De l’euphorie à la déception : la presse anglaise face au soulèvement espagnol
p. 175-206
Texte intégral
1L’un des aspects les moins étudiés de la Guerre d’Indépendance est le rôle joué par les périodiques anglais, qu’il s’agisse de la collecte d’informations ou de l’opinion livrée dans les éditoriaux. Étudiés en partie par le professeur Aspinall et Ivon Asquith1, les périodiques sont fort utiles, non seulement pour connaître les informations dont disposaient les Anglais ou ce que l’on pensait à la cour de Georges III, mais aussi pour observer les méthodes de travail des journalistes de cette époque et connaître l’état d’esprit de l’opinion publique anglaise. La période la plus intéressante est celle comprise entre mai 1808 et mars 1809, moment où la « fièvre » espagnole s’amenuisa en raison des mauvaises nouvelles en provenance du front2. Le premier problème que pose l’étude de cette époque est la carence d’archives pour les périodiques concernés (par exemple celles de The Times se limitent à la période postérieure à l’arrivée de Thomas Barnes, 1823). De ce fait, les journaux des hommes politiques et des journalistes sont d’une importance capitale. Il est également difficile d’établir un catalogue des périodiques (tant la presse anglaise est abondante) ayant une véritable influence, dans et hors du pays. Notre classification repose sur le catalogue des publications envoyées à l’étranger et auxquelles était abonné le service d’information du Post Office, conservé aux archives du Royal Mail Archive3. Un document fort intéressant car y figurent les points de diffusion de la presse anglaise en Europe, conformément à l’effort de propagande du Gouvernement de Portland.
2Parmi les périodiques étudiés figurent, pour ceux du soir : The Star, aux mains de Daniel Stuart, un propriétaire proche du Gouvernement4 ; The Courier, dirigé par Peter Street5, également proche de « Whitehall », en dépit de quelques problèmes avec certains de ses collaborateurs trop libres dans leurs opinions comme ce fut le cas avec la Convention de Cintra ; The Sun, le périodique le plus antijacobin et le plus tory, dirigé par John Heriot, un journaliste expérimenté ayant travaillé pour des publications étatiques ; The Pilot, qui reçut parfois l’appui des whigs, comme en attestent les mémoires de Lord Holland, qui déclara qu’il s’agissait d’une « bonne » publication mais nécessitant « plus d’appui » ; enfin The Globe, hostile au Gouvernement6 et dont le directeur était Mr. White7.
3Les journaux du matin consultés sont les suivants : Oracle, le grand rival de The Times de par ses attaques contre Addington et son appui à la politique de William Pitt8 ; The Morning Chronicle, qui fut le meilleur quotidien anglais jusqu’à la mort du directeur James Perry, en 1821, et le plus respecté, son aura reposant sur l’importance accordée aux chroniques parlementaires, aux nouvelles d’outremer ainsi que sur la liste de ses collaborateurs, comme Samuel Taylor Coleridge, William Hazzlitt, Leigh Hunt, Charles Lamb, Richard Brinsey Sheridan, etc. (il constituait l’organe d’expression le plus important des whigs et était communément appelé « The Chronicle of the Opposition » ou « Opposition Chronicle ») ; The Morning Post, connu comme The Fawning Post (« l’adulateur ») en raison de son appui à William Pitt et ensuite à Castlereagh et Canning, occupait le deuxième rang en matière de diffusion ; The Morning Herald, rival de The Times en raison d’intérêts communs et parce qu’il accordait une grande importance aux agents envoyés à l’étranger. Enfin, The Times, dirigé par John Walter II, périodique qui n’avait pas très bonne presse en raison des méthodes de son premier éditeur9, et qui alors ne figurait pas parmi les trois journaux anglais les plus importants en matière de diffusion.
4Il ressort de ce tableau que la presse était alors très partisane et parfois un simple organe au service du Gouvernement ou de l’opposition. Les éditeurs des périodiques les plus importants, comme le souligne William Jerdan, qui fut lui aussi directeur du Sun, appartenaient aux partis qu’ils appuyaient et ils utilisaient leurs journaux comme des instruments de propagande de la lutte politique, les éloignant de leur vocation première qui était d’être au service de la société :
« leurs intérêts avaient plus à voir avec la politique qu’avec les devoirs inhérents à la presse. (…) Ils étaient généralement bien mis, avaient de l’instruction et bon goût (…) le nombre de leurs lecteurs leur importait peu en tant que source de bénéfices commerciaux et d’attraction pour la publicité. Ils étaient bien plus intéressés à leur transmettre les opinions du parti qu’ils appuyaient ou servaient. Tout le monde sait bien qu’un périodique pour avoir du succès doit toujours plaire au public et faire montre de son impartialité et de son indépendance. Mais dans l’ancien temps, ces critères n’étaient pas rigoureusement suivis et leur but était de faire en sorte que tout le pays adopte la même manière de penser »10.
5Cependant, le degré de liberté avec lequel ils agissaient était bien supérieur à celui des journaux espagnols et français (bien plus contrôlés), grâce à la longue bataille menée contre le Gouvernement au XVIIIe siècle qui leur avait permis de s’ériger en quatrième pouvoir11, mais aussi évidemment grâce au nombre croissant d’annonces qui leur donna une certaine indépendance économique.
6Lorsqu’arrivèrent les premières nouvelles du soulèvement espagnol, les journaux se lancèrent dans une bataille pour obtenir des nouvelles récentes, mais ils avaient un problème : où trouver l’information ? Dans les premiers temps, ils furent tributaires des périodiques madrilènes contrôlés par Murat et des rapports des officiers de Marine publiés dans la Gazette de Londres (y figuraient les premières informations sur l’affrontement de Bailén). L’ultérieure réouverture des services postaux maritimes entre Falmouth et La Corogne et l’apparition des gazettes des nouvelles Juntes entraînèrent un profond changement. Les éditeurs pouvaient enfin recevoir la presse libre en quantité suffisante pour emplir leurs pages12. Malheureusement un vieux problème allait resurgir : le contrôle de l’information par le Gouvernement.
7Les informations du « Continent » dépendaient, en grande mesure, de l’abonnement au bulletin du Bureau des Postes, qui avait l’exclusivité de la réception et de l’envoi des publications de l’extérieur. Les périodiques payaient une somme afin de recevoir des publications traduites ou originales qui n’arrivaient pas toujours à temps13. C’était une formule peu coûteuse pour les éditeurs et qui permettait au gouvernement de contrôler efficacement l’information. Dans les fonds du Royal Mail Archive sont conservées de nombreuses plaintes émanant d’éditeurs, motivées par les « retards » de la réception des envois et les inégalités vis-à-vis des publications plus proches du Gouvernement14. Le journal lui-même rendra compte de ces pratiques dans une information publiée le 11 février 1810 :
« Pour ce qui est de la guerre de 1804, les envois aux éditeurs depuis l’étranger étaient constamment retenus par le Gouvernement dans les postes frontaliers, alors que les envois pour les journaux ministériels [Ministerial, terme employé par les périodiques pour désigner les journaux proches de l’administration] circulaient librement. Les capitaines étrangers étaient toujours interrogés par un agent officiel à Gravesend afin de savoir s’ils avaient quelque envoi pour The Times. Lorsqu’on découvrait que c’était le cas s’ensuivait généralement une réquisition. Lorsqu’un périodique interrogeait l’agent de Gravesend à ce sujet, il répondait systématiquement qu’il envoyait à l’éditeur ses périodiques avec autant de diligence et de ponctualité qu’il le faisait avec les autres journaux. Ce comportement nous a conduit à élever une protestation au Ministère, considérant que le Gouvernement devrait ouvrir ce canal à tous les journaux et non le réserver à ses périodiques favoris. Avec un retard considérable, le sous-secrétaire nous informa que cette affaire ne les concernait pas mais que, par faveur du Gouvernement à notre égard, on essayerait de faire en sorte que les périodiques étrangers nous arrivent à temps. Cette faveur, qui évidemment impliquait l’espoir de recevoir en retour de notre part un traitement bienveillant, fut catégoriquement rejetée. De ce fait, et en raison de notre ferme intention de conserver notre indépendance, il nous fallut subir pendant un certain temps des pertes ou des retards de nos envois ».
Le défi informatif de l’Espagne
8L’Espagne était un cas très particulier pour la presse car l’organisation que nous venons de décrire n’était effective que pour le reste de l’Europe et une infrastructure informative d’une telle ampleur n’existait pas pour un pays de tout temps ennemi. Normalement, les nouvelles espagnoles provenaient des informations recueillies dans les journaux français ou fournies par des publications en provenance de Gibraltar. Outre l’énorme méconnaissance du pays, se posait un autre problème : celui de la langue. Le Gouvernement de Portland se trouvait dans la même situation. Il ignorait si ce que la presse espagnole publiait était vrai et, en outre, était dans l’incapacité de traduire l’énorme quantité de pamphlets qui inondaient la Cour. Pour faire face au premier point, le Gouvernent décida de couvrir l’Espagne d’agents dépendant directement du Foreign Office ou du Département de la Guerre15. Leur rôle consistait à recueillir des périodiques et des pamphlets et à élaborer des rapports sur les informations qui circulaient, ou sur l’état des troupes espagnoles, la climatologie et l’orographie. Les ordres de Castlereagh à l’un de ses agents, Decaen, nous en offrent exemple. Il lui demande de l’informer sur l’état des Armées des Asturies et de la Galice, sur l’orographie et le climat de la région et de lui fournir un rapport sur la situation politique. « Établissez jusqu’à quel point les grands propriétaires et la noblesse sont engagés dans la cause du peuple et jusqu’à quel point les armées obéissent aux juntes », demande le secrétaire de la Guerre16. A travers ces agents arriveront des informations aussi importantes que le rapport de Sir Thomas Dyer sur la bataille de Medina de Rioseco (publié le 27 juillet dans la Gazette de Londres) qui fut le premier combat dont l’opinion publique anglaise eut connaissance.
9Résoudre le problème de la langue n’était pas simple. Le 30 août 1808, face au déferlement de périodiques que Charles Stuart (chef de Vaughan) envoyait sans traduire au Foreign Office, Canning lui demanda de trouver des traducteurs afin de ne pas saturer son bureau :
« Cher Monsieur : Compte tenu des grands désagréments subis par notre bureau en raison du temps qu’il nous faut pour traduire les nombreux périodiques qui nous parviennent dernièrement de divers points d’Espagne, je vous demande que tous les journaux dans ladite langue que vous nous enverrez à l’avenir soient accompagnés de traductions »17.
10S’il apparaît que le Gouvernement disposait de bien peu de moyens, le personnel du Foreign Office en 1807 était constitué d’un secrétaire des affaires étrangères, de deux sous-secrétaires, d’une douzaine de comptables et de quelques employés destinés à des questions diverses, et le Département de la Guerre était même moins important18, les périodiques, quant à eux, disposaient de moyens fort précaires. Fort significatif est à ce sujet ce que rapporte le directeur du Sun sur ce qui se passait y compris dans les bureaux officiels lorsqu’arrivaient les Bulletins de Napoléon :
« Les Bulletins des Campagnes allemandes [de Napoléon] sont particulièrement complexes et difficiles à suivre. Y sont fréquemment mentionnés des lieux dont nous ignorions l’existence, et plus d’une fois je me suis retrouvé avec le sous-secrétaire aux affaires étrangères à genoux et rampant sur une grande carte posée au sol en essayant de déterminer quelles étaient les positions de Bonaparte »19.
