Péro et Cimon, entre la charité et la loi : l’exemple d’une réciprocité manquée ?*
p. 145-168
Texte intégral
1En 1606, Caravage peint « Les Sept Actes de la Grâce » pour la confrérie du Pio Monte della Misericordia à Naples. Au centre du retable, il place l’image saisissante d’une jeune femme offrant le sein à un vieil homme barbu, à travers les barreaux de la fenêtre de la prison. Inquiète, elle tourne son visage vers deux anges qui descendent du ciel, comme si elle craignait d’être réprimandée pour sa manière de remplir trois des sept actes de charité recommandés : donner à boire à l’assoiffé, de la nourriture à l’affamé et assister les prisonniers. Derrière elle, d’autres actions charitables sont réalisées dans une rue animée.
2La scène d’une femme qui offre son lait à un vieil homme affamé dans une prison est inspirée par les versions popularisées de l’histoire des Faits et dits mémorables de Valère Maxime (env. 32 après J.-C.)1, un ensemble d’anecdotes et de légendes traitant des vertus de l’ancienne Rome qui, depuis la fin du XVe siècle, est imprimé dans d’innombrables éditions en langue latine et vernaculaire partout en Europe. L’histoire de Maxime sur Péro qui allaite son propre père, Micon, également appelé plus tard Cimon, un citoyen grec condamné à mort par privation de nourriture pour un crime capital, qui sauve ainsi sa vie, est la pièce centrale d’une trilogie d’anecdotes destinée à illustrer – et à problématiser – le concept romain de « piété filiale »2. Les deux histoires qui accompagnent la pièce centrale présentent des différences sur les sujets entrecroisés de l’allaitement filial qui rachète le crime du père, mais s’irradient dans différentes séries de catégories du genre. L’anecdote qui suit immédiatement l’histoire de Péro et de Cimon se rapporte à une jeune romaine qui nourrit sa mère en prison « avec le secours de son lait », accomplissant sa délivrance et sa réhabilitation comme une récompense de son propre acte de piété héroïque ; celle qui figure après la légende de Péro et de Cimon rend compte de l’acte mémorable d’un fils qui remplace son père en prison, condamné en contumace pour dettes. Dans cette trilogie d’histoires, la faute judiciaire des parents ne fait aucun doute. La piété filiale est définie selon l’accomplissement de la grâce à travers un acte héroïque d’auto-avilissement.
3Les nombreux récits d’anecdotes de Maxime, renouvelés depuis le XIIIe siècle, montrent comment les deux histoires, qui présentent des couples mère/fille et père/fils, sont perçues comme le complément et l’exposition de la « pièce centrale » de Péro et de Micon. Les traductions tendent tardivement à faire converger les deux pères de Micon et de Cimon par un renversement ludique de syllabes3 ; dans sa pièce Een Spiegelbock, Jacob Duym échange non seulement la faute du père de Cimon avec l’innocence du fils du troisième épisode, mais suggère aussi que le sacrifice de Péro a permis la libération de son père de prison, conformément à ce que la fille romaine avait accompli pour sa mère4. D’autres exemples de piété filiale composent le recueil de Maxime, mais le choix apparemment éclectique des sujets figure en sérieuse opposition à la symétrie prudente, fine et triangulaire de la série de la mère/fille, du père/fille, du père/fils. L’histoire de Péro et de Cimon est devenue un des épisodes les plus connus de Maxime et a bénéficié d’un engouement important dans les différents genres de la « haute » et de la « basse » littératures depuis l’Antiquité, apparaissant dans l’espace byzantin, le Moyen Âge (occidental), la Renaissance et au-delà. Il s’avère également qu’elle circule dans la littérature orale depuis la fin du XIXe siècle dans toute l’Europe, et dont l’apparition dans les collections d’énigmes depuis le XVIe en donne un exemple précoce5.
4Dans les arts visuels, le sujet est aussi très connu auprès des artistes de la Réforme allemande, mais relativement rare en Italie, où les artistes l’expérimentent uniquement de façon hésitante, le plus souvent sous la forme de genres « mineurs », tels que les médailles, les gravures et les imprimés. Des exceptions notables incluent la fresque de Perino del Vaga sur Péro et Cimon (Gênes, Palais Doria Pamphili, 1528-37) et la frise en marbre de Rosso Fiorentino à Fontainebleau (1530 env.)6. Des peintures anonymes sont signalées également à Venise au XVIe siècle, quoiqu’elles ne paraissent pas avoir survécu7. Il revint à l’idée ingénieuse de Caravage de reconfigurer le contenu allégorique de l’image – en plaquant le sujet de la « piété » romaine sur le concept de la « charité » chrétienne – pour le couple allaité père/fille, une « piété » vouée à devenir à la fois présentable et populaire auprès des artistes baroques. En rejetant le caractère pornographique dont il fait l’objet dans l’art allemand au début du XVIe siècle, et en le présentant comme une variété sur le sujet de la « charité » qui, depuis le Moyen Âge, apparaît sous la forme allégorique d’une femme allaitante8, Caravage est en mesure de libérer le sujet de ses associations subversives anticatholiques qu’il acquiert dans l’Allemagne réformée9.
5Grâce au succès de ce retable, de nombreux artistes du XVIIe siècle – aussi bien des Caravagistes que d’autres – sont poussés à peindre également une telle scène, même si chaque peintre, après Caravage, choisit de resituer le sujet dans son contexte originel et classique. Débutant avec l’interprétation de Bartolomeo Manfredi sur ce qui est désormais appelé la « Charité romaine » (1610-14), Péro est peinte à l’intérieur d’un donjon, comme l’avait fait Maxime, réalisant son sacrifice du lait dans l’intimité et la réclusion qui implique le spectateur dans des fantaisies érotiques sur de futurs contacts physiques entre eux. Cependant, aucun artiste ne peignit jamais, à nouveau, Péro entièrement nue, avec les tétons dressés de Cimon, comme le fit Hans Sebald Beham (Woodner Collection, 1540)10. En dépit des évidentes titillations que le motif provoque – et est censé provoquer, étant donné l’interprétation de Maxime de l’histoire qui est tenue pour une « ekphrasis » d’une peinture réaliste11 – les artistes baroques cherchent à traduire les émotions de Péro et les différentes expressions du visage, en passant de la modestie affectée (Bartolomeo Manfredi, 1615-17) à l’extase (Simon Vouet, 1613-27) et à la défiance (Mattia Preti, 1660-61)12.
6Dans cet article, mon intention est de poser un cadre interprétatif pour cerner ce sujet – extrêmement populaire, mais considérablement négligé par la recherche historique –, dans l’art au XVIe et au XVIIe siècle13. Il s’agit de saisir comment le portrait de Péro et de Cimon a résonné à l’intérieur des traditions iconographiques de la Charité et de la Madonna Lactans, et comment les tensions marquant les relations père/fille dans la sphère du politique et de la loi ont contribué à la diffusion que le portrait a connu au XVIIe siècle. Du point de vue conceptuel, il me semble nécessaire de considérer l’image de la fille dans l’acte d’allaiter son père comme une critique de la réciprocité manquée dans une culture où les pratiques du don sont asymétriques du point de vue du genre et, en conséquence, relèvent des théories de la parenté légale agnatique. Enfin, l’allaitement de Péro peut-il être compris comme un acte de résistance ? Est-elle une victime abjecte, offrant son corps pour la consommation dans un parcours générationnel pervers ou une « femme d’avant-garde », revendiquant son pouvoir sur la vie et sur la mort d’un patriarche condamné à mourir ?
