Chapitre 8. Les accidents du travail
p. 125-140
Texte intégral
1Dans la société traditionnelle l’organisation du travail est très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui : le salariat est beaucoup plus rare, les lieux et les rythmes de travail sont différents, les risques aussi. Cependant le secteur professionnel qui apparaît comme le plus dangereux à notre époque, le bâtiment et travaux publics, nous livre aussi dans le passé nombre d’exvoto. Dans sa forme traditionnelle, le risque est essentiellement celui de la chute du maçon dans la construction ou la réparation d’un édifice.
Les maçons
2Lors de la construction de la chapelle Sainte-Anne de la cathédrale d’Apt, en 1656, il y eut deux accidents dont l’ex-voto a gardé trace : un maçon chutant d’un échafaudage et un autre tombant également, mais parce qu’une partie de la construction s’écroule sous lui (ph. 1). La victime de la chute, originaire de Saignon, village proche d’Apt, a évité la mort, et rend grâce à sainte Anne ; il a pour cela un double motif, l’accident ayant eu lieu lors de la construction de la chapelle qui lui est dédiée et de plus le jour de sa fête. La composition du tableau superpose deux plans : au fond, on voit l’édifice de la chapelle et la chute du maçon ; au premier plan, figure un autre temps, celui de l’action de grâce : le donateur est ici représenté agenouillé en prière aux pieds de sainte Anne. Ce dédoublement de l’image, correspondant à deux temps, celui de l’accident et celui de l’action de grâce, est caractéristique des ex-voto du xviie siècle, lorsque le peintre tient à montrer l’accident, car faire figurer le donateur en prière est essentiel, et souvent, d’ailleurs, l’image se résume à cela. Le donateur est vêtu de la même façon lors de son accident de travail, et en prière de remerciement : chemise blanche, chausses et pourpoint marron. Il a les cheveux assez longs et porte barbe et moustache. L’autre ex-voto contemporain est construit selon le même principe, le maçon est vêtu de la même manière, mais est imberbe.

Ph. 1. Sainte-Anne à Apt. Toile, 62 x 76 cm.
3L’ex-voto remis en 1806 par Jean Lamoureux, maître maçon de Villeneuve-les-Avignon, nous le montre tombant, tête la première, d’un édifice en cours de construction (ph. 2). Ses collègues de travail sont de dos, au premier plan, en train de tailler des pierres, deux d’entre eux lèvent les bras en le voyant tomber. La scénographie est donc bien différente de celle de l’image précédente : plus de dédoublement de la scène entre accident et action de grâce, mais aussi personnages plus nombreux et représentation soignée du bâti. Deux femmes sont présentes, l’une pleure, essuyant ses yeux avec un mouchoir, l’autre est agenouillée et invoque la Vierge. Celle-ci figure dans le ciel, avec l’enfant Jésus dans ses bras ; ce dernier tient dans ses mains un chapelet, qu’il tend en direction des humains.

Ph. 2. Notre-Dame de Rochefort. Toile, 45 x 55 cm.
4Un demi-siècle plus tard, l’ex-voto remis par Jacques Baroli « sauvé de la mort en tombant du troisième étage en construisant une maison à la Capelete » à Carcès, nous montre une scène qui semble prise sur le vif : nous sommes sur un chantier, le 4 avril 1861, le sol est recouvert de nombreuses pierres plus ou moins taillées, une maison est en construction, le maçon tombe tête en avant, ses compagnons de travail lèvent les bras au ciel ; la seule femme présente est agenouillée en prière (ph. 3). Le peintre a soigné la représentation de l’attitude des personnages ; en revanche sa maison en construction n’a qu’un seul étage, et non trois comme le précise la légende ; s’il avait opté pour la représentation totale de l’immeuble, la scène aurait été plus juste, mais moins expressive : les personnages auraient été beaucoup plus petits, réduits à des silhouettes. Un long texte, peint en cursives au bas de l’image, nous apprend encore que le maçon est d’origine italienne, natif de Vinadio en Piémont, mais son prénom est écrit dans sa forme française, et son nom précédé de « sieur ». On ne sait s’il est naturalisé français, mais ces signes montrent son intégration : nombre de maçons italiens sont venus travailler, puis s’installer en Provence à partir du milieu du xixe siècle.