11L’Espagne représentait donc un grand défi sur le plan de l’information, sans doute le plus important de tous ceux relevés jusqu’alors. Mais les périodiques ne partaient pas de zéro. Grâce à un réseau d’amitiés politiques, de pots-de-vin ou à leurs propres agents, les médias avaient réussi à imposer leur droit à l’information. Et il n’en irait pas autrement avec l’Espagne. Le Gouvernement, quant à lui, faisait ce qu’il pouvait pour contrôler l’information reçue. En 1809, le sous-secrétaire d’État aux Affaires Étrangères sous Canning, Charles Bagot, fit état dans l’ouvrage Canning and his friends20 de certaines des méthodes utilisées à cet effet. D’après Bagot, il était d’usage, parmi les secrétaires du Trésor, de « contrôler » la presse par la remise de rapports officiels, de nouvelles exclusives, etc. Bagot explique comment l’un d’entre eux, Charles Arbuthnot, avait sollicité sa collaboration afin de favoriser ou ralentir le travail de certains titres, dans une lettre du 10 août 1809 :
« Je n’ai eu d’autre choix que de m’adresser à vous et à Hammond pour ce qui est de l’affaire des périodiques étrangers. Je dois vous signaler que nous ne recevons pas un grand nombre de ceux que vous envoyez et pendant ce temps ce périodique infernal qu’est The Times continue à obtenir bien plus rapidement les informations en provenance de l’étranger, et nous devons faire quelque chose pour y remédier. J’ai appris que son éditeur (John Walter) se vante d’obtenir l’information directement du Ministère21. J’ai demandé au secrétaire de l’Amirauté qu’il fasse tout son possible pour découvrir le canal par lequel l’information parvient au Times, et vous comprendrez que je vous demande d’œuvrer dans le même sens. L’irritant éditeur du Morning Post était avec moi il y a quelques instants pour protester contre la grande facilité avec laquelle The Times se procure les informations, et je crois que la seule manière de l’éviter est de donner à la presse toute l’information possible ».
12Le Gouvernement craignait que la politique de propagande de Bonaparte n’influençât l’opinion publique anglaise. Déjà en 1801, la Tory Anti Jacobin Review avait très clairement fait état du problème et du contexte en déclarant : « Nous avons toujours considéré l’établissement de périodiques dans ce pays comme une infortune digne d’être blâmée, mais depuis que leur influence est si importante du fait de l’ampleur de leur diffusion, nous y voyons une calamité encore plus digne d’être blâmée ». En 1808 l’inquiétude provenait aussi bien des délires de la presse espagnole que des Bulletins Officiels de l’Empereur. Ces Bulletins de l’Armée n’étaient pas nouveaux et avaient déjà été utilisés auparavant, mais Napoléon eut constamment recours à eux pour vanter sa politique de « libération » européenne. Les informations sur le caractère révolutionnaire de l’insurrection espagnole étaient également source d’inquiétude. Whitehall était face à un dilemme. Aider les patriotiques impliquait-il de favoriser une autre révolution française ou cette aide était-elle vitale pour vaincre les Français ? L’opposition était également divisée entre ceux qui estimaient indispensable d’aider l’Espagne et ceux qui n’étaient pas de cet avis car les ressources anglaises s’en trouveraient diminuées. Autant d’opinions reflétées tout au long de la campagne du Morning Chronicle.
13De ce fait, il était fondamental pour le Gouvernement de contrôler l’information qui arrivait à Londres et les ministres firent travailler le Post Office comme ils le faisaient avec la presse du reste de l’Europe. Étaient employés aux affaires d’Espagne par le Royal Mail Mr. Pender, agent à Falmouth et homme clé pour la réception des périodiques espagnols qui arrivaient en Angleterre par le courrier ordinaire depuis le Portugal, Gibraltar et Gijón-La Corogne22, et Thomas Walton, agent établi à Lisbonne23 et chargé des envois des rapports et des périodiques portugais. En outre, on trouvait le célèbre Sir Charles Richard Vaughan qui, en tant que superintendant des postes anglaises, effectuait des missions d’intelligence pour le Foreign Office24. Il n’apparaît pas dans le cas espagnol, dans la mesure où il s’agissait d’un pays ami, que les agents aient fait, dans le cadre de leurs fonctions, ce qui était pratiqué dans le Nord de l’Europe, à savoir, intoxiquer la presse locale par des rumeurs et des informations contreproductives pour les aigles françaises, comme le démontre un éditorial du Globe25. Les tentatives de contrôler l’information ne furent pas d’une grande utilité. De fait, certains agents et militaires jouaient double jeu. Vaughan lui-même, qui deviendrait ambassadeur d’Angleterre aux États-Unis, tenait fort bien informée l’opposition whig en la personne de Lord Holland, son ami, qu’il pria « de veiller à ce que l’information qu’[il lui] donn[ait] n’arrive point aux mains de quelque périodique et que l’on n’aille pas croire qu’elle a été envoyée directement à son directeur »26. Comme l’affirme l’historien Michael Roberts : « Les whigs furent parfaitement informés de ce qui se déroulait en Espagne grâce à leurs émissaires et au grand dam de Wellington »27. Ceci est en partie dû au fait que pendant le Gouvernement de All The Talents (1806-1807), et même avant, ils avaient introduit divers diplomates et militaires qui leur étaient favorables dans les centres de pouvoir. Les journaux qui leur étaient proches, comme The Sun, eurent également la primeur de certaines informations ce qui montre qu’ils bénéficiaient d’un canal informatif exclusif. Son éditeur reproduit dans ses mémoires certaines lettres émanant du Gouvernement le félicitant et sollicitant son aide afin de vérifier certaines informations28.
« Mr. Goulburn manifeste son admiration à Mr. Jerdan et le félicite pour l’intéressante information livrée par le Sun de ce soir, que le Gouvernement ignorait pour ne pas avoir reçu de nouvelles de la part de ses agents dans cette région »
« Cher Monsieur, dans la mesure où votre périodique dispose généralement de l’information la plus récente et la plus précise sur l’Amérique du Nord, permettez que j’ose vous déranger afin de savoir si vous pouvez me confirmer la défaite du Général Proctor, dont le Chronicle fait état dans ses deux dernières éditions. Si vous aviez quelque information à ce sujet je vous serais très reconnaissant de me renseigner à ce sujet. Avec mes salutations, Henry Goulburn ».
14Au début de la guerre d’Espagne les périodiques londoniens eurent tous accès plus ou moins à la même information et utilisèrent tous les mêmes sources : le Gouvernement ainsi que la presse espagnole et étrangère. De ce fait le contrôle fut inopérant. La lecture des journaux démontre qu’ils disposaient d’un réseau d’agents dans les principaux ports qui se chargeaient d’acheter des périodiques ou d’interroger les voyageurs et d’écrire sur les rumeurs ou les nouvelles du jour. De même, le Gouvernement témoigna un plus grand intérêt envers les voyageurs en provenance d’Espagne, surtout au début et à la fin du conflit, alors que les nouvelles de la Péninsule étaient rares, confuses ou très négatives. Une lettre émise par le War Office, en date du 20 juin 1808, est particulièrement importante car il y était demandé au chef de l’exécutif, le duc de Portland, d’ordonner à tous les fonctionnaires des douanes portuaires de transférer à Downing Street tout voyageur ou tout membre d’équipage arrivant en Angleterre avec des informations en provenance d’Espagne29. Cependant, on ne put pas faire grand-chose pour que les périodiques, surtout ceux du soir, réputés pour leurs deuxième et troisième éditions, puissent être informés de ce qui se passait30.
15En définitive, tous eurent accès à la même information, soit par leurs propres moyens, soit grâce à l’aide du Gouvernement ou de l’opposition. Des journaux comme The Sun, The Morning Post et The Courier, très proches de la politique de Canning, Castlereagh et des tories, reçurent quantité de lettres, d’informations, etc., n’apparaissant pas dans la presse « plus indépendante », c’est le cas de The Times et The Morning Herald, ou proche de l’opposition, comme The Morning Chronicle. Ces trois journaux publièrent de nombreuses plaintes où ils dénonçaient le favoritisme dont bénéficiait la concurrence ainsi que son manque de rigueur de ces titres qui suivaient aveuglément le Gouvernement et ne vérifiaient pas les informations.
16Face à un tel préjudice, ces périodiques « indépendants » durent se débrouiller pour obtenir des informations exclusives à leurs frais et risques. C’est dans cette ambiance d’hostilité gouvernementale et de concurrence dans la course aux informations en provenance d’Espagne que les éditeurs de ces trois journaux décidèrent de faire partir des envoyés spéciaux en Espagne. Bien que tous ne puissent être considérés comme des journalistes modèles, leur travail s’avéra vital pour ce qui est de la transmission des nouvelles et en permettant d’offrir un point de vue allant au-delà des traditionnelles lettres d’officiers et de voyageurs. Les correspondants présents en Espagne furent le Dr. John Allen, bibliothécaire de Lord Holland, au service du Morning Chronicle ; Henry Crabb Robinson, du Times ; et deux autres hommes dont nous ignorons l’identité (dont l’un de nationalité espagnole), qui écrivaient pour The Morning Herald31.
17Ces envoyés spéciaux ou agents prouvaient que les périodiques pouvaient travailler avec une grande liberté. Selon certains historiens, Walter II, en créant le premier réseau de correspondants à l’étranger entre 1805 et 1807, mit fin au monopole du Post Office dans la réception des périodiques du Continent32. Mais cette opinion, il faut le dire, relève du panégyrique. D’autres journaux comme Oracle, Herald et même le Morning Chronicle avaient déjà publié des lettres de leurs agents et quelques éditeurs, dont John Bell, bénéficiaient d’une expérience en tant qu’envoyé spécial33.
Les apports des envoyés spéciaux
18Dans le cas du Morning Chronicle, la Guerre Péninsulaire ne fut pas le premier conflit à l’étranger auquel il dut faire face sans l’appui du Gouvernement. Il avait déjà eu des envoyés spéciaux et des collaborateurs sur le Continent34. Dans le cas de l’Espagne, Perry pouvait compter sur deux alliés de premier plan : Richard Vassall Fox, Lord Holland, et son bibliothécaire, le Dr. John Allen. Ces hommes assurèrent au journal la réception de missives, d’avis, de rumeurs aussi bien en provenance d’Espagne qu’émanant de représentants espagnols (asturiens et galiciens) arrivés à Londres35. Grâce à Lord Holland, qui avait collaboré avec son oncle Charles James Fox, secrétaire d’État aux Affaires Étrangères dans le Gouvernement de All the talents, et possédait de nombreux contacts diplomatiques, Perry put avoir accès à une information exceptionnelle et inaccessible aux autres médias. Une lettre de Lady Holland à Earl Grey le démontre : « Je vous recommande ce qu’a publié aujourd’hui The Morning Chronicle sur les proclamations des Espagnols dont la totalité a été écrite ici et dont les traductions ont également été élaborées par nos locataires »36. Mais tout cela n’était pas gratuit. Lord Holland souhaitait montrer une opinion favorable aux Espagnols, ce n’est pas pour rien qu’il était le vice-président du Spanish Club et il savait que la presse devait être déterminante, surtout pour ceux de son parti qui se montraient indécis.
