Don, échange, réciprocité. Des usages d’un paradigme juridique et anthropologique pour comprendre le lien social médiéval
p. 9-22
Texte intégral
La notion de « don/contre-don » est-elle pertinente en Histoire ?
1Poser une telle question dès l’abord d’une présentation introductive sur les usages par les historiens médiévistes du concept de « don/contre-don » forgé dans les années 1920 par l’anthropologue Marcel Mauss revient, de fait, à en souligner d’emblée les limites. Car si, comme le rappelle Eliana Magnani1, le paradigme du don est aujourd’hui à la mode, aussi bien dans la production historique que dans les ouvrages de sciences sociales en général, pour autant cette notion ne laisse pas de présenter nombre de difficultés à qui cherche à en appliquer les principes aux sociétés passées. En ce domaine, comme en beaucoup d’autres, l’historien se doit de repenser à fin d’appropriation le concept anthropologique et de poser de manière liminaire les éléments d’une réflexion théorique dont on ne saurait faire ici l’économie. Posons donc quelques jalons en guise de préambule.
2Lors de la parution, en 1923, de l’article fondateur de Marcel Mauss dans la revue l’Année sociologique, l’histoire du don a déjà commencé depuis une cinquantaine d’années2. L’anthropologue se place alors dans le courant d’une longue série de réflexions théoriques, non interrompue depuis, relative aux formes « élémentaires », ou « primitives » (entendues à cette époque comme propres aux sociétés non occidentales), des institutions et des faits sociaux, et portant plus particulièrement sur les dynamiques de l’échange fondateur du lien social. Les principes de la théorie de Mauss reposent en trois points :
- la société « primitive » fonctionne sur un système d’échanges que l’on peut qualifier de « système social du don ». Ce système a pour dynamique la force contenue dans la chose que l’on donne – ce qu’il nomme l’esprit du don – qui fait que le donataire la rend. Autrement dit, la réciprocité, d’apparence volontaire mais de fait obligatoire, se trouve codifiée par un ensemble de règles et d’obligations qui crée l’équilibre de la relation instaurée par le don. Le modèle que suit Mauss est ici le système du « potlatch », décrit par l’anthropologue Franz Boas en 1886, que l’on rencontre dans les sociétés amérindiennes de la côte nord-ouest du Canada : à l’occasion d’une fête, un échange de dons est réalisé par des individus qui représentent des groupes de parenté différents et qui concrétisent ainsi le lien social noué entre deux parentèles.
- Cet échange peut prendre un caractère compétitif ; il s’agit alors d’un don de rivalité, ou de défi, qui met en jeu l’honneur et engendre un déséquilibre entre les parties, ou pour reprendre une expression de Mauss, une « lutte de richesse ». Un tel échange est qualifié d’agonistique. C’est notamment en ces termes que sont (ré)analysées les pratiques des élites de la société du haut Moyen Âge depuis une quinzaine d’années au sein desquelles l’échange de biens est perçu comme un moyen d’obtenir prestige et honneur3.
- Trois obligations se manifestent toujours dans l’échange et en créent le caractère social nécessaire, ce que Claude Lévi-Strauss posera comme fondement à l’ordre social faisant de l’échange une obligation à l’existence de la société4 : donner-recevoir-rendre. Mauss résume cette dynamique de la sorte : donner c’est affirmer sa supériorité sociale, refuser c’est déroger à la bienséance, recevoir sans rendre c’est se placer en situation d’infériorité car le don reçu se transforme alors en dette et engendre une forme de dépendance.
3La raison profonde de l’échange de dons toucherait donc, selon Mauss, plus à affirmer l’être social qu’à accumuler des richesses ; elle se situerait de la sorte à l’opposé d’une conception économique « de marché » fondée, quant à elle, sur le profit. Ceci ne veut pas dire pour autant que le système du don/contre-don n’engendre aucune forme d’économie, cependant cette dernière n’est pas de type capitaliste – au sens où les biens échangés n’ont pas une valeur marchande fixée par l’investissement, le profit et le labeur fourni – mais repose sur une valeur symbolique non matérielle, celle-la même qui est attachée aux cadeaux et aux largesses à l’origine du lien social, et qui peut conduire à l’idée de gaspillage. On sait quel profit Georges Duby tira, en 1973, de cette thèse pour décrire l’économie seigneuriale et mettre l’accent sur l’importance dans la société médiévale des pratiques ostentatoires chez les puissants5.
