Introduction
p. 5-24
Texte intégral
1Pendant longtemps, les femmes ont été laissées dans l’ombre de l’histoire, une histoire entièrement écrite par les hommes, essentiellement pour les hommes. De même, pendant très longtemps, l’histoire de la femme a été peu étudiée et on l’a ignorée jusqu’à ce que, dans une société « qui prend conscience de la mutation profonde qui l’affecte et qui bouleverse les rapports entre les générations et les sexes »1, et grâce à l’essor de l’anthropologie, les historiens s’intéressent davantage à l’histoire de la famille et des mentalités, afin de retrouver des traces des transformations des attitudes mentales et des comportements.
2C’est au sein de cette histoire des mentalités que l’histoire des femmes est née. Son but premier était d’apporter un éclairage nouveau sur la prétendue « crise de la famille » du XXe siècle. En fait, elle a permis de mieux formuler les interrogations, suscitées en particulier par le mouvement des femmes, sur la femme dans la société et la famille contemporaine, en définissant sa position dans la diversité économique, sociale et historique des sociétés du passé. Cette histoire a conquis peu à peu son autonomie et s’est développée au point qu’il est difficile aujourd’hui de recenser tous les ouvrages qui s’y réfèrent.
3Nous voudrions participer à ce vaste chantier en consacrant notre étude aux chroniques florentines du XIVe siècle car, ainsi que le faisait remarquer David Herlihy, « les historiens de la femme des villes italiennes du Moyen Âge ne sont pas beaucoup aidés par les documents mais ceux-ci ne se dérobent pas totalement. Ils doivent toutefois apprendre à être des auditeurs vigilants, patients et sensibles. »2
La femme, les prédicateurs et les moralistes
4« À bon cheval et à mauvais cheval il faut l’éperon ; à bonne femme et à mauvaise femme il faut un maître, et à certaines du bâton »3. Ce proverbe, relevé, au XIVe siècle, par le Florentin Paolo da Certaldo, trouve alors de nombreuses justifications dans les Écritures qui ont composé une image dévalorisante de la femme4 : créée en second, à partir d’une côte de l’homme, pour lui apporter une aide, Ève n’est pas directement une image de Dieu, elle est seulement un reflet de l’homme et donc une image imparfaite du Créateur. De plus, parce qu’elle joue un rôle capital dans la Chute, sa condamnation est lourde : elle sera dominée par son mari et enfantera dans la douleur. Par ailleurs, le principe de l’inégalité entre l’homme et la femme au sein de la cellule familiale repose, selon saint Paul, sur une autre base : le mari commande à son épouse comme le Christ à l’Église. Cette situation de dépendance est accentuée, à partir du XIIIe siècle par la science qui, influencée par le De animalibus nouvellement traduit, décrit la femme comme un « mâle manqué » conjuguant l’” imbécillité » (la faiblesse) physique à la « débilité » (la faiblesse) mentale.
5Tout en reprenant cette double argumentation, les prédicateurs et les moralistes des XIIIe et XIVe siècles désireux de s’adresser aux femmes tiennent un discours plus nuancé5. Les femmes apparaissent dans leurs textes classées en catégories et un premier critère de distinction sépare les religieuses des femmes laïques. Celles-ci se partagent en femmes mariées, veuves, vierges et petites filles. Les prédicateurs considèrent que les fillettes et les jeunes filles sont dociles mais que les veuves sont soit scandaleuses soit édifiantes. Ils soupçonnent les vieilles femmes d’être des entremetteuses ou des sorcières. Hors d’une famille ou d’un ordre religieux, les femmes n’ont pas d’existence reconnue et ne peuvent être que des pécheresses.
6La classification établie par le juriste florentin Francesco da Barberino6 est plus riche mais elle ne remet pas en cause celle des clercs. Elle se contente de créer des sous-catégories (les jeunes filles en âge de se marier et celles qui ont dépassé l’âge du mariage ; les veuves qui se remarient et celles qui le restent ; les moniales, les recluses et celles qui vivent monacalement à leur domicile) et de considérer séparément les femmes qui appartiennent à des classes sociales différentes (reines, princesses, nobles, filles et femmes de marchands, d’artisans, de paysans et femmes qui exercent des petits métiers) mais le rapport de ces femmes laïques à la société passe toujours par la famille : elles sont, avant tout, des filles, des épouses ou des veuves.
7À ce public, les prédicateurs, les clercs, les maris et les pères adressent des conseils de chasteté, d’humilité, de modestie, de sobriété, de silence, de travail, de miséricorde et de contrôle de soi. Ils dénoncent sans cesse les vices féminins : l’impudence de celles qui s’affichent aux spectacles et participent aux bals et aux banquets, la curiosité de celles qui se montrent à la fenêtre ou sur le seuil de leur maison, le bavardage sans discernement ni retenue hors des murs du logis. Ils désirent qu’elles s’éloignent de la société et s’enferment dans l’espace clos de leur maison, qu’elles ne se fardent pas ni ne s’habillent luxueusement pour paraître désirables – mais qu’elles représentent dignement la puissance et la richesse de leur famille – qu’elles s’adonnent à des activités domestiques pour lutter contre l’oisiveté et à des œuvres de charité. En raison des devoirs familiaux qui incombent aux épouses et aux mères de famille, le modèle qu’ils leur proposent est plus complexe : elles doivent aimer leur conjoint et le seconder, respecter la famille dans laquelle elles entrent par le mariage, gouverner la maison en prenant soin des enfants et des serviteurs et préserver leur réputation. Ces tâches semblent allouer aux femmes une part de responsabilité, dans le domaine domestique, mais il n’en est rien, car elles demeurent dans un état de subordination permanent.
La femme dans les livres de famille florentins
8Conjointement, les livres de famille florentins7, transmettent l’image d’une société où l’idéologie et les normes du lignage concourent à marginaliser radicalement les filles, les épouses et les mères. À Florence, aux XIVe et XVe siècles, « les hommes sont et font les ‘maisons’ […] Par eux se détermine la parenté, et l’ossature masculine des généalogies dressées par les contemporains montre le peu de cas que l’on fait de la parenté par les femmes après une ou deux générations. Par les hommes passent aussi les biens d’une génération à l’autre. Au nombre de ces biens que les hommes se transmettent jalousement, excluant les femmes de leur propriété autant qu’ils le peuvent, figure la maison matérielle, qu’ils ‘font’ aussi en ce sens qu’ils l’édifient, l’accroissent et qu’ils la remplissent des enfants de leur nom. »8 La femme est un hôte de passage, qui sort de la ‘maison’ de son père, pour entrer dans celle de son époux, où son rôle se limite à assurer la continuité du lignage. L’époux s’occupe de la gestion des biens familiaux, dans lesquels la dot se trouve incluse, mais aussi du choix du nom, de la nourrice, et du temps d’allaitement des enfants. Lorsque son époux disparaît, elle ‘sort’ de sa famille d’alliance en emportant sa dot mais en abandonnant les enfants, qui appartiennent au lignage de leur père, pour retourner dans sa famille d’origine. Si elle est jeune, cette famille voudra utiliser au mieux la dot ainsi récupérée en la mariant à nouveau, afin d’entrer dans un nouveau cercle d’alliances.
Les nouvelles orientations de la critique
9D’autres sources attestent de l’écrasement de la femme par l’homme mais il ne s’agit peut-être que d’un simple accident méthodologique car les documents utilisés sont de caractère soit économique, soit politique, soit juridique. « Il me semble que nous sommes victimes de nos sources […] Si ces sources insistaient sur l’aspect moral ou les traits sociaux d’une société, ce serait la femme qu’on verrait surtout »9. Cette remarque de Robert Fossier qui, en 1976, ouvrait le colloque de Poitiers, a trouvé depuis confirmation dans des travaux sur la famille et la parenté florentines au Moyen Âge. Ces recherches, consacrées à l’étude de pratiques sociales qui témoignent du fonctionnement concret de la parenté dans un sens plus bilatéral, c’est-à-dire par les hommes mais aussi par les femmes, ont été menées notamment par David Herlihy10, Thomas Kuehn11, ou encore, pour Florence, par Isabelle Chabot12, qui a établi qu’en dehors de « ces monuments de l’idéologie patrilinéaire que sont les livres de raison des marchands florentins », d’autres documents – les demandes de messes pour les morts, les actes des Magistrati dei Pupilli – et d’autres approches susceptibles de donner plus de visibilité aux liens affectifs et au réseau de parenté tissés par les femmes revalorisent la position et les rôles actifs des Florentines à la croisée des lignages13.
