De l’année mille à l’an un
p. 105-122
Texte intégral
1Le passage à l’an deux-mille a suscité, par contre coup, un intérêt pour l’an mille. Mais l’historien, par contre coup aussi, est amené à s’interroger sur l’an un. On sait que c’est en 525 qu’un moine scythe nommé Denys le Petit, qui vivait à Rome, établit une table permettant de trouver chaque année la date de Pâques. Il eut l’idée alors de numéroter les années de sa table en partant d’un an un, qu’il fixa en 754 de l’ère de Rome, date qu’il pensait être celle de la naissance du Christ. La première question qui se pose donc est de savoir pourquoi et comment il fit ce choix. Au moment où la numérotation aboutit au chiffre mille – M en chiffre romain, puisque le zéro n’existait pas encore –, l’usage de l’ère fondée par Denys, dite ère de l’Incarnation dont nous usons toujours, était loin d’être d’un usage universel en Occident. Peu de chroniqueurs se soucièrent, nous le verrons, de souligner la fin d’un millénaire. Si donc on laisse de côté certaines élucubrations de quelques historiens du XIXe siècle, reprises encore récemment, et dont justice a été faite1, il reste à s’interroger sur ce silence même. Signifiait-il que l’année M fut sans signification pour ceux qui vivaient en ce temps-là ?
Computistes et chronographes
2Si Denys le Petit tout en établissant une table pascale créa aussi l’ère de l’Incarnation, il faut pourtant admettre que les deux démarches ne relevaient pas des mêmes compétences. La première opération relevait de celle du computiste et la seconde de celle du chronographe2.
3Ce dernier se fixait la tâche de dresser une chronologie globale de l’histoire de l’humanité où la naissance et la mort du Christ prenaient place dans le cadre d’une ère mondiale. Le computiste, de son côté, pour calculer le retour annuel de la date de Pâques, devait mettre sur pieds un système permettant de prévoir quand apparaît la pleine lune qui suit l’équinoxe de printemps, ce qui suppose qu’il possèdait des notions d’astronomie et de calcul suffisantes pour combiner les cycles solaires et lunaires, en tenant compte des conventions religieuses établies3. Ces conventions se réfèrent à la vie historique du Christ connue par les Évangiles. Jésus est mort un vendredi veille du sabbat, ce vendredi était soit la veille soit le jour de la Pâque juive, donc un quatorze ou un quinze Nisan, premier mois de l’année et du printemps4. Il était entendu cependant que si la pleine lune (14 Nisan) tombait un dimanche, Pâques serait célébré le dimanche suivant. Ceci imposait que la fête ne puisse avoir lieu avant le 15e jour et après le 21e jour de la lune pascale, puisque les astronomes d’Alexandrie, à l’époque de Denys, avaient fixé la date de l’équinoxe de printemps au 21 mars du calendrier julien. À Alexandrie Pâques pouvait ainsi avoir lieu du 22 mars au 25 avril5. Ce qui provoqua une querelle entre Alexandrie et Rome. À Rome, en effet, on maintenait que l’équinoxe de printemps tombait le 25 mars, date fixée par le calendrier julien et, de plus, les papes refusaient de célébrer Pâques à partir du 21 avril fête du Natalis Urbis Romae. On avait, aussi, longtemps conservé un système de comput fondé sur un cycle erroné de 84 ans, alors qu’Alexandrie avait mis au point un cycle de 19 ans beaucoup plus exact6.
4Il est certain que les tables pascales étaient conçues pour correspondre à des ères mondiales et que les computistes faisaient ainsi œuvre de chronographes. Pour cela ils s’efforçaient d’établir des parallélismes entre les dates de la vie du Christ et la semaine de la Création7. Ils avaient conscience en effet que la mort et la résurrection de Jésus formaient une étape capitale dans l’histoire du salut dont ils fixaient la durée à six millénaires. Ces six millénaires se référaient, bien entendu, à la durée de la Création par Dieu en six jours, suivant le principe qu’à ses yeux « un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour » (Ps. 90, 4 et 2 Pierre 3, 8). C’est ainsi qu’Hippolyte de Rome (†235), se fondant sur la signification symbolique de l’arche d’alliance en déduisait que le Christ était né en 5500 (2 av. J.-C.) de l’ère mondiale. Il rejoignait en cela les calculs de Sextus Julius Africanus, qui avait écrit en 221 apr. J.-C. la première Chronographie connue. Tous deux situaient la mort du Christ en 5531 (30 apr. J.-C.). Africanus semble avoir fondé ses calculs sur les années de règne et les olympiades, ajoutées aux années depuis la Création comptées certainement à partir des données bibliques. Eusèbe de Césarée († 339) procéda de la même manière dans sa Chronique, traduite ensuite par saint Jérôme († 419-20) en 378. Mais il fixa la naissance du Christ en 5199 de l’ère du monde8. Plus tard Bède (†735) en s’appuyant sur les données de la Vulgate détermina l’année 39539. Il résulte de ces variations successives que, d’Africanus à Bède, il était admis que les millénaires ne correspondaient pas à mille années et que la naissance du Christ n’inaugurait donc que symboliquement un sixième millénaire10. On sait aussi que saint Augustin († 430) affirma nettement le caractère symbolique de ce chiffre de mille ans11. Ceci n’empêcha pas l’archevêque de Canterbury Théodore (669-690) d’introduire en Angleterre la chronologie établie par Jean Malalas qui fixait la venue du Christ en l’an 600012. Bède fut aussi accusé d’hérésie car il aurait nié que l’Incarnation avait eu lieu au début du sixième millénaire13.