Ph. 3. Notre-Dame de Bon-Secours à Carcès. Toile, 36 x 44 cm.
5Cet ex-voto, de facture plus naïve, montre trois maçons, juchés sur une plateforme étroite, constituée d’une échelle horizontale supportant des planches, qu’on peut élever grâce à des cordes, passées dans des poulies, qui la maintiennent aux deux extrémités (ph. 4). Ces hommes refont une façade. Mais une des planches bascule, les outils et un des maçons tombent ; il n’évite une chute fatale qu’en s’accrochant à la corde d’une main. La Vierge représentée dans le ciel veillait sur lui. Aucun personnage n’est montré en prière, aucune légende n’accompagne l’image de ce tableau non daté, mais tardif. La perspective n’est pas respectée : pour montrer le risque encouru, le peintre a figuré les trois étages de la maison à laquelle les maçons travaillent, mais ceux-ci, quoique situés juste devant la façade sont représentés à une échelle beaucoup plus grande que l’édifice, ce qui permet de détailler leurs gestes : un des maçons tient une truelle en main, l’autre fait un geste vers la victime. Ce qui est mis en valeur c’est la soudaineté de l’accident.

Ph. 4. Notre-Dame d’Inspiration à Aups. Toile, 32 x 28 cm.
6L’ex-voto remis en 1952 à Notre-Dame de la Garoupe par Sauveur Saltarocchi le montre tombant, avec la chute de l’échafaudage sur lequel il était juché, alors qu’il est en train de travailler à la voute d’une chapelle, probablement celle où est remis l’ex-voto (ph. 5). Ainsi, trois siècles plus tard, nous retrouvons un tableau votif de nature comparable à celui remis à Sainte-Anne d’Apt (ph. 1). Mais ici, ni personnage en action de grâce, ni même figuration de l’intervention céleste. Le tableau se contente de montrer l’accident et son lieu. En bas de l’image, la légende est sobre : V.F.G.A. pour Votum fecit, gratiam accepit ; le nom du donateur, et la date de l’accident : janvier 1949. Cette date est antérieure de trois années à celle de la réalisation du tableau, qui figure à côté de la signature. Sans doute fut-il difficile au donateur, au milieu du xxe siècle, de trouver un peintre pour réaliser le tableau votif.

Ph. 5. Notre-Dame de Bon Port à la Garoupe. Papier, 45 x 29 cm.
7C’est encore un maçon, Joseph Libra, qui remet en 1907 un ex-voto à la suite d’un accident du travail, mais cette fois-ci lors du creusement et du maçonnage d’un puits, sur le terroir du Pradet, dans la campagne toulonnaise (ph. 6). À la limite d’un champ de vignes et d’un bois, quatre hommes sont à l’œuvre. Pour se protéger du soleil de fin d’été, ils ont tendu une toile accrochée à des piquets pour faire de l’ombre sur le chantier. Même si le dessin n’est pas très travaillé, la représentation de la scène est suggestive : trois ouvriers sont penchés sur le puits où leur collègue a été victime d’un éboulement, un quatrième lève les bras au ciel. Les outils et matériaux des travailleurs sont présents au premier plan de la composition : pierres de taille, seau, brouette. La Vierge est représentée dans son nuage. Une légende, mise en valeur par de grosses lettres noires sur fond blanc, figure au bas du tableau. On peut remarquer que d’autres mains ont utilisé ultérieurement cet espace blanc pour y tracer des graffiti votifs.

Ph. 6. Notre-Dame du Mai au Cap Sicié. Toile, 28 x 35 cm.
Moulins et pressoirs
8Dans la société provençale d’ancien temps, les moulins à blé et les pressoirs à huile étaient nombreux ; ils étaient des lieux de travail, et donc de danger potentiel, de la société préindustrielle. En 1744, Louis Gras est écrasé sous la pierre d’un pressoir (ph. 7). Il saigne abondamment. Un de ses collègues de travail essaie de le dégager en soulevant la roue en pierre avec un bâton. La représentation de l’accident et du pressoir est assez maladroite. En revanche, selon le modèle votif assez fréquent sous l’Ancien Régime, la partie gauche du tableau est consacrée à l’action de grâce, avec le donateur agenouillé en prière aux pieds de la Vierge. La mention écrite est réduite à l’essentiel : ex-voto, le nom, la date, mais est mise en valeur et en relief par rapport à l’image, par un fond blanc encadré de rouge.

