Une brèche ?
p. 5-7
Texte intégral
1Le présent ouvrage demande explication. Il constitue la manifestation publique et concrète d’un groupe de recherche qui travaille depuis plus de dix ans. De fait je proposai alors, soit à l’automne 1993, aux spécialistes du XVIe siècle de toutes les disciplines et travaillant à l’Université de Provence de se retrouver régulièrement pour mettre en commun et confronter nos connaissances inévitablement parcellaires, nos recherches nécessairement fragmentaires, nos méthodes forcément spécialisées. Cette approche interdisciplinaire constitue à mon sens une dominante dans la démarche intellectuelle en même temps qu’une nécessité pour l’appréhension de réalités devenues complexes à notre entendement, tant les conditions de vie actuelles se sont éloignées de celles dans lesquelles vivaient nos prédécesseurs du XVIe siècle ; et l’écart va s’amplifiant, évidemment, inexorablement1.
2Les collègues ont répondu à cette invitation non seulement avec bonne volonté mais même avec enthousiasme. Il en fallait en effet pour tenir le rythme : le séminaire mensuel et la journée de travail annuelle dans le Luberon s’ajoutaient en effet aux multiples autres tâches désormais devenues pain quotidien des universitaires français. Il en fallait aussi du fait que nos regards critiques se sont voulu d’entrée sans complaisance, mais aussi intellectuellement honnêtes : nous ne confondons pas les idées et les hommes. Cette démarche n’est pas si courante dans le milieu universitaire. Ainsi a commencé cette coopération, intégrant d’une part les étudiants avancés, à partir du DEA, d’autre part quelques collègues d’universités voisines conquis par le caractère à la fois efficace et convivial de ce groupe de recherche : des collègues d’Avignon, Nice, Toulon et Lyon ont pu et vraiment voulu nous rejoindre et travailler avec nous.
3Ce groupe de recherche, réellement informel, n’a jamais été officiellement reconnu par le CNRS ; aussi bien d’ailleurs ne l’avons-nous jamais souhaité. Il a toutefois bénéficié d’un certain encouragement du laboratoire TELEMME (UMR 6570) qui lui a accordé son soutien avec la contribution de son secrétariat et une aide annuelle allant de 400 à 800 €, somme modeste mais qui a permis de « tourner ».
4Environ vingt-cinq chercheurs, exactement vingt-six en 2003-2004, le nombre pouvant varier d’une année à l’autre, ont formé cette équipe, dont le caractère pluridisciplinaire constitue le trait majeur. En effet d’une part historiens, historiens des arts et littéraires forment les gros bataillons ; d’autre part quelques collègues italianisants et hispanisants contribuent à l’enrichir : la disproportion des deux groupes reflétant les effectifs des départements respectifs dans notre université. Sur quel projet réunir un groupe aussi disparate ? Tout simplement en choisissant des champs de recherche susceptibles d’être labourés, ou pour le moins défrichés, ensemble.
5La difficulté de retenir des thèmes de recherche communs n’a pas été mince dans ces conditions, puisqu’ils doivent convenir non seulement aux diverses disciplines mais aussi aux participants de ce séminaire en fonction de leur champ de recherche propre. Moyennant la bonne volonté de chacun, nous avons ainsi mis au programme de nos rencontres les thèmes suivants, chacun pour une durée d’un ou deux ans suivant le cas : « L’image et son utilisation », « Le vrai, le faux, la copie », « Le modèle », « La lutte contre l’hérésie », « La nature, le jardin », « Le livre et son utilisation », « Prendre une ville au XVIe siècle », dont le présent volume est l’aboutissement, enfin « Les critères d’identification », thématique actuellement en cours d’exploration. Nous avons en outre contribué à l’organisation du colloque de Salon-de-Provence et y avons fortement participé sur le thème « Transmettre le savoir au XVIe siècle », correspondant en 1994 à la question d’Histoire moderne de l’agrégation d’Histoire. Enfin nous avons opéré des déplacements en groupe pour visiter le fonds ancien de la bibliothèque des Fontaines désormais déposée à la bibliothèque municipale de La Part-Dieu à Lyon, ainsi que pour visiter le Dijon du XVIe siècle en 2000 sous la conduite de Catherine Chédeau et le Toulouse du XVIe siècle en 2002 avec Pascal Julien. À ses activités diverses, et pour en terminer avec le panorama d’ensemble, il convient d’ajouter les comptes rendus d’ouvrages présentés en séance et l’accueil à notre séminaire de collègues extérieurs de passage à Aix, français ou étrangers.
6Après dix ans de fonctionnement, nous pouvons mesurer le caractère exceptionnel d’une telle coopération. Le fait même qu’elle ait pu durer autant, sans réel support institutionnel, indique assez la volonté et le dynamisme : je crois que l’un des ressorts a été de s’interroger sincèrement, à la fin de chaque année, si nous voulions continuer l’année suivante ; à chaque fois, nous aurions pu arrêter, sans complication d’aucune sorte. Nous avons poursuivi. Là réside le ferment, excluant tout formalisme. Le secret tient aussi au fait que le jeu de l’interdisciplinarité a été réellement respecté ; je veux dire qu’aucune discipline n’a tiré la couverture à elle. La faillite de bien des groupes qui se veulent interdisciplinaires, dont certains ont pu être prestigieux, tient souvent au non-respect des autres. Et pourtant nous savons bien que le découpage du réel selon les disciplines est finalement bien arbitraire et, en tout cas, source de parcellisation et de partialité. Seuls des regards croisés peuvent à la fois nous remettre à notre place, nécessairement modeste, et restituer, autant que faire se peut, la richesse de la réalité. Le présent ouvrage en donne un aperçu2.
Notes de bas de page
1 Cette préoccupation peut se vérifier par l’ouvrage publié après une expérience de cinq ans au lycée Périer de Marseille portant sur des classes de première et concernant cinq disciplines (Lettres, Anglais, Physique-chimie, Sciences naturelles, Histoire-géographie) : G. Audisio et R. Béchet, Interdisciplinarité, une expérience, Paris, CEDIC, 1980.
2 Je tiens à remercier les institutions nous ayant autorisé à reproduire gratuitement les documents iconographiques : la Bibliothèque Municipale de Lyon, le Musée des Beaux-Arts de Dijon, la British Library de Londres et les Archives de la ville de Marseille.
Auteur
Université de Provence, Département d’histoire, UMR TELEMME
Thèse : Une minorité en Provence. Les vaudois du Luberon (1460-1560), 1984.
Dernier ouvrage : Guide historique du Luberon vaudois, Alpes de lumière/Parc naturel régional du Luberon, Apt, 115 p
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