La Montagne de l’âme en français, traduction ou réécriture ?
p. 129-135
Texte intégral
1Lorsque Gao Xingjian, prix Nobel de littérature en 2000, quitte définitivement la Chine à la fin de l’année 1987, il emporte avec lui le manuscrit inachevé de son œuvre maîtresse, le roman La Montagne de l’âme1, qu’il a commencé à écrire en 1982 sans le moindre espoir de le voir publié un jour. Il a en effet fait l’objet de très vives critiques à Pékin, après la mise en scène de sa pièce de théâtre intitulée L’Arrêt d’autobus, montée au Théâtre d’Art de la capitale. Persuadé qu’il va être arrêté, Gao Xingjian décide de quitter la capitale chinoise et d’effectuer un grand voyage dans la Chine profonde, à la fois pour fuir le climat tendu de Pékin et pour collecter des documents historiques, ethnologiques, musicaux et poétiques dans les régions qu’il compte traverser, souvent peuplées de minorités ethniques chinoises qui le fascinent. Tout au long de deux grands voyages, il prend des notes, photographie (il a publié à Taiwan ces photographies dans une des versions de son roman), enregistre et commente les rencontres qu’il fait dans les trains, les autobus, les rues, les hôtels ou les centres d’hébergement qu’il fréquente. Il envisage, à l’issue de ces voyages, d’écrire un roman sans se plier à aucune autocensure, en y introduisant ses pensées personnelles, ses réflexions sur l’histoire de la Chine et la politique du gouvernement, sa vision du monde et des relations humaines. On peut déjà exprimer l’idée que Gao Xingjian commence alors à vivre dans un exil « intérieur », puisqu’il s’exile dans son propre pays pour échapper aux censeurs du Parti communiste et pour rechercher en lui-même une voix parfaitement libre qui lui permettra d’écrire pour lui-même, sans se demander s’il pourra être publié. Comme on l’a dit, sa pièce L’Arrêt d’autobus, montée à Pékin en 1982, a été l’objet de critiques très dures de la part des tenants de l’ordre communiste, alors qu’il avait soigneusement veillé à ce que rien ne puisse justifier ces critiques. En mettant sur scène des représentants du petit peuple de Pékin qui attendent un autobus qui n’arrive jamais, à la façon de Godot dans la pièce de Beckett, il ne pensait pas que la critique serait aussi virulente. Il prend donc la fuite pendant plusieurs mois et commence la rédaction de La Montagne de l’âme, dont le personnage principal est désigné par deux pronoms personnels, « je » et « tu », tandis qu’« il » représente les autres ou le personnage principal vu avec le recul du narrateur, et « elle », les femmes qu’il rencontre tout au long de son chemin. Dans le roman lui-même, Gao Xingjian écrit au chapitre 52 :
Dans ce long monologue, « tu » est l’objet de mon récit, en fait c’est un moi qui m’écoute attentivement, « tu » n’est que l’ombre de moi. Pendant que j’écoutais attentivement mon propre « tu », je t’ai fait créer « elle », parce que tu es comme moi, tu ne peux supporter la solitude, tu dois aussi trouver quelqu’un à qui parler. Tu as donc eu recours à « elle » de la même manière que j’ai eu recours à « tu ». « Elle » dérive de « tu » et, en retour, confirme mon moi2.
这漫长的独白中,你是我讲述的对象,一个倾听我的我自己,你不过是我的影 子。当我倾听我自己你的时候,我让你造出个她,因为你同我一样,也忍受不 了寂寞,也要找寻个谈话的对手3。
2Cette construction complexe des personnages désignés uniquement par des pronoms personnels permet à l’auteur de livrer à la fois une autobiographie très riche et un récit qui peut à tout moment basculer dans le rêve ou le fantasme, sans que le lecteur puisse en discerner les contours de manière rationnelle.
3Le roman est composé de 81 chapitres (un nombre magique en Chine qui rappelle les 81 chapitres du Daodejing de Laozi4). Les chapitres alternent avec une narration en « je » et une narration en « tu ». « Tu » ne constitue pas une adresse au public, mais représente le personnage principal qui se parle à lui-même. Certains chapitres enfin donnent les clefs de la construction du roman, avec par exemple le chapitre 72 qui met directement en scène un critique littéraire grincheux qui s’écrie, en commentant le roman que l’on est en train de lire : « Ce n’est pas un roman », et qui explique sa conception du roman.
Il faut d’abord une introduction, puis un développement, enfin, un point culminant et une conclusion. Ce sont les connaissances de base pour écrire un roman5.