L’allaitement, un échange de don charitable ?
7Dans la tradition littéraire médiévale des anecdotes de Maxime, la « piété filiale » est définie par rapport au couple mère/fille, plutôt qu’à celui de Péro et de Cimon. Surgissant au XIVe siècle, la vision paternelle de l’histoire commence par être entièrement supprimée, alors que la diversité maternelle, de son côté, gagne en succès pour figurer comme l’exemple d’une parfaite réciprocité dans les relations intergénérationnelles. En même temps, l’iconographie de la Madonna Lactans émerge comme une tentative de monopoliser l’allégorisation de la « charité » en tant que femme nourrissante. Il faut l’invention de l’imprimerie – et la vague de popularité de la Vierge Marie nourrissante – pour que Péro et Cimon entrent de nouveau dans le discours littéraire à la fin du XVe siècle, et qu’ils soient représentés dans les arts figuratifs.
8Une telle suppression programmatique de la version paternelle du sujet de Maxime est unique à la fin du Moyen Âge. Parmi les auteurs romains antiques qui racontent l’événement, seul Pline l’Ancien (2379 après J.-C.) préfère le couple mère/fille, en ajoutant qu’une colonne consacrée à la « pietas » a été dressée à l’emplacement de la prison de la mère14. En revanche, Hygin, Festus, Solinus et Nonnos, font de Péro la personnification de la piété filiale. Alors que Hygin (64 av. J.-C.-17 après J.-C.), assez cyniquement, insère l’histoire de l’« amour » autodégradant de la fille pour son père dans une longue liste d’exemples grecs anciens de couples incestueux et de meurtres familiaux, Festus (IIe siècle après J.-C.) explique de façon laconique le concept de « pietas » par rapport à Péro. Solinus le qualifie comme un événement à sensation dans son livre Les Merveilles du Monde (IVe siècle après J.-C.) ; et, finalement, Nonnos (IVe siècle env. après J.-C.), dans son récit épique sur l’expédition de Dyonisius en Inde, considère la scène de l’allaitement incestueux comme un trait orientalisant, dans un chapitre riche en paradoxes et en rebondissements15. Personne, au cours de l’Antiquité, sauf Maxime, ne se rapporte aux deux variétés de l’histoire simultanément. Il faut attendre le XVIe siècle pour que le pendule revienne lentement. Alors que quelques auteurs tiennent à la scène maternelle, nombreux sont ceux qui intègrent la version paternelle dans leurs pièces et leurs nouvelles, parfois sous forme d’une énigme sur les relations incestueuses au sein de la parenté16.
9Au XIIIe siècle, de nombreux auteurs mentionnent encore l’échange de lait hétérosexuel. Dans son Exempla, Jacques de Vitry (1240) se rapporte à l’épouse qui nourrit son mari17, tandis que Jean d’Écosse18 (1260) et Vincent de Beauvais19 (1264) donnent un résumé assez soigné des deux versions différentes des anecdotes de l’allaitement de Maxime. Cependant, un demi-siècle plus tard, des écrivains commencent à omettre la version paternelle, en prêtant cette fois l’attention à la scène mère/fille. Dans son sermon sur les obligations des enfants envers leurs parents, formulé à Florence à l’église de Santa Maria Novella (1303-09), Giordano de Pise mentionne l’histoire d’une fille qui, avec son lait, garda sa mère en vie et bouleversa à tel point l’empereur que celui-ci l’épargna20. Dans son traité allégorique sur la société bien ordonnée, Jacques de Cessoles (1288-1322) souligne que les vicaires du roi exercent la grâce, la pitié et la compassion, spécialement envers les pauvres, par rapport au gardien de la prison relatée dans l’anecdote maternelle de Maxime. Au lieu d’exécuter la mère détenue, comme il est supposé le faire, le gardien est pris de pitié pour elle et décide de lui permettre de mourir de faim. Lorsqu’il relève l’arrangement de l’allaitement qui la maintenait en vie, il rapporte aussitôt cette « merveille » aux autorités judiciaires qui affrontent un exemple si extraordinaire de piété et pardonnent le crime de la mère21. Au bas Moyen Âge, dans le nouveau récit de Girard de Roussillon, le Poème Bourguignon (1330 env.), celui-ci rapporte qu’une certaine « force de la nature » est à l’œuvre en inspirant la fille à nourrir sa mère qui, dans ce texte, est condamnée à mort pour adultère. Néanmoins, elle bénéficie de la charité filiale, de la grâce du juge et de la « douce amitié » de la narratrice, indiquant ainsi que l’amour d’une fille pour sa mère peut libérer une femme du « crime contre son lignage »22. Jean Gobi (1323-50), pour sa part, eut en apparition deux dames qui rendaient visite à la mère affamée en prison et procédaient à l’allaitement selon une manière hautement allégorique, respectivement, selon leur « lac compunctionis » et leur « lac devotionis »23. La figure de la fille est de la sorte remplacée par une image divisée de Marie nourrissant la détenue, dotée de la capacité de pratiquer la « contrition » et la « dévotion ».
10Enfin, Boccace et Christine de Pisan interprètent l’histoire comme un exemple de réciprocité bien exécutée, en filtrant l’exemple de Maxime de l’amour d’une fille extraordinaire mais naturel pour sa mère dans le langage des relations de parenté du Moyen Âge, fondé sur l’échange de dons. Selon une traduction récente du De mulieribus claris (136-162), Boccace résume ainsi la morale de l’histoire : « Lorsque nous, en tant qu’enfants, réalisons des actes pieux pour nos parents […], nous semblons simplement remplir nos devoirs et repayer convenablement ce que nous avons reçu d’eux »24. Dans son Livre de la Cité des Dames (1405), Christine de Pisan conclut que « la fille redonna à sa mère âgée ce qu’elle avait pris de sa mère, alors qu’elle était enfant »25. De même, au XVe siècle, les commentateurs des Faits et dits mémorables de Maxime « expliquent » la vague référence à la « loi de la nature » comme l’expression d’une symétrie. La fille redonne simplement la vraie nourriture qu’elle avait consommée durant son enfance : « non mater a filia sed filia a matre lac sumere consuevit »26.
11L’objectif de Maxime est d’attirer l’attention – mais aussi de la détourner – sur le manquement du couple du tabou de l’inceste et de l’interdit contre les relations sexuelles féminines, en insistant sur l’amour filial qui doit être honoré par-dessus toutes les exigences – de nature culturelle – qui servent à maintenir les structures de la parenté. D’abord, le gardien de la prison se demande si le « spectacle », dont il est témoin, peut être « pensé comme étant contre nature », mais il réalise ensuite que « l’amour d’un parent » est la « première loi de la nature »27. Boccace, Pizan et d’autres auteurs du XVe siècle vont plus loin en normalisant l’échange de lait, potentiellement troublant, par l’adoption du langage presque juridique de la réciprocité et s’intègrent dans celui de l’échange de dons que Girard de Roussillon fixe en opposition au crime qui subvertit la parenté de la mère et le lignage. La signification de l’acte « infâme » de la mère – en l’occurrence l’adultère – se trouve modifiée, dans le poème épique de Roussillon, en amour de la charité de sa fille, alors que, dans des récits tardifs, le sacrifice du lait de la fille extraordinaire, attitude « abjecte », extralégale et antisociale, mais héroïque, perd sa signification d’acte de subversion et de résistance. Aussi bien la charité chrétienne que l’antique piété cesse d’être placées en opposition à la loi – elles sont en parfait accord avec celle-ci. D’ailleurs, la claire symétrie entre le don du lait de la mère et celui de la fille, en l’occurrence le renversement de leurs relations, semble avoir effacé le fossé générationnel entre elles.
