Avant-propos
p. 5-10
Texte intégral
1Les communications réunies dans ce recueil, sous le titre Faire l’événement au Moyen Âge, ont été présentées au cours du séminaire tenu sous la direction de Claude Carozzi et Huguette Taviani-Carozzi pendant deux années, de 2004 à 2006, dans le cadre de l’Équipe de recherches Sociétés, Idéologies et Croyances au Moyen Âge (SICMA, dir. É. Malamut).
2Le terme « événement » apparaît dans la langue française seulement au milieu du XVe siècle. C’est une formation savante, sur le modèle de « avènement », forgée à partir du latin evenire. À la même époque existait aussi « event » tiré de eventus, comme son homologue anglais « event ». Depuis lors « événement » est employé pour signifier ce qui arrive, survient et qui peut être le résultat d’une chose ou d’un fait antérieur. L’apparition de ce nouveau mot laisse à penser qu’il venait suppléer, au moins pour les lettrés, une lacune du vocabulaire français. Dans le latin classique, celui de Cicéron par exemple, plusieurs mots ou tournures étaient employés pour évoquer ce qui pour nous est aujourd’hui un événement. Il y avait bien sûr eventus qui impliquait une cause antérieure aboutissant à un résultat, une issue. Lorsqu’il s’agissait d’un fait inopiné, accidentel on utilisait eventa, presque toujours au pluriel donc, ou surtout casus, au singulier comme au pluriel. Il y avait ainsi deux mots distincts utilisés selon que l’événement au sens actuel résultait d’une ou plusieurs causes ou bien était inexplicable au moins sur le champ. Dans le premier cas Cicéron définissait ainsi l’eventus : est alicujus exitus negotii, le résultat de quelque chose. Dans le second il disait qu’un fait s’était produit caeco casu, par un hasard aveugle. D’où l’adverbe casu : par hasard. Mais Cicéron lui même, comme tous les écrivains latins ou médiévaux, pour évoquer des faits généraux, circonstances ou événements, employait également un terme au sens plus large : res, notamment dans l’expression res gestae, pour signifier des événements remarquables accomplis dans le passé dans le domaine militaire ou politique. L’événement susceptible d’être ainsi perpétué par la memoria historique devait être une res vera, une réalité, un fait vrai.
3Tout dépendait donc de ce que l’on entendait par histoire. La définition la plus répandue du genre historique se trouvait dans une œuvre du VIIe siècle, connue de tous les lettrés, les Étymologies d’Isidore de Séville, qui ne faisait que rapporter une conception antique devenue commune. L’historia, selon lui et ses successeurs, était le récit, la narratio, des res gestae, des événements accomplis dans le passé. Les meilleurs témoins en étaient ceux qui avaient vu les faits, y avaient participé et non ceux qui ne les connaissaient que par ouie-dire. Les histoires (historiae) étaient, toujours selon Isidore, des monuments (monumenta) : « du fait qu’elles perpétuent la mémoire des res gestae ». La fonction de l’écrit était ainsi de transmettre soit un témoignage direct, soit l’aboutissement d’une chaîne de témoignages véridiques. Tout reposait sur la crédibilité du ou des témoins initiaux, ainsi que sur le sens critique de l’historien. Mais ceci laissait cependant la voie ouverte à des manipulations, des erreurs, et certains faits pouvaient être privilégiés en fonction de la personnalité des témoins, des acteurs, de la portée politique ou religieuse des circonstances. Isidore de Séville, comme tous les historiens anciens, accordait de plus une importance particulière à l’exemplarité morale de l’histoire, exemplarité destinée à servir de fondement à un modèle de comportement.
4Les écrivains médiévaux, historiens ou non, étaient de grands lecteurs de Cicéron. Ils utilisaient dans leurs œuvres latines le même vocabulaire que lui. Mais l’idée qu’ils se faisaient de la causalité n’était pas identique. Les possibilités d’origine d’un événement étaient à leurs yeux plus larges. Directement ou non, les interventions de Dieu, des anges, des saints, voire des démons, fournissaient des types d’explications possibles qui limitaient considérablement les occasions de placer un fait dans le domaine du casus fortuit et inexplicable. Il en résulte qu’un grand nombre de ceux-ci pouvaient être considérés événements historiques dans l’histoire du salut. Le débat portait alors, comme maintenant, sur le type de faits et donc d’événements à faire entrer dans le cadre de l’histoire. En fonction de l’interprétation qu’on en donnait ils étaient ou non considérés comme historiques. Le but des auteurs des communications publiées dans ce volume a donc été d’essayer de comprendre les critères et par conséquent les fondements sur lesquels reposait la construction historique médiévale.