5Chronographes comme computistes se référaient cependant aux données évangéliques, auxquelles s’ajoutaient des traditions anciennes, mais le plus souvent infondées14. On sait, d’après l’Évangile de Luc, que « l’an quinze du principat de Tibère… la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert » (Lc 3, 1-2). Luc enchaîne presque aussitôt après sur le baptême du Christ et ajoute que « Jésus, lors de ses débuts, avait environ trente ans » (Lc 3, 23). Rien n’oblige à établir une simultanéité entre l’an quinze de Tibère, le baptême de Jésus et le début de sa mission, mais c’est ce que firent tous les commentateurs anciens. Ceux-ci cependant se partageaient en deux courants selon qu’ils suivaient la chronologie des évangiles synoptiques, d’après lesquels le Christ n’aurait prêché que pendant une année, ou celle de Jean qui suggère trois années et quelques mois. Dans le premier cas, Jésus serait mort à 31 ans, dans l’autre à 33. Or une tradition ancienne, assez unanime mais invérifiable, plaçait la Passion et la Résurrection sous le consulat de Fufius Geminus et Rubellius Geminus en 29 après J.-C.15. Cette date était fréquemment combinée avec l’affirmation que la Passion eut lieu un vendredi 25 mars16. Concernant la Naissance, si l’on admettait la date de 29, il fallait remonter soit de 31 soit de 33 années pour la retrouver en 2 ou en 4 avant J.-C. Évidemment, ces données étaient inconciliables et ne pouvaient aboutir à aucun résultat crédible à nos yeux. Elles reposaient cependant sur des critères qui, s’ils nous sont étrangers, avaient pour les anciens une portée symbolique pouvant entraîner leur adhésion. C’est ainsi qu’à l’époque de Denys elles reposaient d’abord sur des témoignages autorisés, d’Hippolyte à Eusèbe de Césarée au moins. De plus, en Occident, le 25 mars était la date de l’équinoxe de printemps selon le calendrier julien, ce qui renvoyait au quatrième jour de la Création, où apparurent le soleil et la lune, celle-ci déjà pleine, selon les commentateurs. En Orient, on ne refusait pas la date du 25 mars, mais on l’avait reportée au dimanche de la résurrection, ce qui permettait de trouver une année opportune selon le comput en 31 après J.-C., alors qu’un vendredi 25 mars ne se rencontrait dans aucune année convenable17. Il n’en reste pas moins qu’en Occident beaucoup de calendriers du Haut Moyen Âge contiennent une célébration fixe de la Passion au 25 mars18. Quant à la naissance, on la situait fréquemment dans la quarante et unième ou quarante deuxième année du règne d’Auguste : 3 ou 2 avant J.-C.19. Mais ce qui, en définitive, était le plus important aux yeux des anciens était d’abord de fixer la date de Pâques et le concile de Nicée avait, en 325, décidé que la fête devait être célébrée en même temps dans toutes les églises20. La détermination de l’année de la naissance du Christ était somme toute secondaire. Avant Denys, les deux tables pascales utilisées à Rome, celle de 84 ans et celle de Victorius d’Aquitaine, faisaient commencer leur comput avec l’année de la Passion, soit 29 pour la première et 28 pour la seconde21. Or ces deux tables survécurent longtemps à l’établissement de celle de Denys22. Elles ne servirent cependant jamais à bâtir des chronologies partant de l’année de la Passion, bien que Victorius ait combiné sa numération des années de cycle avec les fastes consulaires. De plus à l’époque de Denys l’indiction devint le moyen de datation officiel des documents23. Mais les computistes n’avaient en vue que la date de Pâques en fonction des cycles lunaires et solaires et le véritable enjeu, qui opposait Alexandrie et Rome, était de trancher entre les nécessités du comput et l’attachement à des traditions symboliques.
Le dessein de Denys
6La nature du travail de Denys le Petit est bien connue surtout depuis les travaux de JONES. Sa tâche a consisté à faire adopter à Rome les systèmes de calcul utilisés à Alexandrie. Il prit pour cela comme point de départ une table, attribuée faussement au patriarche d’Alexandrie Cyrille, déjà sans doute adaptée au calendrier latin, qui se fondait sur le cycle lunaire de 19 ans. Cette table couvrait les années de 437 à 531, il la prolongea jusqu’en 62624.
7Cette adoption, qui ne se réalisa que très progressivement, même à Rome, supposait une rupture avec plusieurs traditions occidentales. À Rome d’abord, on ne pouvait accepter, on le sait, de célébrer Pâques avant le 25 mars ni à partir du 21 avril, alors que le cycle alexandrin le permettait du 22 mars au 25 avril. La table de Denys impliquait aussi que le Christ était mort en l’an 31 où Pâques tombait un 25 mars. Cette date n’évoquait rien aux occidentaux pour qui le 25 mars était le jour du vendredi de la Passion et qui restaient aussi attachés à l’année 29 et au consulat des deux Gemini. Qui plus est, en faisant partir son cycle, et l’ère de l’Incarnation, de 754 ab Urbe condita, Denys réduisait la vie du Christ à 31 ans, alors que la chronologie longue de saint Jean, qui était la plus répandue, aurait imposé, soit d’avancer jusqu’à 2 avant J.-C. ou même 3, la date de sa naissance, soit de reculer jusqu’en 33 celle de sa mort25. Enfin son innovation principale, la fixation d’une ère de l’Incarnation, rompait également avec l’habitude de mettre la Passion au point de départ d’un cycle, comme celui de 84 ans et celui de Victorius, et aussi avec celle d’en faire hommage à un empereur. Mais Denys, qui connaissait pourtant la table de Théophile d’Alexandrie dédiée à Théodose Ier, prit prétexte de la dédicace de celle de Cyrille pour refuser l’attribution de la sienne à Dioclétien, empereur persécuteur, et pour choisir de se référer à l’Incarnation26.
8Concernant le choix de faire coïncider l’an I avec 754 de l’ère de Rome, Georges DECLERCQ a émis une hypothèse qui nous paraît tout à fait probable27. Il a d’abord établi que le véritable point de départ de la table pascale de Denys n’était ni le 25 décembre de l’an -I ni le 25 décembre + I, mais le 25 mars de l’an I. Outre le fait que celui-ci emploie le terme Incarnation et non Nativité, DECLERCQ fait remarquer qu’en l’an I le 25 mars était à la fois une pleine lune pascale et un Vendredi saint, selon le comput alexandrin. Il s’ensuit qu’il y avait coïncidence entre le jour de la date traditionnelle de la Conception du Christ et celui de sa mort. De plus, selon la Genèse, Adam fut créé un vendredi, le sixième jour de la Création. Ce fait, comme l’affirme avec raison DECLERCQ, éclaire le sens de la phrase par laquelle, dans son prologue adressé à l’évêque Petronius, Denys justifie le point de départ de sa table :
nous avons plutôt choisi de décompter la succession des années depuis l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans la mesure où l’origine de notre espérance est pour nous plus significative et où le fondement du rachat de l’humanité, à savoir la Passion de notre rédempteur, nous illumine avec plus d’évidence28.
9Ce rapprochement entre l’Incarnation et la Passion ne pouvait se faire symboliquement qu’au vendredi 25 mars, en 754 de Rome, an I de Denys.
