Re-trobar lo trobar
p. 165-174
Texte intégral
1Aux xiie et xiiie siècles, les troubadours célèbrent la plana lenga romana jusqu’à l’élever au rang de langue de la poésie : le trobar, c’est à dire l’invention. Le son musical naît conjointement dans la musique des mots et dans la voix des chanteurs, les chantadors.
2Si nous ne savons rien des vers disparus du premier poète-chanteur Ebles de Ventadorn, Ebolus cantor, nous connaissons en revanche l’importance de l’écriture qui a fixé dans de précieux manuscrits enluminés les mots et les sons de l’art de trobar comme autant de témoignages d’une grande maestria de la composition poético-musicale, avec ses cansos, sirventes, tensos, planhs… et aussi avec ses nombreux ensenhaments qui sont autant de recommandations et d’enseignement pour les joglars, les jongleurs.
3C’est la tâche difficile et passionnante des interprètes d’aujourd’hui que de donner un sens, le gaubi, et un son à ce Trobar retrouvé dans son intégrité artistique, performance comme écho à la fois proche et lointain de notre sensibilité de musiciens et jongleurs d’aujourd’hui. Pour ce faire nous nous appuyons sur la compréhension des textes et de leurs contextes, nos connaissances de la langue occitane et de ces artifices, les sonorités de nos instruments de musique reconstitués tels le rebec, la vièle à archet, la chiffonie, le tympanon… et l’improvisation qui est à la fois joc partit et joi partit, jeu et plaisir partagés.
4Er auziretz enchavalitz chantars… vous entendrez maintenant des chants parfaits : ceux de Giraut de Bornelh, Mestre dels trobadors, de Jaufre Rudel, pour son mouyr de loin, ceux du trobar leu de Bernart de Ventadorn, les chants du moraliste Marcabrun, les gaps de Peire Vidal, le trobar ric de Raimbaut d’Orange ou bien encore les sirventes politiques de Peire Cardenal.
Chanter les troubadours
5Chez les troubadours des xiie et xiiie siècles, l’art de trobar e d’entendre est une création poético-musicale parfaite et aboutie, mais devant laquelle nous sommes un peu démunis pour en comprendre la teneur. Même si nous avons à notre disposition de nombreuses études dans les domaines de la linguistique et de la musicologie, c’est par la pratique des cansos et par notre immersion dans les textes du trobar, tant dans les manuscrits que dans leurs éditions et leurs transcriptions, que nous tentons de faire vivre ces chants dans leurs différents aspect et devant le public le plus large.
Chantarai d’aquestz trobadors
que chantan de manhtas colors… (P. d’Alvernha)
Je chanterai de ces troubadours qui chantent de maintes couleurs…
6J’ai lu et relu, chanté et chanté encore ces cansos de la bela folor, Raimon de Miraval, Peire Vidal, Arnaut Daniel, Raimbaut d’Aurenga, Bernart de Ventadorn, Peire d’Alvernha, Marcabru, Guilhem de Peiteus… avec plaisir et avec passion, en essayant de pénétrer cet univers de la fine poésie dans lequel le poids des mots chantés efface toute distance.
7Clau, contra clau, clau segonda… sont autant de clefs qui ferment les poèmes et nous les rendent inaccessibles. Mots secrets dans des mélodies oubliées.
8Messages cachés sous des paroles dorées.
D’amor es totz mos consiriers
per qu’eu no consir mas d’amor
e diran li mal parlador
que d’als deu pensar cavaliers
mas eu dic que no fai mia
que d’amor mou qui qu’o dia
so que val mais a foudat e a sen
e tot quant om fai per amor es gen… (Raimon de Miraval)
D’amour est toute ma pensée, car je ne me soucie que d’amour ; ils diront les médisants qu’à d’autres choses doit penser un chevalier, mais moi je dis que je ne fais pas mienne (cette maxime) car d’amour jaillit, quoiqu’on dise, ce qui vaut le plus, à folie et à sens, et tout ce qu’un homme fait par amour est bon…
9Art d’amor, art de trobar… (Arnaut Daniel) aimer, « trouver », inventer… créer !
10Gaps ! Peire Vidal ricane, en écho à Guilhem de Peiteus. Le même rire avec un siècle de temps écoulé. Faut-il tout expliquer ? Jouer les predicaires ? N’est pas Marcabru qui veut.
A ben chantar
conve amars
Pour bien chanter il convient d’aimer
ou bien
à un bon chant convient l’amertume
ou…?
