La presse valencienne face à la Guerre contre les Français, 18081
p. 221-249
Texte intégral
L’Espagne de 1808
1Alors que el Diario de Valencia existait déjà depuis 1790 dans la ville du Turia et que son contenu et son format étaient bien définis2, la Gaceta de Valencia3 naissait le 7 juin 1808 sous les feux de la nouvelle situation politique et de la guerre qui venait d’éclater. Valence offrait donc deux journaux différents de par leur contenu et leur ligne idéologique qui répondaient au besoin d’informer et de créer une opinion sur les événements conflictuels. Ce fut là une année emblématique, complexe et mythique ; une année dépassée par les bouleversements, certains plus ostensibles que réels, d’autres magnifiés à l’extrême par des intérêts particuliers. Cette guerre déclenchée en mai divisait les Espagnols en patriotes (les bons) et en afrancesados ou joséphins (les méchants), assimilés aux envahisseurs. C’était donc là un manichéisme parfaitement défini. Pourtant, en fin de compte tous furent patriotes, chacun à sa manière et dans chacun des partis il y eut des bons et des méchants, des entremetteurs et des traîtres, des crapules et des canailles. Une complexité qu’Antonio Alcalá Galiano avait déjà reconnue4.
2C’est à travers ces deux journaux que nous nous proposons d’analyser, bien qu’à grands traits, la complexité de la Guerre d’Indépendance, également appelée Guerre contre les Français (Guerra del Francés) ou Guerre Péninsulaire. Un conflit complexe de par sa dénomination même et plus complexe encore de par ses aspects sociaux, militaires, religieux, économiques, patriotiques ou xénophobes. Une guerre totale où tout ou presque a été mythifié car tel fut l’intérêt des contemporains puis de la postérité. Chacun faisant venir l’eau à son moulin idéologique : patriotes ou afrancesados, conservateurs ou libéraux, ecclésiastiques ou civils. Chacun était guidé par son propre intérêt et chacun a raconté l’histoire à sa manière. Il y eut beaucoup d’événements et tous furent significatifs. Cependant le Diario n’en donnait pas toujours une information scrupuleuse ; ce fut le cas pour le soulèvement d’Aranjuez, la chute de Godoy, la crise de la monarchie ou la proclamation de Ferdinand comme roi5. Il mit bien plus d’emphase à parler de l’arrivée prévisible et désirée de l’empereur le 10 avril à Madrid dans l’intention d’épauler et de reconnaître le nouveau roi6, ou bien dans l’éloge des bonnes relations hispano-françaises non sans souligner la bienséante hospitalité envers les soldats français. En tout état de cause il était de l’intérêt tant des Français que des Espagnols de maintenir l’ordre et la paix, et il était nécessaire de désactiver la croissante animadversion qui se faisait ressentir entre les uns et les autres. Les motifs ne manquaient pas comme le prouve l’hostilité des événements quotidiens. Les troupes françaises, bouffies d’orgueil et toutes-puissantes, s’ingénièrent à troubler l’atmosphère et devinrent le principal objet de la colère des Madrilènes. Cette hostilité qui s’amplifia lorsque Murat, conscient de la confusion politique, diplomatique et juridique qui s’était créée, ne daigna pas reconnaître le prince des Asturies en tant que roi. Aranjuez avait configuré une nouvelle scène de pouvoirs aux conséquences imprévisibles, ce qui n’était pas pour déplaire ni à Napoléon ni au duc de Berg, chacun pour des motifs différents. Un trône vide offrait de nombreuses possibilités. Des possibilités machiavéliques où tout le monde s’affrontait, chacun travaillant à ses propres intérêts.
3Le départ de Ferdinand de Madrid, son long voyage pour retrouver Napoléon et devenir enfin roi légitime augmentèrent les tensions, car enfin, personne ne connaissait les véritables desseins de Napoléon7. Celui-ci sut admirablement bien manipuler la question dynastique à son profit, en tirant parti des divisions et de la véritable haine qui affectaient la famille royale8. Les rumeurs s’intensifièrent et les tensions s’accrurent, donnant lieu à quelques épisodes affligeants. Les prises de positions du Duc de Berg, la faiblesse de la Junte Suprême de Gouvernement, composée de quatre ministres et présidée par l’oncle du roi, Antonio Pascual de Bourbon, y contribuèrent également. La pusillanimité de la Junte fut manifeste lorsque Godoy, détesté de tous, fut libéré à l’aube du 21 avril sur décision des Français, et lors de la répression imposée par Murat, en réponse au 2 mai, ou bien encore lorsqu’il en fut nommé président alors qu’il était déjà lieutenant du royaume sur ordre de Charles I V9. Tout donnait à penser que par cette prise de position les Français s’acheminaient vers une domination personnelle. C’était manifestement une invasion et le Duc de Berg, qui semblait avoir entre ses mains tous les pouvoirs, aspirait à régner. Néanmoins, face à situation si critique pour les institutions et pour le peuple, le Diario publia le 28 avril l’Ordonnance Royale (datée du 17 à Vitoria) dans le but d’encourager les prières publiques dont l’archevêque de Valence, Joaquin Company, se fit immédiatement écho. Il s’agissait, soutenait l’ecclésiastique, de conforter le régime de ce roi « monté sur le trône en vertu de l’abdication de son père ». Ces prières publiques débutèrent le premier mai dans l’enceinte de la cathédrale.
4Le Diario de Valencia recueillait dans ses pages (7 mai) les incidents de Madrid du 2 mai « générés par une poignée de personnes irrespectueuses des lois de l’armée française et c’est dans l’apaisement actuel que S. A. R. [...] demande à ce que ce triste exemple soit le dernier de cette espèce à être vécu par le Peuple »10. Il n’y eut aucune autre réaction de ce type11. Il s’agissait de la ligne habilement exploitée et utilisée par les Français, un soulèvement supplémentaire du bas peuple provoqué par quelques perturbateurs et sans conséquence dans les provinces. En fait, un événement que la Junte Suprême voulait oublier et ne souhaitait pas qu’il se répète au nom de l’amitié franco-espagnole, mais aussi par crainte de la réaction française ou par peur de la populace que l’on accusait de tout12. L’Inquisition à l’instar de certaines autorités ecclésiastiques appuya l’action de la Junte au moyen de pastorales ou d’autres écrits13. On ne disait rien des provocations françaises, ou, comme quelques historiens aiment à croire, d’un possible complot élaboré et aussitôt avorté, ou encore des circonstances qui auraient pu conduire à de tels incidents14. Le thème était brûlant, mais, malgré l’absence de réactions, ce jour-là resterait gravé dans la mémoire collective comme le symbole de la répression française et de ses véritables intentions. Le masque était tombé et l’on pouvait parfaitement lire sur le visage de Bonaparte ses véritables desseins.
5L’absence du roi eut très certainement un effet explosif dans la conscience d’une partie du peuple espagnol qui suivit avec intérêt le voyage royal jusqu’à Bayonne et ses conséquences inattendues. Les abdications de la famille royale espagnole, qui eurent lieu dans cette ville au profit de Napoléon, suscitèrent la colère populaire et une gallophobie des plus radicales contre Napoléon, considéré comme un traître et un usurpateur15. Cette espèce de coup d’État fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase d’une rage contenue. Celle-ci explosa à Valence le 23 au matin avec l’arrivée de la Gazeta de Madrid que les gens se pressaient pour la lire sur La Placeta de les Panses. Ceux qui s’y trouvaient, « de pauvres hères de l’infime classe du peuple », et ceux qui s’unirent à eux lancèrent des cris en faveur de Ferdinand VII et exigèrent des autorités une déclaration de guerre contre Bonaparte et un enrôlement général. À leur tête se trouvaient les ecclésiastiques Rico et Martí qui furent appuyés par la famille Bertrán de Lis et ses proches, tous favorables à Ferdinand16. La force de ces manifestants contraignit le Real Acuerdo à déclarer la guerre à Napoléon et à constituer une Junte Supérieure, c’est-à-dire, un gouvernement provincial, de nature très hétérogène, dissemblable et contradictoire ; le peuple en fixa la musique, mais ceux qui signaient les paroles étaient toujours les mêmes. Cet événement se répéta dans d’autres zones non contrôlées par les Français. L’alliance hispano-française venait de se rompre et faisait place à une longue et cruelle guerre civile, totale, vouée à créer et perpétuer des mythes susceptibles d’alimenter la conscience de cette société en convulsion face à l’outrage français fait à son roi, à sa patrie et à sa religion17. Des mythes capables de substituer et de modifier l’Histoire18, de créer une nouvelle mystique.
6C’est ce qui apparaît dans le Diario (29 mai) et dans l’appel à l’enrôlement sous l’un des quatre étendards mentionnés :
« C’est avec la plus grande solennité que notre Ferdinand VII a été proclamé. Quatre étendards ont été arborés, celui du Christ Saint Sauveur, de la Vierge des Désemparés, de Saint Joseph et de Saint Vincent. La Junte Gouvernementale, l’archevêque, des chapitres, le clergé, diverses communautés et tout le peuple ont poussé des Vivats ! Vivats ! C’est en masse que Valence s’arme. Il s’agit maintenant de vaincre ou de mourir [...] Tout le monde est concerné, nul ne peut rester inactif. Chacun doit prendre les armes. La patrie et la religion sont en danger. Il faut mourir avec honneur ou vaincre avec gloire »19.
7L’on invite tout un chacun à défendre ce qui se trouve en danger : le roi, la patrie et la religion. Le coupable, Napoléon (autre mythe négatif), incarne l’Antéchrist lui-même, le pire de tous les hommes et l’ennemi du genre humain. L’admiration dont il jouissait auparavant s’est transformée en haine fanatique, viscérale, autoalimentée par la collectivité elle-même. On insiste donc sur l’engagement de tous sachant que tout le monde ne va pas répondre de la même façon, ni avec le même enthousiasme. Voilà pourquoi cette lutte héroïque entreprise par le peuple valencien est magnifiée. Les critiques pleuvront sur ceux qui se cacheront par crainte ou joueront l’indifférence par précaution20.