19John Allen et Lord Holland avaient une grande expérience en matière de presse. Tous deux, aux côtés de Lord Brougham, organisèrent la campagne politique dans la presse en 1807 grâce à laquelle ils resserrèrent leurs liens avec les éditeurs de l’époque, et en particulier avec James Perry37. La décision de tabler sur la presse venait de lord Grenville, chef de l’opposition, ex-secrétaire des Affaires Étrangères (1791-1801) et ex-Premier ministre (1806-1807), qui demanda à Vassall Fox et à Henry Brougham d’écrire et d’envoyer des informations aux périodiques, et principalement au Chronicle, afin de ne pas perdre d’influence dans la presse.
20La connaissance qu’avait Holland House de l’Espagne permit à James Perry d’offrir une vision très complète des affaires d’Espagne. Dans les Holland House Papers conservés à la British Library figurent des documents d’agents gouvernementaux provenant d’Espagne38. Le journal de son épouse et d’autres missives témoignent également d’étroits liens avec des militaires de l’Armée de Moore et Baird39. Le Chronicle bénéficia en exclusivité de ces contacts comme ce fut le cas avec la lettre publiée le 31 octobre sous l’épigraphe « Extract of a Private Letter from Corunna, dated October 18 », sans doute rédigée par Lord Paget, une des principales sources des Holland d’après Lady Holland40. D’autres, arrivées par des canaux différents, furent publiées, comme celles d’officiers de Wellington qui convoitaient le poste du Maréchal et qui générèrent une authentique crise en 181241.
21Si Lord Holland n’écrivit pas directement pour les périodiques, en revanche ce fut le cas de son collaborateur, John Allen, qui, dans le dernier trimestre de 1808 et le premier semestre de 1809, écrivit une série de Private Correspondence42, dont Perry disait dans son périodique qu’elle constituait l’information la plus pertinente sur le développement de la guerre car, comme il le rapporterait le 11 août 1809, « l’information qu’offrent les périodiques espagnols est généralement réduite et incorrecte ».
22Allen échangea des lettres avec des militaires. Nous le savons grâce à Lord Paget, officier avec Baird, qui dans une lettre à Richard Vassall Fox précise en post-scriptum : « il n’y pas de lettres pour vous ou pour Mr. Allen »43. En outre, dans les lettres de Brougham à Earl Grey on assure qu’Allen était en correspondance depuis l’Espagne avec d’importants leaders whigs44 : « Une lettre d’Allen du 1er décembre à 8 heures P.M. (Corogne) dit que la ville a reçu la nouvelle de la défaite totale de Castaños et que Moore et Baird battent en retraite (…) C’est ce qu’il a écrit à Perry, qui me l’a rapporté, et je suis convaincu qu’Allen ne l’a pas écrit avec précipitation ». Comme on peut le constater, Allen était en contact direct avec le directeur du Chronicle. Ce qui apparaît dans les papiers privés d’Allen et dans son journal est tout aussi clair, car il y indique très précisément avec qui il parle et d’où lui vient l’information45. En marge du Chronicle, un autre journal du matin, le Morning Herald, allait avoir des correspondants. Comme le rapporte Henry Crabb Robinson dans ses mémoires46, ce périodique envoya un agent à La Corogne afin d’approvisionner sa rédaction en journaux espagnols. Ce que ne dit pas le journaliste c’est qu’ils avaient également un autre correspondant à Madrid, de nationalité espagnole47, qui disposait également de brèves informations en provenance de Gijón, Lisbonne et Cadix ; il obtint même des informations du théâtre des opérations par l’État-major espagnol de Tudela48. Les correspondants du Morning Herald envoyèrent au total 26 rapports datés depuis La Corogne49, Madrid et Lisbonne50, entre octobre 1808 et janvier 1809. Et tout cela avec « la garantie », comme le souligne le journal le 7 octobre 1808, « que tous les articles insérés dans le Morning Herald sous le titre Private Correspondence procèdent de lettres de nos correspondants ». Le plus intéressant est que ces correspondants ne se limitent pas à rendre compte des affaires politiques ou de l’état des forces anglaises ou espagnoles, ils s’intéressent également aux questions « domestiques ». Ainsi le journaliste de La Corogne rendit compte de la capture d’un navire corsaire, de l’arrestation d’espions, des problèmes rencontrés par l’officier Hamiltonn pour acheter des chevaux et même de la mort d’un militaire anglais pendant une bagarre avec des Espagnols51. Pour sa part, le correspondant à Madrid relata, entre autres choses, l’assassinat de deux mameluks, les mesures prises pour éviter la violation de la résidence de l’Ambassadeur russe, le baron Strogonoff, où le peuple croyait que des soldats français avaient trouvé asile, et leur départ de Madrid. Soulignons également que cet agent fit une description détaillée du massacre de Medina de Rioseco qui constitue la première chronique de guerre écrite pendant le conflit péninsulaire à partir du témoignage de véritables témoins et qu’il en rédigea une autre sur la fortification de Madrid par le peuple52.
23Les chroniques les plus complètes, en revanche, sont dues à Henry Crabb Robinson. Ses 35 articles, qui incluaient 58 chroniques sous l’épigraphe « Shores of the Bay of Biscay », pour The Times, constituent assurément la plus fidèle description réalisée des événements espagnols et le travail le plus journalistique. Celui qui deviendrait l’un des plus importants journalistes britanniques de l’époque laissa dans les pages de The Times, exception faite des travaux de John Bell dans The Oracle, ce que l’on peut vraisemblablement considérer comme les deux premières chroniques d’un correspondant de guerre moderne. Nous faisons là référence aux deux dernières, publiées le 23 janvier 1809, qui portaient sur le départ de Moore de La Corogne.
24Robinson était, par ailleurs, le plus expérimenté en la matière. Il fit ses débuts au Times presque par hasard après avoir étudié en Allemagne où il était entré en contact avec Schiller, Madame de Stäel et Goethe. À son retour et après divers faux pas en tant que traducteur et écrivain, Old Crabb, comme l’appelaient ses amis, intégra la rédaction de The Times par l’entremise de John Dyer Collier53. Du fait de sa maîtrise des langues Walter l’envoya en 1807 à Altona, ville neutre du Danemark, proche de Hambourg54. Les rapports qu’il envoya de cette ville offrent un triple intérêt : ils illustrent avec force détails l’évolution des Français, révèlent les sources et la vraisemblance des informations et présentent un style journalistique personnel. À son retour, Robinson intégra le département international du journal en tant que ce qui serait aujourd’hui rédacteur en chef de l’international et critique de théâtre55. Walter lui avait confié ce poste en raison du travail réalisé à Altona et d’un mémoire envoyé le 19 juillet 1807 et intitulé Sur le traitement des nouvelles de l’étranger, dans lequel Robinson formulait des conseils sur la manière de traiter les informations internationales56. Le journaliste pensait que les informations n’étaient pas expliquées car les périodiques ne disposaient pas de professionnels (rédacteur) à même de les contextualiser auprès des lecteurs. Pour l’Anglais, il fallait laisser de côté les traducteurs et introduire dans la chaîne de l’information des professionnels appelés à sélectionner l’information, à la retranscrire et à l’interpréter. L’intérêt de l’opinion publique envers l’Espagne et le manque de nouvelles obligèrent Walter à envoyer à nouveau son meilleur élément sur le Continent. Robinson arriva à La Corogne le 31 juillet 1808, ville qu’il n’abandonnerait qu’en janvier de 1809 où il dut fuir aux côtés des dernières troupes de Sir John Moore. Pour les Britanniques de l’époque, ces chroniques constituèrent l’information la plus complète qu’ils purent lire. À tel point que bon nombre d’entre elles furent reproduites dans d’autres journaux comme The Star, The Pilot, The Globe et The Courier. Robinson ne se limita pas à reproduire des nouvelles fournies par les gazettes diffusées à La Corogne. Il se risqua également à faire des commentaires et à s’attaquer à des questions comme la qualité des périodiques espagnols, les mesures prises à l’encontre des Français et des afrancesados et les désaccords entre Espagnols et Anglais.
Vini, Vidi, Fugi. La vision de la campagne en Espagne dans la presse anglaise
25Nous avons choisi d’intituler cet article « de l’euphorie à la déception » car c’est là le chemin que suivent pratiquement tous les journaux avec « The Spanish Cause ». Les joies procurées par le succès de Bailén et la retraite de Joseph ont tôt fait de disparaître avec l’affaire de Cintra, le polémique accueil de Baird, le traitement réservé aux Anglais et l’entrée de Napoléon à Madrid. En marge de ces faits, le conflit conduira certains périodiques à déballer le linge sale de la politique anglaise.
26Évidemment, compte tenu de l’ambiance euphorique qui régnait à Londres pendant l’été 1808, il était difficile d’écrire contre l’appui à l’Espagne. Qui plus est, lorsque Bailén effaça les doutes nés du rapport de Dyer sur Medina de Rioseco. La plupart des journaux rendirent compte des fêtes des « turtles » données au Spanish Club, des œuvres pro-espagnoles du Covent Garden et du courage des patriotes espagnols. Les éditeurs tentèrent de « s’approprier » la cause des patriotes afin de convaincre, par leurs messages, l’opinion publique anglaise.
27Le principal objectif de la presse d’opposition, et par exemple de The Morning Chronicle, était de démontrer que les Espagnols étaient trahis ou semi-abandonnés par les Anglais. Mais ce n’était pas là leur seul objet critique. Le journal de Perry n’hésita pas à affirmer que le Gouvernement anglais devait appuyer et non diriger l’action menée contre Napoléon57.
28En dépit de cela il s’avéra impossible d’occulter les divergences internes des whigs. Les « libéraux » étaient alors scindés en deux groupes : ceux qui réclamaient un appui inconditionnel à la cause espagnole, quel qu’en fût le prix, et ceux qui ne croyaient pas dans les chances des Espagnols. Parmi les premiers figuraient Lord Holland et Francis Horner ; parmi les seconds Lord Auckland, Whitbread et le Duc de Norfolk58. D’autres leaders whigs se défiaient des Espagnols. Parmi eux, Charles Grey (vicomte Howick), ancien secrétaire d’État, qui dans une lettre à Grenville critiqua aussi bien les « patriotes », en raison de leur manque de conviction à combattre les Français, que les membres du cabinet britannique, persuadés que les Espagnols pouvaient triompher. Grenville ne croyait pas non plus dans la capacité à vaincre des Espagnols. Lord Holland, principal défenseur des Espagnols et vice-président du Spanish Club en arriva à écrire dans une lettre que les mauvaises nouvelles qui arrivaient étaient plus « conformes à ses attentes qu’à mes désirs »59. Comme Henry Crabb Robinson lui-même le raconte dans son journal, les whigs étaient discrédités et même l’objet de moqueries en raison des échecs essuyés alors qu’ils étaient à la tête du Ministry of All the Talents60.