10Le livre de Thomas TALLEY sur Les origines de l’année liturgique permet d’aller plus loin dans la recherche de la signification de ce jeu de correspondances29. En premier lieu la fête de Noël au 25 décembre est un fait acquis en Occident depuis le IIIe siècle. De plus, la relation entre la naissance au 25 décembre et la conception au 25 mars précédent a été mise en lumière dès la première moitié du IVe siècle dans un traité De solsticiis et aequinoctiis qui, comme son titre courant l’indique, met en rapport les deux dates respectivement avec le solstice d’hiver et l’équinoxe de printemps, ce dernier jour marquant à la fois l’Incarnation et la fin de la vie du Christ. Or saint Augustin lui-même, à deux reprises, s’étend sur les mêmes concordances30. Il s’agissait donc à l’époque de Denys d’une certitude établie, en Occident au moins. Mais ce qui était envisageable de la part de non-spécialistes ne l’était pas pour un computiste, qui savait qu’il était impossible de fixer la date historique de la mort du Christ un vendredi 25 mars. En revanche, la coïncidence était possible en l’an I, qui devenait ainsi un raccourci symbolique du destin du Christ. Cette année-là permettait aussi de mettre en scène une notion théologique fondamentale : le lien direct entre Incarnation et Rédemption souligné par Denys dans sa lettre à Petronius.
11Reste à déterminer ce qui pouvait motiver une telle insistance théologique de la part de Denys, à Rome, en 525. Pour cela il faut retourner à cette lettre à Petronius.
12Denys y affirme en premier lieu qu’il entend, pour le calcul de la date de Pâques, suivre
en tout la sentence véritable, et définitive sur ce sujet aussi, des 318 vénérables évêques qui se réunirent à Nicée, cité de Bythinie, pour s’opposer à la folie d’Arius31.
13Il continue en expliquant que le concile aurait fixé lui-même le principe d’un cycle de 19 années. Or on sait qu’il n’en a probablement rien été, que le concile s’était simplement contenté d’émettre le vœu que toutes les églises célèbrent Pâques le même jour32. Denys lui-même, qui avait traduit les canons du concile, s’était arrêté avant l’allusion finale à la date de Pâques, sans doute parce que seul l’aspect juridique correspondait alors à son dessein33. Mais il connaissait certainement cet appendice, qui ne l’autorisait pourtant pas à prétendre que le concile lui-même avait traité de la question technique de l’établissement d’un cycle. Il y a donc d’autres raisons qui l’ont poussé à ainsi solliciter le texte, sans qu’il faille forcément y voir la volonté d’inventer un faux.
14En effet Denys insiste aussi sur les conditions d’établissement et de transmission de la table qu’il utilise :
Cette règle de ce cycle ils en décidèrent moins en raison de leur compétence que par une illumination du Saint-Esprit. Et on les vit l’arrêter, comme une ancre ferme et définitive, pour ce calcul de l’harmonie des lunaisons… Mais le bienheureux Athanase, archevêque de la ville d’Alexandrie, qui participa aussi à ce même concile de Nicée, alors qu’il était diacre et collaborateur en tout de l’évêque saint Alexandre et, par la suite, les vénérables Théophile et Cyrille ne s’écartèrent pas de la vénérable constitution du concile… Finalement, le pape Théophile, dédiant à l’empereur Théodose l’Ancien un cours de 100 années, et saint Cyrille, composant un cycle temporel de 95 ans, conservèrent en tout point cette tradition du saint concile34.
15La première raison qui pousse Denys à se référer au concile de Nicée est donc claire. Il a besoin de présenter son cycle comme une œuvre de valeur analogue au reste des décisions du concile, puisqu’elle a été inspirée comme celles-ci par le Saint-Esprit et soutenue par des piliers de l’orthodoxie comme Athanase (328-373), Théophile (384-412) et Cyrille (412-444). Ainsi le choix de l’année 31, l’abandon de l’année 29 et du vendredi 25 mars sont placés sous la garantie de ces Pères. En même temps, le fait de s’aligner sur le comput d’Alexandrie ne pouvait passer pour une complaisance à l’égard d’un patriarcat devenu, à son époque, antichalcédonien35.
16Le 25 mars transféré en l’an I venait donc établir un lien entre la Conception ou Incarnation et la Passion du Christ. Ce lien unissait de fait en un faisceau les décisions des conciles œcuméniques de Nicée (325), Ephèse (431) et Chalcédoine (451). En effet dans ces conciles la question centrale avait toujours été celle des conditions de l’Incarnation et, à Chalcédoine, on avait solennellement proclamé à nouveau le symbole de Nicée36. À l’époque de Denys, ces questions étaient encore d’actualité. Entre 512 et 520 à peu près, Boèce avait écrit ses opuscules théologiques Contre Eutyches et Nestorius et De la Trinité37. Dans ce dernier traité, il réagissait à une formule christologique destinée à rapprocher les points de vue de Constantinople et Rome. Ce sont des moines scythes qui étaient venus la proposer en 519, à Rome. Denys était alors intervenu pour soutenir ses compatriotes en traduisant notamment deux lettres de Cyrille d’Alexandrie contre Nestorius. Nous avons conservé ces traductions ainsi que la lettre d’introduction qui les accompagnait38. Mais le pape Hormisdas était en voie de se réconcilier avec Constantinople après le long « schisme d’Acace » et ne se souciait pas de relancer le débat sur des données nouvelles. Il fit alors expulser les moines scythes39. Denys se trouvait ainsi en porte-à-faux. La présentation de sa table pascale, en 525, centrée sur l’Incarnation comme fondement de la Passion et de la Rédemption, son affirmation de l’origine nicéenne du cycle de 19 ans, peuvent s’expliquer aussi dans ce contexte.
17Il faut ajouter à cela la façon dont Denys présente lui-même les circonstances qui l’ont poussé à publier sa table pascale :
Le calcul de la fête de Pâques, que beaucoup nous réclamèrent depuis longtemps et fréquemment avec insistance, maintenant, aidé par vos prières, nous avons entrepris de l’expliquer, en suivant en tout la sentence véritable, et définitive sur ce sujet aussi, des 318 vénérables évêques qui se réunirent à Nicée, cité de Bythinie pour s’opposer à la folie d’Arius40.
18Il y avait donc déjà longtemps qu’on insistait pour qu’il entreprenne son travail. Mais il ne cite que Petronius, évêque inconnu, parmi ceux qui l’auraient décidé. Nous avons vu que la référence à Nicée, d’un point de vue technique, n’était pas nécessaire, mais qu’elle s’imposait dès lors que le cycle était dédié à l’Incarnation. Denys pensait peut-être ainsi dissiper les soupçons qu’avait pu faire naître son soutien aux moines scythes, ses compatriotes. Sans dédicace au pape, sans allusion à l’église de Rome, son travail ne pouvait relever que d’une initiative privée. Il se décida donc à le publier en 525, au deux centième anniversaire de la tenue du concile de Nicée de 325. Cette date se déduit d’abord de celle qui figure à la fin du prologue à Petronius :
À présent nous sommes dans la troisième indiction, sous le consulat de Probus junior, dans le treizième cycle de 19 années, la dixième année du cycle lunaire41.
