Chapitre 4. La diplomatie évangélique des Valois
p. 89-122
Texte intégral
1Dans une péninsule italienne de plus en plus sous l’hégémonie de l’aile impériale, l’ambassade française à Venise restait un lieu clef de la diplomatie de François Ier et de cette « Italie du roi Très Chrétien », qui ne cessait d’exister malgré tout. Mais il s’agissait aussi d’un laboratoire culturel et religieux : on y rencontre des théologiens, des experts du judaïsme, des humanistes fascinés par la cabale, des passionnés de l’Antiquité grecque, des lettrés, des espions et des prédicateurs en odeur d’hérésie. Tout au long du Seizième siècle se succèdent des « ambassadeurs évangéliques » de François Ier, d’Henri II et de Catherine de Médicis, presque toujours issus du cercle de Marguerite de Navarre, étroitement liés aux milieux hétérodoxes italiens et critiques envers la papauté. Autour de diplomates expérimentés comme Ludovico di Canossa, Lazare de Baïf, Georges de Selve, Guillaume Pellicier, Arnauld Du Ferrier, Paul de Foix, l’on retrouve également des figures moins connues, mais très influentes dans le contexte vénitien, comme Antonio Brucioli, Giovan Gioachino da Passano, les frères Cosimo et Giovan Battista Pallavicini, François Perrot, Pierre Danès. Au-delà de leurs charges diplomatiques, ces hommes s’occupèrent d’une divulgation systématique du message évangélique auprès des classes les plus humbles de la société à travers la presse et la vulgarisation des textes sacrés.
2L’ambassade à Venise était alors un lieu de référence pour les jeunes étudiants français envoyés à l’Université de Padoue pour perfectionner leur formation : avec l’expertise politique et culturelle, c’est aussi un ensemble de valeurs spirituelles qui sont transmises à ces hommes, destinés aux plus hautes charges au service de la couronne, comme le montre le cas de Michel de L’Hôpital et de Philippe de Mornay1. En déplacement permanent, habitués à traverser constamment les frontières étatiques, les barrières confessionnelles, les clivages culturels et religieux, ces hommes au service de la couronne furent les acteurs de la circulation européenne des savoirs, des idées, des livres et des objets. Tout comme celle du marchand, du banquier, du fugitif, de l’exilé religionis causa, de l’artiste et du voyageur, la figure du diplomate mérite donc le statut de « médiateur culturel », de « filtre humain » des échanges et des rencontres entre différentes traditions, cultures et civilisations dans l’Europe du xvie siècle. Ici, parmi la variété des statuts du diplomate, nous retiendrons surtout son rôle d’agent religieux, membre d’un réseau évangélique international.
3Figure fondamentale du règne de François Ier, Marguerite d’Angoulême, sœur du roi, a toujours attiré l’attention des spécialistes de littérature. Cependant, son rôle en tant que personnage de pouvoir aux côtés du monarque a été longtemps sous-estimé. Femme de culture, Marguerite était aussi une femme de pouvoir, d’intrigues et de relations diplomatiques au niveau européen. Elle constitua un réseau d’agents à travers tout le continent, grâce auquel elle recueillait des informations et tentait d’orienter les choix politiques du roi. En 2009, le chercheur américain Jonathan A. Reid a jeté une lumière nouvelle sur cette organisation au travers d’une étude très détaillée dans laquelle il montre que la dimension religieuse/évangélique constitue le ciment à partir duquel se nouent ces relations2. Au centre de la politique de Marguerite et de ses fidèles, on aperçoit la tentative de favoriser une réforme de l’Église de France et plus généralement du catholicisme, selon l’enseignement du théologien et humaniste picard Jacques Lefèvre d’Étaples. Cette orientation à mi-chemin entre Rome et Wittenberg exerça pendant tout le règne de François Ier une grande influence sur les hautes sphères du pouvoir monarchique. Il faudra attendre la mort de son principal représentant politique, Marguerite, pour qu’elle perde sa centralité au profit de deux partis plus extrémistes : d’une part, les tenants d’un catholicisme plus intransigeant et intolérant ; de l’autre, les disciples de Luther et Calvin, qui conflueront dans les rangs des huguenots au moment des guerres de religion.
4En travaillant sur l’extension, au-delà des frontières du royaume, du réseau évangélique de Marguerite de Navarre, on repère, dans la succession des ambassadeurs du roi à Venise, un fil conducteur constant, relatif au projet politico-religieux et aux inclinations culturelles, littéraires et spirituelles. Plus que leur engagement politico-diplomatique, la relecture de leur correspondance nous permet de reconstruire leur réseau de relations à la cour et dans la péninsule italienne. Contraints de vivre, des années durant, en terre étrangère, ces représentants du roi surent très bien s’intégrer ; ils nouèrent des liens avec les patriciens, les artisans, les marchands, les imprimeurs, les prédicateurs ou les artistes de la société vénitienne ou romaine. Il s’agit de gentilshommes italiens tels que Ludovico di Canossa et Giovan Gioachino da Passano, ou d’aristocrates français comme Lazare de Baïf, Georges de Selve, Georges d’Armagnac, Guillaume Pellicier, Jean de Monluc et Jean de Morvilliers, ou encore Claude d’Urfé. Au fond, tous ces représentants du souverain partagent le fait d’avoir été sélectionnés en fonction de leurs mérites culturels ou religieux, prioritaires par rapport à leurs aptitudes et compétences diplomatiques3.
5 Ce fut avec François Ier que devint systématique le choix d’envoyer comme ambassadeurs en Europe, et surtout dans la péninsule, des lettrés et des humanistes. Parmi les nombreuses activités exercées au service du roi, le recueil de manuscrits de l’Antiquité et de livres fraîchement imprimés, destinés à enrichir la bibliothèque de Fontainebleau, occupait une place considérable. Cette « promotion par la culture » avait toutefois un avantage plus politique, celui de faciliter l’accès de ces hommes au sein de l’élite culturelle et sociale de la péninsule. Ce n’est pas un hasard si les ambassadeurs du roi réussirent à mettre au service de la couronne de France de nombreux lettrés italiens intéressés aux riches prébendes de François Ier. Les locataires de l’ambassade se distinguaient donc tous par des dispositions culturelles semblables. Bon nombre d’entre eux étaient de véritables humanistes et érudits, passionnés d’Antiquité, collectionneurs de livres grecs, arabes et hébreux, ainsi qu’amateurs d’art. Pendant leur séjour à Venise dans les années 1530, Baïf et Selve entreprirent la traduction des œuvres des tragiques grecs et de certaines vies de Plutarque à partir du texte original ; Baïf se consacra également à l’étude de l’hébreu sous la houlette savante d’Elio Levita et il tenta de persuader Michel-Ange de venir vivre à la cour de France. Un groupe fourmillant d’humanistes, de lettrés, d’architectes et d’artistes intéressés au patronage de ces riches seigneurs et fortement attirés par l’orbite française se constitua autour de l’ambassade. Parmi eux se distinguent les noms de Tiziano Vecellio, Pietro Aretino, Luigi Alamanni, Antonio Brucioli, Giulio Camillo Delminio et Sebastiano Serlio, mais aussi de personnalités françaises telles que Guillaume Postel ou Pierre Danès. Ce dernier accompagnera dix ans plus tard d’Urfé à Trente, ce qui ne fait que confirmer la longue durée de certains penchants culturels et spirituels au sein de la diplomatie française en Italie.
6Indéniablement des hommes de culture, ces ambassadeurs étaient également impliqués sur le plan religieux. La deuxième caractéristique récurrente de ces hommes concerne leur appartenance aux hiérarchies ecclésiastiques. Bon nombre des envoyés du roi dans la péninsule furent des « prélats d’État » : des hommes d’Église, le plus souvent des évêques, dont le souverain disposait comme de ses agents, sans devoir leur trouver directement une source de revenus, mais pouvant tirer profit de leur profil intellectuel et culturel élevé et de leurs réseaux de relations à la curie romaine, autrement difficilement accessible. L’étude de la biographie de ces évêques au service de la couronne nous révèle leur affiliation commune au réseau évangélique de la sœur du roi, Marguerite de Navarre. Avant d’être envoyés dans la lagune, ils s’étaient formés lors des années précédentes au contact du mouvement de l’évangélisme français dirigé par Lefèvre, Marguerite et les frères Jean et Guillaume du Bellay. À la base de ce Navarrian Network – c’est ainsi que l’entourage de la reine de Navarre a été défini par Jonathan A. Reid –, il existait un substantiel projet de réforme de l’Église française. Ce projet avait incorporé certains points théologiques de la révolte luthérienne – notamment la doctrine de la justification par la foi et l’exigence d’un culte simplifié et affranchi de superstitions inutiles –, tout en s’inscrivant encore dans le cadre ecclésiologique traditionnel, sans en arriver donc à une rupture avec l’Église de Rome. Le fil conducteur du militantisme évangélique traverse les premières décennies du xvie siècle et caractérise, sur le plan politique comme sur le plan religieux, les différents représentants du roi qui se succèdent à Venise. L’ambition était celle de construire une alliance anti-Habsbourg : orchestré par les du Bellay et Marguerite et mis en pratique par leurs hommes dans la péninsule, ce projet aurait réuni le schismatique Henri VIII, les princes protestants allemands, les États italiens, la Hongrie turcophile de Jean Zápolya pour aller jusqu’à inclure l’Empire ottoman. Un projet politique audacieux auquel s’opposèrent les conseillers les plus conservateurs et religieusement orthodoxes du roi dont faisait partie le puissant Anne de Montmorency, avocat de la paix avec les Habsbourg à des fins antiturques et antiprotestantes.
L’évêque ambassadeur d’Holbein : Georges de Selve
7Que l’histoire de l’évangélisme en Europe ne se compose pas seulement d’histoires parallèles, mais plutôt d’histoires croisées, cela apparaît évident quand on s’interroge sur la trajectoire biographique de certains de ses acteurs. Les exemples de Federico Fregoso et de Ludovico di Canossa, deux italiens qui passèrent une partie importante de leur vie à la cour de France et dans les milieux évangéliques fabristes, nous ont bien prouvé l’existence de ces liens croisés entre la France et l’Italie. Tous deux jouèrent sous le règne de François Ier un rôle de premier plan dans l’établissement de liens entre le cercle de Marguerite de Navarre et celui du cardinal Contarini à Rome. Un autre cas, peu exploité par les historiens, de médiateur entre les deux contextes est celui de Georges de Selve, un jeune ambassadeur de François Ier en Italie, à Venise et à Rome, plus connu pour le portrait qu’en a laissé Hans Holbein le jeune dans son énigmatique tableau Les ambassadeurs, plutôt que pour son œuvre et son action politique et religieuse. Toutefois comme l’ont révélé les études les plus perspicaces sur le chef-d’œuvre d’Holbein, à travers l’image de Selve et de l’autre ambassadeur du tableau, Jean de Dinteville, le peintre allemand prétend représenter non seulement des gentilshommes du milieu du Seizième Siècle, mais aussi des partisans de la paix politique, militaire, et surtout religieuse à une époque où la Réforme protestante et le schisme anglican viennent de déchirer la chrétienté occidentale4.
8Georges de Selve est le fils de Jean de Selve, premier président du parlement de Paris qui joua un rôle important dans la négociation pour la délivrance du roi lors de sa captivité en Espagne après la défaite de Pavie5. Jean décide de confier l’éducation de son fils à Marguerite de Navarre, dans le cercle de laquelle Georges se forme. Grâce à la protection de la sœur du roi et malgré son jeune âge il est envoyé comme ambassadeur dans des contextes difficiles : la cour d’Henri VIII à l’époque du divorce, et la République de Venise à partir de 1534. Auprès de la Sérénissime il restera trois ans, avant de se rendre à la cour romaine de Paul III en 15376. Au-delà de son activité diplomatique ou d’espionnage ou encore culturelle, qui l’occupe dans la lignée de ses prédécesseurs7, il est intéressant de souligner les amitiés que Selve noue dans les milieux de l’évangélisme italien, à Venise puis à Rome8. La correspondance d’un autre jeune prélat, l’évêque de Fano Cosimo Gheri – un protégé d’influents prélats italiens tels que Gasparo Contarini, Federico Fregoso et Ercole Gonzaga – nous informe de ses rapports avec l’ambassadeur du roi à Venise9. C’est probablement au contact avec ce monde d’évêques italiens sérieusement engagés dans la réforme pastorale de leur diocèse que mûrit la décision de Selve d’abandonner progressivement l’activité diplomatique pour se retirer dans son évêché de Lavaur, où il passera, en tant que prélat résident, les derniers mois de sa vie entre 1540 et 1541.
9L’influence du cercle de Contarini se reconnaît également dans les choix politiques et théologiques du jeune évêque à l’occasion des tentatives de conciliation entre protestants et catholiques. À ce propos deux documents, tirés de l’édition de ses écrits publiés après sa mort10, semble illustrer mieux que d’autres l’existence de contacts et d’influences réciproques entre les deux évangélismes dans les années qui précédèrent le Concile de Trente. Dans le discours qu’il tient devant les autorités impériales en 1540 – à l’occasion des colloques de religion organisés en vue d’un compromis entre protestants et catholiques – Selve, qui est l’envoyé du roi de France, dans la continuité de l’action diplomatique du groupe de Contarini, prône la concorde et la paix religieuse. Il insiste sur la présence de « bons » dans les deux camps : « Nous en voyons de bons et de bien vivants, et en l’une et en l’autre part […] nous appellerons les uns bon zélateurs, les autres simulateurs de bon zèle11 ». Il n’est donc, en ce sens, aucunement surprenant qu’un ancien membre du cercle de Lefèvre passé à la Réforme, Guillaume Farel, suggère, dans une lettre, à Calvin de s’adresser à Selve comme possible référant dans le monde catholique, au nom d’une même sympathie évangélique12.
10Mais par rapport à l’intransigeant leader de la réforme genevoise, farouchement hostile à toute tentative d’accord, Selve souhaite que dans le monde catholique aussi bien que dans le monde protestant la « partie saine », c’est-à-dire les partisans du dialogue, parvienne à s’imposer, et il invite à discerner parmi les adversaires du catholicisme romain « lesquels sont lesquels », conscients que même parmi les protestants plusieurs positions subsistent. Pour « donner remède à cette maladie » – ajoute encore Selve – il faudrait « faire dominer la bonne intention en l’une part et en l’autre13 ». Sa démarche est justement celle de faire des distinctions, de rechercher des interlocuteurs dans le camp adverse plutôt que de ranger tous les protestants sous une seule étiquette. La même stratégie sera adoptée à Ratisbonne, un an plus tard, par Contarini et Melanchthon. Une stratégie qui passe, bien évidemment, par une admission des fautes de la papauté, et de ce que Selve appelle l’« irréligion des chefs de l’Église », responsable d’avoir permis que « le temple de Dieu » soit devenu une « spelunque de larrons14 ». Selve accepte alors une partie des critiques venant d’Allemagne sur le plan moral mais également sur le plan théologique. Toutefois le jeune ambassadeur du roi ne s’aligne jamais sur les positions des luthériens : à propos du sacrement de la pénitence et du libre arbitre il reprend les arguments modérés de Contarini15 ; ce qui nous révèle à quel point il connaissait les débats internes au monde italien sur ces sujets et les textes qui y circulent à cette époque16. La rencontre entre la théologie des fabristes et celle des évangéliques italiens apparaît de manière évidente à propos de la recherche d’un compromis entre libre arbitre et justification par la foi seule, avec une accentuation de la centralité de la grâce dans le processus du salut, mais sans renoncer, à cause de cela, à la liberté et à la dignité de l’homme, deux principes chers aux humanistes de la Renaissance.