11Giraut de Bornelh pose le double sens de la formule. Arnaut Daniel va le forger, en alchimiste, et le polir jusqu’à la perfection de l’or pur. Dante s’interrogera, longtemps, tout le temps qu’il faut pour nourrir une œuvre. Tout le temps ne suffira pas. Ni pour comprendre Raimbaut d’Aurenga, ni pour comprendre Dante.
12Chanso novela ab novels sos… chanson nouvelle avec son nouveau… telle est l’obsession du troubadour. Trouver une idée et l’orner de mots, dans un son et une mélodie jamais entendus, Razo, motz, son. Des mots prims primier pour célébrer la beauté incarnée dans cette domna qui est belha, ensenhada e de fresca color.
13Mystère de la musique qui se plie à toutes les exigences dans la voix du chanteur. L’âme faite chair ! Peire Vidal chante. A paroles nouvelles, « sons » nouveaux ! Mélodies complexes ? Non ! mais belles et remplies de fraîcheur et de folie. Exercices de style ? Les troubadours nous renvoient à nos propres ignorances. Fatz ou bien entendens ? L’Escol Linhaure n’est pas ouverte à tous, mais offerte à toutes les expériences.
14Chantar, chanter et entendre, et parfaire le vol et le chant de l’alouette, celle de Bernart, celle de Peire Raimon, celle de Dante, et, dire, réciter et comprendre, à l’abri de la pluie, dans la cité de Peire Cardenal où tout le monde est devenu fou.
15Trobar ! Torbar ! Entrebescar ! « trouver », troubler, entremêler ! Jouer l’énigme à quitte ou double. Regarder la rivière et s’interroger : Qui res non es… chante Aimeric de Peguilhan (« moi je dis que l’homme voit le néant, car si vous regardez fixement un fleuve depuis un pont, vos yeux vous diront que vous allez toujours en avant, et que l’eau qui court s’arrête… »).
16Art de trobar contre l’immobilité, contre le dezamor, contre la langue de bois avec Motz de valor, mots de valeur !
17Du gai trobar de Bernart de Ventadorn au gai saber de la Sobregaia Companhia de Tolosa, la lyrique de trobar est art de vivre, de science et de savoir, d’habileté et d’invention. De Maestria, car la maîtrise et le talent de ces doctors de trobar est une affaire de cœur, d’amour, de joie et de jeunesse !
18Vers e vers ? À la fois vers et vrai… Une poésie entre vérité et mensonge.
19Dans Abrils issi’e mais intrava… Raimon Vidal de Besalú recommande :
Senher eu sui us om aclis
a joglaria de contar (cantar ?)
e sai romans dir e comtar
e novas motas e salutz
e autres comtes espandutz
vas totas partz azauts e bos
E d’En Guiraut vers e chansos
e d’En Arnaut de Marolh mais
e d’autres vers e d’autres lais…
Seigneur, moi, je suis quelqu’un spécialisé
en joglar, dans le conte (chant)
et romans (romans, langue d’oc), je sais dire et conter
de nombreuses nouvelles et des saluts
et autres contes répandus
partout et de toutes les façons sûrement et bien
et de sire Guiraut je sais vers et chansons
et du sire Arnaut de Marolh davantage
et d’autres vers et d’autres lais…
20… et plus loin :
Joglaria vol ome gai
e franc e dos e conoissen
e que sapcha far a la gen
segon que quascus es plazer
mas er venon freg en saber
us malvatz fol desconoissen
que·s cujan far ses autrui sen
ab sol lur pec saber doptar…
Jonglerie exige un homme gai
franc, doux et connaisseur
et sachant faire plaisir aux autres
suivant le plaisir de chacun
mais maintenant ils restent froids au savoir
et mauvais, idiots et ignorants
ceux qui pensent faire sans les conseils d’autrui
et avec leur seul minable savoir, sans douter.
21Allons à la source ! Pour reprendre l’image de Giraut de Bornelh qui pouvait « composer » (aussi !) pour les porteuses d’eau. Se désaltérer et se rafraîchir, jouir et se délecter des mots et des sons, nous semble finalement la meilleure des façons de chanter le répertoire des troubadours.
22Peut-on vraiment comprendre les mots du trobar quand tant de mains les ont copiés, re-copiés et déformés ?
23Une certaine harmonisation des graphies des textes, loin d’être une standardisation, peut permettre au lecteur et au chanteur d’aujourd’hui de reconnaître les motz de trobar et de pénétrer le jeu poétique des troubadours. Mais laissons-nous rêver en lisant et en écoutant, entre les lignes, le chant de ces inventeurs raffinés.
