Sites de passage (2)
Le modèle carnacois des pierres dressées à l’épreuve des steppes et des légendes
Sites of passage (2). The carnac model of standing stones to the test of steppes and legends
p. 343-362
Résumés
Carnac, dans l’ouest de la France, est un site archéologique extraordinaire – plusieurs milliers de pierres dressées en files juxtaposées, sur des kilomètres de développement - dont la nature et la destination posent problème. Un cadre théorique a été proposé en 2009 qui joue sur plusieurs concepts (la verticalité, la limite, le seuil, la répétition) et plusieurs affects actifs ou sensibles (la pesanteur, la pierre dure, la peur). Le modèle conjoint ces ensembles descriptifs et analytiques où la stèle devient l’élément radical. Notre essai aimerait tester sa valeur prédictive au contact de sites archéologiques eurasiatiques (Arménie, Altaï), dans des environnements montagneux à l’opposé de la situation carnacoise, et à propos de sociétés à la fois plus récentes et principalement tournées vers une activité pastorale nomade. Un pont sera établi avec des récits et des analyses ethnographiques qui permettent d’envisager plusieurs analogies jouant sur certaines données relatives à l’organisation spatiale des structures domestiques et funéraires des sociétés actuelles ou sub-actuelles, de la Sibérie et de la Mongolie. Pour ces régions, une hypothèse générale est avancée par laquelle les monolithes rangés et associés aux tumulus funéraires pourraient jouer un rôle semblable à celui du sêrgê, le piquet d’attache en bois pour les chevaux réels ou célestes. On tentera d’évaluer en retour la pertinence du modèle carnacois à la lumière de ces acquis, notamment en revenant sur la question des orientations.
Carnac, in the west of France, is an extraordinary archaeological site – several thousand stones raised in parallel lines on kilometres of development - among which nature and destination pose problem. A conceptual frame was proposed in 2009 which plays on several concepts (verticality, border, threshold, repetition) and several active or sensitive affects (heaviness, hard stone, fright). These descriptive and analytical groups were joint in such model, where the stele becomes the radical element. This essay would like to test this model in the contact of Eurasian archaeological sites (Armenia, Altaï), in hilly environments in contrast to the Carnac situation, and regarding societies at the same time more recent and mainly turned to a nomadic pastoral activity. A bridge will be established with stories and ethnographic analyses which allow to envisage a game of analogies from data relating to the space organisation of domestic and funeral structures of the current or sub-current societies of Siberia and Mongolia. A general hypothesis is proposed by which these stone rows linked to the funeral burial mounds could play in these last régions a similar role as for the sêrgê, the wooden stake to tie the real or celestial horses. One will try to assess the pertinence of the Carnac model in the light of this knowledge, notably by coming back on the question of cardinal directions.
Entrées d’index
Mots-clés : Ouest de la France, Morbihan, Carnac, Arménie, Altaï, Sibérie, Mongolie, barres de stèles, obstacle cognitif, kurgan, yourte, sêrgê
Keywords : West of France, Morbihan, Carnac, Armenia, Altaï, Siberia, Mongolia, bars of standing stones, cognitive obstacle, kurgan, yurt, sêrgê
Note de l’éditeur
Vous trouverez en annexe une version abrégée du chapitre en anglais.
Texte intégral
Introduction
1Pierres dressées isolées, ou alignées en vastes systèmes de files juxtaposées ou parallèles, files parfois disposées perpendiculairement entre elles, sont autant de configurations présentant une équation mal résolue et souvent une énigme historique dans l’Europe des Ve, IVe et IIIe millénaires, notamment en Bretagne. Dans cette région atlantique, le site de Carnac est doublement emblématique, à la fois d’une certaine morphologie architecturale, extraordinaire par son extension, et d’un certain échec de l’archéologie à pouvoir renouveler un discours et une interprétation sur le sujet (Boujot et al. 1995, Bailloud et al. 1995). Faute de pouvoir intervenir par la fouille, moyen habituel de l’enquête, sur un gisement dont les limites sont indécises et la superficie estimée gigantesque (100 km2), une réflexion « théorique » a donc été menée pour tenter de proposer un cadre conceptuel mieux à même d’y ordonner et d’y intégrer le plus grand nombre de données disponibles. Un des objectifs se devait alors de tester la valeur prédictive du modèle, notamment dans un cadre chronologique et/ou géographique éloigné, que le milieu soit celui informé par l’archéologie ou par l’ethnologie.
2Si l’objet « pierre dressée » est un fait largement connu de par le monde, l’organisation rectiligne de monolithes bruts est une structure architecturale moins répandue. Au centre de l’Eurasie, la Mongolie occidentale et la région sayano-altaïque conservent de nombreux et remarquables témoignages de sites cultuels et funéraires comprenant des stèles alignées. Comment la recherche archéologique en ces territoires a pu interpréter le phénomène en question nous a semblé une démarche nécessaire à entreprendre pour informer et constituer un dossier renouvelé à propos de Carnac. Dans le même temps, et sur un territoire sibérien qui recouvre en partie l’aire géographique précédente, le « piquet d’attache » en bois des populations nomades actuelles ou sub-actuelles nous a paru un autre moyen d’entrer dans la discussion à propos de l’objet verticalisé, d’autant mieux qu’il nous semblait intuitivement relié à l’habitation domestique comme la pierre dressée pouvait l’être avec le tumulus funéraire. Cet article est donc l’essai d’un archéologue s’efforçant d’introduire auprès de ses collègues, mais encore auprès des ethnologues, un sujet par essence difficile, en provoquant sans doute leur réaction devant la naïveté avec laquelle le document ethnographique serait maladroitement mis à contribution, en sollicitant également leur critique quant à la façon un peu provocante avec laquelle les données archéologiques pourront être interprétées1.
Le problème archéologique et son cadre théorique
3Le site de Carnac est reconnu depuis l’époque médiévale (au moins du XIe jusqu’au XVIIe siècle) pour avoir été la destination du plus grand pèlerinage en Bretagne (Parant 1996), preuve du pouvoir d’attraction qu’ont pu exercer sur les humains ces rangées de milliers de pierres disposées dans une lande rase sur plusieurs kilomètres de longueur. Mais il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que l’intérêt des antiquaires et des érudits se fixe sur des objets à travers lesquels on a peine à deviner ou simplement entrevoir le sens premier de leur création. On suppose qu’ils sont l’œuvre des Celtes, ayant vécu ici antérieurement aux Romains, et qu’il s’agit là d’une réalisation indéniablement poussée par une forte croyance, au point que très vite la notion de « temple » s’impose dans la littérature. Tout d’abord avec J. Cambry et son « Temple celtique » (Cambry 1805), puis avec A. Maudet de Penhouët évoquant le « Temple du Serpent » (Maudet de Penhouët 1805), cette fois par allusion au mouvement ondulatoire des files de pierres (fig. 1) et surtout par emprunt d’une théorie développée en Angleterre par W. Stuckeley travaillant dans la région de Stonehenge (Stuckeley 1740). Venant à son tour visiter Carnac, l’anglais J. B. Deane (Deane 1833) applique à la lettre le modèle de Stuckeley et produit des plans qui attesteraient les méandres de l’animal vénéré. Mais si ce culte orphique est critiqué avec raison par P. Mérimée (Mérimée 1836), la reconnaissance d’un temple ne sera jamais véritablement remise en question, aux côtés de l’observatoire astronomique (Gaillard 1897) et du lieu funéraire qui en sont en quelque sorte des sous-ensembles fonctionnels. Aujourd’hui encore, l’ouvrage d’accompagnement du visiteur, officiellement édité par le gestionnaire du site (Le Centre des monuments nationaux) et traduit en plusieurs langues, spécifie toujours la destination précise de l’ensemble : « Les alignements de Carnac. Temples néolithiques » (Mohen 2000).
