La femme dans la société
p. 133-193
Texte intégral
1Le chapitre précédent ayant analysé la vie des femmes au sein de la famille, celui qui s’ouvre sera consacré à la vie sociale des femmes. Après avoir déterminé à quelles catégories sociales appartiennent les femmes représentées dans les chroniques, nous examinerons leurs différentes apparitions dans la société pour ensuite définir quelle part active elles y occupent.
2Le but des chroniques étant de raconter l’histoire officielle de Florence, il est légitime que les femmes qui y sont le mieux représentées appartiennent aux couches supérieures de la société mais sont également présentes les domestiques (nourrices et servantes), les religieuses, les prostituées et les femminelle, c’est-à-dire les indigentes, toutes celles qui sont trop âgées ou malades pour subvenir à leurs besoins. Toutefois, les chroniques ne donnent pas une image détaillée de la société florentine. Volontairement imprécises lorsqu’il s’agit de décrire les classes supérieures afin de donner l’illusion qu’il n’existe qu’une classe dirigeante alliant la richesse à la noblesse, elles ne rendent pas compte de l’importance du mouvement religieux féminin florentin, repoussent les prostituées hors de la ville et ignorent presque totalement la présence d’esclaves dans ses murs.
3Leur témoignage sur les apparitions des femmes en public est beaucoup plus précis et vivant. Les femmes ont de multiples occasions de quitter leur maison car elles assurent le ravitaillement quotidien, même en temps de disette, et assistent, richement vêtues pour la circonstance, aux obsèques, aux processions, aux fêtes religieuses et profanes ou encore aux arrivées solennelles de grands personnages… Elles quittent parfois leur ville pour rejoindre un mari ou un fiancé ou encore se rendre en pèlerinage.
4Les chroniqueurs décrivent des femmes très présentes dans la société mais la part active qu’ils leur attribuent dans les différents domaines de la vie sociale est relativement limitée. Certains reconnaissent quelquefois le pouvoir politique exercé par les femmes mais ils ont le plus souvent tendance à le minimiser, voire à l’ignorer ; aucun ne parle de la floraison de sainteté féminine, qui représente pourtant l’une des caractéristiques de leur siècle et de leur région, mais Giovanni Villani reconnaît que les femmes apportent leur contribution à la richesse générale par leurs biens personnels et aussi par leurs dépenses vestimentaires.
Les catégories sociales
Les femmes de la noblesse
5Dans la partie légendaire de cette histoire qui vise à donner à Florence les plus hautes origines, les femmes sont presque toutes filles ou épouses de roi, parfois les deux. Tel est le cas d’Électre1, Candanzia2, Hécube3, Hélène4, Médée5, Hésione6, Didon7, Lavinie8, Rhea Silvia9, Créüse10, Iliona11, Polyxène12, Cassandre13, Andromaque14, mais également de personnages qui n’ont aucun lien avec les origines mythiques de Florence et de Fiésole comme Sémiramis15, Alcmène16, Clotilde17, Frédégonde18, ou les impératrices d’Orient Hélène19 et Sophie20.
6Les deux seuls personnages féminins qui ne soient pas nobles sont Laurentia, dont certains chroniqueurs font une prostituée21, et madonna Veglia qui, de l’avis de tous, était une riche aubergiste22. Dans les chapitres xvi et xvii de la Storia fiorentina de Ricordano Malispini, la femme qui permet à Belisea de retrouver sa fille est une matrone qui vend des colifichets et exerce la médecine, certainement l’obstétrique, dont la pratique demeure exclusivement réservée aux femmes durant tout le Moyen Âge.
7Dans la partie historique, les aristocrates sont encore très largement majoritaires et les autres classes sociales très peu représentées. Nous avons pu dénombrer cinq impératrices germaniques (Adélaïde de Bourgogne23, Cunégonde de Luxembourg24, Constance de Sicile25, Isabelle ou Yolande de Brienne26 et Marguerite de Brabant27) et deux de Constantinople (Anne de Savoie28 et Catherine de Valois-Courtenay29), seize reines dont sept de France (Blanche de Castille30, Jeanne de Navarre31, Marie de Brabant32, Clémence de Hongrie33, Jeanne d’Évreux34, Marie de Luxembourg35 et Jeanne de Bourbon36),deux d’Angleterre (Isabelle de France37 et Philippa de Hainaut38), deux d’Aragon (Constance de Hohenstaufen39 et Blanche de Bourbon40), deux de Naples (Sancha de Majorque41 et Jeanne d’Anjou42), une reine de Castille (Marie-Constance de Portugal43), une reine de Jérusalem (Isabelle44), dix-sept princesses (la fille de Numa Pompilius45, celle de Louis II le Jeune, Ermengarde46, celles de Tancrède de Lecce, Elvire, Constance et Medania47, deux des filles de Rodolphe Ier de Habsbourg, Gutta et Clémence48, Béatrice, fille de Charles II de Naples49, trois des filles de Jean II le Bon50, une fille de Pierre de Sicile51, une fille de Philippe Ier, prince de Tarente, Marguerite52, des filles des rois de France Philippe III et Philippe V le Long53, celles du roi de Bohème Venceslas II, Anne et Elisabeth54,Aliénor, sœur d’Édouard III d’Angleterre55, et Catherine, sœur de Louis Ier de Hongrie56) ; douze comtesses (la comtesse Mathilde57, l’épouse de Charles Ier d’Anjou58, la comtesse de Chartres59, l’épouse du comte Guy de Flandre60, la comtesse de Namur61, la comtesse de Périgord62, la comtesse Marguerite de Flandre63, la comtesse d’Artois64, la comtesse de Turenne65, la comtesse de Mangone66, la comtesse Gualdrada, la comtesse du Tyrol67) ; une duchesse (la duchesse de Blois68), la fille du duc de Bavière69, celle du duc de Brabant70, celle du duc de Calabre71, celle du duc d’Aquitaine72 et celle du comte de Flandre73 et, enfin, plusieurs dames dont Giovanni, Matteo et Filippo Villani ne précisent pas le rang (Maria de Padilla, maîtresse de Pierre Ier d’Aragon74, Leonor de Guzmàn, maîtresse d’Alphonse de Castille75, monna Tancia della Foresta76, madonna Cia degli Ordilaffi77 et Bianca Lancia, la mère de Manfred78).
8Tous les degrés de la grande noblesse sont ainsi représentés depuis l’impératrice jusqu’à la duchesse en passant par la reine, la princesse et la comtesse.
Les femmes de la société marchande
9Francesco di Giovanni, Dino Compagni, le chroniqueur anonyme du II. IV. 323, celui du Magliabechianus XXV-505, Giovanni et Matteo Villani et Ricordano Malispini restituent une image volontairement simplifiée des femmes de la société marchande : ce sont les maggiori79, les orrevoli80, les migliori81, les gentili donne82 ou les épouses et les filles de « nobles et puissants citoyens »83. Cette dénomination imprécise permet de les confondre avec les femmes de l’aristocratie. Parfois, ils citent la famille à laquelle elles appartiennent84, ce qui ne représente une indication que pour les lecteurs florentins ou ceux qui sont particulièrement au fait de la composition de la classe dirigeante florentine. Certaines chroniques, comme celles contenues dans le Marucellianus C. 300 et le Magliabechianus XXV-505 ainsi que la Storia de Ricordano Malispini, s’efforcent par ailleurs de prouver que toute la bonne société de la ville est issue de la noblesse romaine. Ceci dénote que le groupe de riches marchands florentins qui, à la fin du XIIIe siècle, a écarté définitivement du pouvoir les nobles et les bourgeois les plus anciennement enrichis, parce qu’ils s’étaient introduits peu à peu dans la noblesse et partageaient son mode de vie, désire montrer qu’il constitue avec l’aristocratie une seule et même classe sociale.
Les femmes du peuple
10À l’autre bout de l’échelle sociale se trouvent les femmes des petits artisans, les nourrices, les servantes. Les chroniqueurs n’en font pas une classe sociale particulière, à l’exception de Giovanni et Matteo Villani qui utilisent l’expression « il minuto popolo », le petit peuple85.
11Nous les voyons généralement apparaître à l’occasion de faits divers. L’épouse d’un lasagnaio, par manque de surveillance, aurait laissé dévorer son enfant de trois mois par une chatte86. Matteo Villani rapporte ce drame parce que c’est un « cas inouï » qui lui permet à la fois de recommander aux femmes et aux nourrices la plus grande vigilance et d’infliger au lecteur une description révélant le même goût pour le morbide que celles de monstres dont nous avons déjà eu l’occasion de parler87.
Les nourrices
12En rapprochant plusieurs faits divers, nous obtenons quelques informations sur la profession de nourrice. Matteo Villani nous apprend qu’elles sont davantage payées que les autres servantes puisque leurs revendications, après la peste, sont les mêmes que celles des garçons d’écurie les plus expérimentés, soit de dix-huit à vingt-quatre florins par an, alors que les servantes et les garçons d’écurie débutants réclament douze florins par an88. Cette différence de salaire s’explique sans doute par l’inquiétude que cause aux Florentins le fait de confier leurs enfants à des inconnues. Nous avons vu se manifester cette crainte dans les conseils, a priori surprenants de la part d’un homme, que Matteo Villani prodigue aux mères et aux nourrices : soyez vigilantes, surveillez bien les jeunes enfants afin d’éviter de tragiques accidents89.
13Nous savons également qu’elles exercent leur profession soit à la campagne, soit à la ville (Guido Vecchio a eu la vie sauve parce qu’il était en nourrice à Modigliana, lorsque les habitants de Ravenne tuèrent tous les membres de sa famille90 ; une nourrice périt dans l’incendie qui ravage la maison des Cerretani où elle est employée91) et que les couches sociales les moins favorisées ne font pas appel à leurs services puisque le père et la mère de l’enfant dévoré par la chatte, qui sont de modestes boutiquiers, doivent surveiller eux-mêmes leur enfant92.
14Toutes ces indications sont confirmées par les ricordanze des Florentins93. Le choix de la nourrice est une affaire d’hommes : les moralistes, Paolo da Certaldo et Francesco da Barberino94, qui tentent de définir le portrait de la nourrice idéale, adressent toujours leurs conseils à des hommes, ce qui explique que Matteo Villani s’occupe des soins à prodiguer aux tout jeunes enfants. Donato Velluti s’y intéresse, lui aussi, et il explique très sérieusement que, croyant déceler la cause de la maladie de son fils Lamberto dans le lait trop « chaud » de sa nourrice, il en changea pour une jeune femme « tempérée », dont le lait était « frais »95.
15Le futur père florentin doit se mettre lui-même en quête d’une bonne nourrice, alerter ses clients et amis afin qu’ils prospectent les villages et les fermes qu’ils connaissent. S’il est propriétaire à la campagne, il va surveiller les femmes qui allaitent. Il peut enfin recourir à des placeuses de nourrices qui se chargent, contre salaire, de trouver un maître aux filles qui arrivent de la campagne.
16Le marché se conclut le plus souvent entre le père de l’enfant et le mari de la nourrice, et c’est encore le père qui doit veiller à son exécution, qui contrôle la conduite de l’allaitement et en détermine la fin. La mère, en revanche, apparaît encore beaucoup moins que la nourrice.
17Il est difficile, à cause de la rareté de la documentation, de juger de l’ampleur sociale de la mise en nourrice au XIVe siècle. Toutefois, entre 1302 et 1399, sur une quinzaine de pères d’enfants en nourrice connus, deux seulement ne viennent pas de familles de premier plan : Francesco di Giovanni di Durante, l’un de nos chroniqueurs, et Paliano di Falco Paliani96.
18Comme Guido Vecchio, la majorité des enfants partent en nourrice à la campagne, parfois assez loin, dans le Mugello, dans la campagne de Prato ou le Casentino, régions dont les Florentins célèbrent la salubrité et la qualité des nourrices. Sur soixante-dix-neuf mises en nourrice effectuées entre 1300 et 1399, seize le sont chez l’employeur, douze à Florence et cinquante et une à la campagne97.
19Le salaire de la nourrice varie avec sa résidence. Demeurant chez son employeur, la femme reçoit généralement, dans le dernier tiers du XIVe siècle, cent sous mensuels quand le salaire d’une nourrice de campagne est d’environ soixante-deux sous. Ces chiffres, présentés par C. Klapisch-Zuber98, indiquent un fort accroissement du prix de la mise en nourrice par rapport aux documents antérieurs que nous avons examinés. Le Libro del dare e dell’avere de Gen tile de’ Sassetti et de ses fils indique que Berta, la nourrice de Bice, est payée en plusieurs fois (octobre et avril) et que son salaire annuel s’élève, en 1284, à quatre livres. En 1282, pour l’allaitement de Pepo, Chiarino et son épouse, donna Giemma, reçoivent seize sous mensuels. Puis, pour sept mois de nourrice, le mari empoche cinq livres et douze sous, ce qui lui permet d’acheter un âne. Pour des raisons que nous ignorons, Pepo change de nourrice, peut-être après son sevrage, car cela expliquerait la diminution de salaire qui accompagne toujours le passage de la nourriture lactée à une alimentation différente99. Cette nouvelle nourrice, prénommée la Buona, ne reçoit que quatre livres par an100.
20De ces quelque deux ans (en moyenne 23,2 mois pour un garçon et 20,8 mois pour une fille au XIVe siècle) passés chez leur nourrice, la plupart des Florentins et des Florentines ne gardent assurément aucun souvenir. Il en est, quelquefois, qui ont une pensée pour la femme qui leur a donné son lait. Ainsi frère Alesso Strozzi lègue-t-il à sa nourrice Godina la somme de cent florins d’or101.
Les servantes
21Au-dessous des nourrices, qui représentent en quelque sorte l’« aristocratie » de la domesticité féminine, se trouvent les servantes. Elles sont très présentes dans les nouvelles ; les prédicateurs et les moralistes leur consacrent de nombreuses pages, les ricordanze et les livres de compte en gardent le souvenir, mais les chroniques s’y intéressent peu ou pas du tout. Pourtant, les serviteurs et les servantes représentent l’une des composantes sociales les plus nombreuses de la ville, car pouvoir employer ne serait-ce qu’une personne à son service (une vieille servante) signifie faire partie de la classe sociale supérieure. On en trouve chez les riches bourgeois, qui aiment s’entourer d’un nombre démesuré de serviteurs, mais aussi chez les nobles ruinés, les marchands en faillite et les veuves de bonne famille (pour qui leur présence éloigne le danger de déclassement), les médecins, les notaires, les juges mais aussi les artisans et le bas clergé102.
22Dans les chroniques, nous rencontrons une servante victime de l’incendie qui, en 1290, détruisit les demeures de la famille Pegolotti ainsi que les maisons et la tour de leurs voisins103. Après la peste de 1348, Matteo Villani critique le comportement et les demandes d’augmentation de salaire de domestiques qu’il considère comme inexpérimentés104 et que Boccace nomme « hommes et femmes d’intelligence grossière »105. Pourtant, leurs gages sont nettement inférieurs aux salaires d’une grande partie des autres travailleurs, et cela pour deux raisons : les domestiques sont logés et nourris par leur maître et l’offre importante de main-d’œuvre entraîne de bas salaires. Les salaires des femmes sont inférieurs à ceux des hommes selon un pourcentage qui varie de trente-sept à cent pour cent car ceux-ci peuvent trouver d’autres emplois mieux rétribués (dans le bâtiment par exemple) et les maîtres, afin d’avoir un serviteur, sont disposés à quelques sacrifices financiers106.
23Entre 1280 et 1290, un serviteur gagne cinq livres et une servante deux livres ; en 1299, ils reçoivent respectivement onze livres et huit livres ; juste avant 1348, ils touchent vingt livres et dix livres. Après la peste, comme l’indiquent aussi les chiffres avancés par Matteo Villani, l’écart se réduit (l’un gagne cinquante et une livres, l’autre quarante) mais le pouvoir d’achat des domestiques reste très faible107.
Les esclaves
24Au plus bas de l’échelle sociale, une chronique enregistre la présence d’une esclave. Elle est condamnée, pour avoir empoisonné un client, à être suppliciée sur la place publique108.
25Depuis longtemps, les marchands vénitiens et génois achètent à Tana et à Caffa des produits du sol et des ateliers mais aussi des esclaves de races diverses : Tartares, Caucasiens du nord, Géorgiens, Arméniens, esclaves de Corfou ou des côtes grecques et dalmates. Les Génois qui, au début, tolèrent ce commerce et permettent l’exportation d’esclaves de religion musulmane de Caffa, moyennant une taxe qui doit être payée au consul, finissent par devenir eux-mêmes trafiquants et ne limitent pas leur commerce au Levant mais amènent des esclaves à Gênes, comme en témoigne Matteo Villani109. Les Vénitiens, quant à eux, exercent ce commerce depuis le VIIIe siècle et sont les principaux fournisseurs d’esclaves de l’Italie.
26Les esclaves orientales font leur apparition en Toscane en 1350110. Le premier décret connu, autorisant et réglementant l’importation d’esclaves non chrétiens, est approuvé le 8 mars 1363, reporté en 1366 dans un registre sur la vente des esclaves et introduit dans les statuts florentins en 1415111.
27Les historiens sont très partagés sur les causes de cette nouvelle forme d’esclavage qui touche particulièrement les femmes, qui représentent quatre-vingt-dix pour cent des esclaves arrivés à Florence entre 1366 et 1397. Certains pensent qu’il s’agit d’une des conséquences de la peste de 1348112, d’autres soulignent que quelques centaines d’esclaves, en grande partie des femmes jeunes, ne peuvent raisonnablement remplacer les milliers de salariés des manufactures textiles victimes de la peste113. Le rapport qui lie le phénomène de la peste à la traite est, d’après eux, de nature politique : des esclaves sont importées pour freiner les revendications de la main-d’œuvre florentine, que Matteo Villani, nous l’avons vu, dénonce violemment114.
28Cependant, l’intérêt que suscite, chez Giovanni Villani, le sort des enfants nés d’une esclave et d’un homme libre, chez les musulmans115, laisse supposer qu’avant 1348, le problème se posait déjà dans la société florentine, car une autre motivation poussait à acheter des esclaves, une motivation sexuelle116.
29En feuilletant le registre des esclaves et en examinant les actes de vente, on voit en effet apparaître les noms des plus grandes familles florentines : Adimari, Alamanni, Alberti, Albizzi, Benvenuti, Cavalcanti, Compagni, Guidi, Machiavelli, Medici, Pucci, Sacchetti, Strozzi, Ubaldini, Velluti… mais aussi ceux de prêtres, de notaires, de médecins, de marchands et de modestes artisans117. Cela non seulement au XIVe siècle, moment de la majeure affluence d’esclaves, mais aussi plus tard, bien après 1450. Il est aisé d’imaginer le trouble que cette pratique occasionne dans les familles où se côtoient femme et concubines, enfants nés d’un mariage légitime et enfants nés d’esclaves tartares ou circassiennes.
30Les enfants nés d’un maître et d’une esclave ne suivent pas la condition de leur mère. Habituellement, dès la naissance, ils sont déclarés libres, et parfois le maître et père libère la mère en même temps que l’enfant118. Les garçons sont élevés dans la maison paternelle tant qu’ils ne sont pas en mesure de gagner leur vie. Les filles restent dans la famille comme domestiques ; parfois, elles sont mariées à un serviteur de leur père (en général un paysan), avec une dot constituée d’un petit trousseau et de quelque argent. Mais si le père ne veut pas reconnaître l’enfant, il ne reste à la mère que l’infanticide ou l’abandon.
31À Florence, il y eut beaucoup d’enfants illégitimes nés d’esclaves et de membres de grandes familles florentines : Adimari, Bardi, Capponi, Cerretani, Della Stufa, Medici, Pitti, Ridolfi, Rucellai, Salviati, Strozzi, Tornabuoni, Vespucci119, ce qui expliquerait que Giovanni Villani s’intéresse au problème que pose leur statut. S’agit-il pour lui d’un simple problème législatif ou fait-il partie des « champions » de la liberté et de la cause des esclaves comme Dante, Guido Cavalcanti et Brunetto Latini, rédacteurs de la loi abolissant le servage promulguée le 11 août 1289 ?
32Il ne peut certainement pas affronter le problème directement sans heurter les Florentins, mais en décrivant presque incidemment le contenu de la première loi édictée par Mahomet, il la donne en exemple et adresse une critique acerbe à ses concitoyens : la législation musulmane, celle des « ennemis de la foi », est bien plus généreuse envers les esclaves que ne le sont l’Église et la législation florentine. Elle accorde la liberté à la mère, quelle que soit sa religion, et l’enfant, élevé par son père, a les mêmes droits que les enfants légitimes :
[…] et il fit une loi qui stipulait que toute servante, c’est-à-dire esclave, enceinte d’un Sarrasin serait libre, et que son fils hériterait comme celui de l’épouse. Si elle était chrétienne, juive ou païenne, elle pourrait partir librement selon sa volonté en laissant son enfant à celui dont elle l’avait eu.120
Les marginales
33Trois autres catégories sociales sont représentées dans les chroniques. Il s’agit de catégories marginales. La première parce qu’elle appartient à un ordre différent, le clergé, les deux autres sont véritablement en marge de la société : ce sont les prostituées et les femminelle.
Les religieuses
34Le phénomène de la présence religieuse féminine à Florence est extrêmement vaste, bien qu’il ait été relativement peu étudié121. Or les chroniques ne reflètent pas l’importance de ce mouvement car on y parle peu des monastères et de leurs occupantes.
35En 1336, Giovanni Villani recense vingt-quatre couvents, qui abritent environ cinq cents femmes122 dont un « munistero delle Donne »123, sur lequel il ne donne aucune précision supplémentaire, « uno munistero di donne ch’è di fuori e si chiamano di Faenza »124, le « monistero delle donne di Monticelli oltrarno »125, le « monistero delle donne della Trinità »126, et le « monistero delle donne del Prato d’Ognissanti »127 et il cite les donne du « munistero santo Ambruogio »128 comme témoins d’un miracle. Matteo Villani mentionne le « munistero delle donne delli Scalzi »129. Ces noms, éparpillés dans les chroniques, ne donnent pas une image exacte de la topographie religieuse de Florence au XIVe siècle car tous ces couvents, nés de l’émigration vers la cité des communautés religieuses féminines, qui s’est accomplie entre 1250 et 1350, sont regroupés dans les mêmes quartiers, dans les mêmes rues parce que les terrains y sont moins chers et que les espaces plus grands permettent d’y créer des jardins et des potagers nécessaires à l’économie monastique. L’hostilité du clergé séculier, inquiet de la concurrence exercée par les couvents, leurs oratoires, leurs cloches et leurs cimetières, s’y fait aussi moins sentir. Richard C. Trexler note : « la concentration des monastères féminins à Florence est un phénomène frappant. On les trouve agglomérés près des portes et le long de certaines rues. »130 Il délimite deux axes que bordent les couvents : le premier depuis la place San Piero Maggiore, le long du Borgo Pinto, le second depuis l’église San Lorenzo, en suivant la via San Gallo, jusqu’à la porte du même nom et dans les rues adjacentes. Il constate d’autres concentrations de couvents au Prato, autour d’Ognissanti, dans la via Ghibellina et autour de la porta San Piero Gattolino. Au début du XIVe siècle, les clarisses de Castelfiorentino s’installent dans le quartier San Lorenzo, dans la rue San Gallo, puis les religieuses de San Luca, originaires de Quaracchi, préoccupées par les incursions militaires provoquées par la guerre contre Pise, s’y réfugient. En 1291 vient le tour des religieuses de Sant’Andrea di Bibbiena, chassées par la guerre contre Arezzo, et des « calmadolesi » de Santa Maria di Querceto, en 1309, ainsi que de la congrégation « pulsanese » appelée communément « scalze » et, en 1336, les bénédictines de San Gherardo les rejoignent. Dans le borgo Pinto s’installent les « domine de Sancta Maria de Candigulis », des religieuses venues de Fiésole qui fondent une institution appelée « delle mura » ou « San Giusto alle Mura », et les recluses de Montosoni. Un autre lieu de prédilection de concentration religieuse à Florence est le quartier de Santa Maria in Verzaia qui accueille les religieuses dites de « San Barnaba a Torri ».