11L’autre document qui atteste une influence du monde italien sur ses démarches réformatrices est une lettre que Selve écrit, probablement de Venise, en 1537. Il s’adresse à un prédicateur de Lavaur, un certain François, pour l’instruire sur la manière de prêcher la Parole de Dieu et l’Épître aux Romains de saint Paul17 :
Ceux qui ne reçoivent point leur doctrine s’animent contre leur prescheurs, les tiennent pour hérétiques et se picquent tellement en cela, que cuidants fuir la mauvaise doctrine, ils fuyent pareillement la bonne : de sorte que le nom de la grâce de Iesus Christ leur devient presque odieux. Et de la procède la confusion que nous voyons auiourd’huy à la Chrestienté, s’estants les auditeurs partialisez de sorte, que si un prescheur parle auiord’huy de vivre en obedience ou de faire les œuvres commes nécessaires pour la vie éternelle, une partie du monde crie apres, et dict que c’est un papiste, et iusticiaire. S’il presche le salut par Iesus Christ, et la rédemption des pechez, une autre partie du monde crie que c’est un luthérien, et un seminateur de mauvaise doctrine : comme je l’ay veu advenir par delà, et icy mesmes depuis peu de jours, que quelques religieux qui preschoient à Padoue, gents d’excellente doctrine et de vie conforme, pour prescher la grâce, ont esté nommez pour luthériens : là où il se trouve qu’ils ne leurent jamais livres de Luther, ne de nul de ses adhérents18 ».
12Il est remarquable que Selve fasse référence à un épisode tiré du contexte italien : à Padoue pendant l’été 1537 s’était en effet déclenchée une polémique autour de la prédication du moine bénédictin Marco da Cremona, que les partisans de l’intransigeance catholique avaient accusé de trop insister sur la grâce et sur la justification par la foi seule. À cette occasion Gasparo Contarini19, Gregorio Cortese et les autres membres de l’évangélisme italien avaient pris sa défense20. Dans sa lettre Selve, en reprenant presque mot à mot les positions de Contarini21, plaide en faveur de l’activité du bénédictin et invite son propre prédicateur de Lavaur à s’inspirer de cet exemple louable.
13L’élément à retenir est donc la volonté que Selve affiche déjà à cette date de fonder le renouvellement de la vie religieuse de son diocèse sur la prédication de la grâce de Dieu et de la justification par la foi seule, en polémique avec les partisans d’un catholicisme intransigeant et conservateur, ennemi de toute innovation. Lors de son premier sermon à Lavaur en effet Selve souligne que : « Il n’y a autre moyen que la foy sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu ». Et puis il ajoute : « ceste foy […] c’est croire et veritablement assentir aux promesses de Dieu, et avoir asseurance dessus, tant pour les choses passées et graces que nostre seigneur nous ha ia faictes, en nous faisans racheter par son fils, comme de tout ce qu’il nous promet et en ceste vie et en l’autre, mettant en arrière touts les discours que notre raison vouldroit faire alencontre22 ». Une formule qui par bien des aspects correspond à ce qu’on peut lire dans les œuvres du cardinal Fregoso23 ou dans le Tratato del Beneficio di Cristo, qui sera publié une première fois trois ans plus tard, en 1543 à Venise24. Et surtout une formule qui rend inacceptable la définition que tout récemment l’on a voulu donner de Selve comme d’un représentant d’un soi-disant « évangélisme contre-Réformateur25 ». Une définition qui ne semble pas très utile là où elle cherche à unir deux concepts bien opposés et à annuler la fracture interne au campcatholique, alors que Selve lui-même – nous l’avons montré – distingue clairement deux âmes en contraste à l’intérieur du catholicisme : les « bons zélateurs » d’un côté et les « simulateurs de zèle » de l’autre.
Les « bons services » de Monseigneur de Vaulx
14Un autre diplomate au service de la couronne qui mérite notre attention pour les implications religieuses de son profil, un italien dans ce cas, est Giovan Gioachino Da Passano26. Son parcours d’accès à la cour n’apparaît pas très différent de celui de Canossa ou de Fregoso, ses compagnons d’exil : génois de naissance, il est au service du gouverneur de Gênes, Ottaviano Fregoso, qui l’envoie en tant qu’ambassadeur à la cour de France à partir de 151627. En 1522, au moment du sac de la ville et de la capture d’Ottaviano, il se réfugie en France à la suite de son ami et mécène, l’archevêque de Salerne et de Gubbio Federico Fregoso, frère du gouverneur. Il entre, lui-aussi, bientôt en contact avec le cercle de Lefèvre et noue des liens d’amitié avec Louise de Savoie et la duchesse d’Alençon, Marguerite d’Angoulême. Malgré le choix de son patron, Federico Fregoso, d’abandonner la vie politique après la bataille de Pavie28, Da Passano décide de rester à la cour et de renforcer ses liens avec le puissant Florimond Robertet29.
15À partir de l’été 1524 Louise l’utilise comme ambassadeur secret auprès du roi d’Angleterre et lui confie la délicate mission de rapprocher les deux pays en opposition à l’empereur. C’est l’occasion pour le gentilhomme génois de montrer son habilité diplomatique en collaboration avec Jean Brinon, autre homme étroitement lié à Marguerite et Louise : ayant pris contact avec le tout-puissant cardinal Thomas Wolsey, c’est avec ce dernier qu’il parvient au mois d’août 1525 à un accord de paix, assez avantageux pour la France dans un moment aussi délicat pour le royaume, privé de son souverain30. Un des atouts de Da Passano était sans doute sa grande mobilité : après avoir fait plusieurs allers-retours entre la France et Londres pour assurer à Henri VIII que François Ier ne respectera pas le traité de Madrid, il est envoyé en Italie à la suite de l’armée du vicomte de Lautrec31. On le retrouve un peu partout : à Venise où il se confronte avec l’ami Canossa32, à Ferrara où il négocie avec l’ambassadeur vénitien Gasparo Contarini le ralliement du duc à François Ier et organise le mariage entre Renée de France et Ercole d’Este33, à Naples avec les troupes françaises34, à Viterbe auprès du pape prisonnier35, à Gênes pour chercher à éviter la trahison d’Andrea Doria36. Dans sa ville natale il joue, entre autres, un rôle de premier plan dans l’avancement de la réforme des institutions républicaines : c’est en effet surtout grâce à sa médiation auprès de François Ier, bien plus qu’à celle d’Andrea Doria, qu’il fut possible à la communauté génoise de conclure la réforme de 1528, qui restitua à la ville une certaine stabilité37.
16Il s’installe ensuite à Venise où il prend progressivement la place de Canossa non seulement comme ambassadeur, mais aussi en tant que responsable de la politique italienne des Valois et des rapports avec les cours de la péninsule38. Encore homme du roi, Da Passano a un profil de technicien qui présente plusieurs spécialisations : tout d’abord il garde une influence considérable sur les milieux génois liés à la famille Fregoso, et la ville ligurienne était d’une importance capitale pour le contrôle du Milanais et de toute l’Italie du Nord. L’autre élément qui rend Da Passano particulièrement précieux aux yeux de François Ier est sans doute sa connaissance dans le domaine financier : ses rapports avec les banquiers de sa ville natale39, mais aussi florentins et lucquois, en font un agent financier de premier ordre40. C’est en effet lui qui est chargé d’organiser un réseau international de créanciers destiné au financement des guerres du roi, et c’est toujours Da Passano qui gère personnellement les paiements des pensions anglaises41.
17Pendant ces mêmes années, notamment après la débâcle de Pavie, Guillaume et Jean Du Bellay revêtent un rôle de plus en plus important dans la diplomatie de la couronne. Il n’est donc pas surprenant de constater la collaboration entre les Du Bellay et Da Passano, plus âgé et plus expérimenté, dans le contexte anglais aussi bien que dans le contexte italien. Plusieurs éléments les rapprochent : tout d’abord, le partage d’une identique politique européenne, centrée sur une opposition radicale à un accord avec l’empereur, et, au contraire, favorable, sur le plan militaire et théologique, aux négociations avec les protestants42 ; ensuite l’amitié avec Marguerite de Navarre et la fréquentation à la cour des mêmes milieux évangéliques ; et enfin l’hostilité à l’égard du chancelier conservateur Antoine Duprat43 et du doyen de la Faculté de Théologie de la Sorbonne Noël Béda44. Jean, qui succède à Da Passano en tant qu’ambassadeur en Angleterre en 1527, le cite à plusieurs reprises dans sa correspondance45, et, en décembre 1529, affiche sa satisfaction de devoir le remplacer à nouveau à Londres. Il dit en effet en s’adressant à Montmorency :
Cepandant, quelque bonne chiere qu’on leur puysse faire, ne passera poinct celle qu’on me faict icy dont je croy qu’on ne diminuera riens a monsr de Vaux pour y être si bien voulu qu’il est ; mais j’ay grant envye suz luy qu’il viendra au temps que les cérémonies sont converties en bonnes chieres et que beaucoup plus y a d’augmentation de bonnes voulentés que de diminution46.
18La satisfaction de Du Bellay s’explique aisément : Da Passano représente une garantie de continuité en matière de politique anglaise de la part de la couronne de France ; il n’est donc pas surprenant de constater que, tout au long de l’année suivante, le gentilhomme génois continue de collaborer avec Guillaume Du Bellay à propos de l’affaire du divorce du roi et des négociations d’alliance entre la France et l’Angleterre47. Da Passano reste à Londres pendant deux ans encore comme ambassadeur résident, mais conserve, à son retour en France, une aura de fin connaisseur des questions anglaises : c’est en effet bien lui qui accompagne Jean Du Bellay et l’ambassadeur d’Henri VIII à Lyon au mois de juillet 153348. C’est à ce moment-là que Da Passano, bien qu’ayant atteint un certain âge, prend la décision de se marier avec la très jeune Caterina Sauli, et se retire à Padoue49. Sa décision met un terme à ses voyages frénétiques à travers l’Europe mais ne représente cependant pas la fin de son service auprès du roi. Venise n’est en effet pas très loin, et, pendant la période qui va de 1534 à 1542, le génois devient un agent permanent du roi dans le territoire de la Sérénissime, où il accueille et conseille les jeunes ambassadeurs envoyés de France (Selve, Armagnac et, plus tard, Pellicier), mais où, à l’occasion, il assume directement le rôle de représentant de la couronne, comme c’est le cas d’avril à août 153950.
19Les lettres qu’échangent ces diplomates français dans la péninsule montrent bien le rôle central de Da Passano dans les affaires italiennes du roi51 : comme cela avait été le cas pour Canossa, le but principal de sa politique est de brouiller les rapports entre la République de Venise et l’empereur, afin de parvenir à rapprocher de la France la Sérénissime, et, derrière elle, les autres États de la péninsule. Mais son dessein stratégique ne se limite pas à cela. Da Passano joue aussi un rôle prépondérant dans les relations avec la Sublime Porte : c’est en effet lui qui pousse le roi à demander au sultan ottoman de faire preuve de bonne volonté à l’égard de Venise par l’envoi d’un ambassadeur52, et c’est toujours lui qui sélectionne et conseille les représentants de la France envoyés en Orient53, notamment Antonio Rincón et Cesare Cantelmo54. Pendant l’été 1540, au moment le plus délicat pour la politique orientale de royaume de France, c’est Da Passano en personne qui est chargé de se rendre auprès du Sultan pour l’induire à conclure la paix avec Venise55.
20De même, le génois joue un rôle de premier plan à l’intérieur de la péninsule italienne : qu’il s’agisse de l’affaire de Florence56 et de Gênes en 153757 ou des rapports avec la papauté58. En 1535, Jean Du Bellay, qui est resté en d’excellents rapports avec Da Passano malgré l’éloignement géographique59, s’adressant de Rome à François Ier, souligne le poids exercé par une lettre de Da Passano, dans la prise de décision du pape :
Aussi sire, nous avons continué de faire instance a Sa Saincteté qu’elle se feist entendre aux Veniciens et pour luy induire, entre plusieurs aultres bons advis, nous luy avons monstré une lettre de Jehan-Joachin, dont nous vous envoyons le double60.
21À Venise le génois n’est pas seulement un conseiller très écouté61, il est aussi au centre d’un réseau d’espions au service de la France qui sera découvert et démantelé seulement en 154262. C’est en effet lui qui est chargé de sélectionner les agents au service de la couronne63 et qui suggère aux ambassadeurs français de se garantir l’appui de certains sénateurs vénitiens à travers le paiement de pensions régulières, un procédé déjà employé avec succès à la cour du roi d’Angleterre64. Son principal collaborateur est le patricien vénitien Giovan Francesco Valier65, déjà signalé aux ministres de François Ier au cours de la décennie précédente par Canossa66 et ensuite devenu une source de renseignements incontournable pour les ambassadeurs français à Venise67. L’exploitation de ce réseau d’informateurs de la part de Georges d’Armagnac et surtout de Guillaume Pellicier, dans le cadre des alliances diplomatiques avec la Porte et de la tentative de rapprochement entre la France et Venise au début des années 40, montre bien l’importance pour le roi d’avoir à son service des Italiens bien expérimentés et introduits dans les milieux de l’aristocratie vénitienne, en mesure, à tout moment, d’influencer les décisions du Conseil des Dix.
22Le cas de Valier est d’autant plus intéressant qu’il met en évidence la continuité non seulement de la ligne politique, mais aussi du personnel recruté, entre la période Canossa et la période Da Passano. D’ailleurs le réseau d’espions semble être déjà bien en place et opérationnel en 1529, comme le suggère une lettre d’un agent génois de Da Passano, Federico Grimaldi : en s’adressant au vénitien Agostino Abbondio, un autre personnage-clé de l’espionnage français en Italie, qui accompagnera Valier au bûcher en 1542, Grimaldi relate des informations très pointues sur la situation militaire et politique de Gênes68, ville assujettie depuis peu à Charles Quint par le biais d’Andrea Doria69. Au réseau d’espions français appartient aussi un membre important de l’aristocratie vénitienne, Maffeo Bernardo, qui semble jouer un rôle de premier plan dans les rapports avec Constantinople70, où le mènent, entre autres, ses intérêts commerciaux. Bernardo, qui sera condamné à mort par le Sénat vénitien pour avoir fourni au roi de France des informations réservées de la Sérénissime71, entretient des relations d’amitié avec Da Passano au moins à partir de 1533, quand on le retrouve invité à dîner dans la résidence londonienne du patricien génois72.