Ph. 7. Notre-Dame du Glaive à Cabasse. Carton, 31 x 42 cm.
9En 1786 un meunier tombe de l’échelle qui permet d’accéder à l’étage du moulin à vent (ph. 8). Là encore le peintre choisit un dédoublement de l’image votive, mais inséré dans un seul espace extérieur. Le moulin occupe la partie droite du tableau, il est situé dans un paysage de collines de la campagne aixoise, évoquant sa prise au vent. Le cadrage choisi par le peintre permet de montrer le moulin et ses ailes, où le meunier tombant de l’échelle est réduit à une silhouette. En bas à gauche de l’image, en premier plan et donc bien visible, le meunier, un genou en terre et mains jointes, rend grâce à la Vierge à l’enfant ; à côté de lui sa femme est également agenouillée en prière un cierge à la main.

Ph. 8. Notre-Dame d’Espérance à Bouc-bel-air. Bois, 39 x 47 cm.
10Le 20 décembre 1826, à Pierrefeu, dans le Var, Charles Chapelle, qui travaille dans un moulin à huile, mû par l’eau, est pris dans un engrenage de roues dentées (ph. 9). Six de ses collègues de travail se précipitent vers lui ou pour bloquer le mécanisme d’entrainement du pressoir. Le peintre, malgré des maladresses, s’est appliqué à représenter la scène telle qu’elle a dû se dérouler, dessinant avec précision les roues et les presses. En décalage avec cet instantané quasi photographique, une femme agenouillée, est la seule présence qui évoque une démarche votive. Elle est de dos, comme si elle se trouvait dans le moulin, au centre de la composition ; au-dessus d’elle, dans une guirlande de nuages apparaît un Christ en croix, personnage céleste rare sur les ex-voto, mais qui correspond à la titulature de la chapelle où le tableau a été déposé. Cet ex-voto montre bien l’évolution des attitudes que l’on retrouve sur de nombreux tableaux votifs du xixe siècle : les hommes désormais sont dans l’action, les femmes demeurant dans des attitudes de prière.

Ph. 9. Sainte-Croix à Pierrefeu. Papier, 32 x 50 cm.
11L’accident de Fortuné Hermitte, en 1867, dont la blouse s’est prise dans l’arbre central du mécanisme rotatif d’un moulin à blé, entraînant le malheureux, donne lieu, et c’est exceptionnel, à deux ex-voto (ph. 10 et 11). L’un est déposé à la chapelle Notre-Dame de Grâce de Cotignac, l’autre dans un sanctuaire de la région de Brignoles1. Les deux tableaux sont très semblables dans leur composition. À côté de la victime, deux autres ouvriers de la minoterie, dont l’un porte secours à l’accidenté, et trois femmes, dont deux lèvent les bras au ciel, la troisième joint ses mains en signe de prière, à genoux, sur l’un des tableaux, debout, sur l’autre. Les vêtements sont les mêmes sur les deux compositions, pantalon bleu et blouse blanche pour les hommes, robe et tablier pour les femmes, complétés pour deux d’entre elles par un châle sur les épaules et une coiffe blanche sur la tête. Seuls les tons des habits varient légèrement. Le décor est également identique, montrant les mécanismes et les sacs de farine. Dans des nuées apparaît la Vierge seule à Cotignac, la Vierge à l’enfant à Brignoles. Des deux toiles, celle de Cotignac est la plus petite, mais aussi la plus soignée. Il est difficile de dire si elles sont dues au même peintre, ou si, plus probablement, l’une a pu servir de modèle à l’autre. On peut s’interroger sur ce qui a motivé le donateur à remettre deux ex-voto dans des sanctuaires différents ; c’est sans doute l’attachement personnel à ces deux lieux, car dans les deux cas ils sont offerts au même protecteur : Marie.

Ph. 10. Brignoles, Toile, 64 x 53 cm.

Ph. 11. Notre-Dame de Grâces à Cotignac. Toile, 54 x 38 cm.
Du grenier à l’atelier
12On trouve peu d’ex-voto montrant un accident du travail de la profession la plus répandue à l’époque, paysan. Ce n’est pas que le travail de la terre soit sans risque, mais un certain nombre d’accidents du travail de cette catégorie professionnelle relèvent de la chute ou du contact avec l’animal, sans que la situation de travail soit explicite. Il y a cependant quelques cas où l’identification est possible : accident sur l’aire à battre, accident de labour, ou comme sur l’ex-voto de Jean Vien en 1837, chute du grenier à foin, d’une hauteur de quatre mètres (ph. 12). Le donateur est un ouvrier agricole de 33 ans, originaire d’Arles et qui travaille dans un domaine agricole camarguais. Sans souci des proportions, le peintre du tableau joue de trois échelles de plan. En plan large, le mas, avec sa maison d’habitation, ses bâtiments agricoles, entourant une vaste cour. Ce plan d’ensemble donne une idée de la taille du domaine. La porte du grenier à l’étage est ouverte ; c’est de là que Jean Vien est tombé ; il est représenté à terre, dans la cour. Mais si le peintre avait respecté les proportions, le personnage aurait été tout petit. Il a donc grossi sa taille, d’autant plus qu’il est le seul personnage humain figurant dans la composition. Enfin, pour les saintes Maries, figurées dans leur barque, au-dessus du toit, le peintre adopte encore une autre échelle, en plan plus rapproché, ce qui met en valeur leur intervention. Notons enfin que l’auteur du tableau maîtrise mal la syntaxe et l’orthographe du français, puisqu’il écrit « Jean Vien azé de 33 an nantif d’arles a tombé du grenier a fuin… ».

