Chapitre 9. Les accidents de la circulation
p. 141-155
Texte intégral
1Les déplacements ont toujours comporté un risque. Les ex-voto provençaux en témoignent, puisque 12 % d’entre eux sont relatifs à un accident de la circulation. Mais leur nombre va croissant avec le temps, et les circonstances représentées évoluent.
2Jusqu’au xviiie siècle, les tableaux votifs montrent quelques chutes de cheval. La victime en est généralement le cavalier, qui tombe de sa monture, comme cet homme en 1782 (ph. 1). Le tableau, au trait assez naïf, montre le cheval sur le dos, qui écrase le cavalier à terre. Un autre homme se précipite vers lui pour lui porter secours. Les deux personnages portent une culotte sombre, une chemise blanche et un habit rouge ou marron, et sont coiffés d’un tricorne. Pas de personnage en prière sur ce tableau, mais saint Jean, représenté avec son chien et la croix, dans les nuages, qui tend la main vers la victime. La dédicace, fautive, indique « ESXVOTE ».

Ph. 1. Saint-Jean-Baptiste à Signes. Bois, 28 x 40 cm
Charrettes et charretiers
3À la fin de cette période apparaissent les accidents de charroi, qui vont se multiplier au xixe siècle, impliquant donc plus souvent le transport des marchandises que celui des personnes. C’est le cas de l’ex-voto remis en 1818 par L. Christinet à La Roquebrussane (ph. 2). L’accident s’est produit sur une route, dans les collines varoises : un attelage, composé de trois chevaux attelés les uns derrière les autres, tire une charrette lourdement chargée de tonneaux. La victime est le charretier, que l’on voit, en sang, à terre. Deux hommes lui portent secours. La victime est vêtue d’un pantalon sombre et d’une grande blouse bleue, caractéristique de la profession. La Vierge à l’enfant occupe un vaste espace céleste au centre du tableau, mais c’est le seul signe religieux : pas de mention votive, pas de personnage en prière.

Ph. 2. Notre-Dame d’Inspiration à La Roquebrussane. Toile, 37 x 45 cm.
4L’accident survenu près de Marignane le 25 août 1828 témoigne des risques liés à l’augmentation de la fréquentation des routes, parfois trop étroites (ph. 3). À cet endroit, la chaussée est surélevée par rapport aux bas-côtés et le passage de la diligence « Lyon - Aix - Marseille », tirée par un attelage de trois chevaux de front, oblige le voiturier qui conduit une charrette lourdement chargée de rouler très près du bord de la route ; son cheval manque un pas et tombe à terre, les pattes avant dans le vide. Le charretier, vêtu de la traditionnelle blouse bleue, lève les bras au ciel ; il tient son fouet dans la main droite, alors que le conducteur de la diligence tourne la tête vers l’accident. Le peintre a représenté avec précision la scène humaine, soignant le décor (la ferme avec son grenier à foin, le ciel où moutonnent quelques nuages), comme la représentation des attelages et de la diligence jaune et noire. Ici encore, aucun personnage n’est tourné vers le ciel, où la Vierge à l’enfant, joue son rôle de protectrice.

Ph. 3. Notre-Dame de Pitié à Marignane. Bois, 37 x 48 cm.
5En décembre 1846, les frères Eusèbe et Joseph Arnaud voient leur charrette verser sur une route en pleine campagne (ph. 4). Celui qui conduisait l’attelage, fouet à la main, est jeté à terre. L’autre, juché sur la ridelle, se retrouve, avec le chargement, sous la charrette qui s’est renversée sur lui. Un passant vient à leur secours. Le peintre, au trait assez naïf, a inséré l’événement dans le paysage des collines entourant le village du Beausset. On distingue les mas isolés, les arbres, les restanques, et, au sommet du relief le plus haut, la chapelle Notre-Dame où l’ex-voto fut déposé, avec son allée de cyprès. La Vierge à l’enfant est totalement superposée à la scène, inscrite dans un médaillon, irradiant de rayons lumineux.