8Le 7 juin la Gazeta frappa fortement les esprits d’une ville où pesait une forte pression21. Elle allait droit au but et mettait en garde contre la subtilité des dangers22. Elle ne se préoccupait ni de la vie des saints, ni des actes de dévotion, ni des nouvelles particulières de Valence auxquelles se consacrait le Diario. Elle semblait vouloir apporter une nouvelle sève, sans pour autant rompre les anciens clichés. Elle représentait une nouvelle voie, plus ouverte, plus dans la ligne des Lumières, sans pour autant renoncer à ses vieux habits. Elle recueillait en partie seulement cet important courant réformateur, avide et assoiffé de changements23, soit parce que la mystique conservatrice qui enveloppa la guerre l’empêcha de s’aventurer sur des terrains dangereux, soit parce que le moment ne se prêtait guère à autre chose. La Gazeta opposait aux Français l’orgueil et l’honneur espagnol et présentait la défense de la patrie comme une affaire collective24. L’armée ne prenait pas les armes comme en Autriche ou en Prusse ; c’était bien plus que cela, c’était tout un peuple qui se soulevait (le mythe du patriotisme politique). L’auteur de la Gazeta avait pleine conscience de l’ère qui lui avait été donnée de vivre, de la rapidité des événements, qui « ne nous laisse point apprécier leur véritable valeur », et pensait que les générations du XXe siècle et des siècles suivants sauraient en saisir toute la grandeur, qu’elles verraient dans cette année 1808 une seconde restauration de « notre indépendance, en découvrant chez nos patriciens une sorte d’êtres supérieurs et privilégiés »25. Des paroles qui nous rapprochent également du mythe libéral, bien plus évolutionniste qu’adamiste. Ce jour-là, la Gazeta fit montre d’un grand pragmatisme quant aux moyens à mettre en œuvre pour lutter contre l’ennemi. Elle publia une lettre anonyme venant de Madrid et intitulée « Chers Valenciens » qui disait : « Aide-toi et le ciel t’aidera » et qui reconnaissait les efforts fournis par les Valenciens pour le roi, la religion et la patrie. Mais ce journal entretenait surtout le mythe de Ferdinand. Son attitude à Bayonne face à Napoléon, face à sa famille dénaturée et face à Godoy fut un acte héroïque, digne d’un prince, d’un roi comme Ferdinand.
9Ces trois mots magiques et inséparables qui formaient et constituaient une même idée étaient recueillis par les deux journaux. Avec un soupçon d’audace iconoclaste nous pourrions aller jusqu’à dire qu’ils représentaient le mystère de la Sainte Trinité. Le roi est catholique et roi d’Espagne. L’Espagne ne peut être considérée que comme une monarchie catholique. La religion est consubstantielle au monarque et à l’Espagne. Chacun de ces éléments ne peut être conçu sans les autres, tous sont inséparables. C’est ainsi que nous comprenons de la part des Valenciens et du reste des Espagnols l’allusion à la religion bafouée et mise en danger par Napoléon. La religion est défendue, mais à son tour, elle doit défendre les Espagnols face à leurs ennemis afin de sauver la patrie ainsi que le pauvre et malheureux Ferdinand. Les étendards des saints sont repris, les saints Patrons sont invoqués et deviennent défenseurs des villes, chefs de l’armée et de la guérilla ; enfin ils s’érigent en protecteurs de l’Espagne, des bons Espagnols, qu’il s’agisse de la Vierge des Désemparés, de celle d’Atocha, de Covadonga, de Saint Narcisse ou de l’Apôtre Jacques. Ces armes miraculeuses et meurtrières se trouvent entre les mains des Espagnols. Le Diario (7 juin) insérait cet écrit empreint d’émotion et de patriotisme :
« L’heure est venue pour notre cœur vaillant de manifester à la face du monde la fidélité et l’amour que nous portons à notre monarque catholique Ferdinand VII [...] ; vous viendrez bientôt à bout de cet ennemi de Dieu et des hommes : cet intrus, ce perturbateur de la quiétude universelle, cet infâme tyran destructeur de l’humanité. Français, tremblez donc car les Valenciens, porteurs de l’étendard de la Foi et de la Religion, sont bien armés ; c’est là leur objet premier, tout comme venger l’outrage infligé à leur monarque Ferdinand VII. Oui, tremblez face à eux [...] (Valenciens) gardez courage, ne faiblissez pas car vous avez l’honneur de vous enrôler sous les auspices sacrés de notre vénérable et toujours vénérée Reine des Anges, Marie des Désemparés, de son fils crucifié, tendre objet de notre admiration et respect, de notre glorieux Saint Joseph et de notre grand compatriote et défenseur invaincu, Vicente Ferrer [...] »26.
10Le champ de bataille n’attendait que l’apôtre Saint Jacques27. Le 14 juin le bataillon de la Foi de Valence faisait dire une messe en son honneur dans le couvent des Prédicateurs afin d’implorer l’aide du Dieu des Armées. Une armée matériellement pauvre en munitions mais spirituellement riche. « Religion sacrée, religion de nos ancêtres profanée sans dignité », écrivait la Gazeta (28 juin).
11Le 22 le Diario ajoutait : « Chacun donne l’exemple de sa religion et de son amour pour la patrie, quels merveilleux témoignages de patriotisme et de foi ! » Chacun offre ce qu’il possède. Les religieux prient, les temples sont très fréquentés, avec neuvaines et exposition du saint sacrement. Il semblait impossible de ne pas vaincre. Il affirmait aussi que les armées étaient bien nécessaires mais qu’il fallait compter sur l’aide de Dieu, car si ce dernier n’édifiait pas la maison ceux qui y travaillaient se fatiguaient en vain. Le message était clair. Le Dieu des armées avait pris le parti des Espagnols : un seul d’entre eux était capable de vaincre les Français par centaines. Les Saints, Dieu et le Ciel font partie du patrimoine espagnol et c’est grâce à eux et en leur nom que les Espagnols tuent, blessent, poursuivent et infligent des souffrances. Dieu est espagnol et dans ce conflit il devient général des armées pour écraser l’impie Napoléon. La justice divine est implacable avec ses ennemis. L’ignorance religieuse se transforme en fanatisme xénophobe et cruel. Le Diario recueillait (11 novembre) les paroles du nouveau Capitaine Général de Catalogne : « Le Dieu des armées a pris parti pour nous. C’est Lui qui se bat pour nous, Lui qui a mis sous mon commandement des soldats qui vont tous devenir des héros ». Seule est juste la cause espagnole face à l’ennemi mécréant, sacrilège et athée qui s’acharne contre Dieu, sa sainte religion et porte atteinte à l’Église à travers son pontife. Voilà pourquoi assurément le Dieu d’Israël ne peut que favoriser la cause espagnole28. De plus, le soldat espagnol est un soldat catholique29 et donc bien armé puisqu’il se rend au combat la conscience propre après avoir accompli les devoirs religieux de la confession et de la communion. On ne peut donc s’étonner des miracles dont la presse se fait écho30.
12La guerre était une entreprise commune. C’est du moins ainsi qu’elle était présentée. La question est de savoir si chacun en avait conscience, ou plutôt si chaque région ou province voulait maintenir ses propres particularités, ou au contraire, si le but visé était la centralisation, comme l’avait prévu Napoléon. Les allusions qui nient l’existence des Basques, des Valenciens, des Andalous, des natifs d’Estrémadure témoignent en ce sens du problème31. La presse soulignait que la victoire dépendait de tout un chacun, cependant, le patriotisme était-il plus important que les patries individuelles ? Le sentiment d’appartenance communautaire existait-il réellement ? S’agissait-il d’un mythe patriotique ou national ? De toute évidence la Constitution de 1812 affichait l’idée nationale d’un centralisme égalitaire. Mais n’oublions pas que depuis le début de cette guerre on fait appel à cette même unité, qui ne se manifeste réellement que lorsqu’il y a une volonté active et un désir (et non pas une loi) d’appartenance commune. C’est ce qui apparaît lorsque les Espagnols, ou une partie d’entre eux, se soulèvent pour défendre leur roi contre Napoléon. Le Diario exprimait cette idée clairement le 6 octobre : « L’Espagne unie ne sera jamais vaincue par Napoléon ». Des poésies, des proclamations, des réflexions, etc., reprenaient cette idée. On pouvait lire dans un manifeste de Ronda (11 juin) : « La divine providence a daigné insuffler un même esprit chez tous les Espagnols, qui forment ainsi une force invincible pour défendre la sainte religion, leur souverain légitime et la liberté de la patrie »32.
13Le Diario (13 juin) faisait allusion à un opuscule intitulé ? Qué es lo que más importa a la España ? Discurso de un miembro del populacho ?33. Y était défendue l’unité de tous pour gagner la guerre et éviter ainsi la défaite de l’Espagne. Le journal publia le 6 août une lettre plus directe encore qui faisait allusion à ce texte. La date était significative. Castaños avait vaincu Dupont à Bailén. C’était là un exploit, la puissante machine de guerre française n’était pas invincible. Beaucoup y virent le début de la victoire finale. L’auteur demandait la prompte réunion de la Nation à travers une institution regroupant les représentants des provinces et les militaires les plus expérimentés. L’Espagne, assurait-il, était malade depuis bien longtemps et avait failli mourir. Elle était encore en danger et réclamait un bon médecin qui n’était autre que le vieux comte de Floridablanca. Les journaux publiaient des lettres qui lui étaient favorables. Ce politique, très controversé en d’autres temps, réapparaissait ainsi sur le devant de la scène. C’est ainsi qu’il faut comprendre les propos tenus dans la Gazeta (9 août), après le départ de Madrid de Joseph I : « Il y a enfin une Nation et une Patrie [...] la conserver, voilà ce qui importe ». Ce même esprit régnait le 7 juin, alors que le journal offrait des informations sur Saragosse et soulignait que les Espagnols devaient davantage craindre la désunion que les armées françaises.
14La Gazeta écrivait encore (22 novembre) :
« Que ce moment est grand et digne de fixer l’attention de l’univers. Portons notre regard sur cette Nation qui se lève d’un seul mouvement et marche à pas de géant sur le chemin de la gloire [...] Tout ce qu’elle conçoit dérive du sens national, que rien ne peut distraire ni corrompre ; tout ce qu’elle exécute est le fruit d’une force immense que rien ne peut affaiblir ni dissoudre. En quelques mois elle a transformé la paix du globe terrestre : elle a offert aux autres peuples les perspectives les plus consolatrices et y a propagé une certaine agitation, signe bénéfique de la régénération34 ».
15Ainsi donc, personne ne peut rester hors de cette coalition qui se propose de défendre, le roi, la religion et la patrie car tous, selon le Diario (28 décembre) habitent une même maison, forment une même famille, professent la même religion, tous enfin obéissent à un gouvernement qui représente le monarque légitime et aimé, Ferdinand VII.