12Une telle interprétation de l’allaitement charitable, appréhendé aussi comme un geste égalitaire et réciproque, s’écarte de façon significative de l’économie circulaire de la nourriture spirituelle élaborée par les mystiques féminines. La charité, depuis que Paul l’a définie comme la plus importante des vertus chrétiennes (1 Corinthiens 13), et depuis qu’Augustin l’a qualifiée de type d’amour opposé à celui du désir, devint l’élément essentiel des formes médiévales de dévotion28. Au lieu d’insister sur l’échange proportionné et mesurable de dons entre deux parties, la charité, dans la théologie médiévale et la pratique religieuse, est déployée comme un processus dynamique sans fin, qui implique le Christ et tous les croyants du Christ, principe tautologique qui facilita le partage potentiellement infini de la douleur et de la nourriture, et de la douleur comme nourriture. À l’intérieur du cadre de l’« imitatio Christi », la charité devient le principal mode de culte, depuis que les contributions matérielles au pauvre, la fondation d’hôpitaux et de confréries, ainsi que la culture de l’empathie par la souffrance auto-infligée, se trouvent et s’identifient en Dieu. Le Christ est le dernier récipiendaire des priants qui offrent leur âme au purgatoire, servent volontairement dans les hôpitaux de la communauté, assistent financièrement les filles en danger, donnent l’exemple de la flagellation et de la vie ascétique. En ce sens, saint Thomas d’Aquin (1225-74) demande que la vraie charité se génère, en ne se rapportant à rien, sinon à elle-même29.
13Saint Bonaventure (1221-74) abandonne la distinction augustinienne entre l’amour séculier et l’amour divin, en redéfinissant la véritable charité comme le désir de Dieu. L’absence de limites d’un tel désir est embrassée par les femmes mystiques, comme l’a montré Caroline Bynum, qui cultivent la faim comme étant celle du Christ – une faim qui ne peut jamais être rassasiée – en mesure de partager sa souffrance. Les mystiques qui évitent de se nourrir transforment la signification traditionnelle de la maternité en offrant leur corps pour une consommation spirituelle dans le cadre d’une relation triangulaire qui implique le Christ et les pécheurs pénitents. Au sein d’une culture où les femmes ne sont pas seulement supposées préparer la nourriture, mais aussi s’offrir elles-mêmes en nourriture – durant la grossesse et la période de l’allaitement – les mystiques calibrent leurs corps aménorrhiques comme les terrains fertiles pour les rencontres divines. Elles l’accomplissent en maintenant uniquement une « diète » de nourritures sacrées, telles que l’Eucharistie, et également, à l’occasion, le pus de personnes malades et les poux des pauvres30. Une auto-privation de nourriture, aidant à « digérer » convenablement la nourriture sacrée dans des transes, des apparitions et des extases, qui fonctionne aussi comme un don d’autopunition, afin d’adoucir la douleur des âmes en souffrance au purgatoire. Une telle représentation de l’« abject » rend compte de l’abolition des limites corporelles, symboliques et politiques, comme l’a argumenté Julia Kristeva31. Le corps maternel, grotesque dans sa perméabilité, pollué par ses rejets et dangereux par sa capacité à générer, est caractérisé par ses possibilités à la symbiose. Si le sale est un sujet hors de propos, l’allaitement oscille entre le sacré et la profanation, précisément parce que le lait distribué défie la topographie qui est incommensurablement fluctuante. Aussi, perçu comme une pratique du don, l’allaitement se prive-t-il de la règle du retour.
14Dans les arts visuels, la charité est, depuis le XIVe siècle, allégorisée en femme qui offre de la nourriture, parfois sous forme d’une corne d’abondance32, mais plus fréquemment sous celle du partage du lait33. Quoique les artistes aient prêté attention à la charité saisie comme un symbole composite, combinant le désir de Dieu et l’amour de son prochain, une flamme ou un cœur enflammé peuvent émaner du sein de la femme allaitante34. Il est important de souligner que l’iconographie de la « charité », toujours dépeinte sous les traits d’une femme nourrissant plus d’un enfant simultanément, fait ressortir que ce n’est pas son propre enfant, ou du moins pas seulement le sien, qu’elle alimente. Afin que la nourrice devienne intelligible en tant qu’allégorie de la « charité », le soin maternel est évoqué, mais aussitôt déplacé, assez littéralement, vers « d’autres » enfants, et c’est ce processus métonymique qui permet à la femme allaitante de figurer comme un symbole abstrait. En tant que « charité », le partage du lait nécessite que la mère passe de ses propres enfants à d’autres qui sont dans le besoin. Ainsi l’allaitement charitable signifie le don qui ne fait pas de distinction, qui offre sa substance vitale renouvelable une infinité de fois.
15Dans le même temps, la Madonna Lactans émerge. Quoiqu’elle ait été documentée dans différentes localités en Europe depuis le XIVe siècle, l’iconographie est très importante en Italie centrale et dans les Flandres, le cœur des mouvements religieux féminins35. À Sienne, l’iconographie développe, parallèlement à la stabilisation d’un gouvernement communal et à l’institutionnalisation de la charité, – mais peut-être aussi en rivalité avec –, la concomitante mise en allégorie de la justice, de la paix et d’autres valeurs républicaines personnifiées comme des « objets de désir » féminins36. Dans le contexte d’un mouvement religieux féminin qui insiste sur l’acte de manger et de dévorer appréhendé comme des métaphores pour la rencontre mystique avec Dieu, pour le fondre complètement dans la subjectivité individuelle en extase, la diffusion de la représentation de la Madonna Lactans contribue à diriger et à surpasser la vibrante laïcité des femmes, formes répandues et provocatrices de spiritualité. La dévotion mystique pour le Christ inclut souvent des renversements de genre, tels le culte du Christ ou la mère qui offre aussi bien le sang que le lait de son sein blessé (Quirizio da Murano, 1460-78), en plus de la valeur du Christ, fils sacrifié de Dieu, versant son sang dans une mort violente37. La Vierge Marie nourrissante semble être parvenue à rectifier une telle image. Dans des centres où les mouvements mystiques féminins sont particulièrement importants, le « seul sein dénudé » de la Vierge est promu à la signification valable de nourriture spirituelle et matérielle, condescendance curative et divine. En nourrissant le Christ, la Madone gracie tous les croyants du Christ, soulignant une fois encore son rôle de médiatrice et d’intercesseur. L’image donne un cadre bien précis et une signification orthodoxe du don charitable, en opposition au lien illimité des mendiants et de la laïcité populaire urbaine, une approche sans discrimination et autoréférentielle de la pauvreté. Tandis que les écrits des femmes mystiques continuent à suggérer un accès au Christ qui n’est pas médiatisé par la nourriture, la Madonna Lactans rappelle d’anciens rites d’adoption et d’affiliation divines par le partage du lait, reconfirmant ainsi une approche plus hiérarchique et filtrée par les rencontres nourricières avec Dieu38.