得先有铺垫,再有发展,有高潮,有结局,这是写小说起码的常识6。
4 Et l’auteur répond :
Il [l’auteur] reste perplexe, il ne comprend pas si dans un roman, le plus important c’est de raconter une histoire. Ou si c’est la manière de la raconter ? Ou sinon, si c’est l’attitude de l’auteur envers la narration ? Ou bien, si ce n’est pas l’attitude, si c’est la détermination de l’attitude7 ?…
他倒有些茫然,不明白这所谓小说重要的是在于讲故事呢?还是在于讲述的方 式?还是不在于讲述的方式而在于叙述时的态度?还是不在于态度而在于对态 度的确定8?
5Et le chapitre se termine sur la phrase suivante : « Ce chapitre, on peut le lire, on peut ne pas le lire, mais puisque c’est fait, autant le lire9. » (« 这章可读可不 读,而读了只好读了10. »)
6Pétri de culture chinoise et occidentale, Gao Xingjian a voulu écrire un grand roman chinois, peut-être « “Le” grand roman asiatique de la fin du xxe siècle », sans jamais tourner le dos à la tradition chinoise des conteurs d’histoire ou des écrivains classiques, tout en gardant en lui une admiration sans bornes pour les écrivains occidentaux, qu’il a découverts et lus dans la bibliothèque de l’université de Pékin où il a fait ses études de français au début des années 1960, avant la Révolution culturelle. Francophone, il s’est imprégné du théâtre d’Ionesco et de Beckett, de la poésie de Prévert, du Nouveau roman français, qu’il a même parfois traduit (entre autres Georges Perec, Marguerite Duras, Michel Butor). Quand il demande à ses traducteurs français de traduire La Montagne de l’âme11, qu’il a achevé immédiatement après les événements de la place Tian’anmen en 1989, ceux-ci sont confrontés à une question épineuse : comment, d’une part, parvenir à rendre en français les aspects les plus typiquement chinois du roman sans tomber dans un exotisme facile, et comment, d’autre part, traduire certains chapitres directement inspirés dans leur forme et leur fond par Marguerite Duras ou Georges Perec, sans donner l’impression que Gao Xingjian avait simplement plagié tel ou tel écrivain occidental ?
7En outre, l’auteur ayant maintes fois demandé à ses traducteurs de ne pas hésiter à s’éloigner du texte chaque fois qu’ils le jugeraient utile, ils ont dû s’efforcer de trouver la juste distance entre traduction et réécriture. Du fait que Gao Xingjian est francophone, les traducteurs ont pu sans cesse lui soumettre leurs propositions de traduction. De nombreuses discussions ont ainsi eu lieu entre l’auteur et ses traducteurs.
8Ses traducteurs, il les a rencontrés lors de sa première visite en France, en 1978, alors qu’il servait d’interprète au vieil écrivain chinois Ba Jin. Après son passage à Lyon, une relation d’amitié a commencé entre l’auteur et ses traducteurs.
9 À la fin de l’année 1987, Gao Xingjian a quitté la Chine pour répondre à l’invitation d’une galerie d’art allemande qui a découvert son talent de peintre en Chine. Il se rend donc en Allemagne dans un premier temps, puis décide de s’installer définitivement en France après les événements de la place Tian’anmen du 4 juin 1989. En 1991, il offre à ses traducteurs un exemplaire dédicacé de La Montagne de l’âme, qui vient d’être publié à Taiwan. Ceux-ci décident alors de se lancer dans sa traduction, sans avoir d’éditeur en France. La traduction de ce roman a donc constitué pour eux une véritable aventure esthétique et il n’est sans doute pas exagéré d’affirmer qu’ils y ont mis la même énergie et le même enthousiasme que s’ils avaient créé une œuvre d’art personnelle, d’autant plus que l’auteur les poussait systématiquement à faire preuve d’audace et de créativité pour fournir au lecteur français une traduction respectant l’esprit de l’auteur plus que la lettre de chacun de ses propos. Enfin, le fait que cette traduction n’a pas été une commande d’éditeur, mais une action délibérée, a permis aux traducteurs de prendre leur temps et de relire plusieurs fois chaque chapitre, soit isolément soit ensemble, et à haute voix pour tenter de restituer la musicalité du texte d’origine. Certaines phrases ont été parfois réécrites en accord avec l’auteur pour que cette musicalité soit respectée.