Le monarque imaginé
16Le mythe, ou les mythes, créés autour de Ferdinand VII sont antérieurs à la guerre35. Ils viennent s’ajouter à d’autres mythes négatifs, dans le cas présent celui de l’indésirable Godoy ; d’autant plus abhorré qu’il gagnait en pouvoir et s’enlisait dans les alliances françaises. Il faut y voir une dialectique manichéenne entre le bien (Ferdinand) et le mal (Godoy). L’un est un homme d’État qui de manière plus ou moins heureuse lutte et accomplit sa tâche. L’autre est un prince qui attend son heure. C’est un homme politiquement vierge. Sans aucun effort, du moins concret, il devient le désiré, le sauveur de l’Espagne, celui qui par magie allait résoudre tous les problèmes. Et une fois couronné, en vertu de la faiblesse et de la pusillanimité de son père, et tombant sous la domination de Napoléon, il n’aura guère le temps de révéler son vrai visage. À partir de cet instant il devient non seulement le désiré mais encore le martyr qui souffre pour ses sujets. La Gazeta (29 novembre) écrivait que Ferdinand avait été capable de braver la mort pour les siens. Une nouvelle rédemption. Il ne pouvait y avoir plus grande noblesse ni générosité ! Un nouveau Christ crucifié ! D’une certaine manière le manque de personnalité du nouveau roi devient une vertu. Ferdinand, roi juste et innocent a été trompé et séquestré par Napoléon qui n’est autre que le diable en personne. Le Diario (21 juin) voyait en Ferdinand un roi envoyé par le ciel, prisonnier du traître, du tyran. Le meilleur des rois, conformément à ce qui avait été dit à Xátiva le 19 juin. La Gazeta (7 juin) parlait de lui comme d’« un innocent et malheureux prince qui instruit par le scandale des déceptions et par les infortunes publiques de sa nation, ferait un jour renaître l’abondance et la prospérité générale »36. Après 18 ans de captivité commune37, c’était lui que les Espagnols considéraient comme le restaurateur et non Napoléon. Un autre mythe. Ferdinand allait de Godoy à Napoléon. L’Empereur annonçait l’arrivée en Espagne du bonheur, la régénération, que seuls les partisans de Napoléon étaient capables d’apporter, était en marche et mettrait un terme à tous ses maux en transformant la vieille monarchie38. Napoléon et Ferdinand étaient présentés par leurs proches comme les restaurateurs de l’Espagne. Chacun à sa manière. Ils représentaient deux Espagnes différentes. Le Diario (15 juin) écrivait : « Espagnols, il est vrai que les premiers désordres du règne de Ferdinand ont fait renaître en nous l’idée de notre Siècle d’Or ». Une satire présenterait « Napoléon travaillant à la régénération de l’Espagne qui, représentée par un patriote, paie avec gratitude cette faveur ».
17Mais qu’allait restaurer Ferdinand VII ? Comment expliquer cet aveuglement quasi collectif ? Il est difficile d’expliquer comment la condamnation des vices de l’un (Godoy) devient motif d’exaltation des vertus imaginaires de l’autre (Ferdinand). Et il est indéniable que certains allèrent jusqu’à voir en lui un monarque modéré, attaché aux lois. Cependant, Ferdinand VII n’aspirait qu’à régner sans se soucier de réformes et à paralyser toutes celles de Godoy39, qui, par ailleurs, n’étaient pas si nombreuses. Malgré tout Godoy comptait sur l’animadversion de tous, à savoir, le clergé, la noblesse et le peuple qui appuyèrent Ferdinand pour que l’Espagne fût à lui. Les Espagnols passaient d’une servitude exécrée à une servitude joyeusement acceptée.
18Le nouveau roi n’allait rien changer ; il n’aspirait qu’à exercer le pouvoir de manière absolue. C’est pourquoi, les cris en faveur du roi et de la religion ne supposaient ni changements, ni régénération, ni révolution. L’idée régénératrice est liée à la disparition de Godoy, à celle de Charles IV, et au couronnement de Ferdinand « Illustre de par sa nature et ses malheurs ». Cela suffisait à la catharsis collective. L’encensement de l’innocence de Ferdinand faisait disparaître la méchanceté diabolique de l’ombre perturbatrice de Godoy. Une étape paradisiaque, malheureusement brisée par les crimes de Napoléon, voyait le jour en Espagne en ce 19 mars. Ce n’était pas la monarchie qui était en danger mais Godoy et indirectement son protecteur Charles.
19El l’on pouvait lire dans la Gazeta de Valencia du 7 juin :
« Chère Espagne, Si Charles I V t’est apparu sous les sombres couleurs de l’ignominie, comme en ont témoigné ces Feuilles publiques, tu l’as alors néanmoins respecté en sa qualité de monarque et tu as souffert pendant les 19 années de sa domination, attendant que Ferdinand lui succède, ce prince innocent et malheureux qui, instruit à l’école des tristes déceptions et des infortunes publiques de sa nation, ferait renaître un jour l’abondance et la prospérité générale »40.
20Maintien d’une monarchie absolue. Cependant, alors que la Gazeta semblait défendre des idées modernes, elle ne dissimulait pas son admiration pour l’Inquisition (sans la nommer, il est vrai), cet organisme d’illustres et de vertueux citoyens consacrés corps et âmes à découvrir et extirper le poison et le venin secrètement véhiculés par la philosophie venue de l’étranger, de la France voisine, corruptrice des meilleures coutumes traditionnelles, dans le but de miner le trône et l’autel. Ces citoyens veillaient à la tranquillité nationale, au bien penser et au bien agir. Voilà pourquoi il ne s’est rien passé ou presque ; Ferdinand, roi d’Espagne, gouverne sur tous et la religion prend soin des Espagnols.
21Une révolution ? Lorsque le comte de Toreno écrivit au sujet du soulèvement, guerre et révolution, vers les années trente du XIXe siècle, il avait déjà analysé le processus de ce qui avait eu lieu en Espagne. La Gazeta faisait allusion à la révolution au sens de soulèvement en reprenant une information de La Coruña du 31 mai41 : « [...] la grande œuvre de notre révolution est due au courage de nos matrones qui furent les premières à se jeter au-devant des dangers et à créer un esprit public »42. Révolution doit donc être entendue dans le sens d’opposition, de soulèvement face au despotisme de Godoy et à l’invasion de Napoléon dont le but était de dominer l’Espagne. Les conséquences postérieures à ces faits sont de tout autre nature. C’est pourquoi, le Diario (8 novembre) ne pouvait tolérer le terme révolution :
« L’on ne peut entendre sans désagrément que l’on donne l’odieux nom de révolution à ce qui se passe en Espagne. À proprement parler ces événements ne peuvent mériter une telle qualification. Que l’on considère leurs origines, leur évolution ou leurs effets, il faut s’en tenir au terme d’une juste et nécessaire commotion pour soutenir les droits les plus sacrés. Somme toute aucun homme ne peut se passer de sentiments sociaux ou religieux »43.
22L’auteur soutient que les Espagnols ont été fidèles à Ferdinand VII, à la patrie et à la religion et qu’ils ne changeront pas :
« Avons-nous observé dans les mouvements de notre royaume le moindre indice qui exhale l’apparence d’une révolution ? N’avons-nous pas entrepris une glorieuse défense qui nous réconcilie avec l’honneur et la considération que nous avions mérités dans toute l’Europe aux XIe et XVIe siècles et dont nous étions si injustement privés ? »44.
23Tout a été fait au nom d’un roi absolu, d’une religion dogmatique, statique et réactionnaire, et d’une patrie qui défend l’essence de son passé le plus glorieux sans envisager d’avenir meilleur voire différent45. La Junte de Séville l’avait déjà souligné le 15 juin : « En Espagne il n’y a pas de révolution ». Du moins pas durant ces mois de l’année 1808. Ce qui n’a pas empêché l’apparition d’un certain nombre d’historiens qui enlacent ou relisent ces événements avec d’autres critères.
24Le terme révolution est polysémique et généreux. Il convient donc de le nuancer et d’en analyser les interprétations contemporaines, dans certains cas fruit de tendancieuses réflexions postérieures ou du manque de réflexion du moment. Les Français l’utilisèrent pour souligner l’ignorance et le fanatisme des Espagnols46. C’est habilement que Claude Morange parle de la révolution qui éclata et qui prit fin à Aranjuez47.
25Pour les partisans de Ferdinand cela signifie contre-révolution. En tout état de cause il semble que la révolution se soit identifiée à la lutte patriotique pour être favorable à Ferdinand VII bien que tout soit resté à sa place. La Gazeta tout comme le Diario comparaient la situation espagnole et la révolution française48. Entre les deux il y avait un fossé et il fallait en rendre compte :
« Quel éclatant et remarquable contraste nous offre l’Espagne en ce jour ! Cette nation abattue et dégradée par les vices d’un long règne a réussi à se maintenir avec prudence et honneur sans monarque, sans famille royale et sans gouvernement suprême ; bon nombre de ses provinces ont été occupées par les troupes ennemies [...]. Qui ne tremblera pas, qui ne frémira pas à la vue de si infâme convulsion politique ? De la réaction d’une nation orgueilleuse et puissante qui se croyait offensée ? Des désordres d’une anarchie et des ravages d’une guerre civile ? [...] L’Espagne sait à la fois repousser l’insolence d’un ennemi arrogant et insupportable et établir l’ordre, en révélant au monde la force de la jeunesse unie à la sagesse de l’âge mûr »49.
26Ce fut précisément Napoléon qui tira les Espagnols de leur torpeur, de leurs servitudes, voilà ce que soulignent de nombreux contemporains dont le comte Toreno, Martínez Marina, Alberto Lista, Miguel Cortés, le curé Posse [...] A quelque chose malheur est bon. Tout compte fait il s’agissait d’un châtiment divin pour les péchés de la nation. Cependant Napoléon s’était trompé à l’égard de l’Espagne et des Espagnols. C’est ainsi que le Diario présentait les choses (7 décembre)50. Il avait voulu être le maître de l’Europe. Le journal analyse parfaitement la situation européenne de ce moment précis. L’Empereur était réellement le maître de l’Europe et subtilement celui de l’Espagne, mais il voulut s’imposer de manière plus grossière et y perdit tout. L’entreprise espagnole lui éclata entre les mains, à l’instar des grenades de verre utilisées par les femmes et les enfants dans leur résistance patriotique. Il crut endormir les Espagnols, et en effet, il endormit son gouvernement. Cependant, le peuple en vint à se manifester et la nuit où il brisa le pouvoir de Godoy, il ruina au passage le projet de Bonaparte. Il était alors encore temps de se retirer dignement mais il commit deux erreurs. La première, révéler son immense ambition et la seconde, armer contre lui toute une nation qui, après avoir brisé les chaînes de la servitude, commençait à connaître le bonheur de voir régner son roi bien aimé. Il s’abusa, comme il le reconnaîtra plus tard lui-même, bien que sur le moment, la presse française ait accusé l’ignorance des Espagnols, leur retard et l’emprise du fanatisme clérical. C’était là, comme l’observaient les journaux, une façon simple de ne pas reconnaître ses propres erreurs et de ne pas assumer le manque de moyens pour maintenir toute l’Europe entière sur le pied de guerre.