Les chroniques entre histoire et littérature
10Se situant à mi-chemin entre histoire et littérature, les chroniques médiévales ont longtemps souffert de ce statut ambigu et n’ont pas toujours été considérées à leur juste valeur. Elles représentent pourtant une contribution complexe à l’histoire qui permet de définir quelle image de la femme voulaient transmettre les chroniqueurs et quelles informations ils ont transmises malgré eux, sur elles et sur eux, leur façon de les voir, le rôle qu’ils leur attribuaient ou étaient prêts à leur faire jouer. À travers les reflets que les chroniques donnent de la société de l’époque s’en dessine aussi une représentation parce que la réalité subit une transformation en passant par le filtre de l’écriture. C’est en reconnaissant la spécificité des chroniques, mais aussi leur appartenance à la société qui les a produites qu’il est possible, par des jeux de miroirs constants, de retrouver dans les chroniques florentines des informations sur les Florentines du XIVe siècle.
11L’accord entre les œuvres et le milieu porteur-récepteur autorise à penser que l’image donnée correspond à celle que la société florentine de cette époque avait de la femme et permet d’en reconstituer le système conceptuel. Toutefois, cette étude ne sera probante que dans la mesure où les chroniques s’avèrent représentatives de la pratique discursive à laquelle elles appartiennent.
Les chroniques dans l’historiographie médiévale
12L’héritage et la production historique de l’Occident chrétien au Moyen Âge se composent schématiquement de trois types d’œuvres, les annales, les chroniques et les Histoires14. Toutefois, dès le milieu du XIIe siècle, même si les historiens distinguent encore, en théorie, l’Histoire de la chronique, il n’existe plus, dans la pratique, qu’une seule forme qu’on appelle chronique : un beau récit, bien situé dans le temps grâce aux dates qui sont fournies15. Enfin, aux XIIIe et XIVe siècles, « toute l’ambition de l’historien est d’écrire une chronique, c’est-à-dire une compilation sérieuse, donnant dans l’ordre chronologique rigoureux, et en indiquant les dates, un récit écrit dans un beau style. Se dégageant des formes d’Eusèbe, la chronique est la forme qu’a su inventer l’historien du Moyen Âge pour y couler son érudition sans rebuter son lecteur »16.
Histoire et société
13C’est aux anthropologues que nous devons la réhabilitation des chroniques. Faisant table rase des réticences de certains historiens, ils ont tenté de définir, à la lumière de leurs observations sur les sociétés primitives, quelles pouvaient être les motivations qui avaient poussé les chroniqueurs à écrire « des récits puérils »17. Ils ont ainsi établi que, pour une société et ceux qui la dirigent, le rapport au passé est essentiel. Comme l’a démontré Clifford Geertz18, l’autorité politique ne devient légitime que si elle entre en résonance avec des représentations d’ambition universelle, si elle est surdéterminée par la croyance en de grands récits mythiques qu’il désigne sous le nom de « fiction maîtresse ». Parfois même, ainsi que l’explique Nicole Loraux à propos d’Athènes19, pour créer un passé conforme à ses aspirations, cette autorité n’hésite pas à faire voter un décret interdisant à quiconque d’évoquer un passé récent douloureux et crée en quelque sorte une non-mémoire officielle. Or, justement, si la recherche et la culture historique firent ensemble des progrès décisifs au XIVe siècle, c’est que l’histoire devint une nécessité : « dans chaque état, le gouvernement appuya ses droits et ses ambitions sur des dossiers historiques. Le peuple, qui voulait être une nation, chercha dans le passé sa commune origine. »20 La société va ainsi trouver son identité, ses normes et ses valeurs dans le passé car « l’histoire quand elle réussit est assimilée par la mémoire collective »21.
14Il a été démontré par ailleurs que les copistes et les chroniqueurs utilisaient les archives avec beaucoup de liberté, détruisant, révisant, recopiant selon les besoins de leur souverain, de leur abbaye, de leur cité et que ces suppressions, créations et transformations étaient politiques au sens large, parce qu’elles résultaient justement de décisions prises en fonction des nécessités imposées par la lutte pour le statut social, le pouvoir22. Giovanni Villani ne suggère pas autre chose dans l’introduction de la Nuova Cronica lorsqu’il parle des non ordinate memorie de Florence. En effet, à notre avis, il ne fait pas seulement référence à un éventuel désordre des manuscrits qu’il faudrait réparer mais il désigne par cette expression ce qu’Arnold de Ratisbonne nomme inordinata, c’est-à-dire ce qui n’est pas « conforme au bon ordre des choses »23. Il annonce donc à ses lecteurs qu’il se propose de sélectionner des memoranda parmi de possibles memorabilia et de réorganiser le passé. Il crée ainsi un récit qui deviendra le point de départ de la mémoire institutionnelle des générations suivantes et limitera ou empêchera l’accès à des passés différents24.
Les chroniques florentines
15Les chroniques historiques florentines ont toujours été étudiées comme si elles représentaient une production spécifique à Florence. Aucune étude n’a été consacrée à la comparaison entre leur structure et celle des chroniques des autres états de l’Occident chrétien. Ceci est sans doute dû à l’existence des chroniques familiales qui, elles, sont une particularité florentine. Les premières études sur l’historiographie florentine datent de la fin du XIXe siècle. Pour reconstituer sa genèse, un inventaire des annales et chroniques contenues dans les bibliothèques de Florence a alors été dressé puis les textes ont été publiés par des historiens dont les travaux portent à la fois sur les « annales », la Légende des Origines et les Gesta florentinorum et qui, dans leurs préfaces, font un bilan de l’état des recherches qu’ils enrichissent d’éléments nouveaux sur les œuvres qu’ils éditent25. Quelques travaux ont été consacrés aux chroniqueurs considérés comme mineurs mais l’essentiel de la recherche s’est développé autour de la Nuova cronica.
Les limites chronologiques
16La Légende des Origines et les Gesta florentinorum sont antérieures à la première moitié du XIIIe siècle, mais les seules copies existantes de la Légende sont contenues dans des manuscrits de la fin du siècle ou du début du suivant et les Gesta florentinorum ont été reconstituées à partir de chroniques de cette même période car aucun manuscrit original n’a été mis au jour : on ne peut donc examiner l’historiographie florentine depuis ses origines que telle qu’ont voulu la transmettre des hommes du tournant du XIVe siècle, sélectionnée, épurée, politiquement utile. Cette étude des chroniques historiques se poursuit jusqu’à 1364, date à laquelle Filippo Villani met un point final à la chronique commencée par Giovanni Villani et continuée par Matteo pour rédiger, en latin un De viris illustribus urbis Florentie qui dénote un nouveau renversement de valeurs, cette fois en faveur de la tradition antique. L’Histoire redevient le genre majeur et les quelques chroniques qui voient le jour s’inspirent fortement de l’œuvre des Villani dont elles ne sont qu’un pâle reflet.
17Un corpus limité aux chroniques n’exclut pas l’utilisation, pour renforcer ou nuancer nos conclusions, de certains textes comme la Cronica domestica de Donato Velluti et le Libro del biadaiolo de Domenico Lenzi – qui sont des chroniques domestiques dans lesquelles cohabitent souvenirs autobiographiques et réflexions morales, politiques et historiques – mais aussi d’écrits de ceux qui veulent élaborer des modèles susceptibles de s’adresser à toutes les femmes : les prédicateurs et des laïcs comme Francesco da Barberino.
18Choisir le XIVe siècle, c’est choisir un moment de crise profonde et en même temps de transformations dans tous les domaines de la culture occidentale, le moment crucial du passage du Moyen Âge à la modernité26. C’est aussi choisir un temps où la société devient plus complexe et où les appareils idéologiques constitués, Église et États, se trouvent déstabilisés et tentent de trouver une réponse à la diversification sociale en cours en définissant leurs champs culturels respectifs. Dès le XIIIe siècle, le dominicain Humbert de Romans estimait qu’il fallait prêcher de préférence en ville parce que les hommes y sont plus nombreux, parce que les péchés y prolifèrent et parce que la campagne finit par imiter la ville. En Italie, au XIVe siècle, l’essor de la culture laïque fait reculer le monopole de la culture cléricale en sacralisant la vie sociale et en créant même une religion civique où le culte des saints relève autant des pouvoirs publics que de l’évêque27. Les chroniqueurs se trouvent au centre de cette concurrence idéologique. Les modèles de comportement qu’ils proposent en fonction du passé qu’ils recomposent doivent concurrencer ceux que proposent les prédicateurs28.