23Da Passano fut donc un rouage fondamental du réseau d’espionnage et diplomatique de la couronne de France pendant plusieurs décennies ; mais, au-delà de son rôle politique, sa présence à l’intérieur de cette galerie d’ambassadeurs évangéliques s’explique par ses inclinations spirituelles. Comme cela avait été le cas pour Canossa, l’appartenance au Navarrian Network de Marguerite de Navarre de la part de Da Passano est sans doute un des éléments-clés qui lui permit de faire une carrière remarquable au sein de la diplomatie française, en dépit de son origine étrangère. À l’intérieur de ce réseau évangélique européen le génois fut un des acteurs non secondaires73. Da Passano n’était, certes, pas un homme d’Église, mais sa position spirituelle peut se retracer en partant de plusieurs indices qu’il est possible de repérer. Au cours des années 40, il demande à un ami humaniste, Bernardino Tomitano, de traduire en italien un texte d’Erasme. À ses frais le génois finance l’impression d’un bon nombre d’exemplaires de cette œuvre qui est publiée à Venise en 1547 sous le nom du traducteur, qui sera par ailleurs pour cela inquiété par l’Inquisition quelques années plus tard, et ayant pour titre Espositione leterale del testo di Matheo evangelista74.
24L’insistance dans l’introduction au texte sur la doctrine du « sola fide » et sur la centralité de l’Évangile, aussi bien que le recours à une terminologie qui semble reprendre des expressions de Lefèvre et des siens – il suffit de penser au terme de « fede viva », ou « foy vive » que l’on retrouve si souvent dans les textes du réseau de Marguerite de Navarre – mais aussi le choix prudent de renoncer au nom d’Érasme, un auteur considéré à cette date comme hérétique par les milieux les plus conservateurs de l’Église, et le projet, inachevé, de faire traduire et imprimer encore d’autres œuvres de l’humaniste de Rotterdam, laisse apercevoir une adhésion non superficielle du gentilhomme génois aux milieux hétérodoxes du nord-est de la péninsule. D’ailleurs, le projet éditorial démontre une intention explicite de propagande évangélique sur grande échelle visant à influencer le débat conciliaire et le conflit interne à l’Église entre le parti des « spirituali » et celui des intransigeants.
25En effet Da Passano, tout comme Canossa et plusieurs autres partisans du roi en Italie, est lié au parti évangélique à l’intérieur de la curie, favorable à une réconciliation avec le monde protestant. Il suffit de penser aux rapports qu’il entretient avec le cardinal vénitien Gasparo Contarini75, le bénédictin Gregorio Cortese76, et l’humaniste Pietro Bembo77, lui aussi cardinal à la fin de sa vie, mais surtout avec Federico Fregoso. Leur amitié remontait à la période génoise et aux premières années en France au début des années 20, et resta très forte jusqu’à la mort du cardinal Fregoso, comme le témoigne le testament rédigé par Da Passano en 154078. Il n’est pas anodin de rappeler que la fille de Da Passano, Isabella della Frattina, et sa femme, Caterina Sauli, furent suspectées d’hérésie au cours des années 60 avec l’imputation d’avoir organisé et soutenu financièrement un réseau assez consistant d’hétérodoxes de toute sorte. Les deux femmes s’étaient formées spirituellement sous le guide d’amis évangéliques de Giovan Gioachino, qui, de son vivant, les avait introduites à des positions doctrinaires bientôt considérées par l’Église comme hétérodoxes. Il est encore intéressant à ce propos de remarquer le rôle joué par Da Passano lui-même en faveur de certains luthériens anglais qu’il avait aidé à s’enfuir en France lors de son ambassade à la cour d’Henri VIII79, et le soutien qu’il avait accordé aux protégées hétérodoxes de la duchesse de Ferrare, Renée de France.
26Mais il ne faut, en aucun cas, penser à Da Passano comme à un individu qui agit en solitaire : il appartient, on l’a dit, à un réseau plus ample, celui des frères Du Bellay et de Marguerite de Navarre. Si le discours tient sur le plan politique, il en est de même sur le plan spirituel. Ses fréquentations vénitiennes, aussi bien que ses intérêts culturels et ses choix de conscience, sont partagés par bon nombre d’ambassadeurs qui se succèdent à cette période auprès de la Sérénissime80. Il n’est donc pas exagéré de parler de « diplomatie évangélique », car tous les ambassadeurs du roi qui se succèdent à Venise partagent les inclinations religieuses de Canossa, de Da Passano et de Selve, bénéficient également de la protection de la sœur du roi et sont proches des milieux évangéliques81. Lazare de Baïf, accueilli dans la Lagune par Da Passano en 152982, trois ans plus tard envoie à la reine de Navarre la version italienne de la Bible d’Antonio Brucioli, qui fut un instrument important pour la diffusion de sensibilités spirituelles hétérodoxes dans l’Italie des années 30 :
Madame, toutant les impressions de ceste ville je y ay esté assez malheureux en trois ans qu’il y a que suis icy Car depuis ce temps-là les aulteurs d’Alde ne aultres n’ont rien faict qui vaille sauf une bible en langaige tuscan, laquelle a esté tournée plus que nulle aultre precedante selon la verité hebrayque laquelle je vous envoye par ce porteur, vous suppliant me pardonner de quoy n’ay peu faire aultrement. Requerant qu’il vous plaise me faire ce bien et honneur me maintenir en votre protection et sauvegarde83.
27En 1534, Baïf s’engage dans la défense de « Joannem Gelichil », un gantier français venu d’Allemagne, accusé de propagande hétérodoxe par le nonce Girolamo Aleandro, membre de premier plan du parti conservateur84.
28Les successeurs de Baïf à Venise, Selve et Armagnac, peuvent – de tout point de vue – être considérés comme des créatures de Marguerite, dans le cercle de laquelle ils font leur apprentissage diplomatique et spirituel. Une fois envoyés dans la péninsule, c’est la reine de Navarre qui les oriente vers certaines fréquentations : tous deux sont très actifs dans le soutien des hérétiques, protégés par la duchesse de Ferrare, parmi lesquels le poète Clément Marot85 ; Armagnac instaure très tôt d’étroites relations avec Vittoria Colonna et les milieux évangéliques de la péninsule, à Venise comme à Rome86. Il en est de même pour Guillaume Pellicier, représentant de la couronne auprès de la Sérénissime de 1529 à 1542, qui sera plus tard gravement inquiété par des accusations d’hérésie87 mais qui, selon certains témoignages, déjà lors de son séjour italien se montre hostile à la papauté88, et s’appuie sur plusieurs personnages ambigus, notamment Pietro Strozzi89 et Vincenzo Maggi, secrétaire et collaborateur personnel de Da Passano90.
29Sous le règne de François Ier le recours à un personnel, que l’on peut considérer a minima comme « très ouvert » aux nouvelles idées religieuses est systématique et ne se limite pas à l’ambassade à Venise. La même logique de fidélité politique au royaume de France et d’adhésion à des positions religieuses hétérodoxes se retrouve, par exemple, dans le parcours biographique des frères Pallavicini : Giambattista dès la deuxième moitié des années 20 attire l’attention des autorités romaines à cause de ses prédications très proches des idées luthériennes, mais régulièrement il trouve le soutien politique de membres influents de la curie et parvient à conserver une certaine liberté de mouvement et de parole. Après un séjour à Venise, Giambattista, accompagné de son frère Cosimo, est accueilli à la cour de François Ier, où il reçoit « en récompense d’importants avis », fournis à l’occasion de la rencontre de Marseille, « 225 livres tournois91 » ; il est donc évident qu’il s’agit, dans son cas aussi, d’un informateur secret du roi en Italie92. Comme nous l’avons vu précédemment, à partir de 1534, sous la pression du parti conservateur à la cour, Pallavicini est arrêté à plusieurs reprises à cause de ses idées religieuses et de ses rapports avec le roi d’Angleterre93. Ce qui ne fait que confirmer le mélange constant qu’il existait à l’époque entre religieux et politique, et la circulation croisée des mêmes individus que l’on retrouve, d’un côté comme de l’autre des Alpes, constamment mêlés à des affaires diplomatiques ou spirituelles.
Reconstruire le réseau vénitien : l’ambassade de Jean de Morvillier (1547-1550)
30Depuis l’ambassade de Canossa à Venise dans les années 1520, les représentants de François Ier qui se succèdent à Venise parviennent à mettre en place un réseau solide d’informateurs : l’objectif étant d’acquérir le plus grand nombre d’informations possibles sur la situation politique de la République de Venise, sur les autres États de la péninsule et notamment sur tout ce qui concerne le Levant et les rapports avec les Turcs. Ils n’hésitent alors pas à recourir à la corruption et à l’espionnage pour s’assurer la fidélité de quelques patriciens de la Sérénissime, afin d’influencer les choix de la République vénitienne ou de s’approprier les dernières nouveautés concernant les projets de conquêtes du Sultan que les autorités avaient préféré ne pas leur dévoiler. Il existe une filiation d’un ambassadeur à l’autre, avec un passage régulier d’informateurs et de contacts : c’est grâce à des hommes proches de Da Passano que Guillaume Pellicier – représentant du roi dans la lagune de 1539 à 1542 – renforce considérablement la capacité française à percer le mur de silence érigé par les autorités vénitiennes à protection de leurs secrets d’État.
31Pendant le séjour de Pellicier, le réseau d’espions, actif depuis une dizaine d’années, se révèle d’une extraordinaire efficacité et permet aux Français de prévenir les alliées Turcs sur les intentions de Venise à leur égard. La découverte de l’existence d’un tel réseau en 1542 de la part des autorités vénitiennes comporte de lourdes conséquences pour les principaux responsables, pendus Place Saint-Marc, pour Pellicier qui est immédiatement rappelé en France, et plus largement, pendant plusieurs mois, sur les rapports diplomatiques entre la République et les Valois. François Ier choisit d’envoyer comme remplaçant Jean de Monluc, précédemment employé à Rome, dont l’éloquence et une bonne connaissance de l’italien seront particulièrement appréciés par les sénateurs vénitiens. Mais Monluc quitte assez rapidement Venise pour Constantinople où plus forts étaient à cette période les intérêts du roi et où se dessine l’alliance militaire avec le Sultan pour une attaque concertée entre Turcs et Français contre les territoires des Habsbourg dans la péninsule. De fait, depuis le départ de Pellicier l’ambassade de France à Venise perd progressivement sa centralité dans la politique étrangère de la monarchie.
32Lorsque Jean de Morvillier est envoyé à Venise à l’automne 1546 il doit faire face à une situation difficile : il est privé de tout référent et de tout contact en ville après une absence prolongée des représentants du roi, comme il le reconnaît lui-même dans une lettre adressée à l’amiral de France Claude d’Annebault le 24 janvier94 :
Les affaires d’un prince par cette longeur de temps perdent l’estime et la faveur de ceux avec lesquels on a eu intelligence et pratiques, ne se voyant entretenus perdent l’affection qu’ils ont eu de servir et se retirent ailleurs en sorte que jusques à présent je ne vois encore en qui me doy ni ne puisse fier en ce lieu. La foy de ceux que j’ay trouvez qui ont eu pratiques et conversations avec les autres ambassadeurs m’est suspecte entre les autres causes pour ce qu’ils sont mal contents et satisfaits : et incessamment me viennent faire leurs plaintes des promesses qu’on leur a faites sous lesquelles ils ont emploié leur temps et leur service, ont acquis plusieurs intimités, se sont mis en danger et du tout n’ont recueillis aucun fruit. En sorte que moy icy venu de nouveau sans l’expérience ni pratique du pays et des hommes je n’y ay trouvé aucun pour me dresser et instruire ni qui m’ait mis entre mains aucunes intelligences, ni pratiques, je n’ay trouvé homme de la fidélité et prudence duquel je me fusse osé fier pour me descouvrir et conseiller à luy95.
33Jusque-là les choses s’étaient passées de manière bien différente : avant de repartir pour la cour chaque ambassadeur résident avait pour coutume d’attendre son successeur et de l’instruire, pendant plusieurs semaines, sur les pratiques et les secrets du pouvoir vénitien. Exceptionnellement, en absence de l’ambassadeur en poste, le passage de consignes était assuré par un collaborateur résident de l’ambassade, par exemple Da Passano, qui en 1539 pendant quelques mois remplaça Armagnac et fut chargé d’accueillir Pellicier. Apparemment l’affaire de 1542 isola à tel point les Français qu’il ne fut plus possible d’assurer la relève. Le réseau mis en place pendant des années vola en éclats, et la tâche de Morvillier – par ailleurs à sa première expérience de diplomate – se compliqua. Mais les conséquences du refroidissement des rapports avec les vénitiens furent lourdes aussi sur le plan du recueil d’informations : autrefois cette activité fondamentale pour la politique étrangère du roi s’était fondée sur la fréquentation assidue des gentilshommes vénitiens dont il était possible « par honnestes offices » de « gagner le cœur et la bienveillance ». C’est ainsi que, « parlant familièrement » avec eux, les ambassadeurs du roi avaient pu « estre advertis et sonder les volontés, les délibérations, les desseins de ces Seigneurs96 ».
34En 1546 au contraire – glose l’ambassadeur avec amertume – « il n’y a gentilhomme ny autre cytoyen ayant qualité notable qui osast venir en ma maison ne me recevoir en la sienne sans expresse permission97 ». À l’isolement qu’il dut ressentir pendant les premiers mois, s’accompagne la nécessité pour Morvillier de s’accoutumer rapidement à un système de gouvernement atypique pour un aristocrate français : Venise était une république dans laquelle il existait plusieurs centres de pouvoirs et la prise de décision ne dépendait jamais d’un seul homme98. Il fallait donc du temps et de l’expérience pour se familiariser avec les règles, les habitudes et les lenteurs du pouvoir républicain99. Il est plus difficile encore de s’initier à l’attitude particulière des dirigeants de la Sérénissime, qui « traittent leurs affaires publiques comme leur particulières : c’est-à-dire en marchands et calculant jusques à un denier le gain et la perte100 ». « Merveilleusement bien advertis de toute partie, et sur les moindres nouvelles qu’ils reçoivent » les vénitiens souvent s’étaient montrés mieux informés que Morvillier lui-même sur les affaires de France qu’ils « scavent premièrement et plus particulièrement que nous101 ».