36Partout se créent de nouvelles congrégations qui ensuite fusionnent ou disparaissent. En 1309, quatre femmes désireuses de vivre sous la règle de saint Benoît achètent un morceau de terrain et des habitations dans le quartier de San Lorenzo et demandent au chapitre de San Lorenzo l’autorisation nécessaire : le nouveau monastère de Sant’Orsola naît, toujours dans la via San Gallo. Au cours du siècle, il englobera toute une série d’anciens monastères en crise. Mobilité, homonymie, fluctuations onomastiques, sporadicité de la documentation pour les établissements les plus éphémères permettent difficilement de suivre les étapes de cette insaisissable société religieuse dans laquelle le nouveau se mêle à l’ancien, change de forme, de règle, de couvent et de fortune en quelques années131.
37Outre le fait qu’un relevé précis des établissements monastiques aurait difficilement sa place dans une chronique historique, ceci explique peut-être, en partie, que les chroniqueurs, y compris ceux qui se sont attardés à décrire, à plusieurs reprises, la topographie de leur ville, comme Giovanni Villani et Ricordano Malispini, aient renoncé à l’établir.
38Parmi les nombreuses catégories féminines qu’on trouve dans les couvents (religieuses consacrées, converses ou servantes, novices, jeunes filles promises au voile, veuves qui trouvent là, en échange de leurs biens, le vivre et le couvert pour le restant de leurs jours, et femmes ou jeunes filles hébergées pour un temps), les chroniques ne s’intéressent qu’aux laïques. La femme du podestat Giovanni da Luccino, contrainte de s’enfuir pour échapper au peuple rendu furieux par l’acquittement prononcé en faveur de Corso Donati par son époux trouve refuge auprès des religieuses à San Piero Maggiore, selon Paolino Pieri132 (les autres chroniqueurs négligent d’en parler133 et Dino Compagni indique que le couple trouve refuge chez des voisins134) ; Constance de Sicile, « religieuse de corps mais pas d’âme », partage, pendant un moment, la vie de celles d’un monastère de Palerme, puis retourne à la vie séculaire et épouse Henri VI135. L’épouse de Robert d’Anjou termine sa vie dans le monastère qu’elle a fait édifier, parce que son époux est mort et qu’elle n’a pas donné le jour à un héritier136. La reine de Hongrie est prête à se destiner à la vie monastique pour permettre à son époux de choisir une nouvelle épouse en mesure de lui donner un héritier137.
39Parfois, lorsque les luttes de faction embrasent la ville, les monastères ne sont plus des lieux d’asile car, même dans la ville, où ils se sont justement installés pour échapper aux conséquences de la guerre, ils sont sans protection contre les attaques, et les querelles pénètrent à l’intérieur de leurs murs. Dino Compagni en cite un exemple : Baschiera Tosinghi, fils de Bindo del Baschiera, irrité de voir la branche aînée de sa famille, celle de Rosso della Tosa, s’arroger tous les honneurs, rejoint, en 1302, les rangs des Guelfes blancs chassés de Florence par Charles de Valois. Le 20 juillet 1304, les Guelfes blancs et les Gibelins exilés, profitant de l’absence de Corso Donati et de ses amis, entrent dans Florence. Trahis par certains Guelfes noirs qui devaient les aider, ils battent en retraite. Baschiera Tosinghi, dans sa fuite, se précipite au monastère de Saint-Dominique où se trouvent deux de ses nièces et il les emmène, par crainte de représailles contre le monastère de la part des Guelfes noirs et afin de pouvoir les marier avantageusement138.
40Quelques chroniqueurs s’intéressent aussi à la vie des moniales. Non pas à la vie des simples religieuses, mais aux faits et gestes des mères supérieures qui sont des personnages importants, en relation avec la vie publique et officielle de la Commune, par exemple, la prise de fonction du nouvel évêque telle que la décrit Francesco di Giovanni. Le prélat doit, le jour précédent, entrer à San Piero Maggiore, en « épouser » la supérieure et y demeurer tout le jour et toute la nuit. Il reçoit en cadeau un lit et sa literie et offre en échange un bon cheval. Il dort dans le lit offert et, le lendemain matin, les pieds nus, il se rend à l’évêché où on lui remet toutes les clefs qui sont le symbole de sa nouvelle charge139. Les chroniqueurs du Magliabechianus XXV-19 et du Marcianus VI-270 se contentent de dire que le nouvel évêque va à San Piero Maggiore le 28 janvier 1385 et qu’il en repart le 29 « selon la coutume »140.
Les prostituées
41La présence de prostituées à l’intérieur de Florence est évoquée deux fois par Giovanni Villani. Lorsqu’il décrit les constructions érigées par les architectes venus de Rome à la demande de César, il cite le pavement, l’aqueduc qui recueille les eaux au pied du mont Morello et les amène jusqu’aux fontaines et aux thermes de la ville, les remparts et le Campidiglio (Capitole). Au sujet de l’emplacement de celui-ci, il rapporte les avis divergents qui circulent alors à Florence : certains disent qu’il se trouvait sur la place du Vieux Marché, d’autres dans un lieu appelé Guardingo, sur un côté de la place du palais des Prieurs. Pour lui, il s’agit là d’une autre fortification car Guardingo désigne les vestiges des murailles et des voûtes détruites par Attila, et, par la suite, le lieu où les prostituées demeuraient141.
42Dans l’énumération de « ce que le duc d’Athènes fit, dans Florence, pendant sa seigneurie »142, il note une maison close qui lui rapportait beaucoup d’argent143.
43Les autres fois où des prostituées apparaissent, c’est toujours hors de la ville, elles accompagnent les troupes armées, par exemple, au cours de la guerre qui oppose Florence à Castruccio. Une première fois, Castruccio, qui a pénétré dans le Contado, brûlant et pillant les villages alentour, fait courir, le 4 octobre 1325, à trois reprises, un palio sous les remparts, pour se moquer des Florentins : le premier à cheval, le second à pied et le troisième par des prostituées144.
44Cinq ans plus tard, presque jour pour jour, le 12 octobre 1330, à Lucques, les Florentins, pour se venger de l’offense reçue, font courir à leur tour trois palios : le premier par les hommes à cheval, le second à pied par les valets, le troisième par les prostituées de l’armée. La récompense est à chaque fois différente : vingt-cinq florins pour le palio couru à cheval, un drap pourpre pour celui disputé à pied et un drap de coton pour celui des prostituées145.
45Matteo Villani parle aussi de nombreuses femmes de mauvaise vie (vingt mille personnes entre routiers et ribaudes) qui suivent les troupes merce naires de Fra Moriale, vivent de rapines, lavent les vêtements, cuisent le pain et, grâce à de petites meules, broient le grain pour faire de la farine146. Il mentionne également celles, un peu moins nombreuses, qui se joignent à la compagnie du comte de Lando147.
46Les chroniqueurs qui signalent la présence de la prostitution féminine, la présentent donc comme un phénomène marginal, étranger à la ville et à sa vie quotidienne. Repoussée dans le temps (« dove stavansi poi… ») ou dans l’espace (à la limite de la ville, hors des remparts, à Lucques ou ailleurs), elle ne peut y être introduite que par un élément étranger (le duc d’Athènes). Pourtant, la présence d’une prostitution organisée, à Florence, est confirmée par le statut du podestat de 1325, qui établit qu’une fois par mois, un notaire, accompagné de Pénitents, doit visiter les maisons closes, afin de vérifier s’il ne s’y trouve pas des femmes contraintes à exercer la prostitution contre leur gré148. Elle l’est également par l’une des plus célèbres initiatives des Augustins de Florence, une campagne d’aide aux prostituées, qui débute en 1330 par une demande, intro duite auprès de la Seigneurie, d’attribution de terres afin d’y construire un lieu d’hébergement pour les prostituées repenties. Cette institution, appelée « Santa Elisabetta delle Convertite », héberge, en 1330, plus de cinquante femmes. Déjà, en 1256, Rinuccio di Jacopo a acheté des maisons et des terrains dans le quartier de San Piero Maggiore pour y abriter trente-deux femmes « que vocantur repentute seu convertite » dans une institution appelée « Santa Maria Maddalena ». Une autre maison de « repenties » s’installe, en 1342, à proximité de la « porta a San Gallo ».
47En novembre 1379, on coupe la tête à un aubergiste qui exerce parallèlement des activités de proxénète149 et, en avril 1403, avec la création d’un Ufficio dell’Onestà, la prostitution florentine passe sous le contrôle direct des autorités. Cette juridiction permanente doit veiller à la moralité publique, favoriser la prostitution féminine en bâtissant ou en achetant un bâtiment susceptible d’être utilisé comme lupanar et recruter des prostituées étrangères et des proxénètes pour y travailler150.
Les fem(m)inelle
48Encore plus misérables que les prostituées sont les femmes qui ne peuvent plus travailler parce qu’elles sont vieilles ou malades, ou qui exercent un métier qui ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins, celles qui font partie de la « povera gente »151, et qu’on nomme parfois les fe(m)minelle.
49En 1330, Giovanni Villani estime à dix-sept mille le nombre de pauvres, hommes et femmes de tout âge, qui bénéficient de la générosité des dispositions testamentaires d’un Florentin et reçoivent chacun six sous, sans compter les pauvres honteux, ceux des hôpitaux et des prisons et les religieux mendiants qui obtiennent, à part, une aumône de douze sous et qui sont plus de quatre mille152. Dix-sept ans plus tard, en 1347, les membres de la confrérie d’Orsanmichele distribuent six à sept mille aumônes dans le seul mois de juin. Toutefois, les misérables ne sont pas toujours aussi nombreux qu’en 1330 ou 1347, années de disette. En octobre 1324, la confrérie ne distribue que mille trois cents aumônes ; elle assiste donc, avec les cumuls, quelques centaines d’individus153. Comme le souligne Giovanni Villani, tous ces pauvres ne sont pas de Florence, mais, attirés par les aumônes qui y sont distribuées, ils viennent de toute la Toscane, et de plus loin154.
50En remplaçant l’ancienne aristocratie laïque et ecclésiastique, les classes marchandes urbaines, leurs confréries et leurs corporations deviennent les nouveaux patrons des œuvres caritatives. La pauvreté se polarise alors sur le monde urbain parce que l’aumône est largement pratiquée par les Florentins, individuellement et collectivement. Lorsque Giovanni Villani155 décrit la disette de 1329, il insiste sur le fait que la Commune et les Florentins aisés secourent, de façon exemplaire, tous les pauvres, qu’ils soient Florentins ou non, alors que bien d’autres villes de Toscane les chassent pour ne plus avoir à les nourrir. Domenico Lenzi dénonce également l’attitude des Siennois qui les ont tous expulsés, hommes, femmes – même les femmes enceintes – et enfants, à coups de pierre et de bâton156. En 1347, la récolte est si mauvaise que les paysans abandonnent la campagne et viennent demander l’aumône à Florence. À la mi-avril, il faut distribuer du pain à quatre-vingt-quatorze mille personnes sans compter les religieux mendiants ni les pauvres qui vivent de la charité publique. Malgré des conditions particulièrement difficiles, chacun reçoit une aumône convenable grâce aux dons généreux de nombreux Florentins riches, mais aussi charitables, souligne Giovanni Villani157.
51La réponse aux problèmes posés par la pauvreté urbaine et les différents cas d’urgence qui, à partir du XIVe siècle, rendent difficile la gestion sanitaire de la ville, déterminent des vocations particulières parmi les organismes nés sans projet très précis. La protection des femmes et des orphelins, confiée aux capitaines d’Orsanmichele, avant que ne soit créée une magistrature spéciale, représente un exemple des secours auxquels les autorités publiques apportent une contribution décisive en établissant des exonérations fiscales, des privilèges en matière héréditaire, des tutelles patrimoniales diverses. Les provvisioni de la République, pendant les quarante premières années du XIVe siècle, établissent une importante série de dérogations pour défendre l’autonomie et la souplesse de gestion de ces institutions d’utilité publique.
52Ces dérogations vont générer à leur tour des abus et des malversations. Matteo Villani158 témoigne de la corruption des capitaines de la Confrérie d’Orsanmichele qui s’enrichissent, et enrichissent leurs parents et amis, grâce à la vente des biens légués par les nombreuses victimes de la peste de 1348.
53Dino Compagni fait allusion à un cas semblable de spoliation pour expliquer le surnom de « cavalieri del filatoio » (chevaliers du métier à filer) donné aux deux fils de Rosso della Tosa. L’argent qui leur a permis de devenir chevaliers a été prélevé sur des fonds normalement utilisés pour venir en aide aux femminelle en leur assurant un travail de filage159. Le contrôle, exercé par la suite sur les principaux organismes caritatifs, constitue une étape importante du processus de déprivatisation des organismes d’assistance qui aboutit à l’assignation de leur gestion aux différentes corporations puis à la Commune. Ainsi, par exemple, comme l’affirme Giovanni Villani, « on racheta l’hôpital de San Sebio qui était à la Commune et occupé par de grands personnages »160.
54Les indigents s’adressent de plus en plus à ces organismes tandis que se créent progressivement des catégories particulières de misérables : les femminelle sont, pour Matteo Villani, le symbole des pauvres gens qui ont survécu à la peste et en ont même tiré avantage161 ; mais il s’insurge tout de même contre les prédicateurs et les collecteurs, chargés de récolter des fonds pour la croisade menée par le Pape contre le tyran de Forlì, qui engagent ces pauvres femmes à leur remettre les quelques biens qu’elles possèdent (linge, blé…)162.
55Malgré leurs limites, ces interventions en faveur des pauvres permettent toutefois de prévenir le désordre social qui peut découler de l’indigence. Giovanni Villani signale, lors du pillage du palais des Bardi, la présence de feminelle parmi les voleurs, mais il considère cela comme la juste punition infligée par le popolo aux Bardi à cause de leur orgueil163. En revanche, au moment où le pillage devient systématique, où la révolte éclate, les indigents sont perçus comme une classe dangereuse, ils deviennent « lo sfrenato popolo »164, « il popolo minuto »165, « il popolazzo »166. Alors, la pauvreté est perçue comme un réservoir de potentialités subversives contre lequel il faut prendre des mesures. Or, secourir des groupes déterminés, permet de diviser la masse des indigents et d’en limiter la menace. Ainsi se réalise le concept d’une charité publique qui organise et contrôle la marginalité et en réduit le plus possible la diffusion et le danger en répondant en même temps à un élan éthique et religieux.
56En définitive, dans les chroniques, nous rencontrons des femmes qui appartiennent à tous les degrés de l’échelle sociale mais les chroniques ne donnent pas une image détaillée de la société florentine. Volontairement imprécises lorsqu’il s’agit de décrire les classes aisées afin de donner l’illusion qu’il n’existe qu’une seule classe dirigeante noble et bourgeoise à la fois, elles négligent le mouvement religieux féminin florentin, repoussent les prostituées hors de la ville et ignorent presque totalement la présence d’esclaves dans ses murs. Quant aux femminelle, leur présence est signalée pour mieux louer la générosité des Florentins aisés et l’efficacité de l’action de la Commune.
Les apparitions publiques des femmes
57Les chroniques ne nous apprennent rien sur la vie des femmes à l’intérieur des maisons, mais en revanche elles nous montrent qu’elles en sortaient en de multiples occasions.
Les femmes dans leur ville
Les taches quotidiennes
58Les femmes quittent très souvent leur maison, et tout d’abord au cours de leurs activités les plus quotidiennes. Pour celles qui sont domestiques, ou qui n’ont pas de domestiques, il faut sortir pour faire le marché. Pendant les nombreuses périodes de disette, les chroniques montrent que ce geste de la vie quotidienne devient héroïque car, pour se procurer du pain, il faut affronter des bousculades qui, inévitablement, se terminent par des contusions, des vêtements arrachés ou perdus, des bourses coupées et des membres cassés.
Ce jour-là, il y eut beaucoup d’hommes et de femmes qui furent tellement serrés qu’ils s’en ressentirent un mois et certains davantage ; et il y eut ceux à qui on vida la bourse et ceux à qui on la coupa, et dont on arracha les vêtements ; et ceux qui perdirent un manteau, une houppelande, un foulard.167
Et cette cour était si pleine d’acheteurs, et il en arrivait toujours, et ils étaient les uns sur les autres, et si serrés qu’on en sortit une fille jeune et belle, évanouie. Elle fut installée dans la boutique de la compagnie et on coupa la bourse qui contenait son argent.168
59Les tumultes commencent en avril 1329 et le 24 mai les troupes du podestat et du capitaine du peuple interviennent pour rétablir l’ordre.
Quand sonna la none, la place était pleine d’acheteurs, gens de la ville et paysans, sous la loggia et dehors et ils étaient autour des comportes, et c’était une cohue si grande qu’ils étaient les uns sur les autres et se heurtaient les uns aux autres violemment, et les cris, les pleurs, les hurlements étaient si grands qu’on aurait dit le tonnerre et c’était une très grande pitié que d’entendre cela et cela devait certainement déplaire à la Suprême et Divine Puissance. Devant ces cris et ces pleurs, les six officiers envoyèrent chercher les troupes du podestat et du capitaine et de l’assesseur et quand elles arrivèrent sur la place d’Orto San Michele bien armées, les issues de la place furent immédiatement fermées avec des barrières et bien gardées par ces troupes afin que personne n’y entre avant qu’on commence à mesurer le blé. Aussi, on en sortit deux femmes évanouies. Ce jour-là, on coupa la bourse à beaucoup d’hommes et de femmes.169
60Le 27 mai, on annonce que celui qui déclenchera une bagarre aura la main ou le pied coupé :
Samedi 27. Et ce jour-là fut proclamé un ordre du podestat interdisant à toute personne de créer du désordre sous peine de perdre une main ou un pied.170
61Les incidents ne cessant pas, les soldats doivent intervenir :
Et ser Villano, chevalier du podestat, parcourait la place et les alentours avec ses hommes armés de gourdins, chassant ceux qui avaient eu du blé, et ils étaient immédiatement expulsés de la place. Et les cris et les hurlements des hommes et des femmes qui étaient écrasés dans la cohue et battus et rossés ! C’était une si grande scélératesse et une si grande pitié que d’entendre des plaintes si douloureuses que personne ne le croirait s’il ne l’avait vu de ses yeux. Alors le dit chevalier, à ces cris horribles et singuliers, s’avançait et il les faisait reculer pour qu’ils ne s’étouffassent pas […] mais cela ne suffit pas si bien qu’on en tira un grand nombre d’hommes et de femmes évanouis.171
62Le 30 mai, afin de les protéger, on ordonne aux enfants de quatorze ans et moins de s’en aller sous peine d’une amende de dix livres :
Mardi, le trente de ce mois, on donna l’ordre sur la place que tous les enfants, garçons et filles de quatorze ans et moins quittent la place sous peine d’une amende de dix livres. Et immédiatement, ser Villano parcourut la place avec ses hommes et il les chassa.172
63Le lendemain on réitère cet ordre :
Mercredi, le dernier jour du même mois, les six officiers firent mettre sur la place d’Orto San Michele au nom de la Commune quatre-vingt-quatre « moggia »173 de blé communal de bonne qualité et vanné à trente-deux sous le « staio » […] après ceci, ils donnèrent l’ordre que tous les enfants, garçons et filles de quinze ans et moins quittent la place sous peine d’une amende de dix livres. Ce fut une bonne mesure parce qu’il y avait déjà tellement d’acheteurs et de bousculades que beaucoup se seraient étouffés et seraient morts s’ils ne l’avaient pas fait […] Le bruit et les hurlements des hommes et des femmes qui étaient dans la cohue étaient si grands qu’on ne pouvait pas s’entendre.174
64De tels incidents vont durer encore pendant le mois de juin, puis recommencer de septembre à novembre. Le 2 juin, les victimes sont encore plus nombreuses et les officiers ordonnent que tous les hommes de plus de quinze ans quittent la place sous peine d’une amende de vingt-cinq livres. Mille environ sont chassés à coup de bâton et de hampe de lance et un demi staio de blé est distribué à chacune des femmes175. Le même jour, la Commune supprime la gabelle sur le pain et surtout, autorise sa vente au prix fort. Le 5 juin, les six officiers commencent à faire vendre le pain pour la Commune. À partir du mois de septembre, hommes et femmes sont séparés pendant la distribution de pain, « par égard pour les femmes », deux tiers de la place sont réservés aux femmes, un tiers aux hommes176.
65Même si on peut penser que Giovanni Villani a toutes les raisons de souligner l’action positive de la Commune, car il fait partie des six officiers chargés d’organiser l’approvisionnement et la vente du blé177, le témoignage de Domenico Lenzi178, qui appartient à un groupe dont les intérêts sont parfois contrariés par leur action, ne peut être mis en doute. Ils ont permis à beaucoup de pauvres gens de ne pas mourir de faim mais ils n’ont pu faire cesser les violences et empêcher que beaucoup d’hommes et de femmes ne perdent leur argent, leurs vêtements et n’aient les côtes et les reins brisés dans les bousculades sans réussir à obtenir du blé ou du pain179. En novembre, les violences redoublent : « beaucoup s’attrapent par les cheveux et se donnent des coups de poing de sorte que le sang jaillit de certaines parties de leur visage »180.
66Six ans plus tard, en avril 1335, Florence connaît une nouvelle disette. Les autorités décident cette fois encore d’instaurer deux lieux de distribution et de séparer les hommes des femmes afin d’éviter les désordres181.
67En 1346, à cause des pluies, les récoltes sont maigres (quatre à six fois inférieures aux autres années182). Les paysans fuient le contado et viennent à Florence pour tenter de survivre grâce à la mendicité. Devant la multitude d’acheteurs, les officiers, au lieu de commencer par faire distribuer du blé et d’autres céréales, font immédiatement construire dix fours où « des hommes et des femmes, de jour comme de nuit, transformaient la farine du blé de la Commune en pain »183.
68En définitive, ces périodes particulièrement difficiles révèlent l’importance du rôle des femmes. Ce sont elles qui assurent quotidiennement le ravitaillement de la famille même lorsque cela présente certains dangers car, même si le nombre de veuves est important184, il ne justifie pas la disproportion que note le chroniqueur entre le nombre de femmes et d’hommes présents au moment des distributions de pain et de blé. Cependant, le travail des femmes est difficile à évaluer car il se déroule en général à domicile où les femmes filent pour le compte d’une entreprise ou apportent leur collaboration à un époux artisan185. Mal connu parce que non déclaré, le travail des femmes se révèle au moment des disettes : en 1346, la Commune fait appel à elles pour fabriquer le pain et elles travaillent de jour comme de nuit.
Les exécutions capitales
69Peu de chroniques mentionnent la présence de femmes au moment des exécutions publiques, les auteurs ne désirant manifestement pas les associer à ces événements. Il faut qu’une d’entre elles soit la cause d’un incident pour que nous en ayons connaissance. Le 22 décembre 1379, pour avoir comploté contre la Commune, Filippo di Biagio degli Strozzi et Giovanni di Piero d’Anselmo sont condamnés à être décapités. Pendant la lecture de la condamnation, un cri de femme s’élève et sur la place a lieu une grande bousculade186, les chevaux prennent peur, les soldats se rassemblent, cinq personnes meurent étouffées en tentant de fuir187.
Les funérailles
70Les femmes sont également présentes aux funérailles, où elles jouent un rôle essentiel et très ancien188 puisqu’il est attesté par une série d’enluminures du sacramentaire de l’évêque Warmundus d’Ivrée189, achevées vers l’an mil et considérées comme un document extrêmement précieux pour la connaissance des gestes du deuil et des funérailles190. Ces illustrations montrent la place centrale de la femme pleurant le défunt dans les rites observés à l’occasion des décès et des enterrements. Elle est présente dans huit des dix scènes, et au centre de la sixième. Les autres personnages jouent des rôles secondaires. La place centrale est réservée à la femme affligée : elle déchire ses vêtements, s’arrache les cheveux, lève les bras au ciel et essaie de se jeter sur le corps. Cette attitude rappelle la description faite par un chroniqueur anonyme de l’épouse de Bondelmonte :
[…] et il fut mis dans un cercueil et son épouse était dans le cercueil et elle tenait sa tête sur sa poitrine et pleurait très fort et on le porta ainsi à travers tout Florence.191
71Isidoro del Lungo parle de « funèbre fantasmagorie » à propos de cette description192, mais elle semble contenir une part de réalité. Toutefois, il semble bien que les chroniqueurs florentins, dans leur grande majorité, aient voulu, par le souvenir qu’ils en transmettent, circonscrire les manifestations féminines d’affliction à l’intérieur des maisons. Ils insistent beaucoup sur le faste des funérailles, signalent la présence des femmes, et parfois la couleur de leurs vêtements, parce qu’elle révèle la richesse de la famille du défunt, mais aucun, à l’exception de celui que nous venons de citer, ne fait allusion à de telles manifestations en public.