19Choisir Florence c’est, dans ce contexte, choisir un lieu d’innovation intellectuelle où la lutte est particulièrement âpre, car il abrite une mentalité « de pointe », celle des marchands, la « mens mercatoris » qui, après s’être employée à conquérir le pouvoir, est plus que jamais décidée à imposer son mode de vie. Les limites chronologiques de notre étude coïncident en effet avec l’arrivée et le maintien au pouvoir de la partie la plus riche du popolo, la bourgeoisie d’affaires, c’est-à-dire des familles enrichies récemment, puisque les plus anciennes sont frappées par les Ordonnances de justice de 1293 qui écartent du pouvoir ceux qui sont définis, de façon subjective, par le terme de « magnats », en l’occurrence, cent quarante-sept familles tant guelfes que gibelines : soixante-quatorze du contado, toutes d’origine féodale, et soixante-treize de la ville, dont quarante nobles et trente-trois d’hommes d’affaires enrichis depuis plus d’un demi-siècle, comme les Mozzi, les Bardi et les Frescobaldi. À ce moment, Florence atteint son apogée économique et démographique. Elle profite de la défaite de Pise contre Gênes en 1284, de la ruine de Sienne, provoquée par la faillite, en 1309, de la compagnie des Bonsignori, et de l’affaiblissement de Lucques, lié à la ruine des Riccardi en 1300. Sa population augmente à cause de l’arrivée des habitants du contado attirés par son expansion économique et une nouvelle enceinte (la sixième) est construite entre 1284 et 1333. La bourgeoisie d’affaires, qui étend ses activités dans toute la Chrétienté, et même au-delà, grâce à ses six corporations, ou Arts majeurs, se maintiendra au pouvoir pendant de nombreuses années malgré une série de facteurs défavorables.
20Aux guerres contre les adversaires gibelins, les Empereurs et les Visconti, seigneurs de Milan, pour le contrôle de l’Italie du nord et du centre, s’ajoutent celles nécessaires à la soumission de Pise, qui est indispensable à Florence pour conserver des relations commerciales avec les pays lointains. À l’intérieur, les inimitiés entre les familles Cerchi et Donati, sur lesquelles vient se greffer la concurrence entre les Cerchi et les Spini, engendrent une crise interne du parti guelfe qui aboutit à la scission entre Guelfes noirs et Guelfes blancs (1300), à l’exil des Blancs (1302) puis à leur retour en 1311. En 1313, les difficultés politiques et économiques provoquées par l’arrivée d’Henri VII obligent la Commune à reconnaître Robert de Sicile comme seigneur jusqu’en 1321. En 1325, la défaite d’Altopascio contre les Gibelins et la faillite des Scali l’obligent à nouveau à élire Charles de Calabre, fils de Robert de Sicile, seigneur de Florence pour dix ans. Mais il meurt en 1327 et Florence retrouve sa « liberté ».
21En 1339, menacée par les forces gibelines dirigées par le seigneur de Vérone, Mastino della Scala, et alors que les compagnies florentines sont en difficulté, à cause de l’échec de la première expédition d’Édouard III dans le nord de la France, Florence fait encore appel au roi de Sicile, qui envoie Gautier de Brienne, duc d’Athènes. En 1342, il est élu seigneur de Florence à vie. Dès 1343, la bourgeoisie d’affaires, dirigée par les Bardi provoque une insurrection et chasse le duc mais le krach économique des années 1342-1346 a ébranlé la puissance économique de la ville : en 1346, après celles des Peruzzi, des Acciaiuoli, des Bonaccorsi et une dizaine d’autres, moins importantes29, la compagnie des Bardi fait faillite. Florence est très affaiblie à la veille de la catastrophe démographique de la Peste noire (1347-1348).
22Au cours de cette période, et jusqu’à la guerre de 1375 contre le Pape, connue sous le nom de « guerre des Huit Saints », qui entraîne un renversement de la conjoncture, dont les travaux de G. Brucker30 ont bien détaillé toutes les implications, la bourgeoisie d’affaires, après avoir écarté la noblesse du pouvoir, a réussi à s’y maintenir – et, contrairement aux villes du nord de l’Italie, à échapper à l’instauration d’une Seigneurie – sans qu’aucune grande famille puisse imposer sa domination exclusive et sans que le peuple conteste son autorité.
Définition du corpus
23Les chroniques florentines examinées appartiennent à quatre catégories différentes :
- les chroniques qui racontent la Légende des Origines,
- les chroniques qui sont dérivées des Annales et des Gesta florentinorum,
- les chroniques qui ont utilisé à la fois la Légende des Origines et les Gesta florentinorum mais qui représentent un travail de compilation plus élaboré,
- les chroniques qui n’ont aucun rapport direct avec la tradition historiographique florentine.
24Il pourrait paraître inutile d’analyser plusieurs chroniques qui relatent les mêmes faits, mais toute compilation est une construction qui mérite d’être étudiée pour elle-même et comparée aux sources qu’elle a utilisées. Chaque mot omis, chaque mot ajouté dévoile la personnalité du chroniqueur, ses choix politiques, sociaux et moraux : « à qui sait les entendre, les silences du compilateur peuvent révéler un esprit critique acéré »31.
Les chroniques qui racontent la Légende des Origines
25La Légende des Origines est connue sous cinq noms différents : Cronica de origine civitatis, Antiquarum hystoriarum libellus, Cronica de quibusdam gestis, Brieve memoria del nascimento di Firenze et Libro Fiesolano. Elle précède, selon P. Santini32, tout autre forme de récit historique et elle est antérieure à la première moitié du XIIIe siècle. A. Del Monte affirme au contraire que cette légende s’est formée au moment où les annales33 apparaissaient. Il n’est pas étonnant de trouver une légende dans l’historiographie florentine, car, au Moyen Âge, les limites entre hagiographie et histoire n’étaient pas franchement dessinées.
26La Légende des Origines commence par un bref résumé de l’histoire de la création depuis Adam, évoque Ninus qui a conquis le monde entier, puis Abraham, pour s’attarder un peu plus longuement sur la tour de Babel et la division du monde en trois parties : Asie, Afrique et Europe. Elle raconte ensuite l’édification de Fiésole par Atalan. Parmi les fils de celui-ci, le premier, Italus, reste à Fiésole, le second, Siccanus, donnera son nom à la Sicile où il s’installe, le dernier, Dardanos, fonde Dardania, qui sera plus tard appelée Troie, du nom de l’un de ses fils. De Dardanos descendent à la fois Pâris et Énée. Après le récit de la guerre de Troie, la Légende des Origines s’intéresse à Énée qui, sur les conseils de Minerve, tente d’atteindre l’Italie. La Légende narre également la rencontre d’Énée et de Didon. Après avoir tué Turnus, Énée épouse Lavinie, fille du roi de Toscane, Latinus. Elle s’attarde ensuite sur la descendance d’Énée et de Lavinie jusqu’à Romulus et Remus. Certains manuscrits évoquent alors brièvement la vie de Jésus-Christ, la venue de l’apôtre Pierre à Rome et sa mort34. Puis, la Légende relate l’épisode de la conjuration de Catilina et sa fuite. Il se réfugie à Fiésole où il est pourchassé par les Romains. Après la bataille du Campo Piceno, les Romains envoient deux consuls, Metellus et Florinus, pour combattre Catilina. Metellus retourne à Rome et Florinus, ayant établi son camp au bord de l’Arno, est attaqué et tué par les partisans de Catilina. Après une ultime bataille, Fiésole est vaincue et rasée. À l’endroit où a été tué Florinus, on édifie une ville que l’on veut semblable à Rome et que l’on nomme Fiorenza. Cinq cents ans plus tard, la ville est détruite par Totila – que la Légende confond avec Attila et auquel elle attribue le surnom de Flagellum Dei35 – et reconstruite par les Romains en suivant le plan de Rome. Le manuscrit Marucellianus C. 300 ajoute à cette légende que les empereurs germaniques de la famille de Saxe descendent d’un certain Uberto Cesare, fils de Catilina et aïeul des Uberti de Florence.