35Après plusieurs mois d’adaptation, Morvillier finit par apprendre à connaître ses hôtes, et surtout parvient à trouver sa place dans cette « Italie du roi Très Chrétien » qui – malgré l’affaire Pellicier et l’hégémonie de Charles Quint102 – ne cessait d’exister dans la péninsule. Sa correspondance régulière avec Ferrare, où Renée de France restait un point de repère pour les Français italianisants, et avec le gouverneur du Piémont, Giovanni Caracciolo, en fournit la preuve. ÀVenise le parti français était toujours incarné par le vieux Da Passano : en janvier 1547 l’ambassadeur se rend à Padoue pour rencontrer le cardinal de Guise et il en profite pour rendre visite au gentilhomme génois, « un peu mal disposé », avec lequel il confère « bien amplement […] sur l’affaire d’Angleterre », un des sujets sur lesquels il était le plus compétent. Da Passano réapparaît dans la correspondance de Morvillier chaque fois qu’il s’agit de trouver des solutions à des négociations complexes : par exemple, l’ambassadeur fait appel à lui quelques mois plus tard, en octobre 1547, pour convaincre la République de Venise de rejoindre Paul III et Henri II dans la ligue anti-Habsbourg. Ne disposant pas de contacts à l’intérieur du Palazzo Ducale, Morvillier préfère recourir à l’ancien serviteur de François Ier, qui comptait encore des amitiés influentes parmi la classe dirigeante vénitienne103.
36Une autre stratégie pour s’introduire dans la société vénitienne était la participation à des réseaux savants, comme l’avaient expérimenté avec succès ses prédécesseurs Baïf, Selve ou Pellicier, qui s’étaient entourés d’humanistes, de lettrés, d’artistes et mêmes d’hébraïsants104. Morvillier renoue avec cette tradition d’ambassadeurs mécènes, protecteurs des arts et des lettres, comme le prouve la présence dans son entourage de Jacques Amyot, le majeur grécisant du royaume, qui à partir de 1548 séjourne à Venise à ses côtés. Les deux hommes s’étaient connus autrefois à Bourges par l’entremise du secrétaire d’État Guillaume Bochetel, beau-frère de l’ambassadeur105. À Venise ils consultent ensemble les précieux manuscrits grecs conservés à la Bibliothèque de Saint-Marc et dans les couvents de la ville, dont Amyot se servira, une fois rentré en France, pour amender sa traduction intégrale des Vies de Plutarque106. En dehors de son entourage restreint, Morvillier se fait apprécier par les imprimeurs de la ville, notamment par Paolo Manuzio, le fils d’Alde, qui lui dédie plusieurs de ses ouvrages. De son côté Morvillier s’engage pour le mettre à l’abri de la concurrence, demandant pour lui à la cour un privilège de dix ans dans le royaume pour les Épitres de Cicéron107. Il fréquente également des lettrés tels que Ludovico Dolce : celui-ci en 1549 évoque dans la préface de sa traduction/adaptation des Phéniciennes d’Euripide la présence de l’ambassadeur parmi le public qui assiste à une mise en scène de l’œuvre108.
37Quand un nouvel ambassadeur vient s’installer en ville, les anciens partisans du roi restés sur place ont l’habitude de frapper à sa porte pour offrir leurs services : ce fut le cas de Camilla Pallavicini, aristocrate appartenant à l’élite sociale et politique de la Sérénissime. Prétendue fille naturelle de Charles VIII – c’est ainsi que Morvillier la présente dans sa correspondance à la cour – Camilla avait été étroitement liée à Pellicier, dont elle était peut-être l’amante, et avait pris part à son réseau d’espions109. La chute de Pellicier entraîna celle de la noble dame qui fut bannie de Venise pendant quelque temps. Elle se retira alors dans un couvent, se consacra à une vie sainte – nous apprend Morvillier – s’attirant l’estime de bons nombres des seigneurs vénitiens. Ceux-ci prirent l’habitude de lui rendre visite et la consulter sur la situation politique. Elle restait donc une personne influente dont le roi et son ambassadeur n’hésitèrent pas à se servir pour induire les patriciens de la République à se rapprocher davantage de la France, mais surtout pour recueillir des informations réservées sur les choix politiques des principaux membres de la classe dirigeante vénitienne110.
38Morvillier ne se limite toutefois pas à récupérer les anciens agents, mais il s’arrange pour recruter de nouveaux informateurs et pour former de jeunes aristocrates français au service de la monarchie. L’exemple le plus intéressant est celui d’Odet de Selve, qui sera plus tard un diplomate très apprécié des Valois. Odet descendait d’une famille de serviteurs de la couronne : son père Jean avait été président du Parlement de Paris et avait joué un rôle important lors de la captivité de François Ier à Madrid ; son frère Georges quant à lui – comme nous l’avons constaté – avait été envoyé encore très jeune comme ambassadeur à Venise dans les années 1530, puis au colloque de Worms et à la cour impériale, avant de se retirer dans son diocèse de Lavaur. Odet qui a auparavant longtemps séjourné dans la péninsule connaît l’italien et a une bonne expérience des cours et des villes italiennes, ce qui représentait un atout important dans la formation d’un diplomate à l’époque des Guerres d’Italie. C’est justement cette maitrise de la langue et de la société italienne que Morvillier met en avant quand il s’adresse à Montmorency et à Renée de France, pour leur demander de soutenir Odet dans sa progression de carrière à la cour. Henri II qui apprécie fort les talents du jeune homme le choisira comme successeur de Morvillier à Venise au début des années 1550.
39Morvillier s’inscrit donc parfaitement dans cette filiation d’ambassadeurs de François Ier, humanistes et espions ; mais, évidemment, comme ses prédécesseurs, il se mêle aussi aux affaires religieuses. Parmi ses nouvelles recrues à Venise l’évêque de Capodistria, Pier Paolo Vergerio, « personnage très docte et éloquent, singulièrement en cette langue vulgaire111 », occupe une place à part. Déjà proche autrefois de la cour de France où il s’était rendu en 1540 à la suite du cardinal Hippolyte d’Este, Vergerio était resté en contact avec Marguerite de Navarre dont il appréciait tout particulièrement la spiritualité et l’élan réformateur. Quelques mois plus tard, depuis Worms il tenait la reine de Navarre informée sur le débat religieux en cours orchestré par Charles Quint entre catholiques et protestants112. Comme cela avait été le cas pour d’autres amis de la France, Vergerio aussi se présente à Ca’ Dandolo – la résidence de l’ambassadeur – pour proposer ses services au nouveau venu à l’automne 1546 : homme d’expérience, pendant des années nonce pontifical en Allemagne, l’évêque de Capodistria offre de précieux conseils à l’ambassadeur, qui apprécie sa fréquentation et sa conversation113. Isolé dans la société vénitienne, Morvillier trouve en Vergerio un interlocuteur expert, informé et fiable, dont il se sert pour tenter de s’introduire dans les milieux du pouvoir vénitien114. Mais l’attention et le respect que Morvillier lui porte ont aussi une autre source : Vergerio est un évêque réformateur qui, depuis quelques années, mène un renouveau de son diocèse en Istrie, se distinguant par la volonté farouche de combattre les superstitions et de simplifier le culte des fidèles. Ses positions spirituelles le rapprochent des milieux réformateurs de la curie, notamment du groupe de cardinaux « spirituali » qui prônent un renouveau de l’Église et la recherche d’une entente avec les protestants. Partisan du roi de France, par l’entremise des liens spirituels Vergerio parvient donc à se lier à des membres importants du parti impérial en Italie, tels que les cardinaux Giovanni Morone, Reginald Pole et surtout Ercole Gonzaga. Ce dernier le protège des accusations d’hérésie qui lui sont adressées dès 1542, et ne l’abandonne à son sort que cinq ans plus tard lorsque sa situation paraît définitivement compromise. Les clivages religieux ne correspondent pas toujours aux oppositions politiques115.
40Vergerio est un prélat de l’Église romaine, qui pendant les années de nonciature en Allemagne a eu l’occasion de fréquenter certains des hommes les plus influents de son époque ; mais il est aussi évêque d’un diocèse stratégique à la frontière des territoires des Habsbourg et de l’empire turc. Capodistria fait partie des possessions de la Sérénissime, traditionnellement soucieuse de sélectionner avec soin ses évêques en s’assurant de leur fidélité. Pour cette raison Vergerio entretient de bons rapports avec les nobles vénitiens, parmi lesquels il peut compter sur plusieurs amis et protecteurs, et avec le nouveau doge, Francesco Donà, à qui il adresse une lettre-pamphlet pour l’encourager à mener une rigoureuse réforme de l’Église. Diplomate et évêque, sujet de Venise et de Rome, Vergerio a un troisième atout qui le rend intéressant aux yeux de Morvillier : ses inclinations spirituelles à la lisière entre orthodoxie et hétérodoxie le rapprochent des milieux de l’hérésie italienne. En cela Morvillier ne faisait que renouer avec la politique traditionnelle de ces prédécesseurs à Venise, qui régulièrement avaient protégé des agents ambigus sur le plan spirituel. En effet, le recours à des hommes persécutés pour leurs opinions religieuses et, pour cela, enclins à garder une attitude tolérante à l’égard de l’Autre était fonctionnel à la diplomatie du roi visant à construire des alliances avec les princes protestants et les infidèles par excellence, les Turcs.
41Ces caractéristiques rendent Vergerio attrayant pour l’ambassadeur de François Ier qui ne tarde pas à réclamer pour lui des bénéfices ecclésiastiques en France et un appui politique lui permettant d’assouvir ses ambitions politiques à la cour romaine116. Mais Morvillier ne se limite pas à cela : exhorté par Vergerio lui-même, il s’intéresse de près au procès pour hérésie intenté contre lui depuis l’été 1546. Suite aux accusations qui lui avaient été adressées par certains moines franciscains de son diocèse, Vergerio est soumis à une procédure judiciaire à Venise de la part du nonce Giovanni Della Casa, qui envoie ses collaborateurs mener une enquête sur place pour vérifier le contenu de sa prédication et de son activité pastorale. Pendant l’été 1546, l’Inquisition romaine le convoque à Rome afin d’obtenir de lui une rétractation devant le pape. À ce moment-là Morvillier intervient personnellement en sa faveur, il écrit à son collègue à Rome Du Mortier afin que Vergerio puisse être jugé à Venise. De fait, Morvillier embrasse la stratégie défensive de l’accusé soucieux de ne pas tomber dans les mains des Farnèse et convaincu d’avoir plus de chances de s’en sortir en restant sous l’aile protectrice de la République vénitienne. Quelques mois plus tard, à la fin du printemps 1547, l’ambassadeur se rend à deux reprises chez le nonce pour rediscuter de la controverse, mais sans rien obtenir117. L’affaire traîne pendant plusieurs années, sans que Morvillier n’abandonne Vergerio à son destin : encore à la fin de l’année 1548 Della Casa le sollicite comme médiateur avec Vergerio118, et en avril 1549 – avant que l’évêque ne quitte l’Italie pour la Suisse – il fait une dernière tentative de trouver un compromis, réclamant au nonce et au pape la célébration du procès à Ferrare sous la houlette de son ancien patron, le cardinal Hippolyte d’Este119. Tout cela montre bien que Morvillier reste jusqu’au bout aux côtés de Vergerio, un homme depuis des années suspecté de luthéranisme qui finira par devenir un implacable polémiste anticatholique.
42D’autre part l’attitude de grande tolérance de Morvillier à l’égard des déviations doctrinales de Vergerio s’étend aux protestants en général120 et se confirme par les liens qu’il établit avec Vincenzo Maggi, un gentilhomme de Brescia au service de François Ier pendant des années comme espion et comme ambassadeur à Constantinople, lui aussi inquiété par de graves accusations d’hérésie121. Le souci de Morvillier est, dans son cas, d’ordre politique plutôt que religieux : l’objectif étant de ne pas laisser sans moyens Maggi qui menaçait de passer au service des Habsbourg et de leur transmettre les secrets de la diplomatie orientale des Valois122. Parmi les devoirs du nouvel ambassadeur il y avait donc aussi la gestion, pas toujours évidente, des anciennes ressources, devenues peut-être inutiles sur le plan stratégique mais encore redoutables à cause des informations confidentielles qu’elles détenaient et pour cela en mesure de nuire gravement aux intérêts français123. Un proche collaborateur avec qui Morvillier correspond régulièrement, Gabriel Luetz baron d’Aramon, envoyé en ambassade auprès du Sultan en 1547, s’entoure lui-aussi à la même époque d’hérétiques de toutes sortes, qui fréquentent pendant quelque temps le palais vénitien de Morvillier avant de se lancer sur les routes du Levant124.
43Morvillier s’inscrit donc dans cette généalogie d’ambassadeurs du roi qui furent des humanistes et des mécènes entourés d’artistes et de lettrés ; comme ses prédécesseurs il s’engage à la recherche d’un accord avec les Turcs et les princes protestants pour contrer l’avancée des Habsbourg. Il est également un chrétien critique, tout en restant à l’intérieur de l’Église romaine, il n’hésite pas à pointer du doigt les ambigüités et les contradictions d’une curie irréformable, et à accorder sa protection à des hérétiques persécutés125. Comme Selve, Armagnac, Monluc et Pellicier, Morvillier lui aussi doit sa carrière à la protection de Marguerite de Navarre, chef de file du parti évangélique à la cour, et participe donc au Navarrian Network de la sœur du roi126. Le problème historique que posent les figures de Morvillier et de ses successeurs est le recours systématique à un personnel en odeur d’hérésie de la part de souverains restés catholiques et plutôt conservateurs sur le plan religieux. Ce fut le cas de François Ier dans la deuxième moitié de son règne et plus encore celui de son fils Henri II, qui fit le choix de garder en poste à Venise Morvillier dont il appréciait l’efficacité malgré son aptitude spirituelle.
Les fréquentations suspectes de Claude d’Urfé
44Le dernier volet de cette succincte galerie d’ambassadeurs évangéliques au service de la couronne française concerne un personnage très connu des historiens de l’art, mais beaucoup moins des historiens tout court : Claude d’Urfé. Pourtant, sa carrière sous le règne de François Ier et puis de son fils Henri II aurait dû attirer l’attention des chercheurs, qui, surtout au xixe siècle, se sont intéressés aux ambassadeurs humanistes au service des Valois. Sur bon nombre d’entre eux, il existe des biographies ou des éditions de leur correspondance. Ce n’est pas le cas pour d’Urfé, qui a dû attendre les travaux d’Alain Tallon sur la France et le Concile de Trente pour retrouver sa place à côté des frères du Bellay, de Georges d’Armagnac, de Guillaume Pellicier, comme représentant des intérêts de la couronne en Italie. Ce fut en effet à lui que François Ier confia la difficile tâche de représenter les intérêts français au Concile, à Trente et à Bologne, et ensuite à Rome, au cœur de la papauté, à un moment extrêmement délicat et tendu des relations diplomatiques entre l’empereur, le roi et le pape Paul III Farnèse127. François Ier et Henri II furent obligés de ménager d’un côté les Farnèse, de plus en plus en rupture avec Charles Quint, et de l’autre leurs alliés allemands et anglais, qui avaient depuis des années déjà quitté le camp catholique pour embrasser la foi protestante, ou anglicane dans le cas d’Henri VIII.