4Pourtant, le caractère désintéressé du don, ou posé comme tel dans la mesure où il ne s’inscrirait pas dans une logique de marché, constitue un réel point de discussion. Si l’on comprend aisément la fortune récente de telles conceptions pour tenter de saisir les dysfonctionnements actuels de nos sociétés capitalistes6, il est nécessaire pour les historiens de dépasser l’opposition posée par les anthropologues et les sociologues entre le système tautologique du marché, qui repose sur une conception utilitaire et intéressée de l’échange, et celui du don, supposé gratuit et appuyé par une pulsion individuelle, pour atteindre aux réels mécanismes du don dans les sociétés anciennes.
5La thèse du don repose sur la dialectique nouée entre trois pôles que les historiens ont souvent acceptés comme acquis mais qui suscitent pourtant nombre de questions voire de remises en cause.
6La notion de réciprocité obligatoire, tout d’abord, qui sert seule à qualifier « d’échange » la relation créée par le don dans le sens où Mauss ne la conçoit pas comme dissociée du don. C’est pourtant sur la pertinence du caractère d’échange que revêt la relation de don que portent à l’heure actuelle les critiques les plus sévères formulées par les anthropologues eux-mêmes. Ainsi, dans un ouvrage récent, Alain Testart fait-il remarquer que le don implique, en termes juridiques, la renonciation à tout droit de propriété sur le bien cédé et interdit, par là même, la réciprocité, au contraire de l’échange qui repose quant à lui sur un transfert réciproque. La question des formes légales du don est, effectivement, un enjeu important d’application à la matière historique de la notion de don/contre-don. Peut-on, de la sorte, considérer que tout type juridique de transfert est assimilable à un don ? La question se pose de manière d’autant plus cruciale pour les médiévistes que, si le verbe « donner » est bien employé dans les textes, les réalités juridiques qu’il recouvre ne sont pas toujours identifiables au don. Ainsi en va-t-il de la donation rémunérée dont les formes relèvent plus de la vente que du don gratuit7. Dans le même ordre d’idées, les spécialistes des relations entre l’Église et l’aristocratie se sont interrogés sur le caractère en apparence inaliénable qu’acquièrent certains biens donnés à l’Église, pour souligner la façon dont celle-ci redistribue ces biens sous la forme de contrats agraires8. De même, peut-on considérer que tout type juridique de bien est susceptible de faire l’objet d’un don ? Une tenure, dont on ne possède que l’usufruit et non la propriété, ou dont l’on cède la possessio sans renoncer à la propriété, peut-elle entrer dans ce schéma ? Si l’on considère que la réponse doit être négative, alors il convient de revenir sur l’analyse de la relation vassalique donnée par Jacques Le Goff en 1977. L’historien, proposait, en effet, à cette époque une lecture des rituels du lien vassalique susceptible de rendre compte d’un système global d’échange qu’il considérait être au fondement du rapport d’autorité féodal9. Dans le prolongement des études menées par J. Le Goff, on a également cherché à appliquer les théories développées par M. Mauss sur le don et le contre-don à l’analyse de l’investiture du fief par le seigneur10. La relation vassalique peut en effet se prêter selon certains à une lecture anthropologique, qui assimile le fief à un don effectué en échange d’un service passé et non pas à venir (une interprétation qui écarte donc les aspects contractuels trop strictement « économiques » induits par la lecture juridique du lien vassalique) et fait reposer l’équilibre du lien, exprimé par la fidélité, sur la garantie de l’honneur des deux parties.
7La question de la nature des biens objets de donations a été soulevée plus récemment par l’anthropologue M. Godelier dans un ouvrage qui se voulait être une critique raisonnée des analyses maussiennes11. Il y définit notamment ce qu’il entend par « système de prestations totales », un concept qu’il substitue à celui du don/contre-don pour analyser les échanges – ou prestations – opérés à l’échelle de l’ensemble des domaines qui forment une société et entre l’ensemble des groupes qui la composent. Ce faisant, il pointe plusieurs faiblesses dans l’analyse de Mauss, notamment celle de ne pas avoir remarqué la présence de biens qui ne peuvent pas faire l’objet d’un échange (ce sont les biens, matériels ou symboliques, qui forment l’identité d’un groupe social), ou encore d’avoir négligé un domaine d’échanges pourtant prégnant, celui qui concerne les dons des hommes aux dieux et aux hommes qui les représentent sur terre. L’anthropologue fait également porter son analyse sur les différents types d’échanges qui peuvent conduire à l’établissement d’un lien social équilibré.
