Les chemins de l’Europe
p. 119-147
Texte intégral
1Après la guerre, la nouvelle donne politique et économique est à l’origine d’un changement de conception du monde parmi les classes dirigeantes européennes. L’unification de l’Europe occidentale apparaît alors, entre idéal et pragmatisme, comme une voie possible pour le vieux continent. Cependant, l’acceptation de l’idée européenne est loin d’être évidente et immédiate.
La découverte de l’idée européenne
Les premiers engagements
2Les gouvernements en exil préparent la libération des territoires occupés et la réorganisation du continent. Au sein du Comité français de libération nationale, Jean Monnet, qui est commissaire au Ravitaillement et à l’Armement, expose dès 1943 dans plusieurs notes des propositions d’union économique de l’Europe. L’année suivante, dans une interview accordée au journal américain Fortune, il exprime clairement la nécessité pour les États européens de s’unir. Pour Jean Monnet, l’union des pays européens passe tout d’abord par l’union des économies, par « une unité économique commune1 ». Au sein du CFLN, ils sont quelques-uns, avant et après le départ de Jean Monnet pour les États-Unis en novembre 1943, à imaginer la construction d’une Europe unie.
Nous nous réunissions, avec René Mayer, Robert Marjolin et Hervé Alphand. De nombreux mémorandums datés de cette époque, où chacun mettait la marque de son imagination, témoignent d’une recherche ardente et par endroits prophétique du destin de la France et de l’Europe nouvelle2.
3Dès 1943, René Mayer, commissaire aux Communications et à la Marine marchande du CFLN, développe une pensée européenne. Les solutions qu’il envisage passent, pour lui aussi, par une union économique du continent. Au cœur de sa réflexion se trouve le problème allemand. Alors que la guerre n’est pas encore finie, il craint pour l’avenir une Allemagne toujours dominatrice, puissante économiquement. Que faire de l’Allemagne ? Détacher la Ruhr ? L’intégrer à une organisation internationale ? Il écrit à ce sujet une note le 30 septembre 19433. Il imagine une Fédération de l’Europe de l’Ouest regroupant la France, les pays du Benelux, ouverte éventuellement à l’Italie et à l’Espagne, et un État rhénan pour contrôler le cœur économique et industriel de l’Allemagne : la Ruhr. Chez René Mayer se dessine donc très tôt un engagement en faveur de la création d’une organisation européenne. Son engagement est celui d’un dirigeant politique. Ministre à plusieurs reprises après la guerre puis président du Conseil, il s’exprime en faveur de l’Europe dans ses décisions politiques, dans les positions qu’il prend à l’Assemblée nationale ou au Conseil des ministres. Si René Mayer exprime très tôt des idées proeuropéennes, ce n’est pas le cas de tous les futurs membres de la Haute Autorité. Certains vont effectivement s’engager visiblement en faveur de la construction de l’Europe avant leur nomination à la Haute Autorité, à travers des mouvements proeuropéens ou des actions politiques sur la scène nationale. D’autres semblent, en revanche, découvrir réellement l’Europe lorsqu’ils arrivent à la Haute Autorité.
4Rares sont ceux qui s’investissent dans des mouvements proeuropéens dès la fin de la guerre. Enzo Giacchero est l’un d’eux. La découverte de la pensée européenne est importante dans son parcours. Celle-ci passe tout d’abord par le mouvement Paneuropa de Richard Coudenhove-Kalergi auquel Enzo Giacchero adhère. Il participe à la création de l’Union parlementaire européenne en Italie en dirigeant le comité parlementaire italien pour l’union de l’Europe. Membre du Mouvement européen, puis de l’Union européenne des fédéralistes (UEF), il est l’un des plus « européens » à être nommé à Luxembourg en 1952. Dès 1947, de nombreux mouvements proeuropéens, dont les orientations idéologiques sont différentes, voient le jour. En simplifiant, on peut dégager deux tendances principales qui s’opposent sur la vision de l’Europe à construire : les fédéralistes d’un côté – favorables à la construction d’une vraie fédération européenne – et les unionistes de l’autre, plutôt favorables à des unions économiques sans perte de souveraineté. Cette opposition se retrouve plus tard, après le lancement de la construction européenne, entre les tenants d’une intégration européenne forte et les tenants d’une coopération européenne et internationale. Seul parmi les membres de la Haute Autorité, Enzo Giacchero adopte très tôt les points de vue des fédéralistes et appartient, avant son arrivée à Luxembourg, à l’un de leurs mouvements. Johannes Linthorst Homan prône lui aussi une fédération européenne, mais il y vient plus tard, dans les années cinquante. De même, Albert Coppé adhère à l’UEF plus tard bien qu’il s’engage plutôt précocement en faveur de l’Europe. Il est, en 1948, présent au congrès de La H aye, présidé par Winston Churchill. Plus de 800 personnalités engagées en faveur de l’union européenne sont invitées à réfléchir et à débattre de l’idée européenne. Combien de futurs membres de la Haute Autorité sont à La H aye en 1948 ? Dans la liste, on ne trouve qu’Enzo Giacchero et Albert Coppé.
5Les parlementaires de la Haute Autorité sont dans l’ensemble favorables à la construction de l’Europe, avec des nuances. Fritz Hellwig, Jean Fohrmann, Pierre-Olivier Lapie, de même qu’Enzo Giacchero, font partie, à des périodes différentes, des assemblées européennes : Assemblée consultative du Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire CECA, Parlement européen. Piero Malvestiti et Dino Del Bo suivent principalement la ligne de leur parti, la Democrazia Cristiana, qui est très impliquée dans le processus de construction européenne, notamment grâce à l’action d’Alcide De Gasperi. Ils adopteront plus nettement l’idée européenne une fois à la Haute Autorité. Bien souvent, dans le cas des parlementaires, l’Europe s’invite dans leurs esprits grâce aux débats et décisions politiques. Dans les années cinquante et soixante, les ratifications de traités, les motions en débat font de l’Europe l’un des sujets importants de la vie politique nationale.
6Sans mandat politique, Albert Wehrer, Johannes Linthorst Homan et Dirk Spierenburg approchent l’Europe grâce à leurs fonctions de diplomates. Tous trois représentent leur pays dans plusieurs négociations ou conférences internationales. Wehrer et Spierenburg sont même à la tête des délégations luxembourgeoise et néerlandaise pendant les négociations du Plan Schuman. Parmi les missions des négociateurs, celle de défendre les intérêts nationaux est particulièrement importante. Habitué aux négociations en tous genres, Wehrer apparaît aux yeux de Jean Monnet comme « un diplomate luxembourgeois rusé, [qui] savait ce qu’il avait à défendre.4 » Et il s’agit prioritairement de la sidérurgie luxembourgeoise. Lié à l’Arbed et aux milieux sidérurgiques, Wehrer défend leurs intérêts, qui sont aussi les intérêts de son pays où la sidérurgie occupe une place importante5 ; elle est même au cœur de la prospérité économique du pays. La sidérurgie représente à elle seule 43 % du PIB au début des années cinquante6. La délégation luxembourgeoise, Wehrer en tête, parvient à obtenir une clause rassurante qui stipule, dans la partie « Convention relative aux dispositions transitoires », article 31, que « la Commission devra tenir compte de l’importance toute particulière de la sidérurgie dans l’économie générale du Luxembourg et de la nécessité d’éviter des perturbations graves […]7 »
Le Plan Schuman
7Tous sont, à leur niveau, concernés par la déclaration Schuman du 9 mai 1950 et le traité CECA qui suit. Le projet présenté par le ministre français des Affaires étrangères et préparé par Jean Monnet propose à l’Allemagne et aux pays européens de mettre en commun deux secteurs essentiels de leurs économies d’alors : le charbon et l’acier. Cette déclaration est vécue comme une petite révolution. Six gouvernements de l’Europe occidentale (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Italie) réagissent favorablement et ouvrent des négociations. Les ministres en fonction au moment de la déclaration et des négociations sont concernés directement et en premier lieu par le Plan Schuman. C’est le cas d’Albert Coppé, alors ministre des Affaires économiques, de Franz Blücher vice‑chancelier, de Pierre-Olivier Lapie ministre de l’Éducation nationale, de Piero Malvestiti sous-secrétaire d’État au Trésor, de Dino Del Bo sous-secrétaire d’État au Travail et de René Mayer ministre de la Justice. Ce dernier a directement participé à la préparation de la déclaration Schuman. L’un des rares à être informé, il a travaillé sur le texte préparé en secret par le gouvernement français. Jean Monnet écrit dans ses mémoires :
… René Mayer, ministre de la Justice, qui devint aussitôt un partisan enthousiaste de la proposition où il retrouva l’écho de nos entretiens d’Alger sur la nécessité de reconstruire l’Europe dans la paix. C’est à sa demande que nous ajoutâmes cette phrase qui passa alors pour une clause de style, mais à laquelle l’avenir devait donner sa pleine signification : ‘L’Europe pourra, avec des moyens accrus, poursuivre la réalisation de l’une de ses tâches essentielles : le développement du continent africain.’ Au même moment, je fis porter les documents à Pleven, ministre de l’Outre-Mer. Là devait s’arrêter la liste des destinataires. Neuf personnes au total étaient dans le secret8.