29Le jugement qu’il porta sur la planification générale de la campagne était également très dur. The Morning Chronicle appuya en juillet 1808 la décision du Gouvernement d’envoyer une expédition au Portugal61, mais il en dénonça le caractère tardif et la mauvaise préparation. Les critiques se firent encore plus aigres lorsque les troupes de Baird, qui ne disposait pas de l’autorisation de la Junte Central, ne purent débarquer à La Corogne62. Perry avait raison lorsqu’il dénonçait la mauvaise organisation de l’expédition. Les Anglais non seulement ne se procurèrent pas au préalable les autorisations nécessaires pour pouvoir débarquer, mais ne disposaient pas davantage des documents requis pour obtenir de l’argent espagnol afin de pouvoir assurer le paiement des arriérés à la troupe63. Baird dut demander le prêt de quatre millions de réaux pour les besoins de l’armée, car les lettres dont il disposait, pour sa plus grande gêne, n’étaient pas recevables64. La Junte de Galice savait pourtant qu’une expédition anglaise pouvait arriver à tout moment. Stuart l’en avait informée très tôt, dès le 13 août65.
30La Convention de Cintra qui permit le débarquement des troupes françaises en France offrit un autre motif de critique à Perry66 qui, dans son éditorial du 21 septembre 1808, n’hésita pas à dire que le non-respect par Morla des accords entre Dupont et Castaños était dû « à la manière dont s’était achevée la campagne du Portugal, qui avait provoqué un mécontentement et un sentiment d’humiliation dans tout le pays ». Six jours plus tard, il publierait une plainte déposée par Bernardino Freire de Andrade, général des troupes portugaises au sujet de la Convention de Cintra, et le 8 octobre on pouvait lire dans son éditorial : « Nous espérons que lorsque la nouvelle de la Convention de Lisbonne arrivera ici en Espagne, elle ne provoquera pas un refroidissement des relations entre les deux pays ». Le Chronicle estimait qu’il aurait été plus utile d’envoyer en Italie les troupes qui débarquèrent en Espagne afin d’aider les Autrichiens et provoquer un soulèvement général contre Napoléon. Perry était d’avis que si un troisième front était ouvert, Napoleón ne pourrait envoyer des troupes partout67. Comme le signalait Henry Crabb Robinson : « Tout ce qui manque au Chronicle en honnêteté, il l’a en trop pour ce qui est de l’astuce »68.
31The Morning Chronicle commenta les plaintes de Wellington au sujet du manque de cavalerie après la bataille de Vimiero et de la lenteur du Gouvernement à envoyer des troupes, surtout de la cavalerie en Espagne, au plus grand désespoir des officiers qui assuraient le commandement69. Il déclara parfois que si quelque désastre survenait en Espagne, ce serait davantage en raison de l’insuffisance de l’aide anglaise et de l’indécision du Gouvernement anglais que de l’incapacité des Espagnols. Dans les éditoriaux des 19 octobre, 10, 25, 26 et 29 novembre, le journal mit à nouveau en doute les compétences de Castlereagh et Wellesley et prit la défense de Dalrymple et des Espagnols qui « n’ont pas donné de signes d’abattement. Ils ont fait plus qu’on n’attendait d’eux, plus que toute autre nation a été capable de faire en si peu de temps. Mais il est impossible de regarder les faits sans être effrayé par la puissance qu’ils affrontent, ou de s’interroger sur l’inefficacité de l’aide qu’ils ont reçue de leur allié ».
32Perry assura que le résultat final de la campagne était dû « à l’absence de leadership et à ce que l’expédition avait été conçue en l’absence d’un objectif clairement défini », tout comme ce fut le cas pour la campagne du Portugal70. Et il ajoute que ce fut une erreur que d’envoyer ultérieurement de nouvelles troupes à La Corogne, qui était un lieu sûr, plutôt qu’en Biscaye ou aux Asturies : « il n’est pas si évident, hormis pour un tacticien de l’école de Castlereagh, qu’il n’est pas pertinent d’envoyer une armée d’appui dans la zone appropriée. Mais n’aurait-il pas mieux valu le faire à 40 et non 200 milles, là où il n’est pas nécessaire de procéder au ravitaillement sur le terrain ? Ces faits démontrent quelles sont les capacités du Gouvernement qui devrait se chercher d’autres occupations et céder la direction du pays à des mains plus qualifiées ».
33Le 17 décembre, alors que le découragement avait déjà gagné l’opinion publique, Perry acheva son éditorial sur les désastres de la retraite de Moore en déclarant : « En ces moments, où, avec la retraite précipitée de l’armée et l’abandon d’un peuple si courageux et loyal qui lutte pour une cause si juste, ce qui est en jeu est l’honneur de la nation britannique et de l’armée, nous espérons qu’on ne nous rappelle pas les promesses d’aide faites par notre Majesté ». L’éditeur faisait référence à l’aide que Georges III avait garantie aux députés asturiens le 11 juin par l’entremise de Canning et son extension à toute autre région se soulevant contre les Français.
34La retraite anglaise fut un coup retentissant porté non seulement au Gouvernement mais aux périodiques ayant assuré que la résistance des Espagnols offrait une magnifique opportunité de vaincre le Corse. Opinion en partie générée par les fantaisies des journaux espagnols. Le Chronicle ouvrit ses pages à des avis doutant de la ferme volonté des Espagnols de devenir des héros. Le 22 décembre, sous le titre « State of the War », il dénonça les tentatives du Gouvernement visant à lancer, dans les périodiques qui lui étaient acquis, une campagne destinée à démontrer que tout n’était pas perdu et que, ni la retraite, ni les désastres survenus en Espagne n’étaient aussi graves qu’on voulait bien le dire. Et il affirma que l’Espagne était perdue car la Junte Suprême n’avait aucune autorité sur les citoyens et que la volonté de résistance des Espagnols n’était plus aussi forte qu’au début de la campagne. Il va même jusqu’à publier « sous l’autorité de sources exclusives » qu’une grande partie du peuple espagnol assista en simple spectateur au triomphe des aigles françaises sans s’opposer à leurs desseins. Et un fait semble le démontrer : la capitulation de Madrid sans la moindre résistance. Aussi ne rejette-t-il pas la responsabilité sur le seul Gouvernement, qui ne reconnaît pas ses erreurs, mais laisse-t-il également planer le doute sur le comportement des Espagnols.
35Cette nouvelle ligne éditoriale ne fit qu’accroître son impopularité auprès de la presse rivale, mais c’était là une occasion unique d’attaquer le Gouvernement de Portland. L’objectif suivant fut d’attaquer Canning et Castlereagh qui avaient tenté de faire apparaître Sir John Moore comme le responsable de tous ces malheurs. Et c’est ainsi qu’il publia le 12 janvier un article intitulé « Our operations in Spain », en défense de ce général.
36C’est à ce moment-là que le journal reparla d’ouvrir des négociations avec Napoleón. Perry commença à publier des éditoriaux et des lettres où il était dit que la victoire était impossible et qu’il fallait changer de stratégie pour contraindre le Corse à la négociation. D’après Asquith, à l’origine de ce changement de ligne se trouvaient des militaires qualifiés comme Sir Robert Wilson et John Willoughby Gordon, en liaison avec le journal depuis le théâtre des opérations71 et qui avaient déjà fourni des informations sur le Portugal. Leur collaboration devint de plus en plus étroite à partir de 1810. Ces officiers passèrent de la défense du maintien d’un corps expéditionnaire dans la Péninsule à celui d’une armée qui devrait se limiter exclusivement à faire des raids en divers points, grâce à la puissance de l’escadre. Le périodique tint également à préserver ses arrières après avoir prédit, au début de la guerre, que les patriotes vaincraient. Cependant, cette erreur était commune à l’ensemble des journaux après la victoire de Castaños et la première défaite des armées de Napoléon. À partir de la retraite de Moore, le journal critiquerait toute information favorable à la résistance des Espagnols, comme lorsqu’il publia le 6 janvier qu’il n’accordait aucun crédit aux informations selon lesquelles 18 000 Français étaient tombés à Madrid : « Si cela avait été vrai, Murat aurait exterminé tous les habitants ». Et il assura que les Français avaient réussi à stopper tout type d’insurrection en contrôlant la presse et le clergé « les véritables inspirateurs de l’opinion publique espagnole ».
37Malgré ces critiques les whigs étaient bien seuls. La presse officielle était beaucoup plus puissante et comptait plusieurs titres. The Morning Post, journal à sensations « toujours prêt à dénoncer d’effrayants complots contre l’Angleterre et le Gouvernement »72, est semblable au The Sun. Nicols Byrne, son directeur, a toujours défendu le Gouvernement, sauf dans le cas de Cintra73, et accusa le Chronicle dans divers éditoriaux d’être un journal opportuniste, antipatriote et sous l’influence de Napoléon74.
38Lorsque commencèrent à arriver les premières nouvelles positives de la campagne, le Post suivit Canning dans l’exaltation des Espagnols et assura que « l’actuelle situation de l’Espagne et la glorieuse lutte des patriotes espagnols pour gagner leur indépendance retient l’attention de l’opinion publique. Chaque cœur et chaque esprit anglais désire la victoire des Espagnols »75.
39Par conséquent, dans les premiers mois, le Post devint l’un des défenseurs du patriotisme avec lequel Canning chercha à conforter sa politique interventionniste. Le 8 juillet 1808, le journal publia son premier grand éditorial, où il attaqua les opposants à la cause espagnole. Il y lança une terrible attaque contre les whigs, et plus particulièrement contre Mr. Whitbread qui avait adressé une lettre à Lord Holland où il se montrait opposé aux thèses défendues sur la cause espagnole par son parti, en la personne de Sheridan, devant le Parlement.
40Le Post souhaitait se poser en leader de la défense de la cause espagnole dans la presse britannique. Conformément aux désirs du Gouvernement, ses éditoriaux prirent la forme de proclamations visant à appuyer l’aide apportée à l’Espagne dans la lutte contre Napoléon et à justifier l’envoi de troupes. Dans un premier temps, en juillet, le journal de Byrne ne demande pas l’envoi de troupes, ce qui suscita nombre de critiques de la part du Chronicle, mais il soutient l’idée que l’Espagne peut démontrer qu’il est possible d’en finir avec Napoléon et souhaite que l’insurrection espagnole fasse des émules sur tout le continent. Une fois connue la défaite du général Cuesta à Medina de Rioseco, le périodique réalisa que les armes espagnoles ne pourraient vaincre les françaises sans une aide étrangère et il appuya les mesures gouvernementales concernant l’envoi de troupes et d’aide militaire. En opposition avec les affirmations du Chronicle, le Post ne croyait pas que les Espagnols fussent capables de vaincre les Français sans les casaques rouges. Byrne estimait, ou c’est du moins ce qu’écrivirent ses analystes militaires, que ce qui viendrait à bout de Napoléon, tout comme en Russie, c’était le manque de ressources dans un pays au climat hostile et doté d’un mauvais réseau de communications, du moins si les Espagnols persistaient dans leur volonté de résister et s’ils pouvaient compter sur une aide extérieure. C’est ce qu’il soutient le 6 août 1808 dans un article intitulé « Le triomphe de l’Espagne et la chute de Bonaparte ».
41Lorsque la bataille s’engage sur le sol portugais, Byrne et Perry déclenchent les hostilités éditoriales à Londres. The Morning Post expliqua l’absence de renforts demandés par Wellington. Le journal explique que les renforts se firent attendre car tous les moyens de transport n’étaient pas disponibles, dans la mesure où certains d’entre eux avaient été chargés de transporter les troupes de La Romana depuis la Baltique et n’avaient pu partir plus tôt en raison de vents défavorables. « Alors que ses amis, The Talents, étaient au pouvoir, le rédacteur du Morning Chronicle était tellement habitué à ces magnifiques entreprises que maintenant il ne comprend pas qu’une armée puisse avoir ne serait-ce qu’un jour de retard. Le public, lui, sait bien avec quelle célérité et quelle diligence le Gouvernement a travaillé pour faire venir 30 000 hommes au Portugal », affirme un éditorial.
