La représentation du Paradis et l’expérience mystique
p. 47-67
Résumés
Il est en principe impossible de représenter en peinture Dieu ou le Paradis que personne n’a vus. Pourtant les peintres trouvèrent plusieurs moyens de surmonter cette difficulté. D’abord en couvrant d’or le fond de leurs œuvres, l’éclat et l’incorruptibilité de l’or symbolisant la lumière qui règne éternellement au Paradis. Puis en s’inspirant de la description du Paradis terrestre comme un jardin dans la Genèse et de la Jérusalem céleste comme une cité « d’or pur » dans l’Apocalypse. Cependant le recours à l’or restreignait l’imagination tandis que la représentation du Paradis comme un jardin risquait de tomber dans le pittoresque. Aussi nombre de peintres eurent-ils recours à la structuration de leurs images du Paradis par des figures géométriques « parfaites », le cercle et le pentagone, dont les caractéristiques se prêtaient à en faire des équivalents symboliques du divin. Ces structures ne sont pas immédiatement repérables, demandent longue attention et se prêtent à la méditation, et donc favorisent l’expérience mystique. Ce fonctionnement de la peinture religieuse est observé sur trois exemples, le Triptyque du Buisson ardent de Nicolas Froment, Le Couronnement de la Vierge d’Enguerrand Quarton et Les Bergers d’Arcadie de Nicolas Poussin.
As a rule it is not possible to represent God or Heaven because nobody never saw them. Yet painters found ways of overcoming the difficulty. First by covering the background of their paintings with gold, the radiance and the incorruptibleness of which could be considered as a symbol of the everlasting divine light in Heaven. Then by inventing images of Heaven from the description of Heaven on earth in Genesis or from that of Celestial Heaven, a city made of pure gold, in the Apocalypse. Nevertheless golden backgrounds let insatisfied the imaginative spectators and depictions of Heaven as a garden could lapse into picturesque. Consequently some artists decided to structure the images of Heaven they would paint with “perfect” geometricl figures, such as circles or pentagons, relying on the analogy between their distinctive features and those of the Divine Persons. Those structures are not noted at first sight; they demand long attention; they induce meditation and may lead to a mystical experience. Three paintings are scrutinized from that point of view: the Triptych of the Burning Bush by Nicolas Froment, The Coronation of the Virgin Mary by Enguerrand Quarton and The Sheperds of Arcadia by Nicolas Poussin.
Texte intégral
1En 1626, dans la préface à sa traduction en latin des écrits de Denis l’Aréopagite, l’oratorien Charles Hersent explique que l’expérience mystique échappe aux catégories ordinaires1. A fortiori paraît-elle échapper à la peinture, réduite à ne présenter que du visible.
2Dieu en particulier dont Jean, dans son évangile dit : « Dieu, personne ne le vit jamais » (Jean 1, 18)2, ne saurait être représenté. Dans ses Conférences Jean Cassien (c. 360-435) pense même qu’on ne saurait s’en faire une idée précise : « C’est une nature incorporelle, non composée et simple ; l’œil ne peut pas plus la saisir que l’esprit ne peut l’estimer3. »
3Theodulf d’Orléans dans les Libri Carolini, vers 790, quoique jugeant que l’esprit peut concevoir l’existence de Dieu, affirme aussi que l’on ne peut en donner une image : « Dieu est à chercher, non dans les choses visibles, non dans les choses manifestées ; il ne peut être contemplé avec les yeux de la chair, mais seulement avec les yeux de l’esprit4. »
4La théorie médiévale de l’image, dépendante de ce qu’en a dit Aristote, conforte ces affirmations. Avant d’être reproduite sur un support, peinte, ou dans une matière, sculptée, l’image est une forme qui se constitue dans l’âme, mais dans la dépendance d’un modèle ; produite par lui, elle en est l’expression ; ce qui fait qu’elle lui ressemble5. Mais comment une image pourrait-elle ressembler à un être incorporel et non composé, invisible et infini ?
5Aristote faisant du lieu l’attribut de la personne, il en va en principe de même du Paradis où réside Dieu éternellement : le Paradis n’est pas plus imaginable, et donc représentable, que Dieu.
6Un matériau, l’or, va permettre de dépasser, dès le Haut Moyen Âge, cette aporie ontologique en permettant d’établir toute une série d’équivalences entre son apparence et des caractères définitoires de Dieu et, du coup, de représenter le Paradis que celui-ci emplit de sa présence lumineuse. L’éclat de l’or, particulièrement sa luisance sous la lumière des cierges dans la pénombre des églises, va signifier la présence de Dieu, l’incorruptibilité du métal, son éternité, de même que les feuilles d’or qui recouvrent tout l’espace autour des personnages saints résidant en Paradis signifie son omniprésence. Le volet droit du Diptyque de Wilton House, peint entre 1395 et 13996, est un bel exemple tardif de cet usage (ill. 1) : l’or luit à l’entour de la Vierge et de sa cour d’anges dont le roi d’Angleterre Richard II, figuré en prière sur le volet gauche, et triplement présenté à la Vierge par Jean le Baptiste, Édouard le Confesseur et Edmond le Martyr, a la vision. Le fond d’or est nécessairement interrompu par les limites du tableau, mais, dans le Diptyque de Wilton House, l’or recouvre aussi le cadre de sorte que l’on comprend que cette finitude visuelle n’est due qu’à une sujétion matérielle, et qu’implicitement et symboliquement le fond d’or se continue de tous côtés, de sorte que le fini vaut représentation de l’infini. Au Moyen Âge on retrouve ce fond d’or dans tous les tableaux de saints, présentés comme des apparitions suscitées par la ferveur de la prière, avec lesquels le dévot entretient une relation affective ou mystique, et même dans la représentation d’événements historiques dont l’horizon eschatologique est le Paradis, comme l’annonciation (entre autres, l’Annonciation de Simone Martini7) ou la crucifixion (telle celle du Retable dit du Bargello8).