27Les réminiscences classiques de cette légende, qui fait de Florence l’héritière de Rome et de Troie36, sont le De conjuratione Catilinae (42 av. J.-C.) de Salluste, le commentaire de Servius (IVe siècle) de l’Énéide de Virgile, l’Historiae adversus Gentiles (417) de Paul Orose, l’Historia Romana de Paul Diacre (720-787) et la De excidio Troiae historia attribuée à Darès le Phrygien ainsi qu’un certain nombre de traditions orales locales37. Dans sa forme primitive, la légende ne mentionnait pas l’épisode de Catilina : l’histoire de l’origine des deux villes aurait été mêlée à un autre récit sur Catilina vers la seconde moitié du XIIIe siècle38.
28Ces emprunts montrent qu’il ne s’agit pas là d’une légende populaire mais bien d’une savante construction intellectuelle visant à attribuer à Florence les plus nobles origines. Cette légende, notamment dans la version contenue dans le Marucellianus C. 300, qui fait des empereurs germaniques des descendants de nobles florentins, a également contribué à affirmer l’indépendance de Florence vis-à-vis de l’Empire et même son antériorité par rapport à celui-ci.
29Il faut également mentionner la présence, dans la Légende, de quelques éléments caractéristiques de l’historiographie de l’Occident chrétien, notamment des deux premiers des six âges qui, pour saint Augustin39, forment l’Histoire Universelle d’Adam à Abraham.
30Tout au long de la Légende est également expliquée l’origine étymologique de noms de villes : le nom de Dardania nommée ensuite Troie dérive de celui de son fondateur, Florence est ainsi nommée à cause de Fiorino mais aussi parce que la fine fleur des Romains y habita, Pistoia doit son nom à la pestilence qui s’y était déclarée, Pise au fait qu’on y pesait les marchandises, Lucques est dérivée du mot latin lux, lumière parce qu’elle se convertit au christianisme avant les autres, Sienne, du mot latin senex, parce qu’elle fut habitée à l’origine par de vieux soldats gaulois. Ce recours à l’étymologie pour expliquer un nom est fréquent chez les historiens du Moyen Âge, car il est justifié par la lecture des grammairiens, poètes, rhéteurs, philosophes, théologiens et historiens de l’Antiquité, de saint Augustin et d’Isidore de Séville40 et il n’est jamais innocent car « les liens du mot et de la chose sont si étroits qu’expliquer le nom d’un homme ou d’un lieu, c’est déjà dévoiler la nature de cet homme ou de ce lieu, annoncer le destin de cet homme ou de ce lieu. L’étymologie est un redoutable révélateur, d’où peut naître la fierté ou la honte. »41 La Légende des Origines témoigne ainsi à la fois des sentiments des chroniqueurs à l’égard des villes voisines et de leur érudition.
31Toutefois, malgré ses composantes érudites, cette légende s’est divulguée très vite parmi les Florentins qui y reconnaissent leurs propres convictions (antagonisme de Florence et de Fiésole et certitude que l’Empire, personnifié par Totila-Attila dans la Légende, est la cause de tous les maux de Florence).
32La Légende sera transcrite pendant plus de trois siècles, tantôt en latin, tantôt en langue vulgaire, et il est difficile d’affirmer que les œuvres en vulgaire sont postérieures aux œuvres latines et copiées de celles-ci, car il existe des témoignages sur la présence simultanée de textes en latin et en langue vulgaire sur le même sujet. L’intention avouée de l’auteur de la compilation contenue dans le manuscrit Orsucci 40 des Archives de Lucques est, par exemple, de recueillir des textes en latin et en langue vulgaire sur Florence, pour ensuite les réorganiser et les traduire correctement en latin42.
33La Légende est le plus souvent accompagnée de l’adaptation en langue vulgaire d’une compilation anonyme française connue sous le titre de Li Fait des Romains qui comprend des écrits extraits de La Conjuration de Catilina de Salluste, de La Pharsale de Lucain et de Suétone. Li Fait des Romains ont été de bonne heure lus et copiés en Italie. Dès le début du XIVe siècle et probablement avant, ils sont traduits en italien. Le plus ancien manuscrit daté de ces traductions en langue vulgaire est le Riccardianus 2418 de 1313. Ces vulgarisations sont citées par les chroniqueurs sous le nom de Lucano, auquel certains ajoutent volgarizzato ou traduisent le titre français Li fatti dei Romani, d’autres les appellent Libro di Sallustio e di Lucano ou Sallustio Catilinario. Le plus ancien exemple de la fusion du Libro fiesolano et des Faits des romains est le manuscrit Laurentianus XLIV-XXVIII43.
34Les chroniques du XIVe siècle reproduisant la Légende des Origines qui sont l’objet de notre étude apparaissent dans sept manuscrits anonymes, quatre en latin et trois en langue vulgaire.
35En latin :
- le ms. II. II. 67 de la Bibliothèque Nationale Centrale de Florence (31r-35v)44 ;
- le ms. II. IV. 109 de la Bibliothèque Nationale Centrale de Florence (78r-80r) portant au folio 78r la mention : De aedificatione Fesularum et Florentie45 ;
- le ms. Laurentianus XXIX-8 (36v-39r) portant la mention Antiquarum hystoriarum libellus46 (cette version de la légende a été compilée en 1264) ;
- le ms. Vaticanus latin 5381 (1r-20r) intitulé Cronica de quibusdam gestis daté de 133447.
36En langue vulgaire :
- le manuscrit Laurentianus Gaddianus reliqui 18 (73r-78r)48 ;
- le manuscrit Orsucci 40 (1r-8v) des Archives de Lucques, rédigé entre 1290 et 1342, qui comprend une Brieve memoria del nascimento di (Firenze)49 (O. Hartwig et P. Scheffer-Boichorst50 pensent qu’il s’agit de l’œuvre de Pietro Corcadi da Bolsena) ;
- le manuscrit Marucellianus C. 300 (97r-123v) intitulé Libro fiesolano et daté de 1382 à deux reprises par le compilateur51.
Les chroniques ayant pour sources des Annales (en latin ou en langue vulgaire)
37Comme le reste de l’Occident chrétien52, Florence possède des Annales en latin. Mais, contrairement aux autres États et Communes d’Italie pour lesquels nous possédons à la fois plusieurs Annales breves et de nombreuses Annales, il ne nous reste que deux exemples d’Annales breves de Florence. Ce sont deux textes appelés Annales florentini I et II par O. Hartwig, qui les publie en 188053.
38Les Annales I mentionnent dix-huit événements survenus entre 1110 et 1173. Il s’agit pour la plupart de faits militaires : en 1110, victoire sur les comtes de la Valdipesa ; en 1114, destruction des murailles de Montecascioli ; en 1119, nouveau siège et destruction de Montecascioli ; en 1125, siège de Fiésole ; en 1129, conquête du château de Vignale ; en 1135, prise du château de Montebuoni ; en 1141, siège de Sienne et prise de Camoglia, fief des comtes Guidi, et enfin, en 1147, prise de la forteresse de Monte Orlando. Sont également signalés les démêlés de Florence avec l’Église, qui prononce trois interdits successifs contre elle : en 1138, parce que les Florentins ont essayé de confisquer les biens de l’évêque, en 1148, parce qu’ils ont attaqué Montecroce et en 1173, officiellement à cause de l’hérésie patarine, mais en réalité à cause de l’opposition de Florence à la paix imposée par l’Empereur. Enfin, deux incendies (1115 et 1117), l’entrée d’Henri V à Florence en 1110, la mort de la comtesse Mathilde en 1115 et la venue du marquis Engelbert en 1135 complètent ce rappel des événements considérés par les chroniqueurs comme les plus remarquables de la vie florentine entre 1110 et 1173.
39Les Annales II, appelées cronica par celui qui les a compilées en dernier54, vont de 1107 à 1247 et comportent quarante-six notes différentes. Elles ne concernent plus les luttes de Florence contre les nobles du contado mais celles que la Commune entreprend contre les villes de Toscane et contre l’Empire, luttes devenues nécessaires à cause du soutien que les nobles d’origine germanique reçoivent de l’Empereur en conflit avec la Papauté à propos de l’héritage de la comtesse Mathilde. Les destructions de Monteorlando en 1107, de Montecascioli en 1113, de Montebuoni en 1135, de Montecroce en 1153, la défaite d’Arezzo alliée aux comtes Guidi en 1170 et de Sienne en 1176 à Asciano, la prise de Monte Grossoli en 1182 et en 1197 et le siège du château de Pogna en 1185 en sont les épisodes les plus saillants. En 1197, c’est le château de San Miniato où résidaient les vicaires impériaux qui tombe à son tour puis, au début du XIIIe siècle, sont détruites les forteresses de Semifonte, en 1202, de Cambiate en 1207, et de Montaldo et Rigomagno, en 1208.