8En 1950, Albert Coppé découvre le texte avec enthousiasme, d’autant plus que la CECA apporte une solution aux problèmes des charbonnages belges : « J’étais prêt à exporter la question du charbon belge n’importe où, même en Patagonie, à condition que quelqu’un veuille s’en occuper, parce qu’à Bruxelles le problème était devenu insoluble.9 » De plus, la Belgique ne peut, à ses yeux, passer à côté d’un marché commun franco‑allemand : « Si les Français et les Allemands font un marché fut‑ce de pantoufle, la Belgique ne peut pas rester en dehors.10 » Il intervient dans les négociations, en tant que ministre des Affaires économiques. Il demande notamment que le néerlandais soit reconnu langue officielle de la Communauté. Il était envisagé au départ de ne choisir que le français et l’allemand. Grâce à la pression de néerlandophones tels qu’Albert Coppé, toutes les langues de la Communauté sont reconnues langues officielles. « Les Italiens n’avaient pas de problèmes de ce cote‑la. Et ce qui m’a toujours étonné, c’est que les Hollandais n’avaient rien demandé. Ils sont linguistiquement amorphes. Alors c’est comme ça que les Flamands ont dû convaincre le gouvernement belge. Je suis assez fier […].11 » Cette décision, presque anodine avec six pays et quatre langues en 1952, a eu par la suite des effets considérables sur le fonctionnement de la communauté européenne et ses multiples langues officielles.
9De par leur présence dans les gouvernements, les six ministres alors en poste ont eu l’occasion de connaître et de voir évoluer le contenu du projet CECA après la déclaration du 9 mai 1950. Ils ont assisté aux discussions ministérielles aboutissant à l’accord des six gouvernements des premiers pays de la communauté européenne.
10Signé à Paris le 18 avril 1951, le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier est débattu devant les parlements nationaux pour être ratifié. Les parlementaires sont impliqués dans la lecture et l’analyse du texte. Franz Etzel est rapporteur du traité au Bundestag et a suivi de près les négociations. Les députés des partis démocrates-chrétiens suivent les lignes directrices de leurs partis et votent pour le traité, que ce soit en Italie ou en Allemagne, où la CDU et la DC sont les partis au pouvoir depuis la fin de la guerre. Jean Fohrmann est député socialiste lorsque le traité de Paris est présenté devant la Chambre luxembourgeoise. Favorable au texte dans son ensemble, il intervient dans le débat le jour du vote de ratification. Et même si les syndicats ne sont pas « d’accord avec le texte à 100 %12 », le traité est pour eux une avancée et le travail en commun ne peut être que positif. « C’est notre conviction, et nous nous positionnons en faveur du plan Schuman.13 » Le texte est ratifié sans grande difficulté par les parlements de la plupart des pays concernés. Seuls les élus communistes s’opposent avec vigueur au traité qu’ils considèrent comme un instrument américain dirigé contre les pays du bloc socialiste. En France cependant, les débats sont tendus et les oppositions ne viennent pas seulement des communistes mais également des gaullistes. Le socialiste Pierre‑Olivier Lapie, lors d’un congrès de la SFIO en 1950, exprime son point de vue sur le Plan Schuman. Il est favorable dans l’ensemble à une telle entreprise. « Je crois profondément que nous ne pouvons pas dire non, parce qu’au fond même de nos aspirations et de notre doctrine, nous avons la mise en commun des matières premières essentielles.14 » En Italie, Enzo Giacchero défend le traité pendant les débats de ratification même si, pour lui, « le grand mérite du plan Schuman est sa haute valeur politique résidant dans l’encouragement qu’il nous donne en vue de poursuivre notre chemin vers des réalisations européennes concrètes.15 » Giacchero considère que la future communauté est insuffisamment fédérale et que, par bien des aspects, le plan Schuman est seulement un traité commercial supplémentaire.
11À l’origine de la construction européenne et de son approbation par un grand nombre, on trouve des raisons très pragmatiques. La question allemande est déterminante après guerre. Que faire de l’Allemagne ? Que faire de la Ruhr ? Pour nombre de responsables politiques européens, il est encore impossible de redonner à l’Allemagne son entière souveraineté. L’Autorité internationale de la Ruhr, créée en partie pour ces raisons afin de contrôler le cœur industriel allemand, est mal perçue en Allemagne. La CECA devient une solution acceptable par tous à ce problème. Pour les Allemands, elle met un terme aux activités de l’AIR16. Deux des délégués allemands auprès de l’AIR seront par la suite nommés à la Haute Autorité : Franz Blücher et Heinz Potthoff. Ce dernier exprime d’ailleurs un sentiment partagé par de nombreux responsables allemands de l’époque : « Je plaçais mes espoirs dans l’aboutissement positif et rapide des négociations concernant le plan Schuman qui aboutiraient ainsi à la dissolution de l’Autorité de la Ruhr.17 »
12L’engagement européen des futurs membres de la Haute Autorité et la participation aux débuts de la construction européenne sont donc de nature variable : de la conviction idéologique profonde à l’approbation simple des actes fondateurs. Une nomination à la Haute Autorité ne résulte pas forcément d’un engagement européen antérieur. La part de l’idéal politique dans les choix de chacun est inégale. Membre de la Haute Autorité : est‑ce une fonction comme une autre ? Est-ce une promotion ? Une voie de garage ? Là encore, les situations sont différentes selon les hommes.
La Haute Autorité : hasard, nécessité ou volonté ?
Une aventure tentante
13La séance d’inauguration de la Haute Autorité de la CECA a lieu le 10 août 1952 à Luxembourg. La nomination des premiers membres de la Haute Autorité diffère des suivantes : une nomination à Luxembourg est alors un saut dans l’inconnu. Il n’existe pas d’institution comparable à celle qui voit le jour en 1952 ; la carrière européenne n’existe pas encore. Interrompre une carrière administrative ou politique nationale peut représenter un risque. Et si la CECA échouait ? Tous les politiques ou presque hésitent et les chefs de gouvernement qui proposent le poste essuient de fréquents refus. L’enthousiasme n’est que modéré à l’idée d’abandonner des fonctions de ministres ou de députés chèrement acquises pour s’éloigner des centres du pouvoir vers la petite capitale un peu provinciale de Luxembourg. D’ailleurs, les membres de la Haute Autorité issus du monde politique sont moins nombreux au début (trois en moyenne jusqu’en 1959 et cinq ensuite).