Ph. 4. Notre-Dame du Beausset-Vieux. Papier, 30 x 49 cm.
Les victimes de la circulation hippomobile
6Si, dans les cas précédents, les accidents de la circulation peuvent aussi être considérés comme des accidents du travail, puisqu’ils affectent ceux, charretiers ou paysans, qui utilisent l’attelage dans leur labeur, on trouve, au fil du temps, des ex-voto de plus en plus nombreux concernant des victimes de la circulation hippomobile, personnes transportées ou renversées, notamment des femmes et des enfants.
7L’ex-voto de la famille Léon Jauffret montre une scène assez étonnante, que le peintre s’est visiblement plu à représenter avec précision (ph. 5). Au premier plan, un petit cours d’eau, probablement l’Issole, affluent de l’Argens, dont un moulin, à gauche, utilise la force motrice. La route passe sur un pont, construit en belle pierres de taille. Pour un motif inconnu, le cheval qui tire une carriole à deux roues est passé par-dessus le parapet. Le véhicule a lui aussi failli tomber dans le vide. Il reste néanmoins bloqué en travers de la route. Une femme secourt l’enfant, juché à l’arrière ; une autre femme implore la Vierge, mains jointes. Les hommes, qui portent le « costume du dimanche », avec chemise, gilet, veste, chapeau, forment deux groupes : ils sont deux autour du cheval, pour le tenir et le dételer ; deux autres, sur la route arrivent en courant. Le paysage de cette scène est dépeint avec soin : les arbres, avec très peu de feuilles, qui laissent penser que nous sommes à la fin de l’hiver ou au début du printemps, le mas constitué de deux bâtiments accolés, et les collines qui tracent la ligne d’horizon.

Ph. 5. Notre-Dame d’Inspiration à La Roquebrussane. Toile, 50 x 60 cm.
8Mais plus encore que pour les passagers, le danger semble important pour les piétons se trouvant sur le passage des véhicules hippomobiles, et particulièrement les personnes âgées ou les enfants. À Hyères, le 20 février 1848, c’est une femme de quatre-vingts ans, la veuve Durand qui est renversée par une charrette (ph. 6). Le cheval attelé semble échapper au contrôle du charretier ; il se cabre, provoquant un recul inopiné du véhicule. Le peintre a soigné les détails de cette scène de la vie quotidienne : le charretier, qui porte la blouse bleue, lève un bras en signe d’impuissance à maîtriser sa bête, plusieurs passants se retournent ou s’approchent de l’accident. Le cadre urbain est montré en détails : rue pavée, maisons à deux étages, réverbère, et même drapeau tricolore, sur un bâtiment au bout de la rue. Le ciel d’hiver est nuageux, la pluie menace : le promeneur portant un chapeau haut de forme, ainsi que la victime, tiennent à la main un parapluie fermé. La Vierge à l’enfant, nimbée de lumières, est située dans les nuages en haut à gauche du tableau ; aucun lien visible n’est représenté entre elle et la scène humaine.

Ph. 6. Notre-Dame de Consolation à Hyères. Toile, 40 x 55 cm.
9Une vingtaine d’années plus tard, à Mazan dans le Vaucluse, le peintre est moins habile, mais tout aussi attentif à montrer les détails de l’accident (ph. 7). Un garçon passe sous la roue d’un attelage qui transporte quatre passagers. Là encore plusieurs personnages sont représentés ; ils se tournent, impuissants vers l’accident, en levant les bras, sans que ce geste qui peut être une invocation, prenne la forme d’une prière. Les hommes sont tous coiffés d’un chapeau, les femmes d’une coiffe ; seul l’enfant est nue tête. La place du village est dépeinte avec soin : la route, les arbres, les maisons, la fontaine. La Vierge à l’enfant, dans sa guirlande de nuages, est placée entre les frondaisons des arbres.

Ph. 7. Notre-Dame la Brune à Mazan. Carton, 48 x 62 cm.
10Le 6 août 1856, Louis Marcelin, âgé de sept ans, est renversé par une diligence (ph. 8). Une roue lui passe sur les jambes, mais il en réchappe et sa famille dépose un ex-voto à la chapelle du Beausset-Vieux. Le peintre montre le véhicule, avec ses passagers, et le cocher tirant sur les rênes pour stopper le cheval. En revanche, il ne représente aucun autre personnage venant porter secours à l’enfant ou implorant le ciel. La rue du village, où passe l’attelage, semble déserte. Ce n’est que la Vierge, dans ses nuages, qui peut protéger la vie de l’enfant.