19Il suffit de se reporter à la table de Denys pour vérifier ces données, l’année étant confirmée par le premier des argumenta qui suivent le prologue :
Si tu veux savoir combien d’années se sont écoulées depuis l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus Christ, compte 15 fois 34 qui font 510 ; ajoute encore les 12 réguliers, ce qui fait 522, ajoute aussi l’indiction de l’année à partir de laquelle tu voudras décompter, – par exemple la troisième, consulat de Probus junior –, le total fait 525. Voilà les années écoulées depuis l’Incarnation du Sauveur42.
20Les motivations de Denys sont donc plus complexes qu’on ne pouvait le supposer au départ. Fournir un moyen de calculer exactement la date de Pâques n’était qu’une de ses préoccupations, elle s’accompagnait certainement du désir d’affirmer sa parfaite orthodoxie, non seulement dans la ligne de Nicée, mais aussi de Chalcédoine qui avait repris le symbole de Nicée dans son intégralité. La fête de Pâques étant le fondement de la Rédemption était reliée à l’Incarnation et le choix de l’an I aboutissait à l’expression du fondement théologique par la chronologie symbolique. On comprend aussi dans ces conditions que le refus de dédier son cycle à Dioclétien n’était qu’un prétexte. Denys aurait pu, sans doute, l’offrir à l’empereur d’Orient Justin, qui venait de se réconcilier avec Rome. Mais, outre que son cycle était destiné à l’Occident romain, Théodoric, qui voyait d’un mauvais œil ce rapprochement et qui n’ignorait pas les problèmes posés par la date pascale, n’aurait sans doute pas apprécié cette initiative43. Que Denys ait ainsi fondé une ère nouvelle est un fait avéré. Cela faisait-il partie de ses motivations ? On peut en douter. Il faut remarquer qu’il date son prologue par l’indiction et le consulat. Il ne donne ce qui deviendra plus tard l’Annus Domini qu’en tête de ses argumenta. Mais il faut admettre que ce calcul était indispensable pour rendre la table utilisable. De là à s’en servir pour dater des événements ou pour se situer dans le temps il y a une certaine distance. En réalité, il nous paraît que la préoccupation principale de Denys était d’ordre liturgique et impliquait une démarche théologique. L’articulation de l’Incarnation (Conception et Annonciation) avec la Passion (Rédemption) unifiait l’année liturgique autour des données théologiques affirmées par les conciles, dont Denys avait traduit les canons. Le problème du comput, sans être secondaire, devait s’adapter à la vérité théologique, ou plus exactement ne pouvait pas ne pas s’y adapter, puisque la vie du Christ, son Incarnation, en tant « qu’origine de notre espérance » et « fondement du rachat de l’humanité », s’inscrivait symboliquement et donc réellement dans le cours de l’histoire et dans son expression sacrée : le calendrier liturgique.
Après Denys
21L’œuvre de Denys ouvrait donc deux chemins différents : l’adoption en Occident du comput alexandrin et, éventuellement, l’usage de l’ère de l’Incarnation.
22La première voie ne fut pas empruntée immédiatement. Le cheminement en a été retracé de façon précise. Pendant longtemps encore, jusqu’au début du VIIIe siècle, on utilisa en Gaule la table pascale de Victorius d’Aquitaine44. En Irlande et chez les Pictes on se servait d’une version modifiée du cycle romain de 84 ans et ce n’est que progressivement, au cours du VIIe siècle, que Denys y trouva droit de cité, mais, semble-t-il, en compagnie de Victorius45. En Afrique du nord et en Espagne l’adoption fut en revanche plus rapide, ainsi qu’en Italie46. Mais on sait que c’est Bède le Vénérable qui en assura le succès notamment grâce à son De temporum ratione. Sous l’influence d’Alcuin, Charlemagne imposa l’étude du comput dans tout le royaume et cette matière devint dès lors un des fondements de la culture ecclésiastique au même titre que la grammaire47. On peut donc dire sans se tromper qu’à partir du IXe siècle, le nombre des clercs et de moines capables de calculer la date de Pâques était considérable. Les traités et les moyens mnémotechniques existaient en grand nombre et tous se référaient à Bède et donc à Denys48. Mais ceci ne signifiait pas que l’on utilisait systématiquement l’ère de l’Incarnation comme moyen de datation.
23Les tables pascales contenaient toutes une première colonne numérotant les années à partir de l’an I de ce qui est devenu notre ère. Il s’ensuivait que pour repérer la date de Pâques, il fallait connaître l’année de l’Incarnation où l’on se trouvait. Mais ceci n’impliquait pas immédiatement un usage chronographique de l’ère. En effet les rédacteurs de chronique avaient en vue d’abord de jalonner l’histoire du salut49. Pour cela ils avaient dès l’origine voulu prouver, à la suite des Apologistes, l’antériorité de l’histoire biblique sur les traditions grecques homériques50. Si l’on parcourt la chronique d’Eusèbe-Jérôme, on voit que ce parti-pris est respecté : Abraham, contemporain de Ninus, y est antérieur à la guerre de Troie et Eusèbe, dans sa préface, s’évertue à démontrer que Moïse est plus ancien qu’Homère et Hésiode51. Bède, dans la chronique qui fait suite à son De temporum ratione, procède de même. Moïse y figure à la 2493e année du monde et la prise de Troie à la 2801e52. L’usage d’une ère mondiale ne servait donc pas uniquement à situer la naissance et la mort du Christ, ni à spéculer sur la fin des temps. Elle avait aussi pour but de mettre en perspective l’histoire de l’humanité en fonction de la Création et, de ce fait, le regard du chronographe était tout autant rétrospectif que prospectif. Lorsque Bède aborde le sixième âge et l’avènement du Christ, il souligne que celui-ci est venu recréer l’homme à l’image de Dieu et que l’Église fut consacrée au moment de sa mort par le sang et l’eau qui jaillirent de son côté53. La première de ses affirmations est rétrospective, puisque la venue du Christ, son Incarnation, prend son sens de la Création ; la seconde est prospective quand elle identifie l’origine de l’Église, mais elle a aussi pour Bède une valeur fondatrice, car les événements qui concernent l’Église n’ont de sens qu’en fonction de la Passion et donc de l’Incarnation du Christ. L’usage qu’il fait de l’ère du monde, dans sa Chronique, et celle qu’il fait de l’ère de l’Incarnation, dans son Histoire Ecclésiastique, ne répondent donc pas à la même exigence. L’histoire du salut s’inscrit dans une ère mondiale, où le Christ inaugure un sixième âge ; l’histoire de l’Église, elle, prend son départ avec l’ère de l’Incarnation. Dans l’un et l’autre cas, les événements qui sont rapportés tirent leur signification du regard porté sur les origines. C’est pourquoi l’histoire des Anglais racontée par Bède est une Histoire ecclésiastique, comme il l’intitule, parce que son déroulement est celui de la christianisation et donc de l’adhésion à l’Église de ce peuple54. Bède fondait ainsi une tradition historiographique. Plus tard les Annales royales franques et leurs continuations se situent dans la même perspective : les rois et empereurs francs ont pour mission de protéger et propager l’Église, les années de leurs règnes sont donc décomptées en fonction de l’ère de l’Incarnation55. Réginon de Prüm fait commencer sa Chronique avec l’an I, comme il l’explique dans son prologue :
Je l’ai répartie (la chronique) en deux livrets, en la faisant partir de la première année de l’Incarnation du Seigneur et en terminant l’œuvre entreprise avec la présente année 908, qui est décomptée depuis cette Incarnation du Seigneur56.