7Toutefois, sous les pieds de la Vierge et de son escorte d’anges paraît une prairie herbue, abondamment fleurie de roses, d’iris et de pâquerettes. C’est là une autre forme de représentation du Paradis, comme un jardin, par extrapolation de ce que la Genèse dit du Paradis terrestre : après avoir modelé l’homme et lui avoir donné vie
Jéhovah Dieu planta un jardin en Éden jusqu’à l’Orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé. Et Jéhovah Dieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres agréables à voir et à manger, et l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Un fleuve sortait d’Éden pour arroser le jardin et de là il se partageait en quatre bras. (Genèse 2, 8-10, trad. Crampon)
8Elle permet d’échapper à l’indistinction de la suggestion de la présence de Dieu et de l’évocation du Paradis quand elles sont obtenues par application de feuilles d’or sur le tableau et de remédier au défaut de ce mode de représentation de l’irreprésentable que relève Gertrude de Helfta (1256-1302) : « ce que les yeux ne voient pas ni n’entendent les oreilles ne peut toucher le cœur9 ». Les peintres, ou les théologiens qui les guident, vont donc chercher secours dans la Bible dont, ainsi que dit Bède le Vénérable, l’« autorité ne saurait être contestée parce qu’elle est divine [d’inspiration] et puisqu’elle conduit à la vie éternelle10 », c’est-à-dire à la vue face à face de Dieu et à la découverte du Paradis.
9En effet, Jean, aussitôt après avoir déclaré que « personne ne vit jamais Dieu », enchaîne en disant : « Le Fils unique / qui est dans le sein du Père / c’est lui qui l’a fait connaître » (Jean, 1, 18) et Paul dans l’Épître aux Colossiens écrit qu’« il est l’image du Dieu invisible » (Colossiens, 1, 15), ce que le pape Grégoire le Grand (vers 540-604), défenseur de la présence d’images dans les églises, glosera en écrivant : « Le Christ s’est rendu visible pour montrer l’invisible11 ». Tous ces textes autorisent donc à représenter Dieu le Fils sous l’apparence humaine qu’il a prise et le Père à l’image du Fils, sous condition de ne pas croire, met en garde, Jean Cassien que « l’immense et simple substance de la divinité est composée de nos traits et de notre figure humaine », ce qui serait une « hérésie inepte », car « comment admettre que l’immense, incompréhensible et invisible majesté puisse devenir quelque chose équivalent à la forme humaine composée ou être circonscrite par une telle ressemblance ? » Il faut donc, ainsi que « les chefs de l’Église sont unanimes » à le faire, « prendre dans le sens spirituel l’image de la ressemblance de Dieu [à l’homme]12. »
10Quant au Paradis, la Bible n’en fait pas seulement un jardin. Dans l’Apocalypse une tout autre image en est donnée, sous la forme de
la ville sainte, une Jérusalem nouvelle […] brillante de la gloire de Dieu […] Elle a une grande et haute muraille […] construite en jaspe […], ornée de toutes sortes de pierres précieuses […] La ville est d’un or pur, semblable à un pur cristal. [Elle est carrée, a douze portes, trois sur chaque côté], chaque porte est d’une seule perle ; la rue de la ville est d’un or pur, comme du verre transparent […] Un fleuve d’eau de la vie, clair comme du cristal, jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau au milieu de la rue de la ville, et de part et d’autre du fleuve poussent des arbres de la vie qui donnent douze fois [par an] leurs fruits et dont les feuilles servent à la guérison des nations. (Apocalypse 21, 2, 10-14 et 17-21 ; 22, 1-2)
11Les pierres précieuses énumérées, saphir, calcédoine, émeraude, sardonyx, sardoine, chrysolithe, béryl, topaze, chrysoprase, hyacinthe, améthyste, l’or pur, le cristal retrouvent le thème de la lumière : dans la Jérusalem céleste tout n’est qu’éclat, luisance et brillance. Ce Paradis serait tout urbain s’il n’était pas fait mention du fleuve bordé d’arbres de vie dont il faut bien penser qu’il poursuit son cours dans la campagne environnante après la traversée de la ville, campagne que rien n’interdit d’imaginer comme l’équivalent du jardin mentionné dans la Genèse. Par ailleurs, dans l’Ancien Testament et notamment dans les Psaumes, il est souvent mentionné que Dieu séjourne dans les montagnes et Paul dans l’Épître aux Romains le qualifie de « Dieu des montagnes ». Il est fréquemment aussi appelé « forteresse » : des montagnes pourront donc fermer l’horizon du paysage-jardin symbolique et un château fort s’y dresser.
12De telles représentations composites du Paradis se voient à l’arrière-plan d’Annonciations (Annonciation de Fra Paolino13) et de Crucifixions (Le Calvaire de Josse Lieferinxe14), figurant l’enjeu anagogique de ces événements. L’une des plus prolixes constitue l’arrière-plan de la représentation du buisson ardent sur le panneau central du Triptyque du Buisson Ardent de Nicolas Froment, peint en 1474-515 (ill. 2).