16La représentation de Péro en « charité romaine » au XVIIe siècle, en Europe, indique que le lait incestueux offert devient acceptable seulement après avoir cessé de se rapporter à la « piété » ancienne, et en se présentant comme la « preuve » de la préfiguration d’un concept chrétien. Dans le retable du Caravage, une relation visuelle complexe s’établit entre la Vierge Marie, un couple d’anges et Péro qui allaite. Marie, regardant les événements d’en haut, embrasse fermement son fils, qui est d’un âge honorablement avancé, quoiqu’il semble être encore nu, laissant voir sa peau blanche radieuse comme le nourrisson médiéval qu’il représentait habituellement. Le Christ baisse sa tête et observe les nombreuses activités charitables réalisées en bas, mais il est saisi par l’expression faciale inquiète de Péro. Le visage et le sein de Péro sont aussi lumineux que le teint de sa mère ou des deux anges, qui planent dans une autre ferme embrassade, à peine au bas de la Vierge Marie et de son fils, et paraissent se précipiter du côté de la scène terrestre animée. Le jeu dynamique de lumière et d’ombre fait ressortir l’allaitement de Péro comme le point de vue le plus important de la peinture. Son don du lait prend place non seulement sous la protection de la Vierge Marie, mais il amplifie aussi l’intérêt de son jeune fils qui, ayant maintenant un âge à être sevré, semble approuver que Cimon le remplace, et l’anticipe également comme un allaitement de charité.
17Parmi les traits récurrents partagés par Péro, la Vierge Marie et la Charité, il y a le fait que les trois dispensent leur lait à des récipiendaires qui ne sont pas leurs enfants. Péro transforme son père en fils ; la Madone nourrit Dieu, un nourrisson vraiment spécial à l’identité constituée et à la filiation compliquée ; et la Charité nourrit plus d’un enfant en même temps, exprimant l’extension de l’amour et du soin de son propre enfant portée à d’autres. En tant que telle, la représentation visuelle de la « charité » illustre le concept développé par saint Augustin sur l’amour de Dieu inatteignable, sinon à travers l’amour envers son prochain39. Le principe du déplacement métaphorique est à l’œuvre dans les trois groupes d’images. Cependant, dans le cas de Péro, ce transfert prend la forme d’un changement direct, résultat d’une constellation parentale paradoxale : le père devient le fils, avec Péro qui assume le rôle de la grand-mère40. Sa propre mère, l’épouse de Cimon, ne peut pas avoir été tout à fait exclue de la scène, quoique l’absence éclatante de mère – malgré l’évocation du symbolisme maternel – distingue puissamment cet épisode, dans le recueil de Maxime, de ces deux histoires.
18Pendant que la fille et la mère romaines assument des rôles d’échange parfaitement symétriques, l’intervention maternelle de Péro est perverse, car elle abolit la trajectoire générationnelle, diminue l’alimentation de son propriétaire légitime et augmente le désir incestueux. Dans les versions narratives de l’histoire au XVe, la réciprocité de l’échange de dons entre la mère et la fille occupe le devant de la scène, et efface les implications de l’acte de même sexe potentiellement troublant, alors que, d’un autre côté, le sacrifice de Péro pour son père n’est jamais exprimé sous forme de retour de don reçu, ou de la liquidation méritée d’une dette. Plutôt, son inintelligibilité est tenue soit pour une énigme des configurations paradoxales de la parenté, soit pour une expression de l’amour de Péro. Un tel amour extravagant pour son père ne parvient pas à atténuer les tensions relatives au danger de briser le tabou sexuel entre eux. Leur échange spécifique de fluides corporels est perçu comme un acte de vive humiliation, provoquant la honte et la peur, ainsi qu’une excitation intense, auprès de Péro, de Cimon et également du public. L’amour profond de Péro pour son père ne perd jamais de sa qualité troublante ; aucune intervention impériale finale ne l’honore, ni ne le légitime, comme c’est le cas dans l’histoire de Maxime au sujet de la fille et de sa mère romaines.
19À part son potentiel érotique incestueux, l’amour de Péro est problématique, en raison de sa nature illimitée. À l’instar de la Charité qui donne son apparent besoin infini de lait à une série indifférenciée de nourrissons nécessiteux41, Péro ne connaît pas de limites : elle défie le système judiciaire, viole les tabous et néglige le caractère directionnel unique de la descendance. Dans le contexte des systèmes de liens de la première modernité, modelés, particulièrement en Italie, selon les lois romaines de la patrilinéarité, la « charité romaine » proclame une absence conséquente de réciprocité dans les relations des filles avec leur père, et c’est cette absence qui qualifie l’acte de Péro de « charité ». Non seulement l’offre de lait de Péro est désintéressée – car elle est éloignée de l’échange économique mesurable –, mais elle est aussi dirigée vers la véritable institution, dont les ruses et les machinations la réduisent à un statut d’infériorité. Contrairement à la mystique médiévale, dont les récompenses sont attribuées après la mort, les efforts de Péro sont « compensés » par le rétablissement d’un système patriarcal imaginé pour être proche du dépérissement.
Donner et recevoir dans les relations père/fille
20Dans les anciens traités rhétoriques, l’usage de l’incarnation féminine tiré des concepts abstraits est qualifié d’actes de piété, une condescendance de la part du sujet qui parle qui dote les femmes, sans voix et d’autres personnes n’ayant pas le statut de citoyen, d’une présence médiatisée dans l’arène publique. Comme l’explique Cicéron, les apparences muettes des personnifications féminines augmentent non seulement la malheureuse piété de l’exclusion des femmes de leurs propres discours, mais elles sont aussi stratégiquement utilisées pour changer une telle compassion, une fois née, envers l’accusée, afin de renforcer la persuasion de la défense de l’avocat pour l’obtention de la grâce42. L’allégorie de Péro comme la « pietas » – complète dans l’encyclopédie de Festus – signalent ainsi le processus compliqué d’exclusions et de contestations dans la pensée ancienne relatives à l’absence chez la femme du statut de sujet. L’acte charitable de Péro suscite la compassion pour son père, au milieu des gardes de la prison et des autorités judiciaires qui la jugent, et pour elle-même, réduite comme elle est à utiliser le langage du corps dans sa résistance silencieuse à la loi. C’est cette définition potentiellement subversive de la piété filiale dans la tradition antique que la « Charité romaine » de Péro débaptisée s’efforce de supprimer, même si son intégration dans la tradition du don illimité et de l’acte de donner afin de recevoir, soulève ses propres difficultés conceptuelles. Alors que le discours religieux ne peut que prêter attention à la nature exagérée, voire dangereuse, de l’amour de Péro, discours légal qui rend son don une fois de plus inintelligible et subversif dans une culture obsédée par le calibrage du retour attendu de dons. Comment Péro a-t-elle pu être liée, par une dette, à son père ?