40Les Annales II mentionnent également la venue de Frédéric Barberousse en 1187 et ses conséquences : la perte du contado pour les villes de Toscane sauf Pistoia, contado que Florence récupérera très partiellement (dix lieues alentour seulement) en 1189. Les notes relatives à d’autres villes d’Italie, la capture du pape Pascal II à Rome par Henri V en 1110, les sièges de Brescia en 1237, de Milan en 1238, et de Faenza en 1241, la destruction de Milan par l’empereur Frédéric en 1162, ne font que compléter l’image que les compilateurs successifs veulent donner du pouvoir impérial en Italie.
41Toutefois, les faits intérieurs à la cité (le seul pont sur l’Arno qui s’écroule en 1178, la crue du fleuve en 1217, la disette de 1226, les querelles entre les Donati et les Fifanti, en 1238, les Adimari et les Bonfanti en 1242, les luttes entre Guelfes et Gibelins) acquièrent plus d’importance tandis que, parallèlement, l’intérêt des annalistes se tourne vers l’Occident chrétien mais aussi vers son champ d’action en Orient puisqu’ils mentionnent à la fois les conciles de 1215 et de 1228 et quelques épisodes de la guerre contre l’Islam (la prise de Jérusalem par Saladin en 1187, le départ pour la cinquième croisade en 1218, et la conquête de Damiette par les chrétiens en 1219). Les deux dernières annotations, faites en latin mais traduites ensuite en langue vulgaire, relatives à la restitution d’une portion de contado à la ville par l’empereur Henri VI et à la venue d’un éléphant offert par Frédéric II55, semblent indiquer que l’annaliste désirait matérialiser par ce changement de langue le changement de matière. Cela peut également s’expliquer par une préférence déjà marquée des Florentins pour la langue vulgaire qui justifierait l’absence d’Annales en latin concernant Florence. O. Hartwig a donné ce nom à ces quelques notes parce que c’est ainsi qu’on les appelait ailleurs, mais nous avons pu remarquer que les Annales II portent le nom de « cronica ». La traduction des dernières notes en langue vulgaire ne peut que conforter notre sentiment : dès les origines, les compilateurs florentins ont privilégié la langue vulgaire au détriment du latin, considéré comme étant la langue des clercs. Ce choix est un choix idéologique important dans la lutte de la culture laïque contre le monopole de la culture cléricale. Au moment où les Communes se dotent d’une histoire et où leurs annalistes se substituent aux moines chargés de rédiger les annales des monastères en latin, les chroniqueurs florentins, porte-parole d’un milieu marchand culturellement novateur, décident, pour marquer leur différence, d’utiliser la langue vulgaire.
42Malheureusement, nous ne possédons pas d’annales en langue vulgaire mais des similitudes entre des chroniques postérieures feront émettre à P. SchefferBoischorst56 l’hypothèse, désormais acceptée, de sources communes perdues. À la suite de Ptolémée de Lucques57, qui cite les Gesta et Acta florentinorum comme source de ses informations sur Florence dans les Gesta et Acta lucensium, sa chronique historique sur la ville de Lucques, P. Scheffer-Boischorst les nomme Gesta florentinorum. On peut déduire des indications de Ptolémée de Lucques qu’il s’agissait de brèves annales, écrites probablement en langue vulgaire, comprises entre la fin du XIe siècle et la deuxième moitié du XIIIe siècle. Leur contenu pourrait être le suivant : quelques rares informations sur l’histoire intérieure de Florence, d’autres plus nombreuses de politique extérieure concernant le contado et les autres villes de Toscane et quelques notes sur les événements principaux relatifs à la Papauté, à l’Empire et aux croisades. Elles seraient en cela semblables aux Annales II ; seule la langue les en distinguerait. Ptolémée de Lucques cite pour la dernière fois les Gesta en 1260 mais il ajoute, pour les années suivantes, jusqu’en 1270, quelques informations qui diffèrent peu des textes vulgaires contemporains alors que, par la suite, il ne mentionne plus d’événements concernant Florence.
43Au milieu du XIIIe siècle, Florence ne possède que ces notes et la Légendedes Origines. En 1270 se diffuse en Italie58 le Chronicon pontificum et imperatorum de Martin de Troppau59, qui aurait été traduit en langue vulgaire pour la première fois à Florence en 127960. Il est d’usage de considérer que le Chronicon est l’élément qui va contribuer à la naissance d’une véritable historiographie florentine61, car il devient alors facile d’utiliser la chronologie établie par Martin de Troppau et d’y insérer des notes sur Florence et la Toscane.
44Martin de Troppau arrêtant sa chronique à la fin du XIIIe siècle, ses compilateurs florentins prolongent le récit en y insérant ce qu’ils peuvent connaître de l’histoire florentine. Ainsi, vers la fin du XIIIe siècle, commencent à apparaître des documents qui ne sont plus de simples listes de dates et de noms mais qui indiquent déjà une volonté d’écrire l’histoire. Ils sont pour la plupart anonymes et sont contenus dans les manuscrits suivants :
- le ms. Magliabechianus-Strozzianus II. II. 124, cl. XXV, 571 intitulé Sanzanomis gesta florentinorum, qui présente la particularité d’être le seul texte latin connu réalisant la synthèse entre la Légende des Origines et les Gesta florentinorum. Son auteur présumé serait un juge et notaire, appelé Sanzanome, originaire de San Miniato al Tedesco, dont le nom est cité plusieurs fois dans des documents florentins entre 1188 et 1245 et qui dit avoir été présent lors de la guerre de Semifonte en 1202 et de celle de Montalto en 1208 ;
- le Magliabechianus XXV 505 (1v-21r). Cette chronique était immédiatement précédée de la Légende des Origines dont il ne reste que deux fragments concernant Catilina et sa descendance, les Uberti. La dernière date du travail original est 1321 et les informations concernant les vingt dernières années sont très détaillées. Les deux dernières rubriques qui concernent un événement de 1415 ont été ajoutées par une autre main62 ;
- les Annali de Simone della Tosa, dont le récit s’étend de 1115 à 1346. Il est précédé d’une liste des consuls et des podestats de 1196 à 1278. Les Annali de Simone della Tosa et le Magliabechianus XXV-505 présentent de nombreuses similitudes jusqu’en 1282, c’est-à-dire jusqu’à la paix du cardinal Latini ;
- le ms. Magliabechianus XXV-19 (1080-1389) et le Marcianus VI-270, très proche mais incomplet au début et à la fin (1188-1315)63. La compilation comporte deux parties distinctes. La première se termine en 1341 et porte une date autographe au folio 1r « XVIIIJ di marzo 1377 ». La seconde va de 1358 à 1389. R. Davidsohn64 a identifié son auteur comme étant Buoninsegna di Filippo Machiavelli, un aïeul de Niccolò Machiavelli ;
- le ms. Neapolitanus XIII-F. 16 (1r-51r), édité pour les seules parties relatives à Florence et à la Toscane65 ;
- le ms. Laurentianus Gaddianus CXIX (47r-111v) de la Bibliothèque Laurenziana de Florence, très proche du Neapolitanus XIII-F. 16 mais qui se termine en 1313 avec la mort et l’éloge de l’empereur Henri VII de Luxembourg, alors que le Neapolitanus se termine en 1308 par la paix conclue entre les Florentins et les Arétins ;
- le ms. II. II. 39 (21r-23v) de la Bibliothèque Nationale Centrale de Florence, « Cronachetta antica di Firenze » (1110-1273)66 ;
- le manuscrit II. IV. 323 (Magliabechianus XXV-565) de la Bibliothèque Nationale de Florence longtemps attribué à Brunetto Latini67 ;
- le ms. Magliabechianus XXV-260, qui porte comme titre ces simples mots : « Queste sono croniche di Paolino Pieri Fiorentino »68.