13Cette représentation16 repose sur une correspondance typologique. Moïse gardait les moutons de son beau-père sur le Mont Horeb lorsqu’il vit un buisson qui brûlait sans se consumer et entendit une voix qui lui disait : « ôte tes sandales de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte » (Exode 3, 5), ce qu’on lui voit faire. La voix, qui est celle de Dieu, est figurée par un ange, fidèle ainsi au texte biblique qui dit que « L’ange de Jéhovah lui apparut » (Exode 3, 2) et faisant par là même de l’événement vécu par le prophète une préfiguration de l’annonciation, ce qui s’accorde au fait que le buisson ardent était considéré depuis longtemps comme un symbole de la conception miraculeuse du Christ, car comme « le buisson était tout en feu, sans pourtant se consumer » (Exode 3, 2), la Vierge deviendra mère, sans pourtant cesser d’être vierge17. C’est ce que dit l’inscription latine qui est en haut du tableau, qui est la troisième antienne de janvier : RVBVM QVEM VIDERAT MOYSES INCOMBVSTVM CONSERVATAM AGNOVIMVS TVAM LAUDABILEM VIRGINITATEM S[AN]CTA DEI GENITRIX, « dans le buisson non consumé que Moïse avait vu nous reconnaissons ta virginité très louable sainte mère de Dieu ». On comprend dès lors pourquoi la Vierge tenant son enfant dans ses bras siège sur le buisson.
14Cependant Nicolas Froment a donné à son buisson une forme particulière. Enveloppant la Vierge, il devient hortus conclusus (Cantique 4, 12). Parce que composé d’églantiers, d’aubépines et de mûriers épineux, dont on reconnaît les fleurs et les fruits, la Vierge y est, comme il est dit dans le Cantique des Cantiques, « comme un lys au milieu des épines » (Cantique 11, 12). Puisque la Vierge est une figure de l’Église (elle a contenu le Christ dans son sein, comme l’Église le fait), le buisson est soutenu par douze troncs évoquant les douze apôtres, colonnes de l’Église et arbres de vérité.
15De plus le buisson, circulaire, est une couronne d’épines. Ce faisant Nicolas Froment illustrait l’interprétation typologique de Clément d’Alexandrie (vers 150-vers 220) qui voit dans le buisson ardent une préfiguration de la Passion du Christ18. Il est aussi, toujours vert, une couronne de gloire et d’éternité, de même signification que les couronnes sculptées sur les sarcophages paléochrétiens arlésiens de l’anastasis. Ainsi le Triptyque du Buisson Ardent ne se contente pas de célébrer la Vierge, mais évoque simultanément le rôle de son fils dans l’histoire du Salut. Comme tableau de dévotion incitateur d’une expérience mystique, il est en quelque sorte simultanément l’équivalent d’une Annonciation et d’une Crucifixion.
16Mais plus encore. Entendant la voix qui sort du buisson. Moïse fait un geste de surprise, ou peut-être, parce qu’il a compris qu’il était en présence de Dieu, de crainte, de qui cherche à se protéger de la vue de Celui qui l’interpelle et qui, dans Exode, a prévenu : « L’homme ne peut voir ma face et vivre » (23, 20). Sa main levée est située par rapport à la source de telle sorte qu’on ne peut pas ne pas songer à Moïse frappant le rocher alors qu’il conduit le peuple élu vers la terre promise, aventure qui préfigure l’histoire du Salut. Or Paul, dans la première Épître aux Corinthiens fait un commentaire typologique du frappement : « [Nos pères] ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les accompagnait et qui était le Christ » (1 Cor X, 1-4)19. Il met ainsi en correspondance ce que Jéhovah dit à Moïse dans Exode : « Voici que je me tiendrai devant toi sur le rocher qui est Horeb ; tu frapperas le rocher et il en sortira de l’eau, et le peuple boira » (Exode 13, 6) et la promesse du Christ rapportée par Jean : « Celui qui boira l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif » (Jn IV, 13). À quoi fait écho dans l’Apocalypse ce que dit « Celui qui était assis sur le trône » : « Je suis l’alpha et l’omega, le commencement et la fin. À celui qui a soif, je donnerai gratuitement de l’eau de la vie » (Apocalypse 21, 5-6).
17Il faut alors se rappeler que le Retable du Buisson Ardent a été commandé par le roi René pour être placé dans l’église des Grands Carmes d’Aix-en-Provence, au-dessus de l’autel dans lequel seraient conservées ses entrailles (son corps étant déposé dans un monument élevé dans la cathédrale d’Angers). C’est donc un homme qui pressentait sa mort proche et se préoccupait de son salut éternel qui est à l’origine de la réalisation de cette œuvre, situation qui n’a évidemment pas été étrangère au choix de son iconographie.
18Or, la source du rocher donne naissance à un ruisseau qui sinue dans une prairie où paissent les bêtes du troupeau de Moïse. Parmi ces brebis (ouailles en provençal) certaines boivent ou s’apprêtent à boire au ruisseau qui, allégoriquement, est l’eau qui désaltère durablement dont parle Jean, c’est-à-dire l’enseignement du Christ, dont l’observation, l’absorption, permet d’accéder au Paradis, à nouveau ouvert aux hommes grâce au sacrifice du Christ. D’autres brebis semblent hésiter.
19Ainsi au premier plan du tableau est une représentation symbolique de l’existence humaine sub specie æternitatis. Ensuite, au second plan, et donc au-dessus de la prairie, se voient, installés dans le buisson aux si nombreuses significations allégoriques, la Vierge et le Christ, constituant un tribunal, miséricordieux par principe, puisque composé des deux acteurs charitables de la Rédemption. Si leur jugement est favorable, il sera possible d’accéder au Paradis qui se découvre au-delà du Buisson, sous l’aspect d’un vaste paysage verdoyant éclairé par un soleil qui se lève, symbole de résurrection : un château fort s’y élève, le fleuve « clair comme du cristal » y coule, sur les bords duquel poussent de hauts « arbres de la vie » et est établie une ville aux bâtiments harmonieux, qui est la Jérusalem céleste.