8Au cœur de la réflexion d’A. Testart se situe la notion de « transfert » ; selon lui, un échange – qui n’implique donc pas la perte de tout droit de regard sur le bien cédé – ne peut se caractériser que par un double transfert, le « transfert » étant entendu comme le mouvement qui conduit à ce qu’un bien qui était à la disposition d’un agent social passe de manière légitime à la disposition d’un autre agent social. On peut résumer ce point de vue par le schéma suivant12 :
Les trois modes de circulation des biens matériels et symboliques
Définition juridique | Mode conventionnel et juridique entre les parties | Mouvement des biens |
vente | contrat | Transfert total ou partiel de la propriété et/ou des biens |
échange | Entrée volontaire dans l’échange | Transfert réciproque |
don | Acceptation de la donation | Transfert de la pleine propriété |
9A. Testart préfère donc parler d’échange plutôt que de don si la relation repose sur la réciprocité et trouve, par là, son équilibre. Cet aspect juridique de l’échange est fondamental pour les historiens puisque déséquilibrer volontairement la relation revient à instaurer délibérément une situation de dépendance, c’est-à-dire un pouvoir. C’est également dans cette posture que se trouvent placés les Chrétiens vis-à-vis de Dieu, de manière affirmée sur un plan doctrinal au moins à partir de la réforme grégorienne au XIIe siècle. L’analyse des échanges matrimoniaux opérée par M. Godelier dans son ouvrage paru en 1996, sur la base d’un travail de terrain réalisé en Nouvelle-Guinée à partir de la fin des années 1960, mettait déjà l’accent, par un autre biais, sur cet élément très intéressant pour les historiens : l’anthropologue est conduit à observer que la dette engendrée par un don, dans ce contexte, ne se trouve pas annulée ou effacée par un contre-don identique ; en effet, « si le contre-don n’efface pas la dette, c’est parce que la « chose » donnée n’a pas été vraiment séparée, disjointe complètement de celui qui la donne […] et il y a plus, car celui qui donne ne cesse pas d’avoir des droits sur la chose après l’avoir donnée13. »
Que faut-il préférer au « don » maussien ?
10La thèse développée par Mauss laissait, en effet, une question sans réponse : que se passe-t-il si le contre-don ne peut être assuré ou si l’on cherche à déséquilibrer systématiquement l’échange et à pérenniser la dette ? C’est de la sorte toute la complexité des relations à l’autre qui est posée, pour finalement dépasser, en l’adaptant, le concept anthropologique de l’échange réciproque. Au-delà des concepts de dons volontaires/obligatoires, gratuits/intéressés, il convient de cerner la valeur de l’objet donné, accordée par celui qui l’a donné, le reçoit et le rend, les logiques à l’origine de cet acte, l’éthique fondant le lien social, et les approches à la fois théoriques et pratiques de l’échange. C’est précisément cette idée d’équilibre instauré par l’échange, qu’il porte sur des biens matériels ou symboliques, qui pose problème aux historiens et rend le paradigme anthropologique du don/contre-don difficile à appliquer tel quel aux sociétés passées. Il pose, en effet, un certain nombre de questions autour desquelles se sont dessinés les différents champs d’application de cette théorie.
11Car qu’est, au demeurant, une relation « équilibrée » ? Les historiens se sont emparés de cette interrogation pour souligner les dynamiques à l’œuvre dans le cadre de l’échange, leurs modalités et leurs finalités14. Ils ont, ainsi, révélé que l’équilibre peut être atteint de différentes manières, par la recherche d’un lien d’amitié entre laïcs et établissements ecclésiastiques par exemple15, ou encore par la fixation d’un lien hiérarchique entre les parties, ce qui permet l’usage de ce paradigme dans l’analyse des formes de relations qui impliquent l’affirmation d’une autorité ou l’imposition d’un lien de sujétion.
12La logique d’autorité du don, déjà soulignée en son temps par Mauss, ouvre ainsi le champ à un autre usage historiographique possible de cette théorie, dans le sillage de l’anthropologie politique. Celle-ci fournit désormais aux historiens des modèles d’organisations sociopolitiques qui vont bien au-delà de l’opposition naguères classique entre sociétés à État et sociétés sans État ; elle offre également des outils d’analyse sur la façon dont le pouvoir s’acquiert, se répartit, se transmet, sur les différents rôles de responsabilité que divers groupes sociaux peuvent être conduits à jouer, sur l’imbrication, enfin, dans le domaine du politique des phénomènes relevant de la parenté, de l’économie, de la religion, et des processus de stratification sociale16. La théorie du don peut être, de ce fait, également opérante dans l’étude du champ politique, car elle représente l’une des façons d’imposer une autorité et de légitimer, en traduisant la relation de domination en termes socialement acceptables, l’exercice d’une puissance sur un individu ou un groupe. Elle permet aussi de comprendre comment se noue le lien de dépendance, au sens anthropologique du terme, c’est-à-dire un rapport au sein duquel les deux parties vont avoir avantage à l’établissement de la relation, un rapport « ritualisé » également, dont la mise en scène révélera la dynamique opérante au cours de l’échange (la fameuse « dette » engendrée par le don).
