Glossaire des ethnonymes et des autres termes spécifiques
p. 189-192
Texte intégral
Aroumains
1Locuteurs d’une langue romane apparentée au roumain et parlée dans le sud de la péninsule balkanique par des groupes de pasteurs, longtemps semi-nomades, appelés parfois Valaques, ou Tchobanes, qui signifie « berger » en turc. Les relations entre les Valaques et la Grèce ne font pas l’objet d’une littérature abondante. Pourtant, les écrits qui abordent ce sujet révèlent l’aspect sensible de certaines questions les concernant, tant y sont virulentes les prises de position en rapport avec les origines et l’appartenance de ce groupe. De nombreux textes publiés en Grèce prennent parti pour défendre l’hypothèse que les Aroumains seraient liés à l’hellénisme par des liens charnels, ceux du sang, et par des liens politiques, puisqu’ils auraient été touchés par le sentiment national grec au point d’avoir été l’un des groupes les plus actifs dans l’édification de la Grèce moderne au xixe et xxe siècles. Cette hypothèse, procède de l’idée plus générale que tous les locuteurs aroumains des Balkans sont de véritables Grecs, partageant avec les autres habitants de l’Hellade une même appartenance ethnique et une même conscience nationale.
Arvanites
2Groupe albanophones du Sud de la péninsule balkanique. Ils se seraient installés dans la région à partir du xiiie siècle au moment où des bouleversements sociaux les avaient contraints de fuir leurs territoires d’origine (Ducellier et alii 1992). Ces albanophones se sont maintenus en Grèce jusqu’à nos jours même si l’on peut être sûr que leur particularité linguistique s’est atténuée au cours des années (Gefou-Madianou 1999). On les trouvait historiquement dans les zones de l’Argolide, de Béotie, en Attique, dans le sud de l’Eubée et dans les îles du golfe Saronique. Certains vont jusqu’à faire remonter cette présence sur le sol grec au viiie siècle voire, pour les Albanophones du Péloponnèse, au vie siècle après Jésus-Christ. Ils seraient arrivés en suivant les invasions des Avares ou, plus paisiblement, au gré de leurs déplacements de pasteurs. Mais les grandes vagues d’installation d’albanophones sur l’actuel territoire de l’État grec sont postérieures. En effet, c’est entre 1290 et 1315 qu’on les trouverait en Thessalie. De larges groupes seraient venus par la suite sur l’invitation du despote de Mystra dans le Péloponnèse entre 1341 et 1355, puis entre 1460 et 1470 dans les îles d’Hydra, Poros et Spetze et sur la côte est du Péloponnèse. Cependant, comme le montrent les différentes acceptions du terme d’« arvanite » relevés sur le terrain, il est difficile de se faire une idée précise de ce groupe aux contours aussi flous que la définition du terme employé pour les définir…
Épire
3L’Épire est une région située sur le versant oriental du Pinde. Signifiant « continent » en grec, cette région montagneuse reprend l’appellation du royaume du roi Pyrrhus au iie siècle avant notre ère. La région est aujourd’hui séparée entre Grèce, où elle constitue une entité administrative (nôme, puis périphéria) et l’Albanie méridionale. Les représentations traditionnelles qui circulent en Grèce sur cette dernière fixe sa frontière septentrionale au fleuve Shkumbi qui coule en Albanie centrale. Cette région, dite Épire du Nord, a été longtemps revendiquée par la Grèce (officiellement jusqu’à l’accord de Kapshticë en 1920) et a pu être partiellement occupée par les troupes grecques (1913, 1914-1916, 1941) et y avait favorisée la naissance d’un éphémère État sécessionniste (la République autonome d’Épire du Nord qui fut créée et dissoute en 1914). La région abrite une forte communauté hellénophone reconnue par les deux États dans le protocole de Corfou de 1914.