14Le gouvernement belge propose ainsi le poste à plusieurs de ses ministres – Van Zeeland, Duvieusart et Eyskens – avant de songer à Albert Coppé. Jeune ministre, proeuropéen, il n’est pas parmi les figures les plus en vue du gouvernement belge. Au début de l’année 1952, il avait dû laisser sa « couronne d’épines18 » (le ministère des Affaires économiques) au moment de la démission du gouvernement Pholien. Jean Van Houtte, le nouveau Premier ministre démocratechrétien, nomme Jean Duvieusard aux Affaires économiques et place Albert Coppé à la tête du ministère de la Reconstruction, sept ans après la fin de la guerre. Il sera le dernier ministre de la Reconstruction. Au cours de l’été 1952, quelques jours avant la première réunion de la Haute Autorité à Luxembourg, le chef du gouvernement belge propose la vice-présidence de la Haute Autorité à Albert Coppé qui accepte. En Italie aussi, plusieurs personnalités sont approchées mais elles refusent, comme Paolo Emilio Taviani. Finalement, le gouvernement se tourne vers Enzo Giacchero. Son engagement précoce et profond en faveur de la construction européenne le conduit à accepter immédiatement le poste, lui qui milite pour l’Europe depuis 1947. La part de l’idéal semble dans son cas l’emporter sur les considérations de carrière. Député depuis 1946, mais sans avoir eu de responsabilités ministérielles, il n’est qu’un homme politique de second rang au sein de la DC et un départ pour Luxembourg ne représente pas un risque démesuré pour lui.
15Les nominations les plus aisées concernent les diplomates : Albert Wehrer, Dirk Spierenburg, Johannes Linthorst Homan. Ils sont certains de retrouver, quoi qu’il se passe, un poste dans la diplomatie de leur pays. La Haute Autorité est une aventure tentante, surtout pour les deux premiers déjà impliqués dans la CECA avant même sa création. Tous deux ont dirigé les délégations de leur pays aux négociations du Plan Schuman. D’autres personnalités acceptent même avec enthousiasme le poste qui leur est offert, pour des raisons et des motivations différentes. La Haute Autorité offre aux syndicalistes (Paul Finet et Heinz Potthoff surtout) une promotion sociale indéniable. Grâce à elle, ces responsables syndicaux, même connus et reconnus, vont disposer de responsabilités politiques et d’une visibilité nouvelles sur la scène internationale. L’aventure est également tentante pour Léon Daum, grand patron de la sidérurgie française âgé de 65 ans. Les milieux industriels français sont consternés par la création de la CECA et leurs inquiétudes sont fortes face à une communauté qui leur semble dirigiste. Le gouvernement français trouve une solution pour les apaiser : prendre l’un des leurs au sein de la Haute Autorité, comme « une compensation offerte aux sidérurgistes19 ». Au moment du choix des membres français de la Haute Autorité, Antoine Pinay est président du Conseil et connaît Léon Daum. Pinay est en effet maire de Saint-Chamond où se trouve l’une des usines de Marine. Par ailleurs, Léon Daum est déjà âgé et son avenir au sein de la Compagnie des forges et aciéries de la Marine et d’Homécourt, dont il est directeur général depuis 1927, semble limité. Son patron, Théodore Laurent, à plus de 80 ans, est toujours président. La succession semble encore lointaine. En effet, « le problème le plus ardu de la carrière industrielle de Léon Daum fut toutefois Théodore Laurent lui-même.20 » C’est ainsi qu’il accepte de quitter ses nombreuses fonctions et de se lancer dans l’aventure européenne. Cette nomination rassure le patronat. Le président de la Chambre syndicale de la sidérurgie française, dont les attaques étaient particulièrement virulentes, écrit à Léon Daum pour lui exprimer son soulagement : « Maintenant que tu es irrévocablement désigné comme représentant de la France au sein de la Haute Autorité, je dois […] te dire combien la sidérurgie française t’est reconnaissante du sacrifice que tu as consenti en acceptant tes nouvelles fonctions.21 »
16Par ailleurs, ce qui n’est pas forcément le cas de Léon Daum, une nomination à la Haute Autorité peut représenter un intérêt financier non négligeable. Le revenu moyen annuel d’un membre de la Haute Autorité22 est d’environ 20 000 UC (unités de compte de l’Union européenne des paiements) pour les présidents et vice-présidents, de 15 000 pour les autres23. Ces chiffres comprennent le traitement annuel, l’indemnité de résidence (15 % du traitement) et l’indemnité de représentation (20 % et 10 % du traitement). Ils bénéficient en outre de nombreux avantages liés à leur fonction (voiture avec chauffeur, allocations familiales, frais d’installation, exonération fiscale). On peut dire que globalement leurs revenus sont légèrement supérieurs à ceux des plus hauts fonctionnaires nationaux. À l’origine, de tels salaires avaient pour but de rendre la fonction attractive, d’attirer des personnalités d’importance : « Jean Monnet avait tenu à fixer les traitements des membres à un niveau élevé afin qu’ils compensent des ennuis matériels et autres inconvénients divers afférents à cette carrière. Il espérait fournir aussi une garantie supplémentaire en faveur de l’indépendance.24 »
Faute de mieux…
17Quelques années plus tard, intégrer la Haute Autorité ne procède plus des mêmes motivations. D’autres communautés sont nées et une carrière européenne est envisageable même si elle est souvent perçue comme un « faute de mieux » honorable pour les politiques par rapport à la carrière nationale. Ceux qui occupent des positions confortables dans leur pays refusent toujours de partir pour Luxembourg, d’autant plus que l’institution est vouée à disparaître dans la fusion des exécutifs des trois communautés. En revanche, la Haute Autorité peut représenter un nouveau souffle pour les personnalités dont la carrière est en perte de vitesse ou dans l’impasse. Il en est ainsi par exemple de Pierre-Olivier Lapie, Piero Malvestiti, Franz Blücher ou même René Mayer.
18La situation politique de Pierre-Olivier Lapie en 1959 est bien différente de celle d’après guerre. Député de Lorraine depuis 1936, il n’est pas réélu aux élections de 1958. Il est en désaccord avec son parti, la SFIO. Le général de Gaulle instaure la Ve République. L’avenir politique de Pierre-Olivier Lapie, sans mandat électoral, est limité. Même si le général de Gaulle lui confie une mission sur l’enseignement, il doit rebondir. La Haute Autorité doit être renouvelée en février 1959. Pierre‑Olivier Lapie envisage alors une nomination à Luxembourg comme un second souffle politique. Il fait du lobbying auprès du gouvernement, alors dirigé par Michel Debré. Il se place en candidat idéal et critique les Français de la Haute Autorité. Il explique sa situation au général de Gaulle lors d’un entretien le 28 janvier 1959 :
J’ai à vendre mon ours et je le fais. J’explique l’Europe, les conseils européens, ma politique, l’absence de Français capables à la Haute Autorité, chez les fonctionnaires depuis le départ de Delouvrier, à l’Assemblée avec la nouvelle représentation. Il [le général de Gaulle] prend des notes, sur les noms (Reynaud, Daum)25.