Ph. 8. Notre-Dame du Beausset-Vieux. Toile, 27 x 36 cm.
11Les ex-voto relatifs à des accidents de la circulation concernant les enfants sont particulièrement nombreux dans les années 1850-1880. Celui-ci, anonyme, se situe en 1858, dans un décor urbain (ph. 9). Il s’agit probablement d’une rue, pavée, d’Avignon, où l’on voit un bel immeuble en pierres de taille, dont l’entrée porte le numéro 5. Une charrette chargée est conduite par un charretier, qui porte la blouse et le chapeau habituels à sa profession. Un tout jeune enfant passe sous une roue ; une femme, peut-être sa mère, se précipite vers lui. La Vierge dans le ciel tend un bras protecteur.

Ph. 9. Notre-Dame de Rochefort. Toile, 50 x 61 cm.
12En 1867, sur la route, près du Val, dans le Var, la circulation semble intense : le transport de marchandises est assuré par des charrettes lourdement chargées ; elles croisent un petit cabriolet, sous la roue duquel tombe le jeune Philippe Bernard (ph. 10). Les charretiers lèvent les bras au ciel, ainsi que la femme, classiquement vêtue d’une robe et d’un tablier, et qui porte une coiffe blanche ; elle semble implorer la Vierge, en regardant le ciel. Le costume distingue nettement les charretiers, avec leur blouse bleue, qui marchent à côté de leur cheval, du conducteur du cabriolet, qui porte une veste.

Ph. 10. Notre-Dame de Paracol au Val. Carton, 45 x 55 cm.
13Nous retrouvons un charretier, toujours vêtu de manière identique, sur un autre ex-voto du même sanctuaire, probablement dû au même peintre (ph. 11). Il est assis à l’avant de sa charrette, qu’il conduit sur une route, en pleine nature. Le harnais du cheval est montré avec une grande précision : têtière, frontal, mors, œillères, collier, selle, sangle, sous-ventrière, croupière, et brancard. En ce 10 novembre 1879, la victime est encore un jeune garçon, Baptistin Vincent. Le conducteur, qui tire sur le guide pour retenir le cheval, lève aussi un bras au ciel, dans un geste d’imploration de la Vierge. L’intervention céleste est matérialisée par des rayons lumineux, qui prolongent le geste de sollicitude de Marie en direction de la victime.

Ph. 11. Notre-Dame de Paracol au Val. Carton, 44 x 36 cm.
14C’est un tout autre style de peinture que propose l’ex-voto remis en 1879 par la famille Chiron à Mazan (ph. 12). La figuration de la Vierge à l’enfant, sous les traits d’une statue de sanctuaire est assez maladroite. En revanche, la scène humaine, une paysanne renversée par une charrette, ne manque pas de qualité picturale. Tout est mouvement dans cette composition : la victime déséquilibrée, le conducteur qui essaye de retenir le cheval, la foulée de l’animal et les deux femmes, réduites à des silhouettes, que l’on voit accourir, bras levés. Les touches de pinceau, comme les couleurs, ne sont pas sans évoquer les nouvelles tendances stylistiques de la peinture, en cette fin de xixe siècle.

Ph. 12. Notre-Dame la Brune à Mazan, carton 25 x 37 cm.
Les accidents du rail
15Le développement du chemin de fer, et notamment des lignes de desserte locale sous la Troisième République, coïncide avec la période où l’ex-voto peint amorce son repli en Provence. Les accidents du rail ont donc laissé peu de traces sur les tableaux votifs, une douzaine seulement leurs sont consacrés.
16L’ex-voto de Rose Long montre un accident grave, évité de justesse le 26 janvier 1875 (ph. 13). La petite fille a ouvert inopinément la porte donnant sur la voie, alors que train roule à pleine vitesse entre Marseille et Aubagne. Cette ligne, ouverte en 1871, passe au pied des monts Saint Cyr et Carpiagne, bien visibles au second plan. À la différence des ex-voto d’accidents de charrettes, témoins imagés d’une Provence traditionnelle, ce tableau nous plonge dans la modernité de la fin du xixe siècle, avec la voie ferrée, le long de laquelle sont plantés les poteaux soutenant les fils électriques. Le petit train est composé d’une locomotive à vapeur, d’où se dégage un panache de fumée, et où on aperçoit le chauffeur et le conducteur ; elle est suivie du tender, pour l’eau et le combustible, puis d’une voiture de première classe, à quatre compartiments, dont les portières font penser à celles des grandes diligences auxquelles le chemin de fer a succédé. Vient ensuite une voiture de deuxième classe, d’aspect plus modeste, comportant également quatre compartiments. L’une des portières est ouverte, avec une fillette qui s’y agrippe, les pieds dans le vide. En queue de train un petit wagon, avec un employé de la compagnie. Dans le ciel bleu, encerclée de nuées, la Vierge à l’enfant veille sur Rose Long.