Le 8 août à Santa Croce, on enterra messire Niccolaio en lui rendant hommage par une grande quantité de cierges et une nombreuse assistance. Il eut un linceul de samit rouge ; et lui aussi était vêtu du même samit […] Tous ses consorti et les parents proches de son lignage vêtus d’écarlate. Toutes les femmes, « entrées » et « sorties » de leur maison, vêtues d’écarlate.193
72En revanche, pour pleurer un défunt, les femmes se pressent souvent à l’intérieur des maisons où une tribune est installée. Parfois celle-ci s’écroule, entraînant les malheureuses dans sa chute. En 1238, vingt-six femmes qui se sont rendues auprès de la dépouille de Manetto degli Orciolini meurent ainsi194.
Les processions
73Mais les femmes ont bien d’autres occasions pour sortir de leur maison. Elles participent aux cérémonies religieuses et civiles. À Florence, elles ont pu assister à la translation du corps du bienheureux saint Minias195 puis à l’arrivée du bras de saint Philippe196, à la bénédiction de la première pierre de Santa Croce en 1294197. En 1327, au moment de l’Épiphanie, le légat du Pape, le cardinal Orsini, demande que des processions soient organisées trois jours durant pour que Dieu accorde son aide au Pape contre Ludovic le Bavarois198. En 1330, c’est le corps de saint Zénobie, premier évêque de Florence, qui est retrouvé sous le pavement de Santa Reparata199 ; trois ans plus tard, les reliques de saint Jacques et de saint Alexis et un morceau du Saint Suaire passent par Florence. En 1340, pour faire cesser la peste, les Florentins se réunissent derrière leurs bannières. En 1352, ils accueillent le bras de sainte Réparate200. Le 9 mai 1354, après trois mois de sécheresse et de multiples processions sans succès, les Florentins décident de recourir à l’aide de la Vierge : la population tout entière, femmes, hommes et enfants, précédée de l’évêque et des prieurs, accueille à la porte de San Piero Gattolino une représentation très ancienne de la Vierge qui se trouvait à Santa Maria in Pineta. Le tableau est porté à San Giovanni puis à San Miniato et enfin reconduit dans son église201.
74De même, le 19 avril 1377, alors que Florence, en guerre contre le Pape, (guerre des Huit Saints) est excommuniée :
[…] le matin, toute la population et toutes les confréries de flagellants parcoururent Florence avec de nombreuses bannières et de nombreux tableaux représentant Notre Dame et saint Gilles et beaucoup de crucifix et de tableaux et de gonfalons des confréries […] et des hommes et des jeunes gens et des femmes se flagellant en l’honneur de Dieu et de sa mère la Vierge Marie et de tous les Saints et les Saintes du Paradis et priant le Dieu Tout puissant qu’il ouvre le cœur du Saint-Père envers nous pécheurs et qu’il mette la paix entre lui et nous et pour le monde entier afin que nous soyons avec lui dans la grâce de notre Seigneur Dieu.202
Les entrées solennelles
75Parmi les hôtes de marque qui sont reçus solennellement par un long cortège d’hommes et de femmes « ornate », richement vêtues pour la circonstance, citons Pierre d’Aragon, Castruccio Castracane, l’épouse du prince de Tarente et le nouvel évêque à Florence. La description la plus complète de ces cérémonies nous est offerte par Dino Compagni à propos de l’entrée à Prato le 9 mai 1304 du cardinal-légat :
Le cardinal alla à cheval à Prato où il était né et où il n’était jamais allé ; et là il fut reçu avec beaucoup d’honneur et de dignité : des rameaux d’olivier, des chevaliers qui tenaient des drapeaux et des étendards en voile de soie, toute la population réunie, des femmes parées, les rues protégées de dais, et des danses et de la musique, et tout le monde criait « Vive le seigneur ».203
Les fêtes traditionnelles
76Enfin, tout au long de l’année, sont célébrées des fêtes traditionnelles. À Florence, elles se déroulent au mois de mai et pour la Saint-Jean. Des groupes de jeunes gens se forment dans toute la ville et ils organisent des divertissements et des bals. Giovanni Villani se complaît à décrire :
[…] des groupes de femmes et de jeunes filles se promenant dans la ville en dansant avec maintien, et des dames par deux, avec des instruments et des guirlandes de fleurs sur la tête.204
77En 1304, la fête est endeuillée par la chute du pont alla Carraia. Cette année-là, le chef du groupe de San Frediano a fait proclamer que tous ceux, petits et grands, qui veulent avoir des nouvelles de l’autre monde, viennent le jour du 1er mai sur le pont ou à proximité. Après le déjeuner, le groupe organise, dans plusieurs barques, un simulacre d’enfer : des diables qui soumettent des damnés aux peines de l’enfer parmi des cris horribles. Pour voir ce spectacle, de nombreuses personnes se regroupent sur le pont de bois qui cède sous leur poids. Plus de deux mille personnes tombent dans l’Arno, et plus de cent meurent noyées205.
78Parfois, ce sont les hommes qui transforment la fête en drame. Le 1er mai 1300, des jeunes gens de la famille Donati et de la famille Cerchi, sur la place Santa Trinita, où a lieu un bal de jeunes femmes et de jeunes filles, se défient puis se battent. Au cours de la lutte, quelqu’un coupe le nez de Ricoverino de’ Cerchi206. « Ce coup fut la ruine de notre ville » commente Dino Compagni, qui en fait porter la responsabilité aux Donati, en expliquant qu’ils ont décidé d’attaquer les Cerchi au cours d’un dîner précédant le bal207.
79À Palerme, le lundi de Pâques 1272, alors que les habitants se rendent, à pied et à cheval, à la fête de Monreale, une jeune fille est agressée en chemin par un soldat français. Alertés par ses cris, des hommes accourent pour la secourir. Cet incident, relaté dans plusieurs chroniques208 et dont l’origine est la Leggenda di messer Gianni di Procida209, va servir de prétexte au soulèvement de toute l’île contre Charles d’Anjou210. Simone della Tosa connaît manifestement l’œuvre de cet auteur anonyme car il signale la part de responsabilité de Gianni di Procida dans le soulèvement et parle des exactions commises contre les Frères prédicateurs dans les mêmes termes que lui ; mais il n’utilise pas l’anecdote211.
80Paolino Pieri relate un autre incident qui serait à l’origine de la révolte. Il raconte que, lors d’une fête en mer, les Palermitains ayant élu un chef et hissé un drapeau pour se moquer des Français, ceux-ci leur donnent l’ordre de le retirer. Les Palermitains refusent, l’affrontement a lieu d’abord sur mer puis s’étend à la ville et à toute la Sicile212. Les autres chroniqueurs mentionnent la rébellion sans donner aucune explication. Certains préfèrent souligner l’aide que les Florentins ont apportée au roi Charles à cette occasion :
1282, au mois de septembre, le prince Philippe, fils du roi Charles, vint à Florence. Il se rendait auprès du roi Charles dans les Pouilles car la Sicile se révoltait contre lui. Des chevaliers et de jeunes gentilhommes de Florence y allèrent et Ticino de’ Buondelmonti et d’autres chevaliers et jeunes gentilhommes y moururent.213 Et cette année-là, la Commune de Florence envoya au secours du roi Charles, qui était de Sicile, cinquante chevaliers et cinquante jeunes gentilhommes des lignages de Florence, parmi lesquels beaucoup furent faits chevaliers, et ils demeurèrent pendant presque toute la guerre aux frais de la Commune, et ils emmenèrent le grand pavillon qu’ils laissèrent aux Messinois en souvenir.214
81Les chroniques transmettent l’image de femmes qui ne sont pas enfermées dans leur maison, mais sortent de chez elles fréquemment pour aller en promenade, à une fête pour danser, à un spectacle pour se divertir, dans une église pour assister à une messe. À aucun moment, l’étude des textes n’a fait apparaître une préoccupation quant aux dangers que ces apparitions publiques pourraient représenter pour la société. Le discours des chroniqueurs est à l’opposé de celui des prédicateurs qui considèrent que, hors de la maison, la femme peut allumer chez les hommes, surtout s’ils sont jeunes, des désirs inconsidérés de luxure et provoquer tromperies, adultères, violences qui sèment désordres et discordes dans le noyau familial et dans la communauté sociale à l’image de Dina, fille de Jacob et de Léa, qui est presque systématiquement présente, comme exemple à fuir, dans les sermons et les traités adressés aux femmes215.
82S’ils apportent des exemples de femmes violentées hors de leur domicile, ils ne les rendent jamais responsables des conséquences des désirs qu’elles suscitent. Qu’il s’agisse des querelles entre les Cerchi et les Donati ou entre Français et Palermitains, les responsables en sont des hommes et les motifs sont politiques.
83Lorsqu’elles participent à des moments collectifs où toute la communauté sociale se montre et se reconnaît et où elles doivent montrer le prestige, l’honneur et la richesse de la famille à laquelle elles appartiennent, ils montrent qu’elles dansent « avec maintien » – ce qui a pour but de satisfaire les moralistes comme Francesco da Barberino qui enseigne aux jeunes filles qu’elles doivent « rester le moins possible à la fenêtre, ou au balcon ou sur le seuil ou dans le cloître ou dans tout autre lieu public »216, qu’elles doivent avoir une attitude réservée et pudique : ne pas trop s’amuser, rester distantes, manger peu, danser avec maintien et se mouvoir avec mesure217 – mais ils ne leur imposent aucun modèle de comportement. Si pour les prédicateurs et les moralistes florentins, la bonne épouse est celle qui se tient à la maison et qui tient la maison, il n’en est pas de même pour les chroniqueurs.
Les voyages lointains
Suivre un époux
84Les femmes quittent quelquefois leur ville pour suivre leur époux mais les chroniques témoignent essentiellement des déplacements des femmes de la noblesse.
85L’épouse du marquis Hugues rejoint son mari parce que, précise Giovanni Villani, celui-ci, venu en Italie avec Otton III, a trouvé agréable son séjour en Toscane, et particulièrement à Florence218.
86En 1294 – raconte Paolino Pieri – Gianni da Luccino « […] vint comme podestat à Florence avec plus de faste qu’aucun autre seigneur, et il y amena son épouse »219, « […] qui était très estimée en Lombardie, et d’une grande beauté »220 précise Dino Compagni.
87Lorsque le duc d’Athènes vient à Florence, il emmène également son épouse, à propos de laquelle Giovanni Villani mentionne qu’elle est la fille du duc de Tarente et la nièce du roi Robert. Cette illustre parenté, obtenue par une alliance matrimoniale, lui permet de compléter le portrait flatteur qu’il dresse de Gautier de Brienne : « Tant que le dit duc d’Athènes eut la seigneurie – jusqu’à la venue du duc de Calabre, fils du roi – il sut la diriger sagement, et fut un seigneur avisé et aux manières nobles »221.
Rejoindre un futur époux
88Parfois, les femmes rejoignent celui qui va devenir leur époux. Lorsque nous avons décrit le déroulement des cérémonies nuptiales, nous avons évoqué, à propos du cortège nuptial, image de la trajectoire de l’alliance matrimoniale, les voyages de la fille de Rodolphe Ier de Habsbourg et de celle d’Albert Ier. Toutes les deux quittent l’Empire et traversent l’Italie afin de rejoindre leur futur époux à Naples. Nous pouvons y ajouter le trajet, effectué par voie maritime, de la fille de Charles de Valois qui, accompagnée de Robert d’Anjou, quitte la cour pontificale d’Avignon pour se rendre à Naples, en passant par Gênes afin de permettre à Robert Ier de faire prolonger de six ans le pouvoir seigneurial qu’il exerce sur la ville222.
89Ces voyages ne sont pas toujours sans péril pour les femmes. En 1324, le roi de France, Charles IV, vient dans la région de Toulouse avec son épouse Marie de Luxembourg. Giovanni Villani rapporte que tout le monde crut alors qu’il venait à Avignon se faire élire Empereur par le Pape. Ceci explique sans doute la présence de la reine, qui est la fille de l’Empereur Henri VII, mais le périple a certainement provoqué la mort de la reine dont la grossesse était très avancée. Sur le chemin du retour, la reine Marie meurt en accouchant d’un enfant qui meurt aussi223.
Suivre les armées
90En 1265, rapporte Giovanni Villani, tandis que son époux, Charles d’Anjou, s’embarque à Marseille, avec quelques barons français et provençaux, sur trente galères en direction de Rome, la comtesse Béatrice, en compagnie des mille cinq cents chevaliers commandés par Guy de Montfort, prend, au mois de juin, la route dite « de Lombardie »224. Elle passe par la Bourgogne et la Savoie et franchit les Alpes au Mont-Cenis. Elle est reçue à Turin et à Asti par le marquis de Montferrat mais traverse la Lombardie sous la menace d’une attaque du marquis Pallavicino, parent de Manfred, qui garde les cols avec une armée de plus de trois mille cavaliers. Elle arrive finalement à Parme sans encombre, et à Mantoue, la cavalerie des exilés florentins et toscans, forte de quatre cents hommes commandés par Guido Guerra l’attend. Ils parviennent au terme de leur voyage, c’est-à-dire à Rome, au début du mois de décembre 1265.
91Sept mois de voyage ont été nécessaires à la comtesse pour rejoindre son époux, sept mois pendant lesquels elle a affronté les rigueurs du climat et le danger ; mais il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel car les chroniques apportent une confirmation de ce que d’autres sources ont révélé : les femmes suivent parfois leur époux à la guerre. Les chroniques florentines concèdent à cette pratique une longue tradition puisque, si on en croit la Légende des Origines, les Romaines agissaient déjà de la sorte : l’épouse de Florinus meurt lors de l’attaque du camp par les Fésulans225.
92En 1282, la seconde épouse de Charles d’Anjou, Marguerite de Bourgogne, est présente lors du siège de Messine puisque Giovanni Villani précise qu’elle est la première à regagner Naples après que Charles a renoncé à reprendre la ville et l’île à Pierre III d’Aragon226.
93En 1285, la peste éclate dans les rangs de l’armée française, pendant la retraite que celle-ci a été contrainte d’opérer, depuis les territoires d’Aragon, où Philippe III est allé combattre le roi Pierre III, sur les conseils de Charles d’Anjou et de Martin IV.
Lorsque l’armée du roi de France, défaite, arriva à Perpignan, comme il plut à Dieu, le roi Philippe de France mourut le 6 octobre, en l’année du Christ 1285, et, à Perpignan la reine Marie, son épouse, et sa suite manifestèrent leur grande douleur par des pleurs abondants.227
94Marie de Brabant avait donc suivi l’armée française dans son expédition.
95En revanche, contrairement à ce que disent les neuf chroniqueurs florentins qui en parlent228, en 1191, Constance de Sicile n’a jamais été présente au siège de Naples : couronné empereur par le Pape Célestin III le 15 avril, Henri VI installe Constance à Salerne et met le siège devant Naples. Les défections des chefs de l’armée allemande, la défaite de la flotte pisane, qui assure le blocus de la ville, et les épidémies l’obligent à lever le siège. Le 24 août 1191, Henri VI rentre dans ses états en abandonnant son épouse, Constance, à Salerne. La ville livre la prétendante au trône à Tancrède qui l’envoie en Sicile. Puis, en juin 1192, après avoir signé avec le Pape le Concordat de Gravina et avoir été investi de tous ses états, sans obtenir toutefois le titre de légat pontifical, Tancrède libère Constance qui retourne en Allemagne.
96Le 17 janvier 1328, Ludovic IV de Bavière reçoit la couronne impériale des mains de Sciarra Colonna et son épouse est couronnée après lui, précise Giovanni Villani229. Depuis Cunégonde, les impératrices ont en effet accompagné leur époux dans le long voyage qui, depuis l’Empire doit les amener jusqu’à Rome pour se faire couronner, en passant par Milan afin d’y recevoir la couronne de fer des rois d’Italie.
97Du voyage de Cunégonde et d’Henri II, les chroniques ne disent rien, si ce n’est qu’ils ont séjourné à Florence, où ils auraient fait reconstruire l’église San Miniato et transporter le corps du bienheureux dans l’autel230.
98En 1310, à la fin du mois de septembre, Henri VII de Luxembourg et son épouse quittent Lausanne pour se rendre en Italie. Ils franchissent les Alpes au col du Mont-Cenis et, au début du mois d’octobre, arrivent à Turin. Ils gagnent Asti, où ils demeurent deux mois, puis, la veille de Noël, ils entrent à Milan, où ils sont couronnés le 6 janvier 1311231. L’empereur doit ensuite combattre la ligue guelfe, et les chroniques s’intéressent davantage aux affrontements qu’à l’impératrice. Toutefois, elles mentionnent qu’en octobre 1311, les Génois ont donné cinquante mille florins d’or à l’empereur et vingt mille à l’impératrice232. Celle-ci meurt en novembre, à Gênes et elle y est ensevelie233.
Les pèlerinages
Rome
99Le pèlerinage tient une place difficilement imaginable dans la vie du temps. De nombreux pèlerins sillonnent alors les routes pour se rendre à un sanctuaire, proche ou plus lointain comme Rome, Saint-Jacques-de-Compostelle ou Jérusalem. Au cours de la période qui nous occupe, deux années saintes (1300 et 1350), font converger vers Rome une foule immense d’hommes et de femmes venus de tout l’Occident chrétien. En 1300, raconte Giovanni Villani, « une grande partie des chrétiens qui vivaient alors firent ce pèlerinage, les femmes comme les hommes de différents pays lointains, soit proches soit éloignés. Et ce fut la chose la plus admirable que l’on vit, car continuellement, toute l’année durant, il y avait, à Rome, en plus de la population romaine, deux cent mille pèlerins sans compter ceux qui étaient sur les chemins, arrivant ou repartant. »234
100En 1350, si l’on en croit Matteo Villani, le phénomène est encore plus important : des hommes et des femmes, de toutes conditions, accourus de tous les pays, qui « suivaient avec tant de dévotion et d’humilité le pèlerinage qu’ils supportaient avec une infinie patience les désagréments du climat qui n’était que froid immense, gelées, chutes de neige et averses, et les routes totalement anarchiques et défoncées, et les chauffoirs des auberges, pleins de jour comme de nuit »235. Il estime qu’à Noël et les jours suivants et pendant le Carême jusqu’à Pâques, leur nombre se situait entre un million et un million deux cent mille et, pour l’Ascension et la Pentecôte, à plus de huit cent mille. Vers la fin de l’année, remarque-t-il, « arrivèrent plus de seigneurs et de grandes dames, et d’hommes et de femmes de qualité d’au-delà les montagnes et de pays lointains, et aussi d’Italie, qu’au début ou au milieu de l’année »236.
Jérusalem
101Cette foule qui se hâte vers Rome est pénétrée de la Bible, les psaumes lui sont familiers et Jérusalem, qui est placé au centre du monde sur les cartes les plus anciennes, est la cité que tous les pèlerins espèrent atteindre. L’image qui vient spontanément à l’esprit à propos des croisades est celle de troupes marchant sous la direction de chefs militaires, rois, princes ou empereurs en tête. Or, telle n’est pas du tout l’impression que donne la lecture de la chronique intitulée l’Alexiade qu’Anne Comnène, fille de l’empereur Alexis Ier, a consacrée au récit du règne de son père :
Il se produisit alors un mouvement à la fois d’hommes et de femmes tel qu’on ne se souvient pas en avoir jamais vu de semblable : les gens les plus simples étaient réellement poussés par le désir de vénérer le Sépulcre du Seigneur et de visiter les Saints Lieux […] Ces hommes avaient tant d’ardeur et d’élan que tous les chemins en furent couverts ; les soldats celtes étaient accompagnés d’une multitude de gens sans armes, plus nombreux que les grains de sable et que les étoiles, portant des palmes et des croix rouges sur leurs épaules : hommes, femmes et enfants qui laissaient leur pays. À les voir, on aurait dit des fleuves qui confluaient de partout.237
102Dès les premières lignes de son récit, qui constitue le témoignage le plus complet sur la Première Croisade (1095-1099), cette femme signale la présence des femmes. Plus tard encore, elle écrit, cette fois à propos du départ des seigneurs :
C’était l’Occident entier, tout ce qu’il y a de nations barbares habitant le pays situé entre l’autre rive de l’Adriatique et les Colonnes d’Hercule, c’était tout cela qui émigrait en masse, cheminait par familles entières et marchait sur l’Asie en traversant l’Europe d’un bout à l’autre.238
103Désormais les pèlerinages en armes vont se succéder239. Lorsque Frédéric Barberousse – qui est en route avec une armée de cent mille hommes pour reconquérir Jérusalem tombée aux mains de Saladin (1188) – meurt noyé, le 10 juin 1190, en traversant le fleuve Salef en Asie Mineure, son épouse est présente et, « après la mort de Frédéric, sa femme et son fils et leur armée, bien qu’il en mourût beaucoup pendant ce voyage, retournèrent de Syrie vers l’Occident sans rien avoir acquis »240.
Les autres lieux de Terre Sainte
104Parmi celles et ceux qui se rendent en Terre Sainte, certains s’installent définitivement sur place. Péra, Caffa, La Tana, Famagouste, l’Aïas voient également affluer des hommes d’affaires, des représentants des grandes compagnies mais aussi des artisans venus chercher fortune. L’émigration, en particulier italienne, fait croître ainsi, à partir de la deuxième moitié du XIIIe siècle, une population qui constitue la base sur laquelle les cités maritimes, mais aussi les grandes compagnies commerciales et bancaires de Florence, de Plaisance, de Sienne, d’Asti et de Milan, fondent leur puissance économique et politique.