13C’est, de la sorte, la définition même de la dépendance qui est posée, et de ses modalités pratiques de mise en forme, par le rituel public, mais aussi par le droit. L’écriture juridique de l’échange, par le contrat ou encore la charte de franchises, est un domaine déjà bien exploré par les historiens ruralistes du haut Moyen Âge, et de plus en plus par ceux des époques plus récentes17. Il impose d’envisager tout type d’écrit susceptible de conférer à l’échange un caractère socialement performant, de réfléchir à l’articulation entre les champs de l’oralité, du public, de l’écrit et du juridique, de replacer également l’histoire du droit des contrats et des théories relatives à l’équité fiscale, notamment, dans un contexte plus large.
14Ce sont ces difficultés que les études menées dans le champ de l’histoire médiévale ont permis de soulever et de confronter. Voyons maintenant quelques grands domaines dans lesquels la théorie du don a pu être utilisée.
La cellule première de l’échange : la parenté
15En termes anthropologiques, la famille apparaît comme le lieu premier dans lequel se placent les échanges18. En particulier, l’un des éléments fondateur de la parenté – l’alliance matrimoniale – se révèle être un moment privilégié de manifestation de cette logique par la série de transactions matérielles qu’il génère. Il convient de distinguer, à ce propos, (ce que la terminologie employée dans les sources ne permet pas toujours de faire) la dot -paiement effectué par les parents de la fille lors du mariage – qui, selon l’analyse des anthropologues, est généralement destinée au jeune couple et demeure la propriété de la femme. Il s’agit le plus souvent d’une forme anticipée d’héritage. À cette dot s’oppose ce que l’on a pris coutume d’appeler le « bride price » – ou « prix de la fiancée – qui désigne la pratique par laquelle les parents d’un garçon doivent donner une compensation matrimoniale aux parents de la fille qu’il désire épouser. Là réside la clé de l’interprétation anthropologique du mariage et de son assimilation à un espace de prestations totales19, puisque, et contrairement à ce que pourrait laisser supposer l’expression « prix de la fiancée », le mariage n’est jamais assimilable à un achat pur et simple, les transactions qui l’accompagnent devant s’entendre comme le transfert de certains droits, et non de tous les droits, sur la femme et sa progéniture.
16Appliquer ce schéma aux sources médiévales a permis de démonter le mécanisme des échanges à l’œuvre lors des alliances matrimoniales20. Dot et douaire se rencontrent, en effet, de manière concomitante dans les sociétés germaniques établies en Occident dès le Ve siècle. Les alliances matrimoniales sont l’occasion d’un transfert de patrimoine, opéré en plusieurs étapes, qui comprend la dot (sous forme de cadeaux et du trousseau de la fiancée) et le douaire. Celui-ci, par la terminologie qui est employée et le rôle qui lui est assigné dans la législation germanique apparaît au cœur du système d’échanges réciproques ; en outre, la propriété de ce douaire et les droits qui peuvent être exercés dessus peuvent le transformer en un élément sur lequel la parentèle de l’épouse possède un droit de regard. C’est ce qui explique les stratégies déployées par les familles pour le sortir du circuit de l’héritage en le donnant à l’Église par exemple21.
Le « système » du don à l’Église
17La signification des échanges patrimoniaux opérés en faveur de l’Église et l’interprétation de la faveur rencontrée par les différents ordres religieux en Occident a fait l’objet de nombreuses études qui touchent, de manière plus large, au domaine du don compris comme la diversité des échanges possibles entre les vivants et les morts. L’ouvrage que consacra au sujet Barbara Rosenwein22 fit date. Elle y analysait le courant des donations foncières opérées par les aristocrates, voisins du monastère, en faveur de l’abbaye de Cluny entre 909 et le milieu du XIe siècle, en s’attachant notamment au vocabulaire employé dans les chartes pour décrire ces différents types de transferts. Ainsi, les dons et autres formes d’aliénation de biens pouvaient se comprendre comme les outils par lesquels se tissait un réseau d’amitié23 aux liens serrés et aux fondements complexes. Car ce n’était pas seulement des bienfaits spirituels que les nobles attendaient en retour de leurs dons, mais bien aussi de pouvoir profiter d’avantages matériels retirés du voisinage de l’abbaye.
18Cette analyse implique que l’équilibre atteint par l’échange de dons entre l’Église et les grands repose sur une égalité des parties – garantie de la paix – qui passe par le transfert de la possessio du bien et se manifeste par le lien d’amicitia qui en découle. Les donations pro anima en particulier ont ainsi été interprétées comme une pratique sociale permettant aux établissements monastiques de se constituer en pivots des réseaux sociaux24. Ce dernier point a fait l’objet de reconsidérations récentes25, par lesquelles il apparaît que le sens profond de la donation n’est pas d’imposer une égalité avec les moines mais de créer une forme de relation d’autorité et de manifester, par là même, de façon publique, la potestas du lignage donateur. Les bienfaits spirituels obtenus en retour, s’ils ne sont pas à négliger, représentent la contre partie d’un acte bien plus complexe en réalité que ne le laisse supposer le vocabulaire employé puisqu’il équivaut à un acte de puissance en même temps qu’il correspond à une affirmation du statut social de l’ensemble de la parentèle donatrice.