27Le rôle du clergé, admirablement appréhendé par Goya, fut éminent de par ses actions et ses omissions. Il était nombreux, se composait de différentes sensibilités et de diverses catégories. Ses membres se différenciaient de par leur formation religieuse, intellectuelle et morale ainsi que par des positions idéologiques diverses. En fait, nous parlons d’un clergé très divisé qui opta tantôt pour la faction patriote tantôt pour celle des afrancesados et qui défendit, de l’évêque au dernier des clercs51, des positions tantôt conservatrices tantôt régénératrices ou libérales. Sa prise de position affecta le gouvernement des diocèses ainsi que la paix et la tranquillité des catholiques. Certains soutinrent Joseph I, d’autres prirent le maquis, enfin la majorité se maintint à son poste en s’efforçant de contrôler la situation du mieux qu’elle pouvait ou savait. La presse ne chercha pas outre mesure à mettre le clergé en avant. Sans doute parce que les journaux se transformaient en porte-voix, en chaires publiques, à force de lettres, de proclamations et de manifestes à caractère religieux, patriotique ou prenant la défense du roi. En tout état de cause on recueillit leurs prières, leur contribution économique, leur participation à la guerre et par l’intermédiaire de la tribune du Saint-Esprit ils devaient rappeler aux Espagnols leurs constantes obligations.
28Si certains empoignèrent les armes, d’autres jouèrent un rôle essentiel de pacificateurs face aux envahisseurs. Beaucoup furent éclaboussés par les rivalités et les perfidies de ceux qui décelèrent dans leur attitude la marque de l’afrancesamiento ou du libéralisme. Plus avantagés furent ceux qui prirent le maquis et se lancèrent dans une guerre cruelle, atroce et sanguinaire au nom de leur dieu, de leur religion ou de leur église ou ceux qui n’hésitèrent pas à prononcer les discours les plus inhumains en appelant à la mort de l’ennemi. Ils en furent récompensés. Ce fut pour ceux-là une guerre sainte, de croisade, de religion et d’anéantissement. Certains ordres se distinguèrent plus que d’autres. Les paroles du carmélite Traggia sont en ce sens éloquentes : « Guerre sainte, de croisade ou de religion tout est en substance identique et signifie simplement que nous défendons les lois divines, le dogme, le culte extérieur, l’Église, les vases sacrés, leurs ministres, les coutumes et la morale »52. D’autres manifestèrent leur souhait de participer à la lutte. C’est ainsi que les dominicains de Malaga, voyant la religion persécutée, la patrie menacée et leur roi captif, et prêts à verser leur sang, se présentèrent devant les autorités civiles pour prendre les armes53. Ce serait là un exemple pour tous. Celui du chanoine Calvo, instigateur de la mort de 400 Français à la Citadelle de Valence, en était déjà un. Cela semblait faire partie d’une justice populaire criminelle qui venait de loin et s’étendit jusqu’à Sagunto, Segorbe, Altura, Jérica et bien d’autres lieux. Les événements permirent aux membres de la Junte, défenseurs de l’Ancien Régime, d’accroître leurs forces et de mettre en place une répression sans distinction.
Une monarchie acéphale
29Défendre la juste cause de Ferdinand VII fut l’appel général. Le Diario du 4 juin proposait une proclamation de la Junte des Asturies : « Espagnols, la monarchie est acéphale ; on y a placé une tête étrangère à son corps, qui en a fait un monstre [...] Ne faiblissez pas par égard pour Ferdinand ». Le supplément de la Junte de Valence signalait que « la cause de Ferdinand VII a été suivie par Murcie, l’Aragon, Majorque, La Manche du Nord et une partie de la Catalogne ». Il y était question des zones non occupées par les armées françaises. Rien n’avait été décidé dans cette guerre qui mettait en jeu des couronnes, des patries, la religion et l’indépendance. Il fallait se jeter à l’eau pour Ferdinand, le roi librement accepté et proclamé par les Espagnols, et pour la patrie et la religion qu’ils avaient à cœur. C’était une folie, comme l’a écrit François Malye, Napoléon et la folie espagnole. Ou encore la « folie patriotique » dont parla Antonio Alcalá Galiano dans ses Recuerdos de un anciano.
30Le vide de pouvoir provoqué par le départ de la famille royale, la faiblesse des institutions ou leur manque de légitimité, exigèrent d’autres formes de gouvernement. C’est ainsi que surgirent les Juntes Suprêmes après que soient connues les abdications de Bayonne, à l’origine du soulèvement contre Napoléon et son frère Joseph. La Gazeta (10 juin) écrivait :
« Le gouvernement a immédiatement pris sur ses épaules l’organisation de cet élan (populaire) généreux, et l’établissement d’une Junte Suprême est le premier moment de notre indépendance civile. Nous avons vu cette Assemblée de l’autorité réunir tous les extrêmes, former une masse considérable, écarter les détails et organiser un nouvel État dans l’espace de sept jours. Le fait de créer un gouvernement, de recruter une armée, d’établir un ordre constant, de fixer un plan, de gérer des fonds et des ressources et d’éviter les convulsions de cette liberté tout juste naissante, est un phénomène politique qui mérite d’être étudié par de grands penseurs »54.
31Et c’est si vrai qu’aujourd’hui encore nous cherchons à comprendre la nature de ces Juntes qui ont agi à leur guise conformément à la situation qui les avait engendrées. Mais les difficultés et les interprétations ne tardèrent pas. Le Diario (27 juillet) écrivait en comparant la situation espagnole et la Révolution française : « [...] L’urgence du danger, l’absence d’un centre commun du fait de l’interruption de la communication entre les provinces par les ennemis, exige que chacune d’entre elles s’investisse de la souveraineté et alors que les Juntes Suprêmes étaient créées, s’amorce un opportun plan de confédération [...] »55. Confédération, un terme qui a été magnifié à l’excès par certains auteurs. Morange a décelé et critiqué sa dimension romantique et l’idéalisation ou la mythification des Juntes, assurément nées d’un processus spontané et révolutionnaire56. Mais, il souligne que leur constitution ne fut ni révolutionnaire ni populaire dès lors qu’elles furent créées par les autorités traditionnelles, celles de l’Ancien Régime, et qu’elles légitimèrent leur pouvoir au nom de Ferdinand VII et des lois fondamentales57. En dépit de tout, elles furent critiquées aussi bien par le Conseil de Castille que par l’armée du fait qu’elles constituaient un gouvernement nouveau et différent. Nombreux furent ceux qui redoutèrent le pouvoir naissant de la populace et son anarchie, à cause du fanatisme et de la folie de ceux qui agissaient au nom du peuple et de la cruauté dont ils usèrent pour mener à bien certaines exactions – contre des citoyens français de la citadelle de Valence, contre le baron d’Albalat assassiné dans cette même ville, à Badajoz ou à Grenade, pour ne citer que quelques exemples.
32Les Juntes, louées par les uns et critiquées par les autres, furent une solution provisoire face à une situation donnée : l’invasion française et l’absence de pouvoir. Une réalité nouvelle avec une forme de gouvernement tout aussi originale, perçue et valorisée selon le point de vue et les critères de chacun. Pour Antonio Alcalá Galiano ce fut la démocratie la plus parfaite dès lors que le peuple gouvernait. En tout état de cause ni le gouvernement autonome ni le fédéral n’offraient de solution à la complexe situation collective. Une Junte Centrale ou une Régence était nécessaire. Chacune des possibilités avait ses partisans. La presse se porta en faveur d’une Junte Centrale alors que les partisans les plus fervents de Ferdinand étaient pour une Régence et soulignaient l’illégalité des Juntes en général. La Gazeta (29 juin) en accord avec la Junte exigeait la rapide instauration d’une entité suprême, d’une Junte Centrale qui établirait l’harmonie dans toutes les opérations et éviterait des républiques séparées par l’intérêt géographique. De fait, il fallait se garder du chaos, du désordre, des intrigues, de la corruption et de l’anarchie. L’idée était la même que ce que celle développée par Isidoro de Antillón dans ¿Qué es lo que más importa a la España ?58.
33Les Juntes qui assuraient la souveraineté au nom de Ferdinand VII n’étaient donc pas révolutionnaires. Il est vrai que leur constitution semblait révolutionnaire et nous oblige à penser à l’origine et à la détention du pouvoir politique souverain (Suárez, Bossuet, Rousseau). Leur mode d’acquisition du pouvoir brisait la notion d’absolutisme défendue auparavant, par exemple par Joaquín Lorenzo Villanueva dans son Catéchisme d’État. C’était un fait admis, le pouvoir résidait dans le peuple dès lors que celui-ci n’avait plus de roi, et il le remettait aux Juntes Suprêmes d’abord, à la Junte Centrale ensuite pour passer enfin aux Cortès. Toutefois, les plus conservateurs pensaient que le peuple perdait la souveraineté une fois celle-ci déléguée au monarque ; pour les libéraux le peuple conservait toujours la souveraineté ou, du moins, la partageait. Selon nos sources, les Juntes avaient conscience d’être un gouvernement provisoire mandaté par le peuple et uniquement en l’absence du monarque qui n’avait jamais cessé de l’être. Elles assuraient la souveraineté au nom de Ferdinand. Au fond, l’on ne pensait qu’aux droits du roi et non à ceux du peuple qui n’avait pas conscience d’être le maître de la souveraineté ni d’être au-dessus du roi59. Les Juntes organisèrent leur fonctionnement comme s’il s’était agi d’un gouvernement de l’Ancien Régime et essayèrent, ce fut le cas de celle de Valence, de tout contrôler et de maintenir l’ordre. Voici ce qui dit le Diario de Valencia (31 juillet) :
« La Junte Suprême éprise d’ordre et de la quiétude publique qu’elle voit corrompre avec égarement dans toutes les agglomérations de ce Royaume, pleure les châtiments soudains qu’elle se voit dans l’obligation d’infliger jusqu’à l’extermination totale de l’ensemble des malfaiteurs [..] pour y remédier je prescris dans l’ensemble des chefs-lieux, l’échafaud, le garrot et la potence pour que les délinquants, selon le degré de leur faute, payent à la société la peine qu’ils méritent sur le lieu même de leur crime. Je demande à ce que les curés expliquent le dimanche et les jours de fête dans les places et les églises les obligations qui correspondent à chacun »60.
34Le même Diario (31 décembre) reproduisait l’ordre (29 décembre) qui, au nom du maintien de l’ordre public interdisait, dès les premières prières, la tenue de réunions de plus de trois personnes. La Junte voulait l’ordre et la paix publique, craignait le peuple et avait recours aux moyens coercitifs nécessaires pour le contrôler. Elle rétablissait ainsi les instruments d’exécution de l’Ancien Régime sans aucune garantie judiciaire et se servait du clergé et de la religion pour que tout continuât comme avant. Rien n’avait changé. La situation et les obligations du peuple étaient toujours les mêmes, il n’avait obtenu aucun droit susceptible de lui faire connaître un changement de régime et le bonheur de la révolution et de la liberté politique.