5Parmi les événements entrés dans l’histoire, qui sont analysés dans ce volume, un certain nombre ont été en leur temps précisément datés ou sont facilement datables par recoupement de témoignages. Ils constituent « l’histoire événementielle », au sens où on l’entendait il y a quelques décennies, une histoire avant tout politique. Plusieurs contributeurs ont ainsi choisi de partir d’un fait bien daté dans l’histoire d’une ville, d’un royaume, d’un empire, et plusieurs mettent en avant des faits militaires : siège d’Ancône (1173) relaté par Boncompagno da Signa (Philippe Jansen) ; siège de Thessalonique en 1185 par les Normands dont on sait par ailleurs l’intérêt qu’ils portèrent à l’empire grecdès leur conquête de l’Italie du sud (Élizabeth Malamut) ; bataille de Montaperti, qui opposa en 1260 Florence à Sienne (Colette Gros) ; en remontant dans le temps, captivité de l’empereur Louis II à Bénévent en 871, au cours d’une de ses visites en Italie du sud (Thomas Granier) ; et aussi ce « non-événement » à dimension politique et religieuse : le « schisme » entre les deux Églises, romaine et grecque, événement rendu public à Constantinople en 1054 (Jean Claude Cheynet). Sur les deux dates, qui marquent le début et la fin de la principauté provençale, la première, 972, demande à être redécouverte, bien que certainement évidente pour les contemporains, tandis que la seconde, 1481, était fixée dans les esprits et directement identifiable (Louis Stouff). Pour sa part, le traité de Meaux-Paris, qui met fin à l’indépendance du comté de Toulouse, marque lui aussi une étape bien datée, 1229, dans l’organisation du royaume de France et l’affirmation du pouvoir royal (Jacques Paul). On peut faire entrer dans cette catégorie d’« histoire événementielle » d’autres faits analysés dans ce volume : « bûcher » d’Orléans, où périrent des hérétiques en décembre 1022 (Huguette Taviani-Carozzi) ; bataille de Roncevaux, datée de 778 par les Annales franques (Denis Collomp) ; bataille de Covadonga, début mythique de la reconquista espagnole, que l’on arrive à dater de 722 au prix de conjectures (Patrick Henriet). Mais, on le voit sans peine, d’autres remarques s’imposent ici : ce n’est pas la date qui donne aux trois derniers événements, et même aux autres, leur importance historique. Celle du supplice des hérétiques n’est consignée dans les sources que vingt ans après l’événement ; la Chanson de Roland a été mise par écrit trois siècles après la bataille ; Covadonga n’est exaltée par les historiens anciens qu’après coup en faisant subir à sa signification un « glissement de sens » important. L’historien ne peut véritablement rendre compte de la dimension historique d’un événement qu’après s’être interrogé sur les moyens mis en œuvre pour qu’il en soit ainsi.
6Ce n’est que lorsque sa mise en scène et son écho sont venus se superposer à l’événement, aux res gestae, par le jeu de l’écriture qu’il prend cette dimension. Le siège d’Ancône et la bataille de Montaperti sont devenus des faits historiques grâce à l’apport de la littérature, de la poésie, de la rhétorique, qui en ont amplifié et enrichi le déroulement et la signification. Vue du côté de Florence, la bataille (défaite) de Montaperti en est venue à ne plus pouvoir s’expliquer que par une trahison légendaire, à laquelle Dante ajouta un écho considérable, qui contribua à donner à la défaite une dimension mythique. De même la trahison, réelle celle-là, qui aboutit à la capture de l’empereur Louis II, incita ses partisans à assimiler sa personne à celle du Christ. Le péril sarrasin, lui aussi bien réel, fournissait un arrière-plan dramatique à cet événement. Si, en 972, l’abbé de Cluny Maïeul n’avait pas été capturé et mis à rançon par les musulmans, l’assaut contre le Freinet qui s’ensuivit aurait eu sans aucun doute un moindre écho qui n’aurait peut-être pas retenti si fortement jusqu’à nos jours. Le traité de Meaux-Paris n’a toute son importance que si l’on tient compte de l’arrière-plan de la croisade contre les Cathares. L’écho d’un événement est d’intensité variable, intensité qui peut être appréhendée dans l’instant ou du moins dans un temps relativement proche du fait, mais il ne prend véritablement son ampleur qu’avec du recul. Encore aujourd’hui – et c’est heureux pour la véracité de l’histoire ! – on doit savoir faire la différence entre ce qui « fait l’événement à la une » de la presse ou d’autres médias par un énoncé tapageur et un commentaire sur le vif, et le fait historique, même si le qualificatif « historique » attaché à un événement est souvent galvaudé. La documentation médiévale impose elle aussi de faire cette différence. Dans l’affaire des hérétiques d’Orléans, c’est ainsi la nature du châtiment qui a d’abord « fait l’événement » et frappé les esprits. Quelques décennies plus tard et même un demi-siècle