21Au bas Moyen Âge et au début des temps modernes en Italie, les relations père/fille sont au cœur d’un système légal sophistiqué, destiné à établir et à maintenir les relations de parenté selon une conception masculine prononcée43. Depuis le XIIIe siècle, les lois statutaires de toute l’Italie reconsidèrent le « ius commune », dérivé du Codex de Justinien (en 529), dans le respect des lois de l’héritage des femmes. L’objectif de Justinien a été d’améliorer le statut légal des femmes en définissant la dot comme une forme d’héritage « pre-mortem », une avance sur leur « legittima », par exemple sur la portion que les fils et les filles peuvent attendre, à part égale, du patrimoine de leur père. En plus, le droit d’héritage des veuves aux biens de leurs maris dans des mariages non dotaux est établi44. Lorsque, dans l’Italie médiévale, les institutions lombardes « barbares » sont remplacées par des lois romaines remises à la mode, la dot n’est plus définie comme l’équivalent de la part de la fille des biens du père, mais comme un substitut. Le droit d’héritage des veuves des biens de leurs époux est entièrement supprimé. Le fameux (et infâme) principe de l’« exclusio propter dotem » – l’exclusion d’une fille après, et à cause de, la réception de la dot – abolit et remplace le concept byzantin de « collatio dotis » qui garantissait aux filles mariées le droit de reprendre leur dot, une fois survenue la mort de leur père. En Italie du centre et du nord, la dot médiévale a eu la fonction de faciliter le statut du mariage accepté de la fille. C’est la raison pour laquelle il est reconnu « convenable » pour la richesse de son père, aucune proportion n’étant spécifiée pour les parts de son fiancé. Le mari est chargé de l’administration de la dot de son épouse, mais il a l’hypothèque de ses propriétés sur le montant fixé de façon contractuelle, afin de garantir sa restitution, au cas où le mariage finit sans enfant. Ces traits complexes du style italien de l’échange de dot ont eu pour effet de transformer celle-ci en instrument de spéculation sur la valeur du mérite des futurs membres de la famille. Ce qui est un droit de la fille à réclamer un héritage sans condition devient la possession nominale d’une somme d’argent comptant qui repose sur le mariage, le montant dépendant de sa « valeur » sur le marché matrimonial.
22Toutefois, partout en Italie, les lois statutaires préservent un principe important du discours légal romain relatif à l’échange de la dot. La responsabilité légale d’arranger un mariage convenable pour les femmes dépendantes selon une manière acceptée incombe au père ou, en son absence, à ses fils ou à ses frères. La mère n’a jamais été sollicitée à pourvoir la dot, même si les ressources du père étaient insuffisantes, et c’est cette clause libératoire qui a eu des conséquences importantes sur la dynamique de l’inflation de la dot et sur le coût des dots charitables du XVe au XVIIe siècle. Isabelle Chabot a démontré récemment que les clauses testamentaires des mères vénitiennes à l’attention de leurs filles sont censées augmenter leur dot et faire face – et, plus tard, alimenter – à la trop forte inflation critiquée des répartitions dotales dans le marché matrimonial. Les biens qui, selon les lois de succession relativement généreuses de l’intestat à Venise, sont tenus à être divisés équitablement entre les enfants de la mère, conditionnent considérablement les testaments féminins par des legs nominaux à leurs filles sous forme de dots45. L’augmentation des dots charitables des premières formes de legs pieux des habitants de la ville de la Renaissance est connue depuis qu’elle est considérée comme la « socialisation » d’un devoir qui faisait défaut à un nombre toujours élevé de pères46. L’ascension concomitante des confréries qui rassemblent, investissent et distribuent les legs en quantité croissante pour les dots charitables a un effet corrosif sur la définition légale de la dot, en particulier sur le devoir du père à y pourvoir. Dans le discours légal et pratique de la Renaissance, les obligations du père vis-à-vis de ses filles sont considérablement diminuées.
23Le Tractatus… de dotibus, et dotatis mulieribus (1479, réimprimé en 1571), de Baldo Bartolini (1408-90) constitue un exemple intéressant de la manière dont l’exonération du père face à la responsabilité légale à subvenir aux besoins de ses filles commence à être théorisée et imaginée47. Expert en droit canon et conseiller au sein du consistoire du pape, l’auteur prend une approche quelque peu non orthodoxe en définissant la « dot » – une institution hautement débattue en justice civile – par rapport à l’usage commun de la langue et au droit canon. Signalant que des individus peuvent « avoir été dotés d’un esprit vif », ou que les fonds sont susceptibles d’être « bien dotés », il explique que la pratique de l’échange de la dot nuptiale est analogue aux fondations ecclésiastiques. Ces deux formes de « patronage » peuvent être comprises dans le contexte des images nuptiales : les dots garantissent les mariages séculiers, alors que les donations pieuses maintiennent les mariages spirituels parmi les membres de l’Église. À l’opposé des patrons de l’Église, dont le but est souvent de s’assurer leur « juspatronatus » sur l’Église ou le monastère sur lesquels ils ont un pouvoir, le garant d’un mariage séculier transfère ses droits, relatifs aux femmes et à différentes parties en présence.
24Après avoir débattu pour savoir si l’échange de la dot unit lors de l’engagement conclu, expression du consentement ou de la consommation, Bartolini, le premier, préfère donner un aperçu historique de l’émergence du mariage. À ses yeux, celui-ci entre dans la catégorie de la loi civile, non naturelle, quoiqu’il se réclame aussi d’origines divines. Le mariage avait été inconnu chez les peuples « primitifs », qui, selon leur propre système matrilinéaire, « appelait chaque enfant né d’une femme légitime »48. Seulement, avec l’invention de la propriété foncière, le mariage apparaît comme une voie pour « diviser les femmes, de sorte que chaque individu puisse en avoir une », qui « était aussi le temps où le contrat de la dot fut inventé, afin que le poids du mariage puisse être supporté ». Selon lui, de telles attributions dotales étaient tenues au début pour des « donations » – contributions volontaires et non assignations exigées légalement.
25Bartolini persiste dans sa négligence en mentionnant que le « ius commune » définit les dots par rapport à l’héritage. Dans son analyse, la loi civile est née loin du besoin de réguler l’échange de la dot ; en cas de restitution ou de promesses rompues, elle apparaît, afin d’apaiser les disputes provenant des irrégularités dans ce qui doit être tenu pour des donations volontaires49. Les lois de l’héritage ont été établies comme une réflexion après coup, dans l’intention de « libérer » les dons. Le principal intérêt de Bartolini a été de définir « si la dot ou la raison de donner une dot est pieuse »50, c’est-à-dire de développer une perspective extralégale sur une institution qui, aux yeux des contemporains, détenait une signification majeure dans les définitions séculières de la parenté agnatique. Ainsi la dot « congrue » d’une fille ne peut pas être appelée pieuse, voire volontaire, depuis que la Lex Falcidia exige qu’un quart des biens du père revienne nécessairement à ses enfants. Seules les dots charitables données aux filles pauvres et des dots supplémentaires accordées aux filles nobles par d’autres membres de la famille que le père méritent d’être appelées pieuses, dans la mesure où les filles sans dots convenables sont tenues de rester célibataires ou de devenir des prostituées : « Il est dit qu’un individu ne peut pas se marier, s’il ne peut pas se marier honorablement selon ses moyens »51.