20Le roi René et la reine Jeanne, représentés sur les panneaux latéraux priant devant l’effigie de la Vierge et de son fils, entretiennent évidemment l’espérance de parvenir au terme de cet itinerarium ad Deum. Le spectacle que l’on vient de décrire est entouré latéralement et en haut d’un large bandeau doré où sont figurés les douze rois d’Israël, ancêtres de la Vierge, comme si leurs effigies étaient sculptées sur un porche monumental, de sorte que le roi et la reine sont comme devant l’entrée d’un espace, espace de vie, mondaine et éternelle, où ils doivent s’engager. Ce porche resplendissant laisse présager un bon achèvement du voyage. D’ailleurs, pourquoi le roi René douteraitil qu’il lui sera accordé, ainsi qu’à son épouse, d’entrer au Paradis dont sa méditation, sa foi et son espérance lui procurent la vision, puisqu’il est écrit dans l’Apocalypse que « les rois de la terre y apporteront leur magnificence » (Apocalypse 21, 24) ?
21Jeffrey Hamburger dans « Vision and the Veronica », étude consacrée aux images, diffusées en Allemagne au xve siècle, du visage du Christ inscrit sur le linge que lui tendit Véronique, devant lesquelles les dévots méditaient dans l’espoir que leur contemplation favoriserait l’accession à un état mystique qui les mettrait en présence du Christ lui-même20, pose cette question, qui concerne aussi particulièrement toutes les œuvres où un ou des personnages sont représentés en prière, accédant à la vision de personnes saintes, établies au Paradis, auxquelles ils adressent leur prière, la Vierge le plus souvent, comme dans le Diptyque de Wilton House, puisqu’elle est l’intercesseur supposé le plus miséricordieux et le plus puissant, et parfois, simultanément, à la vision circonstanciée du Paradis, ainsi que dans Le triptyque du Buisson Ardent de Nicolas Froment, quelquefois avec sa population d’élus rassemblés en présence de Dieu, comme dans Le Couronnement de la Vierge d’Enguerrand Quarton : « La vision est-elle inspirée par l’œuvre d’art ou l’œuvre d’art par la vision ? ». Notre étude implique évidemment la première hypothèse21.
22La représentation du Paradis comme un jardin trouve son exemple le plus achevé dans Le Jardin du Paradis du Maître du Rhin moyen22 (ill. 3). Ce jardin fleuri, peuplé d’oiseaux, d’anges, de quelques saints personnages et d’élus, est image d’un printemps éternel qui satisfait tous les sens : la vue et l’odorat, par implication sont comblés par l’abondance des fleurs, l’ouïe par le chant des oiseaux – des anges aussi, peut-on supposer, puisque leur fonction est de chanter éternellement la gloire de Dieu – et par la musique que joue sainte Cécile, le goût par la dégustation des fruits d’un arbre de vie que cueille un personnage et de ceux des fraisiers, constantes plantes paradisiaques dans les tableaux et tapisseries du xve siècle, et le toucher aussi, impliqué dans le maniement de la cuiller par la sainte assise au coin gauche, la manipulation du livre que lit la Vierge et le pincement des cordes de la cithare dont sainte Cécile apprend à jouer à l’enfant Jésus. Certes la musique, de celle des sphères à celle des anges, a partie liée avec le monde divin depuis longtemps, et la Vierge lisant atteste de sa sapientia, vertu essentielle que les Annonciations ont aussi l’habitude d’illustrer, le plus souvent, comme dans celle de Gentile da Fabriano, par exemple23, en la pourvoyant d’un seul livre, celui d’Isaïe où elle lisait la prophétie annonçant qu’une vierge serait mère avant que Gabriel ne vienne lui apprendre que c’est elle qui la réalisera, parfois, comme dans l’Annonciation de Barthélémy d’Eyck24, en poussant l’attestation à l’hyperbole, en accumulant près d’elle les volumes, mais il est difficile de concilier cet éloge des cinq sens avec le détachement des plaisirs terrestres et la transcendance de la sensualité que l’on présume être propres à la vie dans l’autre monde. Le costume contemporain que porte le personnage masculin attire également par trop l’attention et surprend25. Comme l’écrit Jacques Courtois dans La peinture gothique, cette « familiarité prosaïque […] illustre le nouvel idéal bourgeois du xve siècle, dépourvu de tout mysticisme26. »
23Il est évident que dans le tableau de Nicolas Froment l’abondance des composants du paysage et le réalisme de leur traitement font courir le même risque de « familiarité prosaïque » à l’image du Paradis qu’il contient, même si elle est située au-delà des parties les plus réalistement traitées. Les végétaux reconnaissables, constitutifs du buisson ou poussant à côté de la source et dans la prairie allégoriques sont nombreux, aubépines, églantier, mûrier, figuier, massette, plantain, ancolie, chardons, etc. et d’une exactitude botanique entière. Tout en bas un escargot se promène. Ce pittoresque naturaliste, rappelant à tout détail l’expérience du monde habituel, serait fort peu favorable à la contemplation ou à l’imagination de réalités invisibles, si ses éléments constitutifs ne remplissaient tous dans le tableau une fonction symbolique : la massette est un attribut de Moïse, recueilli enfant sur la rive du Nil, les chardons rappellent qu’après la faute d’Adam et d’Ève, Jéhovah leur annonça que la terre produirait pour eux et leurs descendants « des épines et des chardons » (Genèse 3, 18), le plantain est symbole d’humilité, le figuier, proche de la source, arbre de la sagesse, car Nathanaël attendit le Christ à son ombre (Jn I, 48), l’ancolie, violette, couleur de deuil et dont le nom rime avec mélancolie, évoque la Passion du Christ, et l’escargot est symbole de la résurrection, car il sort de terre à Pâques, comme le Christ. Le symbolisme sauve sémiotiquement le tableau du pittoresque. Toutefois, « les arbres de la vie » qui, à l’arrière-plan, poussent le long du fleuve qui traverse le Paradis sont des arbres essentiels, n’appartenant à aucune espèce de ce monde : ils n’ont d’autre signification que d’être ce que l’Apocalypse en dit.