19En ce sens, la rupture des réseaux d’amitié qu’entraîne la crise grégorienne en Provence, par exemple, peut être un indice révélateur d’une crise plus profonde du système social fondé sur le don dont les soubassements idéologiques vacillent à un moment donné, en l’occurrence par le jeu de la concurrence opérée par la seigneurie ecclésiastique. Ces « ruptures » périodiques du lien social peuvent être dues au système même du don qui nécessite, pour fonctionner correctement, de reposer sur une certaine réciprocité. Lorsque le don ne peut être rendu, comme dans le cas d’une donation à un établissement ecclésiastique, c’est alors l’amitié créée par le lien qui jouera, en quelque sorte, le rôle de compensation à la dette ainsi engendrée26.
20La question de la gratitude que les donateurs laïques doivent à l’Église dans le cadre du réseau complexe qui les lie, doit être mise en rapport avec le discours théologique savant fondé sur la notion de « charité » qui ne peut être interprétée comme une obligation. Dans un article récent, Sylvain Piron27 analyse ainsi la notion d’antidora que les théologiens utilisent pour désigner la contre partie d’une transaction importante, qui repose sur le concept de réciprocité contenu dans la gratitude impliquée par l’échange et l’exigence de charité. Ce concept d’antidora trouvera son application, au XVIe siècle, dans le domaine immatériel des civilités, ce qui n’est pas encore le cas au moment où il se forge dans le discours théologique au XIIIe siècle.
Lien social, lien de domination
21Cette approche présente l’avantage de mettre en lumière la question de la dette que l’échange suppose et des formes de dépendance qu’il engendre dans la mesure où ce système fait de celui qui reçoit l’obligé de l’autre. Elle fait ainsi pénétrer l’historien dans un autre domaine de la relation de domination, celui du collectif et des rituels qui le définissent, celui du politique et des structures sociales qui le sous-tendent. En termes anthropologiques, on peut tenter de lire le lien politique de domination comme un système d’échange, inégal puisqu’il est destiné à produire une hiérarchie mais non déséquilibré, dont il convient de déterminer les termes (qu’est-ce qui est échangé ?) et la dynamique (a-t-on affaire à une application du modèle maussien du don/contre-don ?).
22Le paradigme du don peut être, en effet, au fondement même du lien politique, de manière directe par les cadeaux et autres dons que le pouvoir en place va réaliser afin de tisser un réseau de clientèle ou de sujétion, ou indirecte par les échanges symboliques auxquels l’exercice de l’autorité donne lieu. C’est tout l’objet des études récentes sur le pouvoir de grâce, notamment, et du vocabulaire qui l’entoure28. Ainsi, « l’octroi », forme souveraine et arbitraire du pouvoir, n’implique-t-il pas de réciprocité mais trouve sa légitimation dans la manifestation publique du pardon du souverain. La grâce accordée aux débiteurs, objet de la thèse de Julie Mayade-Claustre29, entre également dans ce schéma dans la mesure où il s’agit d’un don royal, celui du temps nécessaire à honorer la dette, qui transfère sur la personne du roi l’obligation contractée par le débiteur envers son créancier. Ces études mettent l’accent sur la réalité polymorphe de la domination et permettent d’appréhender par le haut le rôle attribué à l’affect dans le lien de sujétion. Ainsi, Priscille Aladjidi a-t-elle pu montrer en quoi les multiples formes revêtues par l’aumône aux pauvres, entendue à la fois comme une vertu et une pratique du pouvoir souverain, s’étaient transformées en un véritable outil de gouvernement à partir du XIIIe siècle car elles contenaient l’amour dû par le roi à ses sujets30.
23La question de l’instauration d’une forme de pouvoir par l’échange et des espaces possibles dans lesquels cette équation peut s’avérer opératoire tend à être également appliquée, depuis une petite vingtaine d’années, au domaine de la seigneurie. Cela ne va pas sans mal, car considérer la seigneurie comme un espace possible d’échanges réciproques peut sembler choquant tant notre vision de cette institution se trouve conditionnée par l’historiographie passée. Il est vrai que l’idée selon laquelle la seigneurie se réduirait à un système d’exploitation coercitif du travail et des productions paysannes, répondant à la seule logique de l’intérêt privé du seigneur, demeure encore très prégnante ; c’est de la sorte que l’on comprend généralement l’évolution du prélèvement seigneurial du reste : il serait de l’intérêt du dominant, pour répondre à ses besoins ostentatoires, de monétariser les échanges avec ses hommes et de préférer le travail salarié, plus rentable et efficace, à la corvée considérée comme une forme « archaïque » de seigneurie31.