45L’exercice d’équilibriste auquel fut confronté d’Urfé n’était certes pas des plus faciles : l’intérêt de la France était bien que le Concile devienne un moment de fixation des différentes confessions en construction, donc un Concile de rupture plutôt que de réconciliation, car il s’était réuni sous la pression de l’empereur, qui avait, lui, tout intérêt à un compromis religieux entre catholiques et protestants. Les territoires de son Empire étaient en effet déchirés entre les deux confessions, et la confrontation avait très tôt pris le chemin des armes. Pour Charles Quint obtenir un accord religieux et la sauvegarde de l’unité chrétienne était un enjeu politique majeur : c’était empêcher l’éclatement d’une guerre civile au sein de ses territoires. Toutefois, il est bon de rappeler qu’un temps les choses avaient pu être différentes et que François Ier avait été le promoteur d’une entente religieuse entre protestants et catholiques, dix ans plus tôt, en 1535, comme nous l’avons déjà souligné.
46Par rapport à la plupart de ses prédécesseurs envoyés en Italie, Claude d’Urfé reste un laïc ; il se distingue également par les bonnes relations qu’il entretient avec Montmorency, adversaire de la politique étrangère menée par le réseau de Marguerite de Navarre. À l’occasion du conclave qui fait suite à la mort de Paul III en 1549, d’Urfé se trouve à Rome et, comme on peut l’attendre d’un représentant de la couronne de France, il joue un rôle non négligeable pour retarder l’élection. Il parvient de ce fait à empêcher que le cardinal d’Angleterre, Reginald Pole, à la tête des prélats réformateurs et proche de la sensibilité religieuse des évangéliques français, mais candidat du parti impérial de Charles Quint, soit élu avant l’arrivée des cardinaux français128. Malgré cela, la question qui se pose est donc de savoir si d’Urfé aussi participe à ce même réseau d’ambassadeurs évangéliques tels que du Bellay, Morvillier ou Armagnac avec lesquels, d’ailleurs, il collabore durant son séjour italien129.
47Nous nous limitons à quelques remarques qui semblent permettre de nuancer le profil religieux que l’on a souvent esquissé de d’Urfé, sur la base des programmes iconographiques de la chapelle de sa Bâtie, centrés sur le sacrement de l’Eucharistie : plusieurs indices s’accordent mal avec une prétendue fidélité inébranlable à un catholicisme contre-réformateur, dont il aurait été le précurseur130. Pendant son séjour à Trente et puis à Bologne d’Urfé semble très peu intéressé par les questions religieuses et par le développement même du Concile131 ; il est plutôt attiré par des questions militaires ou par des intrigues diplomatiques visant à protéger les intérêts de la couronne dans la péninsule132. Des sources inquisitoriales italiennes, moins connues et peu exploitées, permettent toutefois d’éclairer les fréquentations de l’ambassadeur du roi dans sa période italienne. Il s’agit des témoignages donnés dans les années 1560 par Pietro Carnesecchi, un gentilhomme florentin qui fut au service des papes Médicis, et ensuite se lia à de puissants cardinaux tels que Pole et Morone.
48Mais l’importance de Carnesecchi dans l’histoire religieuse de la Renaissance italienne tient à son rôle dans le cercle hétérodoxe de Juan de Valdés, inspirateur de cette hérésie « valdesienne » qui connut un certain succès dans les milieux aristocratiques napolitains à partir de la deuxième moitié des années 1530, et plus tard à Rome et dans d’autres villes de la péninsule. Comme cela avait été le cas pour l’évangélisme, le « valdesianisme » aussi s’accordait, sous bien des aspects, avec la pensée théologique des protestants, mais insistait sur l’illumination intérieure du Saint-Esprit plutôt que sur la centralité du texte sacré. Favorables à une réforme de l’Église, les disciples de Valdés ne voulurent jamais rompre avec Rome, préférant se réfugier dans des pratiques « nicodémites133 ». Après l’affaiblissement au sein de la curie romaine du front des « spirituali », dont Pole et Morone étaient les leaders, Carnesecchi passa cinq ans à la cour de France, entre 1547 et 1552 : un long séjour pendant lequel il noua des liens étroits avec plusieurs personnages de premier rang de la famille et de l’entourage d’Henri II, notamment la reine Catherine de Médicis, la sœur du roi Marguerite de Valois, Odet de Châtillon et Michel de L’Hospital134.
49Ce qui nous intéresse et qui certainement attira l’attention des inquisiteurs à l’époque, sont les liens spirituels et les échanges religieux qui se formèrent entre ces hommes et ces femmes. En effet Carnesecchi fut surpris de retrouver à la cour de France une spiritualité qui, sous bien des aspects, ressemblait à la spiritualité valdesienne qui était la sienne. Catherine, Marguerite, Châtillon et L’Hospital s’étaient tous formés dans le cercle de Marguerite de Navarre135. Encore au début des années 1550 – comme en témoigne Carnesecchi –, il était coutume de prêcher la justification par la foi seule dans l’entourage de la reine de France136. Vingt ans plus tard, Catherine s’emploiera – sans succès – à obtenir de Pie V la libération de Carnesecchi, preuve d’une estime et d’un lien solides. D’Urfé apparaît dans le procès Carnesecchi en tant que gouverneur du dauphin et des autres enfants du roi, et étroitement lié à Catherine. Les documents du procès du gentilhomme florentin montrent bien que d’Urfé participe au cercle de la reine de France et partage ses opinions en matière religieuse137 ; les hommes qui l’accompagnent au Concile sont tous proches du réseau et de la sensibilité de Marguerite de Navarre, comme Michel de L’Hospital, Claude d’Espence ou Pierre Danès, qui s’était ensuite rapproché du cardinal Contarini, chef de fil de l’évangélisme italien.
50D’ailleurs il n’est pas anodin de remarquer que l’ambassadeur du roi choisit de ne pas assister à la sixième session du Concile du 13 janvier 1547, au cours de laquelle les pères tranchent en faveur de la justification par la foi et par les œuvres, mettant ainsi fin à tout espoir de réconciliation avec les protestants138. Mais c’est dans la Bâtie même que l’on peut observer le plus clairement les orientations spirituelles et culturelles de d’Urfé : une des inscriptions en caractères hébreux qui apparaît à l’intérieur de la chapelle de la Bâtie – « le juste vivra par sa foi » (Habaquq 2, 4) – renvoie directement aux célèbres textes de saint Paul, qui avaient été à la base de la réflexion sur la liberté du chrétien de Martin Luther et de la doctrine de la justification par la foi seule, condamnée par le Concile en 1547139. Toujours en observant les murs de la chapelle, on ne peut que rester émerveillés par l’importance et la taille des caractères en hébreu qui, tout le long des quatre parois, reportent des citations tirées de l’Ancien Testament, du Livre des Proverbes, du Livre de Joël, et des Psaumes 21, 103, 109, 118, 136140.
51Ce choix insolite et assez exceptionnel dans l’Europe chrétienne du xvie siècle nous ramène aux fréquentations italiennes de d’Urfé et à ces milieux d’humanistes chrétiens, fascinés par la culture juive et par le retour à une lecture de l’Ancien Testament dans sa langue d’origine. Federico Fregoso, qui, comme nous l’avons vu, joua un rôle considérable dans la circulation des idées religieuses entre la France et l’Italie sous le règne de François Ier, et qui fut un hébraïsant et un théologien fortement engagé dans la recherche d’un compromis avec les protestants, fit inscrire lui aussi en caractères hébreux plusieurs versets du psaume 84 sur les parois de la chapelle de Castel d’Alfiolo, sa résidence d’été dans les alentours de Gubbio, son siège épiscopal en Ombrie, au début des années 1530141. Il n’est pas impossible que Fregoso, qui fut proche de la cour de France et fréquenta les ambassadeurs français à Venise Lazare de Baïf et Georges de Selve – eux aussi impliqués dans l’étude de l’hébreu dans les années 1530 –, ait servi de modèle ou de source d’inspiration à d’Urfé. Enfin, un autre indice encore concernant les orientations religieuses de ce dernier nous vient du rapport de patronage qu’il instaura à Bologne en 1548 avec un imprimeur qui fut à plusieurs reprises inquiété par des accusations d’hérésie, Francesco Linguardo, en faveur duquel l’ambassadeur pris position pour obtenir sa libération142.
52Il est donc essentiel de ne pas regarder l’histoire religieuse de cette période tourmentée de manière anachronique143 : quand d’Urfé formule le projet iconographique de la chapelle de la Bâtie, les débats au sein du catholicisme sont encore vifs et loin d’être réglés ; il est alors encore envisageable de rester fidèle au dogme de l’eucharistie et en même temps à la doctrine de la justification par la foi seule144. Ce fut le choix d’une partie importante de la cour et de la société française et italienne : un choix difficile, celui de chrétiens « critiques » restés, malgré tout, dans ce plat pays de la croyance, entre les deux forteresses confessionnelles en construction, pour reprendre la belle expression de Thierry Wanegffelen145.
53En suivant la trajectoire collective de ces ambassadeurs évangéliques dans la péninsule italienne, il est possible d’entrevoir l’histoire, complexe et en bonne partie encore à explorer, des rapports politiques et religieux entre la France et l’Italie sous le règne de François Ier. Leur participation au réseau diplomatique de Florimond Robertet, ensuite à celui des frères Du Bellay, parallèle à une opposition franche à la politique menée par les conservateurs Duprat et Montmorency, permet d’avancer quelques réflexions d’ordre plus générale. Il semblerait que les convictions spirituelles des diplomates du roi, très proches, nous l’avons dit, de Marguerite de Navarre et du cercle fabriste, jouèrent un rôle déterminant dans leur carrière : cette dimension serait donc à prendre en compte dans l’analyse des critères de sélection du personnel diplomatique de la couronne.
54Par ailleurs, l’existence de cette diplomatie italienne des Valois fortement impliquée sur le plan religieux impose de rediscuter certains clichés historiographiques. Notamment le lien exclusif qu’on a toujours voulu voir entre le parti de Contarini à la cour de Rome et la politique conciliatrice en matière religieuse appuyée par Charles Quint au cours des années 40. À l’intérieur de la curie, le groupe des cardinaux évangéliques ou, plus tard, « spirituali », tels que Contarini, Fregoso, Bembo, Cortese, Morone, et Pole, a été jusqu’ici signalé comme très proche de Charles Quint, qui encourage leur politique de réconciliation avec les protestants afin d’obtenir une réunification religieuse de ses territoires. Néanmoins, tout au long de la décennie précédente, alors que déjà l’évangélisme jouissait d’une forte influence dans les milieux romains, cette même politique de concorde fut menée par la diplomatie française, qui s’appuya, elle aussi, sur des prélats italiens, grands humanistes et favorables à une remise en cause de certains aspects théologiques du catholicisme. Il suffit de penser à Canossa et à Fregoso146, mais aussi à Iacopo Sadoleto, évêque de Carpentras et étroitement lié à Jean Du Bellay, à Pier Paolo Vergerio, et à Gian Matteo Giberti ; l’évêque de Vérone fut en effet personnellement inquiété par l’enquête sur le réseau d’espions français en 1542, et fut contraint, probablement à la suite de la délation de Valier147, de venir à Venise se défendre devant le Sénat148. Tous ces hommes étaient à l’évidence des membres du parti réformateur, mais, à cause de leur parcours biographique, plus proches de François Ier que de Charles Quint. Cette diplomatie évangélique du roi relève bien évidemment, avant tout, d’objectifs de Realpolitik, à savoir la construction d’une alliance militaire avec les princes protestants ; toutefois, afin de poursuivre ce dessein elle eut recours à des individus engagés, sincèrement et personnellement, du point de vue spirituel sur des positions qui seront bientôt considérées comme hétérodoxes par l’Église romaine.
Notes de bas de page
1 Anna Bettoni, « Duplessis-Mornay et la “famille” de l’ambassade d’Arnaud Du Ferrier à Venise », Albineana, n° 18, 2006, p. 380-407.
2 Reid, King’s Sister-Queen of dissent, op. cit., p. 254-274, 497-516.
3 Gilbert Gadoffre, La révolution culturelle dans la France des humanistes, Genève, Droz, 1997, p. 93-113.
4 Mary F.S. Hervey, Holbein’s Ambassadors : the picture and the men, Londres, George Bell and sons, 1900 ; Daniel Ménager, L’Ange et l’Ambassadeur. Diplomatie et théologie à la Renaissance, Paris, Garnier, 2013.
5 Robert J. Kalas, Jean de Selve (1475-1529), in Cédric Michon, dir., Les conseillers de François Ier, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, p. 192-98.
6 Sur le séjour à la cour pontificale de Selve et sur sa correspondance avec Armagnac, qu’il instruit et introduit dans le monde italien voir Nicole Lemaitre, « La correspondance diplomatique de la Renaissance comme document historique ? Les lettres de Georges de Selve, ambassadeur à Rome (1537-1538) », in Bernadette Cabouret, dir., La communication litéraire et ses outils : écrits publics, écrits privés, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2018, p. 87-106.
7 Jean Zeller, La diplomatie française vers le milieu du xvie siècle, d’après la correspondance de Guillaume Pellicier, évêque à Montpellier, ambassadeur de François Ier à Venise (1539-1542), Paris, Hachette, 1880 ; Michon, La crosse et le sceptre, op. cit., p. 40-42.
8 Guillaume Ribier, Letres et memoires d’estat, des roys, princes, ambassadeurs, et autres ministres, sous les regnes de François premier, Henry 2. & Francois 2. Contenans les intelligences de ces roys, avec les princes de l’Europe, Paris, F. Clouzier, 1666, vol. 1, p. 41-44, 66-73, 76-92, 95-105, 128-125.
9 Parme, Bibliothèque Palatina, ms. Pal. 1025, II, fol. 3rv, 23 juillet 1534 ; Giambattista Morandi, Monumenti di varia leteratura trati dai manoscriti originali di monsignor Lodovico Beccadelli, arcivescovo di Ragusa, Bologna, Istituto delle scienze, 1797-1804, vol. 1, p. 309.
10 Annie Charon, « Aspects de la politique éditoriale de Galliot Du Pré », in Pierre Aquilon, Henri-Jean Martin, dir., Le livre dans l’Europe de la Renaissance, actes du XXVIIIe Colloque international d’études humanistes de Tours, juillet 1985, Paris, Promodis, 1988, p. 215-16.
11 Œuvres de feu révérend père en Dieu George de Selve, évêque de Lavaur, contenans un sermon, quelques exhortations, oraisons, contemplations, letres, discours, sommaires de l’Escripture Saincte, moyen de faire et entretenir paix et deux remonstrances aux Alemands, Paris, Galliot du Pré, 1559, p. 50r.
12 Reid, King’s Sister-Queen of dissent, op. cit., vol. 2, p. 556.
13 Ibid., p. 53v.
14 Ibid., p. 38r.
15 Franz Dittrich, Regesten und Briefe des Cardinals Gasparo Contarini (1483-1542), Braunsberg, von Huye’s Buchhandlung, 1881, p. 353-361 ; Gleason, Gasparo Contarini. Venice, Rome, and Reform, op. cit., p. 272-76, 294-97.
16 Sur le débat à propos du libre arbitre qui causa une fracture à l’intérieur du monde réformateur italien à la fin des années 1530 voir la synthèse donnée par Caravale, Sulle tracce dell’eresia : Ambrogio Catarino Politi, op. cit., p. 71-79 ; voir aussi Alonge, Condotiero, cardinale, eretico, op. cit., p. 285-96.