42Le manque de transports était une arme politique, car les lecteurs savaient bien que le Post avait écrit que Portland, à son arrivée au Gouvernement, avait constaté que les whigs n’avaient pas investi dans ce type de navires76.
43Une fois lancée l’offensive de Napoleón, le Post (ce que Perry ne manqua pas de dénoncer) tenta de veiller à ce que le moral des Anglais ne décline pas et à présenter les défaites comme des faux pas sans importance au regard de l’ensemble des opérations de guerre :
« Après avoir informé nos lecteurs sur les faits dont nous avons eu connaissance, nous ne pouvons faire fi du désespoir et de la tristesse dont certains de nos contemporains ont fait montre en ces circonstances. Les faits sont défavorables. Mais, qui pouvait espérer que le succès des forces espagnoles serait éternel ou que, Bonaparte ayant accru de telle manière ses forces pour entrer en Espagne, il serait rejeté du premier coup et contraint à regagner la frontière ? Dès le début du conflit, nous avons soutenu que, bien que convaincus que les Espagnols finiraient par gagner en raison de leurs vertus et de leur patriotisme, la guerre serait constamment pleine de revers. Et maintenant qu’arrive la nouvelle d’une défaite, à laquelle nous avons préparé l’opinion publique, maintenant, il semble que la guerre est finie et que tout est perdu. Un tel sentiment est-il conforme au caractère des Britanniques ? Nos espoirs reposent sur la constance de la persévérance espagnole et nous ne devons pas sombrer dans l’angoisse ».
44Par ailleurs, le périodique publie des lettres (sans doute du capitaine Carrol, affecté à l’armée de Blake et agent de liaison avec le Gouvernement anglais) où il est question de l’état d’esprit des Espagnols qui luttent contre Ney pour la domination de Bilbao77 et où l’on trouve de longs commentaires sur la Proclamation de Don Pedro Cevallos quant aux véritables intentions de Napoléon sur l’Espagne et le Portugal78.
45Lorsque le Chronicle commence à émettre des doutes sur le plan anglais et assure qu’il eût été plus pertinent de changer de stratégie, Byrne consacre l’un de ses éditoriaux les plus longs à mettre en pièces les thèses de Perry79. Selon Nicols Byrne, l’armée anglaise ne pouvait débarquer dans un autre port que celui de La Corogne pour deux raisons : premièrement parce qu’aucun autre port hors d’atteinte des ennemis, ne pouvait, de par ses dimensions, accueillir 20 000 soldats, et Santander et Bilbao n’étaient pas de bonnes options car un débarquement si près des Français aurait pu menacer les lignes de ravitaillement de Baird ; deuxièmement parce que le chemin de retour en cas de retraite, à savoir par les Asturies, n’était pas approprié en raison du climat et des montagnes.
46En ce qui concerne l’idée d’avoir laissé Junot au Portugal et d’avoir débarqué près des Pyrénées pour barrer les passages frontaliers et la retraite de Joseph, le Post allègue qu’agir de la sorte eût été pour ainsi dire une trahison à l’égard des Portugais et aurait placé Castaños dans une situation bien difficile car il aurait dû diviser ses troupes afin de faire face à Junot et à Dupont. Par ailleurs, il rétorque que le Gouvernement ne pouvait envisager une telle mesure car le Roi Joseph n’abandonna Madrid qu’après l’expédition au Portugal. Le Post, qui revient sur ce sujet dans les éditoriaux des 2 et 3 décembre, explique que l’expédition du Portugal « fut très applaudie par les Espagnols en tant que formule de soutien à leur cause, et maintenant elle est condamnée par les esclaves éhontés de la faction de l’opposition, qui ignorent ce qu’est travailler pour le bien commun ». Enfin, il défend la politique de Canning qui consiste à se maintenir au Portugal et à en faire la base des opérations anglaises dans la Péninsule et en fait une question d’honneur80.
47Comme en témoignent les affrontements entre ces deux grands journaux, l’opinion publique ne voyait pas très bien en quoi consistait le plan anglais. Le Post ne put alors que laisser passer l’orage et manifester à ses lecteurs que même si, pour lors, Napoléon était vainqueur et que les troupes anglaises battaient en retraite, « l’Europe saurait que la Grande Bretagne peut se permettre d’envoyer une aide militaire à grande échelle et qu’elle le refera auprès de ceux qui auront suffisamment d’honneur et d’énergie pour s’opposer au Tyran. Quel effet auront nos efforts sur l’esprit de ces pouvoirs qui en raison de la souffrance, d’accords ou par peur, maintiennent une fausse paix qui en réalité est soumission ! » Le journal, par ailleurs, commence à détourner l’attention du public sur ce qui se déroule en Autriche et en Russie et tente de mettre en avant toutes les réussites du Gouvernement en matière de politique extérieure81.
48Il essaiera de faire apparaître Moore comme le principal coupable du désastre de la campagne afin d’ôter au Gouvernement toute responsabilité en la matière82. Dans le même éditorial, le Post commence à disculper Canning et Castlereagh et à soutenir que la retraite et la situation dans laquelle se trouvent les troupes anglaises sont le fait exclusif des décisions unilatérales prises par les officiers qui en avaient le commandement : « Alors que le public contemple l’exécrable libelle qu’ils ont publié, nous estimons nécessaire de ne laisser planer aucun doute sur les causes pour lesquelles l’avancée de nos troupes a été stoppée. L’opposition tente en vain d’en rejeter la faute sur le Gouvernement alors que cette mesure de prudence a été motivée par une décision personnelle de Moore ».
49Le Chronicle reprocha également au Post de tromper l’opinion publique sur le véritable état des troupes anglaises en Espagne et leurs possibilités. Jusqu’à l’arrivée du résultat de la bataille d’Elviña, les éditoriaux du Post fourmillent de messages en contradiction avec le sort de Napoléon et de Soult. Il n’hésite pas à affirmer le 4 janvier que si les Français sont vaincus, la route vers Madrid sera ouverte. Il se peut, néanmoins, que le journal tente de leurrer les Français afin qu’ils ne se risquent pas à attaquer les troupes de Moore83 : « Nous sommes heureux d’informer que notre armée se trouve en excellente santé et dans le meilleur état d’esprit pour affronter les Français. Il n’y a aucune plainte ; tout le corps est bien approvisionné car le pays regorge de bœuf, de porc, de bon pain et de vin à un prix raisonnable. La totalité de notre cavalerie est en parfait état. Nous n’avons pas de doutes sur la supériorité de notre cavalerie, car les chevaux pris aux Français du 18° hussards à Rueda étaient petits, faibles et en très mauvais état ». Enfin et lorsque toute justification est devenue impossible, le Post fait savoir que la retraite est fort avantageuse car affronter dans de mauvaises conditions Napoléon est impossible et que l’on peut y voir une opportunité pour débarquer les troupes à Cadix où elles seront plus utiles aux forces espagnoles du sud84. Il parle même de l’envoi de nouveaux renforts de cavalerie et d’artillerie85. Le journal avait un objectif clairement défini. Démontrer à l’opinion publique que ce qui était une retraite bien proche d’une débandade que seul le génie de Moore avait pu éviter, était une réussite tactique dans l’attente d’une situation plus avantageuse.
50Malgré les propos du Chronicle, le journal de Byrne affirma jusqu’au bout que la cause espagnole pouvait triompher si les Espagnols ne relâchaient pas leurs efforts pour décrocher la victoire. À l’instar du Sun, ce journal soutenait que la résistance et la détermination des Espagnols finiraient par mettre un terme à la tyrannie française. C’est du moins ce que l’on pouvait lire dans les éditoriaux de janvier 180986, où l’on parle déjà d’autres opérations dans le sud de la Péninsule.
51La ligne éditoriale de The Sun, qui par ailleurs défendit à outrance Wellington, fut similaire. En revanche, il ne prit jamais la défense de Moore, même s’il ne chercha jamais à rendre le héros de Elviña responsable de l’issue de la campagne, comme le fit le journal de Nicols Byrne.
52Le Sun se montra plus réservé. Il invita dès le début de la campagne ses lecteurs à la prudence87 et dénonça l’opportunisme des whigs. Le 22 juillet il publia dans son éditorial : « On ne connaît que trop les ruses des périodiques partisans lorsqu’ils ne trouvent rien pour critiquer le Gouvernement. Ils disent à nouveau, ou du moins l’insinuent-ils, que le Gouvernement est divisé. Nous avons eu l’occasion de commenter à plusieurs reprises ce vieux truc, mais nous nous trouvons dans l’obligation de le faire à nouveau en raison des rumeurs qui courent sur le manque d’organisation de la campagne du Portugal ».
53Lorsque la nouvelle de la Convention de Cintra arrive à Albion, le Sun doit à nouveau défendre le Gouvernement. Il est intéressant de voir qu’à cette occasion, en plus d’éditoriaux semblables à ceux du Post, il publie le 12 octobre deux « lettres privées », en date du 18 septembre et du 2 octobre, justifiant la décision de Wellington88. Dans la première il est dit que l’on sait, par le Contremaître de l’Armée Auxiliaire de Galice, que les Français ont déjà été réembarqués par les Anglais au Portugal, mais seulement avec le strict nécessaire. La volonté de contrecarrer les critiques de l’opposition est claire. En outre, on maintient que la Convention était la meilleure option car Junot avait suffisamment de réserves pour résister six mois. Malgré son appui au Gouvernement, le Sun publia également une lettre de protestation du général portugais Pereira du fait que l’opinion des Portugais n’ait pas été prise en compte dans la Convention89, mais il critique les whigs qui croient que cette dernière « peut être un tremplin pour la restauration du Ministry of All The Talents »90.
54Le journal multipliera alors les exemples sur les erreurs des whigs. C’est du moins ce qu’il laisse paraître dans son éditorial du 3 janvier 1809, quand le sort des troupes anglaises de Moore semble évident : « il est pathétique de voir le principal organe d’opposition s’adresser au Gouvernement pour lui demander de sortir de la léthargie qui lui a fait perdre la faculté de prendre l’initiative dans les affaires d’Espagne. Cette même demande aurait également dû être faite aux All the Talents lorsqu’ils étaient au Gouvernement du fait de l’incertitude qui dirigea leur politique (…) Il est injuste d’accuser le Gouvernement d’apathie dans les affaires d’Espagne et du Portugal, alors que tout ce qui était possible a été fait pour libérer les deux pays ».
55Enfin, lorsque les nouvelles sur le désastre de la guerre et la retraite des Anglais sont un fait notoire, le Sun explique, tout comme le Post, que l’Administration a fait tout son possible pour éviter le désastre91 : « Le texte de l’opposition dit que nous devrions nous demander ce que nous aurions pu faire de plus. Ce serait là une pensée juste si l’opposition n’avait constamment critiqué tout ce qu’a fait cette administration ».
56Le Sun, bien que confiant comme The Morning Post en une victoire finale92, rend l’Espagne responsable du désastre en raison de son manque de confiance et cite en exemple le Portugal93.