24Pourtant, la relation seigneuriale peut se prêter à une lecture anthropologique, pour peu que l’on s’attache aux rituels du rapport de domination qui lui confèrent un caractère public et collectif. Ainsi, la seigneurie peut-elle être vue comme un « lieu d’échanges » dans la mesure où elle recèle ce que M. Mauss avait nommé la « logique d’autorité » du don – ou de l’échange –, c’est-à-dire l’obligation de rendre le don reçu qui entraîne une dette de la part du receveur tant que le contre-don n’a pas été fourni. Certains médiévistes ont vu dans cette dette la marque de la dépendance et la possibilité offerte aux seigneurs de déployer des stratégies en maintenant, de manière régulière, les personnes soumises à leur domination dans cette situation débitrice, par un jeu opéré sur les lieux et le temps de la perception des taxes. Les rituels seraient une forme de reconnaissance publique de cette dette. Dès 198832, l’ethnologue et historienne Martine Grinberg analysait ainsi la seigneurie, sur la base des données contenues dans les aveux et dénombrements, les terriers et les cartulaires de la fin du Moyen Âge confrontées aux coutumes rédigées au XVIe siècle et aux collections de droits seigneuriaux constituées par les juristes de la fin de l’époque moderne, comme un microcosme fonctionnant sur la base d’échanges ritualisés de biens et de services. Ces rituels revêtaient une dimension temporelle (c’est le calendrier des redevances), concernaient et conditionnaient la nature du prélèvement (en nature ou en monnaie) et mettaient en scène la dette liant dominés et dominants. Dans un article récent, Julien Demade33 propose même de voir dans la relation entre un seigneur et un dominé une forme chrétienne de « dette » : le terme utilisé dans la documentation d’Allemagne du sud qu’il étudie pour désigner l’ensemble des devoirs du dominé – die Schuld – signifie à la fois la dette et la faute reconnue. Au fondement du rapport de domination seigneuriale ne peut donc qu’être le pardon, la grâce seigneuriale, qui expliquerait les nombreux arrérages dont la documentation atteste.
25La fiscalité ne peut, cependant, représenter de manière satisfaisante la contre partie au don – de la grâce ou de la protection – accordé par le seigneur dans la mesure où les deux éléments de l’équation ne sont pas de même nature, n’impliquent pas la même obligation et ne réussissent pas, en définitive, à équilibrer la relation. Poursuivant ce type d’analyse, je me suis appuyée, dans mon mémoire d’Habilitation34, sur le schéma élaboré tout récemment par l’anthropologue Alain Testart, que l’on peut résumer de la sorte : « l’échange, c’est l’ensemble de deux transferts inverses par lesquels deux parties s’obligent réciproquement, l’obligation de l’un étant source de l’obligation de l’autre. […] C’est aussi un phénomène de droit, avec deux obligations, deux dettes qui se répondent et doivent s’annuler. »35 Pour appliquer ce schéma à la relation seigneuriale, il convenait de s’interroger plus particulièrement sur le caractère de l’échange qu’elle pouvait revêtir ainsi que sur les notions d’obligation et d’exigibilité. Dans le cadre du lien de domination établi entre un seigneur et une communauté en Provence, le premier transfert qui s’effectue est celui contenu dans le serment de fidélité que les hommes prêtent à leur seigneur. Ce rituel oblige les hommes, au sens juridique du terme, la rupture de la fidélité étant généralement punie de la peine de mort. Dans le cas du serment, en outre, chacun des deux transferts – entre les hommes et le seigneur, et entre le seigneur et les hommes – est à la fois la cause et l’effet de l’autre, ce que les textes expriment en liant de manière intrinsèque exercice de la dominatio et serment de fidélité. Le second transfert, qui constitue la contre partie de la fidélité des hommes, ou encore l’obligation juridique du seigneur envers eux, est la bienveillance dont celui-ci doit faire preuve vis-à-vis de la communauté, une bienveillance que l’on voit notamment à l’œuvre dans l’exercice de la justice : il ne s’agit pas, par ce terme, de laisser entendre que la justice seigneuriale serait indulgente, voire laxiste, mais de souligner ses objectifs qui sont avant tout de préserver les éléments de cohésion du groupe ainsi que ses valeurs, par le biais notamment d’un usage « raisonné » des peines corporelles destinées, lorsqu’elles sont effectivement appliquées, à exclure et stigmatiser plutôt qu’à punir de manière exemplaire.