Les chroniques qui ont utilisé à la fois les Gesta florentinorum et la Légende des Origines
45La naissance simultanée d’une légende qui, en se tournant vers le passé, visait à anoblir les origines de Florence et à transfigurer la lente transformation de la Commune, et des Gesta, qui notaient les événements même infimes parce qu’ils étaient ressentis comme des pas sur la chemin de la puissance, relève d’une conscience politique qui exige de fixer et de transmettre l’histoire. La Légende créait un héritage à respecter ; les Gesta suivaient les vicissitudes de la cité en recherchant dans le présent les prémisses de la gloire que ce passé pouvait laisser espérer pour le futur. Mais ces deux intérêts, pour le passé et pour le présent, restaient distincts et donc limités : il fallait les rapprocher.
46Giovanni Villani commence à rédiger la Nuova Cronica en 1300. Désormais, la synthèse entre Légende des Origines et Annales est réalisée. De 1348 à 1363, Matteo Villani reprend la chronique là où Giovanni, frappé par la peste, l’a interrompue. En 1364, Filippo Villani interrompt la Cronica pour se consacrer à des écrits en latin. Les Florentins adoptent la Nuova Cronica et reconnaissent en elle leur chronique.
47Toutefois, les rapports entre la Storia fiorentina de Ricordano Malispini et la Nuova Cronica de Giovanni Villani ont longtemps agité les spécialistes69. Il s’agissait de déterminer si la Storia fiorentina était ou non un plagiat de l’œuvre de Giovanni Villani. Les premiers doutes sur son authenticité avaient été émis dès 1584 par L. Salviati70, repris par D. M. Manni en 177871 puis par Todeschini en 187272. En 1874, P. Scheffer-Boichorst73 affirmait que la chronique avait été écrite en 1370 pour honorer la famille Buonaguisi à l’occasion d’un mariage entre Averardo de’ Medici et une jeune fille de cette famille. Malgré les réserves de G. Capponi74 et de C. Paoli75, la thèse fut acceptée et même étayée par les recherches de C. Cipolla et V. Rossi et de V. Lami76. E. Sicardi s’y opposa dans un article intitulé « Critica tedesca e suggestione italiana. Ricordano Malispini fu un falsario ? »77. Aucun des deux partis n’arriva à des conclusions acceptables par tous. R. Morghen mit fin, pour un temps, au débat en donnant une nouvelle direction à ses recherches78. Après avoir réfuté les preuves qu’apportaient les partisans du plagiat, il compara la Storia fiorentina de Ricordano Malispini à la Divine Comédie et en conclut que, non seulement Dante avait utilisé les informations contenues dans la Storia, mais que celle-ci était également l’une des sources de Giovanni Villani. Selon lui79, Ricordano Malispini (né vers 1220 et mort peu avant 1300) écrivit la Storia fiorentina entre 1270 et 1290 et Giacotto la continua jusque vers 1307.
48Plus récemment, le débat a repris grâce à Charles T. Davis80. En s’interrogeant sur les origines du mythe du « buon tempo antico », il s’est prononcé sur les rapports entre les œuvres de Ricordano Malispini, de Giovanni Villani et de Dante. Sa conclusion est la suivante : la compilation de la chronique de Giovanni Villani, découverte par V. Lami en 189081 dans le manuscrit II. I. 252 de la Bibliothèque Nationale de Florence, présente de très fortes similitudes avec la Storia de Ricordano Malispini, dont elle constitue, avec le Libro fiesolano, la source principale. La chronique de Ricordano Malispini a donc été écrite au cours de la seconde moitié du XIVe siècle.
Les chroniques qui n’ont de rapport ni avec les Gesta florentinorum ni avec la Légende des Origines
49À côté des chroniques décrites jusqu’à présent, il en existe qui se démarquent quelque peu de la tradition historiographique florentine. Elles sont le fait d’auteurs qui, pour des raisons connues (c’est le cas de Dino Compagni) ou inconnues, ont éprouvé le besoin, à un moment donné, de relater les événements dont ils étaient les témoins.
50En 1300, Dino Compagni conçoit la Cronica delle cose occorrenti ne’ tempi suoi qu’il écrira entre 1310 et 1312, comme une invective contre les Florentins, une exhortation à être meilleurs, à craindre la justice divine82. La passion qui anime l’auteur engendre parfois une « absence de sérénité descriptive »83 qui a fait affirmer à certains critiques que, malgré son titre, la Cronica n’est pas une œuvre historique mais plutôt un « document d’humanité » qui rejoint souvent la poésie84. Pourtant, la Cronica delle cose occorrenti ne’ tempi suoi se rattache par ses intentions à toute la tradition historiographique médiévale qui considère l’histoire comme une école de vie : historien et lecteur de l’enseignement divin, Dino Compagni a le projet d’enregistrer les faits, de découvrir dans ces mêmes faits l’intention divine « acciò che riconoscano i benefici da Dio, il quale per tutti i tempi regge e governa », et de mettre en garde les Florentins contre la justice divine, qui ne peut manquer de punir leur ‘superbia’ et leur ‘malignità’.
51Entre 1342 et 1345 est composée la Cronica de Francesco di Giovanni. La première note de cette chronique est datée du 5 août 1342 et concerne la nomination d’un nouvel évêque de Florence, la dernière, en date du 24 mai 1345, relate l’arrestation d’un cardeur Ciuto Brandini, la grève qui s’ensuivit et la pendaison de Ciuto85.
52Le Diario de Guido Monaldi informe pour sa part sur les événements survenus à Florence et en Toscane entre le 5 février 1340 et le 28 août 1381, mais en réalité les informations historiques ne commencent qu’en 1362 et augmentent en nombre et en intérêt à mesure que les années passent. L’ensemble est succinct, trente-quatre pages, dont une bonne partie sont consacrées à la vie familiale de l’auteur86.
53Ces deux dernières chroniques contiennent des informations sur la vie des Florentins que d’autres chroniqueurs ont négligées parce qu’ils les considéraient comme insignifiantes.
Approche critique utilisée
54Les chroniqueurs dont nous allons étudier les œuvres ont une conscience plus ou moins aiguë de leur pouvoir mais, de toute façon, en modelant le passé, ils créent également un présent. En contribuant à forger la mémoire collective de la société dans laquelle ils vivent, ils transforment les mentalités car ils proposent des modèles de comportement auxquels il est difficile de se soustraire, parce qu’ils sont revêtus de l’autorité que leur confère le poids de l’Histoire. Ces modèles constituent des rôles sociaux en fonction desquels chaque individu se définit. Ils créent également des attentes de comportement : l’individu se projette sur un modèle de référence et s’identifie à une image instituée et véhiculée par une conscience collective qui, à travers ces formes de référence, matérialise les valeurs qui lui sont propres. Le modèle féminin proposé n’est pas seulement pertinent pour la noblesse et la bourgeoisie, c’est-à-dire pour les catégories de femmes présentes majoritairement dans les chroniques. Il s’agit, au contraire, d’un modèle universel, car reines, princesses et grandes dames offrent aux chroniqueurs le même avantage que celui qu’elles offrent aux moralistes et aux prédicateurs médiévaux : grâce à leur supériorité sociale, elles incarnent le modèle parfait avec lequel toutes les femmes doivent tenter de rivaliser.
55Définir l’image de la femme dans les chroniques, c’est examiner le modèle que les chroniqueurs proposent aux Florentines. Évaluer l’importance de la place qu’ils leur accordent dans l’histoire, c’est mesurer celle que la société entend leur reconnaître et leur attribuer. Pour atteindre ce but, nous avons interrogé également ces textes en dehors de leur fonction dénotative. Nous nous sommes efforcée d’y découvrir non seulement ce que l’auteur nous transmet en tant qu’individu mais aussi ce qu’il nous a transmis comme membre d’un groupe qui véhicule l’ensemble des aspirations, des sentiments et des idées qui réunit les membres de ce groupe87.
56Nous avons pratiqué une approche intratextuelle qui prend en compte la structure syntaxique, le lexique spécifique et le réseau sémantique qui se noue entre vocables, sans négliger le niveau propre du discours, sa structure et sa stratégie argumentielle. Les expressions toutes faites et les syntagmes figés, éléments du matériau langagier déjà constitué, ainsi que les altérations qui peuvent affecter les lexicalisations, ont été également l’objet d’un examen attentif.