4Devant cette permanence des mots et des concepts, ne peut-on pas concevoir, à l’instar du fonctionnement de toute discipline, qu’un certain manque de renouvellement théorique sur ce problème est peut-être la marque d’un classique obstacle épistémologique ? Si le « temple » suggéré en 1805 est tout à fait compréhensible au regard de l’éducation des lettrés de l’époque, que penser d’un domaine dans lequel la « théorie » n’est pas renouvelée, les concepts repensés ? L’archéologie classique et l’histoire des religions nous renseignent pourtant, en se limitant à une définition minimale, qu’un temple est « un édifice public consacré au culte d’une divinité ». Mais de quel édifice s’agit-il à Carnac ? Pour quel public ? Consacré à quel culte ? En l’honneur de quelle divinité ?... Autant de questions simples auxquelles on ne peut sincèrement pas répondre, en sorte que la pertinence du mot donné comme étant la parole de l’archéologie scientifique doit pouvoir être mise en doute. En recherchant une définition plus précise encore, les historiens s’accordent en général sur un édifice religieux dont une partie au moins est considérée comme la demeure du dieu, abrite sa statue, parfois un trésor, et dans laquelle les prêtres lui rendent un culte hors la présence de la masse des fidèles (cf. le traité d’architecture de Vitruve). Sauf à définir en quoi consisterait un temple néolithique du Ve millénaire dans la France de l’ouest, ce qui n’a toujours pas été produit, on voit combien il devient impossible d’acquiescer à l‘interprétation dominante et convenue, pour peu que l’on déambule entre ces blocs en granite, sur des kilomètres, en cherchant ne serait-ce que les limites de l’édifice. En vérité, ni le début ni la terminaison de la structure ne peuvent être identifiés, en raison des destructions survenues au cours du temps, des restaurations du XIXe siècle et surtout d’une absence de recherche fondamentale, ajoutant autant d’obstacles à une meilleure définition du site.
5Sans vouloir ici exposer intégralement le modèle progressivement construit (Cassen 2009 : 105-108), résumons trois aspects informatifs afin d’éclairer le lecteur :
la stèle est l’objet radical, et comme tout objet verticalisé dans un espace donné exige une attitude, il ne peut vous laisser indifférent ; que la stèle soit funéraire, commémorative, signe du prestige acquis, phallique ou sexualisée, etc., elle est un seuil entre deux états, et pour le moins deux espaces, deux mondes, et vos sens font l’expérience d’un affrontement avec elle ;
quand l’objet est répété de manière continue, ou alors discontinue par intervalles réguliers, deux postures sont possibles : la première, communément admise, suppose de suivre la file d’un bout à l’autre (cf. l’« avenue cérémonielle », à l’instar des cursus des îles britanniques), alors que la seconde attitude affronte la file qui devient alors une barre de stèles, en accord avec la définition précédente de l’objet ; Carnac, à cet égard, « barre » tous les accès naturels au plateau sur lequel le monument éponyme est disposé (du Menec au Passage du Lac via Kermario et Kerlescan, pour ne s’en tenir qu’au secteur méridional du complexe) ;
le meilleur exemple qui pourrait illustrer non seulement ce changement de regard mais aussi le phénomène sous-jacent, nous vient des pièges à caribous édifiés par les groupes Inuit du Canada, dans un environnement minéral sans couverture végétale ; ici, deux longues files de pierres dressées (1 à 2 m de haut, 500 m de long) - chaque pierre étant espacée d’une dizaine de mètres de la suivante - forment une structure en V dans laquelle le troupeau est contraint de s’engouffrer par des rabatteurs ; dirigé par ces deux bordures pourtant peu étanches, le troupeau achève sa course à la jonction des deux branches du V où les attendent les chasseurs, en général en bord d’un lac ou sur le rivage marin ; jouant sur la confusion universelle (cf. le phén mène de la rayure – Cassen 2009 : 70 et p. 83) entre le fond et la figure aux yeux d’un être en mouvement, ces pierres dressées forment une véritable barrière cognitive (Hallendy 1994).
6Notre modèle, à son tour, doit bien entendu tenir dans un espace qui est une réalité sociale, c’est-à-dire un ensemble de relations et de formes. Et une histoire de l’espace ne coïncide ni avec l’inventaire des objets dans l’espace, ni avec les représentations et discours sur l’espace (Lefebvre 1974 : 138). Cette histoire doit rendre compte et des espaces de représentation, et des représentations de l’espace, mais surtout de leurs liens entre eux ainsi qu’avec la pratique sociale (Defaix 2006). Dans l’idéal, chaque monument sera interrogé avec ses alentours, sa contexture, avec l’espace peuplé et ses réseaux, comme production de cet espace. Nulle part ces réseaux ne se ferment ; de toutes parts, écrit H. Lefebvre, ils rencontrent l’étrange et l’étranger, le menaçant et le favorable, l’ennemi ou l’ami… Un espace social est donc jalonné et orienté, il implique des relations qui se superposent aux réseaux des lieux-dits, en comprenant tout d’abord l’espace accessible (par exemple, le parcours des troupeaux), ensuite les espaces aux frontières, défendus relativement (voisins et amis) ou absolument (voisins et ennemis), puis les résidences, stables ou éphémères, et enfin les points de suture, lieux de passage, de relation et d’échange, souvent interdits. Maintenant, quels modes d’existence prennent ces parcours lors des moments où la pratique ne les actualise pas, quand ils entrent dans les espaces de représentation ? Sont-ils perçus dans la nature ou bien hors de la nature ? Ni l’un ni l’autre (Lefebvre 1974 : 140). Pasteurs et agriculteurs, artisans, touristes et guérisseurs animent ces trajets et parcours, réseaux et cheminements, par des récits, par des « présences » mythiques, esprits favorables ou non, perçus comme existences concrètes. Mais plus que tout, « l’espace commande aux corps ; il prescrit ou proscrit des gestes, des trajets et parcours » (Lefebvre 1974 : 168). Il est produit dans ce but ; c’est son sens et sa finalité.
7Sur cette base théorique, et sur ce changement de posture vis-à-vis de la rangée de pierres dressées, voyons comment une recherche « exotique » de situations archéologiques et ethnologiques intuitivement comparables serait susceptible de tester et préciser le modèle morbihannais.
Le site d’Hartashen (Arménie)
8Le village d’Hartashen (Artashen, anciennement Duzkharab), situé à 2000 m d’altitude au nord de l’Arménie (région de pasteurs du Shirak), conserve une structure architecturale étonnante sur laquelle aucun travail archéologique ou historiographique méthodique et moderne n’avait été entrepris jusqu’aux travaux récents menés par nos collègues allemands du Landesmuseum für Vorgeschichte de Halle (travaux qui n’étaient pas publiés au moment du colloque d’Aix en 2011 et que nous intégrerons brièvement ici, sans pour autant modifier la tonalité de fond de notre contribution qui voulait justement jouer de cette énigme et de cette incertitude). Même approximative, la datation du site attribué au Néolithique (Djindjian 2007 : 9) ne repose donc pas sur des faits vérifiés. Mais la seule perception visuelle du complexe architectural, avec ses files parallèles de pierres dressées, autorise par contre un pur exercice comparatif avec le modèle carnacois. Il est d’ailleurs assez cocasse de noter que les habitants de la région attribuent ces pierres dressées à des constructions anti-tanks dressées durant la seconde guerre mondiale (Schunke et al. 2011), une image également partagée par l’armée américaine découvrant les alignements de Carnac, véritables murs anti-chars (Cassen 2009).
9Deux principales structures sont identifiables, comprenant 760 stèles conservées (peut-être 1200 à l’origine ; fig. 2), tandis qu’un complexe funéraire non fouillé occupe la surface plane intermédiaire. Le premier ouvrage court à flanc de colline, en trois rangées parallèles de pierres plantées qui n’excèdent pas 1,5 m de hauteur hors-sol ; l’autre se développe en fond de vallée, sur trois rangées également, mais les hauteurs des monolithes encore en place ne dépassent pas 1 m. Si le premier est bien conservé, le second a davantage subi les aménagements des hommes, et plusieurs blocs furent déplacés. Ces deux ensembles sont donc très proches structuralement, mais divergent entièrement quant à leur disposition dans l’espace topographique.