24Nicolas Froment remédie à cet assujettissement de l’iconographie de son temps à l’expérience pragmatique du monde27 par la façon dont il compose l’image représentant le buisson ardent, à commencer par la détermination de ses proportions, selon une savante procédure reposant sur le recours à des figures géométriques qui, d’une part, transcendent la diversité du réel par leur simplicité et leur constance et, d’autre part, ont des qualités comparables à ces entités invisibles que sont Dieu ou le Paradis. La plus marquante est le cercle qui a partie liée avec Dieu, comme le montre l’Annonciation, peinte vers 1390, d’un peintre italien anonyme, où Dieu le Père est représenté entouré de deux cercles corrélés aux gestes de ses mains, la droite bénissant la Vierge, la gauche la fécondant, ainsi qu’en témoigne le petit enfant Jésus qui en sort pour se diriger vers celle qui va devenir mère28 (ill. 4). Le cercle, qui dans cette œuvre souligne les pouvoirs de Dieu, a en partage avec lui les qualités de perfection (tous ses points sont à égale distance de son centre) et d’infinitude (il est sans commencement ni fin). De plus, quand des cercles structurent une œuvre peinte, leur présence est au premier abord invisible, et on ne les découvre qu’au terme d’une contemplation de l’œuvre et d’une méditation devant elle parfois fort longues, comme mutatis mutandis, le mystique n’accède à sa vision qu’après un durable effort. Ainsi la figure géométrique joue un rôle d’embrayeur dans l’accession à l’émoi mystique à partir d’œuvres peintes : elle tire la contemplation vers le haut, la faisant passer de l’observation successive de détails qui renvoient à la diversité du monde à la compréhension d’ensembles qui découvrent son organisation signifiante et donc rapprochent de Celui qui l’a créé et organisé.
25C’est le cas de l’image encadrée par le porche d’or sur le panneau central du Triptyque du Buisson Ardent. Nicolas Froment en fixe d’abord la largeur. À partir de cette base, il construit un pentagone (ce qui se fait au compas à partir d’un cercle préalablement tracé), autre figure géométrique considérée parfaite depuis Pythagore, car ses diagonales se coupent à la proportion d’or, jugée par les chrétiens « divine proportion qui signifie Dieu », rappelle Yves Bonnefoy dans La stratégie de l’énigme29. Cette figure parfaite à cinq côtés est un symbole adéquat de la Vierge, parfaite femme qu’aucune ombre ne marqua, devenue reine du ciel, parce qu’elle réconcilia l’humanité avec Dieu : 5 est la somme de 2, chiffre de l’homme fait d’un corps et d’une âme, et de 3, chiffre de Dieu en trois personnes. Le sommet de ce pentagone sera le centre du visage de la Vierge (ill. 5).
26Traçant deux diagonales, celle qui va de l’angle inférieur droit au sommet du pentagone et celle qui va de l’angle inférieur gauche à l’angle opposé (ou l’inverse), le peintre obtient maintenant un point d’intersection qui va permettre de tracer une ligne horizontale, à partir de laquelle se fixera la hauteur de l’image, en décidant que cette ligne sera à la proportion d’or de cette hauteur.
27Sur cette ligne sera précisément située la source essentielle qui coule du rocher, au lieu d’où une verticale abaissée détermine, avec le plus grand fragment de cette ligne, la verticale abaissée, le plus grand fragment que celle-ci découpe sur la base et le côté gauche de l’image, un carré. Appelons la distance qui sépare la source de la base (c’est-à-dire le côté du carré) « a ». Maintenant le peintre trace un cercle de rayon « a » ayant pour centre la source. Il est tangent au bas de l’image et à son côté gauche, puis recoupe le côté droit plus haut. Une horizontale est tracée à partir de ce point d’intersection. Puis, du centre du segment contenu entre les deux côtés de l’image, est tracé un cercle, toujours de rayon « a », qui dessine la courbe du haut du tableau. Ainsi est fixée la forme entière de la représentation de la vision du roi René et de la reine Jeanne.
28La deuxième horizontale virtuelle à partir de laquelle a été tracée la limite supérieure courbe de l’image est donc comme la première, celle de la source, à la proportion d’or de la hauteur de cette représentation (à partir du haut, l’autre l’étant à partir du bas). En conséquence l’espace, de hauteur « a », compris entre le haut de l’image et cette deuxième horizontale, qui contient la Vierge, dont le bas du manteau est tangent à cette ligne, est de même hauteur que l’espace compris entre le bas de l’image et l’horizontale sur laquelle est située la source, qui comprend la prairie allégorique où se désaltèrent les brebis. Ainsi est marquée la relation allégorique entre la prairie de la vie où se décide le salut des croyants et le jardin clos où règne en gloire la mère du Sauveur, entre l’espace où coule la source de vie et celui où s’établit la source de miséricorde. Soulignant cette relation, l’inclinaison du visage de la Vierge est fixée par l’orientation de la diagonale du pentagone qui va de son angle inférieur droit à son sommet.