57Une analyse intertextuelle nous a permis de saisir comment un élément, identifiable dans des textes antérieurs, s’intègre dans un nouveau tout et devient à son tour « fonction » qui s’associe aux autres composantes pour créer une nouvelle totalité. Mais cela implique de reconnaître les mutations possibles que le nouveau texte impose parfois aux éléments empruntés à d’autres textes ou à toute une tradition textuelle. Il est donc tenu compte de « cette référentialité croisée qui transforme le texte en un carrefour de chemins où se rencontrent des ‘allusions’ qui réactualisent dans l’imaginaire du lecteur les histoires, les idées, les mythes que les composantes du texte évoquent en lui, à cause de la charge sémantique de leur passé culturel »88.
58La taille du corpus ainsi que les approches croisées nous ont amenée à dégager trois angles d’approche. L’image que le chroniqueur donne de la femme et des femmes passe nécessairement par les modes de désignation utilisés : certes, la terminologie souligne, comme souvent, la place de la femme au sein de la famille, mais certains chroniqueurs en jouent afin de créer un système novateur par rapport à la tradition historiographique mais aussi à d’autres pratiques discursives. Néanmoins, il convient de souligner la reconnaissance du rôle et de la place que les chroniques attribuent à la femme dans la cellule familiale. Mais ce faisant, elles dessinent en filigrane la part active que les femmes assument dans les différents domaines de la vie sociale (politique, économique, religieux, culturel).
Notes de bas de page
1 G. Duby, Histoire de la famille, Temps médiévaux : Occident-Orient, Paris, Armand Colin, 1986, t. II, p. 9.
2 « The historians of medieval Italian urban women are not well served by the surviving written records, though neither are they totally denied. But they must learn to be alert, patient, sensitive listener », D. Herlihy, « Women and the sources of medieval history, the towns of northern Italy », in J. Rosenthal, Medieval women and the sources of Medieval History, Athens, Georgia, 1990, p. 154 et in Women, family and sociey in Medieval Europe, Providence-Oxford, Berghahn, 1995, p. 32.
3 « Buon cavallo e mal cavallo vuole sprone ; buona donna e mala donna vuol signore, e tale bastone », P. da Certaldo, « Libro di buoni costumi », in V. Branca, Mercanti scrittori, Milano, Rusconi, 1986, p. 43.
4 Cf. J. Dalarun, « Regards de clercs », in Histoire des femmes, cit., p. 31-54 et M. T. d’Alverny, « Comment les théologiens voient la femme », in La Femme dans les civilisations des Xe-XIIIe siècles, Colloque de Poitiers, Cahiers de Civilisation médiévale, avril-sept. 1977, nos 2-3, p. 105-129.
5 C. Casagrande, Prediche alle donne del secolo XIII, Milano, Bompiani, 1978, 164 p. et « La femme gardée », in Histoire des femmes en Occident (dir. G. Duby et M. Perrot), Paris, Plon, 1990, vol. 1, p. 82-116.
6 F. da Barberino, Reggimento e costumi di donna, éd. G. E. Sansone, Turin, Loescher-Chiantore, 1957, p. 8-9.
7 Cf. dans la bibliographie les travaux fondamentaux de C. Klapisch-Zuber.
8 C. Klapisch-Zuber, « La ‘mère cruelle’. Maternité, veuvage et dot dans la Florence des XIVe-XVe siècles », in Annales Économie, Société, Civilisation, 1983, n°5, p. 1097.
9 R. Fossier, « La femme dans les sociétés occidentales », in Cahiers de Civilisation Médiévale, Actes du colloque La Femme dans les civilisations des Xe-XIIIe siècles, Poitiers, 1977, nos 2-3, p. 93.
10 D. Herlihy, Introduction au recueil d’articles en anglais de C. Klapisch-Zuber, Women, family and ritual in Renaissance Florence, Chicago, Univ. Press, 1985.
11 T. Kuehn, Law, Family and Women. Toward an Anthropology of Renaissance Italy, Chicago, Chicago Univ. Press, 1991.
12 I. Chabot, « La loi du lignage. Notes sur le système successoral florentin (XIVe/XVe-XVIIe siècles) », in Clio, 1998, n° 7 : Femmes, dots et patrimoines, p. 51-72.
13 Ibidem, p. 52.
14 Cf. B. Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier, p. 203 et sq.
15 Id., Histoire et chronique, nouvelles réflexions sur les genres historiques au Moyen Âge, Paris, Sorbonne, 1984, p. 10-11.
16 Id., Histoire et culture historique, cit., p. 9-16.
17 P. Villari, I primi due secoli della storia di Firenze, Firenze, Sansoni, 1904, p. 6.
18 C. Geertz, Bali, interprétation d’une culture, Paris, Gallimard, 1984.
19 N. Loraux, La cité divisée, l’oubli dans la mémoire d’Athènes, Paris, Payot, 1997, 304 p.
20 B. Guenée, Histoire et culture historique, cit., p. 364-65.
21 Ibidem, p. 31.
22 Cf. par exemple B. Guenée, Histoire et culture historique, cit., p. 332-354 ; P. J. Geary, op. cit., p. 261 et p. 165.
23 « non solum novis vetera licet mutare, sed etiam, si sint inordinata, penitus abicere, sin vero ordinaria sed minus utilia, cum veneratione sepelire ». « non seulement il est permis aux choses nouvelles de modifier les anciennes, mais si celles-ci sont désordonnées, on peut les rejeter totalement ; si elles sont conformes au bon ordre des choses sans être d’une grande utilité, on peut les ensevelir respectueusement », Ex Arnoldi libris de S. Emmerammo, éd. G. Waitz, M. G. H. SS, IV, p. 547.
24 À ce propos, cf. P. J. Geary, op. cit.
25 Cf. par exemple les travaux de O. Hartwig, P. Villari, H. Busson, G. Aquilecchia, L. Green et A. Del Monte.
26 Cf. F. Cardini, « I nuovi orizzonti della cultura », in Storia della letteratura Italiana, Roma, Salerno, vol. II, p. 47.
27 À ce propos, voir A. Vauchez, « Patronage des saints et religion civique dans l’Italie Communale », in Les laïcs au Moyen Âge, Paris, Cerf, 1987, p. 169-186.
28 À ce propos, voir C. Casagrande, La Femme gardée, cit.
29 « Di Cocchi, d’Antellesi, Corsini, da Uzzano, Perondoli… », G. Villani, Nuova cronica a cura di G. Porta, Milano-Parma, Fondazione Bembo-Guanda, 1990-1991, XIII, LV, vol. III, p. 425.
30 G. Brucker, Florentine Politics and society, Princeton, Univ. Press, 1962, p. 316.
31 B. Guenée, Histoire et culture historique, cit., p. 213.
32 P. Santini, Quesiti e ricerche di storiografia fiorentina, Firenze, Seeber, 1903, p. 16.
33 A. Del Monte, La storiografia fiorentina dei secoli xii e xiii, Bullettino dell’Istituto Storico n°62, Roma, 1950, p. 188-189.
34 Orsucci 40 et Laurentianus Gaddianus reliqui 18.
35 Dante aussi considère Attila comme le destructeur de Florence (Inferno, XIII, 149).
36 Comme le souligne P. Renucci dans l’Aventure de l’humanisme européen au Moyen-Age, Paris, Les Belles Lettres, 1953, p. 146 : « la matière antique était alors l’objet d’une grande vogue qui remontait à l’œuvre de Benoît de Sainte-Maure, le Roman de Troie, dont la popularité approchait de celle de la chanson de geste. L’Historia destructionis Trojae de Guido delle Colonne en prose latine ainsi que l’Istorietta troiana anonyme vinrent concurrencer, en Italie, le Roman de Troie, mais sa matière continua à alimenter une abondante production narrative ». Voir à ce propos, A. Mussafia, Sulle versioni italiane della storia trojana. Osservazioni e confronti, Vienne, Gerold, 1871, p. 4-11.
37 Cf. O. Hartwig, Quellen und forschungen zur ältesten Geschichte der Stadt Florenz, Marlburg, 1875, t. 1, p. XXIV-XXX.
38 Cf. P. Santini, op. cit., p. 17.
39 Saint Augustin, De civitate Dei, XXX, 30.
40 E. R. Curtius, La littérature européenne et le Moyen Âge latin, Paris, PUF, 1956, t. II, p. 317-326.
41 B. Guenée, Histoire et culture historique, cit., p. 150-151 et 184-192.
42 Orsucci 40 f°1r.
43 P. Santini, op. cit., p. 22-23.
44 O. Hartwig, « Codex Florentinus », in Quellen und Forschungen zur ältesten Geschichte der stadt Florenz, Marburg, 1875, t. I, p. 37-64.