Ph. 13. Notre-Dame de Nazareth à Saint-Marcel. Toile, 52 x 71 cm.
17L’accident de chemin de fer peut aussi être provoqué par un acte malveillant. C’est le cas pour l’ex-voto remis à Notre-Dame de la Garde par deux cheminots marseillais, Louis André Napoléon, chauffeur et Charles Jacques Philip, mécanicien de l’express Marseille – Paris (ph. 14). Le premier juillet 1892 le train était parti de la gare Saint-Charles à 23 heures 23, avec huit cents voyageurs et un wagon plombé contenant plusieurs millions de francs destinés à la Banque de France. Arrivé au Pas des Lanciers, peu avant Vitrolles, le mécanicien avait dû arrêter le train, après avoir ressenti une violente secousse. Des barres de fer avaient été posées en travers de la voie. Une catastrophe avait été évitée de justesse, grâce au sang-froid de cheminots aguerris : le chauffeur avait quarante et un ans et le mécanicien trente-cinq. Mais ils estimèrent que c’était à l’intervention de la Bonne Mère qu’ils devaient d’avoir évité le déraillement. Sur l’ex-voto, qu’ils déposèrent quelques mois plus tard à Notre-Dame de la Garde, on peut voir, matérialisant cette protection, un rayon lumineux émanant de Marie et descendant sur les cheminots. La représentation de la locomotive, à l’exception de la bielle mal placée, est assez précise pour qu’on puisse identifier le modèle 121, construit dans les années 1879 à 18841. Sur le cadre du tableau est fixée une plaque de cuivre où est gravée la mention suivante : « Reconnaissance à N. Dame de la Garde. Tentative de déraillement au Pas des Lanciers du train express n° 12 de Marseille à Paris, le 1er juillet 1892 à minuit. Le mécanicien L. Napoléon, C. Philip ».
18L’enquête ne put établir l’identité des responsables de cette tentative de déraillement, mais révéla qu’un acte analogue avait été commis deux ans plus tôt, au même endroit.

Ph. 14. Notre-Dame de la Garde à Marseille. Toile 46 x 65 cm.
19Les tramways, circulant au milieu des chaussées urbaines, constituent aussi un risque nouveau. Dans une rue de la ville de Toulon, une voiture de la Compagnie française des tramways est chargée de nombreux passagers, en juin 1913 (ph. 15). Un homme tombe de la plate-forme arrière, s’accrochant de la main à la rambarde. Il porte un pantalon blanc et une vareuse bleue ; peut-être s’agit-il d’un employé de la compagnie. Le trait néo-impressioniste de l’œuvre ne permet pas de distinguer nettement la cause de l’accident. Il se pourrait qu’une seconde voiture se soit détachée de la première, provoquant la chute de P.B., la victime, dont nous ne connaissons que les initiales. Surajoutée à la peinture, une petite Vierge découpée dans une image pieuse, est collée en haut à droite, dans le ciel.

Ph. 15. Notre-Dame du Mai au Cap Sicié. Bois, 27 x 55 cm.
Les accidents d’automobile
20Les accidents d’automobile sont à l’origine d’un nombre d’ex-voto comparable à celui dû aux accidents du rail. Pourtant le risque est plus important avec la voiture qu’avec le train. Mais le développement de la circulation routière correspond à une période où l’ex-voto peint est en net recul, puis en voie d’abandon.
21L’ex-voto remis en 1927 par Benjamin Recous est l’œuvre d’un peintre qui a réalisé d’autres tableaux votifs2. La Vierge à l’enfant, représentée en statue habillée, occupe une large place dans le ciel, au centre de la composition (ph. 16). La scène humaine s’apparente à un instantané photographique : dans une manœuvre de recul, le conducteur renverse l’enfant, alors que la mère accourt. Le trait est précis, les couleurs variées. Le tableau est très descriptif, fourmillant de détails qui font vrai : le tablier de la femme se soulève dans sa course, une tenture protège l’entrée de la maison, près du portail en bois, derrière le mur d’enceinte on peut voir divers objets posés là : pioche, pelle, balai, cagettes. Le véhicule automobile est à usage mixte : transport de marchandises, mais aussi de voyageurs avec un toit en toile amovible. En un mot, avec une esthétique propre à son temps, cet ex-voto s’intègre parfaitement dans la tradition du modèle votif traditionnel.