après, la nature de l’hérésie et le comportement des hérétiques, d’après des récits dont on aurait tort de nier la « valeur historique » selon nos propres critères, ont donné tout son sens, politique et religieux, au châtiment. Les événements qui se sont déroulés à Constantinople en juillet 1054 ont eu pour protagonistes l’empereur grec, le patriarche et l’ambassade romaine composée des réformateurs « grégoriens » les plus combatifs. Le patriarche orchestra même une émeute dans la ville et pourtant aucune source orientale du XIe siècle n’a donné aux événements un écho immédiat : le schisme de 1054 n’est devenu le fait connu dans l’histoire des Églises qu’au XIIIe siècle, et surtout après le concile de Lyon de 1274 où la rupture devint irréversible. Il y a donc différentes manières de rapporter un événement en fonction de l’objectif à atteindre. Les incendies d’églises ont un écho considérable lorsqu’ils sont assimilables à des sacrilèges (Christine Raynaud). Pourtant leur fréquence aboutit à les banaliser. Car pour fixer l’attention et prendre place dans la mémoire historique, un événement répétitif doit être relié à une mise en scène et un rituel lui conférant une signification fondatrice ou re-fondatrice plus importante que sa datation précise. On peut comprendre cela en étudiant le rituel accompagnant la mort des rois en Catalogne (Flocel Sabaté). Les dates en sont connues, le fait biologique n’est pas surprenant, mais l’entourage du roi, la noblesse, les cités, en mettant en scène le temps de l’agonie, en théâtralisant les obsèques et leurs représentations locales, deviennent les acteurs de l’événement. Cette scénographie, ainsi que sa répercussion dans les documents, s’ajoutant aux circonstances de la succession et de la transmission du pouvoir, amplifie sa véritable dimension historique.
7Ainsi amplifié et enrichi par les témoignages, l’événement en arrive parfois à perdre sa signification première, et à être même utilisé à d’autres fins que celles assignées à l’historien par Isidore de Séville : transmettre à la postérité des faits rendus dignes de mémoire par des témoignages véridiques. On sait par la relation d’Eginhard que la soumission des Saxons et leur conversion au christianisme fut longue et difficile, mais l’écho transmis par Raoul de Fulda dans son récit, écrit en 851, de la translation des reliques de saint Alexandre de Rome à Wildeshausen transforme « le passé en quelque chose de positif » (Philippe Depreux). Il répond ainsi aux besoins de l’édification religieuse propre au genre hagiographique, mais convient également au propos de l’historien médiéval soucieux de rattacher les faits à l’histoire du salut, comme nous l’avons déjà remarqué. Ce propos rejoint celui du prédicateur médiéval ce que nous pouvons constater chez Grégoire de Tours qui, en suivant les recommandations de saint Augustin, fait lui aussi entrer le récit historique dans le moule de la prédication (Claude Carozzi). Il construit alors un discours d’édification en usant de la technique du grammairien. L’histoire, qui part de la Création du monde pour aboutir aux faits contemporains de l’auteur, devient une succession d’événements exemplaires. La frontière incertaine entre histoire, édification et prédication peut alors à son tour inciter un prédicateur comme Pérégrin d’Opole à utiliser le fait historique comme un exemplum (Hervé Martin). La mémoire du passé est ainsi devenue source d’édification. L’événement, détaché de son contexte, peut être intégré à un propos sans rapport ou presque avec celui-ci. L’exemplarité ainsi acquise peut lui conférer la dimension du mythe.
8Il en est ainsi, malgré les apparences, des récits de la bataille de Covadonga. La chronique d’Alphonse III, écrite bien après 722, ainsi que ses retouches ultérieures transforment en mythe un événement qui pourrait être anodin. Le « glissement de sens » s’opère en introduisant des éléments miraculeux, la médiation de la Vierge, et pour ce faire les auteurs emploient un style hagiographique. La mémoire de l’événement prend alors la dimension d’un mythe fondateur qui se substitue à la réalité historique. Roncevaux, bataille où fut décimée l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne, brièvement relatée par les Annales et par Eginhard, acquiert dans l’épopée et ses réécritures une proportion mythique. La mise en scène et son écho se sont complètement substitués, et non plus simplement superposés, à l’événement historique. Les rôles tenus dans l’action par Charlemagne, Roland, Olivier, l’archevêque Turpin et Ganelon sont devenus exemplaires. À chaque fois le genre littéraire employé directement ou non a modifié la substance du fait historique. Le fait, daté et fixé dans la mémoire, a été reconstruit progressivement pour acquérir une signification supérieure suivant les critères médiévaux.