10Toutefois, dans certains cas, la traduction très près du texte de départ fonctionne parfaitement. Par exemple, la première phrase du chapitre 5 peut être traduite mot à mot de la manière suivante : « Tu l’as rencontrée près d’un kiosque, c’est une attente [avec désir] indistincte, un désir obscur [vague], une rencontre fortuite [xiehou], une rencontre inattendue. » (你就在这凉亭边上碰 上了她,是一种说不分明的期待,一种隐约的愿望,一次邂逅,一次奇遇。) Version définitive : « Tu l’as rencontrée près de ce pavillon. C’était une attente diffuse, un espoir vague, une rencontre fortuite, inattendue12. »
11En revanche, la traduction du chapitre 76 a posé plus de problèmes. Situé presque à la fin du roman, il est constitué d’un dialogue obscur entre le personnage désigné par le pronom « il » (et non « je » ou « tu ») qui rencontre un vieil homme. Il lui demande où se trouve la Montagne de l’âme. Le vieillard répond de manière évasive et finit par s’éloigner :
Appuyé sur sa canne, le vieillard s’éloigne, pas à pas, sans plus lui prêter attention.
Et il reste seul de ce côté-ci du fleuve, de l’autre côté par rapport à Wuyi. En fait, le problème est de savoir de quel côté est Wuyi. Il ne sait vraiment plus. Seule lui revient en mémoire une comptine vieille de plusieurs milliers d’années : « Rentrera, rentrera pas, mais là ne reste pas. Au bord du fleuve le vent est froid13. »
老者抬起拐杖,不再理会,沿着河岸一步一步远去了。他独自留在河这边,乌 伊镇的河那边,如今的问题是乌伊镇究竟在河哪边?他实在拿不定主意,只记 起了一首数千年来的古谣谚:“有也回,无也回,莫在江边冷风吹”14.
12 La décision de retraduire purement et simplement cette « comptine » a fini par s’imposer aux traducteurs, même si le sens original n’est pas rendu. Ce qui comptait, c’était avant tout de restituer l’aspect mystérieux de cette comptine et de recréer une musique de la langue. Tout le chapitre est rempli de mystère. Le sens précis de la comptine n’est pas clair. Cette réécriture a beaucoup plu à Gao Xingjian lui-même, qui l’a fréquemment donnée en exemple d’une traduction réussie.
13Lorsque ses traducteurs se sont lancés dans cette traduction, Gao Xingjian leur a conseillé de lire le livre de Georges Perec, Un homme qui dort, paru en 1967. Il voulait ainsi leur signifier que l’atmosphère qui se dégageait de ce roman dont le personnage est désigné par le pronom personnel « tu » (en fait un « je » qui s’adresse à lui-même) pourrait les aider à recréer une tonalité identique.
14En cela, le chapitre 23 est un exemple où l’on peut percevoir une tonalité proche d’un roman de Marguerite Duras ou de Georges Perec :
Tu dis que tu viens de rêver, endormi sur elle. Elle dit que c’est vrai, il y a un instant, elle parlait encore avec toi, tu ne dormais pas, elle dit qu’elle te caressait et pendant que tu rêvais, elle a touché ton pouls, il y a une minute à peine. Tu dis que c’est vrai, tout était encore distinct, tu sentais la douceur de ses seins, la respiration de son ventre. Elle dit qu’elle te serrait, qu’elle a touché ton pouls. Tu dis que tu as vu s’élever la surface noire de la mer, la surface parfaitement plane s’est soulevée lentement, inexorablement. Comprimée, la ligne entre ciel et mer a disparu et la surface noire a occupé tout l’espace. Elle dit que tu as dormi, collé contre sa poitrine. Tu dis que tu as senti ses seins monter, comme une marée noire, que le flux était tel un désir qui enfle, de plus en plus fort ; quand elle allait t’engloutir, tu dis que tu as ressenti une sorte d’inquiétude. Elle dit : tu étais sur ma poitrine comme un enfant sage, seul ton pouls s’est accéléré15…
你说你做了个梦,就刚才,睡在她身上。她说,是的,只一会儿,还同你说话 来着,你好像并未完全入睡,她说她摸着你,就在你做梦的时候,她也感觉到 了你 的脉搏,只有一分钟。你说是,前一刹那还什么都清楚,感到她乳房的温 暖,她腹部的呼吸。她说她握着你,触摸到你的脉搏。你说你就看见黑色的海 面升了起 来,本来平平的海面缓缓隆起,不可以阻挡。涌到面前,海天之间的 那水平线挤没了,黑色的海面占据了整个视野。她说,你睡着的时候,就贴在 她胸脯上。你说你 感到了她乳房鼓涨,像黑色的海潮,而海潮升腾又像涌起的 欲望,越来越高涨,要将你吞没,你说你有种不安。她说,你就在我怀里,像 个乖孩子,只是你脉搏变 得急促了16。
15De la même manière, les nombreux « je me souviens », « je me souviens » que l’on rencontre dans La Montagne de l’âme peuvent aussi faire penser à Georges Perec et à son livre du même nom.