10Un ruisseau descend en effet de la montagne et vient s’écouler dans une partie basse avant de traverser le village d’Hartashen pour enfin se jeter dans la rivière Gukacian qui serpente en terrain marécageux. C’est dans cette partie basse, au pied du relief, que fut édifiée la structure de monolithes, perpendiculairement au cours du ruisseau, barrant en quelque sorte ce débouché naturel. Les files de pierres dressées épousent d’ailleurs la microtopographie du lit du ruisseau et le traverse sans modification de leur linéarité. Elles partent d’un affleurement rocheux remarquable pour aboutir, à plus de 500 m de là, sur une autre émergence rocheuse bien visible ; cette relation à ces accidents topographiques naturels est bien entendu volontaire (mais non soulignée par les fouilleurs ; Schunke et al. 2011).
11Au sud-est, l’autre structure de pierres prend appui sur le versant de cette vallée, au point qu’une majorité de monolithes penche vers le bas de la pente. Les trois files parallèles suivent la courbe de niveau, et ne sont pas disposées au sommet du relief, probablement pour des raisons de visibilité depuis la plaine (un champ de vision qu’il serait possible de calculer à travers une topographie précise de ce secteur géographique). Si l’extrémité sud-ouest de la structure s’établit ici sur le départ du relief en pente douce, l’autre extrémité, au nord-est et à plus de 500 m là encore, semble ne correspondre à aucun repère évident, sinon qu’elle est en coïncidence avec le resserrement de la vallée en amont, et avec la dernière implantation de kourganes circulaires installés en fond de vallée. Aucune relation archéologique directe n’a été établie par les fouilleurs entre ces contextes funéraires (une trentaine de structures allant de 10 à 50 m de diamètre, à dater probablement de l’âge du Bronze) et les files de stèles qui les encadrent (Schunke et al. 2011). Cette juxtaposition est troublante, sans que ce voisinage ne soit cependant commenté par nos collègues qui, étonnamment, privilégient une interprétation par défaut reliant ces files de pierres à des dispositifs modernes de protection militaire (arguant d’une zone géographique historique de conflit entre Perse, Russie, Géorgie et Arménie)…
12Il est patent que le projet architectural ne dépend pas de directions astronomiques (solstice, équinoxe…), ou de visées spécifiques sur des formes du relief lointain. La géométrie des lignes est intimement dépendante de la topographie de la vallée. En ce sens, la comparaison est immédiate avec les alignements de stèles de la France de l’Ouest, notamment en secteur carnacois, où toutes ces formes architecturales divisent l’espace du mouvement, qu’il s’agisse d’un talweg barré perpendiculairement à son axe longitudinal, ou du rebord de la vallée (Boujot et al. 1995, Cassen & Vaquero Lastres 2003) ; il n’y a pas d’exception à cette configuration. Des conclusions similaires ont été obtenues en Corse, où l’ouvrage de stèles est tout à la fois une porte ouverte vers l’extérieur et un accès vers le plateau (D’Anna et al. 2006) ; ici, les « alignements » signalent et protègent, et cette protection se retrouve en particulier vis-à-vis de l’eau suivant une double valeur, matérielle avant d’être symbolique nous disent les auteurs, qui n’est pas sans rappeler les phénomènes de transgression lacustre et de colluvionnement alpin que nous pensons devoir corréler à l’érection des barres de stèles en Suisse romande (Cassen 2014). En revenant à Hartashen, remarquons au surplus la manière dont les files parallèles transversales viennent s’accrocher sur les pointements naturels rocheux, qui est justement un point de comparaison immédiat et supplémentaire avec la situation bretonne où ce détail a bien été noté (Le Roux et al. 1989, Boujot & Cassen 2000). Notons enfin que le versant nord-ouest de cette petite vallée d’Hartashen est très abrupt, en falaise, ce qui explique probablement qu’aucune structure de stèles ne vienne barrer cette partie de l’espace naturellement « protégée ».
13En somme, cette observation comparée ne donnera pas de solution globale à l’énigme que posent les structures d’Hartashen, mais elle permet de comprendre que le modèle proposé sur Carnac peut être testé dans un environnement totalement distinct, en dehors de tout repère chronologique.
Les sites à files de pierres dressées en Sibérie du sud, Kazakhstan et Mongolie
14L’objet verticalisé est un concept très présent en Asie centrale à travers les stèles de pierre (et les poteaux en bois sur lesquels nous reviendrons) en relation avec des monuments funéraires, cultuels, commémoratifs. Couvrant la fin du Néolithique et l’âge du Bronze, l’érection de monolithes semble plus particulièrement dense durant la période « Scythe » (IXth-IVth BCE) et la période « turque » (Ier millénaire CE). La statuaire clairement anthropomorphe ne retiendra pas notre attention, sinon de manière indirecte. Ce sont plutôt les files de pierres brutes dressées qui permettent de compléter notre dossier d’analogies, en termes de géométrie – le plan, les élévations -, et en termes d’interprétation archéologique - la fonction, la destination.
15Parmi cette multitude de sites qui présente les caractères propres à une comparaison avec les structures architecturales de l’ouest de l’Europe, nous ne tiendrons volontairement pas compte de la chronologie absolue, de l’appartenance culturelle et des variations régionales qui ont fait l’objet de nombreux travaux depuis le XIXe siècle (Veselovsky 1915, Sher 1966, Gumilev 1967, Kubarev 1984). Seuls comptent à nos yeux l’aspect architectural du monument, son rapport avec les autres constructions et sa disposition dans l’espace topographique.
16Pour simplifier le propos parmi toutes ces pierres dressées, nous ne commenterons pas non plus les pierres dressées juxtaposées au sein d’une enceinte funéraire, ou placées aux points stratégiques de cette enceinte (les quatre angles, l’entrée) ; plusieurs de ces stèles peuvent être clairement anthropomorphes, révélant des représentations d’ancêtres, de guerriers mémorables, de personnages tutélaires, etc., et peuvent d’ailleurs être en réemploi dans la structure, extraites d’autres environnements, parfois gravées de figurations animales (cervidés) et d’objets socialement valorisés (armes, parures). Nous limiterons le propos aux files de monolithes bruts, parfois appelées « balbals » (каменные бабы), qui se distinguent par cette absence d’intervention humaine sur la roche ; ce sont donc des monolithes implantés en dehors de la classique limite architecturale d’un édifice, disposés en files simples ou doubles, voire triples et toujours parallèles, sur quelques mètres, centaines de mètres voire plusieurs kilomètres dans un cas extrême en Mongolie.
17L’absence de mise en forme de la dalle de pierre en vue d’une représentation anthropomorphe (ou zoomorphe, ou objectale) permet de comprendre l’interprétation incertaine donnée par les archéologues et les historiens, parfois aidés par d’anciens textes chinois qui ne rapportent, quoi qu’il en soit, que certaines traditions orales : ainsi, le nombre de pierres peut représenter le nombre d’ennemis tués ou encore le nombre de chevaux sacrifiés pour la cérémonie funèbre, les pierres ayant pu servir à attacher les animaux (Castané 1910, Kyzlasov 1966 ; tableau 1), une pratique qui est d’ailleurs attestée de nos jours chez les cavaliers de passage (fig. 3). Ces lignes de stèles sont systématiquement associées à des tombes sous tumulus circulaires (Kurgan), ou à des structures planes plus petites faites de dalles plantées sur chant limitant une aire quadrangulaire (quelques m2) pouvant contenir une tombe, ou le dépôt d’un animal sacrifié, ou du matériel (céramique, métal, etc.) accompagnant un cénotaphe.