Ph. 12. Saintes-Maries-de-la-Mer. Papier, 27 x 45 cm.
13L’ex-voto de Joseph Louis Giraud nous fait pénétrer dans une boucherie, au milieu du xixe siècle (ph. 13). Le malheureux garçon boucher est monté sur une échelle, probablement pour décrocher un jambon. L’échelle s’est dérobée et il s’est empalé sur un croc de boucher au niveau de la taille ; un compagnon de travail lui soutient la jambe. L’intérieur de la boucherie est montré par le peintre avec un grand souci du détail : comptoir avec la balance, gros billot de bois qui sert à la découpe, outils du boucher (scie, couteaux de diverses tailles) ; sur le mur du fond, la porte entr’ouverte laisse voir une pièce d’habitation, avec un feu de cheminée. Aucun signe d’invocation ou de prière dans la représentation de cette scène, mais dans les nuées, l’enfant Jésus, que la Vierge tient dans ses bras, se penche avec sollicitude en direction de la victime.

Ph. 13. Notre-Dame de Consolation à Hyères. Toile, 25 x 33 cm.
14Le 22 mars 1866, le jeune bucheron Barthélémy Aveirard se blesse d’un coup de hache sur le pied en débitant des troncs, sur une coupe de bois. Il saigne abondamment et s’évanouit. Mais il a été « préservé de la mort par l’intercession de N.D. du Beausset-Vieux et par les soins d’André Espanet qui l’a trouvé évanoui ». Le peintre du tableau, Eusèbe Nicolas, décrit avec précision cette scène qui se déroule sur le bord d’un chemin, où les troncs déjà débités sont entassés, dans les collines boisées. Les compagnons de travail accourent auprès de la victime. Ils sont tous vêtus d’un pantalon bleu ou beige et d’une chemise blanche, aux manches retroussées, et portent un chapeau. Une femme, peut-être la mère de Barthélémy, est représentée, en retrait, agenouillée en prière. L’action salvatrice de la Vierge du Beausset est matérialisée par un puissant rayon lumineux qui descend du ciel vers le visage de la victime.

Ph. 14. Notre-Dame du Beausset-Vieux. Papier, 33 x 43 cm.
15Après les bucherons, voici les scieurs de long. Le 21 juillet 1838, un homme nommé Tassin débite, dans la longueur, avec une grande scie, une imposante pièce de bois de type madrier (ph. 15). Ce dernier est posé sur deux tréteaux, dont l’un casse sous le poids du madrier qui tombe sur la jambe du scieur et le fait chuter. Deux de ses collègues se précipitent pour lui porter secours. La scène se passe à l’extérieur, mais le décor est sommaire. Les trois scieurs de long sont vêtus de la même manière : pantalon bleu et chemise blanche, avec un foulard noué sous le col. Ce tableau ne comporte ni personnage en prière, ni espace céleste. Seule la dédicace, au bas de l’image nous informe sur sa destination votive.

Ph. 15. Notre-Dame du Beausset-Vieux. Papier, 28 x 45 cm.
16En août 1926, devant l’entrée d’un atelier où l’on utilise des produits inflammables, dont de l’essence, Charles Ghio voit le seau qu’il porte s’enflammer brutalement, les flammes venant lui brûler le visage (ph. 16). Un ouvrier vêtu d’une blouse et portant aussi un seau, se précipite vers lui. Le peintre a cherché à donner une représentation réaliste de la scène : ombre portée des personnages, mur de clôture avec des jarres contenant des plantes, et surtout divers récipients de produits inflammables, tonneaux, seaux, un bidon et une bonbonne. La liaison entre la scène humaine et l’espace céleste est traitée d’une manière originale : la fumée noire qui se dégage du seau en flammes forme un continuum avec les nuages gris, puis blancs qui entourent la Vierge et l’enfant, représentés sous la forme de la statue du sanctuaire, mais irradiants de lumière.