57Nous estimons avoir illustré avec ces trois journaux les prises de position du Gouvernement et de l’opposition. Mais subsistent d’autres points de vue intéressants portés par d’autres périodiques comme The Courrier qui, proche des tories, est fort semblable au Post et au Sun. Pour ce journal, qui affirma que la retraite de Cuesta à Medina de Rioseco était une « retraite prudente »94, les avatars espagnols constituent « l’événement le plus surprenant survenu sur le continent depuis la Révolution Française » ainsi qu’une nouvelle opportunité pour l’Espagne, « qui semblait être caput mortuum et qui, pendant les 14 dernières années, n’a pris part à rien de significatif dans l’histoire de l’Europe »95. Bien que favorable au Gouvernement, le Courier se montra très critique à l’égard de la Convention de Cintra. Street publia le « triste fait » rapporté par la Gazette de Londres : « Le cœur se resserre en voyant que la glorieuse victoire du 21 août puisse connaître une telle issue »96. « Mon Dieu ! », poursuit-il, « Comment est-il possible qu’un ennemi vaincu, un ennemi responsable de tous les crimes imaginables contre l’humanité puisse obtenir de telles conditions de capitulation ? Savons-nous ce que nous faisons ? »
58Pour Street la Convention était une « humiliation » qui pouvait mettre un terme à la confiance des Espagnols et des Portugais envers les Anglais et même à celle de l’opinion publique anglaise. Il la jugeait, en outre, inopportune car elle offrait à Bonaparte la possibilité d’utiliser son armée, dès son arrivée en France grâce aux transports anglais, pour soumettre à nouveau les Espagnols97.
59Tout aussi intéressante est la publication de diverses lettres signées par « A. B. » et « X. Y. », publiées les 12, 15 et 29 novembre, où sont présentées des perceptions différentes de « La Campagne d’Espagne » et où l’on trouve une compilation complète des divergences sur ce qui pouvait survenir dans l’alliance entre Espagnols et Anglais, avec pour exemple le cas du duc de Malborough et de la Guerre de Succession.
60The Globe et The Star ne présentent guère de différence avec les titres antérieurs, si ce n’est que « l’étoile » fut le périodique qui crut le moins dans les possibilités des Espagnols. Il se laisse porter en juillet et août par le patriotisme, mais les premiers revers des patriotes modifient sa ligne éditoriale qui devient plus pessimiste. Surtout quand il apprend la retraite des troupes anglaises de Moore.
61Pour clore cette revue des lignes éditoriales de ces médias, il nous faut exposer le cas des « impartiaux » : The Morning Herald et The Times. Lorsqu’éclate le soulèvement en Espagne contre Bonaparte, le premier grand objectif du journal de Palmer, directeur du Herald, est de démontrer à l’opinion publique que le caractère révolutionnaire de l’insurrection du peuple n’a rien à voir avec ce qui s’était déroulé quelques années auparavant en France et avait coûté sa tête au monarque.
62Très tôt, le 13 mai, le Morning Chronicle fait figurer dans son éditorial le commentaire suivant : « Une série de Gazettes et de lettres de Madrid viennent d’arriver qui confirment notre première impression sur la Révolution, à savoir que loin d’être la conséquence de l’influence française, elle est motivée par la volonté d’en finir avec l’instrument de Bonaparte en Espagne, Manuel Godoy, Prince de la Paix ». Une fois confirmés les événements du Deux Mai, le périodique assure, comme les autres journaux, que c’est là une formidable opportunité pour mettre à mal les intérêts français sur le Continent. Le 11 juin, Palmer publie que l’opposition contre Napoléon bénéficie « d’une telle force et organisation qu’il nous est permis de croire qu’elle peut se transformer en une résistance organisée contre le pouvoir de Bonaparte ». Dès lors le Morning Herald appuiera les mesures prises en Espagne et attaquera le Chronicle et l’opposition en raison des inconvénients que présente à leurs yeux la cause espagnole.
63Nous avons gardé pour la fin The Times car il adopta une ligne éditoriale fort combative à l’égard du Gouvernement98, en raison de ses erreurs, de sa presse, taxée de servilité, mais aussi envers l’opposition whig, du fait de son opportunisme.
64Dès que les événements survenus en Espagne au mois de mai sont connus et qu’arrivent les premiers députés espagnols, The Times commença à exiger des ministres dans ses articles une résolution rapide en faveur de l’appui à la cause espagnole, ce qui n’est guère surprenant puisque c’était le cas dans tous les journaux. Très tôt, dès les 9 et 10 juin, lorsqu’arrivent les émissaires asturiens, John Walter réclama dans ses éditoriaux une aide « énergique, inconditionnelle et sans aucune sorte de contrepartie ».
65Malgré tout, il est intéressant de remarquer que, tandis que les autres journaux emplissent leurs pages avec les réceptions données pour les membres de la Junte, les repas et les ovations dans les théâtres de Covent Garden (dont The Times rendit largement compte), Walter ouvrit ses colonnes aux critiques de certains Anglais dénonçant les marques de considération excessives envers tout ce qui était espagnol, alors que cette nation avait commis tant d’exactions. Il est une lettre à l’éditeur fort intéressante signé par un certain « Dramaticus » où est dénoncée la mise en scène au Covent Garden d’une œuvre intitulée Pizarro à la gloire de l’action menée en Amérique pas les Espagnols et passant sous silence les erreurs qu’ils commirent dans le Nouveau Monde99.
66The Times joua un rôle très important dans l’expression des opinions les moins politisées, mais non dépourvues de férocité. Il considéra que l’insurrection espagnole contre Bonaparte constituait une magnifique opportunité pour les Anglais, mais il fallait agir avec prudence pour ne pas perdre la confiance des Espagnols et par conséquent des autres nations susceptibles de suivre leur exemple. Ainsi, dans son éditorial du 7 juillet, il loua le Gouvernement pour le pacte conclu avec l’Espagne car il garantissait « le respect de sa flotte et l’intégralité territoriale des Colonies Américaines » et il critiqua ceux qui souhaitaient en tirer des avantages, soit territoriaux, comme l’île de Minorque100, ou commerciaux, avec la liberté de commerce en Amérique et dans les ports péninsulaires. Par la suite il demanderait à ce que l’on ne s’en prenne pas au zèle religieux et à ce que l’on ne s’immisce pas politiquement dans la formation des juntes101.
67Une fois connue la volonté des Espagnols de lutter seuls102, il demande au Gouvernement d’agir sur un autre théâtre d’opérations afin de réduire la pression que fait peser Bonaparte sur l’Espagne. Concrètement Walter pense qu’une expédition pour aider La Romana pourrait nuire au sort des Français sur la Péninsule103 : « Qu’ont fait les armes anglaises pour la nation espagnole ? (…) Pourquoi n’envoie-t-on pas une expédition au Nord ? Pourquoi n’avons-nous pas fait une tentative au nord-est, où se trouve une force regroupant 25 000 Espagnols prêts à se joindre à nous ?
68Le plus surprenant dans la ligne éditoriale de ce média est sa haine farouche envers le duc d’York. Walter lutta avec force dans ses pages pour que le commandement des troupes de la Péninsule ne soit pas confié au duc d’York. Comme l’explique Roberts, « la désignation d’un chef donna lieu à bien des spéculations et à un vaste débat dans l’opinion publique et assurément à bien des délibérations secrètes et des intrigues. Les auteurs les plus connus manifestèrent leur crainte de voir le duc d’York choisi, sans doute en raison de la volonté de son père de satisfaire ses désirs »104. L’éditorial du 5 juillet, où il est dit « sa carrière militaire pourrait être résumée en deux mots : DÉFAITE ET RETRAITE »105, est bien plus explicite.
69Pour ce qui est de Cintra, il déclara le 16 septembre : « Nous pouvons difficilement retenir nos larmes… la cause a souffert la plus cruelle des humiliations avec l’expédition du Tage. Elle injurie l’avenir et nous blesse dans notre dignité ». Le 17, après publication la nuit antérieure dans la Gazette extraordinaire des articles du traité, The Times consacra un éditorial à la critique de ce texte. The Times attaqua Wellington pour avoir signé le traité et ses assistants lors de la négociation, Dalrymple, Burrard et Cotton. Il dénonça également le remplacement en tant que commandant de Whitelocke, son candidat. Mais il ne succomba pas au début, comme le Sun ou le Post, à la tentation de faire retomber toute la responsabilité de l’erreur de Cintra sur les militaires et, comme le Chronicle, il réclama des sanctions contre ceux qui les avaient choisis. Et c’est avec le Sun, « un périodique conçu pour servir le Gouvernement »106, qu’il s’affronta le plus durement sur cette question. Pour The Times, le choix de Wellington fut une erreur qui ne devait pas être payée par l’officier, mais par ceux qui l’avaient choisi : « il est vrai que l’opinion publique pensait que sa réputation surpassait ses mérites réels et, par conséquent, elle pouvait s’être trompée. Mais ceux qui le parrainèrent avaient eu la possibilité d’évaluer plus correctement ses capacités et sa force d’esprit. De toute façon il est inutile de penser que sa disgrâce ne rejaillirait pas sur ceux qui l’ont choisi et nous verrons s’ils le protégeront avec la même conviction que lorsqu’ils le choisirent pour ce poste »107.
70Il est surprenant que Wellington passa alors, comme nous avons pu le lire dans The Times, pour avoir un caractère « faible, timide et réservé » et être une personne très « influençable »108. Le contraste est fort avec l’image de celui qui devait se trouver à la tête des troupes alliées en Espagne et à Waterloo et dirigea les desseins de la nation britannique en raison précisément de son caractère et de son prestige pendant la guerre. Il est tout aussi surprenant de constater que, alors que les Anglais reprochaient aux généraux espagnols d’être plus préoccupés par leur soif de gloire que par Napoléon, ils n’étaient pas loin de se trouver dans la même situation.
71Outre le désastre de Cintra, The Times formula deux autres grandes critiques à l’égard du Gouvernement. La première avait trait au suivant désastre des armes anglaises : la retraite de Sir John Moore ; la seconde, adressée aux derniers gouvernements britanniques, était motivée par la grande crise institutionnelle qu’ils avaient provoquée et par la désillusion des Anglais confrontés à des échecs successifs.
72Les critiques sur la mauvaise planification de la campagne d’Espagne démontraient, selon Walter, une fois de plus que l’épisode de Cintra n’était pas un fait isolé. L’éditorial du 28 novembre est particulièrement représentatif en la matière. Walter, qui avait précédemment dénoncé le manque de prévision des ministres qui avaient envoyé des troupes en Espagne sans avoir l’accord de la Junte, leur reprocha le manque de commissaires et d’agents d’intendance compétents ainsi que l’état d’abandon dans lequel se trouvaient les troupes, qui mangeaient peu, ne recevaient le cas échéant que de mauvais aliments, manquaient d’équipements adaptés au climat espagnol et de fourrage pour leurs animaux. Il signala, par ailleurs, que ce qui avait été dénoncé à Cintra quant au manque de chevaux et de bêtes de charge s’était reproduit et ajouta que la désorganisation de l’armée de Sir David Baird était totale car les changements continuels d’affectation des officiers avaient fait que le général ne connaissait même pas les « ceux qui commandent son armée ». « Tous ces problèmes exigent, et nul doute que le peuple nous suit en cela, la plus rapide des réformes pour freiner Bonaparte », assure l’éditorial.