18On rappellera d’ailleurs que le site de Carnac restitue un légendaire similaire (recueilli au XIXe siècle) qui reconnaît dans ces pierres dressées un vaste Champ des morts, ou bien autant de soldats romains pétrifiés par la volonté d’un saint acculé à la mer par ses poursuivants (Le Rouzic 1912). En réalité, cette assimilation populaire de la pierre dressée à un guerrier, et plutôt ennemi, parcourt bien des sociétés, comme en Thrace orientale (Ozbek 2008 : 85). C. Jullian, en 1908, note que chez les Ibères, le pilier est la figuration symbolique de l’ennemi tué (Jullian 1908), rappelant une relation d’Aristote (Politique, livre IV (VII), chap. 2, 6, p. 1324) pour qui l’on entoure la tombe d’un guerrier ibère d’autant de petits obélisques (όβελίσκους) qu’il a tué d’ennemis. Le processus inverse peut être reconnu dans les textes mythologiques irlandais (rédigés vers les VIIIe-IXe siècles) où les pierres dressées sont transformées en soldats pour combattre l’ennemi (Le Roux & Guyonvarc’h 1978 : 152). Quand les relations ethnographiques nous renseignent sur les sociétés ayant érigé des monolithes, comme chez les Konso en Éthiopie, elles rapportent l’idée de l’ennemi tué (et émasculé), relié à certaines tombes de grands guerriers ; mais les représentations anthropomorphes (hommes asexués) sont au contraire réalisées en bois, sous forme de fûts érigés sur la plateforme funéraire, aux côtés des représentations de femmes ayant appartenu au défunt (Gallay 2006 : 66). Ainsi, dans ces mêmes villages, les stèles lithiques brutes s’inscrivent clairement dans des stratégies de compétition pour l’acquisition, l’affichage et le maintien d’un certain pouvoir politique. Toujours en Éthiopie, chez les Afars, les files de pierres dressées près d’un tumulus funéraire marqueraient ici encore autant d’ennemis tués (Joussaume 2007 : 237), mais on ne sait pas, cette fois, s’il s’agit d’une interprétation donnée par les seules sociétés indigènes interrogées ou bien d’une réalité ethnographique réellement observée. D’ailleurs, pour rester dans cette même région d’Afrique, on notera que les stèles en pierre du Soddo sont réputées avoir été plantées par Ahmed Gragne, conquérant musulman ayant soumis la région au XVIe s, dont la tradition chez les Gallas a fait un géant élevant ces bornes commémoratives de batailles épiques. Parfois, les « pierres tumulaires » marqueraient le lieu où un des favoris est tombé en combattant ; elles seraient encore les emplacements où le héros accrochait un cheval lors de ses haltes guerrières (d’Abbadie 1868, chap. VII). On retrouve curieusement une image déjà entrevue en Mongolie.
19Revenons justement dans cette Asie centrale (dans l’acceptation géographique donnée par l’Unesco), et tentons de réunir quelques constantes et différences observées dans la nature, la disposition et l’ampleur des lignes de pierres brutes :
Tout d’abord, il est évident que ces constructions ne sont pas systématiquement édifiées en vis-à-vis d’un tombeau. Des nécropoles entières n’en comptent pas, tandis que d’autres emplacements réunissant plusieurs tumulus Scytho-Sibériens identiques, disposés en ligne, ne comptent qu’un seul monument affecté par une ligne de monolithes.
Les matériaux mis en œuvre pour ériger ces petites stèles sont très souvent distincts de ceux employés pour édifier la partie lithique du tumulus, souvent issus des dépôts morainiques enfouis dans les terrasses des rivières actuelles. Le fait est notable dans la vallée de Yustid (Altaï) où les galets clairs des kurgan contrastent avec les dalles de roche sombre, souvent schisteuse, des balbal.
La taille et la longueur des alignements pourraient être un élément discriminant pour qualifier des tumulus « riches », ou signaler un défunt particulièrement méritant, ou valeureux. Près du village de Sentelek (Charyshskiy rayon, Altayskiy Kray ; fig. 3), dans la nécropole de tumulus non alignés mais regroupés autour du plus grand (« Tsarskii Kurgan »), une seule file d’une vingtaine de dalles étroites est reconnue, et relie sur une cinquantaine de mètres l’enceinte de ce dernier kourgane au ressaut naturel au-dessus de la rivière Sentelek (Kubarev & Chulga 2007 : 255). Il y a donc clairement un choix en faveur de ce tombeau « royal », et les dimensions des stèles sont également remarquables (jusqu’à 3,5 m hors-sol), présentant une hauteur croissante en s’éloignant du cairn ; un phénomène que nous avons aussi noté, mais à une échelle bien plus modeste, à l’extrémité orientale de la vallée de Yustid. Plus au sud-est dans la république d’Altaï, les quatre fameux tombeaux éponymes de Pazyryk sont adjoints de files de pierres dressées, mais présentent un nombre peu élevé de pierres (entre 4 ou 5) et sur une vingtaine de mètres seulement (Rudenko 1960, 1970) ; la volonté ostentatoire n’est pas si évidente. En revanche, pour une période plus récente, de petites structures funéraires planes et quadrangulaires, rapportées aux populations Türks, peuvent être accompagnées d’impressionnantes files de stèles, bien que de tailles modestes (30 à 50 cm de hauteur), sur plus de 400 m à Ak Karasug Chol Aksi (Touva – Gerasimov 1989 ; fig. 4). Une réalisation extrême est finalement atteinte en Mongolie, à Khosho Tsaidam (Khushuu Tsaidam), au départ des deux tombeaux/temples prestigieux de Bilge Khan (mort en 734) et Kul Tegin (son frère, mort en 731) avec respectivement, pour chaque site, une file dirigée à l’est comptant plus d’un millier de balbals, sur 3 km de distance (Castané 1910, Bahar 1997, 2009), autrement dit la longueur atteinte à Carnac pour les plus grands sites ouest-européens datés du Néolithique.
L’orientation des files est en tout cas une donnée partagée par un grand nombre de sites chronologiquement distincts, puisque l’est est la direction privilégiée prise par ces constructions de stèles (Kubarev & Chulga 2007). L’amplitude angulaire est néanmoins assez large, et l’on peut mesurer 40° entre les extrêmes dans la vallée de Yustid (Bourgeois et al. 2000 ; fig. 4), tandis que sur le plateau Ukok, toujours dans l’Altaï, une majorité d’orientations est franchement au nord-est (Molodin et al. 2004). Ces écarts sont dus à la topographie du terrain et à l’emplacement des tumulus sur lesquels s’établit le marquage par les balbals érigés en files. Ces tumulus étant le plus souvent alignés selon la direction sud-nord, et les files de stèles étant placées perpendiculairement à cet axe principal, l’orient est alors la direction prise par les monolithes plantés à intervalles réguliers. Et si le déroulement sud-nord des tombes est perturbé par la configuration de la vallée, obligeant à suivre une pente en dirigeant la nécropole vers le nord-est, la ligne orthogonale des stèles sera alors franchement dirigée vers le sud-est. En milieu montagneux, l’orientation du lit des rivières peut donc expliquer ces écarts. Mais il existe des sites, comme Ak Karasug Chol Aksi déjà mentionné, où le cours de la vallée est orienté sud-nord (fig. 4). Or la terrasse naturelle sur le côté oriental de la vallée laisse pourtant un espace plan s’élargissant de 100 à 400 m qui aurait pu laisser libre place à une organisation sud-nord des enceintes funéraires (Türks), d’ailleurs de petites dimensions, et donc une orientation à l’est des 14 lignes de balbals actuellement en relation avec 9 enceintes culto-funéraires et une stèle anthropomorphe isolée (Ermolenko 1995). Ce n’est pas le cas, les enceintes funéraires sont alignées est-ouest, en direction du relief le plus proche, et les files de stèles forcément perpendiculaires à cette ligne sont donc parallèles à la rivière, dirigées vers le sud. Dans la vallée de Karakol orientée également sud-nord, les tumulus de la période Turque sont parfois additionnés de lignes de balbals mais dirigées cette fois vers le nord (Bourgeois et al. 2009).
20La rivière et la montagne semblent par conséquent les deux déterminants capables de modifier l’orientation générale de l’habitat, à l’instar de ce qui est observé actuellement en Mongolie où, idéalement, la porte de la yourte est : 1- dirigée vers la rivière ; 2- placée vers l’aval si la yourte est montée sur un flanc de montagne ; 3- opposée à la direction du vent dominant quand l’implantation se fait dans un défilé ; 4- orientée au sud lors d’une disposition dans la plaine (Lacaze 2006). Quand aucun accident topographique majeur ou quelque relief accidenté et lit de rivière ne viennent contrarier la logique des emplacements, comme dans la steppe mongole, l’orientation à l’est paraît être la norme communément retenue (Castané 1910).