19Pierre-Olivier Lapie poursuit sa campagne le lendemain lors d’une entrevue avec Michel Debré :
Je viens uniquement lui parler de ma candidature à la CECA. J’ai vu de Gaulle la veille, son chef de cabinet Racine, deux jours avant, Couve en décembre, Jeanneney la semaine précédente – et, lui ai écrit une lettre de candidature afin qu’il ne dise pas, si l’affaire vient en Conseil des ministres ‘On ne m’a parlé de rien.’ […] Me dit que Daum ne veut plus partir, lui a écrit dans ce sens. Mais que lui le convoque dans huit jours, avec, autant que je comprenne, la volonté de la faire partir – et ce serait pour moi26.
20Les manœuvres et pressions politiques arrivent à leurs fins : Léon Daum démissionne et Pierre-Olivier Lapie le remplace début 1959.
21René Mayer est un peu dans le même cas de figure. Sur le plan national, après l’échec de son gouvernement en 1953, les perspectives politiques ne sont pas enthousiasmantes pour cette figure pourtant importante de la vie politique de l’après-guerre : opposition à Pierre Mendès-France et exclusion du parti radical-socialiste, élections impossibles dans sa circonscription algérienne du fait de la guerre ; 1954 et 1955 sont de mauvaises années pour lui. En 1955, la CECA se cherche un nouveau président depuis l’année précédente. Le mandat de Jean Monnet a expiré en 1954 mais les gouvernements ont beaucoup de difficultés à s’entendre. Tous les gouvernements sont d’accord pour reconduire Jean Monnet dans ses fonctions, tous sauf le gouvernement français. Le nom de René Mayer est alors avancé et accepté pendant la conférence de Messine. Cette nomination à la Haute Autorité tombe à point nommé pour René Mayer qui, sur la scène politique nationale, se trouve soudainement à l’écart : de l’Assemblée, de son parti, des gouvernements. Trois ans auparavant, en 1952, il avait été pressenti pour la présidence de la Cour européenne de justice27. Il avait refusé pour la raison contraire : son avenir politique offrait de nombreuses possibilités, dont celle de devenir président du Conseil.
22Franz Blücher est dans une situation similaire à celle de Mayer et Lapie. Sa carrière avait pourtant bien commencé après la guerre : il était à l’origine du renouveau du parti libéral et occupait la vice-chancellerie de la RFA. La suite ressemble bien plus à un fiasco politique : il perd les rênes du FDP en raison de luttes intestines et fonde un petit parti (FVP – Freie Volkspartei) qui lui fait tout perdre : siège de député, fauteuil de ministre. Grâce à de bonnes relations avec Konrad Adenauer, il est nommé à la Haute Autorité de la CECA. Les liens personnels et politiques avec les hommes au pouvoir permettent souvent de mieux négocier ces fins de carrière difficiles. Il en va de même pour Piero Malvestiti, député de la DC depuis la fin de la guerre et ministre à plusieurs reprises. Au milieu des années cinquante, il a perdu la plupart des appuis politiques qui lui confiaient ministères et responsabilités politiques. Ce n’est qu’avec le retour de Pella au ministère des Affaires étrangères (1957-1958) que Piero Malvestiti entrevoit la possibilité de relancer sa carrière. Sur le plan national, les opportunités ne se présentent pas. Avec son ami Pella aux Affaires étrangères, les institutions internationales lui sont ouvertes. Pella lui propose ainsi la vice-présidence de la Commission de la CEE début 1958 avant de lui offrir la présidence de la Haute Autorité en 1959.
23Les appuis politiques sont importants de même que les réseaux de connaissances qui conduisent à la Haute Autorité. Le cas le plus explicite est celui de la « filière Etzel », développée dans le chapitre suivant. Trois Allemands de la CDU se succèdent à Luxembourg : Franz Etzel, Fritz Hellwig, Karl-Maria Hettlage. Franz Etzel, dont le poids politique est plus important, entraîne avec lui, au ministère des Finances ou dans son sillage à la Haute Autorité, les deux autres. Là encore, l’appui politique est déterminant. C’est Franz Etzel qui suggère à Konrad Adenauer le nom de Fritz Hellwig après le décès de Franz Blücher en 1959. Hellwig hésite malgré son engagement proeuropéen depuis le début des années cinquante. Le contexte politique allemand semble être favorable à la poursuite d’une carrière nationale. Au printemps 1959, la vie politique est agitée autour de la « Präsidentschaftskrise28 ». Adenauer a annoncé son retrait de la chancellerie pour briguer la présidence de la République. Ludwig Erhard, alors tout puissant ministre de l’Économie, est fortement pressenti pour lui succéder. À ce moment-là, Fritz Hellwig est régulièrement évoqué pour succéder à Erhard au ministère de l’Économie. Il n’a jamais occupé de fonction ministérielle et succéder à Erhard à la tête de ce grand ministère aurait été une opportunité à saisir. Mais Adenauer décidant finalement de rester, chacun reprend sa place et la nomination à la Haute Autorité apparaît alors plus attractive. Fritz Hellwig décide donc de partir pour Luxembourg.
24Le cas de Karl-Maria Hettlage est une nouvelle fois un peu à part. L’expert financier du ministère de l’Armement du Reich a retrouvé le chemin des ministères après une période d’« adaptation » professionnelle. Non élu, il est secrétaire d’État aux Finances dans le ministère de Franz Etzel. « C’était le but de sa vie professionnelle : secrétaire d’État aux Finances.29 » En 1961, le départ de Franz Etzel du ministère des Finances place Hettlage dans une situation délicate. Il ne s’entend pas avec son nouveau ministre, le libéral Heinz Starke. Par dépit, il accepte la nomination que lui propose – impose – Konrad Adenauer. Partir pour la Haute Autorité de la CECA n’entre vraiment pas dans les projets et les ambitions de Hettlage. « Starke n’a été ministre des Finances qu’une petite année. J’avais jeté l’éponge deux semaines trop tôt. Le Conseil des ministres de la CECA me nomma membre de la Haute Autorité à Luxembourg le 14 octobre 1962.30 » Il est trop tard pour revenir en arrière. Son mandat à la Haute Autorité semble n’être qu’une parenthèse puisque, dès son retour en Allemagne en 1967, il retrouve avec bonheur les fonctions qui lui correspondent le mieux, celles de secrétaire d’État aux Finances. Son arrivée à Luxembourg ne passe pas inaperçue. Le scandale éclate dans la presse dix jours après sa nomination. La presse révèle alors son ancienne appartenance à la SS. De nombreux journaux européens se font l’écho de ce scandale. Par exemple, dans la dernière semaine d’octobre 1962, le journal belge Le Peuple publie plusieurs articles sur le sujet :
Un ex-SS à la tête de la CECA ? […] ‘La voix internationale de la Résistance’ nous informe que d’après ses archives, un Dr Karl Hettlage, né le 28 novembre 1902, aurait adhéré en 1936 à la SS sous le matricule 276.909 pour être affecté, à partir de 1938, à l’état-major du quartier général de la SS où il fut nommé capitaine31.
25Les informations relatées dans la presse sont assez superficielles et exagérées, voire fausses, mais le scandale est là. Hettlage et le gouvernement allemand réagissent mollement en déclarant qu’il ne s’agissait que d’une appartenance d’honneur à la SS et qu’un tribunal de dénazification l’a blanchi en 1948. Les choses en restent là, l’affaire étant vite oubliée.