29Si maintenant, à partir des points d’intersection de l’horizontale du haut avec les côtés de l’image, l’on trace des cercles encore du même rayon « a », ils se coupent sur la médiatrice du tableau en un point qui sera la main bénisseuse de l’enfant Jésus.
30Le buisson ardent lui-même ne pouvait pas ne pas participer à cette litanie structurale : sa courbe inférieure, du côté où elle est régulière, à dextre, est un arc de cercle qui a pour centre la main de l’enfant Jésus30 et pour rayon la distance de celle-ci aux coins supérieurs du tableau. Du même côté, le tertre où pousse le buisson est aussi d’un arrondi régulier : il est également tracé au compas, à partir de la médiatrice, avec le même rayon que celui du cercle qui détermine la courbe du buisson.
31L’ange qui s’adresse à Moïse est penché selon un arc de cercle dont la courbe est sensible à la limite de sa robe blanche et de son manteau rouge. Le centre de ce cercle est encore sur la médiatrice du tableau et ce même cercle dessine la forme arquée du pied de Moïse. Le grand pli du haut du manteau de celui-ci est aussi en arc de cercle.
32Ainsi toute l’organisation de cette image complexe est fondée sur les potentialités symboliques du pentagone et du cercle, sur celles, harmoniques, du nombre d’or et de la correspondance de lieux ou de personnages deux à deux, sur la concordance de ces figures, qui constitue ce que les thomistes nommeraient la « forme » du tableau. Celle-ci subsume toutes les significations symboliques attachées aux objets représentés en une allégorie de l’existence orientée par l’espérance de la vie éternelle, et toutes les modalités de la représentation, récit historique de ce qu’a vécu Moïse au mont Horeb, figuration symbolique de l’engagement existentiel humain, mise en scène typologique de la Vierge et du Christ, vision exultante du Paradis susceptible d’entraîner le roi René et la reine Jeanne – et tout spectateur qui, comme eux, s’absorberait dans sa contemplation – dans une extase mystique que favorise le rôle décisif joué par le cercle dans l’organisation de l’œuvre.
33Le cercle joue aussi un rôle essentiel dans la composition du Couronnement de la Vierge d’Enguerrand Quarton, peint en 145331 (ill. 6). À première vue le Paradis où les élus sont étagés en rangées hiérarchisées et assistent au couronnement de Marie par les trois personnes divines se caractérise par l’ordre et la symétrie qui y règnent ainsi que par ses couleurs dominantes, écarlate des séraphins, anges de feu, les plus proches de Dieu et pourpre glorieux des manteaux du Père et du Fils, or rendant manifeste la lumière paradisiaque, là où la foule serrée des saints laisse libre un peu de la surface du tableau, et bleu du manteau de la Vierge, attestant de son appartenance au monde céleste. Mais à plus attentive scrutation on découvre que le Père et le Fils couronnant la Vierge sont chacun compris dans un cercle dont la circonférence est clairement visible à la limite inférieure des nuages parsemés de chérubins bleus sur lesquels ils se tiennent et que le haut du corps de la Vierge est contenu dans l’intersection de ceux-ci : dispositif révélateur de la signification essentielle du couronnement qui est l’inclusion dans le monde divin de la mortelle élevée au ciel.
34Ce schéma se complexifie quand on s’aperçoit que le Père et le Fils sont aussi tous deux contenus dans un troisième cercle de même taille dont le tracé est reconnaissable dans la courbure de leur dos et l’inclination de leur tête. Ce cercle inclut aussi la colombe de l’Esprit-Saint qui de ses ailes déployées dessine un trait d’union entre eux. Cette réunion dans un même cercle du Père et du Fils représentés à l’identique et le fait que la colombe se rattache de même façon à l’un et à l’autre est sans doute, ont pensé certains historiens, un symbole de la résolution du vieux conflit qui opposait l’Église grecque et l’Église latine pour décider si l’Esprit-Saint procédait du Père par le Fils ou du Père et du Fils32.
35De plus l’ensemble de ces cercles est contenu dans un plus grand dont on ne s’étonne pas de découvrir que son diamètre est dans un rapport avec celui des autres cercles qui est le nombre d’or (ill. 7). Ce grand cercle qui dessine le bord inférieur du manteau de la Vierge empiète sur celui marquant la limite du globe terrestre, figuré en dessous, sur lequel symboliquement sont représentées Rome, à dextre, et Jérusalem, à senestre, occupée par les musulmans – ce qui explique les bulbes coiffant les tours de ses remparts et la présence du diable juché sur l’un d’entre eux. Ce recouvrement partiel du globe terrestre par le manteau de la Vierge fait de celle-ci une Vierge de miséricorde et donc, comme celle du Buisson Ardent, l’intercesseur des hommes qui aspirent à entrer au Paradis.