26Faut-il, en définitive, substituer une autre théorie à celle avancée par M. Mauss, qui serait le fruit des analyses propres aux historiens36 ? Les modèles d’interprétation globaux et systémiques sont-ils les plus pertinents pour atteindre la vérité historique37 ? Si l’historien a besoin d’outils méthodologiques théoriques et doit impérieusement participer à leur forgement sans se contenter de les décalquer simplement d’autres sciences sociales, le discours idéologique qu’il est légitimement en droit de produire ne doit pas, pour autant, se confondre avec ceux-ci. Il me semble que, sur ce point, la théorie du don est typiquement un outil et non un discours ; elle a eu le grand avantage de conduire les historiens à s’interroger sur les dynamiques à l’œuvre dans la circulation des biens, dont le don est un moteur parmi d’autres. En ce sens, il est un instrument d’analyse théorique du lien social mais ne peut le contenir en totalité. En faire un système social confronte, en effet, à de multiples problèmes si l’on veut sortir de l’idée d’universalité pour contextualiser les situations de dons, ce qui est, somme toute, le propre de l’historien.
Notes de bas de page
1 E. Magnani (dir.), Don et sciences sociales. Théories et pratiques croisées, Dijon, EUD, 2007, p. 7-13.
2 Ibid., p. 16-20.
3 R. Le Jan, « Le don et le produit sauvage », dans Femmes, pouvoir et société dans le haut Moyen Âge, ch. 8, p. 119-131 (ici p. 120), Paris, Picard, 2001.
4 C. Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, Paris, PUF, 1949.
5 G. Duby, Guerriers et paysans, Paris, Gallimard, 1973.
6 Voir J. T. Godbout, Le don, la dette et l’identité, Paris et Montréal, Boréal/La Découverte, 2000 et Idem, Ce qui circule entre nous. Donner, recevoir, rendre, Paris, Seuil, 2007.
7 L. Verdon, La terre et les hommes au Moyen Âge, Paris, Ellipses, 2006, p. 33.
8 Ibid., p. 19-28. et B. Rosenwein, Negotiating Space Power, Restraint, and Privileges of Immuning Early Medieval Europe, Cornell University Press, Ithaca-Londres, 1999.
9 J. Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité », dans Simboli e simbologia nell’alto Medioevo, Settimane di studio del Centro italiano di studi sull’alto Medioevo, XXIII, Spolète, 1976, p. 679-788 ; repris dans Pour un autre Moyen Âge, Paris, Gallimard (Quarto), 1999, p. 333-399. Dans cet essai, Jacques Le Goff tente d’interpréter le rituel vassalique selon la méthode ethnographique, en s’attachant à la signification de ce qu’il nomme les éléments du « contexte », c’est-à-dire les déplacements, lieux, public et gestes que cette cérémonie induit.
10 Voir sur ce thème notamment : S. D. White, « Service for Fiefs or Fiefs for service. The Politics of Reciprocity », dans Rethinking Kinship and Feudalism, Ashgate Variorum, Aldershot, 2005, XII, p. 63-98, ici plus spécifiquement p. 63-73 pour un point historiographique récent.
11 M. Godelier, L’énigme du don, Paris, Fayard, 1996 (réed. Flammarion, 2002).
12 D’après A. Testart, Critique du don. Études sur la circulation non marchande, Paris, Syllepse, 2007, p. 218. Les titres donnés au tableau et à ses composantes (gras) sont nôtres.
13 M. Godelier, L’énigme…, p. 61.
14 C’est notamment l’objet, et l’apport principal, des travaux d’Eliana Magnani Soares qui a pu montrer le rôle des intermédiaires dans l’échange entre laïques et établissements ecclésiastiques, les transformations opérées par le don dans le cadre de la donation « pro anima » qui transforme à la fois le bien donné et le donateur en raison des finalités assignées à l’échange, ses différentes pratiques, enfin, et leurs représentations sociales, une façon de « comprendre la société médiévale de l’intérieur à partir de ses propres représentations. » Voir notamment : E. Magnani S. Christen, « Transforming Things and Persons. The Gift pro anima in the XI and XII century », dans G. Algazi, V. Groebner, B. Jussen (dir), Negotiating the Gift. Pre Modern Figurations of Exchange, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 188, 2003, p. 269-284.
15 C’est ce que montrent les ouvrages de Barbara Rosenwein, notamment : To Be the Neighbor of Saint Peter. The Social Meaning of Cluny’s property, 909-1049, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 1989.
16 L’un des pères fondateurs de l’anthropologie politique en France est Georges Balandier, dont on peut lire, en dernier lieu : Anthropologie politique, Paris, PUF, 2004 (5e édition).