24« Les mots, en nos cultures savantes, ont été si souvent définis et redéfinis », écrit Gaston Bachelard dans La poétique de la rêverie) « ils ont été casés avec tant de précision dans nos dictionnaires, qu’ils sont vraiment devenus des instruments de la pensée. Ils ont perdu leur puissance d’onirisme interne. […] Mais des explications linguistiques approfondiraient-elles vraiment notre rêverie ? Notre rêverie sera toujours plutôt excitée par une hypothèse singulière – voire aventureuse – que par une démonstration savante. »
La réalisation de La Tròba : quelques réflexions sur l’interprétation
25L’interprétation des œuvres des troubadours pose à tout chanteur d’aujourd’hui les incontournables questions de la re-création et de la création. Questions auxquelles s’ajoutent, en dehors du parti-pris artistique qui ne peut être que subjectif, le problème de la fiabilité des sources manuscrites.
26Chanter ? Réciter ? Dire ? Jouer ? Improviser ? Avec ou sans instruments ? De quels instruments jouer et comment ? etc.
27Au delà du fait que la démarche artistique de chacun ne saurait être remise en question par quelque conseil ou « ensenhamens » que ce soit (chanter les chansons des troubadours à voix nue ne nous paraît pas plus « authentique » que de les chanter accompagné d’un rebec, voire de les interpréter avec un piano, tant l’expression mélodique se trouve aujourd’hui piégée par des siècles de culture de l’harmonie), il nous semble important de prendre en considération les textes et l’iconographie médiévale sous tous ses aspects visibles dans les chansonniers pour essayer de se faire une idée nouvelle de l’œuvre et de son auteur.
28Points de départ :
La Razo du poème avec ses mots cuberts peut permettre de déterminer l’orientation du chant par la compréhension du sens dramatique du texte ;
La notation et les ornementations mélismatiques d’une mélodie peuvent constituer des indications de rythme et de respiration dans l’expression vocale des mots ;
La sonorité générale du poème, les répétitions de phonèmes et les rimes unissonans sont autant de pistes pour la souplesse et l’amplitude du chant ;
Les représentations des musiciens dans les miniatures, les textes enluminés ou les sculptures peuvent être autant d’indications de la gestuelle et du mouvement.
29L’image que l’on peut se faire de la personnalité du troubadour, à travers les vidas et razos va contribuer également de la façon la plus active à notre recherche sur l’interprétation et influencer notre propre création.
30De 1071 à 1292, durant deux cents ans, chaque génération de troubadours a défendu le principe de composer et d’ouvrer des chansons nouvelles avec des sons nouveaux et mis en avant la technique, la maestria et l’originalité de trobar, chanter-composer-trouver.
31Les poètes ont affirmé des courants d’idée et des choix esthétiques. Guilhem de Peiteus, Arnaut Daniel, Peire Vidal ou Guiraut Riquier, ne pouvaient avoir la même vision du monde tant en poésie que dans la société où ils évoluaient.
32Trouver et Chanter sont les maîtres-mots qui devraient définir pour nous l’art et la manière d’interpréter les œuvres. Cet élan de fraîcheur contenu dans chaque acte d’écrire devrait éveiller chez nous curiosité et sensibilité :
Bos es lo vers el chantador
e volgra bon entendedor
per Dieu bels clercs tu lo·m escriu.
Le vers est bon dans/et le chanteur
et il voudra un bon entendeur
par Dieu ! joli clerc, mets-le en écriture !
33Nous ne saurions rester impassibles devant ces grands chants qui nous interpellent dans chaque vers et nous ne saurions nous cantonner à les interpréter avec la « voix blanche » du comédien qui ne s’impliquerait pas dans le texte.
34Le discret Bernart de Ventadorn recommandait à son jongleur Huguet : « Mos cortes messatges, chantatz ma chanso volonters... » que l’on peut traduire par « Mon courtois messager chantez ma chanson volontiers... », c’est à dire aisément, avec plaisir, de bon cœur, volontairement, bien...
35Le sens de cette demande de Bernart ne peut nous échapper. C’est le caractère volontaire et déterminé d’une interprétation s’appuyant sur le sens du texte et son contexte qui devrait primer, la sonorité des mots, la souplesse de l’expression...
Qu’en disent les troubadours ?
36Jaufre Rudel :
No sap chantar qui so non di
ni vers trobar qui motz no fa
ni conois de rima co·s va
si razo non enten en si
pero mos chans comens’aissi
com plus l’auziretz mais valra… .
Il ne sait pas chanter celui qui ne fait pas le son
ni trouver des vers celui qui ne fait pas les mots
et il ne sait pas comment il en va de la rime
s’il ne comprend pas le sujet en lui-même
pourtant mon chant commence ainsi
plus vous l’entendrez, plus il en aura de valeur. […]
Le vers est excellent car moi je n’y commets pas de faute
et tout ce qui y est s’y trouve bien
et que celui qui de moi l’apprendra
se garde de n’y rien changer
qu’ainsi l’entendent en Quercy
le vicomte et le comte en pays toulousain.
