui se donne libre cours dans l’érection des monuments aux morts), qu’on a donc affaire à la fin du XIXe siècle plus à une mutation des croyances qu’à un progrès de l’incrédulité, pourquoi ne pas voir dans cette icône emblématique que devient alors Marianne, dont Maurice Agulhon a retracé l’histoire, notamment dans ces groupes sculptés où l’allégorie présente au monde son enfant symbole du progrès ou de la civilisation, une Nativité de la République27 ?
Notes de bas de page
1 W. Schöne, cité par Fr. BOESPFLUG, Dieu dans l’art, Paris, 1984, p. 322.
2 Fr. BOESPFLUG, op. cit., p. 322.
3 B. FOUCART, Le renouveau de la peinture religieuse (1800-1860), Paris, 1987, p. 101-102.
4 Cette liste est mise au point à partir du Relevé général des objets d’art commandés depuis 1816 jusqu’en 1830 par la ville de Paris, par J.-A. GRÉGOIRE et de L’inventaire général des richesses d’art de la France, Paris, Monuments religieux, 1876-1901. Voir B. FOUCART, op. cit., p. 358-374.
5 Voir Ph. GRUNCHEC, Les concours d’esquisses peintes, 1816-1863, édition École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1986.
6 RIO est l’auteur en 1836 d’un ouvrage essentiel, De la Poésie chrétienne dans son principe, dans sa matière et dans ses formes. Forme de l’art, peinture ; dans son livre, Épilogue à l’art chrétien paru en 1892, l’auteur, découvrant à Venise dans l’église du Carminé, la Nativité de Cima da Conegliano, raconte comment cette image de dévotion lui fait découvrir la qualité essentielle de la peinture « pré-raphaëlite », l’inspiration (voir B. FOUCART, op. cit., p. 28). MONTALEMBERT publie en 1837, De l’état actuel de l’art religieux en France.
7 « La première crèche date du XVIe siècle ; le succès qu’elle connaît à la fin du XIXe siècle en France correspond avec la disparition des scènes peintes de la Nativité ». A. LEICHER, « L’évolution picturale du thème de la Nativité », dans Autour de la Nativité dans la peinture des collections angevines, catalogue de l’exposition du musée d’Angers, 1989, p. 33-37.
8 E.-G. dans Les peintres de l’âme. Art lyonnais du XIXe siècle, Musée des beaux-arts, 1981, p. 181. Sur Lavergne, voir la monographie de son fils, G.-Cl. LAVERGNE, Claudius Lavergne, peintre d’histoire et peintre verrier, élève d’Ingres et élève d’Orsel, critique d’art, tertiaire de Saint-Dominique et de Saint-François-d’Assise, Paris, s.d. (1910).
9 B. FOUCART, op. cit., p. 260.
10 Comme l’affirmait Monseigneur Dupanloup, l’Église « a les femmes et les enfants ». Sur le développement d’une culture moyenne de masse, voir L’histoire culturelle de la France, sous la direction de J.-P. RIOUX et de J.-Fr. SIRINELLI, Paris, 1998, tome 3, p. 310-317. Sur les images pieuses, voir A. VIRCONDELET, Le monde merveilleux des images pieuses, Paris, 1988.
11 L. RÉAU, Iconographie de l’art chrétien, t. 2, Paris, 1957, p. 211.
12 « Jamais, en effet, depuis l’apparition du blanc “manteau” des églises romanes au lendemain de l’an mil, le paysage paroissial fançais n’a été aussi profondément renouvelé et remodelé » par l’édification et la restauration des églises. Ph. BOUTRY, dans Histoire de la France religieuse, op. cit., p. 275.
13 Sur Flandrin, voir le catalogue d’exposition Hippolyte, Auguste et Paul Flandrin. Une fraternité picturale au XIXe siècle, Paris, 1984.
14 L’auteur voit là « presqu’un transfert de divinité », D. JULIA, Histoire de la France religieuse, op. cit., p. 200.
15 Cl. LANGLOIS, Histoire de la France religieuse, op. cit., p. 298.
16 Sur Benezet, voir Ch. MANGE, « Un peintre religieux toulousain : Bernard Benezet (1835-1897) » dans le Bulletin de la Société de l’Art français, 1994, p. 223-251. Pour une analyse détaillée du décor de Notre-Dame de la Drèche, voir Ch. MANGE, « Les peintures de Notre-Dame de la Drèche » dans la Revue du Tarn, n° 151, 1993, p. 313-341.
17 Jean Fournée, cité par M. CAFFORT, « Les nazaréens français. Théorie et pratique » dans Le vitrail au XIXe siècle et les ateliers manceaux, Musées du Mans, 1998, p. 51.
18 M. CAFFORT, op. cit., p. 51.
19 Sur ce mouvement allemand, voir Die Nazarener, catalogue de l’exposition, Francfort, 1977.
20 RÉAU, op. cit., p. 224. Pour une illustration de la peinture de Bézard, voir M.CAFFORT, op. cit., p. 51.
21 B. HORAIST, Hippolyte, Auguste et Paul Flandrin. Une fraternité picturale au XIXe siècle, op. cit., p. 129.
22 Sur la complexité de l’art sulpicien, voir Ch. MANGE, « Bernard Benezet et l’iconographie du Sacré-Cœur au XIXe siècle » dans Histoire de l’art, n° 20, 1992, p. 79-87.
23 Th. SILVESTRE, Histoire des artistes vivants, Paris, 1855, p. 142.
24 B. FOUCART, op. cit., p. 266.
25 M.-A. GRUNEWALD, Paul Chenavard et la décoration du Panthéon de Paris en 1848, Musée des beaux-arts, Lyon, 1977, p. 48.
26 M. VOVELLE, Histoire de la France religieuse, op. cit., p. 524.
27 M. AGULHON, Marianne au combat, l’imagerie et la symbolique républicaine de 1789 à 1880, Paris, 1979.
Auteur
Maître de Conférences à l’Université de Toulouse – Le Mirail
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les sans-culottes marseillais
Le mouvement sectionnaire du jacobinisme au fédéralisme 1791-1793
Michel Vovelle
2009
Le don et le contre-don
Usages et ambiguités d'un paradigme anthropologique aux époques médiévale et moderne
Lucien Faggion et Laure Verdon (dir.)
2010
Identités juives et chrétiennes
France méridionale XIVe-XIXe siècle
Gabriel Audisio, Régis Bertrand, Madeleine Ferrières et al. (dir.)
2003
Des hommes à l'origine de l’Europe
Biographies des membres de la Haute Autorité de la CECA
Mauve Carbonell
2008