Avant-propos
p. 5-6
Texte intégral
1Il y a quarante ans, jeune assistant à l’université de Provence, je préparais, sous la direction de Michel Vovelle, ma thèse de doctorat d’État d’histoire. Pour cette recherche de longue haleine, les historiens visitaient généralement pendant plusieurs années des dépôts d’archives, où ils exhumaient, alternant enthousiasme et lassitude, des registres poussiéreux et difficilement lisibles, écrits il y a plusieurs siècles par des clercs, des greffiers ou des notaires, qui n’avaient jamais pensé que leurs grimoires pussent devenir documents historiques. J’avais fait un tout autre choix, prenant le pari d’interroger un document dont la destination historique était encore plus aléatoire, puisqu’il n’était pas conservé dans les archives et ne prenait pas la forme écrite. Je m’intéressais en effet aux ex-voto peints, petits tableaux remis en action de grâce dans un sanctuaire, par un donateur qui remerciait ainsi un saint ou une sainte d’une protection qu’il estimait avoir reçue. Ce geste de dévotion avait été fréquent en Provence, du xviie au xixe siècle, mais pour étudier ces petits tableaux, fallait-il encore les voir. Or la plupart d’entre eux avaient été déposés dans des chapelles rurales peu accessibles, et dont il n’existait aucun recensement. Bref, pendant que mes collègues travaillaient dans les dépôts d’archives, je sillonnais les routes de Provence, à la recherche des chapelles votives.
2Cette enquête de terrain, qui s’échelonna sur cinq ou six années, me permit de rassembler quatre mille photographies d’ex-voto. Pour analyser ces nombreuses images, à la fois comparables et différentes, j’établis une grille de traitement, appliquée à chaque tableau, puis saisie dans un ordinateur. Le traitement informatique de ces données me permit de procéder à une analyse quantitative du corpus, et de dégager, dans le temps long, des évolutions dans les représentations aussi bien des donateurs, et de leur environnement, que des protecteurs invoqués. De cette recherche est issue ma thèse Le miracle et le quotidien, soutenue en 1981, et publiée dans une version abrégée en 19831. J’en tirais aussi un autre ouvrage, et au fil des années, une trentaine d’articles et une contribution à sept catalogues d’exposition d’ex-voto. Estimant avoir épuisé ce que j’avais à dire sur les ex-voto, je me suis intéressé à d’autres recherches.
3Cependant, ces dernières années, quelques éléments nouveaux m’ont amené à revenir vers ces ex-voto. Tout d’abord l’évolution de la technologie. En effet l’apparition, puis la généralisation, de la photographie numérique, permettait d’envisager de conserver sur ce support des diapositives que j’avais prises naguère, en les numérisant. D’autre part le développement d’internet offrait la possibilité de mettre à la disposition du plus grand nombre ces photographies. Or un intérêt renouvelé se manifestait pour ces ex-voto, considérés désormais comme un élément du patrimoine. Afin de protéger ces traces fragiles du passé, des institutions (musées, archives) ou des associations ont procédé à des inventaires de tel ou tel sanctuaire, débouchant parfois sur une publication2. Disposant de temps libre, grâce à ma retraite, j’entrepris la numérisation de mes diapositives. Une fois le travail achevé, il s’avérait qu’un tiers du corpus, soit plus de mille trois cents documents, présentait une qualité technique suffisante pour pouvoir être montré sur le web. La collaboration avec Éric Carroll, ingénieur informaticien CNRS, rattaché au même laboratoire de recherche que moi3, permit de valoriser ces photographies, bien au-delà de la présentation d’une simple galerie d’images, en offrant l’opportunité à chaque visiteur du site4 de configurer son propre « mur d’ex-voto » à partir de plusieurs paramètres.
4En maniant cet outil permettant de faire apparaître côte à côte ces images votives, je m’aperçus que je les redécouvrais sous un jour en partie nouveau. Tel rapprochement, telle comparaison entre plusieurs tableaux apparaissaient pertinents. L’approche de ma thèse était fondée sur une analyse quantitative, que venaient illustrer quelques tableaux pris en exemple. Grâce au « mur d’image », c’est de visu, que l’on pouvait, à l’envie, ordonner ces images, selon le temps ou leur thématique. Les regarder ainsi, invitait à les montrer et à les décrire dans un livre, nécessairement abondamment illustré. Les Presses Universitaires de Provence m’en ont donné l’opportunité.
Notes de bas de page
1 Bernard Cousin, Le miracle et le quotidien. Les ex-voto provençaux, images d’une société, Sociétés, mentalités, cultures, Aix-en-Provence, 1983.
2 Voir orientation bibliographique en fin de volume.
3 UMR TELEMME (Aix Marseille Université – CNRS), Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, Aix-en-Provence.
4 Site web : exvoto.mmsh.univ-aix.fr. Ce site a été réalisé en 2014, à l’occasion des vingt ans du laboratoire TELEMME, à l’initiative de sa directrice d’alors, Maryline Crivello.
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