35L’objectif de la Junte que la Gazeta (30 septembre) dénonçait en termes voilés ne semblait pas bien différent :
« Constitution et Code : voilà ce qui nous manque ; voyez-y les ciments de cette nouvelle organisation. C’est là une bagatelle. Nous les possédons déjà direz-vous. Et assurément vous dites bien mais ils sont foulés, vermoulus, si bien que même leur propre mère ne les reconnaîtrait pas. Cet échafaudage de Pragmatiques s’est effondré sur les Tribunaux, et a éteint la lumière et la raison ; sachez monsieur que sans lois claires et décisives il n’est point de justice ; et là où il n’y a point de justice il ne peut y avoir de patrie constamment chérie par ses enfants. Ne parlons pas de constitution, nous l’avons, il est vrai, mais je parie que vous n’avez lu aucun livre où elle soit brièvement et méthodiquement écrite pour que chacun sache dans quel monde il vit »61.
36Derrière ces paroles nous pourrions reconnaître le style éclairé d’un León de Arroyal, d’un Jovellanos etc. L’auteur fonde ses espoirs sur la Junte installée à Aranjuez et le travail patriotique, honnête, austère et désintéressé de ses membres dont l’objectif est de mener à bien les réformes nécessaires pour que les efforts des Espagnols qui versent leur sang ne soient pas vains. Un ton modéré qui mise sur les changements.
Presse et guerre psychologique
37Napoléon sut créer sa propre image publique de militaire, d’homme politique ou de législateur afin de l’élever à la catégorie de légende et de mythe ; de mythe négatif comme ce fut révélé par ses ennemis, en particulier par les Espagnols qui en avril 1808 perçurent clairement ses intentions consommées dès le mois de mai avec les abdications de Bayonne et le début des hostilités. L’aura napoléonienne était bien loin62. L’empereur aurait pu appliquer une autre stratégie en Espagne, mais il ne le fit pas. Il s’abusa sans doute lorsqu’il magnifia son pouvoir, méprisa son voisin du sud et mesura plutôt mal les informations reçues ici et là. Cette guerre atroce, totale, qui passait des champs de bataille aux pages des journaux et aux feuilles volantes en France comme en Espagne était la seule évidence. La presse devenait un véhicule idéologique, un élément psychologique propre à affaiblir l’ennemi. En effet les guerres se gagnent grâce aux batailles mais aussi à toute forme de propagande. Chacun racontait les événements à sa façon de manière à démoraliser l’ennemi et à lui faire croire ce qui n’était pas. En ce sens, Napoléon était dans le vrai lorsqu’il écrivait à Murat : « Je ne cesserai de le répéter ; emparez-vous des journaux » ou alors « [...] utilisez les journaux pour imprimer la direction qu’il convient à l’opinion63 ».
38La Gazeta (7 juin) attirait l’attention de ses lecteurs afin qu’ils ne crussent pas ce que publiaient les journaux français ou afancesados, aussi bien ceux édités dans le pays voisin que les nationaux au service des envahisseurs, comme, par exemple, la Gazeta de Madrid. Ils mentaient. Pour sa part, le Diario (17 juin) reproduisait la proclamation de la Couronne d’Aragon et mettait l’accent sur le mensonge de Napoléon à Ferdinand, sur la formation d’une armée de 200 000 hommes et l’attente d’une faiblesse des Français pour rejeter le joug despotique de Bonaparte. L’espoir du journal venait des problèmes internes français et du désaccord avec l’Empereur qui devaient affaiblir sa position politique et militaire.
39Les deux journaux faisaient allusion aux mensonges de la presse française et de ses acolytes pour occulter ses défaites64. La Gazeta (19 juin) révélait les menteries publiées sur Bayonne. Concrètement on y soulignait la présence du marquis de Monte Real, personnage qui n’était jamais parti de Valence. C’était là un détail significatif. Le 25 octobre il recueillait l’image française du Deux mai à Madrid, accusant les Espagnols de manque de loyauté vis-à-vis des engagements pris avec la France, d’être anarchiques lorsqu’ils filaient vers « la révolution et le désordre », alors que les Français, pacifiques et innocents se conduisaient avec la plus grande modération et humanité, évitant de provoquer le Peuple « et préférant s’offenser plutôt que d’offenser quelqu’un »65. On découvre aussi les mensonges relatifs au nombre de soldats et d’actions militaires.
40La Gazeta (28 octobre) faisait état des contradictions des feuilles françaises qui parlaient de leurs progrès, de la soumission de l’Espagne et des bonnes dispositions de ses habitants. Par conséquent, leurs problèmes étaient réduits à néant, tels les sièges, la défense de Valence, la défaite de Bailén ou le départ précipité de Joseph I, « le roi passager » de Madrid. Ce ne fut pas considéré comme une fuite mais comme le besoin de « changer d’air » et de trouver des emplacements « plus frais » pour les troupes. La Gazeta ne respectait pas non plus les formes. Elle inventait, déformait, mentait et se contredisait délibérément à certains moments, se laissant porter, à d’autres, par les faux bruits et les rumeurs. Des mensonges comme la mort de Joseph I à Naples entre les mains de l’archevêque, les fuites répétées de Murat, ses craintes, ou encore la mort de Dupont ne surprennent plus personne. Tous les moyens sont bons pour remonter le moral des Espagnols face aux voleurs, pilleurs, incendiaires, sacrilèges français, en peu de mots, face aux enfants de l’enfer.
41La presse valencienne, en particulier, et l’espagnole, en général, diabolisèrent avec acharnement Napoléon qui persécutait la religion, voulait réduire en esclavage les Espagnols et maintenir Ferdinand prisonnier. Et ce fut un succès. Il fut l’objet de tout type de péjoratifs : traître, menteur, Antéchrist, inique, usurpateur, avorton de l’enfer, criminel, nouvel Haman, tyran de l’Espagne, de l’Europe, de la France, etc., etc.66. Voilà pourquoi, toute mesure contre lui était légitime. C’est ce qu’exposaient les catéchismes politiques ou les pamphlets tels que La bête aux sept têtes et dix cornes ou Napoléon empereur des Français aux connotations apocalyptiques. Il était l’incarnation du Mal. Le Diario et la Gazeta remuaient le couteau dans la plaie et plaignaient cette France soumise et malheureuse, tout en soulignant le mécontentement de ses habitants et leur cheminement fatal vers la ruine67. Il ne fallait donc pas confondre Bonaparte et la France : l’un célébrait ses victoires pendant que l’autre les pleurait. Alors que la France voyait son bonheur dans les arts, l’industrie, le commerce et l’agriculture, Bonaparte le trouvait en offrant à toute sa parentèle des couronnes, ce dont les Français n’avaient cure et ce qui engendrait bien des maux et un mécontentement dont la presse se complaisait à faire état pour discréditer un personnage qui, pour comble d’ignominie, était l’ami de l’infâme Godoy68. Ne pourrions-nous pas qualifier cela de rhétorique de combat ? Le Diario (21 août) publiait une prétendue lettre apparemment écrite de Paris :
« Cher ami, j’ose imaginer ta satisfaction en lisant cette lettre ! Le Sénat au complet et à l’unanimité a intronisé hier Ferdinand comme cela s’était fait auparavant sous les applaudissements de tous et les vivats répétés du peuple. Charles I V et son épouse se trouvent détenus séparément dans cette capitale (on assure que Napoléon a tenté de se tuer en feignant d’être devenu fou). Par disposition du Sénat, Godoy a été décapité publiquement et, dit-on, sa tête sera dépêchée en Espagne en guise de leçon et à la satisfaction de tous [...] »69.
42Qui n’aurait pas souhaité entendre de telles nouvelles ?
43La guerre justifie les moyens. Le Diario de Valencia (21 juin) appelait à prendre les armes, en faisant étalage d’une armée de 200 000 hommes. En un seul jour, 50 000 s’étaient enrôlés. Près d’un million d’hommes pourrait braver Napoléon et trois millions s’y préparaient. Dans une lettre ouverte on annonçait à Murat que la Nation disposait de 300 000 hommes. La réalité était bien différente70. Il fallait redonner l’espoir d’une victoire de manière à démoraliser l’ennemi en exaltant le patriotisme. Et si les forces humaines ne suffisaient pas l’on avait recours à l’aide divine. Nous avons vu précédemment avec quelle emphase il est fait appel au Dieu général et protecteur de nos armées. Qu’importe la carence en matériel militaire, la foi et le courage y suppléaient largement. La Gazeta (7 juin) écrivait : « Ici tout le monde s’enrôle », soulignant le courage des Espagnols, le transmettant alors qu’elle accentuait les défaites générales des Français grâce aux courageuses troupes régulières (il convient de mythifier l’armée) et au patriotisme (un autre mythe qui vise le peuple en armes)71; cette guérilla rurale, sorte de petite guerre ou guerre asymétrique, fut un instrument pour une partie du peuple face à l’inefficacité militaire et exaspéra les Français qui la considéraient avec mépris comme un groupe de bandits. Bien que la presse se centrât sur la geste militaire elle n’en négligea pas moins, durant toute l’année 1808, les activités des guérilleros sous les ordres de membres du clergé, comme le capucin Manuel de Vique, commandant de la Torre de San Miguel de Fluviá72, ou celle du frère qui les dirigea, le crucifix dans la main gauche et l’épée dans la droite73. Voilà le reflet de cette guerre populaire devenue une guerre primitive, atroce et sanguinaire, dont les Français non plus ne furent pas exempts.
44La presse souligne avec emphase la vaillance, le courage et le patriotisme de ces groupes d’Espagnols, en nombre réduits, qui font fuir les Français et les écrasent en causant de considérables pertes humaines et des dégâts matériels militaires. Le courage des Espagnols est immense et « les habitants de Saragosse parlent de la mort avec le même mépris que de Napoléon et de ses troupes... »74. Tout est sublimé, tout est héroïque, tout est grandiose.
45La Gazeta (9 août), dans l’euphorie de la victoire de Bailén et dans le but de démoraliser l’ennemi, décrivait les défaites françaises et le départ vers la France de chars emplis de blessés et dénonçait l’inhumanité avec laquelle les traitaient leurs propres compatriotes. Elle soulignait que les soldats français passaient du côté espagnol, qu’ils désertaient et que nombreux étaient ceux qui ne faisaient pas par crainte. C’était enfin une reconnaissance de la justice vis-à-vis de la cause de ceux qui luttaient. Du côté espagnol on magnifiait le prétendu mauvais fonctionnement de l’armée française et on l’exploitait pour discréditer Napoléon et sa délicate situation personnelle plus discutée de jour en jour. Le Diario (26 décembre) écrivait :
« Valenciens, Napoléon nous craint ; voilà pourquoi il n’a pas envoyé ses troupes dans notre Royaume. Chacun sait que le 2 mai ils n’étaient qu’une poignée d’hommes à enflammer le peuple de Madrid. C’est munis de simples couteaux et de pierres qu’ils ont donnés au téméraire Murat, armé jusqu’aux dents de canons et de baïonnettes, une idée assez claire des efforts des Valenciens »75.