21Ce jeu des orientations en Asie centrale qui, faut-il le rappeler, demeure une sorte d’obsession des études sur les alignements de menhirs (et les tombes à couloir) en Europe occidentale depuis le XIXe siècle, peut donc éclairer notre approche du site de Carnac, et participer à la critique des interprétations les plus communes. Nous y reviendrons, mais préférons pour le moment retenir l’hypothèse selon laquelle l’organisation linéaire des tumulus serait une image homologue à celle des habitations nomades enregistrées par l’archéologie de la région Sayano-Altaïenne (Kubarev & Chulga 2007 : 156), une idée qui doit maintenant nous inciter à effectuer un détour vers quelques images fondamentales rapportées par les études ethnographiques dans une zone plus élargie de la Sibérie.
Les comparaisons ethnographiques
22Notre proposition de modèle voit l’alignement néolithique de pierres dressées en Bretagne, qu’il soit continu ou discontinu, comme la marque d’un changement d’état, une médiation entre deux formations du temps et de l’espace, dont la bonne compréhension ne peut faire, de surcroît, l’économie d’une interprétation des signes gravés sur ces mêmes supports (mais ceci est un autre sujet). La limite matérielle autant que virtuelle entre des espaces antagonistes, deux mondes, est caractérisée comme une « barre de stèles » avec l’idée de frein, de filtre, d’empêchement à l’encontre d’un être en mouvement affronté à cette forme de la séparation (Cassen 2009 : 105-108). À partir de ce cadre conceptuel, dont nous testons la réponse dans ces contextes archéologiques lointains, il semble intéressant d’en rechercher des représentations similaires sur ces mêmes territoires sibériens.
23L’objet verticalisé, puis répété en ligne à intervalles réguliers, est l’image qui nous intéresse en tant qu’archéologue, surtout quand l’idée et la structure sont appliquées à un contexte autre que la sphère du domestique. Pour cela, il paraît particulièrement opportun de porter notre attention vers l’usage réel de perches alignées, d’une part, et vers la figuration pictographique de ces perches en bois dans la pratique chamanique et l’iconographie toungouzes, d’autre part. Le traditionnel poteau d’attache des animaux et son lien à l’habitation ainsi qu’à la tombe compléteront cette enquête.
Les perches alignées des pratiques chamaniques toungouzes
24Nous conservons ce terme générique imprécis « toungouze » pour ne pas rentrer dans le détail des groupes ethniques dispersés sur un large territoire. L’important est cette relative communauté de pensées et de représentations.
25Prenons un exemple graphique donné par A. Anisimov (Anisimov 1958). Parmi les populations nomades de la Toungouska Pierreuse, affluent oriental de l’Ienisseï, à l’occasion d’une grande séance exécutée pour extraire d’un malade l’esprit néfaste et le rejeter dans le monde inférieur, le guérisseur/chamane construisait une tente cérémonielle avec l’aide de tout le clan. Une zone, nommée onang, située à l’ouest de la tente, symbolisait ce monde inférieur et le chamane y plantait des perches surmontées d’oiseaux en bois (fig. 5B). Ces oiseaux aquatiques (plongeons, canards, oies), devaient empêcher tout trafic clandestin entre le monde du milieu, demeure des vivants, et le monde inférieur, demeure des défunts. En outre, on dressait au milieu de l’onang une barrière qui rappelait les barrages disposés dans les rivières pour attraper les poissons. Cette barrière était constituée par une rangée de mélèzes ébranchés, appuyés à une grande figuration de truite saumonée. Les sommets des mélèzes portaient aussi des oiseaux en bois qui montaient la garde pour toujours contrarier l’esprit néfaste, arraché au corps du malade et jeté derrière cette barrière, l’empêchant de s’échapper du monde inférieur (Delaby 1997 : 75). Une représentation similaire est révélée par les 9 piquets alignés (de 0,40 à 1,20 m) appelés bylyttar oloxtor (« nuages-sièges », ou « nuages-stations », chez les Dolganes et Iakoutes ; fig. 5A) qui sont surmontés de 9 oiseaux en garde des 9 stations que doit emprunter l’intercesseur sur la route du monde supérieur (Vassiliev 1909, Delaby 1997). On notera la progression de taille, aussi bien des piquets que des oiseaux.
26Dans l’iconographie des Toungouses occidentaux, le dessin figurant la route du chamane le long du grand fleuve mythique permettant de descendre dans le monde des morts, présente des détails analogues qui méritent d’être ajoutés au dossier (Anisimov 1958 ; fig. 5C). Les esprits chamaniques ferment ainsi l’accès au monde inférieur par des barrières de branches et de piquets surmontés d’oiseaux. Ces sentinelles guerrières, animales et végétales, prennent donc souvent forme d’un objet érigé, répété, aligné, formant barrage aux endroits stratégiques du territoire, là où le mouvement et un déplacement peuvent être contraints et contrôlés (Delaby 1981 : 375).
Les piquets d’attache des rituels iakoutes
27Les « piquets d’attache » ouvrent un autre champ comparatif intéressant. Ces poteaux en bois étaient un objet d’usage quotidien chez ces peuples pasteurs. Terminés en boule, en tête d’oiseau ou de cheval, ils étaient souvent munis de deux ouvertures pour attacher la longe du cheval en haut, celle du bœuf en bas. Nommés sêrgê (le mot sêrgê signifie « rangée »), ces piquets sont en effet souvent en rang de trois, six ou neuf individus, plantés au contact de l’habitation. Placés au sud de la yourte, les piquets sont réservés aux chevaux des invités, et leur taille va décroissant, le dernier poteau laissé aux pauvres et humbles était le plus petit (Zykov 1986). Les riches qui se mariaient en érigeaient trois supplémentaires, pour les frères de la fiancée, le père de substitution et la fiancée elle-même. Les parents du marié s’adressaient à l’esprit des piquets pour tenir les esprits néfastes écartés, car l’esprit du piquet pouvait bénir ou maudire (Delaby 1987). L’importance de ce poteau en bois était donc telle qu’en changeant de maison les plus aisés des iakoutes les déterraient et les emportaient avec eux. Quant au poteau nommé êlbut sêrgêtê (« piquet d’attache du défunt »), il est érigé près de la tombe pour accrocher un cheval invisible (tableau 1) ; autrefois, un vrai cheval était attaché puis sacrifié par les riches familles. Enfin, plus généralement, chaque fois que l’on veut convoquer un esprit pour lui faire une offrande, on érige un piquet pour son cheval (Zambalova 2000).
28Partant de cette base informative brièvement énoncée, résumons deux autres images relatives au rôle joué par les poteaux d’attaches plantés en ligne :
La consécration d’un bovin était encore dépendante, au XIXe siècle, d’une structure d’objets alignés (fig. 5) : l’animal consacré était attaché à un piquet haut de 2 m environ ; devant ce pieu, trois perches étaient surmontées d’oiseaux sculptés (ici un aigle, un corbeau et un coucou) ; sur la même ligne ont été fichés en terre sept pieux de pins frais, écorce grattée, qui représentaient les différents cieux ; la corde portant des crins blancs en offrande symbolisait la route par laquelle, derrière les oiseaux, le chamane vole au ciel afin de conduire l’âme du bovin vers le troupeau de l’esprit céleste auquel on l’a consacré. On notera la hauteur croissante des piquets, le dernier figurant l’extrémité du voyage, le ciel le plus éloigné. On voit que cette structure temporaire effectue une sorte de synthèse entre le piquet d’attache et les perches portant les oiseaux auxiliaires. Au surplus, l’archéologue se tromperait en interprétant les poteaux de taille croissante comme autant de sujets anthropomorphes d’importance statutaire croissante ; en revanche, il n’aurait pas tort de reconnaître une voie guidée par cet alignement, bien que la corde dans d’autres circonstances puisse devenir une barrière (Delaby 1998 : 38).
La célébration de la République a été l’occasion sous l’ère soviétique d’une fête des Libations (fig. 5, district de Stanskij, république autonome iakoute) qui mettait en scène des piquets d’attache gigantesques, celui du centre étant le plus élevé ; les fûts de bois étaient surmontés de bols contenant du lait de jument fermenté. En 1967, pour le cinquantenaire du pouvoir soviétique, et en 1968 pour celui de l’établissement de ce pouvoir en Iakoutie, on remit à neuf et on érigea de nouveaux piquets d’attache dans toute la république (Delaby 1987 : 68). Cette monumentalisation des poteaux est révélatrice d’un processus très répandu dans de nombreuses sociétés, qui peut s’enclencher au sein de structures touchant au réel comme à l’idéel dans une recherche de la distinction.