24Chez lui l’histoire de l’Église se poursuit avec celle des rois francs jusqu’à se confondre avec leur destin. Il est logique dans ces conditions qu’il utilise l’ère de l’Incarnation comme cadre chronologique. Le fait déterminant pour cet usage à partir de Bède n’est pas l’existence de notes ecclésiastiques en marge des tables pascales, même si elles ont pu servir de sources, mais le besoin de situer l’histoire de l’Église dans une trajectoire continue prenant naissance avec l’Incarnation et la Passion du Christ57.
25Sur ces fondements il n’est pas étonnant que la datation des documents suivant l’ère de l’Incarnation ait commencé avec des actes à portée religieuse, des capitulaires royaux et des documents épiscopaux58. Les diplômes royaux ne furent concernés qu’à partir de la fin du IXe siècle et la coutume ne s’en répandit rapidement qu’en Germanie, en Provence et en Italie. Le royaume de France, après le règne d’Eudes (888-898), n’en reprit l’usage qu’à partir de 967. Pour ce qui est des actes privés, c’est encore la Germanie qui fut en avance sur le reste de l’Europe. Il est évident que ce système de datation ne devint universel qu’au cours du XIe siècle. Même la chancellerie pontificale après en avoir usé sporadiquement ne l’adopta définitivement qu’à partir de 1058.
26Il semble donc qu’entre le VIIIe et le milieu du XIe siècle environ on soit passé d’un usage occasionnel à une pratique presque automatique. On peut soupçonner dès lors un changement progressif de motivation. Au départ, dater d’après l’ère de l’Incarnation, c’est jeter un regard rétrospectif sur la vie du Christ et sur l’origine de l’Église. L’acte a une portée ecclésiastique et la date a le sens d’une commémoration. Les clercs et les moines, qui rédigent chroniques, annales, actes publics ou privés, sont tous à un certain degré des computistes. Ils ont en tête l’argumentuum de la table pascale, où on leur apprend comment déduire le temps écoulé depuis l’Incarnation du Christ. Les Annales royales mentionnent chaque année le lieu où le souverain a célébré Noël et Pâques. Si chacun sait, sans qu’il soit nécessaire de l’écrire, que Noël est fêté au 25 décembre, il n’en va pas de même pour Pâques. Or la date n’est pas donnée. Mais le rédacteur, et sans doute ceux qui sont amenés à lire ces annales, sont capables d’en retrouver facilement le jour et le mois en consultant une table pascale au vu de l’année. Que les actes émanant des évêques et des rois ou empereurs en viennent à être datés en fonction de l’Incarnation n’a rien d’étonnant, puisque ce sont des hommes consacrés. Quant aux actes privés, il s’agit de donations à des maisons religieuses et elles ont la plupart du temps valeur testamentaire, ce qui donne à l’usage de l’ère de l’Incarnation une allure d’invocation, comme on en trouve en tête des actes royaux.
L’année mille
27Cette réflexion sur l’usage de l’ère de l’Incarnation peut maintenant nous amener à essayer de comprendre le sens qu’a pu avoir l’année mille pour ceux qui l’ont vécue. Thietmar de Merseburg et Raoul Glaber sont les seuls à faire allusion au millénaire de l’Incarnation. Le premier qui écrit sa chronique en 1012-13, date volontiers les événements par l’année de l’Incarnation. C’est ainsi qu’il situe l’origine de la ville dont il est l’évêque ante Christi incarnacionem vel post59. Mais surtout, à deux reprises, il mentionne le millénaire écoulé. D’abord à propos de la nomination de l’évêque Wizbert à Merseburg en 1004 :
Depuis l’enfantement salutaire de la Vierge sans taches, le fil du millénaire s’étant déroulé jusqu’à son terme et dans le quatrième degré de la succession numérique, au début de sa cinquième semaine, au mois de février…60
28Ensuite au moment du couronnement impérial d’Henri II :
Treize années s’étant écoulées après l’accomplissement total du nombre millénaire depuis l’Incarnation du Seigneur et au second mois de l’année suivante, la troisième semaine, et la treizième année de son règne, un dimanche, le seize des calendes de mars…61
29Hormis ces deux notations rétrospectives Thietmar, même quand il fait mention d’événements s’étant déroulés cette année-là, ne cite pas l’année mille. Il n’en parle donc de cette façon solennelle que pour rattacher deux événements particulièrement importants à l’Incarnation du Christ, c’est-à-dire à un temps fondateur en fonction duquel ils prennent leur signification. Pour lui la nomination de Wizbert est le signe d’une rénovation, car le roi rend à l’église de Merseburg tout ce dont elle avait été spoliée : « il le lui rendit en souriant pour sa rénovation »62. Thietmar reprend d’ailleurs ce thème de la rénovation de l’église de Merseburg. Il l’intercale entre l’annonce et la description du sacre impérial de Rome qu’il date, comme on l’a vu, en fonction du millénaire de l’Incarnation63. En réalité, ce sacre apparaît comme la récompense d’un règne consacré à la rénovation de l’Église en Germanie. Cette façon de procéder est à rapprocher de celle de Raoul Glaber, non seulement parce que la rénovation de l’Église tient chez celui-ci une grande place, non seulement encore parce qu’il fait lui aussi l’éloge d’Henri II, en même temps que celui de Robert le Pieux, mais aussi parce qu’il regroupe et date les événements en fonction du millesimus annus64. Le millesimus annus est donc pour lui comme pour Thietmar le signe d’un renouveau, lié à ce premier renouveau que fut l’adventus du Christ sur la terre. Pour tous les deux c’est la commémoration d’un temps fondateur, qui rejaillit sur le temps où ils vivent65.