26Après cet examen détaillé des nominations des uns et des autres, une question se pose : les membres de la Haute Autorité sont-ils choisis en fonction de leur compétence ? Faut-il connaître l’un des deux secteurs de la CECA (charbon et acier) pour être nommé à la Haute Autorité ? Pas forcément. Certains viennent directement des milieux concernés par la CECA, comme Léon Daum, qui dirige jusqu’en 1952 une entreprise sidérurgique. Le premier syndicat de Paul Finet est celui des métallurgistes de Charleroi. De même, Heinz Potthoff adhère initialement au syndicat de la métallurgie, le Deutscher Metallarbeiter-Verband. Jean Fohrmann est serrurier dans une aciérie avant de devenir responsable de la CGTL. Fritz Hellwig connaît également la sidérurgie. Il a longtemps travaillé pour la chambre de commerce de Sarrebruck, en lien avec la sidérurgie locale. De plus, pendant son service militaire, il a étudié les questions sidérurgiques à l’Est de l’Europe tout d’abord, puis pour les régions de la Sarre, de la Lorraine et de l’Alsace. Albert Coppé est spécialiste universitaire des questions charbonnières. Sa thèse de doctorat en sciences économiques porte sur les Problèmes d’économie charbonnière, essai d’orientation économique et il s’est régulièrement préoccupé, notamment en tant que ministre, des charbonnages belges. Par ailleurs, son père possédait une entreprise d’exportation de charbon. On le voit, les liens peuvent être de nature très différente : travailleur et responsable syndical, patron, universitaire. Cependant, il est certain que leur connaissance des secteurs, surtout pour les syndicalistes, est importante. Roger Reynaud n’est certes pas issu d’un syndicat représentant l’un des deux secteurs ; on peut toutefois imaginer que pour les trois autres syndicalistes, le fait de venir des secteurs de la CECA compte dans leur nomination. Sur l’ensemble des membres de la Haute Autorité, ils ne sont donc que six à connaître, plus ou moins bien, les domaines du charbon ou de l’acier. S’ajoute à la liste Albert Wehrer qui, en raison de ses liens avec l’Arbed, connaît vraisemblablement bien la sidérurgie luxembourgeoise. Les autres n’ont pas de lien direct avec les deux secteurs, même si Franz Blücher a eu l’occasion de se pencher sur des problèmes proches lors de son mandat à l’Autorité internationale de la Ruhr. Les diplomates (Wehrer, Homan), les politiques italiens (Giacchero, Malvestiti, Del Bo) ou français (Lapie, Mayer) par exemple n’ont pas une connaissance spécifique de la sidérurgie ou du secteur charbonnier. Dino Del Bo, lorsqu’il est nommé président de la Haute Autorité, ne connaît presque rien au charbon, à l’acier et à la CECA. Avant de partir pour Luxembourg, il s’enferme chez lui à Milan pendant deux semaines avec le traité CECA. Il l’étudie afin de connaître le texte lors de sa prise de fonction et de comprendre les mécanismes de l’institution qu’il va diriger32. Beaucoup sont juristes et les questions de droit sont particulièrement importantes pour la direction d’une communauté européenne. Elle est régie par un traité qui établit les limites juridiques des compétences de la Haute Autorité et des États. Il faut ajouter que les membres de la Haute Autorité sont entourés d’un grand nombre d’experts et conseillers qui viennent pallier la méconnaissance de problèmes de toutes sortes.
La défense d’une Europe
Le modèle CECA
27Si les pensées et conceptions européennes de chacun des membres de la Haute Autorité sont différentes avant leur arrivée à Luxembourg, ils s’alignent ensuite sur des positions communes et défendent avant tout la vision de l’Europe portée par la Haute Autorité et la CECA. Ils sont les premiers à défendre l’intégration européenne et la supranationalité.
28La Haute Autorité de la CECA est originale au regard de la construction européenne. La supranationalité, inscrite dans le traité, constitue sa force. C’est aussi son point faible puisqu’elle est combattue par les dirigeants européens de tous bords dès la mise en place de la première communauté. L’expérience supranationale est assez unique et la Haute Autorité en est le symbole. Les hommes qui participent à cette expérience deviennent les défenseurs du modèle CECA, quand bien même ils n’en étaient pas convaincus auparavant. Ils viennent d’horizons nationaux, ont connu les nationalismes exacerbés d’avant 1945 et en ont même parfois été des acteurs directs. L’évolution de leur pensée politique est marquée par la Haute Autorité, par le traité qu’ils font appliquer et qu’ils défendent. Ils appartiennent à la génération d’hommes qui est passée du national à l’international, voire du nationalisme au supranational. Certains se sont déjà engagés en faveur de l’Europe et de la construction européenne avant la Haute Autorité. Pour les fédéralistes comme Enzo Giacchero ou Johannes Linthorst Homan, la supranationalité fait partie intégrante de leurs conceptions de l’Europe au sens où « l’idée de base […] est, en tout cas, la formation à partir d’unités politiques qui s’entendent, d’une nouvelle unité ayant sa propre autorité […].33 »
29D’autres arrivent à Luxembourg avec des réticences vis-à-vis du supranational. Albert Coppé est par exemple plus proche des partisans d’une collaboration européenne et internationale, sans délégation de souveraineté. Jean Monnet voit même arriver, en 1952, ce professeur d’économie libérale avec quelques craintes :
Seul, Albert Coppé semblait poser un problème. […] on pouvait se demander, à l’entendre, s’il ne répudiait pas tous les principes de la communauté qu’il devrait faire fonctionner. En réalité, il fut surtout un bon élève et reconnut bientôt avec beaucoup de naturel, que ses méfiances premières n’étaient pas fondées : venu pour défendre les intérêts de son pays qui se croyait menacé par le poids des grands, il devint un des plus ardents défenseurs du traité et de la règle de la majorité34.
30C’est effectivement en travaillant à la Haute Autorité qu’Albert Coppé devient défenseur d’une Europe supranationale, d’une communauté européenne forte gouvernée par la règle de la majorité. Dans les années soixante-dix, il espère « la transformation de nos structures actuelles qui sont des structures de supranationalité plutôt faibles et nues vers un fédéralisme plus prononcé […].35 » L’idée supranationale est généralement combattue et les membres de la Haute Autorité sont souvent les seuls responsables politiques à la soutenir. La peur des « internationaux » de voir des institutions supranationales imposer des décisions allant à l’encontre des intérêts nationaux est pour Albert Wehrer sans fondement :
Voilà bientôt cinq ans que la Haute Autorité de la CECA a été appelée à appliquer les pouvoirs supranationaux dont le traité l’a investie. A‑t‑elle jamais, par une implication intempestive et inconsidérée de ses pouvoirs supranationaux, mis en danger l’intérêt vital des pays sous sa juridiction36 ?
31Pour beaucoup d’entre eux, la CEE est un recul par rapport à la CECA, en raison de la limitation des pouvoirs de la Commission. La CECA, pour René Mayer, « a dû faire le ‘rodage’, si j’ose dire, des institutions supranationales. […] La réalisation de l’idée nous assigne une tâche permanente. Défendre ce qui a été réalisé.37 » La Commission de la CEE est plus limitée en pouvoirs supranationaux que la Haute Autorité mais elle a encore une marge de manœuvre face aux États ; les Européens doivent être vigilants et « s’opposer aux tentatives éventuelles d’affaiblissement, de limitation, de blocage de l’idée de supranationalité.38 » Avec la perspective de fusion des exécutifs au début des années soixante, l’empreinte supranationale de la Haute Autorité semble vouée à disparaître. Dino Del Bo, qui prend ses fonctions de président en 1963, estime qu’il est encore possible de la conserver :
Elle ne doit aucunement renoncer, parce que le caractère supranational qui caractérise la Haute Autorité et qui, en un certain sens, la distingue d’une manière positive des exécutifs des deux autres communautés, doit être sauvegardé coûte que coûte […]39.