73The Times fut l’un des rares périodiques à ne pas excuser la retraite anglaise car « ce sera un terrible coup, tant pour les Espagnols que pour les Anglais, de voir comment leurs troupes rentrent chez elles ». En revanche, il crut aux possibilités des Espagnols. Et même lorsqu’il apprit que Madrid était tombé il signifia à ses lecteurs que la reddition de la capitale ne signifiait rien, car les Français l’avait déjà contrôlée et n’avaient pu éviter que les Espagnols se soulèvent contre eux. Walter demanda l’envoi des troupes qui étaient perdues dans le nord de l’Espagne à la Sierra Morena ou en Catalogne ou en Autriche afin de contraindre Napoléon à freiner son avancée dans la Péninsule. Plus graves furent d’autres considérations publiées dans le périodique les 7, 8, 9 et 10 novembre. Sous le titre « Les causes de nos derniers désastres politiques et militaires », l’auteur, sous le pseudonyme de Decius, retraçait comment l’élan de régénération de l’époque Crownwell avait totalement disparu, du fait que l’on ne se souciait pas de rechercher les responsabilités au sein de l’Administration. Bien qu’il ne s’agît pas d’un éditorial, le périodique, s’il se montrait plus prudent dans ses propos, semblait partager cet avis. La série concluait sur l’idée que pour éviter la multiplication des désastres, dont on offrait un bel échantillonnage (Buenos Aires, Égypte, Turquie, Sicile, Portugal et ce qui se passait en Espagne), il fallait, non seulement, que le pays puisse compter sur un bon Premier ministre et des ministres effectifs, mais que ces derniers soient responsables de leurs actes et que l’on mette un terme au copinage au sein de l’Administration et de l’Armée qui était en train de conduire l’Angleterre à sa ruine.
74Les tristes présages des débuts de 1808 refaisaient leur apparition. L’opinion publique, les périodiques et une large partie de la classe politique voyaient mourir le « rêve espagnol » qui avait envahi la métropole lorsque s’était produit le soulèvement espagnol. Le désastre de La Corogne, la facile victoire de Napoléon sur les Espagnols, le scandale de la Convention de Cintra et les erreurs notoires de la stratégie britannique ainsi que les divergences entre les alliés furent autant de raisons pour décourager les Anglais. L’opinion publique porta son attention sur d’autres scandales internes, comme celui de l’ex-maîtresse du duc d’York, Mary Anne Clarke, et sur les problèmes économiques inhérents à la guerre contre le Corse. L’Angleterre détourna son regard de l’Espagne et se concentra à nouveau sur elle-même. La confiance aveugle envers les Espagnols n’existait plus. Elle ne devait plus revenir de toute la guerre.
Notes de bas de page
1 A. Aspinall, Politics and the Press (1780-1850), London, Home & Van Thal, Ltd., 1949 ; Ivon Asquith, James Perry and the Morning Chronicle (1790-1821), London University, 1973. Thèse de doctorat.
2 Ce texte est le produit des recherches menées dans le cadre de la thèse de doctorat La prensa británica en los comienzos de la Guerra de la Independencia. Henry Crabb Robinson y la corresponsalía de The Times en España, Valencia, Universidad CEU Cardenal Herrera, 2006, publiée en 2008 (Fundación Pedro Barrié de la Maza).
3 Royal Mail Archive, Post 24/9. On trouvera également une description dans A. Aspinall, The circulation of Newspapers in the early 19th Century, Review of English Studies nº XXII, janvier 1946, complétée dans The Waterloo directory of English newspapers and periodicals (1800-1900), North Waterloo Academia Press, 2003.
4 F. Kniht Hunt, The Fourth State. Contributions towards a History of Newspapers, and of the Liberty of the Press, London, Routledge/Thoemmes Press, 1850, vol. II, p. 227.
5 James Amphlett, The Newspaper Press. In part of the Last Century and up to the Present period of 1860, London, Whittaker & Co., 1860, p. 34.
6 Henry Richard Fox, Lord Holland, Memoirs of the Whig Party during my Time, London, Longman, Brown and Green, 1854, vol. II, p. 229.
7 James Amphlett, The Newspaper Press…, op. cit., p. 34.
8 A. Aspinall, Politics And the Press.., op. cit., p. 80.
9 Henry Crabb Robinson, sous-directeur du journal entre 1808 et 1809, écrivit dans ses mémoires : « John Walter I a été l’homme le plus malhonnête que j’ai connu ».
William Combe, chargé du Trésor en arriva à dire que John Walter n’avait de toute sa vie fait une action honnête. « Il devint riche par les moyens les plus vils », déclara-t-il en faisant référence aux chantages à cette époque si communs. Doctor William´s Library, Henry Crabb Robinson Archive, Diary, 16 novembre 1812.
10 William Jerdan, Autobiography, London, Arthur Hall, Virtue & Co., 1852, p. 329-333. Selon l’historien Derek Hudson, « le mot journaliste, loin d’avoir le sens qu’il a aujourd’hui, un membre d’une profession reconnue, était au xviiie un terme péjoratif pour désigner celui qui écrivait sous la dictée des hommes politiques ». (Thomas Barnes of The Times, Cambridge University Press, 1943, p. 24).
11 Le député whig Edmund Burke, célèbre fondateur du Annual Register, prononça dans une allocution aux journalistes accrédités dans la Chambre des Communes la célèbre phrase : « Vous êtes le quatrième pouvoir ».
12 Le Diario et la Gaceta de Madrid étaient les périodiques les plus fiables pour les éditeurs anglais qui, dans les premiers mois, durent s’en remettre aux périodiques galiciens et asturiens en provenance des ports espagnols. La presse du Sud apparaît au compte-gouttes et celle de l’Est de l’Espagne est inexistante, hormis les références qui apparaissent dans les publications en provenance d’autres points de l’Espagne. Elías Durán Porras, La prensa británica en los comienzos de la Guerra de la independencia…, op. cit.
13 « Les éditeurs des quotidiens étaient alors fournis par le département extérieur du Bureau Postal pour ce qui est des principaux contenus des journaux, traduits en anglais, ce pour quoi les propriétaires des périodiques payent une taxe mensuelle ou annuelle », rapporte Jerdan dans ses mémoires.
14 Royal Mail Archive. POST 24/11.
15 Cf. Alicia Laspra, La Intervención Británica en Asturias durante la Guerra de la Independencia (1808-1813) : Estudio histórico y repertorio documental, Tesis de doctorado, Universidad de Oviedo, Departamento de Filología Anglogermánica y Francesa, 1989-1990. On trouvera un exemplaire microfilmé à la Biblioteca Nacional. Nous avons complété le tableau qu’elle dresse avec des documents du Post Office.
16 National Archives, Foreign Office (FO), 72/69, p. 190-194.
17 FO, 342/9, p. 527.
18 Rory Muir, Britain and the defeat of Napoleon. 1807-1815, Newhaven and London, Yale University Press, 1996, p. 11-14.
19 William Jerdan, Autobiography…, op. cit., vol. I., p. 88.
20 Josceline Bagot (ed.), Canning and his friends, London, John Murray, 1909.
21 Il est fort probable que son informateur fût Thomas Amyot, ami du « rédacteur en chef de l’international » en 1809 et correspondant en Espagne, Henry Crabb Robinson. Amyot avait aidé Robinson à faire arriver ses chroniques depuis Altona à travers la valise diplomatique. The Times parvint ainsi à acheminer des informations qui lui étaient propres indépendamment des bulletins du Post Office. Doctor William´s Library, Henry Crabb Robinson Archive, Correspondence (1805-1808), doc. 149.
22 Royal Mail Archive. POST 3/20. Post Office Accounts 1800-1810. Doc. 34.
23 Ibidem, Doc. 2 et 63.
24 British Library. Add. Mss. Holland House Papers, 51616.
25 The Globe, 5 novembre 1808 : « Nous avons reçu des périodiques de Hambourg du 22. Il apparaît à leur lecture que les efforts de notre Gouvernement pour diffuser dans le Nord de l’Europe des informations sur les désastres des Français et en Espagne et au Portugal ont échoué ».
26 Ivon Asquith, James Perry..., op. cit, p. 240. 10 novembre 1810. Cet auteur cite dans sa thèse des lettres que des officiers anglais accompagnant Wellington adressèrent à l’opposition et à la presse afin de discréditer le futur héros de Waterloo.
27 Michael Roberts, The Whig Party (1807-1812), London, Mac Millan and Co., 1939, p. 135.
28 William Jerdan. Autobiography, op. cit., p. 166. Ce journaliste dirigea le journal après 1808 mais à cette époque il comptait déjà parmi les collaborateurs de cette publication.
29 Cité par Alicia Laspra, La Intervención Británica en Asturias..., op. cit., doc. 55, p. 784, tiré de War Office, 6/177, folio 58.
30 Les périodiques firent montre d’une incroyable agilité dans la publication de deuxièmes et troisièmes éditions, d’éditions extraordinaires, toujours reflétées dans ce que l’on pourrait considérer comme leurs « manchettes ». On pourra les consulter in Elías Durán de Porras, La prensa británica…, op. cit., chapitre VII. Il en va de même pour ceux du matin. Par exemple, The Times informe déjà sur le contenu du rapport de Dyer sur Medina de Rioseco un jour avant qu’il ne soit publié dans la Gazette de Londres.
31 Elías Durán de Porras, La prensa británica…, op. cit. Robinson compterait, en outre, sur un agent, nommé Pyecroft, qui l’assistait.
32 P.M. Handover, A History of the London Gazette (1665-1995), London, Her Majesty´s Stationery Office, 1965, p. 63. O. Woods y J. Bishop, The Story of The Times Bicentenary Edition 1785-1985, London, Michael Joseph, 1985.
33 Elías Durán de Porras, La prensa británica…, op. cit., chapitre VII.
34 Cf. Ivon Asquith, James Perry and the Morning Chronicle..., op. cit.
35 The Morning Chronicle obtint des avis et des informations des représentants espagnols de Londres comme en attestent ses éditoriaux du 20, 23, 26 et 27 juillet 1808.
36 Ivon Asquith, James Perry..., op. cit., p. 238.
37 Henry Richard Fox, Lord Holland, Memoirs of the Whig Party during my Time, London, Longman, Brown and Green, 1854, vol. II, p. 228-229. Le travail de Brougham fut si positif qu’il continua à écrire occasionnellement pour le journal. Le 15 septembre 1807 il y signa un long article sur l’échec de l’assaut anglais à Buenos Aires et à la fin de la même année il rédigea divers articles sur la situation au Portugal.
38 British Library Manuscripts (Add.Mss) 51624. Parmi eux, le chargé de mission anglais Hunter, le militaire Gordon, l’Amiral De Courcey, Charles Richard Vaughan, Stuart, Grellet, Horner (qui envoya deux contributions au journal. L’une d’entre elles (objet d’une page entière dans le Chronicle) fut publiée le 11 décembre 1810, avec une retranscription complète de la séance des Cortès de Cadix sur la liberté de presse. Avant il avait pu également compter sur un excellent ami espagnol qui lui rapporta dans le détail les événements de la Granja et de l’Escurial. Il s’agit du libéral Joaquín María Ferrer (originaire du Guipúzcoa), qui avait vécu à Londres et qui obtiendrait par la suite divers portefeuilles ministériels sous divers gouvernements. Il fut très proche d’Espartero.