Le son est excellent et on y fera
quelque chose dont mon chant s’embellira.
37Bernart Marti :
De far sos novels e fres
so es bela maestria
e qui bels motz lass’e lia
de bel’art s’es
Faire des mélodies nouvelles et fraîches
c’est une belle maîtrise
et celui qui sait lacer et lier de belles paroles
s’occupe d’un bel art.
Qu’aissi vauc entrebescant
os motz e·l so afinant
leng’entrebescada
es en la baizada.
Ainsi je vais enchevêtrant
les mots et affinant les mélodies
comme la langue est enlacée
dans le baiser.
38Raimon Vidal de Besalú :
[…] Cantaire fo meravilhos
e contaires azautz e ricx...
C’était un chanteur merveilleux et un conteur doué et inventif...
39Marcabru, dont on sait par Audric del Vilar qu’il avait une voix rauque :
Grans es tos sens
si ren sai prens
per nulha paors de chantar
en rauca votz
que ruich e glotz
e non glafilha n’aut ni clar
Grande sera ton habileté si tu prends ici quelque chose craignant sans doute de chanter avec ta voix rauque qui rugit et glousse et ne peut filer des sons élevés et clairs
40n’hésitait pas à puiser où il pouvait pour agrémenter ou plutôt « accompagner » son chant :
Marcabru a fag lo tresc
e no sap don mou la tresca
Marcabru a fait le branle et ne sait d’où provient la danse
41Arnaut Daniel s’adresse à son jongleur en lui recommandant :
« Era·t para
chans e condutz
formir
al rei que t’er escuoills... »
« Maintenant prépare-toi à achever le chant et le conduit (mélodie ou accompagnement) qui te serviront d’échantillon... »
42Peire Raimon, qui n’était sûrement pas insensible à la diffusion de ses compositions, donne ici un conseil sur l’interprétation de l’une d’elles :
Et ab ma chanso,
enans qu’alhor an,
m’en vau lai de cors
on Jois e Pretz renha
e vuelh que l’aprenha
cobletas viulan
e puois en chantan
de qual guiz om la·i deman.
Et avec ma chanson, avant que j’aille ailleurs, je m’en vais en courant là-bas où Joie et Mérite règnent et je veux qu’elle l’apprenne en jouant de la vièle sur les petits couplets et puis en chantant de manière telle à ce qu’on la lui demande.
43Sa chanson maintenant terminée, il recommande au jongleur En Gintartz d’Anton de la rendre plus subtile encore, de l’affiner :
Le vers s’a hueimais fenida
qu’En Gintartz d’Anton l’affina.
44Guilhem de Durfort :
Sirventes vai a·N Peire Gros correns
que·t coferme e·t chant e·n fassa festa…
Sirventes, va auprès de Pierre Gros en courant
qu’il t’approuve, te chante et s’en fasse une fête !
45Perdigon :
E’n Perdigon viule descortz o dansa
que contrafa n’Estornel amb sa lansa...
Et que Perdigon accompagne de sa vièle descortz ou dansa et qu’il imite Estornel avec sa lance...
46commande Raimbaut de Vaqueiras à l’occasion d’une tenson à trois avec N’Aimar. Descortz et Dansa étaient des compositions pour le chant.
47Uc de Lescura, sûr de lui, affirme :
De motz ricos no tem Peire Vidal
ni Albertet de sa votz a ben dir
ni·n Perdigon de greu sonet bastir...
Pour les paroles très riches je ne crains pas Peire Vidal, ni Albertet avec sa voix pour bien chanter, ni Perdigon pour « bâtir » une chanson
48Bertran de Born et les festins au son des vièles :
Manjar ab mazan
de viul’ e de chan
ab pro companho
ardit e poissan
de totz los melhors”
Manger dans le « boucan » des vièles et des chants, avec assez de compagnons hardis et robustes, les meilleurs de tous.
49Guiraut Riquier, à la fin du xiiie siècle, ne manque pas de lucidité pour affirmer :
Dezirat ai possezir
grat dels pros e manentia
crezen que per cortz seguir
lor grat e·l befag auria
ab trobars de maestria
fazen mos sabers auzir
e tot no m’o pot complir
mas mi valgra mais folia…
J’ai désiré trouver richesse
et grâce auprès des puissants
croyant qu’en les suivant d’une cour à l’autre
je gagnerais leur bienveillance et quelques récompenses
avec mon trobar de maestria
en faisant écouter mon savoir
et tout cela ne me sert à rien
faire le fou me rapporterait plus gros.