32Seul Fritz Hellwig ne reproche pas à la Commission la perte de supranationalité par rapport à la Haute Autorité, notamment parce qu’il devient commissaire européen en 1967 et que là aussi, il défend l’institution à laquelle il appartient. Pour lui, un marché commun du charbon et de l’acier ne peut pas avoir les mêmes structures qu’un marché commun global. « Combien d’interlocuteurs dénombraient-ils pour le charbon et l’acier ? Comparez avec l’ensemble de l’économie !40 »
33Léon Daum, qui découvre réellement l’idée européenne en arrivant à la Haute Autorité en 1952, se fait également le défenseur des principes de la CECA tout au long de son mandat. Il défend l’intégration européenne, seule capable d’apporter une amélioration politique et économique sur le continent. Au moment de son départ en 1959, il reçoit un courrier de Michel Debré, premier ministre et adversaire du modèle de la CECA. « Je suis un adversaire résolu de la supranationalité : je crois en effet que la supranationalité tourne le dos à l’organisation européenne en méconnaissant cette réalité fondamentale qui est à la fois la base de la politique et même de la morale publique : la nation.41 » Aussitôt, Léon Daum envisage de lui répondre et suggère la nuance :
Vous reconnaîtrez que nous n’avons pas fait un grand étalage des pouvoirs technocratiques que l’on s’effrayait de nous voir prendre. Mais ne reste-t-il pas, entre les nations souveraines et entre les gouvernements responsables, un rôle d’harmonisation, de suggestion, et sans doute même d’arbitrage, pour éviter que des questions se bloquent, qu’un seul partenaire empêche les solutions42 ?
34À la lecture du parcours de Léon Daum jusqu’en 1952, il est presque étonnant qu’un grand patron de la sidérurgie adopte avec autant de facilité des points de vue contraires à ceux de la majorité de ses confrères.
35Car il s’agit bien de cela à propos des membres de la Haute Autorité : ils adoptent une vision de l’Europe qui est celle que proposent les principes fondateurs de l’institution qu’ils incarnent. On constate, et ce n’est pas propre à la Haute Autorité, que les élites de façon générale ont tendance à s’identifier à l’institution pour laquelle elles travaillent. Les affinités politiques et intellectuelles d’origine deviennent secondaires43. Cela peut expliquer l’absence de conflits idéologiques sérieux au sein de la Haute Autorité, pourtant composée de personnes issues d’horizons très différents. Ses membres s’identifient à l’institution qu’ils représentent et c’est elle, avec le traité qui la constitue, qui devient l’objet politique à défendre. D’autres éléments renforcent cette identification et seront décrits dans le chapitre suivant (sentiment d’appartenir à la même famille et d’être, qui plus est, à l’origine de la création de la famille européenne en tant que précurseurs).
36La défense du modèle CECA n’est pas uniquement perceptible pendant la durée de leur mandat. Par la suite, presque tous entretiennent leur européisme, qu’il soit né à la Haute Autorité ou auparavant. Les contacts se maintiennent et les échanges sur l’Europe, entre individus et entre mouvements européens, sont alimentés par des correspondances, des conférences, des écrits sur les sujets européens. L’une des plaques tournantes de cette activité européenne est le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe de Jean Monnet. Curieusement, seuls deux membres de la Haute Autorité en sont adhérents : Franz Etzel entre 1962 et 1965 et Jean Fohrmann, présent dès la création du comité, entre 1955 et 1967. Si les autres n’y adhèrent pas, ils restent bien souvent en lien avec Jean Monnet et le Comité, comme l’atteste la volumineuse correspondance conservée à la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, à Lausanne. Jean Monnet a créé le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe après avoir quitté la présidence de la Haute Autorité afin de mieux influer sur le débat européen dont les orientations s’éloignent rapidement du premier modèle proposé, la CECA.
37La défense du modèle CECA est affirmée avec force par les membres de la Haute Autorité. Mais quel est l’impact réel d’un tel discours ? Il semble négligeable sur le processus de construction européenne : les décisions en la matière ne sont pas prises à Luxembourg.
Le débat sur la CED
38Le contexte favorable à la construction européenne du début des années cinquante a changé dès les années qui suivent la signature du traité de Paris. La bataille de la Communauté européenne de défense en est un exemple frappant. Élaboré dans l’élan de la CECA, le traité prévoyant la création d’une armée européenne commune rencontre de fortes oppositions. Les débats de ratification donnent lieu à des prises de position tranchées, en particulier en France où la CED rencontre le plus d’opposition. Les critiques viennent de l’opinion publique et de nombreux responsables politiques. Faire une armée commune entre soldats français et allemands est impossible à envisager pour beaucoup. De plus, perdre de sa souveraineté pour permettre le réarmement allemand est présenté comme un sacrifice par les adversaires de la CED. L’opposition cédistes-anticédistes dépasse largement le clivage des partis. Les anticédistes, outre les communistes et les gaullistes, se comptent parmi les rangs des socialistes et des radicaux.
39Des personnalités favorables à la CECA peuvent ainsi être opposées à la CED. Pierre-Olivier Lapie, qui n’est pas encore membre de la Haute Autorité, est l’un d’eux. Pendant les débats à l’Assemblée nationale, « je centrai toute mon activité sur la lutte contre le projet de traité de Communauté européenne de défense. Sur le fond, il me paraissait inadmissible de commencer l’Europe par une Europe militaire, qui engagerait le politique et l’économique.44 » Anticédiste, il ne veut pourtant pas être qualifié d’antieuropéen : « Il ne faut pas dire que celui qui est contre la CED est contre l’Europe. Faire une Europe, oui, mais pas l’Europe qu’on nous propose aujourd’hui.45 » Pour lui, l’armée européenne « aurait dû être la dernière attribution de souveraineté car c’est la plus difficile, la plus sentimentale à bâtir.46 » Il s’exprime plusieurs fois à l’Assemblée nationale pour critiquer la CED. Le 18 novembre 1953, il s’adresse directement au ministre des Affaires étrangères, Georges Bidault, en lui demandant de poursuivre la construction européenne par paliers. Il propose que les Européens élaborent avant toute communauté européenne de défense une communauté d’armement, comprenant tout ce qui est matériel, « tout ce qui ne touche pas les fibres les plus sensibles des humains.47 » C’est en résumé la proposition de Pierre-Olivier Lapie : créer une communauté européenne de l’armement et non une armée européenne. Ce n’est pas la position de tous les socialistes. Pierre-Olivier Lapie s’oppose ainsi à Guy Mollet au sein de son parti. L’opposition d’une partie des socialistes, s’ajoutant aux adversaires traditionnels de la construction européenne (gaullistes et communistes), fait pencher la balance lors du vote de ratification en août 1954. L’échec de la CED est très mal vécu par les proeuropéens de tous bords et met temporairement un terme aux efforts d’unification de l’Europe occidentale.
40Parmi les membres et futurs membres de la Haute Autorité, Pierre‑Olivier Lapie est le seul à s’opposer visiblement à la CED. René Mayer, au plus près du pouvoir depuis l’après-guerre, est partie prenante dans le traité de la CED, tout comme il l’avait été pour le traité CECA. Il est membre du gouvernement qui élabore la proposition. Lorsque René Mayer est président du Conseil, entre janvier et mai 1953, il défend – parfois avec prudence en raison de la précarité du poste et de la sensibilité du sujet – le traité devant l’Assemblée et au sein du parti radical, lui aussi divisé sur la question. Par la suite, comme député, il s’exprime plus fortement en faveur du traité tout en le présentant comme un moindre mal face à un possible réarmement allemand unilatéral. « Nous préférons, parce que c’est plus honnête, que ce réarmement ait lieu dans le cadre d’une communauté de défense qui rende impossible l’armée nationale allemande autonome, laquelle serait aussi dangereuse pour la démocratie que pour la paix.48 »
41Les membres en place à la Haute Autorité au moment de l’échec de la CED sont profondément déçus, à l’instar de Franz Etzel :
Le coup de tonnerre hallucinant du vote survenu le 30 août 1954 au sein de l’Assemblée nationale française vint détruire les espoirs mis dans la création de l’Europe. Mais ce n’était pas seulement la CED, qui aurait permis la constitution d’une armée européenne, qui se trouvait ainsi réduite à néant. Une déception générale s’étendit comme un voile sombre sur les chantiers de la construction de l’Europe. Des centaines et des centaines de collaborateurs des états-majors et des autorités en cours de constitution réintégrèrent leurs administrations nationales et, à l’Est, on vit triompher ceux qui n’avaient guère osé espérer cette défaite des forces libres de l’Europe49.