Ph. 16. Notre-Dame de Consolation à Hyères. Papier, 30 x 40 cm.
Femmes au travail
17La quasi-totalité des ex-voto d’accidents du travail concerne des hommes. Dans le milieu rural, comme pour les hommes, l’accident du travail féminin est difficile à isoler des risques de la vie quotidienne. Par ailleurs il y a beaucoup moins de femmes que d’hommes dans les professions artisanales. Il y a cependant quelques cas où on peut saisir le travail au féminin sur l’ex-voto.
18Sur cet ex-voto martégal de 1788 on voit deux femmes tirant par les bras une troisième qui est tombée dans un bassin (ph. 17). Ce bassin est alimenté en eau par une pompe, que l’on distingue à l’arrière-plan, et qui fournit l’eau à un lavoir public. Les lavandières étaient au travail quand l’une d’entre elle est tombée dans le bassin : le peintre a représenté les paniers de linge, et sur le bord du lavoir, des bas et des linges en cours de lavage. Ce qui est original dans ce tableau, c’est l’absence des hommes, dans le rôle d’aide à la victime. Ce sont deux femmes qui interviennent, alors qu’il n’y en a pas en prière, comme c’est le cas habituellement. La scène se déroule en effet dans un espace typiquement féminin, celui du lavoir, où la présence des hommes n’est pas souhaitée ; les archives nous apprennent que ceux qui s’y hasardent sont parfois chassés à coup de battoir. Malgré le caractère maladroit du trait, notamment dans la maîtrise de la perspective ou de la représentation de l’espace céleste, le peintre2 a décrit avec précision les costumes des lavandières : caraco, robe, pour l’une protégée par un tablier à pois, châle, coiffe blanche recouverte d’un large chapeau noir.

Ph. 17. Notre-Dame de Miséricorde à Martigues. Bois, 24 x 34 cm.
19Le deuxième ex-voto féminin est plus énigmatique (ph. 18). La scène se situe en 1856 dans un magasin de tissus d’Avignon. Sa représentation est soignée : sol carrelé sur lequel on voit une chaise et une grande table pour dérouler et découper les tissus, étagères maçonnées où sont rangés, par couleur, les rouleaux de tissus à la vente. Seul personnage humain figurant sur ce tableau, la vendeuse est vêtue d’une simple mais élégante robe marron, portée sur une chemise à col blanc ; elle a également un petit tablier sombre. En revanche le motif précis de l’ex-voto nous échappe : la vendeuse déroule un coupon de tissus ; se blesse-telle en voulant en couper un métrage ? Mais on ne voit pas de sang couler. Une Vierge secourable figure au milieu de nuages. L’écrit, réduit à la mention votive et à l’année, ne donne aucune précision sur ce qui a motivé l’intervention céleste.

Ph. 18. Notre-Dame de Rochefort. Toile, 46 x 55 cm.
20Du maçon au meunier, du bucheron à la lavandière, l’ex-voto nous livre quelques images d’accidents du travail au passé. Mais il est d’autres circonstances dangereuses, celles liées aux déplacements, aux transports, que ce soit par voie terrestre ou maritime, qui relèvent aussi, en partie, des accidents de travail.
Notes de bas de page
1 Le musée de Brignoles rassemble des ex-voto issus de plusieurs sanctuaires d’alentour.
2 Le tableau n’est pas signé, mais d’après les travaux réalisés pour le Musée de Martigues par monsieur Patrick Varrot, il s’agirait d’une œuvre de jeunesse d’un des frères Bernard, neveux et élèves de Joseph Blaye, lui-même peintre d’ex-voto et de tableaux religieux à Martigues.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les sans-culottes marseillais
Le mouvement sectionnaire du jacobinisme au fédéralisme 1791-1793
Michel Vovelle
2009
Le don et le contre-don
Usages et ambiguités d'un paradigme anthropologique aux époques médiévale et moderne
Lucien Faggion et Laure Verdon (dir.)
2010
Identités juives et chrétiennes
France méridionale XIVe-XIXe siècle
Gabriel Audisio, Régis Bertrand, Madeleine Ferrières et al. (dir.)
2003
Des hommes à l'origine de l’Europe
Biographies des membres de la Haute Autorité de la CECA
Mauve Carbonell
2008