29Après ce détour par la linéarité des objets verticalisés, tentons une brève incursion dans le domaine de l’architecture domestique.
L’organisation spatiale des habitations
30Habitations dispersées d’été ou d’hiver, les demeures saisonnières, cycliques, des peuples nomades de cette partie de l’Asie centrale sont rarement décrites en regroupement ordonné qui pourraient, de ce fait, être comparées aux relations déjà entrevues par l’archéologie sur ces mêmes territoires, où structures domestiques et structures funéraires présentent d’évidents homomorphismes. Nous avons souligné le rapport structural entre tombeaux et maisons dans le Néolithique de l’ouest de la France (Cassen 2000, Laporte & Tinevez 2004), en nous aidant de relations ethnographiques (Canada, Afrique). Ce rapport est d’ailleurs largement documenté à travers le monde ; ainsi le mot kourgane (Курган, Kurgan en russe), attesté dès le XVe siècle, est à rapprocher du perse gurxane composé de « sépulture » et « maison » (dictionnaire TLFi).
31En Mongolie actuelle, les morts se tiennent dans leur tombe comme les vivants se tiennent et se repèrent dans leur yourte : la tête au nord et les pieds au sud. Dans le paysage, le cimetière occupe un emplacement semblable à celui d’une yourte (Ruhlmann 2009). L’un et l’autre se situent idéalement en bas d’une montagne, sur un terrain légèrement en pente descendante. Pour la yourte, la partie honorifique (hojmor) est orientée en direction du « nord » (hojno), physiquement vers le flanc de la montagne, tout comme l’arrière de la tombe (tête du mort) ; la partie « avant » (ömnö) de la yourte, indiquée par la porte d’entrée, est idéalement orientée en direction du « sud » (ömnö), physiquement vers une rivière située en contrebas, et ouvre sur le chemin pour quitter le campement ; la partie avant de la tombe (les pieds du mort) est orientée en direction du chemin emprunté par les vivants pour quitter le cimetière. L’emplacement du cimetière, l’orientation des tombes alignées dans le cimetière et l’orientation du corps dans les cercueils se font par rapport à l’espace naturel, une montagne, parce que son sommet est la localisation des ancêtres, ancêtres de la famille en particulier, ou masse d’ancêtres.
32Pour tenter de retrouver une ancienne organisation linéaire des habitations, à l’exemple des yourtes dans certains camps actuels à destination des voyageurs en Chine et en Mongolie (fig. 4), prolongement d’un mode de rangement de l’habitat imposé sous l’ère soviétique dans certaines régions (structures « disciplinaires » de type camp de vacances socialiste, prison, cure thermale, etc. – inf. G. Lacaze, MISHA, Strasbourg), nous proposons deux relations assurément bien différentes mais susceptibles cependant d’apporter un éclairage nouveau sur la finalité du but recherché.
Au XIIIe siècle, Guillaume de Rubrouck, envoyé du roi français Louis IX, témoigne dans le récit d’un itinéraire allant de la mer Noire à la Mongolie occidentale d’une remarquable disposition des yourtes des seize femmes de Baatu, chef « tartare », qui s’échelonnent de l’ouest (la première femme) vers l’est (femmes d’un rang inférieur), les ouvertures étant bien sûr orientées au sud : « Quand ils posent leurs maisons roulantes en quelque endroit, ils tournent toujours la porte vers le midi, et à côté, deçà ou delà, à environ demi-jet de pierre, ils mettent aussi ces grands coffres, de sorte que leur maison est située entre deux rangs de ces chariots et coffres, comme entre deux murailles. […] Et quand ils assoient ces maisons pour s’arrêter en quelque lieu, la première des femmes fait poser sa petite cour vers l’occident, puis toutes les autres en font de même chacune en son rang : si bien que la dernière se trouve à l’orient, et l’espace d’entre elles est environ un jet de pierre… » (Rubruquis (de) 1888, II - De la demeure des Tartares).
33Cette disposition n’est pas directement transposable, bien entendu, dans l’organisation des habitations attribuées à l’âge du Bronze ou du Fer en Altaï, ou dans celle des alignements de kourganes, orientés du sud vers le nord ; mais ce qui nous importe davantage réside dans cette disposition linéaire de l’habitat.
Un exemple pris parmi les sociétés Peuls, pasteurs de la région sahélo-saharienne, est à ce titre également démonstratif. Les cases rondes des épouses s’alignent en effet du nord au sud. Cependant, c’est le nord qui prévaut cette fois, car la première épouse détient la « première » case, celle qui est le plus au nord, la dernière épouse s’installant le plus au sud (Musch 2008 : 107). Cette bipolarité nord-sud permet l’appropriation de l’espace au sein d’une certaine cosmogonie sub-saharienne sur laquelle il n’est pas utile de s’attarder davantage car il nous faut maintenant conclure.
Bilan
34L’objectif de notre exercice était tout d’abord comparatif, et plus généralement épistémologique. Carnac, dans l’ouest de la France, au bord de l’Océan atlantique, est un site archéologique extraordinaire – une dizaine de milliers de pierres dressées en files parallèles et orthogonales sur des kilomètres de développement - dont la nature et la destination posent problème depuis qu’une littérature se consacre à son interprétation dès la fin du XVIIIe siècle. Ce site remarquable a été diversement interprété et tour à tour compris comme un temple, une avenue cérémonielle, une nécropole, un observatoire astronomique. Mais aucune de ces raisons prises isolément ne satisfait la raison scientifique, pas plus que leur synthèse ne donne la clé de l’énigme historique. Le manque de renouvellement théorique sur le sujet traduit donc une faiblesse épistémologique, puisque les mêmes interprétations sont reproduites à l’identique depuis presque deux siècles sans que la curiosité du visiteur ne puisse se satisfaire de ce registre des opinions.
35Cette indécision quant à la définition du site et quant à sa fonction peut être généralisée à l’ensemble des structures architecturales de ce type inventoriées en Europe occidentale (Bretagne, Irlande, Ecosse, Angleterre, Suisse, Italie, Sardaigne, Portugal…) que l’on date entre les débuts du Néolithique et l’âge du Bronze (du Ve au IIe millénaire). Afin de mieux réfléchir au problème, un cadre conceptuel a été proposé, tout d’abord en 1995 (avec les notions de ligne, d’obstacle, de transit), puis en 2009 en jouant sur plusieurs concepts (la verticalité, le seuil, la limite, la répétition) et plusieurs affects actifs ou sensibles (la pesanteur/gravité, la pierre dure, la peur). La stèle devient l’élément radical ; elle conjoint ces ensembles descriptifs et analytiques. Le mot « stèle » est d’ailleurs sciemment retenu car il contient la racine indo-européenne *sta- « être debout », le menhir de la langue bretonne pouvant aussi bien désigner une formation naturelle horizontale qu’une pierre dressée par l’homme.
36Sans vouloir tester intégralement le modèle au contact des sites archéologiques eurasiatiques, ces premiers essais ont permis d’observer le phénomène dans des environnements montagneux à l’opposé de la situation carnacoise, et à propos de sociétés à la fois plus récentes et principalement tournées vers une activité pastorale nomade, ce qui n’était probablement pas le cas au milieu du Ve millénaire à Carnac. Cette aire eurasiatique de référence, dédiée au monde des éleveurs, contredit par conséquent l’idée récemment défendue que les « sociétés mégalithiques » pratiquaient soit une horticulture produisant des tubercules qui ne peuvent être longuement stockés, soit une agriculture directement génératrice de surplus (Gallay 2006 : 67). Quoi qu’il en soit, l’aire sayano-altaïque semble une zone d’observation de premier ordre, où les nombreux ensembles de pierres dressées, organisées en files simples ou parallèles, sont dépendants de structures funéraires et cultuelles largement documentées par les archéologues russes, kazakhs et mongols depuis plus d’un siècle. Enfin, à mi-chemin entre Carnac et l’Altaï, les sites arméniens contrastent le tableau général, mais d’une autre manière, un peu par abandon, puisque les études récentes menées sur ces alignements de stèles ne peuvent pas, en l’état actuel de la documentation, les rattacher ou les associer à d’autres structures domestiques ou funéraires relevant de cultures archéologiques du sud-Caucase.