46Car en effet, la nation tout entière s’est soulevée contre l’ennemi commun. L’empereur n’était pas le seul à avoir grand-peur, toute l’armée était contaminée. En juin, les Français abandonnèrent précipitamment Cordoue craignant une armée grossie par des troupes anglaises76. Il était également dit « que l’on considère comme un fait très positif que le général Duhesme commence à craindre notre armée »77, sans doute savait-il qu’il ne pouvait disposer de troupes supplémentaires. On faisait savoir depuis la Biscaye que les Français étaient si effrayés qu’ils fuyaient dès lors qu’ils entendaient « les Espagnols arrivent ». Selon la Gazeta (9 août) tout semblait indiquer que l’extinction de l’ennemi était proche.
47La peur, d’après la presse, n’était pas gratuite, mais naissait de la reconnaissance du courage et du savoir-faire hispaniques. C’est ce que sembla reconnaître Dupont face au colonel du régiment d’Almeria après sa défaite à Bailén :
« Je ne peux nier à V. S. que la cause pour laquelle se battent les Espagnols est la plus juste. Je ne peux manquer d’avouer que l’empereur Napoléon nous a exposés, nous, tous ses généraux, à perdre son honneur et le nôtre. Cependant, je souhaiterais ajouter, pour satisfaire V. S., que si les colonnes qui ont livré bataille à Bailén avaient appartenu à une autre nation, nous les aurions anéanties sur le champ. Mais les Espagnols sont invincibles en vertu de leur courage, de l’enthousiasme avec lequel ils livrent bataille et de l’intrépidité dont ils font preuve au combat. Je n’en démordrai jamais, non pas pour amoindrir le fait d’être vaincu mais parce que je m’enorgueillis de l’avoir été par les Espagnols »78.
48Les paroles de Dupont publiées par le Diario sont du plus grand intérêt. Il convient d’exalter le mythe du courage du soldat espagnol, de son armée. Mythe qui avait sa contrepartie dans l’aveu par la Junte Suprême de Valence des désertions inévitables « dont les conséquences sont sans doute d’une aussi grande transcendance que la guerre elle-même ». Pour faire face à une si grande saignée la Junte imposait persécutions et châtiments aux déserteurs. L’enthousiasme et la réalité s’équilibrent légèrement. Quelque chose indiquait que la ferveur était à géographie variable, qu’elle s’essoufflait et que les proclamations patriotiques n’étaient que le paravent d’une réalité différente et bien plus complexe. En dépit de tout, l’Espagne devenait l’exemple à suivre pour toutes les nations d’Europe désireuses de vaincre le tyran Bonaparte.
49Et je terminerai avec une proclamation adressée aux Valenciens.
« Dieu, le Roi, la Patrie, ce sont là les principaux objets auxquels tout bon sujet doit s’attacher. Mais, notre Seigneur outragé, le Monarque opprimé, l’Espagne réduite en esclavage, tous réclament notre aide, tous ont soif de notre vengeance. Plutôt mourir mille fois que d’embrasser une autre Religion que celle de nos ancêtres ; plutôt mourir que de reconnaître un Prince intrus, plutôt mourir que d’accomplir d’autres devoirs que ceux que nous impose notre terre natale. Ne sommes-nous pas Espagnols ? Si nous le sommes, alors ne laissons jamais entrer dans nos cœurs les maximes du tyran. Notre Religion est la seule véritable, celle par qui nous obtiendrons notre salut. Nous avons un Souverain légitime qui nous gouverne, ou du moins en son absence un Corps National Suprême qui s’emploie incessamment à notre bonheur et une Patrie infiniment plus aimable que la prospérité immatérielle que nous offre le Tyran. Nous avons juré de défendre trois objets sacrés au prix, s’il le faut, de notre propre vie et nous devons irrémissiblement accomplir l’obligation à laquelle est soumis tout homme à sa naissance [...] Nous ne devrons jamais reconnaître aucune autre Religion que celle de nos parents, aucun autre Roi que FERDINAND, aucune autre Patrie que celle sous laquelle nous avons vu le jour. Ainsi nous serons invincibles, nous triompherons du tyran et cueillerons le fruit attendu d’une paix douce et durable »79.
Notes de bas de page
1 On pourra consulter la version en espagnol de cet article : « La prensa valenciana ante la Guerra del Francès en 1808 » dans le numéro spécial de la revue électronique El Argonauta español, 2008, livraison juin (n° 5), http://argonauta.imageson.org/document112.html
2 Emilia Salvador Esteban, « Los inicios del Diario de Valencia y la revolución francesa : desorientación y radicalización (1790-1795) », Estudios de Historia Moderna y Contemporánea. Homenaje a Federico Suárez Verdeguer, Madrid, Rialp, 1991, p. 431-440 ; Elisabel Larriba, Le Public de la presse en Espagne à la fin du XVIIIe siècle (1781-1808), Paris, Honoré Champion, 1998, p. 91 ; José María Bilbao Aldamizechevarria, El Diario de Valencia. Luces y sombras 1790-1800, FU San Pablo CEU, Valencia, 1994.
3 Alberto Gil Novales, « La Gazeta de Valencia, 1808 », Trienio, Ilustración y Liberalismo, 48, (2006), p. 41-122. Il s’agit là d’un travail purement descriptif.
4 Antonio Alcalá Galiano, Obras Escogidas, Madrid, BAE, 1955, t. I, p. 346.
5 Valence ne célébra un Te Deum en action de grâce pour le nouveau roi que le 7 avril. Ce qui ne signifie nullement que la ville ne le souhaitait pas ; elle en rêvait comme le prouvent les préparatifs de Bertrán de Lis ou les témoignages de Miguel Cortés y López ; Vicente Leon Navarro, La pasión por la libertad. Miguel Cortés y López 1777-1854), Biblioteca Valenciana, Valence, 2003, p. 22.
6 Joaquín Lorenzo Villanueva, Vida Literaria de D...., Édition, Étude Préliminaire et Indice Onomastique de Germán Ramírez, Alicante, 1996, p. 226-227. Il est question du leurre de Napoléon pour attirer Ferdinand sur le sol français.
7 Antonio Alcalá Galiano, Obras escogidas, p. 334-335.
8 Benito Pérez Galdós, Del 19 de marzo al 2 de mayo, Madrid, Biblioteca Selecta Universal, 1987. Galdós fair état de cette situation : « En su ignorancia y necedad no se les alcanzaba que habían envilecido el trono, haciendo creer a Napoleón que una nación donde príncipe y reyes jugaban la corona a cara y cruz sobre la capa rota del populacho, no podía ser inexpugnable », p. 57.
9 Emilio la Parra López, Manuel Godoy. La aventura del poder, Barcelona, Tusquets, 2002 ; Miguel Artola, La España de Fernando VII, Barcelona, Biblioteca Histórica de España, 2005.
10 « Provocados por un corto número de personas inobedientes a las leyes con las tropas francesas y, tranquilizado ya todo, encarga S. A. R. [...] que este triste ejemplo sea el último de esta especie que los Pueblos experimenten ».
11 Certains auteurs accordent une attention excessive à ce jour. Ils affirment que le soulèvement du peuple de Madrid tronqua les plans de Napoléon et que la révolte se répandit à travers le royaume comme une traînée de poudre transformant ainsi pour l’Empereur la péninsule en enfer ; voir España el infierno de Napoleón. 1808-1814. Una historia de la Guerra de la Independencia, Emilio de Diego (éd.), Madrid, La Esfera del Libro, 2008.
12 La Gazeta (7 juin) justifiait l’attitude de O’Farril, ministre de la guerre, pour éviter un bain de sang.
13 Gérard Dufour, « Napoleón y la contrarrevolución », Trienio, Ilustración y Liberalismo, 44 (2004), p. 24-35.
14 Variété d’opinions sur la spontanéité du soulèvement, de la planification préalable des Espagnols ou des Français, qui en tout état de cause ne cessèrent de se provoquer. Comte de Toreno, Historia del levantamiento, guerra y revolución de España. Madrid, BAE, 1953, p. 45. Le point de vue de Pérez Galdós sur l’intervention du peuple et sa capacité à être manipulé est intéressant. Dans Napoleón en Chamartín il parle de la mort de Mañara perpétrée, à cause d’une simple rumeur, par le peuple. Il souligne ainsi la capacité de celui-ci à s’enflammer et à s’éteindre avec la même précipitation et surtout son incapacité à mener une action sans être dirigé ; Ricardo Garcia Cárcel, El sueño de la nación indomable. Los mitos de la Guerra de la Independencia, Madrid, Ediciones Temas de Hoy, 2007. Cet auteur présente également le 2 mai comme une confluence d’intrigues, p. 101 ; Gérard Dufour, La Guerra de la Independencia, Madrid, 1999.
15 Comte de Toreno, Ibid., p. 70-71 décrit la situation à Valence. Vicente Martínez Colomer (OFM), Sucesos de Valencia : desde el día 23 de mayo al 28 de junio del año 1808, Valencia, Imprenta de Salvador Faulí, 1810.
16 Manuel Ardit, Revolución liberal y revuelta campesina. Un ensayo sobre la desintegración del régimen feudal en el País valenciano (1793-1840), Barcelona, Ariel, 1977 ; Juan Rico, Memorias históricas sobre la revolución de Valencia que comprenden desde el 23 de mayo de 1808 hasta fines del mismo año y sobre la causa criminal formada contra el P. Fr. Juan Rico, el brigadier D. Vicente González Moreno, el comisario de guerra D. Narciso Rubio y otro, Cádiz, 1811 ; Vicente Bertrán de Lis, Apuntes biográficos o sea Apéndice a los folletos titulados « Los Gobiernos y los intereses materiales », Madrid, 1852 ; Vicente Leon Navarro, « Motins i avalots : De l´Antic Règim a la Revolució Liberal (1793-1808) », El primer liberalismo : L´aportació valenciana, Valencia, Biblioteca Valenciana, 2001, p. 32-46. Ce communiqué lu à la foule fut publié dans le supplément du 24 du Diario : « D. Fernando VII por la gracia de Dios rey de España, y en su real nombre el Excmo. Sr. Capitán general y Real Acuerdo, mandan : Que todos los vecinos se tranquilicen y se retiren a sus casas, pues han velado por su bienestar y harán cuanto puedan para que tengan efecto sus deseos e intenciones ; que se haga el alistamiento forzoso desde edad de 16 a 40 años ; los Alcaldes de barrio formarán este alistamiento y también los Electos de los quarteles, con intervención de sus respectivos jueces ; y el Excmo. Señor conde de Cervellón se pondrá al frente de estas tropas (...) ».