9Le monde culturel lui-même a une histoire qui obéit aux mêmes nécessités. Ainsi les crises de l’Université de Paris au XIIIe siècle sont traitées à la fois par une documentation de type diplomatique ayant un propos juridique, par des écrits émanant de maîtres et aussi par des chroniques (Jacques Verger). L’historien ancien n’intervient pas au premier plan, sauf s’il s’agit d’événements troublant gravement l’ordre public. Mais la grande querelle entre Mendiants et Séculiers mettait en jeu des questions aux conséquences capitales concernant la structure institutionnelle, les enseignements théologiques et les rapports de l’université avec le roi et la papauté. Le fait qu’un des principaux protagonistes, Guillaume de Saint-Amour, maître séculier, ait intitulé son ouvrage De periculis novissimorum temporum, donna à la querelle une dimension presque apocalyptique et la fit entrer dans une vision mythique de l’histoire du salut. Pour parvenir à l’élever à ce niveau il dut reconstruire l’événement à travers le prisme de sa propre conscience historique. Le pape Alexandre IV, de son côté, par sa bulle Quasi lignum vitae mit fin aux tentatives des Séculiers d’exclure les Mendiants de l’université. Il utilisa alors désormais sa bulle comme s’il s’agissait d’une re-fondation de l’université. Lui aussi avait haussé le niveau de l’événement jusqu’à lui donner une dimension mythique émanant, qui plus est, de la plus haute autorité religieuse.
10Si l’on en revient aux critères providentiels de causalité communs à la pensée religieuse médiévale, tout événement demandait à être interprété. Pour ceux qui en subissaient les effets ou les redoutaient, en comprendre les origines et les conséquences était indispensable et éventuellement rassurant. C’était une des fonctions majeures de l’astrologie (Gilbert Dagron). L’astrologue, dans le monde byzantin mais aussi latin, jouait le rôle d’un « médiateur qui aide à rendre les faits moins opaques, à les formuler, à désamorcer l’angoisse dont ils sont porteurs ». En Occident les historiens de l’An Mil, Adémar de Chabannes et Raoul Glaber, jouèrent un rôle équivalent en insistant sur le renouveau de la chrétienté, sans répandre d’imaginaires terreurs de fin des temps, comme ils en ont été accusés à tort par l’historiographie positiviste. En effet, dans le cadre d’une histoire du salut, il n’existe aucun événement, même secondaire, qui ne puisse trouver sa justification. On se rend compte ainsi que son historicité ne dépend pas seulement de sa portée réelle, mais aussi de sa mise en scène, de son écho, amplifié et rendu exemplaire par le travail de l’écriture. Dès lors, l’écrivain, s’il avait pris conscience de l’importance des événements auxquels il voulait faire allusion, pouvait préférer, surtout s’il en était partie prenante, de les présenter d’une manière détournée. C’est ce que fit Gerbert d’Aurillac, expert à cacher sa pensée et ses intentions, comme le prouve sa correspondance. Lorsqu’il adressa à Otton II et Théophano un Carmen figuratum pour accompagner le don d’un orgue hydraulique, dans une période dangereuse et difficile pour lui comme pour ceux auxquels il s’adressait, il introduisit en filigrane, de façon codée, des allusions directes aux événements, mais qui ne pouvaient être décryptées que par les seuls initiés (Flavio Nuvolone). L’enjeu était alors tel que pour le faire saisir il utilisa le détour d’une représentation figurée du mythe fondateur de l’histoire : la Création, acte pendant lequel Dieu accorde et fait résonner l’orgue, symbole du monde qu’il crée.
11La signification médiévale de l’événement historique se situe donc toujours dans le cadre d’une exemplarité qui peut lui conférer une résonance mythique, même si nous ne le situons pas toujours à ce niveau. Il s’ensuit que le travail de l’historien actuel consiste en grande partie à parcourir un chemin inverse. Il lui faut admettre l’exemplarité sans la dénigrer, en comprendre les raisons, rechercher les motifs et les procédés de la mythification, connaître aussi le travail de la mémoire et celui de l’écrivain ancien, en fait les systèmes d’écriture et les conventions des genres littéraires. L’événement peut alors être traduit dans le langage actuel de l’histoire. C’est ainsi qu’ont procédé les historiens qui ont exposé le résultat de leurs recherches dans le présent volume.
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