30Ajoutons que Thietmar et Raoul avaient certainement aussi un bagage de computistes. Ils savaient donc que l’ère de l’Incarnation, en fonction de la date de Pâques, se développait sous une forme cyclique. Pâques revient au même jour de l’année et à la même phase de la lune au bout de 532 années. La première année du troisième cycle pascal correspondant à l’an I tombait donc seulement en 1064, et la 33e année en 1097. La lecture de la Chronique de Bède, œuvre très répandue, pouvait leur apprendre aussi la valeur relative des millénaires et leur portée symbolique66. En somme, le chiffre mille signifiait un anniversaire, une commémoration dans le cadre de l’ère de l’Incarnation. Dans le cadre, en revanche, de l’ère du monde, les dates avancées par Eusèbe-Jérôme et Bède, à savoir 5199 et 3953, pour situer l’année de l’Incarnation avaient un caractère différent. Elles marquaient l’aboutissement de cinq millénaires chacun de durée relative – aucun n’avait duré mille ans –, et le chiffre mille ajouté à ces dates ne permettait aucune spéculation sur la durée exacte du sixième. Il faut remarquer en outre que la fixation par Denys de l’an I était depuis longtemps contestée dans la période de l’An Mil67.
31En conclusion, si on laisse de côté les questions liées à la technique du comput et du calcul arithmétique, ceux qui commémoraient l’anniversaire de l’an I en l’an mille le firent pour des raisons théologiques et liturgiques du même ordre que celles qui avaient poussé Denys à établir son comput sur cette base. Le « nouveau printemps » de Raoul Glaber ainsi que son « blanc manteau d’églises » font parfaitement échos aux mots employés par Denys dans sa lettre à Pétronius :
nous avons choisi de plutôt décompter la succession des années depuis l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans la mesure où l’origine de notre espérance est pour nous plus significative et où le fondement du rachat de l’humanité, à savoir la Passion de notre rédempteur, nous illumine avec plus d’évidence68.
32Même si l’eschatologie n’est jamais absente de l’esprit des hommes de ce temps, l’idée de renouveau ne lui est pas attachée directement. Elle se fonde en effet beaucoup mieux sur un retour aux origines. Le renouveau monastique amorcé depuis près d’un siècle en l’an mille, la réforme de l’Église, dans l’esprit carolingien d’abord puis grégorien, sont des mouvements de longue haleine qui sont animés par le désir de reproduire à nouveau la vie des apôtres autour du Christ, de pratiquer plus largement l’Imitatio Christi69. Dans ce cadre l’année mille, comme l’année 1033, a eu le sens d’une commémoration et d’un anniversaire plutôt que d’un terme ou de la fin d’un millénaire.
Notes de bas de page
1 C. CAROZZI – H. TAVIANI-CAROZZI, La Fin des Temps. Terreurs et Prophéties au Moyen Âge, Paris 1999, p. 44-74.
2 Sur le comput : F. K. GINZEL, Handbuch der mathematischen und technischen Chronologie, 3 vol. , Leipzig, 1906-1914 ; E. SCHWARTZ, Christliche und jüdische Ostertafeln, Abhandlungen der Königlichen Gessellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, phil.-hist. Kl., N.F.VIII, 6, Berlin 1905; Bedae Opera de Temporibus, éd. Ch. W. JONES, The Medieval Academy of America, Cambridge 1943; V. GRUMEL, La Chronologie, Traité d’études byzantines I, Paris 1958; A. BORST, Die karolingische Kalenderreform, Monumenta Germaniae Historica, Schriften, Bd. 46, Hannover 1998; Bede: The Reckoning of Time, translated with introduction, notes and commentary by F. WALLIS, Liverpool University Press 1999; G. DECLERCQ, Anno Domini. Les origines de l’ère chrétienne, Turnhout 2000. Sur la chronographie outre les ouvrages précédents qui en traitent tous : M. Mc CORMICK, Les annales du Haut Moyen Âge, Turnhout 1975 ; K.H. KRÜGER, Die Universalchroniken, Turnhout 1976 et surtout : A.D. von den BRINCKEN, Studien zur lateinischen Weltchronistik bis in das Zeitalter Ottos von Freising, Düsseldorf 1957 ; id., « Weltären », Archiv für Kulturgeschichte 39 (1957), p. 133 et suiv.
3 Pour ce type de calcul voir W. E. van WIJK, Le nombre d’or, La Haye 1936, p. 1-17.
4 Ces données chronologiques figurent dans tous les ouvrages sur le comput par exemple : V. GRUMEL, op. cit., n. 2, p. 3-4 et 26-29.
5 Sur ces problèmes F. WALLIS, op. cit., n. 2, p. XXXIV-XXXIX (p. XXXIX, l. 15 corriger « 26 april » en « 25 april »).
6 Ibid. et p. XLIV-L ; V. GRUMEL, op. cit., n. 2, p. 31-53.
7 V. GRUMEL, op. cit., n. 2, dont la première partie porte sur L’origine des ères mondiales, p. 1-158.
8 Tout ce qui précède provient de V. GRUMEL, voir aussi G. DECLERCQ, op. cit., n.2, p. 25-49.
9 BÈDE, De Temporum ratione, cap. 66, éd. Ch. W. JONES, Corpus Christianorum. Series latina. CXXIII 13, p. 463-464 : commentaire dans F. WALLIS, op. cit., n. 2, p. LXVII-LXXI et 353-366.
10 Chez aucun chronographe le sixième millénaire ne commence en l’année 5000 ou 5001, cf. : Hippolyte et Africanus : 5500, Eusèbe : 5199, Panodore : 5495, Annianos 5501 (voir tableau de V. GRUMEL, op. cit., n. 2, p. 30).
11 Voir par exemple De civitate Dei XX, VII, 2 : le chiffre mille signifie la plénitude des temps.
12 F. WALLIS, op. cit., n. 2, p. 361-362.
13 On connaît cette accusation par la lettre de Bède au moine Plegwin où il s’en défend : cf. JONES Bedae opera, op. cit., n. 2, p. 132-135 ; éd. de la lettre dans Bedae venerabilis opera éd. Ch. W. Jones, Corpus Christianorum. Series latina, CXXIIIC, Turnhout 1980, p. 617-626.
14 Pour ce qui suit voir V. GRUMEL, op. cit., n. 2, aux pages indiquées à la note 4 ; ajouter en dernier lieu G. DECLERCQ, op. cit., n. 2, p. 9-24.
15 Voir A. DEGRASSI, I fasti consolari dell’impero romano, Rome 1952, p. 9.
16 V. GRUMEL, op. cit., n. 2, p. 27-29 et V. LOI, « Il 25 marzo data pasquale e la cronologia giovannea della passione in età patristica », Ephemerides Liturgicae 85 (1971), p. 48-69.