Ph. 16. Notre-Dame de Consolation à Hyères. Papier 25 x 40 cm.
22L’ex-voto de l’accident de voiture survenu à Fréjus le 6 septembre 1938 est aussi une peinture à l’eau réalisée sur papier (ph. 17). Mais le style en est fort différent : il combine des codes traditionnels de l’ex-voto avec des aspects originaux qui laissent penser qu’il n’est pas l’œuvre d’un peintre d’ex-voto, mais que l’auteur s’est inspiré de tableaux votifs plus anciens déposés dans le sanctuaire. Dans la tradition de l’image votive, on retrouve la dualité des espaces, humain et céleste. La Vierge à l’enfant, irradiant de rayons lumineux, n’est pas entourée de nuages, qui le plus souvent délimitent son espace, mais est superposée à la scène humaine. Celle-ci, dans un paysage à peine esquissé, montre une voiture qui a versé dans le fossé, probablement pour éviter une collision avec le camion qui file sur la route. Quatre occupants du véhicule, qui ont connu une grande frayeur mais pas de dommages corporels, sont représentés en prière d’action de grâce, les mains jointes. Un peu plus loin sur la route un cycliste, sans doute alerté par le bruit de l’accident, a mis pied à terre et lève un bras au ciel. Le peintre représente quelques détails qui renforcent le sentiment de réel : une des jeunes filles en prière a son cartable à côté d’elle, de l’autre côté de la voiture, dans l’herbe, on voit quelques objets qui ont été éjectés du véhicule lorsqu’il a quitté la route : livres, chapeau, parapluie. Enfin une touche humoristique complète le tableau : un cinquième personnage se trouve encore dans l’automobile ; on aperçoit sa tête et ses bras levés, tendant vers le ciel un pot en terre dans lequel il y a un cactus. Celui-ci est intact. Sa préservation fait-elle aussi partie du sauvetage miraculeux, ou plus probablement cette cactée figure-t-elle sur le tableau pour montrer le risque supplémentaire encouru par les occupants de l’habitacle, du fait de la présence de celle plante à épines à côté des passagers, lorsque le véhicule quittant la route, ils ont été précipités les uns contre les autres.

Ph. 17. Notre-Dame de Bon Port à la Garoupe. Papier 30 x 37 cm.
23Le tableau remis à Notre-Dame de Valcluse3 suite à un accident de la route survenu le 11 avril 1955 conserve aussi quelques filiations avec la tradition iconographique votive, mais s’en éloigne cependant plus encore (ph. 18). L’espace céleste est totalement absent et la scène humaine est traitée comme une image de bande dessinée. Un couple roule dans une petite voiture sur une route de montagne. Dans un virage, un homme pilotant une puissante berline noire immatriculée en Suisse, les double et dans le dépassement heurte le premier véhicule qu’il envoie dans le fossé. Le conducteur ne s’est pas arrêté pour porter secours aux accidentés. Au contraire, il est représenté comme un chauffard ivre, le nez rouge, et faisant un salut de la main aux passagers de la voiture accidentée. Mais, comme sur les ex-voto les plus anciens, l’image se dédouble, avec l’action de grâce à côté de l’accident. En effet, sur la gauche, on voit la voiture qui est tombée au-dessous de la route, et ses occupants, agenouillés, levant les mains au ciel en un geste de remerciement très expressif. En bas à droite du tableau, une inscription en lettres cursives confirme le caractère votif de l’œuvre.

Ph. 18. Notre-Dame de Valcluse. Carton 31 x 48 cm.
24De la charrette à l’automobile, la route est un lieu de danger croissant. L’ex-voto peint en a gardé trace, que ce soit à l’époque de son apogée, comme à celle de sa raréfaction. Il existe encore d’autres risques liés aux déplacements ; ils concernent ceux qui se font sur mer.
Notes de bas de page
1 Les précisions concernant le déraillement évité proviennent de Félix Reynaud, Ex-voto de Notre-Dame de la Garde. La vie publique, Marseille, La Thune, 1997, p. 29-30.
2 Voir photo n° 16, chapitre 8.
3 Ce tableau a malheureusement aujourd’hui disparu de la collection d’ex-voto du sanctuaire : Gilles Sinicropi, Valcluse. La Notre-Dame du pays de Grasse, Nice, Serre, 2014, p. 197.
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