37Résumons les deux situations entrevues :
Le site spectaculaire d’Hartashen en Arménie est manifestement organisé en fonction de la topographie du lieu, et en cela semble le mieux disposé à répondre au modèle carnacois. Les deux ensembles monumentaux similaires qui le caractérisent – trois files parallèles de plusieurs centaines de monolithes érigés sur plus de 500 m – divergent cependant quant à leur implantation : l’un forme une sorte de liaison transversale entre les deux bords d’une vallée, en se « fixant » sur des accidents naturels (affleurements rocheux) ; l’autre suit exactement un niveau topographique sur le versant le moins abrupt de cette petite vallée. L’expression « barre de stèles » semble tout à fait convenir à l’aspect visuel de la structure, puisque les deux composantes anthropiques barrent littéralement et le fond de vallée, et le versant qui lui donne son orientation ; l’autre versant est naturellement abrupt et ne nécessite donc pas une telle « barrière » symbolique. L’espace ainsi circonscrit est construit d’une trentaine de kourganes qui, bien que non déclarés fonctionnellement associés aux ouvrages de stèles par les archéologues en charge du dossier, conviendraient tout à fait à notre compréhension d’un espace délimité et « protégé », en grande partie consacré au domaine des morts. Il serait à l’évidence encore risqué de vouloir aller plus avant dans l’interprétation actuelle de cet ensemble arménien, faute de connaître le contexte historique du site ; mais cette adéquation à l’idée centrale revendiquée à Carnac nous semble en conséquence un signe encourageant.
Les sites de l’Altaï et des steppes mongoles présentent un aspect bien diffèrent dans la mesure où les files de stèles sont directement reliées, par l’agencement architectural et par l’archéologie, à des contextes funéraires et sont, en règle générale, tournées vers l’est. Ce sont les orientations de ces tumulus regroupés et alignés en nécropole selon un axe réputé sud-nord qui, en réalité, déterminent les directions des alignements, au point que les contraintes d’une vallée nord-sud peuvent modifier l’axe d’une nécropole et par conséquent l’orientation des lignes de stèles, systématiquement perpendiculaires à l’axe des monuments. C’est ici qu’un pont établi avec des récits et des analyses ethnographiques permet d’envisager un premier tableau de correspondances à partir de données relatives à l’organisation spatiale des structures domestiques et funéraires des sociétés actuelles ou sub-actuelles de la Sibérie et de la Mongolie. La topographie nomade dans cette partie de l’Eurasie peut être en effet décrite comme un espace structuré à la fois par une bipolarité des points cardinaux nord-sud, par une géographie des montagnes et des eaux représentant une filiation du quotidien au mythique, ainsi que par une bipolarité verticale entre ciel et terre (Beffa & Hamayon 1983, Musch 2008). À cet égard, le piquet d’attache pour les chevaux, les symboliques du foyer et de la fumée verticale, celles du mouvement solaire considéré comme déterminant de chaque mouvement nomade, de même qu’une représentation symbolique particulière de l’espace de la yourte, sont tour à tour les illustrations de la complexité des images et des symboles. Le massif montagneux de l’Altaï et la montagne Xüxèï sont ainsi des espaces mythiques, présents dans les textes oraux. Tout en étant une réalité géographique, ces massifs apparaissent dans l’oralité de plusieurs groupes (par exemple les Bouriates – Musch 2008 : 118) comme un espace aux origines mythiques. Une investigation démunie de textes et de tradition orale aurait donc de grandes difficultés à parvenir à de telles conclusions ; il n’en reste pas moins que les orientations itératives de ces structures paraîtront à l’archéologue comme probablement dépendantes d’une cosmogonie spécifique, quelle qu’elle soit. Et si ce modèle cardinal apparaît divergent avec le cadre théorique carnacois et avec la situation arménienne, il est par contre en meilleure adéquation (quant à la morphologie structurale) avec les barres de stèles appuyées sur les tertres funéraires morbihannais, et même avec les plus grands d’entre eux (Mané er Hroëck).
38Reste la pierre dressée qui peut partager une destination commune dans des contextes culturels et chronologiques fort éloignés. Le doute n’est bien sûr pas de mise quand la sculpture ou la gravure rendent l’aspect anthropomorphe, et qu’il s’agit de représenter un défunt, un ancêtre ou une divinité protectrice, en Asie comme en Afrique ; étendre cette volonté à chaque pierre dressée brute semble par contre une erreur manifeste. Tout comme le goût ancien qui abondait dans ce sens, la tendance moderne à voir une représentation anthropomorphe dans tous les menhirs de l’Ouest de l’Europe nous paraît très critiquable (Cassen 2007 : 61). Ce penchant pour l’anthropomorphisme semble une conséquence du mode de fonctionnement de notre système cognitif et nous imaginons des agents à forme humaine parce que la personne humaine est plus complexe que les autres types d’objets, et nos processus cognitifs retirent autant d’informations pertinentes que possible de l’environnement afin de produire le maximum d’inférences (« Maint poète est comme celui qui chercherait avec peine et fureur par toute la terre, les roches où, par hasard, se figure une ressemblance humaine » - Valery 1943 : 62). Confrontés à des indices ambigus, nous « voyons » souvent des visages dans les nuages et dans les montagnes… Si les dieux et les esprits ne sont pas toujours représentés sous une apparence humaine, ils sont par contre dotés d’un « intellect » humain, ce qui est bien plus spécifique (Boyer 2003 : 206).
39En somme, quand une file de pierres dressées dans l’Altaï « part » d’une stèle gravée à figure humaine plantée au pied ou au chevet d’une tombe, il n’en découle pas que cette suite de monolithes bruts est aussi la représentation de personnages humains, ancêtres plus ou moins divinisés, où les détails anatomiques seraient en quelque sorte appauvris, délaissés. L’interprétation archéologique peut fort bien passer à côté de la destination effective de ces pierres en ne se limitant qu’à des personnages. On connaît de nombreux exemples ethnographiques, parmi des sociétés d’agriculteurs, où les monolithes dressés sont associés à des rituels de prise de grades, où les pierres commémorent les cérémonies liées à cette pratique sociale. Ces pierres pourront contenir et figurer une entité génésique à part entière (le phallus d’un être irréel) ou uniquement signifier les dents d’animaux et d’êtres fabuleux (à l’instar de nos « dents de Gargantua », en France, qui sont certes une interprétation populaire du « menhir » mais révèlent bien le processus cognitif en jeu ; cf. chant 3 des Argonautiques : « … je sème, au lieu des dons de Cérès, les dents d’un horrible dragon, d’où naissent aussitôt des géants armés qui m’environnent de toutes parts »). Bien sûr, les deux significations peuvent se superposer, une lourde pierre érigée à l’occasion d’une prise de grade – démonstration de ma capacité à faire soulever la lourde matière - devenant par la suite la demeure de l’esprit d’un ancêtre, pour peu qu’un souvenir fameux puis un légendaire s’y attachent. Mais la distinction originelle demeure, de même que l’extraction, le transport et l’érection d’une pierre résolument phallique peuvent participer à des rites de fertilités, sans désignation explicite d’un homme, ainsi qu’ils contribuent à des formes d’échanges compétitifs dans lesquels la circulation des biens et le coût de ces constructions « mégalithiques » servent essentiellement des stratégies de recherche du pouvoir. Pour s’en tenir au contexte relativement précis des sites d’Asie centrale, nous proposons finalement une hypothèse générale par laquelle ces monolithes rangés et associés aux kurgan pourraient jouer un rôle semblable à celui du sêrgê, le poteau d’attache en bois pour les chevaux réels ou célestes (tableau 1), et, pourquoi pas dans le même temps ?, celui d’une barrière symbolique (piège, filtre) positionnée en un lieu de passage séparant deux états.