105Les Florentins tiennent une place non négligeable à Famagouste où se trouvent des représentants des Bardi, des Peruzzi, des Mozzi ou des Buonaccorsi241. Pegolotti, un facteur des Bardi, auteur d’un manuel de commerce qui porte son nom, a longuement séjourné à Chypre et à Famagouste. L’activité des marchands ne donne pas nécessairement naissance à une colonie. En Égypte, par exemple, remarque David Jacoby, « la population des funduqs réservés aux Latins était composée uniquement d’adultes, exclusivement masculine, à l’exception des prostituées, et dénuée de cellules familiales […] En définitive, la présence et l’implantation des nations privilégiées italiennes en Égypte ne déboucha pas sur la constitution de colonies permanentes, pareilles à celles qu’on trouvait à Byzance et dans l’Orient latin dès la seconde moitié du XIIe siècle »242. Ailleurs, il existe dans les fondachi un noyau de population stable, composé de marchands, de facteurs, d’artisans et de leurs familles dont l’existence est attestée par les chroniques. Ainsi, lorsque le sultan Baïbars s’empare au mois de mai 1267 d’Antioche, Giovanni Villani rapporte que « tous les chrétiens, hommes, femmes et enfants qui se trouvaient à l’intérieur furent tués ou capturés et emmenés en esclavage »243. Simone della Tosa, qui signale aussi la prise de la ville, dit simplement :
Et cette année-là, au mois de juin, le sultan de Babylone s’empara par la force d’Antioche, qui était aux mains des chrétiens, et il la détruisit et captura et tua ceux qui se trouvaient à l’intérieur.244
106Au mois de mai 1289, le sultan Qalaoun, qui exerce le pouvoir à la mort de Baïbars, prend d’assaut la ville de Tripoli :
[…] et beaucoup de chrétiens qui se trouvaient à l’intérieur furent tués, ainsi que les jeunes garçons, et les femmes et les jeunes filles furent ignoblement violées par les Sarrasins et emmenées en esclavage ; certains s’échappèrent sur des galères et des bateaux qui étaient dans le port et se réfugièrent à Saint-Jean-d’Acre.245
107Pour Paolino Pieri et Simone della Tosa, en revanche, personne ne put s’échapper :
Cette année-là, au mois de mai, la ville de Tripoli fut enlevée et prise par les Sarrasins ; et tous les chrétiens qui étaient à l’intérieur furent tués ou capturés.246
Et cette année-là, les Sarrasins prirent Tripoli qui était aux mains des chrétiens et ils l’eurent par la force, et ceux qui se trouvaient à l’intérieur furent tous capturés et tués, et ce fut un grand malheur, et la ville fut détruite.247
108L’entrée des Mamelouks dans Tripoli, le 27 avril 1289, est marquée par un terrible massacre. Presque toute la population est tuée et l’horreur de cette tuerie est restée longtemps dans les mémoires comme en témoigne le poème de lamentations d’un poète grec melkite, Sulaymān al-Ashlūhī :
Ils ont enlevé les femmes du jour, malheur à moi ! les petites filles, les épouses et les jeunes garçons / Combien ils ont traîné de jeunes filles par leur tresse, qu’ils couraient mener en hâte au marché / pour les vendre et en tirer de l’argent, tandis que les larmes inondaient leurs joues.248
109Enfin, en 1291, c’est Saint-Jean-d’Acre, le dernier bastion des royaumes chrétiens d’Orient, qui tombe après un combat qui aura duré quarante-quatre jours. Les cavaliers du sultan tuent plus de soixante-dix mille chrétiens. Selon un chroniqueur anonyme :
Une partie de la population, vingt mille personnes, des jeunes filles et des enfants, se renfermèrent dans l’enceinte du temple ; finalement, ils furent brûlés et passés au fil de l’épée par les Sarrasins. Des hommes jeunes furent pris et emmenés en esclavage, et toute la journée on leur faisait labourer la terre, comme des bœufs.249
110Simone della Tosa mentionne également cet événement et y ajoute quelques détails relatifs à la fuite des chrétiens et aux pertes subies par le sultan :
Le 18 mai, le sultan de Babylone prit par la force Saint-Jean-d’Acre, qui était aux mains des chrétiens, et les gens qui étaient à l’intérieur furent presque tous tués et capturés ; et beaucoup se noyèrent dans la mer car ceux qui étaient sur les bateaux ne laissaient pas monter les autres afin de ne pas les surcharger. Plus de soixante mille Sarrasins appartenant aux troupes du Sultan moururent ; certains dans les fossés, avant la prise de la ville.250
111Paolino Pieri apporte des précisions sur le nombre de morts et de prisonniers :
[…] et le Patriarche de Jérusalem fut tué ainsi que le Grand Maître du Temple et beaucoup d’autres et on estime qu’il y eut plus de cinquante mille morts, hommes et femmes, et plus de dix mille prisonniers. Parmi eux, tous ceux qui ne voulaient pas abjurer furent tués ou bien on leur fit labourer et travailler la terre comme des bêtes.251
112L’auteur du manuscrit Magl. XXV-505 ne donne aucun détail. Il se contente de noter : « Cette année-là, le 18 mai, le sultan prit Saint-Jean-d’Acre. »252
113En revanche, Giovanni Villani consacre un chapitre entier à cet épisode253 car, ayant reçu des informations d’« hommes dignes de foi », de marchands florentins qui se trouvaient sur place, il désire expliquer pour quelles raisons le sultan assiégea Saint-Jean-d’Acre et s’en empara. Comme les autres chroniqueurs, il raconte ensuite le siège de la ville, la mise en esclavage des hommes et des femmes jeunes, et estime à soixante mille le nombre de victimes. Il se désole de la perte de la ville, qui occupait une position géographique très avantageuse pour les marchands, mais reconnaît que c’est une juste punition infligée par Dieu « car cette ville était remplie de pécheurs, hommes et femmes, coupables de tous les péchés, plus que tout autre ville chrétienne »254.
Le rôle politique des femmes
114Qu’elles soient à l’origine d’un lignage ou qu’elles inaugurent une alliance nouvelle, les femmes assument une part politique importante. Pour quelques-unes d’entre elles, ce rôle est reconnu ouvertement mais pour d’autres, il est marginalisé, parfois nié. Après avoir analysé les différents aspects de la question, nous évoquerons aussi les absentes, celles que les chroniqueurs ont omises volontairement en nous attachant à montrer comment ils ont procédé.
Le pouvoir reconnu des femmes
115Les chroniqueurs n’hésitent pas à montrer que certaines femmes se com portent avec un sens affirmé de la politique.
116Ainsi Giovanni Villani explique que, voulant démontrer que l’enfant qui va naître est l’héritier légitime de son royaume255, Constance de Sicile fait dresser une tente sur une place de Palerme afin que toutes les femmes puissent venir assister à l’accouchement.
117De même, Constance d’Aragon intervient lorsqu’en 1284, le fils du roi Charles Ier d’Anjou est prisonnier en Sicile et que les Siciliens qui, à la suite de la révolte des « Vêpres » (31 mars 1282), se sont dotés de représentants nommés « sindachi », le condamnent à mort :
[…] considérant le danger que représentait la mort du prince Charles pour son époux et ses enfants, elle prit une décision plus sage et dit aux « sindachi » de ces villes qu’il n’était pas convenable que leur verdict soit exécuté sans le consentement du roi Pierre, leur seigneur. Mais il lui semblait qu’il fallait envoyer le prince auprès de lui en Catalogne afin qu’en sa qualité de seigneur, il en disposât selon sa volonté.256
118Sa démarche est un acte politique et non un élan de pitié, sentiment communément attribué aux femmes.
119Parmi les femmes dont l’action politique est remarquée par les chroniqueurs, il faut également citer celles dont nous avons longuement parlé en d’autres circonstances : Marie de Brabant qui demande à son époux Philippe d’intervenir en faveur de ses frères, Isabelle d’Angleterre et l’épouse de Castruccio Castracane.
120Lorsque le pouvoir politique d’une femme est reconnu, c’est parfois parce qu’il est opportun de le faire.
121Prenons l’exemple de la comtesse Béatrice de Toscane. Nous avons déjà montré que Giovanni Villani lui invente une biographie afin de ne pas parler des droits de l’Empire sur la Toscane et Florence. Grâce à l’argent de son père, elle fonde plusieurs monastères, tâche qui entre dans les attributions normales de l’épouse d’un seigneur, mais elle ordonne l’édification de ponts et de places-fortes qu’elle confie à des nobles dont elle fait ses vassaux, rôle qui incombe au seigneur lui-même. Son époux n’apparaît qu’au moment de l’achat des trois châteaux-forts qui constituent le site de Reggio en Émilie :
Et ils achetèrent dans ce lieu trois châteaux-forts, c’est-à-dire ensemble, très proches et, à cause de cette proximité, on appelle communément ces trois châteaux-forts Reggio. Et, pas très loin de ces trois châteaux-forts, la dame fit édifier sur la montagne une forteresse qui ne pouvait être attaquée et qui s’appelait Canossa où, par la suite, la comtesse fonda un noble monastère de religieuses qu’elle dota. Ceci dans les montagnes ; mais dans la plaine, elle fit Guastalla et Suzzara et, le long du fleuve, elle acheta et construisit plusieurs monastères et elle bâtit plusieurs nobles ponts sur les fleuves de Lombardie. Et Carfagnana et la plus grande partie du Frignano et de l’évêché de Modène, dit-on, lui appartinrent, et, dans le Bolonais, Orzellata et Medicina, de grandes habitations spacieuses, firent partie de son patrimoine, et elle en eut beaucoupd’autres en Lombardie ; et en Toscane, elle édifia des places-fortes et une tour, à Polugiano, qui étaient nécessaires au maintien de son autorité ; et elle dota généreusement de nombreux nobles dont elle fit ses vassaux ; en divers lieux elle édifia de nombreux monastères ; elle dota beaucoup d’églises, des cathédrales et d’autres.257
122Qu’ils aient été achetés ou construits, elle paraît être la seule propriétaire de tous ces biens dont sa fille Mathilde hérite. Cependant, si les chroniqueurs qui utilisent directement les Gesta florentinorum et Giovanni Villani reconnaissent tous les droits de la comtesse Mathilde sur ces terres, ce n’est pas au même titre. Si nous comparons les termes qu’ils utilisent pour indiquer la nature de son pouvoir en Toscane et en Lombardie, nous nous apercevons que la plu-part d’entre eux emploient le verbe « iudicare » et même « coiudicare » ou le substantif « giudichatione » qui indiquent qu’elle y exerce une juridiction, sans préciser si elle est absolue :
Cette année-là mourut la comtesse Mathilde qui exerçait sa juridiction sur la Toscane et la Lombardie.258
Cette année-là mourut la comtesse Mathilde qui exerçait une co-juridiction sur toute la Toscane et la Lombardie.259
123Le chroniqueur anonyme du ms. II. IV. 323 est le seul à parler de la donation par laquelle, en 1077 à Rome, puis à nouveau, le 17 novembre 1102 à Canossa, Mathilde lègue tous ses biens à l’Église mais il semble dissocier ces biens qui lui appartiennent en propre, dit-il, de la Toscane et de la Lombardie sur lesquelles elle exerce sa juridiction :
Et sachez qu’elle était une très riche suzeraine qui avait de grands domaines et elle les offrit tous à l’Église du Bienheureux Pierre. Et cela s’appelle encore aujourd’hui le Patrimoine de Saint Pierre.260
Et cette année-là mourut la comtesse Mathilde qui, ayant eu sous son entière juridiction la Toscane et une grande partie de la Lombardie […]261
124L’un d’entre eux, le compilateur du ms. Neapolitanus XIII F. 16, emploie « signoreggiare », ce qui montre que son autorité est de type seigneurial sans exclure que Mathilde soit soumise à un lien vassalique :
Et cette même année, mourut la comtesse Mathilde qui gouvernait une grande partie de la Lombardie et de la Toscane.262
125Enfin, Giovanni Villani utilise « regnare », ce qui donne à la comtesse le pouvoir absolu sur ses terres :
À cette même époque vécut la valeureuse et avisée comtesse Mathilde, qui régnait en Toscane et en Lombardie et qui en fut, presque en totalité, la souveraine.263
126Deux d’entre eux n’évoquent pas les fonctions de la comtesse : Paolino Pieri dit qu’elle comptait parmi les plus grandes dames de Toscane et les grandes du monde sans préciser son rang :
Cette année-là, au mois de mai mourut la comtesse Mathilde qui fut l’une des plus grandes souveraines de Toscane et l’une des grandes dans le monde. Et nous pouvons dire bonne. Et elle bâtit plusieurs abbayes parmi lesquelles il y eut l’abbaye de Florence et celle de Settimo.264
127Ricordano Malispini annonce uniquement sa mort sans faire aucun commentaire : « Et cette même année mourut la comtesse Mathilde »265.
128Parmi les quelques femmes qui exercent un pouvoir reconnu par les chro niqueurs, figure également Marguerite de Flandre, dont Giovanni Villani fait un exemple de veuve méritoire mais aussi de souverain exemplaire qui dirige ses terres de façon avisée, en instaurant des lois de qualité, mais qui sait inspirer la crainte et prendre les armes lorsque cela s’avère nécessaire266.
129C’est par les armes justement, explique Giovanni Villani, que les femmes de Bruges remettent au pouvoir le comte de Flandre. En 1328, à la demande de celui-ci, le nouveau roi de France, Philippe de Valois, tente de rétablir l’ordre dans le pays. Il s’empare de Poperinge puis d’Ypres et marche sur Bruges. Et, à ce moment-là :
[…] comme il plut à Dieu, et ce fut presque un miracle, les grandes dames et les femmes de Bruges réunies prirent des drapeaux aux armes du comte et, courant sur la place de la Halle de Bruges et criant dans leur langue : « Vive le comte et mort aux traîtres ». À cause de ce soulèvement, les chefs, apeurés, partirent, et les grandes dames envoyèrent chercher le comte, qui était à Aardenburg, et elles lui donnèrent la seigneurie de la ville.267
130Ce récit paraît assez curieux et il est probable que Giovanni Villani, bien informé de ce qui se passe en Flandre par les nombreux marchands florentins qui y résident, ne veut pas révéler les circonstances exactes dans lesquelles le comte a repris le pouvoir à Bruges.
Pouvoir des femmes utilisé mais non reconnu par les chroniqueurs
131Dans certaines situations, les femmes deviennent particulièrement importantes, parce qu’elle incarnent le pouvoir légitime, mais certains chroniqueurs ne le révèlent pas et ils indiquent leur présence sans en préciser la raison.
132Il s’agit par exemple de Constance d’Aragon qui peut épargner la vie du fils de Charles Ier d’Anjou non pas parce qu’elle se trouve, comme le laissent croire Paolino Pieri, Giovanni Villani et Ricordano Malispini, presque par hasard en Sicile268, mais parce qu’elle est gouverneur de l’île de 1282 à 1285 ; de même, son fils Jacques l’emmène, lorsqu’il se rend à Rome afin de se réconcilier avec le Pape et le roi Charles de Sicile, parce qu’elle est la fille de Manfred et, à ce titre, l’héritière du royaume de Sicile269.
133C’est aussi ce qui explique l’arrivée d’Isabelle d’Angleterre et de Philippa de Hainaut pendant le siège de Calais (1347). Édouard III a besoin de la présence de sa mère parce qu’elle est la fille de Philippe le Bel et qu’il revendique son héritage. La présence de son épouse lui permet de s’assurer de la fidélité de ses alliés au cours d’un siège particulièrement long (il durera onze mois). Giovanni Villani n’explique pas cette situation. Il souligne que le roi employa toute sa puissance pour acquérir un port fortifié en France puis enchaîne :
Et à ce moment-là, arrivèrent auprès du roi d’Angleterre sa mère et son épouse avec ses deux sœurs et sa fille, et puis le comte d’Ervi avec une grande flotte et des hommes d’armes et de la nourriture fraîche et tout l’armement nécessaire à l’armée.270
134Il établit une simple corrélation avec ce qui est dit précédemment mais il unit, dans une même phrase, l’arrivée des renforts et celle des femmes qu’il sépare en deux groupes (par l’emploi de « avec ») : d’un côté, sa mère et son épouse, de l’autre ses sœurs et sa fille, qui ont une importance mineure mais qui se révélera essentielle, puisqu’il promettra ensuite l’une d’entre elles, sa fille, au jeune comte de Flandre, en échange d’un appui militaire271.
135Déjà, en 1338, Édouard III avait emmené son épouse et ses deux filles à Anvers lorsque, à la suite de la rébellion du comté de Flandre contre le roi de France, il désirait sceller une alliance avec les états flamands mais aussi négocier avec les ambassadeurs de l’Empereur :
La Flandre s’étant presque révoltée contre le roi de France et le comte […], le roi Édouard le jeune arriva à Anvers dans le Brabant avec plus de trois cents navires et de nombreux barons et hommes d’armes de son pays, et avec beaucoup de laine et d’argent, et avec son épouse et deux de ses filles.272
136Giovanni Villani établit une hiérarchie parmi les « arguments » dont dispose le roi Édouard : d’abord, sa force armée, puis la laine anglaise – qui est la matière première essentielle de la draperie flamande, richesse du pays – et l’argent, et enfin, en dernier lieu, son épouse Philippa dont la famille règne sur l’une des grandes entités politiques de la région, le Hainaut. Philippa lui est également utile pour parlementer avec les émissaires de l’Empereur car le Hainaut, comme le comté de Namur et de Luxembourg et les duchés de Brabant et de Limbourg, dépend de l’Empire. La présence de ses filles révèle son intention de conclure des alliances matrimoniales. Au cours de ce voyage, il promet, en définitive, de marier son fils aîné à la fille du duc de Brabant. L’effet est immédiat : le duc s’allie au roi d’Angleterre contre le roi de France et renonce à tous les biens qu’il possède en territoire français, domaines pour lesquels il est le vassal du roi de France273. Édouard III tentera de réaliser une alliance avec le comte de Flandre, vassal du roi de France, en lui promettant sa fille mais un peu plus tard, en 1347, pendant le siège de Calais.
Femmes dont le pouvoir est ignoré par les chroniqueurs
L’héritage de Hongrie
137Certaines femmes sont dépossédées de leurs droits par quelques chroniqueurs qui n’hésitent pas à modifier les données chronologiques et généalogiques afin de faire prévaloir leur point de vue.
138En 1291, le roi de Hongrie meurt. À ce propos, Paolino Pieri écrit :
Cette année-là le roi de Hongrie mourut en ne laissant aucun héritier par ligne masculine. André, qui descendait de la maison de Hongrie, entra dans le royaume et prit le pouvoir et, en peu de temps, il conquit presque tout le royaume et le soumit.274
139À en croire le chroniqueur, c’est parce qu’il n’y avait pas d’héritier direct, qu’André, qui appartient à la famille régnante, a pu s’imposer par la force. Or, selon Giovanni Villani, il n’en est rien : le roi de Hongrie avait une fille, Marie, qui a épousé, en 1270, le futur Charles II d’Anjou (il insiste d’ailleurs sur le fait qu’elle est « fille et héritière du roi de Hongrie »275). Le royaume a donc un héritier légitime qui est Charles Martel, fils aîné du couple royal de Sicile, que son père fait couronner le 8 septembre 1292.
140Giovanni Villani souligne que « le roi Charles fit cela parce que le roi de Hongrie était mort cette année-là, et qu’il n’en resta aucun enfant mâle, ni autre héritier ou héritière, en dehors de la reine Marie, épouse du dit Charles, et mère de Charles Martel, à laquelle le dit royaume de Hongrie revenait en héritage. »276 Il précise pourtant qu’André appartient « par son lignage à la maison de Hongrie »277 ; ce qui montre qu’il accorde sa préférence à Marie, héritière en ligne directe, bien qu’il y ait un héritier mâle potentiel parmi les parents éloignés.
La guerre de succession de Bretagne
141En 1341, le duc de Bretagne meurt sans héritier mâle. Selon Giovanni Villani, il avait une fille :
[…] et cette femme avait une fille que le roi de France, Philippe de Valois, après la mort du duc, maria à Charles de Blois, son neveu, le fils de sa sœur, et il le fit duc de Bretagne ; c’est pourquoi les Bretons furent mécontents et presque la majeure partie d’entre eux se révolta et ils firent duc le comte de Montfort, fils du frère du duc auquel l’héritage revenait par ligne masculine.278
142Si nous examinons les droits de chacun des prétendants tels que les présente Giovanni Villani, nous ne pouvons que comprendre la révolte des Bretons : d’un côté, un couple formé d’une femme qui n’est que la fille de la fille du duc, et qui a été mariée, sans le consentement de son père (puisqu’après la mort de celui-ci) à un homme qui est un neveu du roi de France, mais qui n’est que le fils de la sœur de ce roi. Un couple ducal qui ne compte que des femmes dans sa généalogie ; de l’autre côté, un homme qui est le fils du frère du duc – Giovanni Villani insiste bien en utilisant l’expression « fratello carnale », né du même père et de la même mère – et qui a pour lui le droit et la coutume en vigueur parmi les barons de son pays.
143Les généalogies des deux personnages sont bien différentes : Jeanne de Penthièvre est la fille de Guy, le frère de Jean III, duc de Bretagne, qui meurt sans enfants, mais après avoir marié sa nièce à Charles de Blois. Jean de Montfort est le demi-frère de Jean III. La légitimité des droits de Jean de Montfort apparaît moins évidente que ne l’affirme le chroniqueur.
144Nous nous sommes interrogée sur les raisons de ces transformations et nous pensons que Giovanni Villani a voulu favoriser le parti de Jean de Montfort mais aussi créer un parallèle fictif entre les causes de cette guerre de succession et celles du conflit qui oppose alors la France à l’Angleterre. Si aucun chroniqueur n’ose se prononcer sur la légitimité des prétentions au trône de France d’Édouard III, petit-fils par sa mère de Philippe le Bel, Giovanni Villani, qui s’est limité dans un premier temps à exposer les raisons de la requête du roi d’Angleterre279, exploite cette similitude, fabriquée de toutes pièces, pour affirmer nettement qu’il estime que la loi qui exclut les femmes de la succession tant qu’il reste des héritiers mâles – et qui sera nommée salique par la suite – est coutume de France et doit s’appliquer dans tout le royaume. Il note que « parce qu’il avait changé l’ordre et la coutume des baronnies de France pour son neveu, le roi de France fut accusé de grande injustice »280. De plus, le chroniqueur juge la décision maladroite car, refusant la couronne de France au roi d’Angleterre, au nom d’une loi qui écarte les filles de l’héritage paternel, le roi de France ne peut ensuite ignorer cette loi, lorsqu’il s’agit de choisir entre les héritiers potentiels du duché de Bretagne. Tout en concluant avec beaucoup de philosophie que « les seigneurs font et défont les lois à leur avantage »281, il annonce quand même que « Dieu a vite tiré vengeance, contre le roi et contre le dit comte de Blois, de ce tort fait au comte de Montfort par le roi Philippe de France. »282 Ceci démontre bien qu’à son avis, même Dieu est favorable à une loi qui écarte les femmes de la succession tant qu’il reste des héritiers mâles.
Les absentes
145Cette certitude le conduit aussi à transformer la généalogie des rois d’Angleterre afin que les femmes n’y paraissent pas283. Jouant habilement sur la similitude des prénoms, il assimile Henri Ier Beauclerc, qui régna de 1100 à 1135, à Henri II Plantagenêt, couronné en 1154, sans évoquer Mathilde, fille d’Henri Ier et mère d’Henri II, qui a apporté en dot l’Angleterre aux Plantagenêt, par son mariage avec Geoffroy V, comte d’Anjou et du Maine, surnommé Plantagenêt. Il mentionne un Étienne sans parler de la guerre qui a éclaté, à la mort de Henri Ier, entre Mathilde et Étienne de Blois. Or, Étienne contestait l’héritage parce que sa mère, Adèle, était une fille de Guillaume le Conquérant : le chroniqueur serait bien obligé de reconnaître qu’en Angleterre, le pouvoir a été transmis par les femmes. Enfin, il ne cite pas Aliénor d’Aquitaine qui offre, par son mariage avec Henri II, tous les biens des ducs d’Aquitaine à l’Angleterre : Poitou, Limousin, Bigorre, Rouergue, Guyenne, Albret… près d’un tiers de la France.
Jeanne d’Anjou
146Mais le cas le plus intéressant est certainement celui de Jeanne Ire, dont certains chroniqueurs reconnaissent le pouvoir, tandis que d’autres l’acceptent et le nient à la fois.
147Lorsque Matteo Villani décide de continuer la chronique de son frère Giovanni, il ne commence pas là où Giovanni s’était arrêté. S’il débute son récit par la description de la peste de 1348, il revient ensuite sur des faits qui concernent le royaume de Sicile qu’il connaît bien puisqu’il a séjourné très longtemps à Naples, comme son frère l’indique. Il précise qu’il fait ce retour en arrière « afin qu’on comprenne mieux les choses qui, à notre époque, en découleront ». En réalité, il n’est pas tout à fait d’accord avec ce qu’a écrit Giovanni. Il suffit pour s’en convaincre de mettre en parallèle les textes des deux chroniqueurs. À propos du couronnement, Giovanni Villani dit que Robert Ier :
l’[André] arma chevalier et leur fit prêter hommage, à lui et à son épouse, par tous les barons du royaume comme au futur roi et à la future reine.284
148Matteo écrit :
[…] avant sa mort, il [Robert] fit consommer le mariage du dit duc André et de la dite Jeanne, sa petite-fille, et il la nomma reine. Et, à tous les barons, ceux de la famille royale et les feudataires, et aux officiers du royaume, il fit jurer fidélité à la dite reine Jeanne, laissant par testament que, lorsqu’André aurait vingt-deux ans, il devrait être couronné roi de son royaume.285
149Pour Giovanni, André et Jeanne ont été investis des mêmes droits tandis que, pour Matteo, seule Jeanne a reçu l’hommage, ce qui lui semble anormal, car les dispositions prises par Robert Ier rendent la reine Jeanne « maîtresse et suzeraine de son baron, lequel, parce qu’il est son mari, devrait être son seigneur »286. Giovanni, à partir de ce moment, considère en revanche qu’André est l’époux et le suzerain de Jeanne, qui passe ainsi au second plan et il ne parle plus que du règne d’André tout en reconnaissant parfois que l’héritage appartient à Jeanne :
Tandis que dans le royaume de Pouille régnait André, qui avait pour épouse Jeanne – fille et première héritière de Charles duc de Calabre et fils du roi Robert – qui devait hériter du royaume.287
150Mais, le plus souvent, l’examen attentif du texte montre qu’il n’en tient aucun compte. À propos de Louis de Tarente, il écrit « lequel dit-on était son amant et il menait des négociations pour l’épouser, avec une dispense de l’Église, afin d’être roi après André »288. Après l’assassinat, des divisions naissent, dit-il, « dans le royaume, héritage du roi Charles et du roi Robert, à cause de la mort du jeune roi André. »289 Par cette phrase, Giovanni Villani crée une continuité entre les trois rois qui fait oublier Jeanne. Tout ceci est confirmé par les paroles qu’il attribue à Louis de Hongrie qui accuse Louis de Tarente d’avoir épousé « cette mauvaise femme, adultère et félonne à son seigneur et mari »290, mais plus encore, par les premiers mots du chapitre consacré à l’arrivée de Louis de Tarente et de la reine Jeanne en Provence : « Comme nous venons de dire rapidement, celle qui se faisait appeler la reine Jeanne291 ». Il emploie la même formulation que lorsqu’il parle de l’épouse du prince de Tarente qui, selon lui, se fait appeler indûment « impératrice de Constantinople »292.