17 Œuvres de feu révérend père en Dieu George de Selve, op. cit., p. 19v-21r.
18 Ibid., p. 19v.
19 Dans une lettre datée 12 juin 1537 Contarini dit à propos de don Marco : « Si ritrova in Padoa un monacho di Santa Iustina chiamato don Marco da Cremona il quale io cognosco essere homo di santissima vita e buona doctrina, et gia alcun tempo lege in el monasterio suo le epistole di San Paulo cum grandissimo profecto e maxime di scolari. […] Mi pare mo, che l’inimico del bene nostro sub specie boni voria rimovere questo buon fructo et opera che costui non lega più. Mi pare etiam che l’habia excitato diversi, li quali habent zelum Dei sed non secundum scientiam : li quali perché Lutero ha detto cose diverse de gratia Dei et libero arbitrio, si hanno posto contra ogni uno il quale predica et insegna la grandezza della grazia et la infirmità humana, et credendo questi tali contradire a Lutero contradicono a Santo Augustino, Ambrosio, Bernardo, Hieronimo, San Thomaso » (Dittrich, Regesten und Briefe des Cardinals Gasparo Contarini (1483-1542), op. cit., p. 270).
20 Cortese, Omnia, quae huc usque colligi potuerunt sive ab eo scripta, sive ad illum spectantia, op. cit., vol. 1, p. 120-121. Sur cet épisode voir Adriano Prosperi, « Note in margine a un opuscolo di Gian Matteo Giberti », Critica Storica, n° 4, 1965/3, p. 386-387 ; Fragnito, « Il cardinale Gregorio Cortese nella crisi religiosa del Cinquecento », art. cit., p. 440-441 et Gleason, Gasparo Contarini. Venice, Rome, and Reform, op. cit., p. 265-266.
21 Il semblerait même faire une allusion explicite au prélat vénitien quand il ajoute : « La chose est venue en cognoissance des personnes, qui sçavent discerner les bonnes doctrines d’avec les faulses. Et pour chercher le vray aucteur de tout ce mal, il n’y en peut avoir d’autre, sinon l’ennemy de la foy et le père de mensonge, qui n’ha autre estude que de détruire le règne de Iesus Christ, s’il pouvoit » (Œuvres de feu révérend père en Dieu George de Selve, op. cit., p. 19v-20r).
22 Ibid., p. 4v.
23 Alonge, Condotiero, cardinale, eretico, op. cit., p. 299.
24 « Colui che si accosta a Dio con vero cuore nella certezza della fede, credendo alle promesse di lui senza una minima suspizione, tenendo per certo che tutto quello, che Dio promette, conseguirà ; costui, dico, dà gloria a Dio, costui vive in continua pace e in continua allegrezza, lodando e ringraziando sempre Dio, che l’ha eletto alla gloria della vita eterna, avendo il pegno certissimo, cioè il Figliuolo di esso Dio, per sposo suo dilettissimo, il sangue del quale gli ha inebriato il cuore » (Benedetto da Mantova, Il Beneficio di Cristo, con le versioni del secolo XVI, documenti e testimonianze, éd. Salvatore Caponetto, Chicago-Florence, The Newberry Library-Sansoni, 1972, p. 32).
25 Benoist Pierre, La monarchie ecclésiale. Le clergé de cour en France à l’époque moderne, Seyssel, Champ Vallon, 2013, p. 174-80.
26 Ce paragraphe est une reformulation du profil de Da Passano que j’avais esquissé, il y a plusieurs années, in Alonge, « Au service du roi, au service de l’Évangile », art. cit., p. 286-289.
27 Voir Gênes, Archives d’État, Archivio segreto 2178, Letere dell’incaricato d’affari Gio Gioachino da Passano alla Repubblica di Genova : 1516.
28 Fregoso demande avec insistance à Da Passano de ne plus le mêler aux affaires politiques : « Solo mi resta dirvi, che pregarvi e astringervi, per tutti quelli vinculi di amicitia corsi fra noi, nel tempo passato, che se sentite parlar di me in simile pratiche, vi piacerà per salute dell’anima mia, e quiete del corpo tagliarne ogni ragionamento, per il quale rispetto io non andai alla Corte, ne penso andarvi, e ho piacere quando quelli Signori non se raccordano di me in questo caso, e nelli altri, poiche voi savete l’intention mia » (Litere et altre scriture concernenti all’unione di Genua, per la quale si verifica che di essa fu inventore, motore, & quasi esecutore Gio. Gioachino de Signori di Passano, nelli anni 1527 & 1528, Casale, Pantaleone Goffi stampatore ducale, 1615, p. 18).
29 Une lettre de Fregoso à Da Passano, datée Dijon, le 29 décembre 1527, permet d’entrevoir les liens d’amitié chaleureux que Fregoso et Da Passano entretenaient avec Florimond Robertet : « Il nostro tesorero Roberto, come haverete intezo, per non voler, o non posser partire dalla corte, è partito di questo mondo, e bene haveria fatto a quel consiglio ch’el me dava a me prender il contrario per lui, che intendo sia morto in gran parte di dispiacere, vedendo e udendo molte cose che lo affligevano » (Litere et altre scriture concernenti all’unione di Genua…, op. cit., p. 18).
30 À propos de la mission anglaise de Da Passano en 1525 voir l’étude détaillée et bien documentée de Gilbert Jacqueton, La politique extérieure de Louise de Savoie : relations diplomatiques de la France et de l’Angleterre pendant la captivité de François Ier (1525-1526), Paris, Bouillon, 1892.
31 Voir Litere per quali si fa vera prova, & appare che il signor Gio. Gioachino delli Signori di Passano nell’anno 1528 è stato commissario Generale, & luogotenente generale dell’exercito della santissima lega nel Regno di Napoli, essendo Generale del deto Exercito Monsignor Odeto de Fois signor di Lautrech 1528, Casale, Pantaleone Goffi stampatore ducale, 1615.
32 « Vene in collegio monsignor di Baius orator di Franza, insieme con uno domino Zuan Joachino zenoese vien da Piasenza, è con monsignor di Lutrech, di la qual terra partì heri mattina, et è venuto con un burchielo per Po volando. Et intrati in Collegio, sentati tutti do apresso il Serenissimo, letto la lettera di credenza di Lutrech, expose come bisognava la Signoria nostra pagasse li lanzinech in loco di sguizari che si doveva pagar » (Sanudo, Diarii, op. cit., vol. 46, p. 250).
33 Ibid., vol. 46, p. 256, 263, 320-22.
34 Ibid., vol. 46, p. 634, 670 ; vol. 47, p. 178, 382.
35 Ibid., vol. 48, p. 384, 402, 439, 457 ; vol. 49, p. 217.
36 Voir Litere et altre scriture concernenti all’unione di Genua, per la quale si verifica che di essa fu inventore, motore, & quasi esecutore Gio. Gioachino de Signori di Passano, nelli anni 1527 & 1528, Casale, Pantaleone Goffi stampatore ducale, 1615, p. 3-43.
37 Alonge, « Il testamento di Ottaviano Fregoso », art. cit., p. 634-68.
38 Jean de Langeac, Leters and papers, éd. Jan Pendergrass, Droz, Genève 2016, p. 349-57, 373-8 ; Sanudo, Diarii, op. cit., vol. 50, p. 124, 128, 133, 147, 165, 216, 232, 273, 341, 342, 348, 366, 412, 426, 501, 507, 520, 537, 541, 562 ; vol. 51, p. 5, 36, 39, 44, 52, 132, 149, 162, 167, 188, 191, 205, 209, 246, 257, 290, 301, 330.
39 Jean Du Bellay, Correspondance du cardinal Jean Du Bellay, Paris, Klincksieck, 1969, vol. 1, p. 282.
40 Voir Philippe Hamon, L’argent du roi (les finances sous François Ier), Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1994, p. 143, 202-3.
41 Marichal, dir., Catalogue des actes de François Ier, op. cit., vol. 1, p. 416, 687-688, 711 ; vol. 2, p. 35, 117, 126-27, 163, 164,185, 252, 280, 283, 430-31, 547 ; vol. 5, p. 745, 748, 803 ; vol. 6, p. 46, 60, 69, 71, 78-79, 128, 132 ; vol. 7, p. 561, 618, 633, 681, 708.
42 James Gairdner, Leters and Papers Foreign and Domestic of the Reign of Henry VIII, London, Longmans, 1920, vol. 5, p. 223-24.
43 Da Passano dans une relation qu’il envoie de Venise au roi en 1529 exprime son mécontentement pour la politique menée par le chancelier (BnF, ms. fr., 3000, fol. 74r).
44 Jean Du Bellay exprime de cette manière sa méfiance à l’égard de Béda : « Mais il y a ung Beda de ce nombre qui est très dangereux marchant, et ne seroyt grant besoing d’en avoir beaucoup de telz en une bonne compagnye comme vous diray plus avant » (Du Bellay, Correspondance, op. cit., vol. 1, p. 119-120).
45 Victor-Louis Bourrilly, Pierre de Vaissière, Ambassades en Angleterre de Jean du Bellay : la première ambassade 1527-29, Paris, Picard, 1905, p. 2n, 16n, 27n, 344, 394, 416n, 453, 471-72, 479n, 502-04, 506, 510, 516, 524, 532-33, 547-48.
46 Du Bellay, Correspondance, op. cit., vol. 1, p. 120.
47 Gairdner, Leters and Papers Foreign and Domestic of the Reign of Henry VIII, op. cit., vol. 5, p. 7, 71-72.
48 Ibid., vol. 6, p. 367-68, 374.
49 Federica Ambrosini, L’eresia di Isabella. Vita di Isabella da Passano, signora della Fratina (1542-1601), Milano, Franco Angeli, 2005, p. 32.
50 Marichal, dir., Catalogue des actes de François Ier, op. cit., vol. 3, p. 747-48, 767-68 ; vol. 4, p. 29 ; Zeller, La diplomatie française vers le milieu du xvie siècle, op. cit., p. 43-44.
51 Le 16 novembre Selve et Armagnac s’adressent ainsi à Montmorency à propos de Da Passano : « Monseigneur, nous avons par cy devant script souvent la promtetude que nous trouvons en monsieur de Vaulx en tout ce qui concerne les affaires du roy, et nous voulons encore dire que plus nous allons en avant que plus elle nous semble grande, ce qui meriteroit, ce nous semble, monseigneur, qu’il se feist quelque bien a ung sien nepveu qu’il a à Paris pretendant a l’Église, a qui il en a esté faict pieça promesse, et encore qu’il ne luy advint jamais, de nous prier d’en escripre, si l’aurons nous voulu faire, et vous supplie d’y tenir la main advenant l’occasion, ce qui reviendra, nous semble, au grand honneur du roy et vostre, donnant ceste satisfaction a ung si bon serviteur comme est ledict sieur de Vaulx, et aura cause de la trouver tant meilleure qu’il ne sçaura poinct que nous vous en ayons escript » (Armagnac, Correspondance, op. cit., p. 39-40).
52 Voir Armagnac, Correspondance, op. cit., p. 25-26.
53 Jean La Forest dit de Da Passano dans une lettre à Georges d’Armagnac du 13 juillet 1537 : « J’ay tousjours reputé (monseigneur de Vaulx) en lieu de père et de tel amy qu’il n’y a plausi ne service que ne luy voulsisse faire » (Victor-Louis Bourrilly, « L’ambassade de La Forest et de Marillac a Costantinople (1535-38) », Revue Historique, mai-août 1901, p. 317).
54 Armagnac, Correspondance, op. cit., p. 121 ; Ernest Charrière, Négociations de la France dans le Levant, ou correspondances, mémoires et actes diplomatiques des ambassadeurs de France à Constantinople, Paris, Imprimerie national, 1848, vol. 1, p. 391-395, 398-408.
55 Guillaume Pellicier, Correspondance politique de Guillaume Pellicier ambassadeur de France à Venise, 1540-1542, éd. A. Tausserat Radel, Paris, Alcan, 1899, vol. 1, p. 33-39, 43-50 ; Armagnac, Correspondance, op. cit., p. 155-159.
56 « Delli denari che se dicea esser sta mandati da Franza a domino Philippo Strozzi, mi son voluto informare diligentemente. Quelli che favoriscono le parte francese dicono esser scudi 100m et che la provision de 50m è in mano de domino Zuan-Joachim in Venetia » (Du Bellay, Correspondance, op. cit., vol. 2, p. 67).
57 Voir surtout la lettre de De Selve à Jean Du Bellay du 9 mars 1536 dans Du Bellay, Correspondance, op. cit., vol. 2, p. 273-280 et aussi Armagnac, Correspondance, op. cit., p. 80-81, 91, 101.
58 Armagnac, Correspondance, op. cit., p. 31-32.
59 Le 8 février 1536 de Venise De Selve informe Du Bellay des conditions de santé de Da Passano : « Monseigneur, monsr de Vaulx, qui vous mercye très humblement de la bonne souvenance que vous avez de luy, est malade au lict qu’il n’a poinct abbandoné passé a quatre moys pour ung ennuyeux et perilleux accident qui luy est venu en une jambe ou il luy a fallu faire plusieurs ouvertures. Toutes-foys, il est en quelque meilleure voye de guerison. Il vous supplye luy pardonner s’il ne vous escript et se recommande très humblement a vostre bonne grace » (Du Bellay, Correspondance, op. cit., vol. 2, p. 252).
60 Du Bellay, Correspondance, op. cit., vol. 2, p. 163.
61 Nous en avons un précieux témoignage dans une lettre que Da Passano adresse au roi de Padoue, le 20 septembre 1536 : « Rimettendomi al copioso scrivere delli ambasciatori di Vostra maestà con li quali continuamente comunico quel ch’io sento et intendo esser servitio di Vostra maestà circa la praticqua della pace toccherò questo sol ponto che l’imperatore quando pur ne n’havessi voglia tal volta sarà consigliato o per meno stante la sua alta mente et intention sarà messo in considerazione che per lui sia mancho mal perdere el ducato de milano per la guerra che lassiarlo a Vostra maestà per la pace acceto che la guerra oltra il tempo che ella porta et dal qual molte commodità possan nascer ella porta grandissima spesa. Et dirano che questo son massimamente facili per gli imperiali tener modo che suo nemico gravosamente spende. Et da canto lascaranno l’umanità per aventura diranno esser di suo proposito che Vostra maestà se pur acquisterà quel stato l’acquisti pur tosto ruinato et deserto che intiero et opulente. […] con tutto che io sappia che Vostra maestà benissimo provveda ciò che può avvenir, oltra lo haver comunicato alli signori ambasciatori questa mia benché forse impertinente suspicion o phantasia non ho possuto tenermi al metterla in questo foglio il che supplica a Vostra maestà voler ascrivere non ad alcuna presumption ma alla fidel servitù di questo suo humilissimo schiavo » (BnF, ms. fr. 16088, fol. 283r-284r).