17 Cette convergence ne se rencontre en effet que dans les années 1, 12, 91 etc...
18 V. LOI, op. cit., n. 16.
19 G. DECLERCQ, op. cit. n. 2, p. 13.
20 Les Conciles œcuméniques. Les décrets, t. II, 1, Paris 1994, p. 62-63.
21 Sur la table de 84 ans voir B. KRUSCH, Studien zur Christlich-Mittelalterlischen Chronologie. Der 84 jährige Ostercyclus und seine Quellen, Leipzig 1880 ; V. GRUMEL, op. cit., n.2, p. 18-22 ; E. SCHWARTZ, op. cit., n.2, p. 66-71 ; F. WALLIS, op.cit., n.2, p. XLIV-XLV. Concernant Victorius d’Aquitaine : B. KRUSCH, Studien zur Christlich-Mittelalterlische Chronologie. Die Entstehung unserer heutigen Zeitrechnung, Berlin 1938, p. 4-58 ; Ch. W. JONES, « The Victorian and Dionysiac Tables in the West », Speculum 9 (1934), p. 408-421 ; id., op. cit., n. 2, p. 61-68 ; F. WALLIS, op. cit., n. 2, p. L-LIII ; G. DECLERCQ, op. cit., n. 2, p. 86-99.
22 Ch. W. JONES, op. cit., n. 2, p. 78-113 pour la survie dans les îles britanniques. En Gaule le concile d’Orléans de 541 fait adopter la table de Victorius qui resta en usage jusqu’au VIIIe siècle : cf. L. PIETRI dans Histoire du Christianisme, t. III : Les églises d’Orient et d’Occident, Paris 1998, p. 756-757 ; G. DECLERCQ, op. cit., n.2, p. 164-168.
23 À Rome Denys est le premier à utiliser l’indiction, qui jusque là n’était en Occident que d’un usage occasionnel : F. WALLIS, op. cit., n. 2, p. 339-340.
24 Outre les travaux de JONES cités n. 2 et 21 voir Clavis Patrum Latinorum 652-655 et 2284 ; M. RICHTER, « Dionysius Exiguus » dans Theologische Realenzyklopädie, t. 9 (1981) 1-4 ; G. TERES, « Time Computations and Dionysius Exiguus », Journal for the History of Astronomy, 15 (1984) 177-188 ; F. WALLIS, op. cit., n. 2, p. LIII-LV ; G. DECLERCQ, op. cit., n. 2, p. 101-152.
25 Denys ne signale nulle part quelle date correspondait dans sa table à la mort du Christ. L’année 31 se déduit seulement de son adoption du cycle alexandrin. Eusèbe plaçait lui aussi la mort du Christ la même année, 5230 suivant son ère mondiale, mais situait la naissance en 5199 correspondant à -2 selon Denys. Panodore, Annianos et l’ère protobyzantine font également vivre Jésus pendant 33 ans (cf. V. GRUMEL, op. cit., n. 2, p. 30). Bède, plus tard, en viendra à considérer que la table de Denys ne contient aucune date convenable pour la Passion qui, selon lui, devrait avoir eu lieu en 33 (cf. JONES, op. cit., n. 2, p. 70 ; BÈDE, De Temporum ratione, chap. 47 ; F. WALLIS, op. cit., n. 2, p. 126-129 et 336-338 : p. 337, l. 21 corr. 556 en 566). La table de Denys a été éditée par B. KRUSCH, Die Entstehung, op.cit., n. 21, p. 69-74. C’est lui qui situe la Passion à l’année 31, à la suite de RÜHL à la p. 60 de son introduction.
26 Voir son prologue : lettre à Petronius, éd. B. KRUSCH, p. 64.
27 G. DECLERCQ, op. cit., n. 2, p. 150-152.
28 Op. cit., n. 26: Quia vero sanctus Cyrillus primum cyclum ab anno Diocletiani CLIII coepit et ultimum in CCXLVII terminavit, nos a CCXLVIII anno eiusdem tyranni potius quam principis inchoantes, noluimus circulis nostris memoriam impii et persecutoris innectere, sed magis elegimus ab incarnatione domini nostri Iesu Christi annorum tempora praenotare: quatinus exordium spei nostrae notius nobis existeret et causa reparationis humanae, id est passio redemptoris nostri, evidentius eluceret (p. 64, 8-14).
29 Thomas J. TALLEY, Les origines de l’année liturgique, Paris 1990.
30 Édition du traité dans B. BOTTE, Les origines de Noël et de l’Épiphanie, Louvain 1932 ; cf. J.TALLEY, op. cit., n. 29, p. 107-116.
31 Op. cit., n. 26 : ...Sequentes per omnia venerabilium CCCX et octo pontificum, qui apud Niceam, civitatem Bithiniae, contra vesaniam Arii convenerunt… (p. 63, 4-6). Denys revient encore sur ce thème : p. 66, 8-14, 17-23, p. 67, 5-11 et aussi dans sa lettre à Boniface et Bon : éd. B. KRUSCH, Die Entstehung, op. cit., n. 21, p. 83, 5-7.
32 Cf. supra n. 20 et L. DUCHESNE, « La question de la Pâque au concile de Nicée », Revue des Questions Historiques, 28 (1889), p. 5-42.
33 Op. cit., n. 20, p. 31 et n. 12 et p. 60-63.
34 Op. cit., n. 26 : Hanc autem regulam praefati circuli non tam peritia saeculari quam sancti spiritus inlustratione sancxerunt et velut anchoram firmam ac stabilem huic rationi lunaris dimensionis apposuisse cernuntur… Sed Alexandrinae urbis archiepiscopi, beatus Athanasius, qui etiam ipsi Niceno concilio, tunc sancti Alexandri pontifcis diaconus et in omnibus adjutor, interfuit, et deinceps venerabilis Theophilus et Cyrillus ab hac synodi veneranda constitutione minime disciverunt ... Papa denique Theophilus, centum annorum cursum Theodosio seniori principi dedicans, et sanctus Cyrillus, cyclum temporum nonaginta et quinque annorum componens, hanc sancti concilii traditionem ad observandas XIIII lunas paschales per omnia servaverunt (p. 63, 9-27, 64, 1).
35 Sur le patriarcat d’Alexandrie à cette époque voir G. BARDY, dans Histoire de l’Église, dir. A. FLICHE et V. MARTIN, t. 4 : De la mort de Théodose à l’élection de Grégoire le Grand, Paris 1939, p. 303 et B. FLUSIN dans Histoire du Christianisme, dir. J.-M. MAYEUR, etc... t. 3 : Les Églises d’Orient et d’Occident (432-610), p. 528.
36 Op. cit., n. 20, p. 194-195 et P. Th. CAMELOT, Ephèse et Chalcédoine, Paris 1961, p. 224-225.
37 Cf. BOÈCE, Traités théologiques, Présentation, trad. par A. TISSERAND, Paris 2000.
38 Publiées dans Scriptores « Illyrici » Minores, éd. Fr. GLORIE, Corpus Christianorum, Series Latina, LXXXV, Turnhout 1972, p. 55-56, 59-60, 63-66.