151Il est également intéressant de remarquer la hiérarchie qu’il établit entre la reine et les membres de la famille royale :
Dès que le roi de Hongrie et celui de Pologne surent la mort honteuse du roi André, leur frère, […] ils furent très tristes et ils s’indignèrent contre la reine, son épouse, et contre les membres de la famille royale de Pouille, leurs parents […].293
Le comte de Fondi […] à la demande du roi de Hongrie prit Terracina et le château d’Itri près de Gaète pour commencer la guerre à cet endroit contre la reine et la famille royale de Naples.294
152La colère de Louis de Hongrie se tourne d’abord contre la reine puis contre la famille royale. Le comte de Fondi met en fuite les troupes napolitaines et :
[…] la ville de Gaète se révolta presque, ils [les habitants] décidèrent eux-mêmes de leur sort, sans répondre aux membres de la famille royale ou à la reine de Naples.295
153L’année suivante, en mai 1347 :
[…] la ville de l’Aquila s’étant presque rebellée contre la reine de Pouille et les autres membres de la famille royale, héritiers du roi Robert […] au mois de mai, à la demande du roi de Hongrie, l’archevêque de Hongrie et messire Nicolas, un Hongrois, arrivèrent à l’Aquila […] À partir du mois de juin, ils parcoururent le pays ; et de nombreuses villes des Abruzzes se révoltèrent contre la reine et les membres de la famille royale, et se déclarèrent pour le roi de Hongrie […]. Cette nouvelle étant parvenue à Naples, les membres de la famille royale réunirent, entre barons du royaume et soldats, plus de deux mille cinq cents cavaliers et beaucoup d’hommes d’armes à pied.296
Cette année-là, au mois d’octobre, alors que l’armée du roi de Hongrie se trouvait au siège de Sermona, ne recevant aucun secours ni de la reine ni des autres membres de la famille royale, [les habitants] décidèrent, s’ils n’étaient pas secourus par la famille royale avant quinze jours, de remettre la ville sous le commandement du roi de Hongrie […].297
Apprenant que la ville de Sermona et d’autres villes s’étaient soumises au roi de Hongrie, la reine et les autres membres de la famille royale, dont messire Louis, qui avait épousé la dite reine, s’était fait le chef, renforcèrent la ville de Capoue […]. La reine et les autres membres de la famille royale envoyèrent des lettres et des ambassadeurs à la mi-novembre à la Commune de Florence pour obtenir une aide de six cents cavaliers.298
154Trois remarques s’imposent : la reine est obligée de partager son pouvoir avec la famille royale ; lorsqu’il s’agit de lever des armées, elle n’a plus aucun pouvoir ; l’emprise de Louis de Tarente commence à se révéler au grand jour.
155Lorsque la reine débarque à Nice le 20 janvier suivant, elle espère trouver de l’aide en Provence mais :
Le comte d’Avellino des seigneurs des Baux, et le seigneur de Sault et les autres plus grands barons de Provence allèrent voir la dite reine, et tout de suite firent capturer et enfermer dans la prison de Noves le dit messire Maruccio [Caracciuoli] et six de ses compagnons. Ils emmenèrent la reine à Château-Arnoux, sous une escorte courtoise, et personne ne pouvait lui parler en secret sans que les dits barons ne soient présents, parce qu’ils suspectaient et s’inquiétaient qu’elle ne voulût échanger le comté de Provence contre un autre comté de France, avec son cousin messire Jean, fils du roi de France.299
156Une fois encore, elle ne peut imposer son autorité et ne devra sa libération qu’à l’intervention de son époux :
Une fois parvenus en Provence et apprenant dans quelle situation se trouvait la reine Jeanne, [Louis de Tarente, Nicolas Acciaiuoli et l’évêque de Florence] n’osèrent pas débarquer à Nice ni à Marseille. Ils arrivèrent à Aigues-Mortes et, de là, à Beaucaire, dans les terres du roi de France, et puis à côté d’Avignon sur l’autre rive du Rhône. Et l’évêque et messire Nicolas se rendirent à Avignon auprès du Pape et ils intercédèrent tellement que la reine Jeanne fut libérée de Château-Arnoux, et elle entra à Avignon, un dais au-dessus de la tête, et tous les cardinaux vinrent à sa rencontre à cheval et la reçurent avec de grands honneurs, le 15 mars […]. Et puis [le 27 mars], [messire Louis] chevaucha dans Avignon, un pennon au-dessus de la tête, comme un roi, et la reine était à ses côtés […].300
157Matteo Villani, ne revient pas sur le récit de son frère, il dit seulement qu’à l’arrivée du roi de Hongrie, « la reine Jeanne d’abord, et ensuite messire Louis, s’enfuirent en Toscane et puis passèrent en Provence sur des galères, précipitamment, et sans conserver autre chose que leur vie »301. Il consacre ensuite deux chapitres au duc de Durazzo, l’un à son assassinat et un autre pour expliquer ses fautes302, puis il narre l’entrée de Louis de Hongrie à Naples303, le voyage qu’il entreprend dans le royaume – en compagnie de l’un de ses barons et condottiere nommé Corrado Lupo – tandis que la peste ravage la contrée304, et enfin le retour précipité du roi en Hongrie et ses conséquences dans le royaume305. Il revient ensuite à Louis de Tarente qui se trouve à la cour pontificale à Avignon. Il explique que celui-ci prit le titre de roi de Jérusalem et de Sicile, avant même que le Pape ne le lui attribue, parce qu’il estimait que, dans la perspective d’un retour à Naples, ce titre lui serait nécessaire pour diriger les affaires du royaume et écrire des lettres de sa part et de celle de la reine. « Et à partir de ce moment-là, messire Louis fut appelé roi. »306
158Matteo Villani le citera désormais en premier, avant la reine, tout en les associant :
Le dit roi et la reine Jeanne espérant retourner dans le royaume […] demandèrent de l’aide au Pape et aux cardinaux […] et par nécessité, ils vendirent à l’Église la juridiction que la reine possédait sur la ville d’Avignon pour trente mille florins d’or […] ils firent appel aux barons […] et à grand peine ils firent armer dix galères de Gênois […] ils arrivèrent à Naples sains et saufs en quelques jours à la fin du mois d’août de cette année-là […] ils ne purent entrer dans le port […] ils arrivèrent même à l’extérieur de Naples […] et le roi et la reine entrèrent dans l’Église de Notre-Dame.307
[…] les barons qui s’étaient réunis pour attendre l’arrivée du roi et de la reine, […] les marchands florentins, siennois et lucquois qui étaient alors à Naples, et les Gênois et les Provençaux et les autres étrangers qui étaient alors à Naples […] allèrent à la rencontre du roi et de la reine.308
159Toutefois, c’est à Louis de Tarente seul que revient la décision d’envoyer à Naples Nicolas Acciaiuoli, muni des pleins pouvoirs, pour préparer leur arrivée309 et c’est lui qui se présente le premier, dans les rues de Naples, pour être acclamé par les Napolitains, étonnés qu’on leur demande de crier « Vive le seigneur », et non pas « Vive le roi », chose qu’ils n’auraient pas pu dire à ce moment-là, commente Matteo, puisque Louis de Tarente ne possédait pas encore ce titre310.
160Plus tard, lorsque la Commune de Florence voudra acheter la juridiction que la reine possède sur Prato, elle négociera avec le couple royal, par l’entremise de Nicolas Acciaiuoli, mais c’est à la reine seule que la Commune paiera dix-sept mille cinq cents florins311.
161De même, lorsque le doge de Gênes et son conseil veulent négocier, ils envoient douze galères dans le port de Naples et :
[…] ils dictèrent au roi et à la reine le parti qu’ils devaient prendre en disant ceci : « Le doge de Gênes et son Conseil nous ont envoyés ici pour vous apporter de l’aide, à condition que vous restituiez, de votre plein gré, à notre Commune, la ville de Vintimille, qui se trouve sur notre côte, bien qu’elle appartienne en droit au comté de Provence. Et si vous ne faites pas cela, nous avons l’ordre d’être contre vous et de servir le roi de Hongrie ».312
162Alors, ensemble,
le roi et la reine, se voyant assiégés par la grande cavalerie du roi de Hongrie […] pensèrent que si les Gênois devenaient leurs ennemis sur mer, ils étaient perdus. Aussi, poussés par la nécessité, ils décidèrent de faire ce que voulaient le doge et la Commune de Gênes […] Et ils firent donner tout de suite la propriété de la ville de Vintimille à la Commune de Gênes.313
163Peu après, les relations entre la reine Jeanne et Louis de Tarente se détériorent « parce qu’elle voulait être davantage respectée par lui qu’elle ne l’était, lui semblait-il, parce qu’elle était reine et souveraine du royaume, et que son époux n’était pas encore roi. »314 Elle fait appel à l’un de ses barons de Provence, le seigneur des Baux, qui fait armer dix galères mais, au lieu de secourir les Napolitains, il prélève une taxe sur tous les bateaux qui sortent du port, réclame des faveurs à Louis de Tarente, qui les lui accorde, et négocie en même temps avec le roi de Hongrie.
164Le seigneur des Baux, dont la venue a été provoquée par le sursaut d’orgueil de la reine, « fut nuisible au roi Louis et aux Napolitains, n’accrut pas l’assurance de la reine mais permit au roi de Hongrie d’obtenir plus rapidement Aversa, par des négociations. »315 Matteo Villani réunit le sort des Napolitains et celui de Louis de Tarente, il ne fait plus aucun doute qu’à ses yeux, il est leur véritable souverain. Le titre du chapitre suivant le prouve : « Comment le roi de Hongrie et le roi Louis en vinrent à une trève »316.
165En attendant qu’elle ait jugé si Jeanne est coupable ou non de la mort d’André de Hongrie, l’Église ordonne une trève : « selon les accords, chaque roi devait quitter le royaume en personne » et Matteo ajoute, pour réparer l’oubli qu’il a commis, « et la reine »317. Le roi de Hongrie quitte le royaume pour aller à Rome en pèlerinage et immédiatement, « le roi Louis, pour montrer qu’il sort du royaume et qu’il respecte les accords, quitta Naples avec la reine et il vint dans la ville de Gaète.318 » Jeanne se contente de suivre son époux, et un peu plus tard, lorsque le comte des Baux, marie de force la duchesse de Durazzo à son fils et l’embarque sur une galère pour l’emmener en Provence, c’est Louis qui réagit violemment et qui intervient. Il monte sur la galère où se trouve le comte et,
venu vers lui, il lui raconta, dans un court sermon, toutes ses trahisons, et la folle audace qui le conduisit à souiller le sang royal. Ceci dit, sans attendre de réponse, avec son estoc, Louis lui infligea une première blessure et, aussitôt, le comte en reçut tant, qu’il mourut sur la galère sans pouvoir prononcer un mot.319
166Les titres des chapitres suivants ne font que confirmer l’effacement de Jeanne : « Comment le roi Louis envoya le grand Sénéchal lever des troupes en Romagne »320, « Comment le roi Louis accueillit les barons du Royaume et se rendit dans les Abruzzes »321, « Comment le roi Louis soutint les habitants de l’Aquila qui fêtaient Noël avec lui »322, « Comment le Pape Clément fit la paix entre les deux rois »323, « Comment une compagnie se forma dans le Royaume et comment elle fut vaincue par le roi Louis »324 jusqu’au récit du sacre qui ne fait qu’entériner la situation :
Le pape Clément VI et ses cardinaux, ayant envoyé des légats dans le Royaume, le 27 mai de la dite année, dans la ville de Naples, après avoir célébré une messe solennelle, avec la solennité habituelle, ceux-ci sacrèrent et couronnèrent au nom de la sainte Église d’abord le roi Louis, puis la reine Jeanne, du royaume de Jérusalem et de Sicile.325
167Il est d’usage que le roi soit couronné avant la reine mais, dans le récit de l’hommage prêté par les barons, le passage du pluriel, désignant le roi et la reine, à un singulier, ne désignant plus que Louis est significatif :
[…] le roi et la reine vêtus et parés selon leur dignité royale, reçurent l’hommage de tous les barons qui n’avaient pas été en guerre contre eux, et de beaucoup de ceux qui s’étaient rangés contre lui et pour le roi de Hongrie. À tous ceux-là, il pardonna, en se montrant bien disposé à leur égard et rempli de bonne volonté. Et il assigna un juste délai pour se soumettre en paix et avec amour, à ceux qui n’étaient pas venus lui rendre hommage à son couronnement.326
168En 1376, Florence est engagée contre le Pape dans une guerre, connue sous le nom de « Guerre des Huit Saints », et cherche un appui à Naples. Les chroniqueurs des Magliabechianus XXV, 19 et Marcianus VI, 270 rendent compte des va-et-vient diplomatiques entre Florence et Naples de la façon suivante :
Aujourd’hui 21 mai 1376, allèrent à Naples comme ambassadeurs de la Commune de Florence auprès de la reine messire Albizzo Rucellai, messire Francesco Rinuccini et messire Donato di Ricco.327
Aujourd’hui 15 juillet 1376, le matin, à mi-tierce, un valet vint chez messire Ridolfo, notre capitaine, pour annoncer que l’armée de la reine avait été vaincue à Ascoli.328
Aujourd’hui 2 août 1376, la reine de Naples a envoyé deux lettres à Florence, l’une à nos Seigneurs et l’autre aux capitaines du parti guelfe et elle dit qu’elle veut servir d’intermédiaire entre nous et le Pape pour aboutir à un accord. Je ne sais pas ce qui va se passer. Que Dieu nous aide !329
Aujourd’hui 16 août 1376, nous avons des nouvelles de Naples, de l’invitation que la reine de Naples a faite à tous les Florentins et aux marchands de Naples.330
Aujourd’hui 11 septembre de l’année 1376, à 18 heures, arriva à Florence un valet avec un message et il raconta que l’armée de la reine avait été vaincue à Ascoli. Entre les morts et les prisonniers, il y eut plus de 500 victimes parmi les cavaliers et les fantassins.331
Aujourd’hui, le 18 avril de l’année 1377, arrivèrent à Florence des ambassadeurs de la reine.332
169Florence a maintenant comme seul interlocuteur, la reine Jeanne qui, tenue à l’écart des affaires de 1352 à 1362, par son second mari, Louis de Tarente, a repris en main le gouvernement, ne laissant aucun rôle à ses autres maris succes sifs, Jacques de Majorque et Otton de Brunswick.
170En définitive, nous pouvons estimer que certains chroniqueurs ne reconnaissent pas volontiers le rôle politique des femmes. Tantôt ils n’en parlent pas du tout, tantôt leur récit dément l’importance qu’ils semblaient décidés à lui accorder dans un premier temps. En revanche, tous admettent que les femmes partagent avec les hommes les conséquences des actions politiques menées par ceux-ci, qu’il s’agisse de guerres, d’emprisonnements ou d’exils.
Les femmes et la guerre
Les femmes au combat
171L’exemple traditionnel de la femme guerrière se trouve dans la Nuova Cronica de Giovanni Villani. Il s’agit de Camille333, dont nous avons déjà parlé, mais les femmes qui non seulement accompagnent leur époux mais participent au combat sont nombreuses dans les chroniques. Ainsi, en 1230, les Siennoises combattent contre les Florentins :
Et cette année-là, alors que messire Otto da Bandello était podestat, le 21 juin, les Florentins allèrent attaquer la ville de Sienne, avec le « carroccio » et l’étendard déployé […] Et les Siennois sortirent pour se défendre et il y eut une grande bataille ; les Florentins triomphèrent. Et les femmes vinrent combattre.334
172Le chroniqueur qui a compilé le manuscrit II. IV. 323 est le seul à mentionner la présence de femmes dans la bataille mais d’autres expliquent, comme lui, ce que quelques-uns d’entre eux n’osent pas dire ; à l’issue du combat, les vainqueurs, c’est-à-dire les Florentins, ont capturé des Siennoises et ils les ont emmenées à Florence, en guise de récompense accordée aux combattants :
[…] Les prisonniers qu’ils emmenèrent en captivité à Florence furent au nombre de mille trois cent trente-cinq hommes ; et beaucoup de belles femmes de Sienne furent capturées, et emmenées de force à Florence, en guise de récompense pour ceux qui les avaient gagnées.335
173Les autres chroniques tributaires des Gesta florentinorum c’est-à-dire la Cronachetta antica di Firenze (II. II. 39)336, les Annali de Simone della Tosa337, la Ricordanza delle cose che avvengono in Firenze (Marcianus VI-270)338 et les Croniche de Paolino Pieri339 donnent la même version de ces faits.
174Le compilateur de la Chronichetta (Magliabechianus XXV-505), ainsi nommée par P. Santini340, rapporte une version un peu différente de cette attaque, les Florentins capturent les consuls de Sienne et non plus les femmes :
Les Florentins allèrent à Sienne avec le « carroccio », ils allèrent jusqu’aux portes et défirent les barricades. Ils entrèrent dans la ville et s’emparèrent des consuls et capturèrent mille deux cent vingt-cinq hommes.341
175Quant à celui du Magliabechianus XXV-19 – dont l’œuvre est en général très proche du Marcianus VI-270, avec lequel il est édité – il ne précise pas l’identité des personnes emmenées à Florence :
Les Florentins […] entrèrent par les portes dans la ville et ils en emmenèrent un grand nombre [d’habitants]. Et ils furent battus et mille deux cent trente-cinq hommes furent pris et emmenés à Florence.342
176Giovanni Villani et Ricordano Malispini, soucieux de ne pas ternir l’image de leur patrie par des détails peu glorieux, ne mentionnent pas la présence de femmes et arrondissent le chiffre des prisonniers à mille deux cents :
Les Florentins […] entrèrent dans les faubourgs de la ville et ils emmenèrent en prison, à Florence, plus de mille deux cents hommes.343
Les Florentins […] entrèrent dans le bourg et emmenèrent environ mille deux cents hommes en captivité à Florence.344
177Et Matteo Villani s’indignera devant des pratiques similaires exercées par des soldats hongrois et allemands plus d’un siècle plus tard345. En 1349, le Pape réclame une trêve dans le royaume de Sicile, et il offre aux mercenaires allemands et hongrois 120000 florins d’or. En plus de ce trésor, ils se partagent le fruit de leurs pillages : des destriers, des armes et des armures, beaucoup de vaisselle en argent, des crucifix, des calices et autres ornements des églises qu’ils avaient pillées, des parures de femmes, des étoffes et des vêtements de très grande valeur :
Après avoir traversé le Volturno, ils décidèrent de quitter le Royaume et ils partirent tous – sauf Currado Lupo, fra Moriale et les Hongrois qui restèrent pour le compte du roi de Hongrie dans le Royaume – en emmenant de nombreuses femmes enlevées à leurs maris, et beaucoup d’autres qui n’avaient pas de mari, chose étrange et inaccoutumée parmi les fidèles chrétiens.346
178En revanche, Giovanni Villani et Ricordano Malispini sont les seuls à souligner le rôle joué par les femmes de Messine lors du siège de la ville par les troupes de Charles d’Anjou, en 1284 :
Les Messinois avec leurs femmes, les meilleures et les plus grandes de la ville, et avec leurs enfants, petits et grands, construisirent en trois jours le dit mur, et ils résistèrent courageusement aux assauts des Français. Et alors, on fit une petite chanson qui dit : « Hélas, c’est grand pitié de voir les femmes de Messine décoiffées, porter des pierres et de la chaux ! Que Dieu procure ennuis et tourments à celui qui veut détruire Messine ! etc. ».347
Et tout de suite, les Messinois et leurs femmes, les plus importantes de la ville également, construisirent un mur là où il n’y en avait pas, en trois jours et ils résistèrent courageusement aux assauts des Français. C’est pourquoi on fit une chanson qui dit : « Hélas, c’est grand pitié de voir les femmes de Messine décoiffées, porter des pierres et de la chaux ! » Et on fit cette chanson pour cette raison.348
179En 1301, les habitants de Bruges se soulèvent contre le roi de France. Les Brugeois réfugiés à Damme et Aardenburg les rejoignent et c’est le début d’une révolte qui est plus connue sous le nom de « Matines brugeoises ». Giovanni Villani raconte :
[…] les femmes comme les hommes vinrent à Bruges la nuit du […] comme cela était décidé […] Et une fois arrivés dans la ville […] criant dans leur langage flamand qui n’était pas compris des Français : « Vive la Commune, et mort aux Français », ils firent des barricades dans les rues de la ville […]. Ainsi commença le douloureux massacre et la mort des Français, de la façon suivante : chaque Flamand qui avait chez lui un Français soit le tuait, soit l’emmenait prisonnier sur la place de la halle, où la Commune était réunie, en armes, et là, lorsque les prisonniers arrivaient, ils étaient mis en morceaux comme du thon et tués. Voyant que l’émeute avait éclaté, les Français prirent leurs armes pour se rassembler mais leurs logeurs avaient enlevé les harnais et caché les selles de leurs chevaux. Et les femmes en faisaient plus que les hommes ; et ceux qui étaient montés à cheval trouvaient les rues barricadées et on leur jetait des pierres par les fenêtres et ils étaient tués dans la rue.349
180En 1306, les Florentins et les Lucquois assiègent Pistoia pendant onze mois. La faim est si grande parmi les assiégés qu’ils tentent de sortir de la ville pour se ravitailler et, ainsi qu’en témoignent plusieurs chroniques, les assiégeants coupent le nez aux femmes et le pied ou la main aux hommes :
Tous ceux qui en sortaient étaient capturés, aux hommes on coupait le pied et aux femmes le nez et ils étaient renvoyés dans la ville par un certain messire Lando de Gubbio, un officier cruel et sans pitié.350
Après qu’aient cessé le massacre et la pratique cruelle de couper le nez des femmes qui sortaient de la ville à cause de la faim (et aux hommes ils coupaient les mains) […]351
181Lorsque les Florentins font la guerre aux Ubaldini en 1349, ils se diri gent vers Montegemmoli, une forteresse presque inexpugnable où se trouve Maghinardo da Susinana et, raconte Matteo Villani :
[…] ils s’en emparent presque complètement, sauf des palais et des tours de la dernière forteresse où étaient enfermés Mainardo et son épouse et deux de ses fils avec leur troupe, lesquels se défendirent vigoureusement.352
182À Florence, au mois de juillet 1354, la famille Bordoni attaque deux familles voisines, les Mangioni et les Beccanugi, qu’elle soupçonne d’être à l’origine de l’exécution de l’un des siens. Au cours de cet assaut, l’épouse d’Andrea di Lipozzo des Mangioni reçoit un coup de lance au-dessus de l’œil et elle en meurt353.
183Mais le cas le plus extraordinaire de femme qui mène un combat est bien celui de Cia ou Marzia degli Ubaldini, épouse de Francesco degli Ordilaffi, capitaine de Forlì. Celle-ci se trouve à Cesena lorsque le comte Carlo da Doadola, après avoir pillé la campagne environnante, s’apprête à regagner son camp. Cia monte alors à cheval et pousse ses soldats à l’imiter. Ils poursuivent les ennemis et les capturent. Le comte meurt peu après, des suites de ses blessures. Malgré cela, Matteo Villani ne rend pas complètement hommage au courage de Cia car le chapitre est intitulé : « Comment le comte de Doadola fut vaincu et tué par le capitaine de Forlì »354.