50Il en va de même pour Peire Cardenal qui dresse le même constat :
A mos ops chant a mos ops flaujol
quar homs mas ieu non enten mon lati
altretan pauc com fa d’un rossinhol
enten la gent de mon chant que se di...
A mi non cal que crois hom s’entrameta
de mon chantar pois siei fag son porci.
C’est uniquement pour moi que je chante et que je joue de la flûte, car personne d’autre que moi ne comprend mon latin [langage] ; tout aussi peu qu’ils comprennent le chant d’un rossignol les gens entendent la signification de mon chant...
Il ne m’en chaut pas qu’un homme grossier se mêle de mon chant puisqu’il se comporte comme un porc.
Qu’en disent les interprètes participant à la Tròba ?
51Chanter les troubadours aujourd’hui, en concert tel que nous l’avons fait à Aix en Provence, à l’occasion du colloque sur l’actualité des troubadours, semble relever autant de l’inconscience que d’une sorte de quête de la perfection dans l’interprétation, pour le plaisir du chanteur et celui de l’auditeur. Et même si cette démarche semble aller à contre courant des modes du moment et du contexte musical diffusé habituellement dans les médias, les troubadours restent pour les musiciens que nous sommes à la fois une énigme et un modèle. Voici ce qu’en écrit le chanteur et chercheur Louis Soret à propos de la chanson de Cadenet S’anc fui bela ni prezada que nous avons enregistrée pour La Tròba :
Pour Cadenet, troubadour provençal, une chanson d’aube : deux rimes seulement : en « a » et en « en », avec un vers très court de quatre syllabes au milieu du couplet. J’y ai vu, et entendu, le son éclatant et nasillard de la chalemie, ainsi que, dans la répétition de « l’alba » au vers final, la présence de ces guetteurs qui annonçaient les heures pendant leurs rondes.
Quant à la mélodie, tracée, suggérée parfois, par la notation, elle sait jouer de tous les artifices de la composition : exploration judicieuse de l’échelle mélodique ; reprises et variations ; durée et ruptures ; lyrisme affiché et retour au calme ; juste appréciation du mode et de son caractère, mais aussi modulation sensible à l’oreille et au cœur.
52C’est en ce sens que les troubadours resteront pour longtemps un modèle pour les musiciens, celui de la recherche de l’excellence en des siècles où l’écriture autant que la poésie chantée avaient valeur de symboles.
Auteur
Fondateur et directeur artistique et musical de Troubadours Art Ensemble, Trob’Art Productions et Tròba Vox éditions. Il est créateur et directeur artistique de festivals : Les troubadours chantent l’art roman en Languedoc-Roussillon, d’expositions : Camins de Trobar, Terre des troubadours, Troubadours Limousins en Corrèze, Trob’Art en Auvergne, directeur artistique et musical pour des films et expert auprès de France Télévisions programme Patrimoine Culturel Immatériel : FR3 / Ministère de la Culture / Commission française pour l’UNESCO – 2011. Ayant étudié le chant la pédagogie musicale et spécialiste de la lyrique médiévale, Gérard Zuchetto est l’auteur de trois anthologies Terre des troubadours avec son CDRom éponyme et Le Livre d’Or des Troubadours, Éditions de Paris, 1996 et 1998 ; La Tròba, l’invention lyrique occitane des troubadours xiie-xiiie s. et la collection thématique Camins de trobar, Éditions Tròba Vox, 2013 et 2017, et de nombreux enregistrements dont « LA TRÒBA, la grande anthologie chantée complète des chansons de troubadours » en 22 CDs consacrés à ce répertoire qu’il actualise par une recherche constante, Éditions Tròba Vox, 2006-2011. Le parcours musical de Gérard Zuchetto est jalonné de plusieurs expériences et spectacles pluridisciplinaires mêlant les musiques anciennes aux musiques actuelles, inventant un Trobar qui projette le chant de la poésie occitane d’hier et celle d’aujourd’hui dans un univers artistique très personnel lors de spectacles et enregistrements de Cds dans lesquels se mêlent, écriture musicale contemporaine, instruments de musique anciens, danse, sonorités actuelles, depuis le rebec monoxyle jusqu’au Cristal Baschet, telles ses créations « Poètes du Sud », Scène Nationale de Narbonne, 2012 ; « Lirica Mediterranea », Toulouse, 2015, et « Oda a Montsegur », oratorio d’après les poèmes de René Nelli, Bouïsse, 2016.
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