26Bartolini conceptualise, ensuite, à nouveau, la nature « volontaire » de la dot supplémentaire ou charitable, en insistant sur l’« esprit du don » du donataire, au lieu de « l’esprit de retour », plus commun. Aussi revendique-t-il que les dots « charitables » doivent être libérées de la logique de la réciprocité. Tandis qu’un père peut recouvrer les parts de la dot de sa fille, en cas de mariage sans enfant, et répartir leur montant dans l’espoir d’attirer des distributions dotales similaires ou plus élevées des fiancées de ses fils ou de ses petits-fils, des dots pieuses ne constituent pas de tels investissements. Profondément conscient de l’économie de statut à la fois de genre et de prestige qui gouverne les marchés matrimoniaux de la haute société, il en appelle aux riches contributions des fortunés pour les mariages « pieux » de leurs filles. Toute somme donnée en surplus de la portion « congrue » de la fille est en mesure de faciliter la mobilité sociale, mais il ne peut pas en être de même en cas de retour52. Seule la richesse paternelle sert de mesure à évaluer la « congruité ». Continuant dans son effort de conceptualiser l’échange de la dot des obligations paternelles et de la logique de la réciprocité, Bartolini propose de saisir les dots paternelles comme des extensions de la responsabilité du père à assurer les « alimenta », au lieu de la « legittima »53. Il maintient, par exemple, qu’un père est tenu de payer davantage la dot de la fille mariée, au cas où son gendre la gaspillait, étant donné son obligation durable de veiller sur sa progéniture légitime.
27Bartolini écrit cette enquête quelque peu idiosyncratique de l’échange de la dot, lorsque les donations pieuses sous forme de dots charitables deviennent populaires54. Au lieu de donner de façon illimitée des aumônes spécialement destinées aux « pauvres », les testateurs préfèrent massivement investir dans un type de système social que les mariages dotaux facilitent. Dans le courant du XVIe siècle, des confréries dans des villes comme Venise et Bologne attirent toujours plus de legs en faveur des dots charitables. Au XVIIe siècle, la gestion de tels fonds se développe comme une véritable industrie. La bureaucratie implique, dans sa distribution mensuelle, des centaines de petites contributions aux filles à épouser, pauvres mais méritantes, provenant d’un seul fonds de placement à la « Scuola » de saint Roch à Venise, qui rend compte par exemple de l’importance de cette mesure de bien-être55. Il est rassurant d’affirmer que, dès la fin du XVIe siècle, la majorité des dots de fiançailles échangées à Venise ou dans d’autres villes d’Italie sont en réalité « pieuses », que leur valeur de retour reste confinée à la sphère de la politique spirituelle et urbaine, comme le souhaita jadis Bartolini. Ce développement indique que le seul « don » qu’une fille peut légalement attendre de son père – sa dot – provient, dans la majorité des cas, d’une source différente.
28Retournant aux peintures considérées, on peut ainsi conclure que Péro n’est soumise à aucune obligation vis-à-vis de son père qui aurait garanti un tel sacrifice d’auto-abaissement. Quoique les contemporains aient blâmé les désirs de « luxe » des femmes en raison de l’augmentation exponentielle de l’inflation de la dot au tournant du XVIe siècle, les filles de la haute société gagnent rarement dans ce système de parenté et d’héritage qui fait dépendre la valeur de leurs parts dans la propriété familiale des ambitions de leur père et de leur propre circulation sur le marché matrimonial. Seulement dans le cas de la mobilité sociale ascendante, les jeunes femmes peuvent s’attendre à recevoir une dot proportionnellement élevée – que leurs maris sont amenés à contrôler –, alors que leurs sœurs moins fortunées sont effectivement déshéritées, « déposées » et « enterrées vivantes » dans des couvents pour une libre garantie des biens56.
Conclusion : résistance
29Le don de Péro, en tant que pieux, est abject, parce qu’il ne fait pas partie de la logique du don. En tant qu’acte de « charité », l’offre de don de Péro est libre d’aucune attente de retour et, en dernière instance, destinée à Dieu qui résout le problème de la réciprocité manquée par rapport au gain spirituel. Mais la suggestion implicite selon laquelle Péro ne doit dépendre d’aucune obligation de son père dérange. En dépit de la rhétorique contemporaine d’après laquelle la consommation des femmes pour le luxe causée par l’inflation de la dot ruine les biens de leur père, la « Charité romaine » devient populaire au moment où les obligations légales envers leurs filles sont affaiblies ou remplacées par des dons « charitables » – ou des dons d’autres personnes. Libérée de son devoir de réciprocité, Péro assume sa position de sujet en offrant une aumône charitable. Mais, éloignée de toute revendication légale envers son père, Péro métamorphose en don ce qu’elle prétend offrir.
30En même temps, Péro est encore qualifiée de « femme à l’avant-garde », comme c’est le cas lors de son don de lait duquel dépend la survie du patriarche. Selon moi, la véritable ambiguïté de cette figure a contribué à la popularité de Péro et de Cimon au cours de la période baroque. Les relations énigmatiques et conflictuelles du duo père/fille ont ainsi pu être analysées à l’intérieur des renversements et des substitutions incestueuses des configurations paradoxales. La « charité romaine », rendue acceptable par la réalisation de trois des sept travaux de la grâce, acquiert des implications séculières à une époque où les femmes commencent à résister à l’organisation agnatique d’un système de parenté qui se fonde sur leurs dépossessions57.
Notes de bas de page
1 L’auteur a analysé le texte traduit en anglais : Valerius Maximus, Memorable Doings and Sayings, éd. et trad. en anglais par D. R. Shackleton Bailey, Cambridge-Londres, Harvard University Press, 2000, 2 t. : t. 1, livre V, 4, p. 501-03. Pour l’édition française, voir Valère Maxime, Faits et dits mémorables [Factorum dictorumque memorabilium libri IX], éd. et trad. par R. Combès, Paris, Les Belles Lettres, 2003, 2 t.
2 R. Guerrini, « Allattamento filiale e pietas erga parentes in Valerio Massimo : dall’immagine al testo », R. Raffaelli, R. M. Danese (dir.), Pietas e allattamento filiale : La vicenda, l’exemplum, l’iconografia, Urbino, Settimio Lanciotti, 1997, p. 15-37.
3 Selon ce dernier usage, je procéderai de la même manière et, désormais, me référerai au père de Péro comme Cimon.
4 Jacob Duym, Een Spiegelbock inhudende ses Spiegels, vvaer in veel deuchden claer aen te mercken zijn, Leyden, 1600.
5 New vermehrtes Rath-Büchlein mit allerhand Weltlich- und Geistlichen Fragen sampt deren Beantwortungen (s.l., 1660 ; 1ère éd. Strasbourg, 1509/10), pas de pagination.
6 A. Tuck-Scala, « Caravaggio’s “Roman Charity” in the Seven Acts of Mercy’ », J. Chenault, P. et S. Scott (dir.), Parthenope’s Splendor : Art of the Golden Age in Naples, Munshower, College Park, Pennsylvania State University Press, 1993, p. 149. 150 et 133.