184L’histoire de Cia degli Ordilaffi ne s’arrête pas là. Le légat du Pape envoie mille cinq cents cavaliers pour s’emparer de Cesena. Ceux-ci, grâce à la complicité de trois habitants, réussissent à pénétrer dans la première enceinte et madonna Cia se réfugie avec ses troupes dans la partie haute de la ville et dans la forteresse.
185Puis, elle fait décapiter les trois traîtres et ordonne que leurs corps soient jetés sur les ennemis et « elle organisa la défense de la plus petite enceinte et de la forteresse en montant la garde soigneusement de jour comme de nuit, montrant qu’elle craignait peu ce qui pourrait lui arriver »355.
186Le légat envoie la totalité de ses troupes à l’assaut de la forteresse mais « la valeureuse madonna Cia faisait de son côté bonne garde, de jour comme de nuit et maintenait la défense en bon ordre »356. Ayant su qu’un ancien ami de son époux nommé Sgariglino, qui se trouvait avec elle, tentait de passer un accord avec le légat afin d’obtenir que les assiégés aient la vie sauve, elle le fait arrêter et lui fait couper la tête :
Et elle resta seule à la tête de la guerre et capitaine des soldats. Et de jour comme de nuit, en armes, elle défendait si parfaitement les murailles contre les assauts des troupes du légat, et avec un courage si fier et si résolu, que ses amis et ses ennemis la craignaient résolument, pas moins que si le capitaine était présent en personne.357
187Les troupes du légat réussissent à franchir malgré tout les murailles et,
ayant merveilleusement défendu par les armes et dirigé ses troupes, madonna Cia se retira dans la forteresse avec quatre cents hommes, cavaliers et soldats, prêts, par un étrange amour, à obéir aux ordres de la dame jusqu’à la mort.358
188Madonna Cia est enfermée dans la forteresse avec Sinibaldo, son jeune fils, deux jeunes enfants qui sont ses neveux, une jeune fille en âge d’être mariée, deux des filles de Gentile da Mogliano et cinq demoiselles de compagnie. Vanni degli Ubaldini, le père de Cia, demande au Légat la grâce de pouvoir parler à sa fille afin de lui conseiller de se rendre. Il réussit à la rencontrer mais madonna Cia lui répond :
« Mon père, lorsque vous m’avez donnée à mon seigneur, vous m’avez commandé avant tout de lui obéir, et c’est ce que j’ai fait jusqu’à maintenant et que je compte faire jusqu’à la mort. Il m’a confié cette ville et m’a dit de ne l’abandonner sous aucun prétexte et de ne pas en disposer en son absence, ou en l’absence d’un signal secret qu’il m’a donné. Je me soucie peu de la mort et du reste du moment que j’obéis à ses ordres. »359
Les conséquences
189Lorsque des femmes se trouvent ainsi mêlées à un conflit, qu’elles appartiennent aux classes sociales supérieures ou au peuple, elles en subissent les conséquences et elles sont souvent enlevées, emprisonnées, violées, exilées ou assassinées.
Enlevées
190La première victime mentionnée par les chroniqueurs de la Légende des Origines, Giovanni Villani et Ricordano Malispini est Hésione, enlevée par Talamon pour se venger de ne pas avoir été reçu par Laumedon, roi des Troyens360. À ce rapt répond celui d’Hélène361, ainsi que nous l’avons déjà précisé.
Emprisonnées
191L’emprisonnement est un sort que les femmes partagent fréquemment avec leur famille, surtout si elles sont reines. Les chroniques sont là pour le rappeler.
192En 774, Charlemagne, après avoir capturé Didier, le roi des Lombards, ses enfants et son épouse, leur fait jurer fidélité à l’Église et puis les envoie en prison en Gaule. Ils mourront tous en captivité, précise Giovanni Villani362, sauf le fils aîné de Didier, Adelchis, qui fuit à Constantinople et essaie, sans succès, de faire intervenir l’empereur Constantin V.
193Le 24 décembre 1194, Henri VI se fait couronner solennellement roi de Sicile. Quelques jours après, invoquant un complot contre sa personne, il ordonne l’arrestation des principaux barons et de la famille de Tancrède de Lecce : le jeune Guillaume III, ses trois sœurs – Elvire, Sibylle et Constance – et leur mère Sibylle d’Acerra.
194Ces événements sont relatés par le chroniqueur du II. IV. 323 de la façon suivante :
Henri V d’Allemagne régna huit ans […] la première année, il pénétra dans le royaume de Sicile et conquit toute la Pouille jusqu’à Naples […] Et la quatrième année de son règne, il conquit tout le royaume de Pouille ; et il condamna à la torture et à mort beaucoup de ceux qui se révoltèrent contre lui ; et il fit conduire en captivité en Allemagne, Tancrède, fils du roi Tancrède de Sicile, qui s’était rebellé contre lui, ainsi que son épouse Marguerite.363
195Le chroniqueur commet deux erreurs, relatives au nom des personnages qu’il cite : le fils de Tancrède de Sicile se prénomme Guillaume et l’épouse de Tancrède ne se prénomme pas Marguerite mais Sibylle d’Acerra. Il la confond avec Marguerite de Navarre, fille de Garcia VI de Navarre, et épouse de Guillaume Ier, roi de Sicile de 1154-1166.
196Comme le racontent Giovanni Villani et Ricordano Malispini, les trois sœurs, seront libérées à la mort d’Henri VI :
Entré dans le royaume avec son armée en 1197, Henri conclut une fausse paix avec le jeune roi Guillaume et, s’en étant emparé par ruse et en grand secret, il l’envoya en exil en Souabe avec sa sœur et il le fit aveugler puis garder jusqu’à sa mort […]. À la mort de l’empereur Henri […] Philippe, duc de Souabe, à la demande de sa femme qui était la fille de l’empereur Manuel de Constantinople, les libéra de l’exil et de la prison et les laissa s’en aller.364
Henri retourna dans le Royaume de Sicile et de Pouille sur lequel régnait Guillaume […]. Alors qu’ils avaient conclu un traité de paix, ce dernier fut trompé par le dit Henri qui le fit capturer avec ses trois sœurs et l’envoya en prison en Allemagne. Et il fit aveugler et émasculer le dit Guillaume afin qu’il ne puisse procréer et il mourut pitoyablement en prison. Ses sœurs furent libérées de prison, après la mort d’Henri, par son frère Philippe.365
197Giovanni Villani apporte quelques informations complémentaires sur le de venir des trois sœurs de Guillaume, qu’il nomme Alberia, Costanza et Madama. Après leur libération, Elvire se maria à trois reprises, Constance une fois, et Madama (Sibylle) jamais366.
198Cependant, la captivité se termine souvent par la mort. Ainsi, lorsque Charles d’Anjou, investi par le Pape Urbain IV du royaume de Sicile, tue Manfred à la bataille de Bénévent (26 février 1266) et s’empare à son tour du royaume, l’épouse, les enfants et la sœur de Manfred lui sont livrés et l’issue de leur captivité, qui ne semble pas être accompagnée de tortures, est néammoins plus tragique que celui des Hauteville :
Et quelques jours plus tard, l’épouse du dit Manfred, ses enfants et sa sœur […] furent livrés au roi Charles et ils moururent ensuite dans sa prison.367
199De même, en 1296, la fille du comte de Flandre est emprisonnée par le roi de France qui veut ainsi empêcher son mariage avec le roi d’Angleterre et l’alliance entre Flandre et Angleterre qui en résulterait. Elle meurt peu de temps après et le roi, qui ne lui a fait subir aucun sévice précise Giovanni Villani, est toutefois soupçonné de l’avoir fait empoisonner :
Le roi fit garder courtoisement la dite demoiselle en prison, pour qu’elle ne devienne pas l’épouse de son ennemi et peu de temps après elle mourut ; on la fit empoisonnée, dit-on.368
Violées
200Les chroniqueurs répugnent souvent à parler des sévices sexuels infligés aux femmes. Ils ne le font que lorsque leurs œuvres ne sont pas, a priori, destinées à être divulguées et dans la mesure où ceux qui exercent ces violences sont des ennemis dont ils veulent entâcher l’honneur. Ainsi, un chroniqueur anonyme précise qu’en février 1247, après le départ des Guelfes de Florence, les Gibelins,
[…] abattirent les tours et les palais et toutes les forteresses que les Guelfes possédaient et ils firent d’autres choses, ignobles, répréhensibles et très honteuses, ils violèrent les femmes et les jeunes filles.369
201Tandis que Giovanni Villani et Ricordano Malispini se contentent de regretter les destructions de monuments :
Les Gibelins qui restèrent maîtres de Florence […] firent détruire environ XXXVI forteresses guelfes, des palais et de grandes tours, dont la plus noble était celle des Tosinghi, sur le Mercato Vecchio, appelé le « palais », d’une hauteur de XC bras, décoré de petites colonnes de marbre, et, en même temps qu’elle, une tour de CXXX bras de hauteur […] Et encore une autre tour, haute et belle, qui était sur la place San Giovanni et se trouvait à l’entrée du Corso degli Adimari […] Et notez que depuis que la ville de Florence avait été reconstruite, on n’avait pas encore détruit de maison, et c’est alors que commença le fléau de la destruction, à cause des Gibelins.370
Exilées
202Si les chroniqueurs hésitent à mentionner les viols, ils s’apitoyent en revanche volontiers sur les femmes contraintes à l’exil. Ainsi, en 1263, les Guelfes réfugiés à Lucques après Montaperti sont sommés de partir dans un délai de trois jours :
Pour cette raison, beaucoup de nobles épouses des exilés de Florence mirent au monde leurs enfants dans les montagnes de San Pellegrino – qui se trouvent entre Lucques et Modène – par nécessité, et elles s’en allèrent en grand exil (et misérablement) vers la ville de Bologne. Et ce fut au mois de […], en l’an 1263 de Notre Seigneur Jésus-Christ.371
203En 1326, l’évêque d’Arezzo fait détruire le château de Laterina et il en fait disperser les habitants : cinq cents familles au moins sont condamnées à l’exil, selon Giovanni Villani372.
204Souvent, l’exil ne frappe qu’une femme dont l’époux a été assassiné : en 1328, l’épouse de Castruccio Castracane est exilée, en même temps que ses fils, à Pontriemoli par Ludovic de Bavière373. Après l’assassinat du duc de Durazzo, Marie d’Anjou est obligée de s’enfuir avec ses deux fillettes et de se réfugier d’abord dans le monastère de Santa-Croce puis à Montefiascone et enfin en France.
Assassinées
205Nous avons pu constater que beaucoup de femmes emprisonnées meurent en captivité mais il arrive aussi que des femmes soient assassinées. Les chroniques soulignent systématiquement que les Sarrasins tuent les populations chrétiennes mais elles indiquent parfois que les chrétiens agissent de la même façon.
206Par deux fois, Giovanni Villani justifie le massacre d’une population par une collusion avec l’ennemi : lorsque Justinien envoie son neveu Bélisaire en Italie pour chasser les Goths, celui-ci :
[…] assiégea la ville de Naples et non seulement il tua tous les Goths qui étaient à l’intérieur mais presque tous les Napolitains petits et grands, hommes et femmes parce qu’ils retenaient les Goths et fraternisaient avec eux.374
207De même, le 25 mai 1285, le roi de France Philippe III fait raser la ville d’Elne dans le Roussillon parce qu’elle s’est rebellée :
Le roi de France l’assiégea et en combattant, il la prit par la force ; et ils tuèrent les hommes, les femmes et les enfants.375
208Malgré la discrétion des chroniqueurs sur ce sujet, les exactions devaient être une pratique courante. Aussi, sans insister, à son habitude, Giovanni Villani propose en exemple Édouard III d’Angleterre qui, à Pontoise, en 1346 : « mit à mort tous ceux qu’il y trouva sauf les femmes et les enfants, qu’il autorisa à partir, avec tout ce qu’ils pouvaient emporter, et il pilla la ville sauf les monastères et les églises. »376, c’est-à-dire qu’il se comporta comme un roi chrétien doit le faire.
209En 1353, les Messinois se soulèvent contre le comte Mazzeo dei Palizzi de Messine qui gouverne l’île pendant la minorité de Pierre d’Aragon :
[…] ils coururent au palais royal où habitait le comte Mazzeo et ils le tuèrent lui, son épouse et deux de ses fils […] et ayant attaché des cordes au cou des morts, ils les traînèrent honteusement dans la ville et puis ils les brûlèrent et jetèrent leurs cendres au vent.377
210Cette fois, il ne s’agit pas d’une armée mais d’une population incontrôlable. Matteo Villani explique de la même façon le pillage de Massa par les Siennois et offre, a contrario, la description du sort réservé à une ville ennemie : à Sienne, les artisans et le peuple se sont emparés du pouvoir. Voyant que les habitants de Massa n’ont pas voulu accepter leur autorité, ils attaquent la ville et s’en emparent :
[…] et sans pitié, comme s’ils avaient pris une ville ennemie, ils commencèrent à voler et à dépouiller la ville de tous ses biens, qui n’étaient pas nombreux, et ils s’emparèrent des hommes, des femmes et des enfants, et après avoir rassemblé la population, ils mirent le feu à la ville et emmenèrent à Sienne les hommes, les femmes et les enfants, et les meubles et tout le reste.378
Les femmes et la religion
211Nous avons pu noter que les chroniques signalent une participation massive des femmes aux manifestations de piété (processions, pèlerinages…) mais nous avons dû constater qu’elles ne donnent pas une image exacte du mouvement religieux féminin qui, à la fin du Moyen Âge, conduit à une floraison de la sainteté féminine : alors que moins de dix pour cent des nouveaux intercesseurs vénérés en Occident entre 500 et 1200 appartiennent au sexe féminin, la proportion s’élève sensiblement après cette date. Plus de dix-huit pour cent des procès de canonisations ordonnés par la papauté entre 1198 et 1431 concernent des femmes, un peu plus de quatorze pour cent d’entre elles sont canonisées.
212L’ampleur apparente de ce mouvement a conduit David Herlihy à estimer que la réponse à la question posée par Joan Kelly-Gadol « Did women have a Renaissance ? »379 se trouve là : « Les femmes mystiques apparaissent avec une fréquence extraordinaire dans le monde de la fin du Moyen Âge. Dans un secteur au moins de la vie sociale et culturelle les femmes eurent une Renaissance. »380 En se fondant sur la « Bibliotheca sanctorum », Jane Tibbetts Schulenburg a tenté de mesurer la part des femmes dans la sainteté médiévale, demi-siècle par demi-siècle : 9,8 % de femmes parmi les saints de 1050 à 1099, 12,8 % pour le XIIe siècle, 15 % avant 1250. Puis c’est l’inflation : 24 % pour la seconde moitié du XIIIe siècle ; 23 % et 28,6 % pour les deux moitiés du XIVe siècle381. Mais ces chiffres sont trompeurs car beaucoup de femmes faisant l’objet d’un culte local ont été canonisées par des procès engagés à la suite des décrets d’Urbain VIII382. Sur les dizaines de femmes italiennes des XIIIe et XIVe siècles bénéficiant d’une réputation de sainteté, seuls furent examinés les cas de Rose de Viterbe, Claire d’Assise, Claire de Montefalco, Catherine de Sienne.
213Les autres, – bien connues grâce aux travaux d’Anna Benvenuti Papi383, André Vauchez384 et Jacques Dalarun385 – sont des « ermites, des recluses, des mendiantes […] tâtonnant vers des formes de vie religieuse, vers des expériences spirituelles inédites, balbutiant une parole neuve […] elles n’ont pas promis obéissance, n’ont pas renoncé à leurs biens, ne se rattachent à aucune règle précise, choisissent les religieux qui les guident au gré de leurs caprices. Pis, elles osent disputer de la Trinité, discuter sur les articles de foi et les sacrements de l’Église, prêcher des doctrines contraires à l’orthodoxie »386. En 1311, au concile de Vienne, Clément V lance un anathème contre elles ; Jean XXII reprend l’arrêt en 1318. En 1326, il réitère aux archevêques et évêques de Lombardie et de Toscane la bulle qui les condamne. La condamnation papale comprend une réserve en faveur de celles qui restent soumises aux autorités diocésaines et paroissiales : on ne saurait les poursuivre si elles ne disputent pas, pourvu qu’elles se taisent : « tour à tour suspectes et vénérées, montrées du doigt puis érigées en modèle, les saintes femmes italiennes des XIIIe et XIVe siècles, expression du désir impérieux de leurs anonymes consœurs, ont charge d’explorer, s’il le faut à leurs frais, les limites du tolérable. »387
214Umiliana dei Cerchi († 1246), Rose de Viterbe († 1251), Claire d’Assise († 1253), Marguerite de Cortone († 1297), Angèle de Foligno († 1309) : toutes ces femmes sont originaires d’Italie centrale et, pourtant, le nom d’aucune d’entre elles ne figure dans les œuvres examinées, ce qui montre que la reconnaissance que leur accordent les chroniqueurs, comme celle de l’Église, est empreinte d’une extrême prudence.
215Que nous apprennent les chroniques sur la foi des femmes ? Rien ou presque. Deux femmes seulement sont citées dans les chroniques pour avoir converti leur entourage à la religion chrétienne : Clotilde, l’épouse de Clovis « le premier roi de France qui soit chrétien avec l’aide de son épouse, appelée Clotilde, qui était chrétienne » et la fille du roi d’Arménie388.
216Nous avons déjà évoqué le sort de cette jeune fille qui a accepté, pour plaire à son père, d’épouser l’empereur des Tartares, Casan, fils d’Argun. À ce mariage, elle a toutefois posé une condition : conserver sa foi chrétienne. Bientôt, un enfant naît de cette union : une horrible créature qui n’a rien d’un être humain. Les conseillers de Casan accusent son épouse d’adultère et la condamnent à être brûlée avec l’enfant. La jeune femme demande à être entendue en confession et à communier mais également que son fils soit baptisé :
Cette grâce lui fut accordée et, dès que la créature fut baptisée au nom du père, et du fils, et du saint Esprit, en présence de son père et de tout le peuple, l’enfant devint aussitôt le plus beau et le plus gracieux qu’on eût jamais vu.389
217Casan épargne la mère et l’enfant et il se fait baptiser, ainsi que tout son peuple. Ce miracle permet à Giovanni Villani d’expliquer pourquoi Casan qui, jusque-là « avait aimé les Sarrasins et haï les Chrétiens devint soudain l’ami des Chrétiens et l’ennemi des Sarrasins »390. Il reprit en effet Jérusalem aux Sarrasins en 1299 pour remettre ensuite la ville aux mains des Chrétiens :
Cette année-là, au mois de janvier, Casan, roi des Tartares, à la demande et en compagnie du roi d’Arménie et de celui de Jordanie, allèrent combattre le sultan et les Sarrasins. Et ces trois rois étaient accompagnés d’un grand nombre de cavaliers et de soldats. Le sultan et les Sarrasins, cent mille cavaliers, au moins, dit-on, se portèrent à leur rencontre. Le sultan et ses hommes furent vaincus après un dur et terrible combat et une grande partie des hommes furent tués ou capturés. Ils s’emparèrent alors de la majeure partie de la Terre Sainte et ils la rendirent aux chrétiens qui se trouvaient là-bas.391
218Giovanni Villani présente également deux femmes qui ne sont pas des modèles de piété mais partagent la foi de leur époux. La première est l’épouse du comte Hugues de Brandebourg, marquis de Toscane392. Celui-ci, surpris par une tempête au cours d’une chasse, se réfugia dans une grotte où des hommes noirs et difformes étaient en train de battre, sur une enclume, non pas du fer mais des hommes vivants. Ils lui dirent que l’âme du marquis Hugues était condamnée à une peine similaire s’il ne s’amendait pas. Hugues recommanda son âme à la Vierge Marie et la vision disparut. Il revint à Florence, fit vendre tous les biens qu’il possédait en Allemagne et édifier sept abbayes. Puis, « il vécut saintement avec son épouse et il n’eut pas d’enfants »393.
219La seconde, qui prend une part un peu plus active à l’anecdote édifiante, est l’épouse de Robert Guiscard394. Celui-ci, au cours d’une chasse, rencontra un lépreux qui lui demanda de l’aide. Il le hissa sur sa monture et l’emmena chez lui où il le coucha dans son lit. Après le repas, il dévoila à sa femme la présence du lépreux et celle-ci pénétra dans la chambre pour lui demander s’il voulait dîner. La chambre était vide et elle embaumait. Robert Guiscard et son épouse s’étonnèrent et demandèrent à Dieu de leur expliquer ce miracle :
Et le jour suivant le Christ apparut à Robert Guiscard en disant qu’Il lui était apparu sous la forme d’un lépreux afin d’éprouver sa foi et Il lui annonça qu’il aurait des fils de sa femme dont l’un serait empereur, l’autre roi et le troisième duc.395
220À chaque fois, c’est l’époux qui reçoit la révélation. L’épouse du marquis Hugues ne joue aucun rôle dans le récit, mais Giovanni Villani mentionne son existence afin d’ajouter aux qualités du marquis la castitas conjugalis pratiquée par certains laïcs dévots qui cherchent à parvenir à une forme de perfection chrétienne en observant très strictement les interdits ecclésiastiques relatifs aux périodes de continence.
221L’épouse de Robert Guiscard, malgré les apparences, ne joue pas un rôle plus important, car elle ne voit jamais le Christ. Celui-ci ne s’adresse qu’à Robert Guiscard qui, seul, peut lui répondre.
222L’examen des chroniques qui contiennent la Légende des Origines montre qu’elles font déjà état de l’existence d’une relation privilégiée entre Dieu et les hommes. Le marquis Hugues et Robert Guiscard s’inscrivent dans la longue liste des hommes qui, depuis Atlas396 en passant par Dardanus397 et Énée398 jusqu’àLatinus399, ont reçu des conseils ou des ordres de leur dieu.
223Lorsque la fille du roi d’Arménie quitte son père pour rejoindre son époux, elle part avec « frère Aiton, son frère, et d’autres frères et religieux, et une riche suite de chevaliers, de dames et de demoiselles »400. Ces hommes d’église doivent lui permettre de continuer à pratiquer sa religion mais le chroniqueur ne révèle pas quelle influence ils exercent sur elle.
224En revanche, à propos d’Isabelle de Jérusalem, le pouvoir d’un clerc se dévoile complètement. Sachant qu’elle a reçu une relique en cadeau de noces, un moine florentin, devenu patriarche de Jérusalem « désirant se l’approprier afin d’honorer sa ville de Florence, la demanda à la dite reine, alléguant qu’il n’était pas permis qu’une femme laïque conserve une relique aussi sainte parmi ses bijoux »401. Giovanni Villani n’approuve pas la démarche du moine, bien qu’elle se fasse au bénéfice de Florence, c’est pourquoi il distingue bien les véritables motivations du patriarche (« honorer sa ville ») de la raison qu’il invoque.
225Matteo Villani dénonce de la même façon, les agissements des prédicateurs et collecteurs, chargés par le Pape d’enrôler des soldats pour une croisade contre le seigneur de Forlì :
[…] immédiatement l’avarice des clercs commença à faire son œuvre, et par la prédication ils élargirent l’indulgence […] et ils commencèrent à ne pas refuser de l’argent […] et ils dépouillaient les domaines et les places fortes plus qu’ils pouvaient le faire pour les villes mais dans les villes, les femmes de toute condition dépassaient tout le monde [par leurs offrandes].402
226Trompées par les clercs, les femmes n’ont en définitive, pour Giovanni et Matteo Villani qu’un seul guide spirituel : leur époux. Les deux chroniqueurs adoptent une position de défense contre les clercs car, comme l’ont montré les travaux de Geneviève Hasenohr403, dès le XIVe siècle, cette fonction est contestée puis retirée aux maris par le développement d’une piété féminine plus intense et par l’émergence de la figure du directeur spirituel qui répond à la nécessité de laisser un espace plus vaste à la contemplation et à la prière, y compris dans la vie matrimoniale, et de trouver pour répondre à ce besoin de spiritualité d’autres interlocuteurs.
La richesse des femmes
227Nous avons déjà parlé de la richesse qu’apporte une femme au moment du mariage, qu’il s’agisse de la dot ou d’une promesse future d’héritage. Aussi nous intéresserons-nous maintenant à ce que certains chroniqueurs donnent à voir de la richesse des femmes.