39 Sur l’affaire des moines scythes voir Histoire du Christianisme, t. III, op. cit., n. 22, p. 136-137 (par P. MARAVAL) et p. 191-194 (par Chr. FRAISSE-COUE) ; sur le schisme d’Acace ibid., p. 167-196 (Chr. FRAISSE-COUE).
40 Op. cit., n. 26 : Paschali festi rationem, quam multorum diu frequenter a nobis expocit instantia, nunc, adiuti precibus vestris, explicare curavimus ; sequentes per omnia venerabilum CCCX et octo pontificum, qui apud Niceam, civitatem Bithiniae, contra vesaniam Arrii convenerunt (p. 63, 2-6).
41 Op. cit., n. 26 : In praesenti namque tertia indictio est, consulatu Probi iunioris, XIII. circulus decennovennalis, decimus lunaris est.
42 Ed. B. KRUSCH, Die Entstehung, op. cit., n. 21, p. 75 : Si nosse vis, quotus sit annus ab incarnatione domini nostri Iesu Christi, computa quindecies XXXIIII fiunt DX : is semper adde XII regulares, fiunt DXXII : adde et indictionem anni, cuius volueris, ut puta tertiam, consulato Probi iunioris, fiunt anni simul anni DXXV. Isti sunt anni ab incarnatione domini.
43 Les négociations entre le pape Hormisdas et l’empereur Justin commencèrent en 518, les Scythes furent expulsés pendant l’été 520 et la réconciliation était acquise en 521 (cf. Histoire du Christianisme, t. III, op. cit., n. 22, p. 194-196). Théodoric intervient à propos de la date de Pâques pendant l’affrontement entre le pape Symmaque et l’antipape Laurent (cf. ibid., p. 292).
44 G. DECLERCQ, op. cit., n. 2, p. 164 et JONES, op. cit., n. 2, p. 65.
45 G. DECLERCQ, op. cit., n. 2, p. 158-9.
46 Ibid., p. 154.
47 Sur le comput à l’époque carolingienne voir A. BORST, op. cit., n. 2. Sur l’importance du comput dans la culture ecclésiastique à partir de cette époque, voir F. WALLIS, op. cit., n. 2, p. XVIII-XXXIV.
48 Sur la littérature du comput voir les travaux de A. CORDOLIANI notamment« Contribution à la littérature du comput ecclésiastique au Moyen Âge », Studi Medievali, 3e série, I, fasc. 1, 1960, p. 107-137 et II, fasc. 1, 1961, p. 169-208.
49 Cf. M. Mc CORMICK, op. cit., n. 2, p. 13.
50 Parmi les Apologistes c’est surtout Théophile d’Antioche qui développa cet aspect dans ses trois livres Ad Autolycum, écrits vers 180 : éd. G. BARDY, Sources chrétiennes 20, Paris 1948. Le troisième livre contient une chronologie de l’histoire du monde jusqu’à Marc Aurèle, où Moïse est placé de 9 à 1000 ans avant la Guerre de Troie (3, 21).
51 Ed. R. HELM, Leipzig 1913, p. 9 (préface d’Eusèbe) : Nam Moyses… ab omnibus tamen quos Graeci antiquissimos putant, senior deprehenditur, homero scilicet et hesiodo Troianoque bello…
52 Op. cit., n. 9, p. 470 et 474.
53 Ibid., chap. 10 : Sexta aetate praeconantibus prophetis filius Dei in carne qui hominem ad imaginem Dei recrearet apparuit, qui, dormiens in cruce, sanguinem et aquam de latere, unde sibi ecclesiam consecraret, emanauit (p. 311, 39-42). Sur ce thème chez Bède voir Y. CONGAR, L’Église de saint Augustin à l’époque moderne, Paris 1970, p. 46.
54 Sur l’usage par Bède des deux ères voir F. WALLIS, op. cit., n. 2, p. LXVII-LXXI.
55 R. Mc KITTERICK, « Constructing the Past in the Early Middle Ages: the Case of the Royal Frankish Annals » Transactions of the Royal Historical Society, 6 th Series, vol. 7, 1997, p. 101-129.
56 Reginonis chronica, éd. R. RAU, Darmstadt 1969, p. 180: Quam in duobus libellis distinxi, exordium capiens a primo incarnationis dominicae anno et consummans coeptum opus usque in presentem annum, qui computatur a prefata incarnatione Domini nongentesimus octavus.
57 Concernant l’influence de Bède sur les chroniqueurs voir A. BORST, op. cit., n. 2, p. 509-512.
58 Sur l’usage de l’ère de l’Incarnation à partir de Bède voir G. DECLERCQ, op. cit., n. 2, p. 185-198.
59 Die Chronik des Bishofs Thietmar von Merseburg, hrg. von R. HOLTZMANN, MGH Scriptores rerum Germanicarum, n. s. t. IX, Berlin 1935, Lib. I, 2, p. 5.
60 Ibid., Lib. VI, 1, p. 274 : Post salutiferum intemeratae virginis partum consummata millenarii linea numeri et in quarto cardinalis ordinis loco ac in eiusdem quintae inicio ebdomadae, in Februario mense…
61 Ibid., Lib. VII, I, 1, p. 396 : Decursis a dominica incarnacione post millenarii plenitudinem numeri annis tredecim et in subsequentis anni secundo mense ac ebdomada tercia, anno autem regni eius tercio decimo et die dominica ac XVI. kal. Marcii…
62 Ibid., Lib. VI, I, 1, p. 274 : ...quicquid antecessor suus iniuste de hac auferre presumsit aecclesia, renovationi eiusdem arridens reddidit…
63 Lib. VI, 102, p. 394-5 : après avoir énuméré les dons fait à l’église par le roi, Thietmar ajoute : Et quia de secunda eius ordinacione locuturus sum… Quicquid autem in prediis ab antecessoribus meis neglectum erat, precepto suo renovavit.
64 Op. cit., n. 1, p. 58-65.
65 Lib. VI, prologue en vers, p. 272 : O sol iusticiae fulgens super omnia, Christe ! Adventu primo mundum redimens… Merseburg te laudet, de tuis munere gaudet Eius et nati, pastores ac renovati persolvant grates tibi nunc ex corde fideles. La version de CORVEY porte reparati au lieu de renovati, mais le sens est bien sûr le même.
66 Sur ce thème voir F. WALLIS, op. cit., n. 2, p. 352-366.
67 G. DECLERCQ, op. cit., n. 2, p. 195-198.
68 Supra, n. 28.
69 C. CAROZZI, Apocalypse et salut, Paris 1999, p. 84-86.
Auteur
Université de Provence
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