42Pour Albert Coppé, la CED allait de soi, « dans la foulée de la CECA50 », mais « les Français n’étaient pas mûrs pour européaniser leur armée.51 » Et Enzo Giacchero déplore que « la Communauté [soit] tombée dans une tempête de dépression européenne dont la victime principale a été la CED.52 »
43Le débat suscité par la CED reflète celui qui voit le jour dans les années cinquante à propos de la construction européenne en général. Deux conceptions s’affrontent dans le but d’imposer la marche à suivre dans la construction de l’Europe. La première de ces tendances est symbolisée par la CECA dont elle est le résultat. Cette vision de l’Europe, défendue notamment par Jean Monnet et les mouvements fédéralistes, prône une intégration européenne forte, étape par étape, dans le but d’aboutir à une véritable fédération politique des États européens. La seconde tendance refuse la perte de souveraineté nationale inhérente à une fédération d’États et veut s’en tenir à une coopération européenne et internationale. Ses défenseurs adoptent une vision fonctionnaliste de la construction européenne. En 1950, une intégration européenne par secteurs et la perte de souveraineté sont acceptées par une majorité. Avec l’échec de la CED, cette conception de l’Europe va être remise en cause. La supranationalité, qui est l’originalité de la première communauté européenne, devient « persona non grata » dans les projets européens. Le traité de la CEE en est l’illustration. Les membres de la Haute Autorité, qui défendent leur modèle d’Europe, s’opposent à la tendance fonctionnaliste qui gagne du terrain chez les dirigeants européens.
Quelle construction européenne ?
44La lutte idéologique que se livrent les deux camps peut être symbolisée par une querelle entre deux hommes : Franz Etzel, alors vice-président de la Haute Autorité et Ludwig Erhard, ministre de l’Économie de la RFA. Pendant plusieurs années, les deux hommes vont tenter de faire prévaloir leur point de vue auprès de Konrad Adenauer et du gouvernement allemand. La controverse naît dans le contexte de l’échec de la CED. En effet, la non ratification du traité pose avec force la question de l’avenir de l’Europe, de l’avenir et de l’évolution de la construction européenne. Au début des années cinquante, la CECA, puisqu’elle est la seule véritable institution commune qui fonctionne, peut être perçue comme le modèle à suivre pour continuer l’intégration européenne. Franz Etzel s’exprime dans ce sens, le 12 octobre 1954 :
La volonté des peuples européens de sauvegarder leurs intérêts commerciaux par une solidarité de fait, qui implique en même temps la réconciliation de la France et de l’Allemagne, se réalisera de la façon la meilleure, la plus certaine et la plus irrévocable par une intégration supranationale nantie de droits souverains propres53.
45Les conséquences que tire de l’échec de la CED Ludwig Erhard sont tout autres :
J’ai expliqué que les instances qui réduisent la liberté de décision nationale apparaissent comme problématiques, du fait des susceptibilités de chaque État européen et du fait du concept complexe de souveraineté […]. J’ai toujours été convaincu que l’intégration européenne devait reposer moins sur l’institution que sur la fonction54.
46Sa conception de l’Europe repose sur une vision fonctionnaliste : les économies nationales se rapprochent et les États élaborent des règles communes. Tout en reconnaissant les succès de la CECA, Erhard refuse un élargissement de ses compétences ; il refuse aussi que l’intégration économique par secteurs soit prise comme modèle pour la politique européenne future.
47Ses prises de position, notamment dans un discours qu’il tient le 7 décembre 1954 devant 300 entrepreneurs parisiens au club « Les Échos », alarment considérablement Franz Etzel. Ce dernier écrit alors à Erhard :
Je [suis] très déçu de vos propos. Je vous rappelle notre dernier repas à Bonn, au Königshof, où nous nous étions entretenus du rapport entre intégration institutionnelle et intégration fonctionnelle. Vous-même en aviez conclu […] que les intégrations fonctionnelle et institutionnelle devaient aller ensemble. […] Nous sommes tous ici à Luxembourg convaincus que la CECA ne doit pas rester la seule forme d’intégration. Nous sommes tous convaincus que dans la durée seule l’intégration institutionnelle peut conduire au succès. On ne doit pas renoncer à l’idée que l’intégration doit se poursuivre55.
48De toutes les idées brassées entre 1954 et 1955 est élaboré un plan, dit le « plan Etzel » (avril 1955). Il reprend les idées de Monnet et du plan Beyen de l’intégration par secteur dans un marché commun – les secteurs de l’énergie atomique et des transports étant les premiers à devoir entrer dans le marché commun. Le texte préconise la création d’organes supranationaux établissant des règles économiques communes et surveillant le respect de ces mêmes règles.
49La controverse s’amplifie, en 1955, au moment de la conférence de Messine dont l’objectif est de relancer la construction européenne. L’élaboration d’une position commune entre dirigeants allemands, qui serait la voix de l’Allemagne sur la scène européenne, s’avère complexe. Dans un mémorandum de mai 1955, publié pour la conférence de Messine, le compromis semble avoir été trouvé. Cependant, les interprétations de ce texte sont bien différentes d’un camp à l’autre. Jean Monnet y voit un recul du gouvernement allemand. Il écrit à Konrad Adenauer, dans une lettre du 31 mai 1955 :
Les propositions allemandes visent simplement à revenir à une coopération économique entre États souverains : un tel procédé ne peut pas engendrer les changements nécessaires à l’avenir de l’Europe car il entre inévitablement en conflit avec les intérêts nationaux de chaque pays56.
50Franz Etzel interprète le texte d’une autre manière. « Le gouvernement fédéral s’est déclaré ouvertement et formellement en faveur de la poursuite de la politique d’intégration que ce soit à Bruxelles ou à Messine et nous, en tant qu’Allemands, travaillons pour la cause européenne […]57 » Dans une lettre adressée à Ludwig Erhard, il écrit : « On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de place dans ces propositions pour des institutions et des autorités supranationales. Les institutions et donc les autorités supranationales sont le but même de nos propositions. » Il termine en disant que son interprétation s’accorde avec celle du chancelier Adenauer : « Il m’a prié d’expliquer clairement à l’opinion publique que la politique d’intégration du gouvernement fédéral avec un transfert de souveraineté au niveau supranational restait le but de sa politique.58 » Les interprétations sont variables et rendent la position allemande assez ambivalente. L’unification de l’Europe occidentale était jusqu’alors, pour l’Allemagne, un moyen de retrouver une place sur la scène internationale. Le rétablissement démocratique et économique rapide du pays, son ancrage à l’Ouest, le soutien américain, les réticences d’une partie des dirigeants et du patronat peuvent être, entre autres, des facteurs de ce recul en matière de politique européenne.