39 Manuel Moreno Alonso, La forja del liberalismo en España. Los amigos españoles de Lord Holland 1793-1840, Madrid, Congreso de los Diputados, 1997, p. 221-229.
40 Elizabeth Vassal Fox, The Spanish Journal of Elizabeth, Lady Holland (1791-1808), Ed. by the Earl of Ilchester, Londres, Longsmans, Green and Co., 1910. Ap. À, p. 214-216. Lady Holland raconte qu’à Lugo Lord Paget leur apprit que Blake avait été battu et avait reçu de Baird l’ordre de stopper la marche des troupes se trouvant à Lugo. Le Chronicle publia également les 25 et 26 novembre 1808 deux lettres de Lugo, où se trouvaient alors les Holland, et qui, d’après le journal leur avaient été adressées par Paget.
41 A. Aspinall, Politics and the Press…, op. cit., p. 282. Cet incident est également évoqué dans Charles William Vane, Marquess of Londonderry, Correspondence, Despatches and other Papers of Viscount Castlereag, London, William Shoberl, 1851, vol. VII, p. 1-25.
42 La Corogne, 25 novembre, 2 et 9 décembre 1808. « Letters from Seville ». Morning Chronicle, 28, 29 mars et 26 mai 1809.
43 Astorga, 24 et 28 novembre ; Sahagún, 23 décembre. In Ilchester, The Spanish…, op. cit., p. 372-377.
44 Henry Brougham, Life and Times, London, William Blackwood and Sons, 1871, vol. II, p. 422-424.
45 Holland House Papers, Add. Mss. 52242-3, Notes Peninsular War (1805-1809). Notes Spanish Affairs (1802-1809). Add. Mss. 52200, Journal of a tour of Spain (30 oct. 1808-13 jan. 1809). Nous travaillons actuellement sur ce manuscrit.
46 Henry Crabb Robinson, Reminiscences, op. cit., p. 403.
47 On sait que ce correspondant, qui couvrait également Aranjuez, était espagnol car dans tous ces articles il parle de « notre Junte Centrale », « notre Gouvernement », « notre souverain », « mes compatriotes », « nos troupes » (en référence aux espagnoles), etc. Il dit même une fois « moi, qui suis espagnol ». L’un de ses premiers articles nous renseigne également sur son itinéraire.
48 Elías Durán de Porras, La prensa británica…, op. cit, chap. VII et ap. doc.
49 Dates de publication dans le Morning Herald des rapports élaborés à La Corogne : 7, 18, 28 et 31 octobre ; 1, 2 et 26 novembre ; 3, 9 et 16 décembre ; 3 et 23 janvier. Ceux de Madrid furent publiés aux mêmes dates, ce qui montre qu’ils furent envoyés ensemble depuis La Corogne.
50 « Notre correspondant à Lisbonne nous a fait parvenir des lettres et des périodiques du 1er octobre ». Morning Herald, 18 octobre 1808. Les rapports furent publiés le 18 octobre, avec des nouvelles du 30 septembre ; le 1er novembre, texte en date du 11 octobre ; et le 9 décembre, avec la date du 17 novembre ».
51 Morning Herald, 28 et 31 octobre, 9 décembre et 31 octobre, respectivement.
52 Morning Herald, 2 novembre et 31 décembre.
53 John Dyer Collier et son fils, John Payne Collier étaient en bonnes relations avec Walter depuis leur passage au Trinity College. Payne Collier était un spécialiste de Shakespeare et de l’antiquité. Son père, John Dyer Collier, fut le chroniqueur parlementaire du Times en 1806-1807. O. Woods et J. Bishop, The Story of The Times Bicentenary Edition 1785-1985…, op. cit., vol. I, p. 362.
54 S.H. Steinberg, « The correspondent of The Times in Hamburg-Altona in 1807 », in Festschrift Percy Ernst Schramm, Wiesbaden, 1964.
55 John Milton Baker, Henry Crabb Robinson of Bury, Jena, The Times and Russell Square. London, George Allen & UNWIN Ltd., 1937, p. 169.
56 Le texte est intégralement traduit et analysé dans notre thèse.
57 Le Chronicle demanda que l’on veillât à ne pas aller contre les « préjugés religieux » des Espagnols et à ne pas blesser leur orgueil par un traitement humiliant. Le 10 juin il publia dans l’éditorial : « les Espagnols n’accepteront pas une aide attentatoire à leur honneur. Nous ne devons pas non plus marchander l’aide que nous offrons. Essayer de pénétrer dans Cadix, y compris de manière amicale, sera contreproductif, car ce prétexte sera utilisé par Napoléon pour dénoncer nos intérêts partisans. Escorter leurs troupes de Ceuta et leur escadre de Port Mahon jusqu’à leurs propres ports peut en revanche contribuer à regagner leur confiance ».
58 Henry Richard Fox, Futher memoirs…, op. cit., p. 15.
59 Grenville Papers. Add. Mss. 41857, p. 106. Grenville Papers, Correspondence from Lord Holland, Add. Mss. 58950. Lettre du 21 novembre, p. 121.
60 Robinson, Diary, reminiscences and correspondence of Henry Crabb Robinson…, op. cit., vol. I, p. 124.
61 Morning Chronicle, 2, 5, 7, 9, 14, 25, 28 juillet 1808.
62 Ibid. 27 octobre.
63 L’ambassadeur Frere est assez clair dans l’un de ses rapports. NA. FO 72/61. Folio 3.
64 Ces problèmes sont décrits dans AHN (Archivo Histórico Nacional), Estado, Leg. 77 A, p. 150-199.
65 AHN, Estado, Leg. 69-A, p. 33.
66 Morning Chronicle, 1, 5, 15, 17, 19 août ; 27-28 septembre et 13 et 18 octobre 1808.
67 Morning Chronicle, 11 août et 9 septiembre 1808.
68 DWL Robinson Archive. Correspondence, vol. IV (1805-1808), doc. 119.
69 Ibid., 17 octobre.
70 Dans ce même éditorial il explique : « L’expédition de Sir John Moore, après être partie de Sicile pour Gibraltar ; et être revenue pour repartir à Gothenburg, et ensuite revenir à Portsmouth pour être envoyée au Portugal et arriver trop tard pour livrer bataille, assista en qualité de spectateur à la Convention. Après de mois d’inactivité à Lisbonne, les troupes furent à nouveau dirigées sur l’Espagne alors que les Français avaient peut-être pris Madrid et pouvaient compter sur 100 000 hommes en renfort ».
71 Ivon Asquith, James Perry…, op. cit., p. 236.
72 Wilfrid Hindle, The Morning Post (1772-1937). Portrait of a newspaper, London, Routledge & Son LTP., 1937, p. 116.
73 Le « désastre de Cintra » ne fut pas dénoncé que par le Chronicle. Même la presse favorable au Gouvernement, excepté le Post, lança de dures critiques contre la capitulation. The Sun, The Globe, The Courier, The Pilot, The Traveller, The Star, The Times, etc., remplirent des pages et des pages pour dénoncer la faiblesse dont avait fait preuve l’Angleterre.
74 Un des points que critique le plus le journal est qu’ils sont idéologiquement en accord avec les mesures de Napoléon (suppression de l’Inquisition et vente des biens du clergé), mais qu’ensuite ils s’y montrent opposés en raison des possibles répercutions sur l’ardeur au combat, en relation directe avec la religiosité des Espagnols et sur la popularité de Bonaparte au sein du peuple. Morning Post, 10 janvier 1809.
75 Morning Post, 8 août 1808.
76 Rory Muir, Britain and the Defeat of Napoleón, op. cit., p. 22.
77 Morning Post, 18 et 19 novembre de 1808.
78 Morning Post, 22 novembre 1808.
79 Morning Post, 29 novembre 1808.
80 Morning Post, 23 décembre 1808.
81 Morning Post, 2 janvier 1809 : « Political Retrospect of the year 1808 ».
82 Canning s’était lui opposé à la division des troupes. Alicia Laspra Rodríguez, Intervencionismo y revolución..., op. cit., p. 85.
83 Morning Post, 9 janvier 1809.
84 Morning Post, 10 janvier 1809.
85 Morning Post, 16 janvier 1809.
86 Morning Post, 11 et 21 janvier 1809.
87 Sun, 7 juin « Nous devons être très prudents avec les nouvelles qui nous arrivent d’Espagne. Les écrivains de l’opposition ont commencé à attaquer avec force les Ministres parce qu’ils n’ont pas envoyé une force suffisante pour aider les Espagnols à résister aux Français ». 28 septembre : « Les périodiques espagnols taisent le fait que les Français ont fait venir d’énormes renforts, alors que c’est un fait connu à La Corogne ».
88 Le Sun défend à nouveau l’action de Wellesley dans ses éditoriaux des 4 et 5 janvier.
89 Sun, 26 septembre 1808.
90 Sun, 4 octobre 1808.
91 Sun, 28 novembre.
92 Sun, 10 de diciembre. « Les nouvelles que nous avons reçues d’Espagne sont désastreuses, mais nous ne pouvons croire qu’une série de revers puisse pousser des hommes qui se sont distingués par leurs efforts à abandonner la lutte. Il était logique de penser que les légions françaises, nombreuses et disciplinées, en affrontant les troupes espagnoles inexpérimentées ne l’emporteraient pas initialement. Mais nous confions en la persévérance des Espagnols et, malgré les pertes, leur effort sera récompensé ».
93 Ibid. : « Le Portugal est heureusement libéré de ses envahisseurs tyranniques, et si la lamentable jalousie n’avait pas retenu l’Espagne de coopérer avec l’Angleterre elle aurait pu rejeter les Français hors de son pays. Rien de ce que l’Espagne a demandé ne lui a fait défaut, et jamais le Gouvernement ne s’est montré aussi capable de la ravitailler ».
94 Courier, 4 août 1808. Le 10 août il souligne également que la retraite de Cuesta n’affectera pas le Portugal et dissipe les craintes sur l’entrée de Bessières dans le pays par Zamora, car il lui faudrait traverser un terrain dangereux où le ravitaillement n’est pas aisé ».
95 4 août 1808.
96 Courier, 17 septembre.
97 Ibid.
98 Il sauva cependant les apparences chaque fois qu’il le put : « Nous répétons que notre désir en insistant sur de telles opinions n’est pas d’attaquer le Gouvernement ou de porter atteinte à son prestige ». The Times, 16 juillet.
99 19 septembre 1808.
100 Spencer faillit attaquer l’escadre espagnole de Minorque avant que n’arrive la nouvelle de l’insurrection espagnole dans une première tentative pour s’emparer de l’île. Rory MUIR, Britain and the Defeat of Napoleon…, op. cit., p. 35.
101 The Times, 31 août.
102 The Times, 16 juillet : « Il semble que les députés espagnols ont témoigné au Gouvernement leur désir de voir les troupes anglaises demeurer ici et il ne veulent ni expéditions, ni navires dans leur pays… »
103 Ibid.
104 Michael Roberts, The Whig Party..., op. cit., p. 16.
105 The Times reviendra sur ce sujet le 1 août et le 6 octobre.
106 The Times, 27 octobre 1808.
107 The Times, 19 septembre.
108 The Times, 23 septembre 1808.
Auteur
CEU Cardenal Herrera, Valencia
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