17 Le 27 la Junte signait l’arrêt des hostilités avec le gouvernement britannique.
18 Gérard Dufour, « Pourquoi les Espagnols prirent-ils les armes contre Napoléon ? », Les Espagnols et Napoléon. Études Hispaniques, 7 (1984), Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence. Je crois que la conjoncture du moment aurait pu représenter un coup dur pour bon nombre de personnes. Pérez Galdós souligne l’évolution du comte de Rumblar dans Bailén. Ce changement peut sans doute expliquer l’attitude de Joaquín Lorenzo Villanueva face au chaos de la situation qui différait beaucoup de celle qu’il avait prévue dans son Catecismo de Estado. Vicente Leon Navarro, « Joaquín Lorenzo Villanueva, el Jano bifronte », Valencianos en Cádiz. Joaquín Lorenzo Villanueva y el grupo valenciano en las Cortes de Cádiz, Germán Ramírez Aledón, (Ed.), Biblioteca de las Cortes de Cádiz/7, 2008, p. 105-156.
19 « Se ha proclamado a nuestro Fernando Séptimo con la mayor solemnidad. Se han enarbolado quatro estandartes, del Christo de San Salvador, Virgen de los Desamparados, San Joseph, San Vicente. Junta Gubernativa, arzobispo, cabildos, clero, comunidades y todo el pueblo han gritado ¡Viva, viva ! Valencia en masa se arma. Es preciso ya vencer o morir [...] Todos interesan, nadie puede quedar en inacción. Todos deben tomar las armas. La Patria y la Religión peligran. O morir con honor o vencer con gloria ».
20 Le Diario (19 juin) accusait tous ceux qui ne s’enrôlaient pas et montrait du doigt certains maires de quartier qui favorisaient les membres de leur famille afin de leur éviter de s’enrôler. La ferveur, semble-t-il, n’était pas, dans certains cas, à la hauteur de la situation. Le 25 décembre il publiait un long poème dont nous ne proposons que quelques vers : « Todos en Valencia/sudan y se afanan./¿Y los egoístas ?/Quietitos en casa ».
21 Moncey avait quitté Madrid le 4 dans l’intention de conquérir Valence.
22 L’imprimerie de Joseph Estevan et frères la publia entre juin 1808 et janvier 1815. Le 7 juin elle écrivait « Despierta España, tú sabes rugir y espantar a todo el orbe. Óyeme, acaso por última vez, y mira que los panegiristas de tus frutos, ingenios y religión son los mismos que te engañan y algún tiempo arrancarán hasta las más profundas raíces de tu felicidad. El lenguaje de la seducción es muy opuesto al de la razón ».
23 Nombreuses sont les études concernant ce thème. Leur énumération serait interminable.
24 L’orgueil et l’honneur sont constamment présents dans les Episodios Nacionales de Pérez Galdós.
25 C’est, plus ou moins, ce que fera la littérature libérale par rapport aux députés des Cortès présentés comme d’authentiques héros, comme les protagonistes de la révolution.
26 « Llegó la hora de que nuestro heroyco pecho manifieste al mundo la fidelidad y amor de nuestro católico monarca Fernando VII [...]; pronto daréis fin al enemigo de Dios y de los hombres : ese intruso, ese perturbador de la quietud universal ; ese infame caudillo destructor de la humanidad. Franceses, temed, pues los valencianos van bien armados con el escudo de la Fe y Religión ; éste es su objeto principal y el vindicar el engaño de su monarca Fernando VII. Sí, temedles [...] (Valencianos) alentaos, no desmayéis ya que tenéis el honor de ser alistados bajo el sagrado auspicio y protección de nuestra admirable y siempre venerable Reyna de los Ángeles, María de los Desamparados ; de su Hijo crucificado, tierno objeto de nuestra veneración y respeto ; de nuestro glorioso san Joseph y de nuestro gran paysano e invicto defensor Vicente Ferrer [...] ».
27 C’est ce qu’affirme Pérez Galdós à travers les paroles de Saint Jacques dans Bailén, p. 136 : « Francia tiene el Napoleón, España tiene el Santiago que es además de general un santo del cielo ».
28 Diario de Valencia (25 novembre).
29 Ceci rappelle l’œuvre de Frère Diego de Cadix, El soldado católico en la guerra de religión. La guerre politique devient guerre de religion, une croisade contre l’infidèle.
30 La Gazeta annonçait (22 novembre) le livre sur Le Juste, ce soldat de Chirivella, mort à Las Cabrillas le 24 juin et retrouvé non inhumé et intact le 16 octobre. Le Diario (26 septembre) rendait compte du miracle survenu dans le couvent des augustins extra-muros, détruit par les Français, avec les reliques de Saint Thomas de Villanueva.
31 Il est vrai qu’Antonio Capmany dans Centinela contra franceses, parlait de ces petites nations qui composent la masse des grandes nations, Manresa, 1808, p. 45-46. Il n’en était pas moins hanté par l’unité générale.
32 « La divina Providencia se ha dignado infundir en todos los españoles un mismo espíritu, formando una fuerza invencible para defender la sagrada religión, su legítimo soberano y la libertad de la patria ». Diario de Valencia (25 juin).
33 Texte d’Isidoro de Antillón, publié à Teruel le 28 juin.
34 « Quán grande es este momento y quán digno de fixar la atención del universo. Miremos de un lado a una Nación que se levanta de repente y que camina a pasos agigantados en la carrera de la gloria [...].Todo lo que concibe es el resultado del sentido nacional, que nada puede distraer ni corromper ; todo lo que executa es la producción de una fuerza inmensa que nada puede ni debilitar ni descomponer. En pocos meses ha transformado la paz de todo el globo : ella ha abierto a los otros pueblos las perspectivas más consoladoras y ha propagado entre ellas una cierta agitación, que es el signo benéfico de la regeneración ». [C’est nous qui soulignons.]
35 Antonio Alcalá Galiano, Obras escogidas, t. I, p. 26. L’auteur y parle de plusieurs mythes. Chacun s’étant construit le sien. Pérez Galdós, parle pour sa part d’un roi imaginaire. Emilio la Parra López date le début de cette mythification autour du 5 novembre 1807, à l’occasion de la conjuration de l’Escurial dans « El mito del rey deseado », in Sombras de mayo. Mitos y memorias de la Guerra de la Independencia en España (1808-1908), Madrid, Casa de Velázquez, 2007.
36 « I nocente y desgraciado príncipe que aleccionado en los escándalos de los tristes desengaños y catástrofes públicas de su nación, haría renacer algún día la abundancia y la prosperidad general ».
37 Gazeta (21 et 29 juin).
38 Gérard Dufour, « Napoleón y la contrarrevolución », Trienio, Ilustración y Liberalismo, 44 (2004), p. 24-35.
39 Emilio la Parra López, Manuel Godoy. La aventura ..., op. cit.
40 « Si a Carlos I V te lo han pintado, España amada, en los más negros colores de la ignominia y según lo han visto esos papeles Diarios, al fin lo respetabas como a monarca tuyo y habías sufrido por 19 años su dominación, esperando le sucedería Fernando VII, inocente y desgraciado, príncipe que aleccionado en la escuela de los tristes desengaños y catástrofes públicas de su nación, haría renacer algún día la abundancia y prosperidad general ».
41 Gazeta de Valencia (17 juin).
42 « [...] la grande obra de nuestra revolución es debida a la bizarría de nuestras matronas, que fueron las primeras en arrojarse a los peligros y en crear el espíritu público ».
43 « No puede oírse sin desagrado que se dé el odioso nombre de revolución a la que se verifica en España. Hablando con propiedad, no merece semejante calificación. Ya se mire en su origen, en sus progresos o en sus efectos, ha de quedarse en una justa y necesaria conmoción para sostener los derechos más sagrados y de que no es posible prescinda ningún hombre de sentimientos sociales y religiosos ».
44 « ¿ Se ha advertido tampoco en los movimientos de nuestro reyno el menor indicio que respire apariencia de revolución ? [...] ¿ No se ha emprendido una gloriosa defensa que nos reintegra en el honor y consideración que merecimos en toda Europa en los siglos xv y xvi y de que injustamente estábamos desposeídos ? ».
45 Manuel Ardit, Revolución liberal..., p. 134. Pour cet auteur, c’est le sentiment patriotique, religieux et xénophobe qui prédomine dans les premiers jours du soulèvement contre les Français ; il exclut tout contenu révolutionnaire.
46 Gazeta de Valencia (14 octobre). Recueille quelques écrits français comme « La revolución de España empezó por milagro en Zaragoza, Valencia y Sevilla : el clero y los frailes que fueron los autores de estos prodigios, alarmaron con ellos al populacho ignorante ; pero el alto clero, los nobles y todos los hombres de talento, no tomaron parte en este asunto y sola la insolencia de una plebe fanática y atrevida los puso en la situación de decidirse entre su partido y la muerte (...) ». D’après Blanco White il n’y a pas eu de révolution mais beaucoup de tristesse et de cruauté. La société espagnole était bien trop attachée au despotisme pour s’en libérer de sitôt.
47 Claude Morange, Siete calas en la crisis del Antiguo Régimen español, Alicante, Instituto Juan Gil-Abert, 1990, p. 62.
48 Le Diario de Valencia reproduisait le 27/07 un article du Diario de Granada. La Gazeta incorporait le même article, quelque peu modifié, du Gibraltar Cronicle, le 25/11.
49 « ¡Qué contraste tan obvio y aparente nos presenta en el día España ! Esta nación abatida y degradada por los vicios de un largo reynado, se ha sostenido con prudencia y honor sin monarca, sin familia real y sin gobierno supremo ; muchas de sus provincias han sido ocupadas por tropas enemigas [...]. ¿ Quién no habrá que tiemble y se estremezca a la vista de una tan horrorosa convulsión política ?, ¿ de la reacción de una nación orgullosa, poderosa y que se creía insultada ?, ¿ de los desórdenes de una anarquía y de los estragos de una guerra civil ? [...]. La España sabe a la vez repeler la insolencia de un enemigo orgulloso e insufrible y establecer el orden, manifestando al mundo la robustez de la juventud y la sabiduría de la edad madura combinados ».
50 L’article s’intitulait L’erreur de Napoléon.
51 Gérard Dufour, « La tragedia del clero afrancesado », in Historia 16 (1986), p. 21-28.
52 « Guerra santa y de cruzada y religión es lo mismo en la sustancia y sólo significa que defendemos las leyes divinas, el dogma, el culto exterior, la Iglesia, los vasos santos, sus ministros, las costumbre y la moral ». Cité dans Pedro Pascual, « Curas guerrilleros contra Napoleón Bonaparte », Historia 16, (1999), p. 44.