17 Et par les ethnologues ; voir notamment : M. Grinberg, Écrire les coutumes. Les droits seigneuriaux en France, Paris, Seuil, 2006.
18 Ce qui ne veut pas dire que la famille soit la cellule portante de la société, comme le souligne M. Godelier dans son dernier ouvrage : Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l’anthropologie, Paris, 2007.
19 M. Godelier, L’énigme…, p. 49-53.
20 Ces réflexions doivent être replacées dans le contexte plus large du renouvellement historiographique qui concerne depuis quelques années les systèmes de parenté à l’époque médiévale. A l’heure actuelle, les médiévistes s’entendent pour considérer que les structures de parenté demeurent largement cognatiques et reposent sur des stratégies matrimoniales qui combinent le renouvellement des réseaux d’alliances et d’amitié par l’affinité avec le respect des interdits de parenté. Voir en dernier lieu sur ce point : R. Le Jan, « De la France du Nord à l’Empire. Réflexions sur les structures de parenté au tournant de l’An Mil », dans P. Bonnassie, P. Toubert (dir), Hommes et sociétés dans l’Europe de l’an mil, PUM, Toulouse, 2004, p. 163-184.
21 R. Le Jan, F. Bougard, L. Feller (dir), Dot et douaire dans le haut Moyen Âge, collection de l’EFR n° 295, Rome, 2002
22 B. Rosenwein, To be the Neighbour…
23 Barbara Rosenwein a repris très récemment ce dossier et livré une interprétation nouvelle de ce lien qui repose, selon elle, sur une forme d’affect. Voir sa communication au colloque EMMA 3 intitulée « Les usages politiques d’une communauté émotionnelle : Cluny et ses voisins, 833-965 ».
24 E. Magnani Soares-Christen, Monastères et aristocraties en Provence, milieu Xe-début XIIe siècle, Münster, 1999.
25 F. Mazel, « Amitié et rupture de l’amitié. Moines et grands laïcs provençaux au temps de la crise grégorienne (milieu XIe-milieu XIIe siècle) », Revue historique. 307/1, 2005, p. 53-95.
26 B. Rosenwein, Negotiating space, op. cit.
27 S. Piron, « Le devoir de gratitude. Emergence et vogue de la notion d’antidora au XIIIe siècle », dans Credito e usura fra teologia, diritto e amministrazione. Linguaggi a confronto (sec. XII-XVI), coll. EFR, 346, Rome, 2005, p. 73-101.
28 Le vocabulaire et les formes de la supplique adressée au roi a fait l’objet d’études récentes réunies dans : H. Millet (dir), Suppliques et requêtes. Le gouvernement par la grâce en Occident (XIIe -XVe siècle), coll. EFR, 310, Rome, 2003.
29 J. Mayade-Claustre, Le roi, la dette et le juge. La justice royale et l’endettement dans la région parisienne à la fin du Moyen Âge, Paris, Presses de la Sorbonne, 2008.
30 P. Aladjidi, Le roi, père des pauvres. France XIIIe -XVe siècle, Rennes, PUR, 2009.
31 A contrario, voir Pour une anthropologie du prélèvement seigneurial, Paris, Presses de la Sorbonne, 2002.
32 M. Grinberg, « Dons, prélèvements, échanges. À propos de quelques redevances seigneuriales », Annales ESC, 43/6, 1988, p. 1413-1432. Voir aussi Ead., Écrire les coutumes, Paris, PUF, 2006.
33 J. Demade, « La fonction de l’endettement et de la justice dans le rapport seigneurial, ou la grâce comme contrainte (Franconie XVe siècle) », publié en juin 2007 sur le site HALSHS.
34 L’Enquête en Provence sous les premiers Angevins (1250-1309). Structures, rites et pratiques du pouvoir à travers les usages de la procédure inquisitoire, à paraître aux PUF, collection « Le nœud gordien ».
35 A. Testart, Critique du don…, p. 46-56.
36 E. Magnani, Don et sciences sociales…, p. 28 : « […] l’historisation des concepts semble un préalable indispensable à un usage raisonné des théories en sciences sociales. A l’historien du Moyen Âge se pose la question de savoir s’il peut contribuer à l’effort de conceptualisation vers une théorie générale du don, ou s’il doit se contenter de signaler la diversité ou l’originalité de la société qu’il étudie ».
37 La question se pose également à l’heure actuelle à propos du débat historiographique sur la mutation de l’an mil dont les partisans reprochent à leurs adversaires de ne pas être capables de produire un système contradictoire d’explication de la société du XIe siècle qui prenne en compte la totalité des champs du politique, religieux, économique et culturel.
Auteur
UMR TELEMME, Université de Provence
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