36 Le Couronnement de la Vierge d’Enguerrand Quarton est ainsi une des œuvres les plus systématiquement organisées de la peinture religieuse. Sa charpente de cercles assure l’harmonie de la composition et suscite chez le spectateur l’aperception de la perfection et de la complétude du dessein divin. La structuration de la représentation du Paradis par un ou des cercles se retrouve dans de nombreux tableaux. Tant que le cercle reste une figure d’intelligibilité immuable dans sa forme – c’est encore une qualité divine – et qu’il demeure une structure d’organisation masquée, il remplit sa fonction de qualification du monde divin et demeure le moyen efficace de faire passer la compréhension de l’œuvre à un niveau supérieur, de révélation mystique. Peut-être le dernier exemple en est-il Les Bergers d’Arcadie de Nicolas Poussin, peint en 1638-4033 (ill. 8). On y voit des bergers découvrir une tombe sur laquelle ils lisent avec stupéfaction ET IN ARCADIA EGO, « et moi aussi [la mort] j’existe en Arcadie », pays qui passait pour être celui du bonheur parfait. Leçon de vanité, habituel avertissement chrétien. Là s’arrête d’ordinaire le commentaire. Poussin a en effet fait en sorte que cette signification ne puisse échapper au spectateur, faisant de l’ombre du bras du berger qui lit l’inscription une lame de faux (c’est le plus âgé des trois, qui représentent les trois âges de la vie, donc le plus proche naturellement de la mort) et, pour ses amis érudits, plaçant au-dessus de la tombe une montagne dont le flanc escarpé est dans l’ombre, qui rappelle le vers de Virgile : Majoresque cadunt altis de montibus umbrae, « de grandes ombres tombent des hautes montagne34 ». Cependant si l’on observe que le quatrième personnage est une femme, qu’elle n’est nullement habillée comme une bergère, qu’elle est séparée des autres par une crevasse au sol, qu’elle pose sa main sur le dos du berger le plus proche d’elle, on est tenté de juger qu’elle est d’autre sorte que ses voisins, qu’elle est une allégorie, celle de la consolation, c’est-à-dire en termes chrétiens, de l’espérance. Et l’on remarquera alors que sa robe bleue est parcourue d’un long pli fortement en relief qui est un arc de cercle, et que sa posture semble déterminée par cette courbe, comme l’est celle de l’ange du Triptyque du Buisson Ardent (c’est encore un indice, le plus probant, qu’elle n’est pas un personnage rustique). Il faut donc compléter imaginairement ce cercle pour voir ce qu’il en est. Et l’on découvre alors que le tableau de Poussin est organisé à partir de la juxtaposition d’un carré, symbole du monde terrestre, où la mort est établie, et d’un cercle, bien plus vaste, symbole du monde divin, où l’on voit derrière l’allégorie de l’espérance, pousser sur un arbre mort un rameau vert, symbole constant en peinture religieuse de la résurrection. Comme il se doit le cercle s’étend très au-delà du cadre du tableau qui figure l’espace dans laquelle l’humanité prend conscience de ses limites, et comme il convient, le rapport entre le diamètre du cercle et la longueur des côté du carré est le nombre d’or, rapport signifiant que l’articulation des deux mondes, celui de la finitude et de la déception humaines et celui de la consolation divine et de l’éternité, est un effet de la bienveillance divine.
37Dans le tableau de Nicolas Poussin le Paradis n’est pas représenté mais il est imaginairement présent, et son absence visuelle même ne peut qu’exacerber le désir d’opposer à l’inquiétude des bergers païens la sérénité de ceux qui savent que la victoire n’appartient pas à la mort et pressentent les jouissances extatiques qui seront leurs dans l’au-delà.
38Mais quand le cercle perd son intégrité, qu’il oublie sa qualité de figure géométrique immuable pour se plier à la loi de la perspective comme dans Le Paradis du Tintoret (vers 1580), qui est encore un Couronnement de la Vierge35 (ill. 9), il perd toutes ses vertus sémiotiques sacrées, et donc sa faculté d’être un embrayeur mystique. Le joug de la perspective qui dans cette œuvre spatialise les cercles selon lesquels se disposent les élus, du même coup semble les mettre en mouvement, car la perspective est un dispositif qui, destiné à raconter une histoire, instaure une temporalité en même temps qu’elle crée l’illusion de la profondeur. Le Paradis ainsi mis en perspective perd donc son immutabilité, sa permanence, son éternité. Les critiques qui commentent cette représentation du Paradis soulignent généralement l’étonnant effet d’aspiration créé par Le Tintoret36. On pourrait penser que c’est là une façon de traduire la force d’attraction du Paradis ou d’intensifier chez le spectateur la conviction qu’y accéder est une fin hautement désirable, mais l’effet est trop spectaculaire : il crée aussi l’impression que le Paradis s’éloigne, se perd, et l’espérance de faire son Salut et de voir Dieu seul face à face en même temps. En conséquence une telle image ne peut fournir l’occasion d’une expérience mystique car le tourbillon qu’elle suggère emporte ce qui fondait la possibilité d’échapper au transitoire.
Notes de bas de page
1 « Mysticum illud dicitur quod […] secretum est atque a vulgarium hominum sensu magis dissentire videtur », Charles Hersent, D. Dionysii areopagitae de mystica theologia librum, apparatus, interpretatio, notae, commentarii, paraphrasis, in quibus de supremo divinae contemplationis gradu, unione scilicet et ignoratione luculentissime agitur, praemissa est theologiae mysticae apologia adversus ejus obtrectatores…, Paris, 1626.
2 Les citations de la Bible sont faites à partir de La Sainte Bible, traduction d’après les textes originaux par l’abbé A. Crampon, s.l.n.d., 1905.
3 Jean Cassien, Conférences, X, 5 (sc 76), cité et traduit par Olivier Boulnois, Au-delà de l’image. Une archéologie du visuel au Moyen Age (ve-xve siècle), Seuil, 2008, p. 64.
4 « Unde datum intelligi, quod non in rebus visibilibus, non in manifestis, sed in corde Deus est quaerendus ; nec carnalibus oculis, sed mentis solummodo oculo aspiciendus. Opus Caroli regis contra synodum, 4, 2. Éd. Ann Freeman, M.G.H. Conalia, vol. 2. Cité par Herbert L. Kessler, Spiritual Seeing, Picturing God’s Invisibility in Medieval Art, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2000.
5 Olivier Boulnois, op. cit. Voir l’exposé de la conception de l’image chez Maître Eckhart dans le chapitre « La mystique ou l’image transparente », p. 289-330.