228Ce problème a été évoqué au sujet de l’épouse de Castruccio Castracane qui se rend à Pise auprès de Ludovic de Bavière et lui donne l’équivalent de dix mille florins d’or en argent, bijoux et riches destriers afin qu’il ne prive pas ses fils de la seigneurie de Lucques404. Nous avons rencontré dans les chroniques examinées d’autres femmes qui usent ainsi de leur richesse.
229Lorsque Charles d’Anjou décide, à la demande du Pape, de conquérir le royaume de Sicile, son épouse Béatrice, explique Giovanni Villani,
[…] pour être reine, gagea tous ses bijoux et demanda à tous les bacheliers d’armes de France et de Provence de se rassembler sous sa bannière et de la faire reine.405
230En justifiant ainsi la puissance de l’armée réunie par Charles d’Anjou, Giovanni Villani évite d’évoquer les sommes très importantes prêtées par les banquiers florentins pour financer l’expédition, mais il parle encore une fois, très naturellement, de la richesse d’une femme. De même, lorsqu’il s’agit de partager le trésor de Manfred après la conquête, Charles
[…] le fit placer devant lui sur les tapis où il se trouvait en compagnie de la reine et de Bertrand des Baux. Il fit apporter des balances et demanda à Bertrand des Baux de le partager. Le chevalier magnanime dit : « Qu’ai-je à faire de balances pour partager votre trésor ? » et il y monta dessus et avec les pieds il fit trois parts : « Que l’une de ces parts soit pour Monseigneur le roi, et l’autre pour Madame la reine, et que l’autre soit pour vos chevaliers » ; et il en fut fait ainsi.406
231En 1311, Henri VII de Luxembourg est couronné à Milan avec son épouse Marguerite de Brabant. De nombreux chroniqueurs parlent de cet événement407, Dino Compagni ajoute qu’à cette occasion l’impératrice fit de nombreux présents à ses chevaliers :
Il tint une grande et fastueuse cour à Milan et l’impératrice fit de nombreux cadeaux à ses chevaliers le matin de la fête de janvier 1310.408
232Giovanni Villani ne parle pas de ces cadeaux mais il précise que, lorsque Henri VII arriva à Gênes, les Génois :
[…] lui donnèrent cinquante mille florins d’or, et vingt mille à l’impératrice.409
233Il s’agit à chaque fois de reines ou d’impératrices qui disposent de leurs biens propres mais un examen rapide des ricordanze révèle à chaque page des noms de femmes qui vendent des biens, en achètent, empruntent de l’argent ou en prêtent.
234Les femmes participent aussi, indirectement, à la vie économique grâce aux vêtements et aux parures qu’elles portent.
235En 1273, au cours du Concile de Lyon, des mesures sont prises pour limiter les parures extravagantes. Ces règles trouvent chez les chroniqueurs florentins un écho varié. Certains n’en parlent pas du tout (Magliabechianus XXV-505, Magliabechianus XXV-19, Paolino Pieri, Neapolitanus XIII. F.16) d’autres le mentionnent en dernier lieu (Simone della Tosa410, Giovanni Villani411), un seul ne retient que cet aspect du concile (Marcianus VI-270412).
236En 1279, le cardinal Latino vient à Florence. Toutes les chroniques mentionnent sa venue mais une seule (Neapolitanus XIII. F.16413) indique qu’il ordonne que les femmes aient la tête voilée.
237Giovanni Villani consacre le chapitre CLI du livre XI à résumer les lois somptuaires mises en place par Florence en 1330. Il s’agit là d’une initiative utile car les lois somptuaires étaient à l’origine rédigées en latin et incompréhensibles pour la plupart des Florentins. En 1356, la Commune demanda d’ailleurs à Andrea Lancia de traduire en langue vulgaire les lois édictées en 1355414.
238Les réflexions du chroniqueur à propos de ces restrictions sont intéressantes car s’il affirme que cela est plus convenable, il ne manque pas de souligner le préjudice que ces lois font subir à l’économie florentine car non seulement les fabricants de soie et les orfèvres ne travaillent plus, mais les femmes font fabriquer les tissus précieux à l’étranger, en l’occurrence en Flandre et dans le Brabant, ce qui enrichit la concurrence415. Cependant, les chroniqueurs qui écrivent au moment du Concile de Lyon et pendant la période où sont promulguées les lois somptuaires se montrent très modérés. Giovanni Villani montre même les aspects négatifs de telles mesures, sans insister, selon une habitude que nous avons relevée chez lui.
239En définitive, les chroniques ne donnent pas une image détaillée de la société florentine : imprécises lorsqu’il s’agit de décrire les classes supérieures afin de donner l’illusion qu’il n’existe qu’une classe dirigeante, elles ne rendent pas compte de l’importance du mouvement religieux féminin florentin, minimisent la prostitution et veulent ignorer la présence d’esclaves. Toutefois, le témoignage qu’elles offrent sur les apparitions des femmes en public est beaucoup plus précis et vivant : elles nous montrent les femmes qui assurent le ravitaillement quotidien, assistent aux obsèques, aux fêtes religieuses et profanes et quittent parfois leur ville pour rejoindre un mari ou un fiancé ou encore se rendre en pèlerinage, mais la part active que les femmes assument dans les différents domaines de la vie sociale est relativement limitée. Certains chroniqueurs reconnaissent le pouvoir politique exercé par les femmes mais ils ont le plus souvent tendance à le minimiser, voire à l’ignorer. Aucun ne parle de la floraison de sainteté féminine, qui représente pourtant l’une des caractéristiques de leur siècle et de leur région, et seul Giovanni Villani reconnaît que les femmes apportent leur contribution à la richesse générale par leurs biens personnels mais aussi par leurs dépenses vestimentaires.
Notes de bas de page
1 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 39. Laurentianus Gaddianus reliqui 18, p. 21. G. Villani, op. cit., I, VII, vol. I, p. 11-13. R. Malispini, op. cit., II, p. 20.
2 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 40. Laurentianus Gaddianus reliqui 18, p. 22. Vaticanus 5381, p. 265. G. Villani, op. cit., vol. I : I, VIII, p. 14 et I, X, p. 16. R. Malispini, op. cit., III et IV, p. 21.
3 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 42. Laurentianus Gaddianus reliqui 18, p. 22. G. Villani, op. cit., I, XIII, vol. I, p. 19. R. Malispini, op. cit., V, p. 22.
4 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 42. Vaticanus 5381, p. 269. Laurentianus Gaddianus reliqui 18, p. 22. G. Villani, op. cit., vol. I : I, XIII, p. 20 ; I, XIV, p. 20 ; II, XXII, p. 87. R. Malispini, op. cit., VI, p. 23.
5 Vaticanus 5381, p. 268.
6 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 42. Laurentianus Gaddianus reliqui 18, p. 22. Vaticanus 5381, p. 268. G. Villani, op. cit., I, XII, vol. I, p. 18. R. Malispini, op. cit., V, p. 22.
7 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 45-46. Vaticanus 5381, p. 269. Laurentianus Gaddinus reliqui 18, p. 23. G. Villani, op. cit., I, XXI, vol. I, p. 31-32. R. Malispini, op. cit., IX, p. 25.
8 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 46. Vaticanus 5381, p. 269. Laurentianus Gaddianus reliqui 18, p. 23. G. Villani, op. cit., vol. I : I, XXIII, p. 35, et I, XXIV, p. 36-37. R. Malispini, op. cit., X, p. 25.
9 II. II. 67, Marucellianus C. 300, Orsucci 40, p. 47. Vaticanus 5381, p. 269. Laurentianus Gaddianus reliqui 18, p. 23. G. Villani, op. cit., I, XXV, vol. I, p. 40. R. Malispini, op. cit., X, p. 26.
10 G. Villani, op. cit., vol. I : I, XIII, p. 19 ; I, XIX, p. 29-30.
11 Ibidem, I, XIII, vol. I, p. 19.
12 Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 42. G. Villani, op. cit., I, XIII, vol. I, p. 19.
13 G. Villani, op. cit., I, XIII, vol. I, p. 19.
14 Ibidem, I, XVI, vol. I, p. 22.
15 Ibidem, I, II, vol. I, p. 6.
16 Ibidem, I, XII, vol. I, p. 18.
17 Ibidem, I, XIX, vol. I, p. 26.
18 Ibidem.
19 Ibidem, II, XXII, vol. I, p. 87.
20 Ibidem, III, VII, vol. I, p. 108.
21 II. II. 67, Orsucci 40, p. 47. Laurentianus Gaddianus reliqui 18, p. 28. G. Villani, op. cit., I, XXV, vol. I, p. 40.
22 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 42-43. Laurentianus Gaddianus reliqui 18, p. 28. Vaticanus 5381, p. 282. Magl. XXV-505, p. 94. G. Villani, op. cit., II, XIX, vol. I, p. 82. R. Malispini, op. cit., XXIV, p. 38-39.
23 G. Villani, op. cit., vol. I : IV, IV, p. 154 et V, I, p. 160. R. Malispini, op. cit., XLVI, p. 57.
24 G. Villani, op. cit., vol. I : II, XX, p. 85 et V, V, p. 170. R. Malispini, op. cit., XLIX, p. 62.
25 II. IV. 323, p. 541-542. II. II. 39, p. 99. Magl. XXV-505, Magl. XXV-19 et Marc. VI-270, p. 99. S. della Tosa, op. cit., p. 130. P. Pieri, p. 10. G. Villani, op. cit., vol. I : VI, XVI et XVII, p. 245-247 ; VI, XXXV, p. 261 ; VII, I, p. 276. R. Malispini, op. cit., LXXXI-LXXXII, p. 89-90.
26 G. Villani, op. cit., VII, XV, vol. I, p. 288-290. R. Malispini, op. cit., CXIX, p. 114.
27 M. Villani, op. cit., vol. I : IV, XCII, p. 606 ; V, II, p. 609-610 ; V, XXV, p. 640 ; V, XXXIX, p. 662 ; V, XL, p. 663.
28 Ibidem, vol. I : II, XXXIV, p. 253 ; II, XXVIII, p. 241.
29 G. Villani, op. cit., vol. III : XIII, LI, p. 417 ; XIII, LXXIV, p. 474 ; XIII, CXV, p. 555. M. Villani, op. cit., I, XI, vol. I, p. 28 ; III, IX, p. 337.
30 G. Villani, op. cit., vol. I : V, IV, p. 168 ; VIII, I, p. 405.
31 Ibidem, VIII, CV, vol. I, p. 571 ; XI, LXXXVIII, vol. II, p. 630.
32 Ibidem, VIII, CV, vol. I, p. 571 ; VIII, CXXXIII, vol. I, p. 607.
33 Ibidem, X, LXVI, vol. II : p. 269 ; X, LXIX, p. 271 ; XI, LXI, p. 595 ; XI, CIV, p. 652.
34 Ibidem, XI, LXI, vol. II, p. 595.
35 Ibidem, X, CCXLVIII, vol. II, p. 424.
36 F. Villani, op. cit., XI, XCIII, vol. II, p. 725.
37 G. Villani, op. cit., vol. II : IX, XC, p. 177 ; XI, VII, p. 529 ; vol. III : XIII, LXIII, p. 444. M. Villani, op. cit., VII, II, vol. II, p. 14.
38 M. Villani, op. cit., VIII, XLVII, vol. II, p. 196.
39 Neap. XIII. F. 16, p. 284-285. G. Villani, op. cit., vol. I : VIII, LIX, p. 507 ; VIII, XCVI, p.559 ; vol. II : IX, XVIII, p. 36. R. Malispini, op. cit., CCXLIX, p. 219.
40 M. Villani, op. cit., IV, XVIII, vol. I, p. 498-499.
41 G. Villani, op. cit., XIII, X, vol. III, p. 320.
42 Magl. XXV-19 et Marc. VI-270, p. 308-310, p. 313, p. 314, p. 331 et p. 431. G. Villani, op. cit., vol. III : XIII, LI, p. 417-419 ; XIII, LII, p. 420 ; XIII, LIX, p. 433 ; XIII, LXXI, p. 464 ; XIII, LXXXIX, p. 493 ; XIII, IX, p. 511 ; XIII, CIII, p. 519 ; XIII, CIV, p. 520 ; XIII, CXIV, p. 552 ; XIII, CXV, p. 552. M. Villani, op. cit., vol. I : I, XI, p. 25-28 ; I, XII, p. 29 ; I, XIII, p.30 ; I, XIV, p. 32 ; I, XIX, p. 38 ; I, XX, p. 39 ; I, XXI, p. 41 ; I, XXII, p. 43 ; I, LXXV, p.143 ; I, XCI, p. 171 ; I, XCIV, p. 175 ; I, XCV, p. 178-180 ; II, XXIV, p. 234 ; II, LXV, p. 306 ; III, VIII, p. 335 ; III, IX, p. 337 ; IV, XLIII, p. 536 ; V, VII, p. 615 ;vol. II : X, C, p. 579 ; XI, XXVI, p. 625 ; XI, XXXII, p. 633.
43 G. Villani, op. cit., I, XLIII, vol. I, p. 80.
44 Ibidem, VI, XIV, vol. I, p. 243 ; R. Malispini, op. cit., LXXIX, p. 87-88.
45 G. Villani, op. cit., I, XXVIII, vol. I, p. 43-45.
46 Ibidem, IV, IV, vol. I, p. 152-154.
47 Ibidem, V, XX, vol. I, p. 198-199.
48 Ibidem, VIII, LV, vol. I, p. 497.
49 Ibidem, IX, LXXXVIII, vol. II, p. 174.
50 M. Villani, op. cit., vol. I : I, XXXIV, p. 64 et I, LXXVII, p. 147.
51 Ibidem, VII, LIV, vol. II, p. 76.
52 G. Villani, op. cit., X, CCCLI, vol. II, p. 515.
53 Ibidem, vol. II : IX, XXXIII, p. 52 ; X, CXXIII, p. 325-326.
54 Ibidem, X, I, vol. II, p. 211-212.
55 Ibidem, XII, LV, vol. III, p. 123-126.
56 Ibidem, XIII, LXIX, vol. III, p. 462-463.
57 II. IV. 323, p. 516, p. 522. II. II. 39, p. 97. Magl. XXV-505, p. 96. Neapolitanus XIII. F. 16, p. 272. Magl. XXV-19 et Marc. VI-270, p. 246. P. Pieri, op. cit., p. 3. G. Villani, op. cit., vol. I : V, XIV, p. 183 ; V, XVI, p. 188 ; V, XVIII, p. 189-190 ; V, XIX, p. 192 ; V, XXI, p.199-203 ; V, XXIII, p. 206 ; V, XXVIII, p. 212 ; V, XXX, p. 214. R.Malispini, op. cit., LXIII, p. 78, LXVIII, p. 81 et LXX, p. 81-82.
58 G. Villani, op. cit., VIII, I, vol. I, p. 405.
59 Ibidem, V, IV, vol. I, p. 167.
60 Ibidem, IX, XIX, vol. II, p. 37.
61 Ibidem, vol. II : IX, LVI, p. 93 ; IX, LVII, p. 104.
62 Ibidem, X, LIX, vol. II, p. 262.
63 Ibidem, IX, LVII, vol. II, p. 102-103.
64 Ibidem, X, LXVI, vol. II, p. 269.
65 M. Villani, op. cit., vol. I : III, II, p. 328 ; III, XLIII, p. 352.
66 G. Villani, op. cit., XII, CXIX, vol. III, p. 238.
67 F. Villani, op. cit., XI, LXXVIII, vol. II, p. 692-698.
68 M. Villani, op. cit., XI, XCIV, vol. II, p. 726.
69 G. Villani, op. cit., VII, XLIV, vol. I, p. 335-336.
70 Ibidem, VIII, CXXXIV, vol. I, p. 608-610.
71 M. Villani, op. cit., vol. I : I, XII, p. 29 ; I, XIII, p. 30 ; I, XCVI, p. 180 ; III, LXX, p. 408-409 ; V, VII, p. 614.
72 G. Villani, op. cit., I, XIX, vol. I, p. 25-28.
73 Ibidem, IX, XIX, vol. II, p. 37-38.
74 M. Villani, op. cit., IV, XVIII, vol. I, p. 498-499.
75 Ibidem, I, XLIII, vol. I, p. 80.
76 F. Villani, op. cit., XI, LXXII, vol. II, p. 683.
77 M. Villani, op. cit., V, LXXVII, vol. I, p. 700 ; vol. II : VII, LVIII, p. 80-81 ; VII, LIX, p.81-82 ; VII, LXIV, p. 86-87 ; VII, LXVIII, p. 91-92 ; VII, LXIX, p. 92-94.
78 G. Villani, op. cit., VII, XLVI, vol. I, p. 339.
79 Ibidem, VII, LXIX, vol. I, p. 363. R. Malispini, op. cit., CLXIV, p. 153.
80 M. Villani, op. cit., I, VI, vol. I, p. 17.
81 F. di Giovanni, op. cit., p. 142. G. Villani, op. cit., VIII, LXVIII, vol. I, p. 520.
82 G. Villani, op. cit., VII, LXXXV, vol. I, p. 391.
83 Ibidem, vol. I : IV, II, p. 146 ; V, I, p. 161 ; V, XI, p. 180 ; VI, XXXVIII, p. 267 ; VIII, CXXXIX, p. 613. R. Malispini, op. cit., LII, p. 66-67.
84 II. IV. 323, p. 511-512, p. 549, p. 558 et p. 581. D. Compagni, op. cit., I, II, p. 50. R. Malispini, op. cit., XCIX, p. 97-98, CIII, p. 101-104, CXCII, p. 177. XXV-505, p. 121.
85 M. Villani, op. cit.,vol. I : I, VI, p. 16 ; I, LIX, p. 112-113 ; V, XLII, p. 664-665.
86 Ibidem, IV, XXXVII, vol. I, p. 526-527.
87 Ibidem, p. 527.
88 Ibidem, I, LIX, vol. I, p. 112.
89 Ibidem, IV, XXXVII, vol. I, p. 527.
90 G. Villani, op. cit., VI, XXXVII, vol. I, p. 264-265.
91 S. della Tosa, op. cit., p. 151. G. Villani, op. cit., VIII, CXVI, vol. I, p. 579-580.
92 M. Villani, op. cit., IV, XXXVII, vol. I, p. 527.
93 Voir à ce sujet C. Klapisch-Zuber, « Parents de sang, parents de lait », cit., p. 2-64.
94 Paolo da Certaldo, Il libro di buoni costumi, Florence, Schiaffini, 1945, p. 233-234 et Francesco da Barberino, op. cit., p. 192 et p. 275-276.
95 D. Velluti, op. cit., p. 310-311.
96 C. Klapisch-Zuber, « Parents de sang, parents de lait », cit., p. 35.
97 Ibidem, p. 35.
98 Ibidem, p. 38.
99 Ibidem, p. 54.
100 « Libro del dare e dell’ avere di Gentile de’ Sassetti e suoi figli, 1274-1310 », in A. Castellani, Nuovi testi fiorentini del Dugento, cit., p. 307.
101 « Disposizione di frate Alesso Strozzi (1367) », in S. Orlandi, Necrologio di S. Maria Novella, Firenze, Olschki, 1955, vol. II, p. 463.
102 P. Guarducci, V. Ottanelli, I servitori domestici della casa borghese toscana nel Basso Medioevo, Firenze, Salimbeni, 1982, p. 9-16.
103 G. Villani, op. cit., VIII, CXXXIX, vol. I, p. 613.
104 M. Villani, op. cit., I, LIX, vol. I, p. 112.
105 G. Boccaccio, Il Decamerone, a cura di M. Marti, Milano, Feltrinelli, 1974, p. 13.
106 P. Guarducci, V. Ottanelli, I servitori domestici, cit., p. 50-51.
107 M. Villani, op. cit., I, LIX, vol. I, p. 112.
108 Magl. XXV-19, Marc. VI-270 (1358-1389), p. 400.
109 M. Villani, V, LX, vol. I, p. 684.
110 S. Bongi, « Le schiave orientali in Italia », in Nuova antologia, II, 1868, p. 14.
111 I. Origo, « The Domestic Enemy: The Eastern slaves in Tuscany in the Fourteenth and Fifteenth Centuries », in Speculum, vol. XXX/3 (1955), p. 341-366.
112 Ibidem.
113 P. Guarducci, V. Ottanelli, op. cit., p. 79.
114 M. Villani, op. cit., vol. I : I, VI, p 17 ; I, LIX, p. 113.
115 G. Villani, op. cit., III, VIII, vol. I, p. 116.
116 Cf. A. Stella, « Des esclaves pour la liberté sexuelle de leurs maîtres (Europe occidentale XIVe-XVIIIe siècles) », in Clio n° 5 (1997), p. 191-209.
117 I. Origo, op. cit., p. 348.
118 P. Guarducci, V. Ottanelli, op. cit. p. 91.
119 I. Origo, op. cit., p. 347-348.
120 G. Villani, op. cit., III, VIII, vol. I, p. 116.
121 Voir à ce propos A. Benvenuti Papi, « Donne religiose nella Firenze del Due-Trecento », in « In casto poenitentiae » : santità e società femminile nell’Italia medievale, Roma, Herder, 1990, p. 593-634 et R. C. Trexler, « Le célibat à la fin du Moyen Âge : les religieuses de Florence », in Annales E. S. C., VI, 1972, p. 1329-1350.
122 G. Villani, op. cit., XII, XCIV, vol. III, p. 199.
123 Ibidem, VI, XIII, vol. I, p. 242.
124 Ibidem, X, CCLVI, vol. II, p. 430.
125 Ibidem, XI, LVIII, vol. II, p. 588.
126 Ibidem, XII, LXVII, vol. III, p. 151.
127 Ibidem, XIII, XXXVI, vol. III, p. 383.
128 Ibidem, VII, VII, vol. I, p. 283.
129 M. Villani, op. cit., III, XV, vol. I, p. 346.
130 R. C. Trexler, op. cit., p. 1332.
131 Cf. A. Benvenuti Papi, op. cit., p. 615.
132 P. Pieri, op. cit., p. 58.
133 Magliabechianus XXV-505, p. 121. S. della Tosa, op. cit., p. 155. G. Villani, op. cit., IX, VIII, vol. II, p. 23.
134 D. Compagni, op. cit., I, XVI, p. 82.
135 G. Villani, op. cit., vol. I : V, XX, p. 196-197 ; VI, XVI, p. 246. R. Malispini, op. cit., LXXXI, p. 89.
136 G. Villani, op. cit., XIII, X, vol. III, p. 320.
137 M. Villani, op. cit., X, XII, vol. II, p. 470.
138 D. Compagni, op. cit., III, X, p. 201.
139 F. di Giovanni, op. cit., p. 141.
140 Magl. XXV-19, Marc. VI-270, p. 463.
141 G. Villani, op. cit., II, I, vol. I, p. 61.
142 Ibidem, XIII, VIII, vol. III, p. 306, titre.
143 Ibidem, p. 310.
144 Ibidem, X, CCCXVII, vol. II, p. 486.
145 Ibidem, XI, CLXV, vol. II, p. 727-728.
146 M. Villani, op. cit., IV, XV, vol. I, p. 493.
147 Ibidem, VI, LVI, vol. I, p. 779.
148 Statuti del Podestà, L. III, r. 115.
149 Magl. XXV-19, Marc. VI-270 (1358-1389), p. 405.
150 Voir à ce sujet : R. C. Trexler, « La prostitution florentine au XVe siècle : patronages et clientèles », Annales E. S. C., VI, 1981, p. 983-1015.
151 G. Villani, op. cit., XI, CXVIII, vol. II, p. 321-322 ; vol. III : XII, I, p. 3-12 ; XIII, LXXXIII, p. 483-484.
152 Ibidem, XI, CLXIII, vol. II, p. 725.
153 C. M. de La Roncière, Pauvres et pauvreté à Florence au XIVe siècle, cit., p. 669-670.
154 G. Villani, op. cit., XI, CLXIII, vol. II, p. 725 ; XIII, LXXIII, vol. III, p. 470.
155 Ibidem, XI, CXIX, vol. II, p. 67.
156 D. Lenzi, Il libro del biadaiolo, cit., p. 322.
157 G. Villani, op. cit., XIII, LXXIII, vol. III, p. 471.
158 M. Villani, op. cit., I, IX, vol. I, p. 19-20.
159 D. Compagni, op. cit., III, XXXVIII, p. 264.
160 G. Villani, op. cit., IX, II, vol. II, p. 13.
161 M. Villani, op. cit., I, IX, vol. I, p. 20-21.
162 Ibidem, VI, XIV, vol. I, p. 730-731.
163 G. Villani, op. cit., XIII, XXI, vol. III, p. 357.
164 Ibidem : « le peuple déchaîné ».
165 M. Villani, op. cit., vol. I : I, VI, p. 17 ; I, LIX, p. 113 ; IV, LVI, p. 555 ; V, XLII, p. 664-665 : « le petit peuple ».