7 Les notaires vénitiens enregistrèrent trois autres versions anonymes du sujet. Je souhaite remercier Monika Schmitter pour ces références importantes. Voir aussi I. Palumbo-Fossati, « L’interno della casa dell’artigiano e dell’artista nella Venezia del Cinquecento » », Studi Veneziani, 8 (1984), p. 109-53. Par ailleurs, un portrait vénitien en buste de Péro dans l’acte d’allaiter son père est censé avoir été mis aux enchères pour le prix de 300 000 couronnes autrichiennes au Dorotheum, à Vienne en 1922, mais on ne le vendit pas ; on ignore où il se trouve aujourd’hui. Je souhaite remercier Johanna Mullen du Dorotheum GmbH & Co KG pour son aimable information bibliographique. « Wertvolle Italienische Skulpturen des XIV. bis XVIII Jahrhunderts. Alte Gemälde, Kunstgewerbe, Graphik », 328. Kunstauktion (22. April 1922), Dorotheum, Vienne, p. 53, fig. 82.
8 M. Seidel, « Ubera Matris : Die vielschichtige Bedeutung eines Symbols in der mittelalterlichen Kunst », Städel-Jahrbuch, N.F., vol. 6 (1977), p. 41-99.
9 H. Zschelletzschky, Die “Drei Gottlosen Maler” von Nürnberg, Leipzig, 1976.
10 J. G. Sperling, « Divenni madre e figlia di mio padre i Queer Lactations in Renaissance and Baroque Art », A. Levy (dir.), Sex Acts : Practice, Performance, Perversion and Punishment in Early Modern Europe, Florence, Le Lettere-Aldershot, Ashgate, 2009.
11 V. Maximus, Memorable Doings, op. cit., p. 501-03.
12 Sur les peintures de Manfredi relatives à la charité romaine, voir N. Hartje, Bartolomeo Manfredi (1582-1622) : Ein Nachfolger Caravaggios und seine Europäische Wirkung, Weimar, VDG, Verlag und Datenbank für Geisteswissenschaften, 2004. Sur la version de Vouet, voir V. Markowa, « Un Dipinto di Simon Vouet in Russia », Bolletino d’Arte, LXVI/12, n° 88-89 (1981), p. 139-42 ; sur la version de Preti, voir S. Cassani, M. Sapio, M. Utili (dir.), Mattia Preti : tra Roma, Napoli e Malta, Naples, 1999.
13 W. Deonna, « La légende de Péro et de Micon et l’allaitement symbolique », Latomus, 13 (1954), p. 140-166, 356-375 ; R. Rosenblum, « Caritas Romana after 1760 : Some Romantic Lactations », Th. B. Hess, L. Nochlin (dir.), Woman as Sex Object : Studies in Erotic Art, 1730-1970, New York, Allen Lane, 1972, p. 42-63 ; A. Tuck-Scala, « Caravaggio’s “Roman Charity” in the Seven Acts of Mercy », p. 127-163 ; R. Raffaelli, R. M. Danese, S. Lanciotti (dir.), Pietas e allattamento filiale : La vicenda, l’exemplum, l’iconografia, Urbino, Quattro venti, 1997.
14 Pline l’Ancien, Natural History, John Bostock, H. T. Riley (éd.), Londres, H.G. Bohn, 1855-57, 7/36, p. 121.
15 A. Tontini, « L’epigramma CIL IV 6635 (= CLE 2048) », Pietas e allattamento filiale, p. 141-160.
16 J. G. Sperling, « Divenni madre e figlia di mio padre… ».
17 Jacques de Vitry, The Exempla : illustrative stories from the sermones vulgares, éd. T. F. Crane, Cornell University Press, 1967, p. 232.
18 Jean d’Écosse (1260), Summa collationum (Augsbourg 1475), II, 2.2, sans pagination.
19 Vincentius Bellovacensis [Vincent de Beauvais, décès 1264], Speculum Historiale ; facsimilé éd., Bibliotheca Mundi seu Speculi Marioris Vincentii Burgundi Praesulis Bellovacensis (Duaci [Douais ?], 1524), Graz, Akademische Druck- u. Verlagsanstalt. 1965, p. 218-19.
20 S. Boldrini, « L’allattamento filiale nella letteratura esemplare e nella predicazione ». Pietas e allattamento filiale, p. 183.
21 Jacques de Cessoles, Le Jeu des EschazMoralisé, traduction de Jean Ferron (1347). éd. A. Collet, Paris, 1999, p. 159.
22 Girard de Roussillon, Poème Bourguignon du XIVe siècle, éd. E. Billings Ham, Yale University Press, 1939, p. 196-97. Cette épopée fut écrite entre 1330 et 1343 par un moine de Pothières, mais elle se fonde sur un poème épique du XIIe siècle dû à Girart de Roussillon. F. A. G. Cowper, « Review of Girard (Girart) de Roussillon. Poème Bourguignon du XIVe siècle by Edward Billings Ham », Speculum, vol. 17, 2 (1942), p. 286.
23 Jean Gobi (1323-1350), Scala coeli (Ulm, 1480), f° 39r°.
24 Boccaccio, Famous Women, éd. et trad. V. Brown, Cambridge, 2001, p. 271.
25 Christine de Pisan, The Book of the City of Ladies, trad. E. Jeffrey Richards, New York, Persea Books, 1983, p. 115.
26 Valerius Maximus, Factorum et dictorum memorabilium libri IX (Venise, Johannes et Gregorius de Gregoriis, 18 juin 1482), f° 115v°.
27 Valerius Maximus, Memorable Doings and Sayings, op. cit., p. 501-03.
28 R. Freyhan, « The Evolution of the Caritas Figure in the Thirteenth and Fourteenth Centuries », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, vol. 11 (1948), p. 72.
29 R. Freyhan, « The Evolution of the Caritas Figure in the Thirteenth… ».
30 Sainte Catherine de Sienne (décédée en 1380) et sainte Catherine de Gênes (décédée en 1510) : C. W. Bynum, Holy Feast and Holy Fast, p. 165-186.
31 J. Kristeva, Powers of Horror : An Essay on Abjection, New York, Columbia University Press, 1982.
32 Giotto, Chapelle des Scrovegni, 1302-05, Padoue.
33 Tino di Camaino (décédé en 1337), Florence, Musée Bardini ; Giovanni di Balduccio, Milan, Sant’ Eustorgio, 1335-39 ; Orcagna, Florence, Orsanmichele, 1352-59.
34 Voir les modèles de Camaino et Balduccio : L. W. Partridge, « The Visual Image of Charity in Venetian Art », communication donnée lors de la rencontre annuelle de la Renaissance Society of America, Chicago, 2008.
35 M. R. Miles, « The Virgin’s One Bare Breast : Female Nudity and Religious Meaning in Tuscan Early Renaissance Culture », S. R. Suleiman (dir.), The Female Body in Western Culture, Cambridge (mass.), Harvard University Press, 1986, p. 193-208 ; voir aussi le développement de cet article dans Ead., A Complex Delight A Complex Delight : the Secularization of the Breast, 1350-1750, Berkeley, University of California Press, 2008 ; M. Holmes, « Disrobing the Virgin : The Madonna Lactans in 15th century Florentine Art », G. A. Johnson, S. F. Matthews Grieco (dir.), Picturing Women in Renaissance and Baroque Italy, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 167-195. Sur les mouvements religieux féminins en Flandres, voir W. Simons, Cities of Ladies : Beguine Communities in the Medieval Low Countries, 1200-1565, Philadelphia, 2001 ; sur les communautés religieuses du tiers ordre aux XIIIe et XIVe siècles en Italie, voir E. A. Matter, J. Coakley (dir.), Creative Women in Medieval and Early Modern Italy : A Religious and Artistic Renaissance, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1994.