16Le chapitre 77, presque à la fin du livre, n’est pas composé d’un récit linéaire. Il s’agit davantage d’une suite de visions, une évocation de paysages, une succession de mots parfois hésitante, comme dans ce passage particulièrement saisissant :
Quelle relation y a-t-il entre ce ciel gris, l’eau et son reflet, les arbres, les oiseaux, une charrette ? Le ciel… gris… une étendue d’eau… les arbres dénudés… pas le moindre vert… des buttes de terre… tout est noir… la charrette… les oiseaux… pousser avec force… ne pas bouger… le déferlement des vagues… les moineaux qui picorent… les rameaux… transparents… faim et soif de la peau… on peut tout… la pluie… la queue d’une poule… des plumes légères… couleur de roses… la nuit sans fin… c’est pas mal… un peu de vent… c’est bien… je te suis reconnaissant… dans la blancheur informe… quelques rubans… roulés… froid… chaud… vent… penche et vacille… spirale… maintenant symphonie… énorme… insecte… sans squelette… dans un gouffre… un bouton… aile noire… ouvrir la nuit… partout c’est… impatient… un feu brillant… des motifs minutieux… des soieries noires… un ver… le noyau de la cellule qui tourne dans le cytoplasme… les yeux nés en premier… il dit que le style… a la capacité de vivre par lui-même… un lobe d’oreille… des traces sans nom… on ne sait quand la neige est tombée, quand elle s’est arrêtée17.
这灰色的天空同反光的水面和树、鸟、车子又有什么联系?灰色的…… 天 空…… 一片水面…… 树叶落光了…… 没一点绿色…… 土丘…… 都是黑的…… 车 子…… 鸟 儿…… 使劲推…… 不要激动…… 一阵一阵的波涛…… 麻雀在聒噪…… 透明的…… 树梢…… 皮肤饥渴…… 什么都可以…… 雨…… 锦鸡的尾巴…… 羽毛 很轻…… 蔷薇 色…… 无底的夜…… 不错…… 有点风…… 好…… 我感激你…… 无形的空白中…… 一些带子…… 卷曲…… 冷…… 暖…… 风…… 倾斜了摇晃…… 螺旋…… 现在交响…… 大 大的…… 虫子…… 没有骨骼…… 深渊里…… 一只 钮扣…… 黑的翅膀…… 张开夜…… 到处是…… 急躁…… 火点亮…… 工笔的图 案…… 连着黑丝绸…… 一只草鞋虫…… 细胞核在细胞质里旋转…… 先生眼 睛…… 他说格式…… 有自生的能力…… 一个耳垂…… 没有名字的印痕…… 不知 道什么时候下的雪,不知道什么时候停的18。
17La force poétique de la Montagne de l’âme est manifeste dans les passages de cette veine et leur traduction a nécessité à la fois une minutieuse recherche sur chaque terme et une recherche de mots équivalents, dont la juxtaposition contenait un même potentiel poétique en français et en chinois. Le seul moyen d’apprécier si le texte passait bien sur le plan de sa musicalité était de le lire à haute voix, pour en ôter toute aspérité nuisant à sa force d’expression.
18En conclusion, après avoir tenté de montrer les difficultés rencontrées par les traducteurs de La Montagne de l’âme en français, j’aimerais montrer comment se présente, à l’heure actuelle, la figure de Gao Xingjian en tant qu’écrivain migrant et exilé. Dès son enfance, il vit dans une situation de bilinguisme, puisque dans la province où il est né le dialecte est éloigné du mandarin, langue officielle en Chine depuis des siècles. Son premier désir, c’est d’étudier la peinture, mais ses parents l’en dissuadent car ils estiment qu’il s’agit d’une forme d’art trop dangereuse depuis l’accession des communistes au pouvoir en 1949. Il étudie le français et obtient son diplôme de fin d’études juste avant la Révolution culturelle de 1966-1976. Envoyé en rééducation à la campagne, il se trouve alors dans une situation d’exil. Il écrit pour tromper son ennui et sa solitude, puis préfère tout brûler pour s’éviter des ennuis. Devenu traducteur dans une revue de propagande officielle, il lit dans le texte les auteurs contemporains occidentaux, grâce à un expert français chargé de corriger les épreuves de ces revues en français. Celui-ci laisse dans le tiroir de son bureau des œuvres contemporaines françaises, dont Gao Xingjian peut prendre connaissance discrètement. Puis la situation en Chine change, et Gao profite de cette époque pour écrire des textes théoriques sur la littérature ainsi que des pièces de théâtre qu’il met en scène lui-même. Comme on l’a vu, il est critiqué et préfère s’exiler dans son propre pays en effectuant deux longs voyages dans les régions les plus reculées de Chine. C’est une fuite, un voyage initiatique vers une « montagne de l’âme » impossible à atteindre, un exil.