51L’antagonisme entre les deux camps reprend de la vigueur lors des négociations de Val Duchesse, en 1956, pour finalement s’apaiser après la signature du traité de Rome. Les dés sont alors jetés. Le résultat de cette opposition, dont l’antagonisme Etzel-Erhard n’est qu’une illustration, est le compromis de la CEE. Avec l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir en France, le débat sera relancé avec force. L’Europe du général de Gaulle, qui est avant tout une Europe des États, entre en contradiction avec tous les efforts de construction européenne réalisés depuis 1950. Cette polémique Etzel-Erhard illustre par ailleurs les limites de l’influence de la Haute Autorité et de ses membres dans le processus. Face à des gouvernements dont les stratégies politiques son changeantes, la Haute Autorité a peu de poids. Ce sont principalement les États qui font ou défont la construction européenne et non les institutions européennes existantes.
Notes de bas de page
1 Jean Monnet, Mémoires, op. cit., p. 263.
2 Ibid., p. 249.
3 Raymond Poidevin, « René Mayer et la politique extérieure de la France (1943‑1953) », Revue d’histoire de la deuxième guerre mondiale et des conflits contemporains, avril 1984, n° 134, p. 73-74.
4 Jean Monnet, Mémoires, op. cit., p. 380.
5 Gilbert Trausch, L’Arbed dans la société luxembourgeoise, Luxembourg, Arbed, 2000.
6 René Leboutte, Jean Puissant et Denis Scuto, Un siècle d’histoire industrielle (1873-1973) Belgique, Luxembourg, Pays-Bas – Industrialisation et société, Paris, Éditions Sedes, 1998, p. 254.
7 Traité CECA, Convention relative aux dispositions transitoires, Troisième partie, Mesures générales de sauvegarde, article 31.
8 Jean Monnet, Mémoires, op. cit., p. 355-356.
9 Archives privées famille Coppé, texte d’Albert Coppé Herinneringen 1948-1968. Van economische unie naar politieke unie ?, p. 7
10 AHCE, INT613, interview d’Albert Coppé, 10 novembre 1998, p. 3.
11 Ibid., p. 6.
12 Archives de la Chambre des députés du Luxembourg, Compte-rendu des séances publiques/C-1951-O-042-0002/Discours de Jean Fohrmann du 13 mai 1952 sur le Plan Schuman.
13 Ibid.
14 Archives de la SFIO, 42e Congrès, 1950, 4e séance du 27 mai 1950, p. 232.
15 AHCE, CEAB2/765, intervention d’Enzo Giacchero à l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe, 5-15 mai 1951, p. 24.
16 Il est définitivement mis fin aux activités de l’Autorité internationale de la Ruhr le 27 mai 1952.
17 Heinz Potthoff, Zwischen Schlosserlehre und Europapolitik, op. cit., p. 119.
18 Jean-Claude Ricquier, « Où Albert Coppé donne libre audience à ses souvenirs – III. De la politique belge aux débuts de la CECA », op. cit., p. 18.
19 Philippe Mioche, « Le patronat de la sidérurgie française et le Plan Schuman en 1950‑1952 : les apparences d’un combat et la réalité d’une mutation », in Klaus Schwabe, Die Anfänge des Schuman-Plans 1950-1951 : Beiträge des Kolloquiums in Aachen, 28-30 mai 1986, Colloque du groupe de liaison des historiens auprès des Communautés, Baden-Baden, Nomos-Verlag, 1988, p. 314.
20 Roger Martin, Patron de droit divin, Paris, Gallimard, 1984.
21 In memoriam Léon et Jeanne Daum, recueil de documents issus des archives familiales établi par Noël Daum : lettre de J. Aubrun à Léon Daum, 9 août 1952.
22 CEAB2/684 : « Dispositions relatives aux traitements et indemnités du président et des membres de la Haute Autorité, des juges, des avocats généraux de la cour », 1952.
23 1 UC équivaut à 1 $ en 1952 ce qui signifie des traitements annuels d’environ 20 000 et 15 000 dollars de l’époque.
24 Nicole Condorelli-Braun, op. cit., p. 143.
25 CHAN, 331AP4, notes 1959.
26 Ibid.
27 Nicole Condorelli-Braun, op. cit., p. 112.
28 « Crise de la présidence ».
29 Entretien avec Peter Hettlage, 24 avril 2004, Königstein.
30 Archives privées Peter Hettlage, mémoires de Karl-Maria Hettlage.
31 Le Peuple, 26 octobre 1962, n° 257, p. 1.
32 Entretiens avec Francesco Mirabile, 12 novembre et 11 décembre 2003, Firenze.
33 AHCE, CEAB2/1399, discours de Johannes Linthorst Homan prononcé le 30 septembre 1965 au Deutsch-Amerikanisches Institut à Kassel, p. 1.
34 Jean Monnet, Mémoires, op. cit., p. 438.
35 Archives privées famille Coppé, interview d’Albert Coppé dans L’Europe des Européens, Maison de l’Europe de Bruxelles, 1969, p. 15.
36 AHCE, CEAB2/644, Albert Wehrer, « À propos de l’évolution institutionnelle des Communautés européennes », Bulletin de la Société belge d’études et d’expansion, août-octobre 1957, n° 177, p. 5.
37 Bibliothèque centrale des Communautés européennes, allocution de René Mayer lors de la remise de la médaille Robert Schuman, 1967, p. 46-48.
38 FJME, AMKC30/4/160, article de René Mayer, « Un pas en avant », Courrier européen, 1967.
39 AHCE, CEAB12/1343, déclaration de Dino Del Bo lors de sa prise de fonction, Luxembourg, 23 octobre 1963, p. 138.
40 Fritz Hellwig, Europäische Integration aus historischer Erfahrung – Ein Zeitzeugengespräch mit Michael Gehler, op. cit., p. 42.
41 In memoriam Léon et Jeanne Daum, recueil de documents issus des archives familiales établi par Noël Daum : lettre de Michel Debré à Léon Daum, 3 août 1959.
42 Ibid., brouillon de lettre de Léon Daum à Michel Debré, 7 août 1959.
43 Jacques Coenen-Huther, op. cit.
44 Pierre-Olivier Lapie, De Léon Blum à de Gaulle : le caractère et le pouvoir, op. cit., p. 474.
45 Archives SFIO, intervention de Pierre-Olivier Lapie, Conseil national extraordinaire de la SFIO, Puteaux, 29-30 mai 1954, p. 209.
46 Archives SFIO, intervention de Pierre-Olivier Lapie, 45e congrès national, Asnières, 8e séance, 4 juillet 1953, p. 745.
47 Annales de l’Assemblée nationale française, séance du 18 novembre 1953.
48 Annales de l’Assemblée nationale française, séance du 19 novembre 1953.
49 AHCE, CEAB2/757, p. 353, allocution de Franz Etzel prononcée à la « Bayerischer Rundfunk » le 20 juillet 1955.
50 Jean-Claude Ricquier, « Où Albert Coppé donne libre audience à ses souvenirs – IV. Vingt-et-un ans de Commission européenne », op. cit., p. 57.
51 Ibid.
52 AHCE, CEAB2/769, allocution prononcée par Enzo Giacchero à l’occasion de la Rencontre européenne de la Résistance, le 23 février 1957, à Luxembourg.
53 AHCE, CEAB2/756, p. 82.
54 Ulrich Enders, „Streit über Europa. Die Kontroverse zwischen Ludwig Erhard und Franz Etzel 1954-1956“, Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, München, 1997, p. 146.
55 BAK, N1254/84.
56 Ulrich Enders, op. cit., p. 151, lettre de Jean Monnet à Konrad Adenauer, 31 mai 1955.
57 AHCE, CEAB2/757, p. 354-355.
58 Cité dans Ulrich Enders, op. cit., p. 152, BAK, B102/11580, lettre de Franz Etzel à Ludwig Erhard, 2 juin 1955.
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