62 À propos de ce réseau d’espions voir Michon, La crosse et le sceptre, op. cit., p. 40-42. Sur la délicate enquête menée par les autorités vénitiennes à partir du mois d’août 1542 voir les documents publiés par Benedetto Nicolini, Letere di negozi del pieno Cinquecento, Bologne, Patron, 1965, p. 17-36.
63 Du Bellay, Correspondance, op. cit., vol. 2, p. 257.
64 Jacqueton, La politique extérieure de Louise de Savoie, op. cit., p. 101-104.
65 « Et mesmement en temps d’affaires feu M. de Lavaur séjourna ici long temps avec M. de Rodez, ensemble le seigneur Livio Corty n’y faisoit pas peu de secours ; pareillement M. de Vaulx et le seigneur Valério, abbé de Sainct-Pierre-le-Vif : les quelz, pour aucuns leurs respectz particuliers, ce que vous pourra dire le présent porteur, nommé Puylobier, se sont retirez de faire secours » (Pellicier, Correspondance politique, op. cit., vol. 2, p. 614-15).
66 Canossa demande pour lui à Giberti un monastère le 26 avril 1527 (Vérone, Bibliothèque Capitolare, 831, fascicule 4). L’hypothèse est donc que Valier soit un agent du roi en Italie déjà au cours des années 20, et pas seulement à partir de la décennie suivante, comme on le croit habituellement. Il se peut d’ailleurs que ce soit lui le « Giovanni Francesco » venu en France avec Canossa et dont il est question dans une lettre du véronais au cardinal de Medici en 1520 (Letere de Principi, op. cit., vol. 1, p. 80v).
67 Sur le passionnant personnage de Valier voir Guido Rebecchini, « Les débuts de Jean Du Bellay à Rome, la cour d’Hippolyte de Médicis et le rôle de Giovan Francesco Valier », in Michon, Petris, dir., Le cardinal Jean Du Bellay. Diplomatie et culture dans l’Europe de la Renaissance, op. cit., p. 273-4 ; Nuccio Ordine, « Giovan Francesco Valier, homme de lettres et espion au service de François Ier », in La circulation des hommes et des œuvres entre la France et l’Italie à l’époque de la Renaissance, Paris, Université Sorbonne, 1992, p. 223-245 ; Laura Lepri, Del denaro o della gloria. Libri, editori e vanità nella Venezia del Cinquecento, Milan, Mondadori, 2012.
68 Sanudo, Diarii, op. cit., vol. 51, p. 12.
69 La description détaillée de l’exécution publique des trois espions au service de la France se trouve dans une lettre de Ludovico Tridapale à Benedetto Agnello du 27 septembre 1542, qui ne fait que confirmer l’ampleur du soutien dont ces hommes jouissaient dans les milieux de l’aristocratie vénitienne (Nicolini, Letere di negozi, op. cit., p. 29-30). Sur Abbondio, homme de l’entourage de Giano et Cesare Fregose, voir Zeller, La diplomatie française vers le milieu du xvie siècle, op. cit., p. 61-82, 354-387 et Ordine, « Giovan Francesco Valier… », art. cit., p. 237-240.
70 Voir Armagnac, Correspondance, op. cit., p. 182, 284 et Pellicier, Correspondance politique, op. cit., vol. 1, p. 216, 221, 319.
71 Pellicier, Correspondance politique, op. cit., vol. 1, p. 202.
72 Da Passano dans une lettre au doge du 31 mai 1533 défend Bernardo contre les accusations qui lui sont portées par l’ambassadeur vénitien à Londres (Sanudo, Diarii, op. cit., vol. 58, p. 39, 257, 353-54).
73 Michon, La crosse et le sceptre, op. cit., p. 53-55.
74 Seidel Menchi, Erasmo in Italia, op. cit., p. 84-85.
75 Voir Ambrosini, L’eresia di Isabella, op. cit., p. 14-17 ; voir également la lettre de Canossa à Giberti, du 9 septembre 1526, dans laquelle il propose la candidature de Contarini au cardinalat (Vérone, Bibliothèque Capitolare, Busta DCCCXXXI, fasc. 4, op. cit.).
76 Le lien entre Da Passano et Cortese passait sans doute par le milieu génois des Fregoso, mais aussi par les frères Du Bellay. Voir Cortese, Omnia, quae huc usque colligi potuerunt sive ab eo scripta, sive ad illum spectantia, op. cit., vol. 2, p. 161-62).
77 Da Passano, Bembo e Canossa se connaissaient depuis leur jeunesse à Urbino ; sur le rapport entre Da Passano e Bembo voir Pietro Bembo, Letere, Bologne, Commissione per i testi di lingua, 1992, vol. 3, p. 16-20, 23, 51, 56, 305-06, 488, 538-39, 587 ; vol. 4, p. 260, 516, 591, 593.
78 Ambrosini, L’eresia di Isabella, op. cit., p. 60-61.
79 Gairdner, Leters and Papers Foreign and Domestic of the Reign of Henry VIII, op. cit., vol. 5, p. 167-68.
80 Voir Alain Tallon, « Le parti français et la dissidence religieuse en France et en Italie », in Philip Benedict, Silvana Seidel Menchi, Alain Tallon, dir., La Réforme en France et en Italie, Rome, École française de Rome, 2007, p. 381-399.
81 Sur le rapport entre des positions politiques en faveur du roi de France et l’adhésion à des choix spirituels hétérodoxes voir aussi Silvana Seidel Menchi, « Spionaggio e teologia : il caso di Aurelio Cicuta », dans Erasmo in Italia, op. cit., p. 240-269 ; l’historienne toutefois ne situe pas les différents cas individuels à l’intérieur d’un réseau évangélique international d’origine fabriste, comme nous l’avançons dans ces pages.
82 « Havendo inteso la Signoria heri sera esser zonto in questa terra, venuto per le poste, uno orator del re Christianissimo, venuto per far residentia chiamato Lazaro de Boys alozato a san Moisé in chà Dandolo, dove stà domino Zuan Joachin l’altro orator, et voleva questa matina venir in Collegio […] El qual venne con ditto domino Zuan Joachin, et presentato le lettere di credenza del re, date in Compegne a dì 24 luio, qual scrive in francese, mandar orator a la Signoria nostra a far residentia in loco di monsignor episcopo di Avranges el sopradetto domino Lazaro di Boys » (Sanudo, Diarii, op. cit., vol. 51, p. 222).
83 Baïf à Marguerite de Navarre, Venise, 17 mai 1532 ; BnF, ms. fr. 3941, fol. 273r ; cité in Reid, King’s Sister-Queen of dissent, op. cit., vol. 2, p. 604.
84 Franco Gaeta, Nunziature di Venezia, Roma, Istituto storico italiano per l’età moderna e contemporanea, 1958, p. 253-54, 258.
85 À propos du rapport d’étroite collaboration entre les deux ambassadeurs français et Renée pour la libération de Lyon Jamet et de Jehan Cornillau, accusés d’hérésie par le duc de Ferrare, voir Bartolomeo Fontana, Renata di Francia duchessa di Ferrara, vol. I (1510-1536), Rome, Forzani, 1889, p. 335-415. Voir aussi Belligni, Renata di Francia (1510-1575), op. cit., p. 132-147 et Claude Albert Mayer, « Le départ de Marot de Ferrare », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 1956, p. 197-221.
86 Sur le lien entre Armagnac et Vittoria Colonna par la médiation initiale de Marguerite de Navarre voir Armagnac, Correspondance, op. cit., p. 234-35 et Bartolomeo Fontana, « Nuovi documenti vaticani intorno a Vittoria Colonna », Archivio della società romana di storia patria, 1887, p. 595-628 ; sur la défense d’un prédicateur hétérodoxe, Bartolomeo della Pergola, de la part du cardinal Armagnac voir la lettre passionnée qu’il écrit à Gian Piero Carafa en 1545 (Armagnac, Correspondance, op. cit., p. 244-45).
87 Voir Zeller, La diplomatie française vers le milieu du xvie siècle, op. cit., p. 380-393.
88 Le nonce à Venise, Fabio Minganelli, s’exprimait ainsi à propos de Pellicier le 19 juin 1542 : « El Valerio mi ha detto che lo ambasciatore di Francia non ha altro desiderio che procurare che il suo re si levi dalla obbedienza della Sede apostolica ; e questo disegno gli riuscirebbe facilmente robbando una terra, come Ravenna o simili, perché N. S.re saria forzato risentirsi e dal risentimento potria nascere qualche alienazione del re di Francia. Questo ho scritto perché oggi don Diego mi ha fatto intendere che la pratica di Ravenna è viva » (Nicolini, Letere di negozi, op. cit., p. 172).
89 Tallon, « Le parti français et la dissidence religieuse en France et en Italie », art. cit., p. 383 ; voir aussi Zeller, La diplomatie française vers le milieu du xvie siècle, op. cit., p. 313-324, 346-50. Sur les frères Strozzi voir Marcello Simonetta, Caterina de’ Medici. Storia segreta di una faida famigliare, Milano, Rizzoli, 2018.
90 Il n’est pas inintéressant de remarquer que Maggi, plus tard exilé en Suisse à cause de ses convictions religieuses, était un intime de Da Passano, qu’il accompagne à Constantinople en 1540. Voir Firpo, Marcatto, I processi inquisitoriali di Pietro Carnesecchi, op. cit., vol. 2, p. 1061, 1115. Frederic C. Church, I riformatori italiani, Milan, Il saggiatore, vol. 1, 1967, p. 152. Pellicier, Correspondance politique, op. cit., ad indicem.
91 Marichal, dir., Catalogue des actes de François Ier, op. cit., vol. 2, p. 561.
92 Cette hypothèse est confirmée, entre autres, par le lien d’amitié entre Cosimo Pallavicini et Valier, auquel il dédie en 1539 le volume Versi et regole della nuova poesia toscana.
93 Voir chapitre 2.
94 Pour la biographie de Morvillier voir Gustave Baguenault de Puchesse, Jean de Morvillier, évêque d’Orléans, garde des sceaux de France, 1506-1577, Paris, Librairie académique Didier, 1869.
95 BnF, ms. fr. 2957, fol. 120-121.
96 BnF, ms. fr. 2957, fol. 122.
97 Ibid.
98 Morvillier était confronté à « une respublique composée de diverses testes qu’il faut gaigner avec le temps, induisant les particuliers devant que de proposer au public, et de sa nature si froide et lente à se résoudre que tant plus on les veut presser plus ils entrent en deffiance » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 164).
99 « Les Respubliques conduisent et gouvernent leurs affaires par conseil et de plusieurs hommes discourant par raison ce qui est utile ou dommageable, et devant qu’entreprendre aucune chose ils le deliberent meurement, icelle délibérée l’exécution s’en suit, et n’est loisible d’enfraindre ou miner les deliberations faites » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 140).
100 BnF, ms. fr. 2957, fol. 147-148.
101 Ibid.
102 Sur la construction d’une « Italie de l’empereur » voir Elena Bonora, Aspetando l’imperatore. Principi italiani tra il papa e Carlo V, Turin, Einaudi, 2014.
103 « Le sieur Jean Joachin estoit icy il y a environ trois sepmaines. Luy et moy conferasmes bien amplement sur cette affaire ; il s’employa pour le temps qu’il demeura par deça d’en communicquer et parler à aucuns de ses anciens et familiers amis ; J’ay cejourd’huy renvoyé vers luy m’asseurant s’il n’est pas tenu de malladie qu’il ne faudra de venir ; et employer tous les nerfs de sa prudence pour faire service au roy ; Il est besoing constainement de sous main pour eviter les empeschements de l’Empereur ; et ses Ministres qui osent de merveilleusement grands artifices à retenir cests seigneurs » (BnF, ms. fr. 2958, fol. 169-170).
104 Alonge, Ambasciatori, op. cit., p. 139-181.
105 Sur les Bochetel voir Damien Fontvieille, Le clan Bochetel : servir la couronne de France au xvie siècle, thèse de l’École nationale des chartes, Paris, 2016.
106 Sur le séjour vénitien d’Amyot voir Alexandru Ciorănescu, Vie de Jacques Amyot. D’après des documents inédits, Paris, Droz, 1941, p. 54-66 ; Baguenault de Puchesse, Jean de Morvillier, op. cit., p. 64-9.
107 « Messire Paulo Manucio, fils d’Alde, homme très docte et scavant et qui suis la vertu du père a bien mériter de sa chose publicque ; et des lettres y a longuement employé son labeur et ses etudes pour commencer les espistres de Cicéron ad Atticum, et eclaircir les lieux et passages obscurs d’icelles de preent il a parachevé l’œuvre et est prest de la faire imprimer. Mais il doubte que l’ayant mis en lumiere les imprimeurs de France la fasse aussy imprimer à Paris ou à Lyon, et qu’il demeure par ce moyen privé du fruit de son labeur et de la depense par luy faicte à l’impression dudict livre. […] Il demande pour ces raisons qu’il plaise au roy luy donner privilège de dix ans » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 37-38).
108 « Tra i più honorati signori honoratissima, non meno honora il grado, che tiene che la persona che rappresenta. […] Nel rappresentar di essa tragedia Vostra Signoria non pur si degnò di honorarla della sua presenza insieme col dotto et molto Rever. Signore l’Abate Loredano, ma me della sua affabilità et cortesia » (Ludovico Dolce, Giocasta, Venise, Figliuoli di Aldo Manuzio, 1549, p. 2r).
109 Katherine A. McIver, Women, Art and Architecture in Northern Italy, 1520-1580, Aldershot, Ashgate, 2006, ad indicem ; Zeller, La diplomatie française vers le milieu du xvie siècle, op. cit., p. 66, 369, 381 ; Pellicier, Correspondance politique, op. cit., vol. 2, p. 617, 621, 697.
110 Le 24 janvier 1547 Morvillier écrivait au cardinal de Tournon : « Elle m’a requit de présenter par ma lettre ses recommendations à vostre bonne grace, et de sa part vous suplier de porter quelque parolle au roy en sa faveur à ce qu’il luy plaise avoir souvenance d’elle pour l’honneur du sang dont elle est descendu ; le tesmoignage que je vous en puis porter est que les principaux de ces seigneurs révèrent la dicte dame pour l’honneur du sang dont ils estiment estre extraite que pour la sainteté de sa vie laquelle luy a acquit si grande opinion envers iceux qu’ils la visitent souvent et la secourent en ses nécessités, et elle, pour demonstrer la dévotion et inclinaison qu’elle port en roy et ses affaires, advertit les ministres dudict Seigneur de ce qu’elle peut apprendre et entendre de cette communication qu’elle a avec les premiers hommes et femmes de cette ville et Republique » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 103-104).
111 BnF, ms. fr. 2957, fol. 81.
112 Alonge, Condotiero, cardinale, eretico, op. cit., p. 335-338.
113 « Car depuis ma venue en ce lieu il m’a donné si fidelle instruction des choses necessaires à scavoir à homme qui tient et manie cette charge, et ay tant recueilly de fruit de sa conversation qui m’a esté frequente que je ne puis à mon gré suffizament recognoistre ce qe je luy doits » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 81-82).