53 Diario de Valencia, (17 janvier 1809).
54 « El gobierno tomó inmediatamente sobre sus hombros la dirección de este impulso (popular) generoso, la erección de una Junta Suprema es nuestra primera época de independencia civil. Hemos visto a esta Asamblea de la autoridad reunir todos los extremos, formar una gran masa, separar los detalles y organizar un nuevo estado en el espacio de siete días. El crear un gobierno, levantar un exército, establecer un orden constante, fixar un plan, erigir recursos y fondos y evitar las convulsiones de la libertad naciente en tan corto tiempo, es un fenómeno político que merece investigarse por los buenos pensadores ».
55 « [...] lo urgente del peligro, la falta de un centro común al estar interrumpidos por los enemigos la comunicación de las provincias, exige que cada una de ellas se revista de la soberanía y al momento se erigen Juntas Supremas, se entraba en un acertado plan de confederación [...] »
56 Le comte Toreno défendit la spontanéité, la pression populaire et le pouvoir fédéral. De son côté Blanco White considéra la formation des Juntes comme une réalité tumultueuse, faiblement populaire et excessivement teintée d’Ancien Régime « Reflexiones generales sobre la revolución española », El Español, 1er avril 1810, in Antología de obras en español, ed. de Vicente Llorens, Barcelona, Labor, 1971. M. Ardit, op. cit., p. 122, écrit que « un modèle spontané était né le 23 mai », mais il y parle aussi d’une conspiration en faveur de Ferdinand VII dans laquelle se trouvait impliquée la famille Bertrán de Lis.
57 Claude Morange, « Las estructuras de poder en el tránsito del Antiguo al Nuevo Régimen », in España y América entre la Ilustración y el Liberalismo, Joseph Perez et Armando Alberola (Eds), Alicante-Madrid, Instituto de Cultura Juan Gil-Albert-Casa de Velázquez, 1993, p. 39. Ibid., Siete calas..., p. 62, insiste sur son caractère conservateur, bien que, indubitablement, il y ait des aspects inédits. Et effectivement, les formes de gouvernement qui se présentent sont tout à fait nouvelles. Antonio Moliner Prada, « El juntismo en la primera mitad del siglo XIX como instrumento de socialización política », dans Sombras de mayo..., p. 65-86.
58 Le Diario (17 août) recueillait dans le Diario de Badajoz : « No digas viva León / Viva Asturias, ni Castilla, / Ni digas viva Sevilla, / Ni Galicia ni Aragón. / Muera el traidor Napoleón. / Viva España, entonces / Viva Fernando, dirá / A una voz / Si has de vencer. / Si esto no quieres hacer, / España, te perderás ».
59 Pérez Galdós écrit dans Bailén un passage révélateur. Personne, parmi ceux qui accompagnent le comte de Rumblar à la bataille, ne pense qu’il puisse y avoir quelqu’un au-dessus du roi. Il n’y a bien que Luis Santorcaz qui leur fasse voir que le royaume est au-dessus de tout. Un point de vue qui provoque la stupeur des auditeurs.
60 « La Junta Suprema amante del orden y la quietud pública que con tanto extravío ve alterada en todos los pueblos de este Reyno, que llora los prontos castigos que se ve forzada a mandar ejecutar hasta el total exterminio de tantos malhechores [...]; para poner remedio mando poner en todas las Cabezas de Partido el tabladillo, los garrotes y la horca en que los delincuentes, según su clase, paguen a la sociedad la pena que corresponda y en el lugar que lo cometieren.
Mando que los párrocos expliquen los domingos y fiestas en plazas e iglesias las obligaciones que a cada uno corresponde ».
61 « Constitución y Código : he ahí lo que nos falta, y vea Vm. aquí los cimientos de la nueva organización. Ahí es una friolera. Ya los tenemos, dirá Vm. Dice Vm. muy bien, pero barrenados, carcomidos, y que no los conocerá la madre que los parió. Esa carretería de Pragmáticas se ha desplomado sobre los Tribunales, y ha sofocado la luz y la razón ; y Vm. crea, que sin leyes claras y decisivas no hay justicia ; y donde no hay justicia, no puede haber patria querida constantemente por sus hijos. No hablemos de constitución, porque la tenemos, es verdad ; pero yo apuesto a que no ha leído Vm. ningún libro donde esté breve y metódicamente escrita para que sepa cada uno en qué mundo vive ».
62 Voici ce que dit le texte d’Alcalá Galiano : « Lo general de las gentes admiraba y aplaudía al ínclito emperador francés, conquistador y legislador, así como supuesto protector de España. / No está de más añadir que entre el clero, y aun entre los frailes, gozaba Napoleón de alto y favorable concepto ». Antonio Alcalá Galiano, Obras escogidas, BAE, Madrid, 1955, p. 23-24.
63 Emilio de Diego, « De Fontainebleau al dos de mayo », in Actas del Congreso Dos de mayo y sus precedentes, Madrid, 1992 ; Emilio la Parra López, Manuel Godoy..., op. cit., p. 405.
64 La Gazeta (28 octobre) écrivait : « El Monitor de esta fecha (5 de septiembre) aparenta dar al público francés una idea exacta de todo lo ocurrido en España. Por supuesto el público nuestro no podrá dudar que toda esta relación será prima hermana de los cuentos y consejas de encantamientos y de la varita de virtudes que manejó a la faz de toda Europa hasta hace pocos meses hace, el grande Ensalmador, y el mayor de los Polacos, charlatanes y Sacamuelas que han salido de Italia, Napoleón primero y último. Miente sin temor y sin escrúpulos ; pero como el exercicio conduce insensiblemente a la perfección, el tal embustero desempeña el oficio prodigiosamente ».
65 En italique dans l’original.
66 « -¿ Quién es el enemigo de nuestra felicidad ? / -El emperador de los franceses. /- ¿ Quién es ese hombre ?/ -Un malvado, un ambicioso, principio de todos los males, fin de todos los bienes y compuesto y depósito de todos los vicios. /-¿ Cuántas naturalezas tiene ? / -Dos, una diabólica y otra humana. »
67 La Gazeta (7 octobre).
68 La Gazeta (22 juillet) écrivait « El gobierno francés, o el usurpador de éste, por mejor decir, no se contenta sólo con engañar a los forasteros, sino que empieza por los de casa. Conoce muy bien el señor Bonaparte, que está muy mal seguro, luego que llegue a instruirse la nación francesa sobre su deplorable estado y sobre las ventajas que deben al grande Napoleón. La mentira, la impostura y los engaños más groseros han sido las bases de su política ; la Francia se instruirá por sus derrotas y todos los artificios de la política italiana no podrán deslumbrarla, ni acallar sus quejas. Francia está oprimida por su tirano ». Le Diario (26 juillet), se faisait l’écho des tumultes de Paris qui abominait l’attitude honteuse de Napoléon à l’égard de la famille royale espagnole. Une telle attitude mettait en danger son trône.
69 « Amigo mío, ¡qué satisfacción tendrás al leer esta carta ! El Senado pleno y unánime ha mandado proclamar ayer a Fernando VII como se hizo con aplauso general y repetidos viva del pueblo. Carlos I V y su esposa se hallan custodiados con separación en esta capital (se asegura que Napoleón ha intentado matarse fingiendo haberse vuelto loco). À Godoy se le ha decapitado en público por disposición del Senado y, se dice, que la cabeza se enviará a España para común satisfacción y escarmiento [...] »
70 Gazeta de Valencia (7 juin).
71 C. J. Esdaile, España contra Napoleón. Guerrilleros, bandoleros y el mito del pueblo en armas (1808-1814), Traducción de Ignacio Alonso, Barcelona, Edhasa, 2006.
72 Ibid., (13 décembre).
73 Ibid., (12 juin).
74 Ibid., (27 septembre).
75 « Valencianos, Napoleón nos teme ; por eso no ha envido sus tropas a nuestro Reyno. Un corto número de los nuestros es fama que en el 2 de mayo animó al pueblo de Madrid, y tan sólo con cuchillos y piedras dio al temerario Murat, pertrechado de cañones y bayonetas, bastante idea del esfuerzo de los valencianos ».
76 Diario de Valencia, (10 juillet).
77 Ibid., (10 novembre).
78 Ibid., (12 novembre) : « No puedo negar a V. S. que la causa por que pelean los españoles es la más justa. No puedo dexar de confesarle que el emperador Napoleón nos ha comprometido a todos sus generales para que perdamos su honor y el nuestro. Pero sí quiero añadir a V. S. para su satisfacción que si las columnas que presentaron batalla en Baylén, hubieran sido de otra nación, las hubiera destrozado en el momento. Pero los españoles son invencibles por su valor y entusiasmo con que pelean y por la intrepidez con que se arrojan a los combates. Así lo diré siempre, no por apocar la nota de ser vencido, sino porque me honro de haberlo sido por los españoles »
79 Diario de Valencia, (29 janvier 1809) : « Dios, el Rey, la Patria, éstos son los principales objetos que deben ocupar a todo buen vasallo. Mas el señor ultrajado, el Monarca oprimido, la España esclavizada, todos claman nuestro auxilio, todos piden nuestra venganza. Morir mil veces que adoptar otra Religión que la de nuestros mayores ; morir antes que reconocer a un Príncipe intruso ; y morir más bien que cumplir otros deberes que los que nos impone nuestro suelo nativo. Si somos o no españoles, si lo somos, no demos jamás entrada en nuestros corazones a las máximas del Tirano. Nuestra Religión es la verdadera, y en la que hemos de salvarnos. Tenemos un legítimo Soberano que nos gobierne, o en su ausencia el Supremo Cuerpo nacional, que incesantemente se afana por nuestra felicidad, y una Patria infinitamente más amable que la aérea prosperidad que nos ofrece el Tiranos. Hemos jurado defender tres objetos tan sagrados hasta con nuestra propia vida, y debemos irremisiblemente cumplir la obligación a que nace sujeto todo hombre [...] Ni otra Religión que la de nuestros padres, ni otro Rey que FERNANDO, ni otra Patria que la en que vimos la luz primera hemos de reconocer jamás. Así seremos invencibles, triunfaremos del tirano y cogeremos el ansiado fruto de una paz.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les sans-culottes marseillais
Le mouvement sectionnaire du jacobinisme au fédéralisme 1791-1793
Michel Vovelle
2009
Le don et le contre-don
Usages et ambiguités d'un paradigme anthropologique aux époques médiévale et moderne
Lucien Faggion et Laure Verdon (dir.)
2010
Identités juives et chrétiennes
France méridionale XIVe-XIXe siècle
Gabriel Audisio, Régis Bertrand, Madeleine Ferrières et al. (dir.)
2003
Des hommes à l'origine de l’Europe
Biographies des membres de la Haute Autorité de la CECA
Mauve Carbonell
2008