40Notre point de départ était Carnac, lieu d’images, où des schémas stéréotypiques et des conceptions erronées historiquement marquées ont progressivement et tout naturellement généré un obstacle épistémologique ; dans ces conditions, on le sait, il est difficile d’accepter puis de s’approprier quelque chose de nouveau. Mais les philosophes nous l’ont appris : un concept n’apparaît que lorsque ce qu’il désigne, menacé, approche de sa fin – et de sa transformation. Après avoir ouvert l’architecture de Carnac à l’archéologie et à l’ethnologie eurasiatiques, pourrait-on alors la confirmer en retour dans sa première fonction au temps du Néolithique atlantique, celle d’obstacle cognitif ?…
Bibliographie
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Annexe
Abriged version
The objective of our essay is first of all comparative, and more generally epistemologic. Carnac, in the west of France, at the edge of the Atlantic Ocean, is an extraordinary archaeological site – a dozen thousand stones raised in parallel and orthogonal rows on kilometres of development - among which nature and destination pose problem since a literature dedicates to its interpretation from the end of the XVIIIth century. This remarkable site was interpreted in different ways, including a temple, a ceremonious avenue, a necropolis, an astronomic observatory. But none of these reasons taken separately satisfies scientific reason, no more than their synthesis gives the key of historical mystery. The lack of theoretical renewal on subject translates therefore an epistemologic weakness, since the same interpretations are identically reproduced for almost the two centuries, without the curiosity of the visitor be satisfied with this register of opinions.
This indecision about the definition of the site and its function can be generalised in all the architectural structures of this type in Western Europe (Brittany, Ireland, Scotland, England, Switzerland, Italia, Sardinia, Portugal) which are dated between the beginning of the Neolithic and the Bronze age (from Vth to the IIth millennium). To think better about the problem, a conceptual frame was offered, first of all in 1995 (with the notions of line, of obstacle, of transit), then in 2009 by playing on several concepts (verticality, threshold, border, repetition) and several active or sensitive affects (heaviness / gravity, hard stone, fright). A model was developed in which these descriptive and analytical groups were joint, where the stele becomes the radical element. This word « stele » is besides knowingly kept because it contains the Indo-European root *sta-" « to stand », the menhir of the Breton language being able to design a horizontal natural outcrop as well as a stone raised by humans.
Far to test completely the model in the contact of the Eurasian archaeological sites, these first attemps allowed to notice the phenomenon in hilly environments in contrast to the carnacean situation, and regarding societies at the same time more recent and mainly turned to a nomadic pastoral activity, what wasn’t probably the case in the middle of Vth millennium in Carnac. This Eurasian reference aerie, devoted to the world of the stockbreeders, contradicts as a result the recently defended idea by which the « megalithic societies » practiced either a horticulture producing tubers which can’t be stocked for a long time, or an agriculture directly generative of surplus. Anyhow, the sayano-altaic aerie seems a zone of first-rate observation, where many groups of standing stones, organised in simple or parallel rows, are dependent on funeral and religious structures widely researched by the Russian, the kazakhs and Mongolian archaeologists for more than a century. Finally, halfway between Carnac and Altay, the Armenian sites give contrast to the general picture, but in another way, since no study was again led on this alignment of steles, and which they can’t, in the present state of researches, be attached or linked to other domestic or funeral structures recovering from archaeological cultures of South Caucasus.
– The spectacular site of Hartashen in Armenia is apparently organised according to the topography of the place, and it seems the best disposing to be answered the carnacean model. Both similar monumental groups which characterise it – three parallel lines of several hundred of monoliths established on more than 500 m – differ however for their location : the one forms a kind of transverse link between both edges of a valley, by "settling" on natural accidents (rocky outcrops) ; the other one follows exactly a topographical level on the least abrupt mountainside of this small valley. Expression "bar of steles" completely seems to be suitable for the visual aspect of structure, since both anthropogenous elements block literally and the bottom of valley, and the mountainside which gives it its direction ; the other mountainside is naturally abrupt and therefore doesn’t require such symbolic "barrier". It would be obviousness still risked to go forward to the current interpretation of this Armenian group, for lack of historical context of the site ; but this adequacy in the main idea demanded in Carnac seems consequently an encouraging sign.
– The sites of Altay and Mongolian steppes introduce a different aspect because stone rows are directly linked up with funeral contexts and are turned, in general, eastward. The directions of these burial mounds, regrouped and lined up in necropolis, according to a south-north reputed axle, determine in reality the directions of alignment, to such point that the pressures of a north-south valley can change the axle of a necropolis and as a result the direction of the lines of steles, systematically perpendicular to the axle of monuments. We will place here a bridge established with stories and ethnographic analyses which allows to envisage a first picture of correspondence from data relating to the space organisation of domestic and funeral structures of the modern siberian and mongolian societies. The nomadic topography in this part of the Eurasia can indeed be described as a space structured at the same time by a bipolarity of the north-south cardinal points, by a geography of mountains and of waters representing a filiation of the daily to the mythical, as well as by a vertical bipolarity between heaven and earth. In this respect, the stake of tie for the horses, the symbolisms of the home and of the vertical smoke, those of the solar movement considered to be determiner of every nomadic movement, as well as a particular symbolic representation of the space of the yurt, are good illustrations of the complexity of pictures and of symbols. The chain of mountains of Altay and Xüxèï the mythical mountain, are present in the oral texts. While being a geographical reality, these montains appear in the orality of several groups as a space with mythical origins. An investigation divested of texts and oral tradition would have serious difficulties therefore to reach such conclusions ; it remains that the iterative directions of these structures will seem to the archaeologist as probably dependent on a specific cosmogony, whatever it is. This cardinal model appears consequently divergent with the carnacean theoretical frame and with Armenian situation. It is on the contrary in adequacy (as for structural morphology) with the bars of steles linked to the funeral Morbihan mounds, and even with the biggest of them (Mané er Hroëck).
Our starting point is Carnac, place of images, where stereotypes and erroneous conceptions historically marked has progressively and very naturally generated an epistemologic obstacle ; in these conditions, it is difficult to accept then to appropriate something new. But as noted the philosophers : a concept appears only when what it indicates, threatened, approaches of its end – and of its transformation. Having opened the architecture of Carnac to archaeology and to ethnology of Eurasia, would it be then possible to confirm it in return in the first function at the time of the Atlantic Neolithic, that of cognitive obstacle ? …
Notes de bas de page
1 Cet article prolonge un essai présenté en mars 2010 à l’Institut d’archéologie et d’ethnologie (Moscou), dans le cadre du Ive colloque Четвертая конференция Археологические исследования в России: новые материалы и интерпретации (« Recherches archéologiques en Russie : nouvelles données et interprétations »). Faute de place dans le présent volume, la question des « cursus » du Royaume-Uni, annoncée dans mon résumé des pré-actes, sera traitée dans un autre article. Je suis très reconnaissant à l’égard de plusieurs de mes collègues russes pour l’aide apportée dans la recherche documentaire et pour leur grande connaissance du terrain sibéro-altaïque : Mmes E. Devlet, M. Dobrovolskaya, L. Ermolenko, O. Kovaleva ; M.M. D. Cheremisin, V. Kubarev, V. Molodin, P. Chulga, A. Tishkin, V. Torgunakov, l’Université d’État de Iakoutie. Mmes L. Delaby, R. Hamayon et G. Lacaze, ethnologues, ont bien voulu répondre à des questions parfois naïves ; E. Jacobson-Tepfer et S. Deschamps n’ont pas hésité à me fournir des clichés des sites mongols et arméniens. Je remercie tout particulièrement M. Dobrovolskaya pour son aide continuelle et amicale en Russie, et bien entendu les organisateurs du colloque tenu à la MSH d’Aix-en-Provence (G. Robin, M. Bailly, A. D’Anna, A. Schmidt) qui ont su nous réunir dans une ambiance très chaleureuse. « Sites de passages (2) » est la seconde étude d’une série dont le premier volet (« Sites de passage (1) » est publié dans un livre de Mélanges offerts à Pierre Pétrequin (Cassen 2014). Son élaboration doit beaucoup à l’organisation d’un séminaire sur les ouvrages de pierres dressées coordonné en 2005 par C. Boujot (Ministère de la Culture et Université de Rennes 1).
Auteur
CNRS, Laboratoire de recherches archéologiques, Université de Nantes, 44312 NANTES cedex 3 — serge.cassen[at]univ-nantes.fr
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