166 Ibidem, V, XLII, vol. I, p. 664-665 : « la populace ».
167 D. Lenzi, op. cit., p. 298.
168 Ibidem, p. 301.
169 Ibidem, p. 315.
170 Ibidem, p. 326.
171 Ibidem.
172 Ibidem, p. 329.
173 Le « staio » de 52 « libbre » correspond à un peu plus de 17,5 kg. Trois « staia » forment « un sacco » et 24 « staia », un « moggio ». Cf. A. Martini, Manuale di metrologia, ossia misure pesi e monete in uso attualmente e anticamente presso tutti i popoli, Torino, Loescher, 1883, p. 207 et E. Fiumi, « Economia e vita privata dei fiorentini nelle rivelazioni statistiche di Giovanni Villani », in C. M. Cipolla, Storia dell’economia italiana. Saggi di storia economica, vol. I : secoli settimo-diciassettesimo, Torino, Edizioni scientifiche Einaudi, 1959, p. 328.
174 D. Lenzi, op. cit., p. 331.
175 Ibidem, p. 333.
176 Ibidem, p. 368, p. 379 et p. 385.
177 G. Villani, op. cit., XI, CXIX, vol. II, p. 672.
178 D. Lenzi, op. cit., p. 333.
179 Ibidem, p. 375 et p. 377.
180 Ibidem, p. 388.
181 Ibidem, p. 527.
182 G. Villani, op. cit., XIII, LXXIII, vol. III, p. 467.
183 Ibidem, p. 469.
184 En 1427, les veuves représentent 25 % de la population. Cf. D. Herlihy, C. Klapisch-Zuber, Les toscans et leur famille, cit., appendice V, tableaux 1 et 2.
185 Pour évaluer le nombre de fileuses florentines au moment de la révolte des Ciompi, Alessandro Stella a été obligé de se livrer à des calculs basés sur des chiffres très postérieurs (XVIIIe siècle) et sur le fait que la manufacture de laine n’a pas connu de mutations importantes entre les deux époques pour arriver, en considérant le nombre de tisserands indiqué par les dénombrements des feux de 1352 et 1404 (il fallait entre quatre et six fileuses pour un tisserand), à situer aux alentours de vingt mille le nombre de femmes et de jeunes filles des couches populaires de la population faisant du filage. Pour les autres types de travaux, il en est réduit à formuler des hypothèses : « Quant aux tâches accomplies par les femmes dans la manufacture lainière, à part le monopole sur le filage et l’ourdissage dont elles avaient le ‘privilège’ et l’emprise sur le tissage qu’elles partageaient probablement avec les hommes (souvent leurs hommes), on peut se demander si elles n’en exécutaient pas d’autres. En effet, dans les régions du nord de l’Europe, et notamment dans les Flandres, au XIIIe siècle, il apparaît que couramment les femmes exécutaient aussi le peignage et le cardage […] mais dans les sources fiscales florentines de la deuxième moitié du XIVe siècle, je n’ai rencontré qu’une seule peigneresse (de lin) chef de ménage ; ce qui n’exclut pas leur présence, si on réfléchit au fait que des milliers de fileuses dont l’existence est certaine, l’Estimo de 1352 n’en dénombre que huit. », A. Stella, La révolte des Ciompi, les hommes, les lieux, le travail, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1993, citation p. 118.
186 Magl. XXV-19, Marc. VI-270, p. 407.
187 Pour les détails, voir Marchionne di Coppo Stefani, Cronica fiorentina, rubr. 834, p. 357-358.
188 Voir à ce propos P. Geary, « Les hommes, les femmes, et la mémoire familiale », in La mémoire et l’oubli, cit., p. 83-129.
189 Biblioteca Capitolare d’Ivrea, Ms. 86. Voir l’édition en fac-similé Sacramentario del vescovo Waemondo di Ivrea, Ivrea, 1990. Les miniatures avaient été publiées auparavant par L. Magnani, « Le miniature del sacramentario d’Ivrea e di altri codici Warmondiani », in Codices ex ecclesiasticis Italiae bybliothecis delecti phototypice expressi iussu Pii XI pont. Max. Consilio et studio procuratorum bybliothecae vaticanae, VI, Cité du Vatican, Biblioteca apostolica vaticana, 1934.
190 J.-C. Schmitt, La raison des gestes dans l’Occident médiéval, Paris, Gallimard, 1990, p. 223.
191 II. IV. 323, p. 550.
192 I. Del Lungo, La donna fiorentina del buon tempo antico, Firenze, Bemporad, 1926, p. 13.
193 G. Monaldi, op. cit., p. 444.
194 II. IV. 323, p. 558. Magl. XXV-505, p. 103. S. della Tosa, op. cit., p. 134. P. Pieri, op. cit., p. 21.
195 G. Villani, op. cit., II, XX, vol. I, p. 83-85.
196 Ibidem, VI, XIV, vol. I, p. 242-244. R. Malispini, op. cit., LXXIX, p. 87-88.
197 G. Villani, op. cit., IX, VII, vol. II, p. 21.
198 Ibidem, XI, LIV, vol. II, p. 581.
199 Ibidem, XI, CLXIX, vol. II, p. 732.
200 M. Villani, op. cit., III, XV et XVI, vol. I, p. 347-348.
201 Ibidem, IV, VII, vol. I, p. 481.
202 Magl. XXV-19, Marc. VI-270 (1358-1389), p. 331.
203 D. Compagni, op. cit., V, III, p. 187.
204 G. Villani, op. cit., VIII, CXXXII, vol. I, p. 606.
205 P. Pieri, op. cit., p. 78. S. della Tosa, op. cit., p. 158. G. Villani, op. cit., X, LXX, vol. II, p. 131-132.
206 Magl. XXV-19 et Marc. VI-270, p. 9. G. Villani, op. cit., IX, XXXIX, vol. II, p. 65.
207 D. Compagni, op. cit., I, XXII, p. 97.
208 G. Villani, op. cit., VIII, LXI, vol. I, p. 510-511. R. Malispini, op. cit., CCXXIII, p. 201-202.
209 Anonimo, « Leggenda di messer Gianni di Procida (1282-99) », in A. Cappelli, Giovanni di Procida e il Vespro siciliano, Miscellanea di opuscoli inediti e rari dei secoli XIV e xv, vol. I, Torino, Unione Tipografico-editrice, 1861, p. 43.
210 Ibidem, p. 57-58.
211 S. della Tosa, op. cit., p. 147-148.
212 P. Pieri, op. cit., p. 44.
213 Magl. XXV-505, p. 115.
214 Neap. XIII. F. 16, p. 283.
215 Voir à ce propos C. Casagrande, « La femme gardée », cit., p. 98-99.
216 F. da Barberino, Reggimento e costumi di donna, cit., p. 12-13.
217 Ibidem.
218 G. Villani, op. cit., V, II, vol. I, p. 163.
219 P. Pieri, op. cit., p. 58.
220 D. Compagni, op. cit., I, XVI, p. 82.
221 G. Villani, op. cit., X, CCCLI, vol. II, p. 515.
222 Ibidem, X, CCXLIX, vol. II, p. 424.
223 Ibidem, X, CCXLVIII, vol. II, p. 424.
224 Ibidem, VIII, IV, vol. I, p. 410-412.
225 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 52-53. Vaticanus 5381, p. 279. Magl. XXV-505, p. 92.
226 G. Villani, op. cit., VIII, LXXV, vol. I, p. 527-528.
227 Ibidem, VIII, CV, vol. I, p. 571.
228 II. IV. 323, p. 541-542. II. II. 39, p. 99. Magl. XXV-505, Magl. XXV-19 et Marc. VI-270, p. 99. S. della Tosa, op. cit., p. 130. P. Pieri, op. cit., p. 10. G. Villani, op. cit., vol. I : VI, XVI, p. 245-246 ; VI, XVII, p. 247 ; VI, XXXV, p. 262 ; VII, I, p. 275-276. R. Malispini, op. cit., LXXXI-LXXXII, p. 89-90.
229 G. Villani, op. cit., XI, LVI, vol. II, p. 585-587.
230 Ibidem, II, XX, vol. I, p. 84-85 ; V, V, vol. I, p. 170.
231 D. Compagni, op. cit., III, XXVI, p. 235. G. Villani, op. cit., X, IX, vol. II, p. 217-218.
232 G. Villani, op. cit., X, XXIV, vol. II, p. 231.
233 Magl. XXV-505, p. 129. D. Compagni, op. cit., III, XXX p. 249. G. Villani, op. cit., X, XXVIII, vol. II, p. 233.
234 G. Villani, op. cit., IX, XXXVI, vol. II, p. 57-58.
235 M. Villani, op. cit., I, LVIII, vol. I, p. 108.
236 Ibidem, I, LVIII, vol. I, p. 111.
237 A. Comnène, Alexiade, éd. B. Leib, Paris, Les Belles Lettres, 1980, X, V, vol. I.
238 Ibidem, X, V, vol. I.
239 Voir à ce propos : B. Dansette, Les pèlerinages occidentaux en Terre Sainte aux XIVe et XVe siècles. Étude sur leurs aspects originaux et édition d’une relation anonyme, Paris, Sorbonne, 1977.
240 G. Villani, op. cit., VI, III, vol. I, p. 232.
241 Voir à ce sujet P. Racine, « Hommes d’affaires et artisans de l’Italie intérieure en Méditerranée orientale (vers 1250-vers 1350) », in M. Balard, A. Ducellier, Coloniser au Moyen Âge, Paris, Armand Colin, 1995, p. 142-149.
242 D. Jacoby, « Les Italiens en Égypte aux XIIe et XIIIe siècles : du comptoir à la colonie ? », in M. Balard, A. Ducellier, op. cit., p. 89.
243 G. Villani, op. cit., VIII, XVIII, vol. I, p. 441.
244 S. della Tosa, op. cit., p. 140.
245 G. Villani, op. cit., VIII, CXXX, vol. I, p. 596.
246 P. Pieri, op. cit., p. 52.
247 S. della Tosa, op. cit., p. 153.
248 Cf. R. Jabre-Mouaward, « un témoin melkite de la prise de Tripoli », in Studies on The Christian Arabic Heritage, ed. R. Y. Ebied, H. G. B. Teule, Leuven, Peeters, 2004, p. 133-162. Sulaymān se définit lui-même comme un poète d’Ashlūh, village proche de Tripoli. Son élégie intitulée « Qawl ‘ala Tarāblus ‘ala ghara fihā min al-Islām » a été attribuée à tort par les Assemani à Ibn al-Qilā ī puis à un évêque de Nicosie par l’orientaliste Ignazio Guidi dans un article intitulé « Discours sur Tripoli et sur ce qu’y firent les musulmans » (in « Archives de l’Orient latin », t. II, Paris, 1884, p. 462-466) avec une introduction de R. Röricht : « Gabriel Bar Kala ‘i évêque de Nicosie, poème sur la chute de Tripoli (27 avril 1289) ».
249 II. IV. 323, p. 570.
250 S. della Tosa, op. cit., p. 154.
251 P. Pieri, op. cit., p. 54-55.
252 Magl. XXV-505, cit., p. 121.
253 G. Villani, op. cit., VIII, CXLV, vol. I, p. 618-621.
254 Ibidem, VIII, CXLV, vol. I, p. 621.
255 Ibidem, VI-XVI, vol. I, p. 246-247.
256 Ibidem, VIII, XCVI, vol. I, p. 559.
257 Ibidem, V, XXI, vol. I, p. 200-201.
258 Magl. XXV-505, p. 96.
259 II. II. 39, p. 97.
260 II. IV. 323, p. 516.
261 Ibidem, p. 522.
262 Neap. XIII. F. 16, p. 272.
263 G. Villani, op. cit., V, XVIII, vol. I, p. 189.
264 P. Pieri, op. cit., p. 3.
265 R. Malispini, op. cit., LXX, p. 81.
266 G. Villani, op. cit., IX, LVII, vol. II, p. 103.
267 Ibidem, XI, LXXXIX, vol. II, p. 633-634.
268 P. Pieri, op. cit., p. 47-48. G. Villani, op. cit., VIII, XCVI, vol. I, p. 559. R. Malispini, op. cit., CCXLII, p. 219.
269 G. Villani, op. cit., IX, XVIII, vol. II, p. 107.
270 Ibidem, XIII, LXVIII, vol. III, p. 460.
271 Ibidem.
272 Ibidem, XX, LXXXIV, vol. III, p. 175.
273 Ibidem, p. 176.
274 P. Pieri, op. cit., p. 54.
275 G. Villani, op. cit., VIII, XCV, vol. I, p. 558.
276 Ibidem, VIII, CXXXV, vol. I, p. 611.
277 Ibidem.
278 Ibidem, XII, CXLIII, vol. III, p. 287.
279 Ibidem, XII, LV, vol. III, p. 125.
280 Ibidem, XII, CXLIII, vol. III, p. 288.
281 Ibidem.
282 Ibidem.
283 Ibidem, VI, IV, vol. I, p. 233-234.
284 Ibidem, XIII, X, vol. III, p. 319.
285 M. Villani, op. cit., I, XI, vol. I, p. 25.
286 Ibidem, I, XI, vol. I, p. 25.
287 G. Villani, op. cit., XIII, LI, vol. III, p. 416.
288 Ibidem, p. 417.
289 Ibidem, XIII, LXIX, vol. III, p. 462.
290 Ibidem, XIII, CXII, vol. III, p. 544.
291 Ibidem, XIII, CXV, vol. III, p. 552.
292 Ibidem, XIII, LXXV, vol. III, p. 474.
293 Ibidem, XIII, LIX, vol. III, p. 433.
294 Ibidem, XIII, LXXV, vol. III, p. 474.
295 Ibidem.
296 Ibidem, XIII, LXXXIX, vol. III, p. 493-494.
297 Ibidem, XIII, CIII, vol. III, p. 519.
298 Ibidem, XIII, CIV, vol. III, p. 520-521.
299 Ibidem, XIII, CXV, vol. III, p. 552-553.
300 Ibidem, p. 554-555.
301 M. Villani, op. cit., I, XI, vol. I, p. 28.
302 Ibidem, I, XII et XIII, vol. I, p. 28-31.
303 Ibidem, I, X, XIV, vol. I, p. 31-32.
304 Ibidem, I, XVI, vol. I, p. 34-35.
305 Ibidem, I, XVII, XVIII et XIX, vol. I, p. 35-39.
306 Ibidem, I, XX, vol. I, p. 40, l. 13-14.
307 Ibidem, I, XXI, vol. I, p. 40-41.
308 Ibidem, I, XXII, vol. I, p. 42-43.
309 Ibidem, I, XX, vol. I, p. 40-41.
310 Ibidem, I, XXII, vol. I, p. 43.
311 Ibidem, I, LXXV, vol. I, p. 143.
312 Ibidem, I, XCI, vol. I, p. 171.
313 Ibidem.
314 Ibidem, I, XCIV, vol. I, p. 175.
315 Ibidem, I, XCIV, vol. I, p. 176.
316 Ibidem, I, XCV, vol. I, p. 177.
317 Ibidem, p. 179.
318 Ibidem.
319 Ibidem, I, XCVI, vol. I, p. 182.
320 Ibidem, II, XXXVIII, p. 261, titre.
321 Ibidem, II, XXXIX, p. 262, titre.
322 Ibidem, II, XL, p. 264, titre.
323 Ibidem, II, XLI, p. 265, titre.
324 Ibidem, II, LXXVI, p. 320, titre.
325 Ibidem, III, VIII, vol. I, p. 335.
326 Ibidem.
327 Magl. XXV-19, Marc. VI-270 (1358-1389), p. 308.
328 Ibidem, p. 310.
329 Ibidem, p. 313.
330 Ibidem.
331 Ibidem, p. 314.
332 Ibidem, p. 331.
333 G. Villani, op. cit., I, XXIII, vol. I, p. 34-36.
334 II. IV. 323, p. 556.
335 Ibidem.
336 II. II. 39, p. 100.
337 S. della Tosa, op. cit., p. 133.
338 Marc. VI-270, p. 255.
339 P. Pieri, op. cit., p. 18-19.
340 P. Santini, op. cit., p. 38-40.
341 Magl. XXV-505, p. 101.
342 Magl. XXV-19, p. 255.
343 G. Villani, op. cit., VII, VI, vol. I, p. 282.
344 R. Malispini, op. cit., CXII, p. 110.
345 Sur Matteo Villani et les Compagnies, cf. C. Gros, « Florence en guerre au XIVe siècle : ‘la guerre de Pise’ », in Villes en guerre XIVe-XVe siècles, actes du colloque d’Aix-en-Provence, 8-9 juin 2006, C. Raynaud (dir.), Aix-en-Provence, PUP, 2008, p. 85-102.
346 M. Villani, op. cit., I, LII, vol. I, p. 97.
347 G. Villani, op. cit., VIII, LXVIII, vol. I, p. 520.
348 R. Malispini, op. cit., CCXXVII, p. 205.
349 G. Villani, op. cit., IX, LV, vol. II, p. 90-91.
350 Ibidem, IX, LXXXII, vol. II, p. 167.
351 D. Compagni, op. cit., I, XXVI, p. 106-107.
352 M. Villani, op. cit., I, XXVII, vol. I, p. 52.
353 Ibidem, IV, XX, vol. I, p. 501.
354 Ibidem, V, LXXVII, vol. I, p. 700, titre.
355 Ibidem, VII, LVIII, vol. II, p. 81.
356 Ibidem, VII, LIX, vol. II, p. 82.
357 Ibidem, p. 87.
358 Ibidem, VII, LXVIII, vol. II, p. 92.
359 Ibidem, VII, LXIX, vol. II, p. 93.
360 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 42. Vaticanus 5381, p. 268. R. Malispini, op. cit., V, p. 22.
361 II. II. 67, Orsucci 40, Marucellianus C. 300, p. 42. Vaticanus 5381, p. 269. R. Malispini, op. cit., VI, p. 23.
362 G. Villani, op. cit., III, XIII, vol. I, p. 126-129.
363 II. IV. 323, p. 541-542.
364 G. Villani, op. cit., V, XX, vol. I, p. 198.
365 R. Malispini, op. cit., LXXXII, p. 89-90.
366 G. Villani, op. cit., V, XX, vol. I, p. 197-199.
367 Ibidem, VIII, IX, vol. I, p. 423.
368 Ibidem, IX, XIX, vol. II, p. 37.
369 II. IV. 323, p. 561.
370 G. Villani, op. cit., VII, XXXIII, vol. I, p. 319. Mêmes informations in R. Malispini, op. cit., CXXXII, p. 127.
371 G. Villani, op. cit., VII, LXXXV, vol. I, p. 391. Cf. aussi R. Malispini, op. cit., CLXXVII, p. 162.
372 G. Villani, op. cit., X, CCCXLIII, vol. II, p. 510.
373 Ibidem, XI, CV, vol. II, p. 654.
374 Ibidem, III, VI, vol. I, p. 107.
375 Ibidem, VIII, CII, vol. I, p. 565.
376 Ibidem, XIII, LXV, vol. III, p. 449.
377 M. Villani, op. cit., III, LXXVII, vol. I, p. 418.
378 Ibidem, V, XLII, vol. I, p. 664.
379 J. Kelly-Gadol, « Did women have a Renaissance? », in R. Bridenthal, et C. Koonz, Becoming visible: Women in European History, Boston, Houghton Mifflin College div., 1977, p. 137-164.
380 « Charismatic women appear with extraordinary frequency in the late-medieval world. In at least one sector of social and cultural life, women had a Renaissance. », D. Herlihy, « Did women had a Renaissance? A reconsideration », in Medievalia et Humanistica, 1985, p. 22 et in Women, family and society in Medieval Europe, Providence-Oxford, Berghahn Books, 1995, p. 56.
381 J. Tibbetts Schulenburg, « Sexism and the celestial gynaeceum from 500 to 1 200 », in Journal of medieval history, IV, 1978, p. 122, p. 127 et p. 131, note 11.
382 A. Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procés de canonisations et les documents hagiographiques, Rome, École française de Rome, 1981, p. 315-318 et p. 485-489.
383 A. Benvenuti Papi, « Velut in sepulchro. Cellane e recluse nella tradizione agiografica italiana », in Culto dei santi, istituzioni e classi sociali in età preindustriale, éd. S. Boesch Gajano, L. Sebastiani, l’Aquila-Roma, 1984, p. 365-455 ; Id., In castro poenitentia, cit.
384 A. Vauchez, La sainteté en Occident, cit. ; Id., « La sainteté féminine dans le mouvement franciscain », in Les laïcs au Moyen Âge, Paris, Les éditions du Cerf, 1987, p. 189-202.
385 J. Dalarun, « Hors des sentiers battus. Saintes femmes d’Italie aux XIIIe-XIVe siècle », in Femmes, mariages, lignages XIIe-XIVe siècle, Mélanges offerts à G. Duby, Bruxelles, De Boeck univ., p. 79-102.
386 Ibidem, p. 92.
387 Ibidem, p. 93.
388 G. Villani, op. cit., IX, XXXV, vol. II, p. 53-57.
389 Ibidem, p. 55.
390 Ibidem, IX, XV, vol. II, p. 34.
391 P. Pieri, op. cit., p. 65.
392 G. Villani, op. cit., V, II, vol. I, p. 162-164.
393 Ibidem, p. 164.
394 Ibidem, V, XIX, vol. I, p. 191-195.
395 Ibidem, p. 194.
396 II. II. 67, Orsucci 40 et Marucellianus C. 300, cit., p. 39. Vaticanus 5381, cit., p. 265. G. Villani, op. cit., I, VII, vol. I, p. 11-13. R. Malispini, op. cit., III, p. 21.
397 II. II. 67, Orsucci 40 et Marucellianus C. 300, cit., p. 40. Vaticanus 5381, cit., p. 265. G. Villani, op. cit., I, IX, vol. I, p. 15-16. R. Malispini, op. cit., III, p. 21.
398 G. Villani, op. cit., I, XXI, vol. I, p. 29-32. R. Malispini, op. cit., VIII, p. 24.
399 G. Villani, op. cit., I, XXIII, vol. I, p. 34-36.
400 Ibidem, IX, XXXV, vol. II, p. 55.
401 Ibidem, VI, XIV, vol. I, p. 243.
402 M. Villani, op. cit., VI, XIV, vol. I, p. 730-731.
403 G. Hasenohr, « La vie quotidienne de la femme vue par l’Église : l’enseignement des journées chrétiennes de la fin du Moyen Âge », in Frau und spätmittelalterlicher Alltag, Intern Kongress, Krems an der Donau, 2-5 octobre 1984, Vienne, 1986, p. 38-77.
404 G. Villani, op. cit., XI, CV, vol. II, p. 652-653.
405 Ibidem, VII, LXXXIX, vol. I, p. 398.
406 Ibidem, VIII, X, vol. I, p. 425.
407 Magl. XXV-19 et Marc. VI-270, p. 24-25. Magl. XXV-505, p. 129. G. Villani, op. cit., X, IX, vol. II, p. 217.
408 D. Compagni, op. cit., III, XXVI, p. 235.
409 G. Villani, op. cit., X, XXIV, vol. II, p. 231.
410 S. della Tosa, op. cit., p. 144-145.
411 G. Villani, op. cit., VIII, XLIII, vol. I, p. 482.
412 Marc. VI-270, p. 268.
413 Neap. XIII-F. 16, p. 283.
414 A. Lancia, « Legge suntuaria fatta dal comune di Firenze l’anno 1355 e volgarizzata nel 1356 da Andrea Lancia », a cura di P. Fanfani, in l’Etruria, I, 1851, p. 370-443.
415 G. Villani, op. cit., XI, CLI, vol. II, p. 709-711.
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