6 Anonyme, Diptyque de Wilton House, 1395-99, deux panneaux de 53x37 cm, Londres, National Gallery.
7 Simone Martini, Annonciation, 1333, 184 x 210 cm, Florence, Musée des Offices.
8 Anonyme, Retable dit du Bargello, vers 1390, 50 x 31 cm, Florence, Musée National du Bargello.
9 Gertrude de Hefta, « Quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in corde hominis ascendit », « Le héraut », VII, 1-2, Œuvres spirituelles, vol. IV, Paris, Cerf, 1978.
10 Bède le Vénérable, De schematibus, PL XC, 175.
11 Grégoire le Grand, In Hiezechielemn, II, 4, 20 (Ecc 142, 272).
12 Jean Cassien, Conférences, X, 2 et 5 (sc 54, 75 et 79). Traduction d’Olivier Boulnois, Au-delà de l’image, op. cit.
13 Fra Paolino, Annonciation, vers 1525-1530, Vinci, Oratorio della Santissima Annunziata.
14 Josse Lieferinxe, Le Calvaire, vers 1500, Paris, Musée du Louvre.
15 Nicolas Froment, Triptyque du Buisson Ardent, 1474-5, 410x305 cm, Aix-en-Provence, Cathédrale Saint-Sauveur.
16 La représentation, peinte en couleurs, du buisson ardent et du paysage environnant ne recouvre pas tout le panneau central, car elle est entourée d’un bandeau et complétée, dans les écoinçons que son sommet courbe détermine, de deux scènes d’une chasse à la licorne, peints en camaïeu d’or. Aussi ne parlerons-nous pas pour la désigner de tableau, ce qui implique la totalité de ce qui est peint sur le panneau, mais de représentation ou d’image.
17 « tel le Buisson de Moïse, Marie est pénétrée mais non consumée par la flamme de l’Esprit-Saint », écrit ingénieusement Dominique Thiébaut : voir Michel Laclotte et Dominique Thiébaut, L’école d’Avignon, Paris, Flammarion, 1983.
18 Clément d’Alexandrie, Le Pédagogue, II, 8, Paris, Le Cerf, 1970.
19 Ce qui fait de la source l’équivalent de la plaie au flanc du Christ, d’où sortit de l’eau et du sang, double écoulement traditionnellement interprété comme symboles du baptême et de la communion, les deux sacrements par lesquels l’âme est lavée de la faute originelle et de ses fautes ultérieures, et l’accession au Paradis rendue possible.
20 Jeffrey Hamburger, « Vision and the Veronica », The Visual and the Visionary Art and Female Spirituality in Late Medieval Germany, New York, Zone books, 1998.
21 Sixten Ringbom, Les images de dévotion (xiie-xve siècle), Paris, Gérard Montfort, 1995 ; Erwin Panofsky, Peinture et dévotion en Europe du nord à la fin du Moyen Âge, Paris, Flammarion, 1997 ; Hans Belting, L’image et son public au Moyen Âge, Paris, Gérard Montfort, 1998.
22 Maître du Rhin moyen, Le Jardin du Paradis, vers 1420, 26 x 33 cm, Francfort-sur-le-Main, Institut Staedel.
23 Gentile da Fabriano, Annonciation, 1425, 41 x 49 cm, Rome, Pinacothèque vaticane.
24 Barthélémy d’Eyck, Annonciation, 1443-5, Aix-en-Provence, église du Saint-Esprit.
25 L’Apocalypse dit que pour accéder au Paradis il faut revêtir une robe blanche (Ap III, 4 ; XXII, 14). Dans Le Couronnement de la Vierge d’Enguerrand Quarton les élus sont vêtus de tenues ecclésiastiques ou portent des manteaux de cérémonie de couleur.
26 Jacques Dupont et Cesare Grudi, La peinture gothique, Genève, Skira, 1954, p. 184.
27 L’art gothique favorise l’exactitude figurative qui ne cesse de s’accroître au fil du temps et la peinture flamande, dont l’influence s’exerce fortement sur les peintres de l’École d’Avignon, la porte à son apogée.
28 Anonyme, Annonciation, c. 1390, 34 x 25 cm, Cleveland (Ohio), coll. Arthur Sachs.
29 Yves Bonnefoy, La stratégie de l’énigme, Paris, Galilée, 2006.
30 Sans doute encore une conséquence de la définition aristotélicienne du lieu comme attribut de la personne et une façon subtile de relier le buisson-couronne d’épines à celui qui la portera.
31 Enguerrand Quarton, Le Couronnement de la Vierge, 1453, 183 x 220 cm, Villeneuve-les-Avignon, Musée Pierre de Luxembourg.
32 Cette question fut l’un des sujets débattus en 1438-9 au concile de Ferrare-Florence, qui avait pour but de rétablir l’unité entre les Églises latine et orthodoxe.
33 Nicolas Poussin, Les bergers d’Arcadie, 1638-40, 85 x 121 cm, Paris, Musée du Louvre.
34 Virgile, Bucoliques, I, v. 84.
35 Le Tintoret, Couronnement de la Vierge, dit Le Paradis, esquisse de la décoration du plafond de la salle du grand conseil du palais des doges de Venise, 1564, remanié vers 1582, 143 x 362 cm, Paris, Musée du Louvre.
36 Voir Stéphane Guégan, « Le Paradis de Tintoret. Un concours pour le Palais des Doges », La tribune de l’Art, 14 février 2006 ou La notice du tableau mise sur internet par le musée du Louvre : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-couronnement-de-la-vierge-0.
Auteur
Aix-Marseille Université LESA EA 3274
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