45 P. Santini, op. cit., p. 19.
46 E. Alvisi, Il libro delle origini di Fiésole e di Firenze, pubblicato su due testi del secolo xiii, Parma, Ferrari e Pellegrini, 1895, 124 p.
47 A. Del Monte, op. cit., p. 265-282.
48 C. Gros, « La plus ancienne version de Il libro fiesolano (La Légende des origines) », in Letteratura Italiana Antica, Rivista annuale di testi e studi diretta da Antonio Lanza, Roma, Anno IV, 2003, p. 11-28. Désormais Gaddi reliqui 18.
49 Folios numerotés de 1r à 8v et un ensemble de textes divers (folios 65v-95v et 105r-107r). S. Baluzio, Miscellanea nuovo ordine, a cura di G. D. Mansi, Lucca, V. Iunctinium, 1761-1764, IV, p. 98-117. O. Hartwig, Quellen und Forschungen, cit., t. I, p. 37-64.
50 O. Hartwig, Quellen und Forschungen, cit., t. I, p. XXXIII. P. Scheffer-Boichorst, Florentiner Studien, Leipzig, S. Hirzel, 1874, p. 227.
51 Il libro fiesolano, leggenda del buon secolo della lingua edita per cura di G. T. Gargani, appendice alle letture di famiglia, Firenze, Galileiana, 1854, t. I, p. 5-14. O. Hartwig, Quellen und Forschungen, cit., t. I, p. 37-64.
52 Les Annales Italiae ont été publiées dans les tomes xviii, xix et xxxi des M. G.H., Stuttgart, K. W. Hiersemann, 1963.
53 Le texte manuscrit des Annales I se trouve au verso du folio 71 du manuscrit 772 de la bibliothèque Vaticane (manuscrits palatins). Le texte manuscrit des Annales II se trouve au folio 30r du manuscrit Conventi soppressi F. 4733 (Magliabechianus 776 E et A) de la Bibliothèque Nationale Centrale de Florence. O. Hartwig, Quellen und Forschungen, cit., t. II, p. 3-4 et 40-43.
54 Folio 30r : « Incipit Cronica quaedam ab anno Domini MCVII usque ad MCCXLVII de factis civitatis Florentiae et quibusdum aliis ».
55 « Redditus est comitatus X miliarum Florentinis. Fue a Firenze renduto lo contado in fino a X miglia fuori della cittade ». « Nuntiis Frederici imperatoris duxerunt Florentiam elefantem. […] ed in questo anno fue il leofante in Firenze. », « Le contado fut rendu à Florence, dix lieues alentour », « Des émissaires de l’empereur Frédéric amenèrent un éléphant à Florence. […] et cette année-là il y eut un éléphant à Florence » (traduction par nos soins).
56 P. Scheffer-Boichorst, op. cit., p. 30.
57 B. Schmeidler, Die Annalen des Tholomeus von Lucca, in M.G. H., SS Rer. Germ., n. s., t. VIII, Berlin, Weidmann, 1930, p. VI-242.
58 A. Del Monte, op. cit., p. 185.
59 Chronicon pontificum et imperatorum Martinus Oppaviensis ed. Weiland, M. G. H., t. XXII, Stuttgart, 1963, p. 377-482.
60 P. Villari, op. cit., p. 40.
61 A. Del Monte, op. cit. p. 185.
62 P. Santini, Quesiti e ricerche di storiografia fiorentina, cit., p. 91-144.
63 B. Schmeidler, M. G. H. SS. Rer. Germ. n. s., t. VIII, Berlin, 1929, p. 243-277 (1080-1278). O. Hartwig, Eine chronik von Florenz, Halle, 1880, 30 p. (1300-1313). A. Gherardi, « Diario di Anonimo fiorentino », in Cronache dei secoli XIII e XIV, Firenze, Cellini, 1876, t. 6, p. 293-481 (1358-1389).
64 R. Davidsohn, « Der verfasser des ‘diario d’anonimo fiorentino’ 1358-1389 », in Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und bibliotheken, 23, Tübingen, 1931-32, p. 267-275 et « L’avo di Niccolò Machiavelli cronista fiorentino », in Archivio Storico Italiano, 93, Firenze, 1935, I, p. 35-47.
65 O. Hartwig, Quellen und Forschungen cit., p. 271-296 et B. Schmeidler, op. cit.
66 G. Baccini, « Cronachetta antica di Firenze », in Zibaldone. Notizie aneddoti, curiosità e documenti inediti o rari, Firenze, 1888, p. 97-106.
67 P. Villari, « Cronica fiorentina compilata nel secolo XIII », in I primi due secoli della storia di Firenze, Firenze, Sansoni, 1945, p. 511-584.
68 Cronica di Paolino Pieri fiorentino delle cose d’Italia dall’anno 1080 fino all’anno 1305 pubblicata ed illustrata per la prima volta dal Cav. Anton Filippo Adami, Roma, G. Zempel, 1755, 82 p.
69 A. Del Monte, op. cit., p. 191-227.
70 L. Salviati, Avvertimenti della lingua sopra il Decamerone, Venezia, 1584, I, p. 132 sq.
71 D. M. Manni, Cento novelle antiche, Firenze, Manni, 1778, p. 7.
72 G. Todeschini, Scritti su Dante, Vicenza, 1872, I, p. 364 sq.
73 P. Scheffer-Boichorst, « Die Geschichte Malispini eine Fälschung », in Florentiner studien, Leipzig, 1874.
74 G. Capponi, Storia della Repubblica di Firenze, Firenze, 1875, p. 661-675.
75 C. Paoli, « Studi sulle fonti della storia fiorentina », Archivio storico Italiano, s. 3, XXI, 1875, p. 453-54.
76 C. Cipolla, V. Rossi, « Intorno a due capi della cronica Malispiniana », Giornale Storico della Letteratura Italiana, IV, 1885, p. 231 ; V. Lami, « Di un compendio inedito di Giovanni Villani nelle sue relazioni con la storia fiorentina malispiniana », in Archivio Storico Italiano, s. V, vol. V, 1890, p. 369-416.
77 E. Sicardi, « Critica tedesca e suggestione italiana. Ricordano Malispini fu un falsario ? », in Nuova Antologia, 16 mai 1917, p. 159-170.
78 R. Morghen, « Note malispiniane », in Bullettino dell’Istituto Storico Italiano per il Medioevo, Roma, 1921, n°40, p. 105-126.
79 Ibidem.
80 C. T. Davis, « Il buon tempo antico », in N. Rubinstein, Florentine studies, Londres, Faber and Faber, 1968, p. 45-69.
81 V. Lami, « Di un compendio inedito della cronica di Giovanni Villani nelle sue relazioni con la storia fiorentina malispiniana », in Archivio Storico Italiano, s. V, vol. V, 1890, p. 369-416.
82 D. Compagni, Cronica delle cose occorrenti ne’ tempi suoi, a cura di Gabriella Mezzanotte, Milano, Mondadori, 1993, 248 p. Éditions complémentaires : Id., Cronica, ed. con introduzione e note di G. Luzzatto, Torino, Einaudi, 1969, p. XLII-222. Cronica delle cose occorrenti ne’tempi suoi di Dino Compagni, a cura di I. Del Lungo, Firenze, Sansoni, 1914, p. XLVII-358.
83 A. Monti, op. cit., p. 74-76.
84 A. Del Monte, op. cit., p. 258-264.
85 D. M. Manni, « Frammento di altra cronica », in Cronica di Firenze di Donato Velluti, Firenze, D. Manni, 1731, p. 141-148.
86 « Diario del Monaldi », in Istorie pistolesi ovvero delle cose avvenute in Toscana dall’anno MCCC al MCCCXLVIII e diario del Monaldi a cura di A. M. Biscioni, Milano, G. Silvestri, 1845, p. 427-464.
87 Cf. L. Goldmann, Structures mentales et création culturelle, Paris, Anthropos, 1970, p. XVII.
88 A. Gomez-Moriana, « Spécificité du texte vs vocation universelle de la littérature », Études sociocritiques, 1981, fasc. 1, p. 14-15.
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