Kalatsidès
4Groupe professionnel de la région montagneuse de la Mourgana évoqué à Filiatès comme ayant existé jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, avant les grandes vagues de relocalisations des populations qui suivirent ce conflit. Il s’agit de ferblantiers itinérants qui allaient jusqu’en Thessalie pour exercer leur activité alors que leur résidence principale se situait dans ces régions de montagnes. Ils sont un exemple intéressant d’ethnicisation d’un groupe professionnel car on leur prête souvent des caractères ethniques, une origine commune, une langue qui est en fait un grec argotique (le Kalatsitika).
Kinotita, dème, nome, périphéria
5Termes désignant les entités territoriales grecques dans leur ordre hiérarchique. On pourrait les traduire de la manière suivante : commune, communauté de commune, département et région. Depuis 1997 et la réforme « Kapodistria », un mouvement de concentration a été opéré par la fusion des 441 dèmes et 5 382 kinotitès en 900 dèmes et 133 kinotitès. En 2010, une nouvelle loi, appelée « Kallikratis » du nom de l’architecte du Parthénon, a été appliquée pour poursuivre un tel mouvement, supprimant les 54 nôme au profit de 13 régions administratives (périphéria), réduisant le nombre des dèmes à 370 et supprimant l’échelon de la kinotita.
Ladino
6Le ladino (plutôt employé dans la liturgie), appelé aussi judezmo ou encore judéo-espagnol quand il s’agit de la langue parlée au quotidien, est une langue dérivée de l’espagnol médiéval qui atteste le lien historique avec les communautés d’Al Andalus. Celui-ci comprend par ailleurs des emprunts nombreux aux langues des pays où ces communautés ont vécu, ou encore à l’hébreu.
Macédoine
7La Macédoine est une région actuellement séparée entre Grèce, République de Macédoine et Bulgarie (il conviendrait d’y ajouter quelques villages autour du lac du grand Prespa en Albanie qui parlent le slave). J’ai fait le choix de nommer dans ce mémoire l’État issu de la République yougoslave de Macédoine sous son nom constitutionnel de « République de Macédoine » alors qu’il a été reconnu comme « Ancienne République yougoslave de Macédoine » par la France et l’ONU prenant ainsi le parti de désigner ce pays comme il est d’usage parmi ses propres habitants, sans que cela n’implique une prise de position dans la querelle qui oppose les deux États autour de ce sujet.
Omogéneis
8À l’instar des autres terres d’émigration massive, les lois qui régissent l’accès à la citoyenneté grecque répondent aux logiques du droit du sang. Le membre de cette communauté ethnonationale grecque sont désignés sous ce terme qui signifie, de même naissance. Comme l’explique Georges Prévélakis, cette donnée administrative se double de la forte conscience d’une entité culturelle homogène, l’hellénisme, forte d’un passé millénaire et d’une religion à vocation universelle qui forme les traits dominants de l’identité grecque moderne (Prévélakis 1997 : 36 et 37). Sans entrer dans le détail des différentes composantes, cette identité implique que tous les enfants de l’hellénisme puissent se reconnaître et recevoir une protection de la part de l’État grec actuel. Dans cette logique, les lois du pays ont favorisé la reconnaissance de l’ensemble de la diaspora grecque, présente dans le monde entier, comme partie intégrante du peuple grec, quel que soit le pays dans lequel ses ressortissants se trouvaient et la politique de ce dernier à leur égard. Toutefois, dès le milieu des années 1970, les hellénophones d’Albanie et de Turquie se voyaient déjà accorder des droits spéciaux. Tels des réfugiés politiques, ils pouvaient prétendre à un passeport grec si leur pays d’origine refusait de leur délivrer un titre équivalent. Une telle loi était destinée à octroyer un statut juridique à des gens qui en étaient dépourvus, rares fuyards échappés clandestinement de pays hermétiquement fermés. Aujourd’hui, la situation a considérablement évolué. Depuis 1989, c’est un groupe de plusieurs centaines de milliers de natifs des anciennes démocraties populaires et d’Albanie qui peut se prévaloir d’une origine grecque puisque. D’après certaines estimations, ils seraient aujourd’hui 300 000 à être installés dans leur « mère patrie ».