114 Une lettre de Morvillier à l’amiral Claude d’Annebault, datée 24 janvier 1547, semble confirmer l’étroite collaboration politique entre l’ambassadeur et Vergerio : « Monseigneur, suivant l’instruction qu’il vous a pleu me donner par vostre lettre du quatorzième de ce mois, j’ay conféré bien au long avec l’evesque de Capo d’Histria, qui a faict de sa part tel office que je fais entendre au roy, pour sonder les volontés de ces seigneurs, lesquels il m’a franchement dict n’avoit trouvé disposé d’entrer en ligue pour le présent, mais il luy semble que le temps peu amener l’occasion, m’asseurant que si elle se présente j’en seray adverty et m’a requiers de vous mercier très humblement en son nom de l’opinion qu’avez de luy, laquelle il s’efforcera de mériter et vous faire cognoistre pour le moins sa volonté n’estre fausse ny fainte. Je tient ledict evesque en mon endroit pour homme de bien et qui ne m’a point commencé les premiers propos de cette affection qu’avec bonne intention et selon le jugement auquel il estoit induict par raison, toutefois je me suis tousjours retenu en parlant de ne luy dire chose par laquelle il peut coniecturer qu’on ait vouloir de rechercher ces seigneurs, mais bien d’entendre à cette pratique » (BnF, ms. fr. 16088, fol. 24v-26r).
115 Sur les liens entretenus à la même époque par Vergerio avec les représentants du roi d’Angleterre à Venise, à la croisée d’intérêts politiques et religieux/hétérodoxes voir Diego Pirillo, The Refugee-Diplomat. Venice, England, and the Reformation, Ithaca-London, Cornell University Press, 2018, p. 45-54.
116 « Car oultre la devotion qu’il a de long temps envers le roy, la cognoissance de la liberalité du dict Seigneur et du fruit qu’il en peut recueillir luy forme d’avantage une grande volonté de faire service se tenant asseuré que prenant fin cet affaire au contentement du sa Majesté elle luy feroit volontiers quelque bien en l’Église pour amplifier sa fortune, laquelle n’est pas respondante à son tiltre » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 86).
117 Anne Jacobson Schutte, Pier Paolo Vergerio e la riforma a Venezia, 1498-1549, Rome, Il veltro editrice, 1988 p. 348-349.
118 Ibid., p. 362-363.
119 Ibid., p. 371.
120 À propos d’un décret du pape qui se réjouissait de la victoire de Charles Quint et du massacre des protestants à Mühlberg, Morvillier commentait : « Je ne voudrois aprouver leurs opinions, mais je crois que les oraisons de l’Église les convertiroit plustot que le tranchant de l’épée » (BnF, ms. fr. 2957, fol. 229).
121 Sur Maggi voir Alonge, « Evangelismo ed eterodossia », op. cit., p. 440-442, et Id., Ambasciatori, op. cit., ad indicem.
122 « Messire Vincentio Magio est venu plusieurs fois devers moy se lamenter et plaindre de la pauvreté en laquelle il est reduit que j’ay entendue par autre que luy, luy estre si grande qu’elle ne peut davantage en sorte que bien souvent il endure la faim en son logis ou il se contient de honte, et pour ce que je l’ay veu comme desespéré, et semblablement ay esté adverty qu’il se plaint ailleurs qu’en vers moy du longtemps par luy employé au service du Roy pour lequel il dit avoir plusieurs fois mis sa vie en danger des promesses qu’on luy a faictes dont il n’a jamais receu aucun fruit ne recompence de ses labeurs, j’ay estimé apartenir à mon devoir de consoller et donner bonne esperance audict Magio affin de faire cesser ses plaintes et eviter qu’elles ne se publient en aucun endroits, où elles seroient volontiers ouyes au desavantages du service dudict Seigneur pour descourager ceux qui y ont devotion aliener la volonté de ceux qui y sont et les rendre moins fidelles. J’ay aussi pensé devoir admonester le dict Magio de se garder que la passion ne luy fist tant oublier la foy et l’honneur qu’il doit au service du dict Seigneur se laissant transporter à faire chose indigne et lasche, ou parler autrement qu’il ne doit, en quoy il m’a tousjours asseuré de se comporter avec si grande constance et fdelité que la necessité non par meme la mort ne luy changeront jamais la volonté qu’on a en luy connue » (Morvillier à Tournon, Venise, 24 janvier 1547 ; BnF, ms. fr. 2957, fol. 89-90).
123 Grace à la médiation de Morvillier, Maggi sera accueilli à la cour des Valois, comme le relate l’ambassadeur vénitien en France (Venise, Archives d’État, Capi del Consiglio dei Dieci. Letere di ambasciatori, 10, fol. 274-275).
124 Pier Mattia Tommasino, L’Alcorano di Macometo. Storia di un libro del Cinquecento europeo, Bologne, il Mulino, 2013, p. 87-128.
125 Voir sur ces thèmes Seidel Menchi, Erasmo in Italia, op. cit., p. 265-269.
126 Il écrit à Marguerite le 14 février 1547 : « Madame la plus heureuse et agréable nouvelle que je puisse entendre a esté celle de vostre brief retour auprès du roy, où estimans qui soyes de present, je n’ay voulu faillir de vous faire tres humblement la reverence, et vous supplier, Madame, de me tenir tousjours sous la protection de vostre faveur et bonne grace laquelle m’est aussy necessaire comme la lumière du soleil à la vie. Pour continuer le commancement qu’il vous a pleu donner à ma petite fortune que j’estime toutesfois plus grande et plus heureuse que je ne scavoir jamais meriter, si je me puis conduire en la charge qu’il a pleu au roy me donner à son contentement et satisfaction a quoy la volonté ne me deffaudra. Mais je connois trop faible ma suffisance pour soutenir ce faire, pour cette cause, Madame, j’ay recours à vostre ayde qui m’a eslevé hors de terre et auquel j’auray tant que je vivray parfaicte confiance sachans que vostre charité et bonté ne se peut rassasier de bien faire et ayder à ceux qui en ont besoin comme moy qui vous suis autant obligé que nul autre serviteur » (BnF, ms.fr. 2957, fol. 125-126).
127 Alain Tallon, « Claude d’Urfé ambassadeur de François Ier et de Henri II au Concile de Trente-Bologne », Revue d’histoire diplomatique, 1997/3, p. 195-216 ; voir aussi Id., La France et le Concile de Trente, 1518-1563, Rome, École Française de Rome, 1997 (maintenant voir la deuxième édition : Rome, École Française de Rome, 2017), ad indicem.
128 Ribier, Letres et memoires d’estat, des roys, princes, ambassadeurs…, op. cit., vol. 2, p. 252-264.
129 Du Bellay, Correspondance, op. cit., vol. 4, 5, 6, ad indicem ; BnF, ms. fr. 2957, fol. 43-44.
130 Pauline Madinier, « Le sacrifice eucharistique dans la chapelle de la Bâtie d’Urfé », Studiolo, n° 6, 2008, p. 33.
131 Alain Tallon, Division de la chrétienté et invention de la diplomatie : la politique française face au Concile de Trente, in Lucien Bély, dir., L’invention de la diplomatie, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, p. 37-46.
132 Tallon, « Claude d’Urfé ambassadeur de François Ier et de Henri II au Concile de Trente-Bologne », art. cit., p. 208-212. Dans sa bibliothèque l’on retrouve plusieurs textes religieux, parmi lesquels une traduction française en deux volumes publiée en 1531 à Paris par Galliot Du Pré de la Cité de Dieu de saint Augustin, un auteur très apprécié de Luther et des évangéliques français. Sur la reliure de la copie conservée à la BnF sont peintes les armes de d’Urfé (André Vernet, « Les manuscrits de Claude d’Urfé (1501-1558) au château de La Bastie », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Letres, 1976/1, p. 81-97).
133 Voir sur ce sujet les nombreux travaux de Massimo Firpo, dont les deux récentes synthèses en anglais et en italien : Massimo Firpo, Juan de Valdés and the Italian Reformation, Farnham, Ashgate, 2015 ; Id., Juan de Valdés e la Riforma nell’Italia del Cinquecento, op. cit.
134 Sur Marguerite de Valois voir Rosanna Gorris Camos, « “Pia ricevitrice di ogni cristiano” : poésie, exil et religion autour de Marguerite de France, duchesse de Savoie », in Jean Balsamo, Chiara Lastraioli, dir., Chemins de l’exil, havres de paix, Paris, Champion, 2010, p. 177-223. Sur L’Hospital voir Thierry Wanegffelen, De Michel de L’Hospital à l’édit de Nantes : politique et religion face aux Églises, Clermont Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2002 ; Loris Petris, La Plume et la tribune : Michel de L’Hospital et ses discours (1559-1562) ; suivi de l’édition du « De initiatione Sermo » (1559) et des « Discours de Michel de L’Hospital » (1560-1562), Genève, Droz, 2002.
135 Carnesecchi confirme le lien spirituel entre Marguerite de Valois et sa tante Marguerite de Navarre (Massimo Firpo « Pietro Carnesecchi, Caterina de Medici e Juan de Valdés. Di una sconosciuta traduzione francese dell’Alphabeto christiano », in Michael Erbe, Hans Füglister, Katharina Furrer, Andreas Staehlin, Regine Wecker, Christian Windler, dir., Dissenz und Toleranz im Wandel der Geschichte, Festschrift zum 65, Geburstag von Hans R. Guggisberg, Mannheim, Palatium Verlag, 1996, p. 84).
136 À propos de Marguerite de Valois, Carnesecchi affirme : « Trovai ch’elle teneva la iustificatione per la fede come teneva io in quel tempo » (Firpo, « Pietro Carnesecchi, Caterina de Medici e Juan de Valdés. Di una sconosciuta traduzione francese dell’Alphabeto christiano », art. cit., p. 82) ; et à propos des prêcheurs de la reine, il ajoute face aux inquisiteurs : « Inclinavano alla opinione della giustificatione per la fede, benché procedessero molto cautamente et senza dare scandalo a niuno » (Ibid., p. 84).
137 Les inquisiteurs demandent à Carnesecchi si d’Urfé aussi avait des opinions religieuses suspectes ; dans ses réponses le Florentin choisit de protéger l’ambassadeur du roi : « Interrogatus si scit vel audivit quid dictus dominus de Orphé sentiret circa fidem, respondit : Non ho inteso mai particularità alcuna intorno ad ciò, et in dubio son inclinato a credere che fusse catholico poiché il re Henrico, tanto zelante della religione come le Signorie Vostre sanno, l’havea destinato al governo del figliuolo suo primogenito » (Firpo, Marcatto, I processi inquisitoriali di Pietro Carnesecchi, op. cit., vol. 2, p. 641).
138 Tallon explique cette absence comme un acte de prudence politique de la part de d’Urfé afin de ne pas déplaire aux princes protestants alliés du roi (Tallon, « Claude d’Urfé ambassadeur de François Ieret de Henri II au Concile de Trente-Bologne », art. cit., p. 201).
139 Massimo Firpo, Fabrizio Biferali, Immagini ed eresie nell’Italia del Cinquecento, Bari-Rome, Laterza, 2016, p. 95-96. Les deux auteurs affirment bizarrement que l’inscription hébraïque « campeggia sulla porta d’ingresso al giardino e sfila nella cappella » ; pour une description correcte voir Madinier, « Le sacrifice eucharistique dans la chapelle de la Bâtie d’Urfé », art. cit., p. 31.
140 Pauline Madinier avait déjà attiré l’attention sur la présence d’inscriptions hébraïques dans la chapelle (Ibid., p. 30-32).
141 Voir Mauro Perani, « Federico Fregoso e la più antica iscrizione ebraica di un umanista cristiano a Gubbio (ca 1533). Esame paleografico e comparativo », in Id., dir., L’ebraista cristiano Federico Fregoso e l’iscrizione ebraica del 1533 nella chiesa di Castel d’Alfiolo a Gubbio, Florence, Giuntina, 2016, p. 45-75.
142 Guido Dall’Olio, Eretici e inquisitori nella Bologna del Cinquecento, Bologna, Il Mulino, 1999, ad indicem ; Id., « Linguardo, Francesco », Dizionario biografico degli italiani, vol. 65, 2005, p. 160-161.
143 Par exemple Massimo Firpo et Fabrizio Biferali ont recours au terme de « huguenots » à propos des fréquentations de d’Urfé, mais l’expression remonte à une période plus tardive, le début des années 1560, et apparaît inappropriée pour esquisser le profil religieux des hommes qui entouraient l’ambassadeur (Firpo, Biferali, Immagini ed eresie nell’Italia del Cinquecento, op. cit., p. 97).
144 Les conclusions d’Alain Tallon diffèrent sur ce point important des miennes ; toutefois le syntagme de « Réforme catholique » qui est employé pour indiquer la sensibilité religieuse de d’Urfé pose encore plusieurs problèmes historiographiques majeurs, et ne permet pas de distinguer clairement les différentes mouvances à l’intérieur du catholicisme du xvie siècle (Alain Tallon, « Claude d’Urfé ambassadeur de François Ier et de Henri II au Concile de Trente-Bologne », art. cit., p. 215-216).
145 Wanegffelen, Ni Rome ni Genève. Des fidèles entre deux chaires en France au xvie siècle, op. cit.
146 Malgré son retrait des affaires politiques au cours des années 20, Fregoso ne cessa d’être considéré proche des intérêts du roi de France encore au moment de son élection au cardinalat et de sa mort en 1541 (Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Barb. Lat. 5236, fol. 20rv ; Pellicier, Correspondance politique, op. cit., vol. 2, p. 376-77).
147 « Ogni giorno questi Signori fanno consiglio de Dieci per costoro che scoprivano li loro secreti, né passa mai dì che non diano la corda a questi che sono pregioni e maxime al Valerio, il quale, secondo che qui si dice pubblicamente, ha accusato mons. Vescovo di Verona ch’avesse ancor lui mano in queste pratiche, ma la cosa non si sa per certo, perché in effetto questi Signori passano con tanta segretezza che più non si potrebbe dire » (Nicolini, Letere di negozi, op. cit., p. 25). Valier et Giberti étaient en relation dès l’année 1528, quand, à la suite du sac de Rome, l’évêque fut accueilli dans la demeure du gentilhomme vénitien (Giorgio Padoan, Momenti del Rinascimento veneto, Padoue, Editrice Antenore, 1978, p. 339).
148 Finalement la République de Venise, sans doute à cause de l’importance du prélat et des pressions romaines, laissa tomber les accusations et accepta la ligne défensive de l’évêque ; ce qui tout de même ne prouve pas l’innocence de Giberti, comme semble le suggérer au contraire Adriano Prosperi (Prosperi, Tra evangelismo e Controriforma : Gian Mateo Giberti, 1495-1543, op. cit., p. 316-17 ; et Nicolini, Letere di negozi, op cit., p. 28, 34, 35). Le texte de la défense de Giberti est reproduit dans Luigi Federici, Elogi istorici de’ più illustri ecclesiastici veronesi, Verona, Ramanzini, 1818, vol. 2, p. 212-219.
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