36 R. Starn, L. Partridge, Arts of Power : Three Halls of State in Italy, 1300-1600, Berkeley, 1992, p. 48-52. Dans ses ouvrages intitulés Painting in Late Medieval and Renaissance Siena, 1260-1555 (New Haven, 2003) et Siena and the Virgin : Art and Politics in a Late Medieval City State (New Haven, 1999), Diana Norman insiste sur la dévotion particulièrement importante à la Vierge Marie, mais ne dit rien sur la tradition de la Madonna Lactans.
37 C. W. Bynum, Holy Feast and Holy Fast, fig. 25 ; Id., Wonderful Blood : Theology and Practice in Late Medieval Northern Germany and Beyond, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2007.
38 W. Deonna, « La légende de Péro et de Micon… », p. 157 ; T. Hadzisteliou Price, Kourotrophos : Cults and Representations of the Greek Nursing Deities, Leiden, Brill, 1978 ; L. Bonfante, « Nursing Mothers in Classical Art », A. O. Koloski-Ostrow, C. L. Lyons (dir.), Naked Truths : Women, Sexuality, and Gender in Classical Art and Archaeology, Londres, Routledge, 1997, p. 174-96.
39 D. Dideberg, « Caritas », Augustinus-Lexikon, éd. Cornelius Mayer, vol. 1, Bale. 1986-94, col. 734.
40 R. M. Danese, « Lac Humanum Fellare. La trasmissione del latte e la linea della generazione », Pietas e allattamento, p. 40-72 : p. 70.
41 Voir, par exemple, la Charité de Raphaël, Prédelle du Retable Baglioni (1507), Pinacothèque du Vatican. M. Lucco et alii, La pittura nel Veneto, Il Cinquecento. vol. 1, Milan, Electra, 1996, fig. 52.
42 J. J. Paxson, The Poetics of Personification, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 12-18.
43 Ainsi la culture de la Renaissance italienne continua une antique tradition romaine. Voir E. Cantarella, « Figlie romane », L. Accati, M. Cattaruzza, M. Verzar Bass (dir.), Padre e figlia, Turin, Rosenberg & Sellier, 1994, p. 17-30. Pour la Renaissance italienne, voir entre autres M. Bellomo, Ricerche sui rapporti patrimoniali tra coniugi, Varese, 1961 ; C. Klapisch-Zuber, Women, Family, and Ritual in Renaissance Italy, trad. L. Cochrane, Chicago, University of Chicago Press, 1985 ; I. Chabot, « La loi du lignage. Notes sur le système successoral florentin (XIVe/XVe-XVIIe siècles) », Clio, 7 (1998), p. 51-72 ; T. Kuehn, Law, Family & Women : Toward a Legal Anthropology of Renaissance Italy, Chicago, University of Chicago Press, 1991.
44 D. Powers, Studies in Qur’an and Hadith : The Formation of the Islamic Law of Inheritance, Berkeley, University of California Press, 1986, p. 76.
45 I. Chabot, « A proposito di “Men and Women in Renaissance Venice”, de Stanley Chojnacki : Ricchezze femminili e parentela nel Rinascimento. Riflessioni attorno ai contesti veneziani e fiorentini », Quaderni Storici, 1 (2005), p. 203-29.
46 Le sujet des dots charitables a été étudié sous une diversité de perspectives depuis le livre de Brian Pullan qui ouvra une voie en 1971. Voir, entre autres, B. Pullan, Rich and Poor in Renaissance Venice : the Social Institutions of a Catholic State, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1971 ; S. K. Cohn Jr., Death and Property in Siena, 1205-1800. Strategies for the Afterlife, Baltimore-Londres, Johns Hopkins University Press, 1988 ; D. Romano, « L’assistenza e la beneficenza », Storia di Venezia dalle origini alla caduta della Serenissima, tome V : A. Tenenti, U. Tucci (dir.), Il Rinascimento. Società ed Economia, Rome, 1996, p. 355-406 ; P. Fontini Brown, « Le Scuole », Storia di Venezia, op. cit., p. 307-354 ; N. Terpstra, Abandoned Children of the Italian Renaissance : Orphan Care in Florence and Bologna, Baltimore-Londres, Johns Hopkins University Press, 2005.
47 Baldus Novellus, « Tractatus Notabilis singularis et utilis, de dotibus, et dotatis mulieribus, & earum iuribus & privilegijs. Editus per excellentissimum ac celeberrimum Iuris Pontificij & Caesarei doctorem monarcham & advocatum consistorialem, D. Baldum de Bartholinis, de Perusio : Inchoatus in almo studio Pisano, & completus sub anno Domini 1479, in excelso Gymnasio Perusino, cum iussu summi Pontefici ad patriam esset revocatus », De Dote Tractatus ex variis iuris civilis interpretibus decerpti. His, quae ad dotium pertinent iura, & privilegia enucleantur (Venetiis, apud Mauritium Rubinum, 1571).
48 Baldus Novellus, op. cit., p. 8, col. 2.
49 Ibid., p. 9, col. 1.
50 Ibid., p. 15.
51 Ibid., p. 16, col. 2.
52 Ibid., p. 21.
53 Ibid., p. 22.
54 B. Pullan, Rich and Poor in Renaissance Venice, op. cit. ; S.K. Cohn Jr., Death and Property in Siena, op. cit. ; D. Romano, « L’assistenza e la beneficenza… » ; P. F. Brown, « Le Scuole… » ; N. Terpstra, Abandoned Children of the Italian Renaissance, op. cit.
55 Archivio di Stato de Venise, Scuola di San Rocco, seconda insegna, registre 641.
56 J. G. Sperling, Convents and the Body Politic in Late Renaissance Venice, Chicago-Londres, University of Chicago Press, 1999.
57 Pour la fin du XVIe et le XVIIe siècle à Venise, où le discours pro-féministe était le plus prononcé, voir Moderata Fonte (Modesta Pozzo), The Worth of Women : Wherein is Clearly Revealed Their Nobility and Their Superiority to Men, éd. et trad. V. Cox, Chicago, University of Chicago Press, 1997 ; 1ère édition italienne à Venise, 1600 ; Lucrezia Marinelli, The Nobility and Excellence of Women, and the Defects and Vices of Men, éd. et trad. A. Dunhill ; introd. L. Panizza, Chicago, University of Chicago Press, 1999 ; 1ère édition italienne à Venise, 1600 ; Sœur Arcangela Tarabotti, Paternal Tyranny, éd. et trad. L. Panizza (Chicago, University of Chicago Press, 2004 ; 1ère édition italienne à Leiden, 1654).
Notes de fin
* L’article a été traduit de l’anglais par Lucien Faggion.
Auteur
Hampshire College USA
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