Rodeslis
9Autonyme désignant les « juifs de Rhodes » même si ces personnes ne sont pas forcément tous nés dans l’île. Il s’agit des survivants de l’holocauste et de leur famille mais aussi (et surtout) de branches ayant quitté l’île avant guerre pour chercher une meilleure fortune en migration. Ils se nomment Rodeslis selon l’appellation turque, mais s’appellent aussi, entre eux, Rhodiotes par francisation du terme grec signifiant Rhodiens. Dans certains contextes, comme à Bruxelles, l’appellation Sépharade peut désigner les juifs de l’empire ottoman (de Turquie comme d’Égypte) parmi lesquels les juifs descendants de la communauté de Rhodes constituent un groupe très important
Romaniotes
10Groupe de juifs hellénophones du Sud de la péninsule balkanique. Leur présence remonterait à l’Antiquité. Elle est antérieure à celle des Sépharades qui sont arrivés d’Espagne surtout après l’expulsion de 1492 et qui les ont considérablement influencé tant d’un point de vue culturelle que rituelle.
Sarakatsanes
11À l’image des Valaques, les Sarakatsanes sont des pasteurs transhumants qui étaient présents dans le Sud de la péninsule. À la différence des premiers, ils se caractérisaient par l’usage exclusif d’un dialecte grec et, parfois, par un nomadisme intégral, sans point fixe de résidence temporaire. Cesgroupesse trouvent aujourd’hui surtout en Grèce et en Bulgarie et ont été majoritairement sédentarisés.
Tchams (En albanais Çam, en grec Tchamidès)
12Groupe albanophone qui se trouvait dans la région nord-ouest de l’actuel territoire grec et dans la région de Konispol en Albanie, entre le fleuve Acheron et le site archéologique de Butrint (région de la Tchamerie, en albanais Çamëria, en grec Tchamouria). Cette région est appelée depuis la Seconde Guerre mondiale Thesprotie, selon le nom de la tribu antique qui y séjournait (les Thesprotes), pour désigner la subdivision administrative du nôme dont le chef-lieu est le port d’Igouménitsa. Cette entité de l’administration territoriale grecque a disparu en 2010 pour être intégrée dans le territoire de la péripéphia d’Épire. En Grèce, on a coutume de dire que les Tchams se distinguaient par la pratique de la religion musulmane. Pourtant, des récits de voyage révèlent que ce n’est pas toujours vrai. Athanasos Psalidas, au début du xviiie siècle, décrit la région et la dit peuplée de Grecs et d’Albanais : « les premiers plus nombreux et les seconds se divisant entre chrétiens et musulmans » (cité par Dalamankas 2002 : 95 à 97). Il s’agit donc bien plus d’une communauté linguistique que religieuse. Après la Seconde Guerre mondiale, accusés de collaboration avec les armées d’occupation italienne et allemande, ainsi que de soutien dans l’accomplissement de massacres, la plupart des Tchams de la région se sont enfuis ou ont été expulsés (Péchoux & Sivignon 1989, Kretsi 2002). Pourtant, certains albanophones ont pu demeurer dans la région, mais essentiellement ceux qui étaient de confession orthodoxe. Sur la vingtaine de milliers d’albanophones présents en Épire grecque avant guerre, il n’en restait que 11 000 en 1951. D’après le recensement grec, ce sont essentiellement les musulmans qui ont quitté du pays. Compte tenu de la propension à assimiler l’identité grecque à l’orthodoxie dans les régions périphériques, il n’est pas étonnant que, du fait de leur religion, ces personnes aient été plus volontiers considérées comme des Grecs que comme les membres d’un groupe « minoritaire », traître à la cause nationale.
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