19Il décide alors de se remettre à la peinture pour explorer de nouvelles techniques de calligraphie et d’utilisation du pinceau et de l’encre. Remarqué par une galerie allemande, il part en Allemagne, puis s’installe en France. Il publie La Montagne de l’âme à Taiwan et la traduction en français paraît en 1995. Le succès en France est immédiat. Gao Xingjian déclare qu’il a réglé ses comptes avec la nostalgie du pays natal grâce à ce roman. Mais, trois ans plus tard, il écrit un nouveau roman, Le Livre d’un homme seul19 ou La Bible d’un homme seul, une sorte d’autofiction qui garde le principe de l’utilisation des pronoms personnels « tu » et « il » comme personnages. « Je » a disparu. Il s’agit d’une autobiographie qui commence à sa naissance en Chine et se termine à Perpignan, en passant par les atrocités de la Révolution culturelle et ses amours en Chine et en Occident. Par la suite, Gao Xingjian expliquera qu’il a eu trois vies différentes : sa vie depuis sa naissance jusqu’à son exil en 1987, sa vie de 1987 jusqu’à l’obtention du prix Nobel en 2000, et enfin sa troisième, depuis 2000. À partir de cette date, il répétera maintes et maintes fois qu’il n’a plus rien à voir avec la Chine, que si la Chine ne voulait pas de lui c’était tant pis pour elle, qu’il se trouvait très bien en France et qu’il n’avait aucune raison d’y retourner20. Il dit à présent se considérer comme un citoyen français (il est naturalisé Français en 1997), citoyen du monde, tout en reconnaissant que la culture chinoise reste en lui comme le sang qui coule dans ses veines. Et depuis 2000, il ne cesse plus de peindre, expose dans le monde entier, écrit des poèmes ou de courts textes, des pièces de théâtre directement en français, des textes théoriques sur les arts et la littérature, et tourne des films comme La Silhouette sinon l’ombre ou Le Deuil de la beauté.
Notes de bas de page
1 Gao Xingjian, La Montagne de l’âme, trad. Noël et Liliane Dutrait, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 1995 (réédité en format de poche et en « Opus Seuil » en 2012).
2 Ibid., p. 421.
3 Gao Xingjian, Lingshan, 高行健, « 灵山 », Taibei, Éditions Lianjing, 台北, 联经出版社, 1991, p. 341.
4 Le Daodejing [Le Livre de la voie et de la vertu] est un ouvrage classique chinois qui, selon la tradition, fut écrit autour de 600 av. J.-C. par Laozi, le sage fondateur du taoïsme. C’est l’un des livres anciens chinois les plus traduits en Occident.
5 Gao Xingjian, La Montagne de l’âme, op. cit., p. 599.
6 Id., Lingshan, 第页.
7 Id., La Montagne de l’âme, op. cit., p. 602.
8 Id., Lingshan, 高行健, « 灵山 », p. 502.
9 Id., La Montagne de l’âme, op. cit., p. 603.
10 Id., Lingshan, p. 502.
11 En chinois, Lingshan est publié à Taiwan en 1990 par les Éditions Lianjing.
12 Gao Xingjian, La Montagne de l’âme, op. cit., p. 47.
13 Ibid., p. 633.
14 Id., Lingshan, 高行健…, p. 531.
15 Id., La Montagne de l’âme, op. cit., p. 193.
16 Id., Lingshan, 高行健…, p. 147.
17 Id., La Montagne de l’âme, op. cit., p. 637.
18 Id., Lingshan, 高行健…, p. 533.
19 Gao Xingjian, Le Livre d’un homme seul, trad. Noël et Liliane Dutrait, 2000, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube (réédité en format de poche et en « Opus Seuil » en 2012).
20 Voir à ce sujet Noël Dutrait, Dépasser l’exil, dialogue entre Gao Xingjian et Noël Dutrait, in Chantal Chen-Andro, Cécile Sakai, Xu Shuang (dir.), Imaginaires de l’exil dans les littératures contemporaines de Chine et du Japon, Arles, Éditions Philippe Picquier, 2012, p. 149.
Auteur
Aix Marseille Univ, CNRS, IrAsia, Marseille, France
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